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Trop belle pour toiUn, deux, trois soleil

Saga Bertrand Blier

Merci la vie (1991)


MERCI LA VIE

classe 4

Résumé :

Les mésaventures de deux jeunes filles délurées, voleuses et pyromanes, prises dans des situations pittoresques et parfois loufoques.

unechance 7

Critique :

Curieux film que ce Merci la vie, construit de manière sinusoïdale, les moments agréables, presque géniaux, alternant avec des passages pénibles à suivre. Où l'on voit que Bertrand Blier n'a plus tout à fait le feu sacré, c'est que ses œuvres majeures se laissaient suivre avec un intérêt constant de la première à la dernière minute. Ici, le film s'avère trop inégal pour maintenir notre attention en permanence.

Alors, oui, il reste de jolis temps forts, omniprésents dans la première demi-heure, avec la rencontre entre nos deux péronnelles et Thierry Frémont, qui aboutit inéluctablement à une partie de jambes en l'air. Camille (Charlotte Gainsbourg) commence par aguicher le mâle avec une question : « Il paraît que les hommes ont quelque chose de dur dans le pantalon, tu veux nous le montrer ? »

Le jeune homme a sans doute des problèmes de vue puisqu'il affirme préférer Camille à Joëlle (Anouk Grinberg), mais il finit par les satisfaire à tour de rôle sur la banquette arrière de sa voiture. Comment résister à la vue d'Anouk Grinberg avec les cuisses écartées ? Dommage que cette scène plaisante en tous points n'ait pas eu beaucoup de petites sœurs par la suite.

On retrouve aussi toute la verve de Blier vers la fin du film, lorsque Camille, lors d'un retour en arrière, incite son père (Michel Blanc) à honorer sa mère (Catherine Jacob), afin qu'elle puisse naître ! Toujours du surréalisme, mais de qualité.

Mais entre-temps, que de scènes médiocres où l'on s'ennuie franchement ! En cause, le scénario. Si tant est qu'il y en est un, il est bien trop décousu, haché par des retours en arrière inopportuns et une alternance d'images en couleurs et en noir-et-blanc, procédé que je déteste.

En fait, le film est plombé par ces histoires bizarres de cinéma, de tournages de films, dans lesquelles on se distingue plus la réalité de la fiction. Le remplacement en cours de film de François Perrot par Didier Bénureau dans le personnage du réalisateur n'apporte rien, et serait même plutôt nuisible.

ladoublure 3

Comment s'intéresser à ce cocktail indigeste de scènes de tournages, de problèmes de syphilis et de SIDA, de Gestapo et d'Holocauste, sans aucun fil conducteur ? Il est clair qu'après un début encourageant, l'arrivée de Camille et Joëlle sur le plateau de tournage coïncide avec une baisse brutale de qualité.

La tonalité générale est alors la grisaille, avec quelques éclairs qui rappellent que c'est quand même un Blier, le temps d'une réplique bien sentie, d'un propos salace ou d'une scène bien leste comme le réalisateur en a le secret.

Faute de scénario pleinement convaincant, ce sont les acteurs qui vont sauver le film. Pour cette œuvre, souvent considérée comme un Valseuses au féminin avec son duo flamboyant de pétroleuses décomplexées, Blier mise sur la nouvelle génération. Deux jeunes actrices talentueuses sont en vedette, et les acteurs confirmés viennent en renfort pour les rôles secondaires.

Cependant, Merci la vie est loin de la qualité des Valseuses, et on a affaire à un duo et non un trio, car les deux jeunes filles ne trouvent pas l'équivalent en homme de Miou-Miou. En effet, ni Gérard Depardieu, ni Thierry Frémont ne peuvent être considérés comme des acteurs principaux, leur présence n'étant pas assez constante.

Bertrand Blier met en scène sa compagne de l'époque Anouk Grinberg, et sur ce point c'est une pleine réussite tant la belle Anouk est magnifiquement mise en valeur. Dotée d'un physique avantageux, jolie figure et corps bien proportionné, elle est d'autant plus remarquée que sa partenaire est Charlotte Gainsbourg, plus connue pour ses qualités de comédienne que pour son physique de vamp...

En homme amoureux, Blier filme Anouk sous toutes les coutures, et la jeune femme illumine le film par sa beauté et sa grâce. En short, en jupe, en pantalons ou avec des vêtements mouillés par la pluie qui mettent ses seins en valeur, et même totalement nue dans le final, lorsqu'elle monte dans le wagon de la Gestapo, c'est un festival d'images magnifiques, sublimes, dont les points d'orgue sont celles où l'on peut reluquer les jambes admirablement fuselées de la belle.

De sublimes gambettes, que ce soit en position debout ou en position horizontale, bien écartées lors des quelques scènes paillardes. La séduction d'Anouk n'est pas que visuelle, elle est aussi auditive, avec sa jolie voix, tellement sensuelle. Et comme ses qualités d'actrices sont à la hauteur de son physique, on peut regretter que le César de la meilleure actrice ne lui ait pas été attribué, car il aurait été mille fois mérité.

Dans ses films précédents, Bertrand Blier avait filmé nombre de personnages de garces, mais cette fois-ci, Joëlle/Anouk Grinberg relève plus du registre de la femme fatale, de l'ingénue qui affole les hommes par son côté à la fois femme-femme et femme-enfant.

Grinberg dispose d'une partenaire de choix avec le jeu bien rodé de Charlotte Gainsbourg, naturellement calibré pour les délires à la Blier. Charlotte Gainsbourg fait du Charlotte Gainsbourg, avec sa moue renfrognée et sa diction particulière et nonchalante. Rester soi-même tout en se montrant convaincante dans un film de Bertrand Blier : vraiment, la fille du beau Serge mérite elle aussi un grand coup de chapeau.

Comme toujours, Blier sait attirer des acteurs de grande qualité, même pour les rôles secondaires. A commencer par Jean Carmet dans le rôle du père de Camille âgé, justement récompensé par un César, et par le non moins fameux Michel Blanc, interprète du père de Camille jeune. Citons aussi Annie Girardot, qui joue la mère de Camille âgée, Jean Rougerie en médecin légiste et Jean-Louis Trintignant, étonnant en officier SS tortionnaire.

Le final me laisse la même impression mitigée : sentiment de n'importe quoi avec l'intervention intempestive des SS et l'histoire ridicule de l’œil arraché, mais aussi réflexion philosophique intéressante sur les avantages et les inconvénients des différentes époques : pendant la guerre, il y avait la Gestapo mais pas le SIDA, et inversement de nos jours. A chaque époque ses fléaux...

Anecdotes :

  • Blier perd à nouveau un million de spectateurs, se stabilisant au million, ce qui est tout de même deux fois moins que pour son film précédent : l'adhésion de la profession et des milieux intellectuels s'accompagne en toute logique d'une désertion du « grand public ».

  • Beaucoup de nominations aux César pour ce film, mais seul Jean Carmet fut récompensé.

  • La scène du passage d'une patrouille allemande a été tournée à Olargues, dans l'Hérault. Une habitante du village a eu un malaise en entendant les bruits de bottes, preuve des mauvais souvenirs laissés par l'Occupation.

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Le Bruit des GlaçonsLes Valseuses

Saga Bertrand Blier

Si j'étais un espion (1967)


SI J'ÉTAIS UN ESPION

classe 4

Résumé :

Parce qu'il a eu comme client un espion en fuite, un médecin de quartier est entraîné dans une aventure dangereuse, forcé d'obéir aux ordres d'agents ennemis qui menacent la vie de sa fille s'il refuse de coopérer.

unechance 7

Critique :

Ce premier long métrage en noir-et-blanc n'est pas caractéristique du style de son auteur. Bertrand Blier n'a pas encore trouvé le style particulier qui fera son succès dans les années 70. Rien que de logique, la marque de fabrique Blier ne pourra s'épanouir que dans le contexte de libération tous azimuts qui suivra les événements de l'année 1968.

Pour autant, cette histoire d'espionnage, bien ancrée dans la France conformiste des années 60, ne manque pas d'attraits.

Au-delà de l'intrigue, typique des histoires d'espions alors en vogue, la particularité du film est de créer un doute au sujet du personnage de Jean Lefèvre, le médecin incarné par Bernard Blier. Au début du film, on a l'impression que Lefèvre est un quidam lambda. Mais sa façon de se défendre, particulièrement maladroite, va semer le doute, et plus le temps passe, plus on en vient à se demander si, au fond, le docteur ne serait pas un espion.

ladoublure 3

L'habileté du scénario permet aussi bien à la thèse du brave homme innocent qu'à celle de l'espion machiavélique, de demeurer possibles jusqu'au dénouement. Exemple : le fait que Lefèvre aille consulter un avocat en début de film pour tenter de trouver une explication à ses déboires peut laisser penser qu'il est totalement étranger au monde de l'espionnage.

Mais on peut voir les choses sous un autre angle, et supposer au contraire qu'il s'agit de sa part de l'habileté suprême. Se sachant surveillé, Lefèvre a très bien pu aller chez son avocat pour accréditer aux yeux de ceux qui épient ses moindres mouvements la thèse du paisible médecin de quartier, dépassé par cette étrange aventure. Cette double lecture peut s'appliquer à l'ensemble des scènes du film, et c'est ce qui fait son charme.

Le duel implacable entre Lefèvre et Matras, l'espion chargé de ne pas quitter Lefèvre qu'une semelle, constitue le fil rouge du film et permet de maintenir l'intérêt jusqu'au dénouement. Bernard Blier et Bruno Crémer, époustouflants, prouvent une nouvelle fois l'étendue de leur talent. 

Les deux hommes finissent d'ailleurs par éprouver une sorte de sympathie réciproque, flagrante de la part de Crémer, et confirmée dans le final. Il semble que Matras ait compris qu'en réalité, Lefèvre est un espion exceptionnel, qui joue habilement une partie difficile afin de s'en sortir sans être démasqué tout en protégeant la vie de sa fille, et ceci force son respect, d'où la certaine admiration qu'il semble éprouver pour lui.

Car les scènes finales ne laissent guère de doute. Lefèvre semble envoyer un message à Guérin, par l'intermédiaire de la maîtresse de ce dernier (Suzanne Flon). Et comme par hasard, on retrouve Guérin mort à l'arrivée de Lefèvre et Matras. Matras a alors un commentaire révélateur envers Lefèvre : « Cela vous arrange aussi, non ? ». Pour Matras, il est alors évident que Lefèvre a dû faire assassiner Guérin avant son arrivée, afin de se protéger. Et lorsque Matras ramène la fille de Lefèvre, son attitude semble vouloir dire au sujet du docteur : « C'était difficile, mais tu as réussi. Chapeau, l'artiste ! »

Hormis Bernard Blier et Bruno Crémer, la distribution mêle acteurs confirmés, tels Suzanne Flon et Claude Piéplu, malheureusement sous-employés, et comédiens peu connus pour la plupart transparents, à l'image de Patricia Scott, banale dans le rôle de Sylvie Lefèvre.

Bertrand Blier fait donc de bons débuts mais, probablement en raison de l'insuccès du film, il devra patienter sept ans avant de poursuivre sa carrière de metteur en scène.

Anecdotes :

  • Avec 77000 entrées, le film est un énorme échec commercial, qui faillit faire avorter la carrière de Bertrand Blier dès son départ.

  • La musique est signée Serge Gainsbourg.

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Veronika décide de mourir (Veronika decides to die, 2009, 2)

 

Résumé :

 

A New York, Veronika, jeune femme à qui tout semble se lasse d’une vie qu’elle trouve absurde et ennuyeuse. Un soir elle ingère une dose mortelle de médicaments, mais se réveille dans un étrange institut psychiatrique, dirigé par un médecin non conventionnel. Celui-ci lui apprend que sa tentative de suicide a gravement affaibli son cœur et qu’elle n’a désormais plus que quelques semaines à vivre. Dès lors elle reprend goût à l’existence, tout en se liant à un autre patient, demeuré silencieux depuis des années.

 

Critique :

 

Veronika décide de mourir apparaît comme un film non dépourvu d’éminentes qualités, mais souffrant de grands déséquilibres et d’une approche parfois naïve de la psychologie des personnages. Ainsi le film frappe d’emblée très fort avec la scène inaugurale du suicide entrepris par Veronika, film avec une froideur clinique ajoutant encore à l’horreur profonde de l’entreprise. Mais les causes de ce passage à l’acte ne se voient nullement explicites, hormis un bref préambule très passe partout quant à l’absurdité de l’existence. Or l’on sait bien que les parcours menant au suicide sont toujours intimes, variant d’un individu à l’autre.

 

Ce flou n’est pas seulement dommageable en soi, car pour l’essentiel, le film se consacre à la narration de la renaissance d’une Veronika retrouvant goût à la vie. Mais l’absence du diagnostic des racines profondes du drame entraîne mécaniquement que sa résolution ne peut elle aussi que se cantonner à des clichés. Et de fait les rencontres avec le psychiatre ou les autres patients se résument à quelques poncifs : prendre sur soi pour trouver un sens à sa vie, s’ouvrir au monde, etc. L’ensemble demeure très naïf, avec un vision rose bonbon d’un asile psychiatrique, où les patients tiennent de remarquables discours littéraires et font infailliblement preuve de sagesse. Citons la subtile conclusion du psychiatre : « je pense que la meilleure thérapie contre le suicide est de retrouver goût à la vie ». Pas mieux.

 

Que Veronika s’en sorte en trouvant d’un coup d’un seul le grand amour chez l’un d’entre eux résulte désarmant de mièvrerie, alors que les fêlures profondes menant au suicide sont toujours autrement difficiles à guérir. Il reste aussi dommage que l’unique film de Sarah Michelle Gellar à être mis en scène par une réalisatrice tombe les deux pieds joints dans le cliché assez machiste selon lequel une femme a besoin de vivre en couple pour pleinement s’épanouir. Cela guérit également le muet, deux miracles pour le prix d’un seul. Manifestement, la vie de Veronika attendait ce sauveur pour réellement débuter, peut-être cette idée éculée passe-t-elle mieux dans son substrat littéraire, ici cela semble bien maladroit.

 

D’autres naïvetés sont à pointer comme le stratagème mis au point par le psychiatre, présenté comme un twist à la fin du film, alors que l’on avait immédiatement compris le pot aux roses. De même, alors que Veronika avait dénoncé les « zombies du métro ayant renoncé à leurs rêves », de retour chez elle avec son amoureux tout y est devenu lumineux et souriant. Que la réalité se soit améliorée à l’unisson de son état d’esprit est absurde, il aurait été plus pertinent de la confronter à un réel demeuré tristement banal. Tout le film est de la même eau, avec un déroulement longuet de débats souvent irréalistes et d’un intérêt inégal, jusqu’à une résolution miraculeuse de la crise, au romantisme évoquant la collection Arlequin. On lui reconnaîtra toutefois l’important mérite de n’avoir jamais sombré dans le pathos. 

 

Et pourtant le film ne manque pas d’intérêt. La réalisatrice anglaise Emily Young fait preuve d’un vrai sens de l’image, notamment lors de passages clef telles la tentative de suicide ou la scène onirique se déroulant durant le coma de Veronika (le passage où elle se trouve sur la barque rappellera d’ailleurs Scully dans One Breath aux amateurs des X-Files). Le même soin se voit apporté à la photographie et aux décors. Le film parle toujours agréablement à l’œil jusqu’à parfois courir le risque de la préciosité, mais sans jamais y céder. On apprécie également le grand apport de la musique toujours aussi évocatrice de Murray Gold. Celle-ci a également le bon goût de magnétiquement habiller des scènes muettes sans jamais empiéter sur les dialogues.

 

La distribution se montre de qualité, même si le film, exclusivement centré sur Veronika, réduit souvent les autres rôles à des silhouettes. Le principal atout de Veronika décide de mourir demeure bien la fascinante prestation de Sarah Michelle Gellar, totalement immergée dans le personnage. Veronika, rôle de la maturité, permet de mesurer pleinement le chemin parcouru  par l’actrice durant cette quinzaine de films, depuis la Scream Queen à percutante des débuts. Au sommet de son art l’actrice embrasse pleinement l’humanité, tourmentée puis rayonnante, de Veronika. Elle accomplit l’exploit d’apporter une âme authentique à ce film par ailleurs continuellement superficiel et naïf dans son approche du suicide au féminin.

 

Un magnifique manière de conclure une filmographie où, après les succès initiaux, la superbe et talentueuse actrice aura manifesté la louable  ambition d’opter pour les rôles plus complexes et forts que lui proposait le cinéma indépendant. Inévitablement la qualité des œuvres varie, mais l’ensemble présente un intéressante variété de styles et de thèmes, un parcours à redécouvrir !

 

Anecdotes :

 

Le film est une adaptation d’un best-seller de l’écrivain brésilien Paulo Coelho, publié en 1998.

 

Le roman avait déjà été adapté au cinéma en 2005 au Japon, par Kei Horie.

 

Veronika décide de mourir fut présenté au festival de Cannes, le 16 mai 2009.

 

Veronika décide de mourir, film indépendant, reçut un accueil critique mitigé, mai enthousiaste concernant la prestation de Sarah Michelle Gellar.

 

Le film parvient à sortir en salles dans divers pays, mais connut un échec commercial, rapport 1,3 millions de dollars pour un budget de 9 millions.

 

En France le film est sorti directement en DVD, en mai 2010.

 

Gillian Anderson et  Katherine Fugate avaient vainement tente de produire le film en 2003.

 

Accordant une grande place au piano, la bande son fut très largement l’œuvre du Britannique Murray Gold. Celui-ci est notamment connu pour composer celle de Doctor Who depuis le redémarrage de cette série, en 2005. La réalisatrice anglaise Emily Young avait déjà travaillé avec lui lors de son premier film,  Kiss of Love. en 2003.

 

Le tournage s’est déroulé à New York, de mai juin 2008. L’action s’y déroule, alors que dans le roman elle prenait place à Ljubljana, en Slovénie. La famille de Veronika demeure toutefois slovène.

 

Après ce film la carrière de Sarah Michelle Gellar connut une césure, l’actrice désirant se consacrer à son premier enfant, Charlotte, née le 19 septembre 2009. Deux ans plus tard elle reprend son activité, mais se centre désormais sur la télévision, peut-être déçue par l’accueil réservé à ses films.

Notre histoireTrop belle pour toi

Saga Bertrand Blier

Tenue de soirée (1986)


TENUE DE SOIRÉE

classe 4

Résumé :

Bob, un cambrioleur à forte personnalité, propose à Monique et Antoine, un couple désargenté, de partager ses aventures et le produit de ses vols. Bob est amoureux d'Antoine, mais ce dernier n'est pas attiré par les hommes. Qu'importe ! Bob est un dur et entend bien faire sa conquête, avec l'assentiment de Monique. La jeune femme, peu désireuse de renoncer aux avantages financiers procurés par l'association avec Bob, suggère à son compagnon de se montrer conciliant avec l'ami qui a transformé leur vie...

unechance 7

Critique :

Une chose est sûre avec Bertrand Blier, c'est que le désir de faire bouger la société en matière de mœurs, nettement décelable dans la plupart de ses films, ne l'a pas empêché de bien évaluer jusqu'où il pouvait aller, en fonction de l'évolution des mentalités.

Ainsi, ses films des années soixante-dix avaient beau être très osés pour l'époque, il avait pris soin de ne pas aborder frontalement un sujet encore tabou comme l'homosexualité. Certes, dans Les Valseuses, il y avait une relation entre Depardieu et Dewaere, mais il s'agissait d'une anecdote de deux minutes, pas du sujet du film, qui était tout autre.

En ce milieu des années quatre-vingts, après le coup d'accélérateur donné par la gauche au pouvoir, qui a amplifié les brèches ouvertes par mai soixante-huit, Blier sent que le moment est venu de faire un film centré sur l'homosexualité, que le public est désormais ouvert à une histoire de ce genre.

Ceci ne veut pas dire qu'il ne prend aucun risque, il a dit lui-même qu'il aimait bousculer un peu son public tout en le distrayant. Il ne s'attend pas à ce que son film passe comme une lettre à la poste, sans la moindre réprobation, dans une société totalement apaisée sur le plan des mœurs.

L'opprobre des milieux conservateurs et traditionalistes demeure, mais le tabou est tombé, et l'heure est venue de pouvoir tourner un film sur l'homosexualité sans risquer l'interdiction ni l'hostilité de la majorité du public.

N'ayons pas peur des mots, Tenue de Soirée est une splendide réussite. Après le décevant Notre Histoire, Bertrand Blier a retrouvé toute sa verve, tout son talent. Le résultat, c'est un scénario en béton, inventif, passionnant, d'une linéarité exemplaire, magnifiquement relevé par des dialogues renouant avec la grande tradition «blierienne ».

C'est probablement sur ce film que Blier atteint son sommet en matière de dialogues. Entreprendre le recensement exhaustif des répliques les plus savoureuses serait interminable, mais on peut illustrer leur tonalité par ces quelques exemples :

« Une maison dans la nuit, c'est comme une femme au lit, ça a des abandons, ça se retourne, ça gémit. Et quand ça gémit, moi je m'introduis. »

-Attendez ! Je remets ma culotte...

-C'est pas la peine, y'a pas de mouches en hiver !

-Pourquoi tu m'as vendu ?

-Parce que je suis un voyou. Un voyou, ça trahit, ça n'existe pas la noblesse du voyou. Un voyou, c'est pourri ! Et les parents du voyou, ils meurent de chagrin.

ladoublure 3

Un véritable feu d'artifice, et quand des dialogues aussi inspirés sont déclamés par des acteurs en état de grâce, ce sont les spectateurs qui montent au septième ciel.

Justement, les acteurs, ils ne furent pas difficiles à trouver. Tenue de Soirée est le dernier volet de la trilogie entamée avec Les Valseuses et poursuivie avec Préparez vos Mouchoirs. Trilogie de films, mais aussi trio de comédiens. Blier affectionne les histoires à trois personnes, deux hommes et une femme.

Pour conclure la trilogie, Gérard Depardieu, Miou-Miou et Patrick Dewaere s'imposaient, sauf que Patrick Dewaere nous avait déjà quittés. Pour le remplacer, Bernard Giraudeau est sollicité, mais n'est pas disponible. Le choix final de Michel Blanc pour remplacer Dewaere s'est avéré magistral.

Il est heureux que Giraudeau ait été pris par d'autres tournages car, franchement, je ne le voyais pas, mais alors pas du tout, faire l'affaire pour sortir d'un air parfaitement naturel les dialogues crus de Bertrand Blier. Giraudeau n'était pas fait pour ce type de rôles, le résultat aurait été certainement aussi mitigé qu'avec Nathalie Baye sur Notre Histoire, voire pire. Tandis que Michel Blanc...

Avec ses amis du Splendid, puis avec divers metteurs en scène, Blanc avait déjà prouvé qu'il était un acteur de très haut niveau, un des tous meilleurs, et un des rares à pouvoir se comparer sans complexe à Dewaere ou Depardieu.

Et comme Miou-Miou et donc Gérard Depardieu se montrent eux aussi fantastiques, excellentissimes, la combinaison d'un scénario explosif, de dialogues truculents et d'acteurs extraordinaires produit un film d'anthologie, qui atteint le niveau de ses illustres prédécesseurs.

Entre Bob et Antoine, c'est un jeu subtil qui s'installe. Antoine ne se sent pas de dispositions particulières pour l'homosexualité, mais le travail de sape méthodique de Bob, parallèle à la cruauté mesquine de Monique, finit par enfoncer des brèches dans son mur du refus. Il faut dire que Bob est un beau parleur. Il proclame son amour avec une telle poésie qu'Antoine finit pas être touché, puis retourné. Souvenons-nous de quelques phrases clés :

« Je vais le cambrioler, ton cœur. »

« Regarde-toi dans mes yeux et tu te trouveras sublime. »

« Ta honte, je la transforme en bonheur, j'en fait un bouquet de fleurs. »

Au milieu de ce duo masculin, Miou-Miou est tout aussi épatante dans son rôle de garce intégrale qui ne s'en laisse pas compter. Décidément, le monde est mal fait pour nos trois amis : Bob aime Antoine, mais Antoine n'a d'yeux que pour Monique, et cette dernière préférerait le solide Bob au fragile Antoine.

Tout change lorsque Antoine finit par céder aux avances de Bob. Alors, Monique devient indésirable, reléguée au rang de servante des deux tourtereaux, de domestique traitée sans ménagement. Tant et si bien qu'elle finit par partir avec un souteneur, d'ailleurs ami de Bob, qui lui a « vendu » Monique en sous-main.

La richesse de la distribution est une tradition avec Bertrand Blier, même pour les rôles secondaires. On veut des preuves ? En voilà ! Et d'une, le génial Jean-Pierre Marielle, qui forme avec une excellente Caroline Sihol un couple de bourgeois oisifs et dépressifs. Aussi, lorsqu'il surprend les trois cambrioleurs en action dans sa belle maison, il tente d'exploiter la situation et... leur propose une partouze ! Du sur mesure pour un acteur comme Marielle...

Et de deux avec Bruno Crémer qui retrouve, onze ans après L 'Alpagueur de Philippe Labro, un rôle d'homosexuel repoussant, protecteur haut-placé de Bob depuis sa sortie de prison. Cette crapule de Bob n'a pas hésité à lui « vendre » Antoine pour une soirée !

Et de trois avec Michel Creton, le maquereau espagnol prénommé Pedro, à qui Bob (c'est une manie chez lui...) cède Monique, en échange d'un gros paquets de billets de banque.

Et de quatre avec la sympathique apparition de Mylène Demongeot en victime d'un cambriolage, épouse de Jean-François Stévenin. Le jeu de Demongeot s'est nettement amélioré depuis ses débuts au cinéma, comme le prouve sa façon très convaincante de répondre à Antoine :

« Mon pognon, il est pas pour ta gueule ! »

La seule (relative) baisse d'intensité a lieu lors des dernières scènes. Cette partie finale paraît assez déconnectée de tout ce qui précède. Il ne s'agit pas d'une maladresse, mais d'une conséquence de la médiatisation du SIDA, qui a débuté alors que Bertrand Blier écrivait le scénario, et qui l'a poussé à modifier la fin du film.

Blier a souhaité écrire une fin qui ne portait aucun jugement sur ses personnages, afin de ménager les susceptibilités, à une époque où le SIDA était jugé par certains comme une « punition divine ». Déjà réputé misogyne, sans doute ne tenait-il pas à être taxé d'homophobie. Il échappera à cette accusation grotesque sur ce film, mais pas pour sa participation au scénario de Pédale Dure quelques années plus tard...

Ce final est moins extraordinaire que ce qui précède, mais est loin d'être mauvais pour autant, avec encore des dialogues percutants et surtout Depardieu et Blanc très amusants habillés en femmes.

On retiendra aussi que Tenue de Soirée est un film très drôle, mais alors vraiment très, très drôle, avec en prime de beaux moments d'attendrissement. Une œuvre majeure de Bertrand Blier, et le dernier de ses chefs-d’œuvre avant qu'il ne devienne plus inégal.

Anecdotes :

  • Avec plus de trois millions de spectateurs, le succès est au rendez-vous puisqu'il s'agit de la meilleure performance de Bertrand Blier en dehors des Valseuses.

  • L'affiche du film a beaucoup fait parler d'elle, et son côté provocateur a pu contribuer au succès populaire, même si cette réussite est essentiellement assise sur le bouche-à-oreille et les qualités intrinsèques de l’œuvre de Blier.

  • Serge Gainsbourg signe une belle musique essentiellement romantique lors du jeu de séduction entre Bob et Antoine, et parfois rythmée, et très typique de son univers, comme dans la dernière scène de bal.

  • Preuve d'une évolution certaine de la société, le film est seulement interdit aux moins de douze ans à sa sortie, et sera même diffusé à la télévision à 20 heures 40 grâce à l'autorisation donnée par Jack Lang, alors ministre de la culture.

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La femme de mon poteTenue de soirée

Saga Bertrand Blier

Notre histoire (1984)


NOTRE HISTOIRE

classe 4

Résumé :

La descente aux enfers d'un homme alcoolique et dépressif, qui part vivre avec une femme aussi déboussolée que lui. Donatienne s'était offerte à lui dans un train sans intention de poursuivre l'aventure, mais Robert va s'incruster chez elle contre son gré.

unechance 7

Critique :

Première baisse de régime sérieuse pour Bertrand Blier avec cette histoire, « leur histoire » (mais pas la mienne...), et une histoire mi-figue, mi-raisin, dont on ne sait trop quoi penser. Autant les films précédents de Blier étaient construits sur des bases solides, autant ici on a l'impression de patauger dans des sables mouvants.

Le style adopté d'emblée s'avère déconcertant. Les personnages principaux racontent leur histoire tout en la vivant. De prime abord, c'est moins gênant que dans Beau-Père car, cette fois-ci, ils ne racontent pas au spectateur mais à leur partenaire, mais ces multiples « c'est une histoire de... » ou « c'est une histoire qui... » deviennent vite lassants.

Le concept même du film est déjà peu attirant, mais la distribution est trop contrastée pour être pleinement satisfaisante. On connaît l'importance du choix des comédiens dans les œuvres de Bertrand Blier, dont les aspects surréalistes nécessitent des acteurs hors normes.

Alors, ne tournons pas autour du pot : le choix de Nathalie Baye pour interpréter Donatienne Pouget n'apparaît pas judicieux. Certes, cette actrice montrera un talent certain dans des films comme Le Retour de Martin Guerre ou La Balance. Elle était en vogue en cette décennie quatre-vingt et avait déjà tenu un petit rôle dans Beau-Père de Blier, ce qui explique sans doute ce choix.

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Néanmoins, tout comme Jacques Rispal, pourtant bon comédien, n'avait pas fait l'affaire sur Buffet Froid, et avait été remplacé par Michel Serrault, Nathalie Baye est visiblement trop juste pour entrer totalement dans l'univers particulier de Blier. Lorsqu'on regarde Notre Histoire et qu'on imagine ce qu'une véritable actrice d'exception, une Isabelle Huppert ou une Miou-Miou, aurait pu faire dans le rôle de Donatienne, on ne peut qu'être pris de regrets.

Pour le personnage de Robert Avranches, le garagiste buveur de bière et complètement à la dérive, le choix d'Alain Delon me paraissait risqué. Je pensais que Delon aurait du mal à s'accommoder des délires de Blier. J'avais tort car il est finalement convaincant dans ce rôle à contre-emploi d'anti-héros.

Voici une preuve supplémentaire du fait que les monstres sacrés peuvent tout jouer, se montrer parfaitement à l'aise dans n'importe quel rôle. Le problème est que le duo vedette ne comporte qu'un monstre sacré et non deux, d'où un film condamné à rester bancal.

Heureusement, on a aussi quelques acteurs de seconds rôles particulièrement en verve, à commencer par Michel Galabru, étonnant en voisin très porté sur les propos salaces. Citons aussi Michel Peyrelon, Geneviève Fontanel, Nathalie Nell et l'amusante Sabine Haudepin en jeune femme à la recherche d'un amant, et dont aucun homme ne veut.

Avec les acteurs, l'autre élément essentiel des films de Bertrand Blier est bien entendu le scénario. Et sur ce point aussi, c'est une déception. Je trouve que dans ce film, le cinéaste commence à s'auto-caricaturer. A trop vouloir faire de l'original à tout prix, même lorsqu'on se trouve peu inspiré, on aboutit à un scénario fade, plat, et qui tourne vite en rond.  Même remarque pour les dialogues, où l'on ne retrouve que de façon sporadique la verve légendaire de Blier.

La première partie du film est acceptable, mais à partir de l'intrusion des voisins, cela devient n'importe quoi, malgré le grand numéro de Michel Galabru. Autant Buffet Froid s'appuyait sur une certaine logique, et même une logique certaine dans ses délires, autant ce Notre Histoire n'en a aucune, ou alors je ne l'ai pas saisie.

Plus on avance et plus le film se délite, jusqu'à ces scènes finales étranges où, après le départ de Donatienne, Robert la retrouve sous les traits de deux autres femmes qui croisent successivement son chemin, dont sa propre épouse.

Si le but était de montrer que Robert, empêtré dans son obsession, voyait désormais Donatienne partout, dans un exercice perpétuel de rêve éveillé, j'aurais souhaité que ce soit clairement explicité, mais au contraire on nous laisse dans le vague, l'imprécision. Une illustration supplémentaire du fait que le flou est bel et bien la principale caractéristique de ce film.

Pourtant, le sujet abordé, la rencontre entre un homme et une femme tous deux en perdition, l'alcoolique paumé et la nymphomane à qui l'on a retiré la garde de ses enfants, était prometteur, mais avec la façon dont il a été traité, la mayonnaise n'a pas pris. J'ai l'impression que, sur ce film, Bertrand Blier a quelque peu abandonné le cinéma populaire, mais de qualité, pour se fourvoyer dans un pseudo-intellectualisme de mauvais aloi, et ce n'est évidemment pas ce que j'attendais de lui.

Même le retour d'aspects paillards, avec des allusions sexuelles omniprésentes, n'arrive pas à rendre le film captivant, et en définitive il restera un jalon mineur dans la carrière de Blier. Certainement son film le moins intéressant, sitôt vu, sitôt oublié, à moins qu'il ne subsiste un arrière-goût de malaise face à tant d'aspects déconcertants.

Anecdotes :

  • Une grande partie du film a été tournée à Cluses, en Haute-Savoie. Sans doute aurait-il été judicieux de changer radicalement de cadre, après le tournage également en montagne de La Femme de mon Pote.

  • Alain Delon a obtenu le César du meilleur acteur pour ce rôle de Robert Avranches, et Bertrand Blier celui du meilleur scénario et dialogues. En toute logique, il se trouve récompensé par la profession pour son film le moins populaire et le plus « intello ».

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