La Quatrième Dimension(1959-1964) Saison 5 1. Amour paternel (In Praise of Pip) 3. Cauchemar à 20000 pieds (Nightmare at 20,000 Feet) 4. Une curieuse montre (A Kind of a Stopwatch) 5. La Dernière nuit d'un jockey (The Last Night of a Jockey) 6. La Poupée vivante (Living Doll) 7. Le Vieil homme dans la caverne (The Old Man in the Cave) 9. Sonde 7 - Fort et clair (Probe 7 - Over and Out) 10. Les Fantômes du septième de cavalerie (The 7th is Made Up of Phantoms) 11. La Fontaine de jouvence (A Short Drink from a Certain Fountain) 12. Le rythme du Temps (Ninety Years Without Slumbering) 13. Retour en force (Ring-a-Ding Girl) 14. Prends le volant (You Drive) 15. Un lointain lendemain (The Long Morrow) 16. Le Recyclage de Salvadore Ross (The Self-Improvement of Salvadore Ross) 17. Portrait d'une jeune fille amoureuse (Number Twelve Looks Just Like You) 18. Les Blousons noirs (Black Leather Jackets) 19. Appel nocturne (Night Call) 20. Très affectueusement, Agnès (From Agnes - With Love) 21. L'Espace d'un moment (Spur of the Moment) 22. La Rivière du hibou (An Occurrence at Owl Creek Bridge) 23. La Reine du Nil (Queen of the Nile) 24. Qu'est-ce qu'il y a à la télé ? (What's in the Box?) 26. Un matin noir (I Am the Night - Color Me Black) 27. Chut ! (Sounds and Silences) 28. César et moi (Caesar and Me) 29. La Chambre de la mort (The Jeopardy Room) 30. Étape dans une petite ville (Stopover in a Quiet Town) 31. La Rencontre (The Encounter) 32. La Résurrection (Mr. Garrity and the Graves) 33. Automatisation (The Brain Center at Whipple's) 34. L'Homme à la guitare (Come Wander with Me) 35. Qui a peur de qui ? (The Fear) Cette ultime saison souffre d'un certain relâchement de l'inspiration chez Serling, qui peine à se renouveler après tant d'épisodes écrits quasi consécutivement. Toujours plus gravement malade, Charles Beaumont a dû par ailleurs se retirer, même s'il demeure crédité grâce à deux auteurs se prêtant au jeu : Jerry Sohl et John Tomerlin. L'anthologie renoue cependant avec son format court coutumier et les apparitions de Serling au sein des décors, tandis qu'elle produit encore plusieurs épisodes remarquables. Toutefois, elle ne retrouve pas l'innovation et la profondeur des premières saisons, tandis que ses meilleurs réalisateurs sont partis. Préférant jouer la carte de la nouveauté et craignant l'usure de la formule, CBS décide au début de 1964 de ne pas renouveler la série, à la vive irritation de Serling. Il est vrai que les audiences demeurent correctes, même si elles connaissent une décrue. Elles continuent en tout cas à se situer suffisamment haut pour intéresser la concurrente ABC qui propose à Serling de diriger une nouvelle anthologie fantastique, quoique plus axée sur les thèmes traditionnels (Witches, Warlocks and Werewolves). Mais Serling a son propre projet, dans la continuité directe de La Quatrième Dimension (Rod Serling's Wax Museum), et les deux parties ne parviennent pas à s'accorder. Ainsi prend fin l'aventure de ce premier segment de The Twilight Zone, qui compte encore un demi-siècle plus tard parmi les références absolues du genre. Une première renaissance va s'opérer en 1983 à l'occasion de l'adaptation au cinéma de quatre célèbres épisodes. 1. AMOUR PATERNEL Date de diffusion : 27 septembre 1963 Résumé : Un bookmaker douteux s'inquiète beaucoup pour son fils engagé au Vietnam. Un jour, il apprend que celui-ci est grièvement blessé, voire mourant. Après avoir affronté son employeur pour sauver un autre jeune, il supplie qu'il lui soit permis d'échanger sa vie contre celle de son fils... Critique : La dernière saison de The Twilight Zone débute la veille même de la seconde des aventures de John Steed et Cathy Gale. À cette occasion, on retrouve avec plaisir ce format court ayant tant contribué au succès de l'anthologie, de même que les présentations d'un Rod Serling échappé de son décor gris pour enfin retrouver celui de l'épisode. Malheureusement, les réjouissances tournent court car la nouvelle période débute par un opus tout à fait mineur. La fibre pacifiste bien connue de Serling s'exprime de nouveau, et pour la première fois - signe des temps - à propos du Vietnam, mais donne ici seulement lieu à un récit minimaliste et démonstratif au possible. Son étonnante naïveté et ses effets faciles n'ont d'égal que la prévisibilité absolue de la chute. Amour paternel n'échappe à la vacuité que par le jeu du toujours formidable Jack Klugman, qui apporte une nouvelle fois une vibrante humanité à son personnage. On regrette cependant de découvrir le jeune Bill Mumy en un enfant lénifiant au possible, lui qui incarna le monstre inoubliable de C'est une belle vie. Newman parvient par ailleurs à réaliser des plans joliment suggestifs, à la fête foraine ou dans le labyrinthe des miroirs, des lieux bien balisés mais produisant toujours leur effet. Il n'en demeure pas moins évident que son récit mélodramatique, au premier degré absolu, fait de cet épisode sirupeux une entame médiocre, voire inquiétante, pour cette cinquième saison. Le parc d'attractions est Pacific Ocean Park, où fut également tourné le final du Fugitif. Acteurs : Jack Klugman (1922-2012) débuta à Broadway avant de participer à de nombreux classiques du cinéma (Douze hommes en colère, 1957 ; Le jour du vin et des roses ; 1962, Goodbye, Columbus, 1969...). Il reste néanmoins surtout connu pour ses rôles récurrents à la télévision : The Odd Couple, 1970-1975 et Quincy, 1976-1983... Klugman joue également dans de nombreuses autres séries : Les Incorruptibles, Le Virginien, Le Fugitif... Il apparaît dans quatre épisodes : Un coup de trompette, Le joueur de billard, Le vaisseau de la Mort, et Amour paternel. Date de diffusion : 4 octobre 1963 Résumé : Dans un futur proche, les combats de boxe sont seulement autorisés entre robots. Sam Kelly, un ancien boxeur, s'est reconverti et est devenu propriétaire d'une machine mais les affaires vont mal. A court d'argent, et son modèle, usé et périmé, étant tombé en panne avant un affrontement crucial, il décide de s'y substituer en secret... Critique : Matheson développe ici une histoire différente de ses coutumières fables étranges, à la chute renversante. Son propos pourrait sembler assez classique autour du thème ultra balisé des robots, il n'en est rien. En effet, assisté par l'éblouissante prestation de Lee Marvin, Matheson a l'intelligence de s'intéresser avant tout à l'humain ; la machine, contrairement à de nombreux récits de l'époque, ne composant ici qu'un prétexte. Le récit, particulièrement riche, développe un éloge du courage et de la volonté, illustrant avec sensibilité mais sans pleurnicherie qu'il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, éventuellement jusqu'à la déraison. On y distingue une description également admirablement ambivalente et acérée du Noble Art, entre héroïsme des combattants, dureté des affrontements, et férocité du public. Derrière la parabole des robots obsolètes, Matheson évoque le destin des boxeurs (mais aussi de tous les métiers) évacués sans ménagement après une fugitive heure de gloire pour laisser la place à la nouveauté. Un saisissant portrait, quoique déjà traité dans Le Vœu magique. L'anthologie aurait d'ailleurs bien de mal à innover, alors que l'on a dépassé les 120 épisodes ! L'interprétation saisissante de conviction de Marvin (ancien boxeur lui-même) trouve un écho dans l'excellence des seconds rôles (notamment Joe Mantell). La pertinente mise en scène du vétéran Don Weis, aidé par de superbes et emblématiques morceaux de jazz, sait développer une suggestive ambiance de film noir, convenant idéalement à Marvin. La réalisation du combat se montre également finement maîtrisée. On s'amuse de voir l'année 1974 décrite comme le futur, avec d'ailleurs un environnement urbain tout à fait semblable à celui du début des années 60. Mais l'essentiel de l'épisode ne se situe pas à ce niveau. L'androïde apparaît saisissant d'humanité, mais c'est le grimage du héros en robot qui rend absolument troublante la convergence du mécanique et du vivant. Conte sensible et profond, à la conclusion certes prévisible, Steel démontre que cette proximité des deux règnes suscite de fécondes situations, bien davantage subtiles que les souvent surcotés Cybernautes des Avengers, limités à un chapeau sur un visage humanoïde et à la castagne. Cet épisode si actuel, le préféré de Matheson parmi ceux qu'il écrivit, fit l'objet en octobre 2011 d'une adaptation au cinéma sous le titre Real Steel, avec Hugh Jackman et Evangeline Lilly. Un budget de 80 millions de dollars y fut consacré, pour un résultat peu exaltant ; l'on se situa également loin de la poésie simple et éloquente, dépourvue d'effets spéciaux, de La Quatrième Dimension. Acteurs : Lors du tournage de l'épisode, Lee Marvin (1924-1987) est déjà une figure familière du cinéma américain, aux multiples seconds rôles dans des Westerns ou des films noirs ou de guerre. Par la suite, il devient une star à part entière, remportant l'Oscar en 1965 pour Cal Ballou et accédant à la célébrité grâce aux Douze Salopards (1966). Il tourne par la suite dans Le point de non retour, La kermesse de l'Ouest, Canicule… Actif politiquement, Marvin prend position contre la guerre du Vietnam et pour les droits des homosexuels, tout en soutenant activement la candidature de Kennedy en 1960. Joe Mantell (1915-2010) est un habitué des polars au cinéma (Storm Center 1956, Chinatown 1974...). Au petit écran, il apparaît dans Le Virginien, Mission : Impossible, Mannix (personnage semi récurrent d'Albie Luce), Lou Grant, L'Amour du risque… Il participe également à l'épisode L'Homme et son Double. 3. CAUCHEMAR À 20 000 PIEDS Date de diffusion : 11 octobre 1963 Résumé : Bob Wilson prend un avion en compagnie de son épouse. Il est très nerveux, venant d'être hospitalisé six mois à la suite d'une grave dépression survenue après une crise d'angoisse en plein ciel. Alors que le vol de nuit se déroule paisiblement, Bob aperçoit une créature humanoïde marcher sur l'une des ailes de l'appareil, visiblement animée d'intentions hostiles. Il va devoir convaincre un équipage incrédule que le cauchemar a déjà commencé... Critique : Après l'émouvante fable de Steel, Richard Matheson en revient ici à ses fondamentaux. Cet épisode brillantissime le voit renouer avec une efficacité toujours aussi incomparable avec ces basculements étranges de la réalité, conclus par une chute fracassante. Le récit retrouve également avec bonheur un véritable fil rouge au sein de l'anthologie que constitue l'aviation, encore considérée par les auteurs en ces années où le tourisme aérien de masse débute à peine comme un territoire mystérieux où l'humanité demeure étrangère. L'intrigue, agencée en une impitoyable horlogerie, restitue avec une rare conviction la progressive plongée dans l'horreur expérimentée par le protagoniste, dont la rationalité cède par morceaux entiers alors même qu'il demeure potentiellement le plus lucide des passagers. L'habile introduction de sa précédente hospitalisation psychiatrique introduit un précieux élément de doute quant à la réalité de l'apparition du monstre, jusqu'à ce que la conclusion apporte une retentissante réponse à cette interrogation sous-tendant l'ensemble de l'histoire. La mise en scène très dynamique de l'encore novice Richard Donner (La Malédiction, Superman, L'Arme Fatale, etc.) tire le meilleur du huis clos représenté par l'avion, où l'enfermement et l'impuissance portent au paroxysme l'angoisse du héros, jusqu'à devenir effectivement un pur cauchemar claustrophobique. Le tournage se déroula grâce à une cabine suspendue par des câbles, ce qui donne une grande véracité à l'ensemble. Le vol introduit également une de ces vignettes 60's que l'on apprécie régulièrement tout au long de La Quatrième Dimension. La présence de William Shatner ajoute encore un lustre particulier à Cauchemar à 20 000 pieds, d'autant que le grand acteur manifeste le même talent que lors de Les Prédictions, sa précédente participation déjà avec Matheson. Il se montre absolument époustouflant, avec cette vitalité qu'on lui connaît par ailleurs. Voir l'héroïque Capitaine paniquer devant une vulgaire créature humanoïde ajoute bien entendu un plaisant second degré pour les amateurs de La Patrouille du Cosmos ! Évidemment on pourra toujours tiquer sur l'aspect bon marché, voire vaguement ridicule, du monstre. Cet élément se voit d'ailleurs souligné par le Shat lui même dans ses captivantes mémoires où il évoque le chronique manque de moyens de la production. Matheson lui aussi regrettera ce manque d'impact du mystérieux assaillant, l'assimilant à un ours en peluche ! Mais cet inconvénient demeure secondaire, l'épisode ayant l'habileté de jouer bien davantage sur les émotions du héros, faisant percevoir l'action par ses yeux, que sur l'aspect directement terrifiant de l'entité. Cauchemar à 20 000 pieds constitue l'un des épisodes les plus cultes de The Twilight Zone, particulièrement célébré par les amateurs et très souvent présent dans diverses sélections périodiquement diffusées aux États-Unis. Il compte d'ailleurs parmi les opus repris dans le film de 1983 et fait l'objet de nombreux clins d'oeil dans la pop culture (Simpsons, Muppets, SNL, etc.). Dans la grande tradition de Drake/N°6, les fans s'amusent d'ailleurs à se demander si le Bob Wilson ne serait pas en fait le héros des Prédictions et notamment si les présages de ce précédent épisode n'annoncent pas en fait les évènements de celui-ci ! Acteurs : William Shatner (1931) reste bien entendu l'inoubliable Capitaine Kirk de Star Trek Classic (1966-1969, et 7 films), un univers pour lequel il écrivit également plusieurs romans et ouvrages. Mais la carrière de ce flamboyant extraverti, souvent surnommé « Bill » ou « The Shat » par ses nombreux fans, ne se limita pas à l'USS Enterprise. Outre qu'il s'essaya à la chanson comme à bien d'autres activités (dont les romans de Science-fiction à succès Tekwar), il tint également une place centrale dans Hooker (1982-1986) et dans Boston Legal (2004-2008). Il joue également dans The outer limits, Des agents très spéciaux, Mission : Impossible, Kung-fu, Columbo, The Practice… et dans un autre épisode de l'anthologie, Les prédictions. Shatner, très présent sur Internet, a également fait paraître son autobiographie en 2008, Up till now. 4. UNE CURIEUSE MONTRE Date de diffusion : 18 octobre 1963 Résumé : McNulty est un bavard impénitent, épuisant régulièrement la patience de ses proches. Un jour, il reçoit en cadeau un chronomètre ayant la faculté de figer le temps, hormis pour son porteur. McNulty s'en amuse, puis décide de cambrioler une banque… Critique : L'excellente idée de cette étrange montre et la verve comique de Richard Erdman rendent l'épisode très divertissant. L'humour reste certes bon enfant, avec des postures tout à fait comparables avec ce que l'on retrouvera dans le prochain Bewitched, voire dans Charmed avec le pouvoir de stase temporelle de Piper Halliwell. Le portrait de l'imbécilité foncière du protagoniste vaut aussi le coup d'œil ! Ce genre de fantaisie amuse toujours, pourvu que la mise en scène et l'interprétation se révèlent à la hauteur, ce qui s'avère pour le moins exact dans A kind of a stopwatch. La brièveté retrouvée du récit permet également d'éviter toute lassante répétitivité des situations tout en profitant d'intéressantes images documentaires sur l'American way of life des années 60. John Rich tire le meilleur des moyens limités de l'anthologie et l'on pardonne bien volontiers quelques inévitables mouvements chez les individus supposément paralysés. A kind of a stopwatch souffre cependant d'un trop classicisme, non exempt de prévisibilité. Ce type d'histoire où un antihéros reçoit un don à double tranchant avant de l'utiliser judicieusement ou non a déjà été vu maintes et maintes fois au cours de l'anthologie. L'on ressent trop vivement une impression de déjà vu tant le déroulement de l'action ne s'extraie jamais de ce schéma si balisé. De ce point de vue, l'écriture manque d'ambition. Pour reprendre l'analogie avec Bewitched, on retrouve une situation quasi identique à Un sou pour vos pensées où un évènement miraculeux rend le personnage de Dick York télépathe. L'on renoue également avec un ton quelque peu moraliste où l'emploi altruiste ou égoïste du cadeau du Destin reçoit récompense ou châtiment. Par sa cruauté rompant totalement avec la comédie, la proverbiale chute se montre ainsi brillante, mais néanmoins trop prévisible. L'épisode aurait été délectable en première saison, mais souffre de l'usure de la série. Son indéniable efficacité lui assure néanmoins une vraie popularité, et outre un amusant pastiche chez Les Simpson, il sera repris en 1985 dans La Cinquième Dimension : une mère de famille tente alors désespérément de sauver les siens d'une attaque de missiles nucléaires en figeant définitivement le temps (Une petite paix bien tranquille). Il fera également l'objet d'une version radiodiffusée en 2002 avec Lou Diamond Phillips. Acteurs : Richard Erdman (1925) est un comédien souvent dédié aux rôles comiques, apparu régulièrement au cinéma et à la télévision, ainsi que dans de nombreuses émissions de variétés. Sa longue et active carrière, débutée dans les années 40, se poursuit encore aujourd'hui puisqu'il participe à la série Continuity (2010-2011). 5. LA DERNIÈRE NUIT D'UN JOCKEY Date de diffusion : 25 octobre 1963 Résumé : Grady, jockey douteux s'étant livré au dopage de chevaux, est suspendu à vie. Désespéré, il entend alors une voix se présentant comme sa conscience. Celle-ci lui offre un voeu afin qu'il s'octroie une seconde chance. Complexé par sa taille, Grady demande alors à devenir plus grand... Critique : Lors du tournage de l'épisode, Mickey Rooney se situe au faîte de sa popularité, et l'anthologie souligne la participation de la star en lui dédiant entièrement le récit. La Dernière nuit d'un jockey restera en effet comme l'un des deux seuls épisodes de La Quatrième Dimension à n'accueillir qu'un unique acteur (l'autre étant The Invaders, avec Agnès Moorehead). Le one-man-show de Rooney s'avère d'ailleurs totalement convaincant, le talent du comédien exprimant superbement le drame humain vécu par Grady. L'émotion nous étreint véritablement, nonobstant la personnalité peu reluisante de l'individu. Mais il s'agit malheureusement du seul véritable atout de l'épisode car celui-ci demeure avant tout un exemple frappant de l'épuisement narratif de la série. En effet, Serling se contente de recycler trait pour trait la situation déjà développée dans Nervous man in a four dollar room en substituant simplement un jockey douteux à la petite frappe. On dénote de plus une substantielle perte de subtilité, le portait psychologique du protagoniste et ses dialogues avec son alter ego ressortant moins subtils et non exempts de clichés. Tout ce développement autour de la taille paraît assez simpliste et tiré à la ligne, débouchant sur une conclusion qu'il a rendu tout à fait prévisible. Cette déperdition se retrouve également dans la mise en scène, moins imaginative que précédemment et n'animant que bien partiellement le huis clos. Même les images du faux Grady apparaissant dans le miroir ressortent moins abouties et spectaculaires que dans Nervous man in a four dollar room. On frémit en songeant à ce que cet épisode très verbeux aurait pu donner avec le format long de la saison quatre ! Acteurs : Mickey Rooney (1920-2014) est un très populaire acteur, réputé pour la longévité de sa carrière. Celle-ci fut lancée dans les années 30, notamment en association avec Judy Garland. En 2009, il participe encore à Une nuit au musée, succédant à un nombre particulièrement imposant de films très divers. Il rivalise également avec Liz Taylor, puisqu'il défraya la chronique avec un total de 8 mariages. En 1983, il reçut un Oscar pour l'ensemble de sa carrière. 6. LA POUPÉE VIVANTE Date de diffusion : 1 novembre 1963 Résumé : Erich Streator a épousé une femme ayant une petite fille issue d'un précédant mariage. Il n'aime pas l'enfant et prend un malin plaisir à critiquer l'achat d'une superbe poupée parlante, Talking Tina, sous prétexte d'argent. Streator a cependant la surprise de constater que non seulement Tina est vivante, mais aussi qu'elle non plus ne l'apprécie pas… Critique : Après plusieurs épisodes ressassant des thèmes déjà maintes fois développés au cours de l'anthologie, Living Doll apporte une nouveauté bienvenue. Certes, The Dummy mettait en scène une marionnette vivante, mais au lieu de se baser sur le thème du double, la présente histoire décrit une saisissante opposition entre l'enfance et l'âge adulte. L'opposition entre Streator et la poupée échappe au manichéisme car l'homme se montre volontiers dominateur et violent (au moins psychologiquement) envers sa famille. Avant même l'irruption du Fantastique, le récit apparaît comme la chronique d'une souffrance morale subie par une épouse et sa fille, et se montre remarquable de cruauté jusqu'à en devenir particulièrement dérangeant. Dans cette optique, la survenue du jouet démoniaque ressort comme une expression inconsciente du mal-être de l'enfant, tout comme une justice immanente. Cet impact psychologique s'harmonise parfaitement avec une horreur véritable, celle se manifestant d'autant plus fort qu'elle naît au sein d'une famille américaine tout à fait ordinaire, avec une grande économie d'effets spéciaux. L'on ne se situe définitivement pas dans le gore jubilatoire d'un Chucky mais bien dans un affrontement essentiellement psychologique, jusqu'à l'image choc de la conclusion. Sohl rend un bel hommage à Charles Beaumont, dont il a parfaitement intégré la démarche de modernisation d'archétypes rendus plus subtils que par le passé. Cette histoire à la captivante tension dramatique se voit également idéalement servie par la mise en scène au parfait tempo de Richard C. Sarafian, celui-ci sachant admirablement minuter ses effets pour exprimer l'angoisse de plus en plus insoutenable dans laquelle s'abîme progressivement le protagoniste. Quelques plans magnifiquement suggestifs manifestent que décidément, l'anthologie a souvent su tirer le meilleur parti de son manque de moyens. La si suggestive musique de Bernard Herrmann apporte immensément à l'atmosphère. L'interprétation se montre également admirable, dont un grandiose Telly Savalas retrouvant avec bonheur les personnages tourmentés et maudits qu'il interprétait alors fréquemment au cinéma, avant le grand succès de Kojak. Living Doll, épisode particulièrement sombre et dense, demeure l'un des joyaux du crépuscule de l'anthologie, prouvant que celle-ci pouvait encore recéler d'authentiques chefs-d'œuvre. Il en demeure un opus emblématique, repris dans de nombreux éléments de la pop culture. Grands fans de la Quatrième Dimension, Les Simpson en effectueront un nouveau pastiche (Treehouse of Horror III) où Homer tente de détruire une poupée de Krusty le Clown obsédant Bart. A noter que pour la voix de Talky Tina, Rod Serling eut recours au service de June Foray, célèbre comédienne de voix assurant notamment celle de Chatty Cathy, la révolutionnaire poupée parlante, vedette des produits Mattel durant les années 60. Les spectateurs de l'époque n'en furent que davantage troublés ! Un remake fut réalisé pour la Treizième Dimension tandis que l'épisode des X-Files : La Poupée s'en inspire largement. Acteurs : Telly Savalas (1922-1994) reste bien entendu célèbre pour les rôles du lieutenant Théo Kojak et de Blofeld dans Au service secret de sa Majesté ; la même année (1969), il retrouve Diana Rigg dans The Assassination Bureau. Il tint également divers rôles marquants au cinéma, notamment dans des rôles de sadiques avant Kojak (Le Prisonnier d'Alcatraz, Les Douze Salopards...). À la télévision, il participe à Bonanza, Le Fugitif, Les Incorruptibles, Love Boat... Il est également le parrain de Jennifer Aniston, ayant été un proche de son père, le comédien John Aniston ; ce dernier avait également des origines grecques, pays auquel Telly Savalas, fils d'émigrants, demeura toujours très attaché. Mary La Roche (1920-1999) connut une belle carrière de chanteuse, notamment dans les revues de Broadway. Elle accomplit quelques apparitions au cinéma (The Swinger, 1966...) et joua dans plusieurs séries des années 60 et 70 (Perry Mason, Alfred Hitchcock présente, Karen, Les rues de San Francisco…). Elle participe également à l'épisode Un monde à soi. 7. LE VIEIL HOMME DANS LA CAVERNE Date de diffusion : 8 novembre 1963 Résumé : Dix ans après l'apocalypse nucléaire, un village ne survit que grâce aux conseils avisés de Goldsmith, que ce dernier affirme recevoir d'un vieux sage reclus dans une grotte. L'ermite déconseille aux affamés de manger des boites de conserve qu'il juge contaminées lorsque survient un groupe de militaires. Ceux-ci prennent le pouvoir, autorisent la consommation de cette nourriture, puis décident de percer le secret de l'oracle… Critique : La mise en scène souffre de la grande modestie des moyens employés, occasionnant en particulier un embarrassant manque de crédibilité de cet univers post-apocalyptique. Si tout est à ce point contaminé par la radioactivité, comment se pourrait-il qu'aucune trace n'en soit observable dans l'environnement naturel, plus de dix ans après la Bombe ? Les plantations sont difformes mais la végétation demeure normale par ailleurs. Le décor est également à l'évidence destiné à une production classique, où la catastrophe se voit hâtivement reconstituée par quelques carcasses de voitures et des débris divers. Mais l'anthologie retrouve ici une vision commune de son temps où les conséquences réelles d'un bombardement nucléaire ne sont pas encore analysées en profondeur. Cependant, cet inconvénient demeure mineur car après des épisodes comme Deux ou L'Abri, La Quatrième Dimension exploite maintenant ce sujet comme une fable sur la nature humaine. La conclusion, absolument brusque et glaciale, assure le succès de l'épisode par sa subtile st sombre ambivalence. Serling refuse le thème trop évident de l'oppression scientifique et va jusqu'à s'interroger sur la pertinence du libre-arbitre de l'Humanité, lors d'un récit à la concision redoutablement efficace. L'avidité et l'égoïsme menacent continuellement l'intellect, et poussent sans cesse l'homme à commettre les pires erreurs, avec une régularité désespérante. La liberté et le savoir sont précieux, mais peuvent-ils en définitive apporter autre chose que le malheur ? Cette parabole passablement désespérée, qui rejoint celle de l'Arbre de la Connaissance, se révèle réellement troublante. Elle bénéficie également des solides compositions de James Coburn et John Anderson, tout à fait dans leurs emplois. Acteurs : John Anderson (1922-1992) fut un prolifique acteur de séries de Western, apparaissant dans la plupart des productions du genre. Il réalisa quelques apparitions dans d'autres domaines (Hawaii police d'État, Aux frontières du réel, Star Trek…), et incarna le grand-père de MacGyver (1985-1992). Il apparaît dans trois autres épisodes : Coup de trompette, L'odyssée du Vol 33, et Je me souviens de Cliffordville. James Coburn (1928-2002) fut une figure populaire du cinéma américain, où il se spécialisa dans les rôles de durs à cuire : cowboys, policiers, militaires… Il participe à Les Sept mercenaires (1960), La grande évasion (1963), Il était une fois la révolution (1971), La chevauchée sauvage (1975), Maverick (1994)… En 1998, il reçoit l'Oscar pour Affliction. Date de diffusion : 15 novembre 1963 Résumé : Un vieil inventeur tyrannise sa nièce Barbara, qui ne s'occupe de lui que pour récolter son héritage. Quand son oncle chute dans un escalier, elle décide de le laisser mourir. Mais le testament prévoit qu'elle ne touchera son legs que si elle s'occupe de la dernière invention du vieillard, un robot dont l'identité est encore en cours d'élaboration… Critique : La grande attraction de l'épisode demeure la participation de Robby le Robot (ou du moins de sa majeure partie), figure culte de la Science-fiction issue du film majeur Forbidden Planet, dont l'anthologie récupéra tant d'éléments de décor et qui exerça une influence profonde sur les séries Sixties du genre. Le retrouver au sein d'un environnement relevant non plus du Space Opera mais d'un domicile américain cossu apporte une étrangeté bienvenue, mais l'épisode se résume à bien peu de choses par ailleurs. On y découvre en effet qu'un mélodrame passablement théâtral et outré, d'un intérêt et d'une crédibilité limités, avec un jeu très accentué de la part des comédiens. On devine la conspiration, transparente au possible, dès que l'on aperçoit le robot à la personnalité en devenir, tout ceci demeurant passablement cousu de fil blanc. La conclusion n'apporte rien hormis un ultime trait à la ligne, d'autant qu'avoir rendu Barbara aussi antipathique minore l'effet de son infortune ultime. On a également connu Don Siegel mieux inspiré que lors de cette mise en scène comportant des gros plans agressifs à force d'accélération et quelques effets musicaux bien trop démonstratifs. Après une participation en tant que jouet à Pour les Anges, Robby le Robot aura droit à une nouvelle chance dans Automatisation. Lors de la traditionnelle présentation de l'épisode suivant, Rod Serling utilise pour la première fois le diminutif « TZ », devenu familier des fans de l'anthologie. Il leur fait d'ailleurs un clin d'œil, annonçant que même les plus fidèles d'entre eux seront surpris par la chute de l'intrigue ! Acteurs : Sir Cedric Hardwicke (1893-1964), ancien de la RADA, fut une grande figure du West End, notamment proche de George Bernard Shaw. Il apparut également à Broadway et à Hollywood, où il se spécialisa dans les rôles d'autorité ; il incarne ainsi le Pharaon Séthi Ier dans Les dix commandements (1956). Constance Ford (1923-1993), mannequin, devint célèbre en posant pour une campagne de soutien aux forces armées américaines (1943). Par la suite, elle participa à de nombreuses pièces et séries avant de devenir l'une des figures principales du soap au long cours Another World (1964-1999) de 1967 à 1992. Elle décéda d'un cancer. 9. SONDE 7 – FORT ET CLAIR Date de diffusion : 29 novembre 1963 Résumé : Alors que son monde sombre dans une guerre atomique, un explorateur spatial s'écrase sur une planète habitable mais apparemment déserte. Il a cependant la surprise d'y rencontrer une femme elle aussi rescapée d'un naufrage, mais en provenance d'un autre astre… Critique : Épisode éminemment pauvre que celui-ci. Le naufragé spatial s'échouant non pas sur une île déserte mais sur une planète habitable appartient aux figures de styles les plus pratiquées de la Science-fiction et a d'ailleurs déjà été maintes fois mis en scène par La Quatrième Dimension. Plus grave encore, l'épisode ne développe aucune intrigue pertinente à partir de ce socle, se contentant de rabâcher des thèmes déjà aperçus dans des opus précédents : le duo de survivants ne partageant pas la même langue rappelle ainsi clairement Deux, tandis que la conclusion, vraiment naïve et archi usée, se rapproche dangereusement de celle de Third from the Sun. On retrouve de nouveau l'épouvantail nucléaire, d'ailleurs trop rapidement après The old man in the cave. L'épisode exprime finalement davantage l'épuisement narratif de Serling que tout autre élément. Si l'on apprécie le jeu sensible de Richard Basehart, la réalisation impersonnelle de Ted Post ne vient guère compenser la faiblesse du scénario. L'on s'amuse dès lors des invraisemblances caractéristiques des récits de l'époque, comme cette conversation en simultané entre deux personnes distantes de 4,3 années lumière, et avec un émetteur quasiment dépourvu d'énergie, ou ce vaisseau spatial s'écrasant en ne provoquant qu'un petit enfouissement sans altérer l'environnement le moins du monde. La diffusion de l'épisode, initialement programmée le 22 novembre, fut repoussée d'une semaine du fait de l'assassinat de Kennedy, survenu ce jour là ; le même jour également où un certain voyageur temporel de la planète Gallifrey arrivait sur les écrans britanniques, pour y demeurer encore aujourd'hui. Acteurs : Richard Basehart (1914-1984) fut un comédien prolifique (Voyage au fond des mers, 1964-1968...), mais sa voix riche et profonde lui valut également de devenir le narrateur de nombreux films et séries. Un mois avant sa mort, il assurait encore les annonces de la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques de Los Angeles. 10. LES FANTÔMES DU SEPTIÈME DE CAVALERIE Date de diffusion : 29 novembre 1963 Résumé : Trois membres de la Garde Nationale sont en manœuvre près du site de la bataille de Little Big Horn. Au fur et à mesure qu'ils s'en rapprochent, de nombreux indices indiquent que la frontière entre le passé et le présent s'estompe progressivement… Critique : La Quatrième Dimension retourne dans le Weird West, ce courant de la Science-fiction essentiellement américain lui ayant souvent réussi par le passé. Dans la grande tradition de d'Au Cœur du Temps, on s'apprête alors à revisiter l'un des évènements majeurs de l'histoire des États-Unis, la bataille de Little Big Horn (1876) voyant l'écrasement du 7e régiment de cavalerie de Custer par l'alliance indienne inspirée par Sitting Bull. Se profile alors la perspective d'un voyage temporel plaisant mais classique, d'autant que la présence d'un tank laisse entrevoir une possibilité d'uchronie. Mais l'épisode prend très habilement le spectateur par surprise avec un récit montrant les héros se situer en permanence sur cet espace étrange (cette zone crépusculaire, "twilight" en anglais) où s'entremêlent fort habilement les deux époques. Serling prolonge ainsi avec originalité et acuité ce passage constituant le socle du genre, en développant ainsi l'étrangeté et la fascination de l'instant. La mise en scène varie astucieusement les preuves du basculement, de plus en plus concluantes mais jamais définitives jusqu'à la toute fin. Le gradué se voit fort bien rendu à partir de quelques éléments agréablement simples (bruits de bataille, villages indiens déserts, apparition d'un cheval…). Rarement l'anthologie aura autant fait de son manque de moyens une force, tandis qu'Alan Crosland exploite parfaitement de superbes décors naturels. La présence d'acteurs talentueux mais relativement peu connus ajoute encore à la véracité de l'histoire. Les amateurs auront cependant le plaisir de reconnaître Greg Morris, le futur Barney de Mission : Impossible, le temps d'une fugitive apparition. Le récit ne se veut pas militariste, mais exalte l'amitié virile et le sentiment du devoir, jusqu'à une chute réellement poignante. L'on remarque au passage que, durant les années 60, même au sein d'une série progressiste comme The Twilight Zone, il est inenvisageable de mettre en perspective le parcours de Custer, devenu bien plus controversé aujourd'hui. Acteurs : Ron Foster (1930) est un habitué des séries de Western : Rawhide, Bonanza, Gunsmoke, Le Virginien, Colt 45… il est aussi l'une des figures du soap Haine et Passion (1937-2009) où il incarna le Dr Grant. 11. LA FONTAINE DE JOUVENCE Date de diffusion : 13 décembre 1963 Résumé : Un vieil homme a épousé une jeune beauté, mais celle-ci, uniquement attirée par l'argent, se montre acariâtre au possible avec lui, lui reprochant sans cesse son âge. Désespéré, il demande de l'aide à son frère qui a développé un sérum de jouvence, encore expérimental. Critique : Le mythe populaire de la Fontaine de Jouvence ne cesse d'inspirer les auteurs, on en trouve d'ailleurs encore l'écho dans les X-Files et Pirates des Caraïbes. La version qui nous en est ici offerte détonne par son manque de contenu. Justifier le phénomène par une origine scientifique demeure un procédé assez réducteur et hors de propos au sein d'une anthologie privilégiant souvent à juste titre l'étrange et l'inexpliqué. Les évènements se déroulent sans aucune surprise, l'ensemble restant tout du long parfaitement prévisible, même si la chute apporte un léger surplus de cruauté tombant à pic. La substance narrative très faible du récit apparaît également dans la mise en place verbeuse et délayée de la situation. Les seuls éléments réellement distrayants de cette anodine historiette en huis clos demeurent l'abattage de la superbe Ruta Lee, très tonique en cocotte cynique et langue de vipère, ainsi que différents éléments culturels (musique, vêtements, décors) indiquant que l'anthologie a définitivement versé dans les années 60. À l'origine, elle se situait davantage dans la décennie précédente. On remarque également qu'une nouvelle fois, la série a la main malheureuse avec ses maquillages de vieillissement, celui du jour est une nouvelle fois abominable. Acteurs : Patrick O'Neal (1927-1994) fut avant tout un comédien de théâtre, issu de l'Actor's Studio. Il accomplit quelques apparitions au cinéma et à la télévision. Il fit finalement fortune dans la restauration, possédant à New York plusieurs établissements de grand standing. Ruta Lee (1935) est une actrice canadienne apparue dans de nombreuses séries des années 50 et 60 (Le Fugitif, Les Mystères de l'Ouest, Le Virginien, Perry Mason…), ainsi que dans de nombreux jeux télévisés et émissions de variété. 12. LE RYTHME DU TEMPS Date de diffusion : 20 décembre 1963 Résumé : Le vieil horloger Sam Forstman est persuadé qu'il mourra le jour où l'horloge de son père s'arrêtera. Sa famille l'incite à s'en ouvrir à un psychiatre… Critique : C'est avec un plaisir des plus vifs que l'on retrouve l'excellent Ed Wynn, qui nous avait enchantés lors des débuts de l'anthologie avec le réjouissant et sensible One for the Angels. On retrouve en effet ici son humour, sa bonhommie et sa faconde, et de fait, son numéro réjouit tout au long du récit. Il parvient à parfaitement entremêler humour et émotion. On s'aperçoit d'ailleurs bien vite que l'épisode du jour tente de réitérer la performance de One for the Angels, plaçant de nouveau le protagoniste au seuil de la mort. Malheureusement il se résume pour l'essentiel à du verbiage anodin, avec quelques passages obligés et absolument prévisibles : visite chez le psychiatre, réticences du gendre… L'idée de la pendule couplée à... l'horloge biologique n'est pas mauvaise en soi, mais son traitement ne développe guère de moments forts. D'autre part, les seconds rôles et la mise en scène se montrent pareillement dépourvus de saveur. Le seul suspense existant, savoir si Sam va mourir ou non quand l'horloge s'arrête, ou si tout cela n'est que psychologique, se dénoue avec une scène se voulant malicieuse et charmante, mais qui s'avère surtout lénifiante. Absurde également, car l'on se demande bien pourquoi Sam change d'avis d'un seul coup, lui qui était si ancré dans ses certitudes. On comprend que George Clayton Johnson n'ait plus voulu être associé au projet après que sa propre conclusion, autrement plus sombre et intense, se soit vue supplantée par celle-ci. Il demeure particulièrement attristant de découvrir l'anthologie choisir l'issue la plus inoffensive possible, elle qui se montrait si audacieuse par le passé. Une nouvelle fois, La Quatrième Dimension reproduit du déjà vu et en moins réussi. Ninety years without slumbering marque aussi les adieux d'un compagnon de route car il s'agit de l'ultime opus contenant une musique écrite par Bernard Herrmann. George Clayton Johnson n'écrira, lui, plus de scénario pour la série. À l'opposé, les nouveaux auteurs, à l'instar de Richard de Roy, vont prouver au cours de cette saison (6 épisodes en tout) qu'ils n'ont pas réellement intégré l'esprit de la série. Acteurs : Ed Wynn (1886-1966) fut un important acteur comique de l'âge d'or d'Hollywood. Assistant de W.C. Fields, il accède à la notoriété par le succès des Ziegfeld Follies à Broadway en 1914. Star du muet, il fut l'un des rares à poursuivre sa carrière à l'avènement du parlant. Il devint une grande figure des dramatiques radios, dont ces anthologies qui inspireront des productions télévisées comme La Quatrième Dimension. Ed Wynn est également l'Oncle Albert de Mary Poppins (1964) et réalisa la voix du dessin animé Wally Gator. Il participe aussi à l'épisode One for the Angels. 13. RETOUR EN FORCE Date de diffusion : 27 décembre 1963 Résumé : Une association d'admirateurs natifs de sa ville natale offre à la grande actrice Bunny Blake une superbe opale. Mais Bunny s'aperçoit rapidement qu'elle peut y lire des prophéties alarmantes concernant ses proches. Elle décide de revenir dans sa famille… Critique : Cet épisode tonique et réussi bénéficie de plusieurs atouts. Earl Hammer Jr. s'émancipe de ses contes « country » coutumiers, codifiés, et parfois naïfs, mais conserve intacte toute sa malice. Certes déplacée dans un environnement alors contemporain (et pour nous délicieusement Sixties), on retrouve cependant son exaltation des valeurs de l'Amérique traditionnelle, au bon sens opposé au superficiel et au clinquant hollywoodiens. Ce choc de deux sociétés, vif et enlevé, jamais démonstratif, apporte un vrai piquant au récit, d'autant que Bunny ne se résume pas à une caricature outrancière. Dynamique et décidée, elle séduit d'autant plus que la charmante Maggie McNamara se montre assez ébouriffante dans ce portrait d'un univers qu'elle connaît bien. Elle apporte une vraie énergie à cette femme demeurant foncièrement sympathique au-delà de ses petits travers. Les seconds rôles se montrent également convaincants. À ce petit monde, Earl Hammer parvient par ailleurs à agréger une brillante histoire fantastique. Avec à propos, il ne s'embarrasse pas d'une laborieuse explication des pouvoirs de la pierre et les exploite au mieux grâce à des effets spéciaux simples mais réussis. Le tempo est parfait (même si légèrement répétitif) entre les visions reçues par Bunny et son acharnement à écarter ses proches du péril, d'astuces en astuces. On retrouve un procédé certes éprouvé mais toujours efficace. D'ailleurs, ce modus operandi préfigure clairement celui de la série réussie (du moins dans ses premières saisons) que deviendra Dead Zone. Le tout se voit couronné par une chute proprement renversante, dans la meilleure tradition d'une anthologie qui nous avait privés de ce plaisir depuis quelque temps. Cet effet, ici particulièrement réussi, survient à point nommé ! Il sera d'ailleurs repris avec un succès égal pour la bouleversante scène finale du You're welcome d'Angel. Acteurs : Maggie McNamara (1929-1978) fut une étoile montante de Broadway et d'Hollywood durant les années 50. Elle fut ainsi nominée aux Oscars en 1953 pour The moon is blue d'Otto Preminger. Durant les années 60, elle eut moins de succès, ayant passé l'âge de jouer ses rôles fétiches d'ingénues, et elle s'orienta davantage vers la télévision. Elle se retira en 1964. En 1978, Maggie McNamara se suicida par overdose de somnifères. 14. PRENDS LE VOLANT Date de diffusion : 3 janvier 1964 Résumé : Un homme d'affaires stressé écrase un jeune garçon en rentrant en voiture à son domicile. Il prend alors la fuite. La victime décède, tandis qu'un rival est accusé d'être le meurtrier. Cependant, la voiture manifeste un comportement de plus en plus étrange… Critique : La Quatrième Dimension débute la nouvelle année avec un opus singulièrement faible. L'intensité dramatique y tient davantage de la Petite Coccinelle que de Christine tant une mise en scène sans génie se contente d'exploiter mécaniquement les diverses possibilités immédiatement offertes par une voiture (phares, klaxon, radio…). Le procédé devient très vite répétitif au lieu de marquer une réelle progression de l'angoisse, ce qui s'avère toujours catastrophique pour ce type d'épisodes. La confrontation finale, seul instant montrant quelque peu de force, se voit partiellement gâchée par le recours à une doublure évidente de l'acteur (qui refusa de se prêter à la scène…). On ne reconnaît pas Earl Hammer Jr dans cette historiette dépourvue d'originalité, voire d'enjeu, sinon dans une hostilité envers la voiture, symbole du monde moderne. Le récit manque son sujet, qui aurait dû montrer comment le stress social transforme l'humain en bête sauvage. Cet aspect ne se voit qu'à peine effleuré tandis que Rod Serling le souligne vaillamment dans son introduction, comme pour compenser. L'interprétation demeure de qualité mais le seul intérêt concret de You Drive se situe de fait dans la découverte de ces superbes allées bordées de palmiers si caractéristiques d'Hollywood (les extérieurs furent tournés à deux pas des studios de la MGM), parfait écrin pour les voitures de l'époque : ici une Ford Fairlane 1956. Une vraie bouffée de Californie, mais une nouvelle fois l'anthologie remâche en moins réussi des thèmes déjà traités, la situation finalement similaire de Allez-vous en Finchley ! bénéficiant d'un traitement davantage abouti. Acteurs : Edward Andrews (1914-1985) apparut dans de très nombreuses séries des années 50 à 80, aisément reconnaissable par sa haute taille, ses cheveux blancs, et ses épaisses lunettes. Il se spécialisa dans les rôles inquiétants ou ambigus et apparut dans Bonanza, Les Envahisseurs, Police Woman, Drôles de dames... Il participa également à de nombreux films (Plus dure sera la chute, 1956, Tora ! Tora ! Tora ! 1970…), tout en demeurant très présent au théâtre. 15. UN LOINTAIN LENDEMAIN Date de diffusion : 10 janvier 1964 Résumé : Un cosmonaute part pour une mission d'exploration. Il est censé la passer dans un caisson d'hibernation, mais il y renonce pour avoir le même âge que sa fiancée à son retour… Critique : L'épisode s'arcboute tout entier sur sa chute, et, si elle ne demeure pas tout à tout à fait imprévisible, celle-ci aurait pu constituer un joyeux moment d'humour noir des plus féroces. Malheureusement, Serling choisit de la traiter sur le grand air du mélodrame amoureux dégoulinant, non exempt de grandiloquence et terriblement daté de nos jours. De plus, l'argument demeurant trop juste, même pour le format court de l'anthologie, l'action principale se voit précédée de toute une exposition passablement ronflante et hors sujet sur la conquête spatiale, agrégeant bon nombre de clichés. The long morrow bénéficie cependant de certains à-côtés comme les fantaisies coutumières de la Science-fiction de l'époque (un vaisseau se mouvant à 70 fois la vitesse de la lumière, disponible en 1988), s'alliant finalement avec saveur à d'excellents inserts de fusées d'alors. De plus, le voyage aurait du durer quatre et non quarante ans, la destination se situant à 141 années lumière… Par ailleurs, tandis que Robert Lansing se montre impeccable, Robert Florey retient la moindre occasion de réaliser un plan esthétique, malgré une nouvelle fois un maquillage désastreux et un criant manque de moyens. Les caissons, pour la première fois apparus dans Rendez-vous dans un siècle, sont ainsi réemployés dans plusieurs épisodes… On reste néanmoins avec le regret d'une bonne idée développée sans efficience. Un format ultra bref lui aurait sans doute mieux convenu, comme dans les nouvelles si concises et détonantes de Fredric Brown, auteur à l'humour carnassier parfaitement ad hoc. On imagine bien un « cauchemar » supplémentaire dans la série reprise dans son formidable recueil Fantômes et Farfafouilles. Une référence à The long morrow se déroulera dans la série Gilmore Girls dans un épisode portant le même titre (2006). Rory, quittant l'Angleterre pour un an, offre une maquette de fusée à sa fiancée. Celle-ci ne réalise que plus tard l'allusion. Acteurs : Robert Lansing (1928-1994) est un visage connu de bien des séries américaines. Il participe ainsi à : Le Virginien, Chapparal, L'Homme de fer, Star Trek, Mannix, Arabesque... Il interprète également Control dans la série Equalizer (1985-1989). 16. LE RECYCLAGE DE SALVATORE ROSS Date de diffusion : 10 janvier 1964 Résumé : Salvatore Ross, jeune homme brutal et ambitieux, se découvre le pouvoir d'échanger son état physique et ses aptitudes avec ceux d'autrui. Par une succession de négoces, Il en profite pour s'améliorer en tous domaines, tentant de conquérir celle qu'il désire… Critique : Don Gordon demeure l'atout principal de cet épisode grâce à un jeu incisif et convaincant, soutenu par d'excellents seconds rôles. Par ailleurs, la mise en scène de Don Siegel apparaît efficace, à défaut d'imaginative. On observe cependant que la malédiction du maquillage vieillissant d'une manière ridicule frappe une nouvelle fois. Mais l'intérêt de The self-improvement of Salvatore Ross se voit définitivement grevé par la faiblesse de son scénario. Jerry McNeely se contente de recycler sans talent particulier le conte traditionnel voyant un paysan devenir successivement roi, soleil, nuage, montagne, etc. pour finalement échouer à devenir autre chose que lui-même (une idée reprise également avec malice par Tolstoï dans La souris petite fille). Outre ce manque d'originalité, rapidement perceptible, l'intrigue dose fort mal ses effets entre raccourcis narratifs, conclusion trop précipitée et tirée à la ligne, ou simplifications trop marquées (la jeune femme séduite en une seule journée alors qu'elle se refusait jusqu'ici avec acharnement). En fait, l'on renoue avec une version cette fois médiocre de ce thème désormais rebattu de l'anthologie, voyant un quidam se servir pour le bien ou le mal d'un don inexplicable et en recevant châtiment ou récompense, un sujet traité avec nettement plus de pertinence dans Une curieuse montre. Acteurs : Don Gordon (1926) fut un ami proche de Steve McQueen avec qui il participa à de nombreuses productions : Bullitt, Papillon, La tour infernale, Au nom de la loi... Il est par ailleurs une figure familière des séries américaines : Les Incorruptibles, Le Fugitif, Les Mystères de l'Ouest, Les Envahisseurs, Mannix, Columbo, Cannon, Super Jaimie, Supercopter, K2000, Remington Steele… 17. PORTRAIT D'UNE JEUNE FILLE AMOUREUSE Date de diffusion : 24 janvier 1964 Résumé : Dans le futur, hommes et femmes subissent à 18 ans une Transformation. Leur apparence est alors modifiée pour devenir identique à un nombre restreint de superbes modèles. Les individus se distinguent alors en portant leurs prénoms écrits sur leurs vêtements. Une jeune fille, Marylin, s'y refuse, refusant de troquer sa spécificité contre la beauté... Critique : S'il ne manifeste pas l'audace narrative ni la maestria de la mise en scène de The Eye of the Beholder, son évident alter ego, Number Twelve looks just like you développe néanmoins une authentique originalité, usant d'armes radicalement différentes pour composer un pamphlet également virulent à propos de la dictature de l'apparence et de la norme. Très habilement, cet univers en folie où l'humanité se réduit à une poignée de visages différents apparaît de prime abord superficiel et léger, voire festif. Mais par un dégradé au tempo parfaitement minuté, ses implications les plus sinistres quant au devenir des individus, du libre-arbitre, et de la culture se font jour. Le contraste violent existant entre ces deux perceptions, élaboré avec un grand art du suspense par John Tomerlin, rend cette dystopie particulièrement cinglante, dégageant un irrésistible humour noir. De quoi interpeller le spectateur qui, un demi-siècle plus tard, ne peut que constater que les tendances dénoncées ici n'ont fait que se renforcer depuis. La mise en scène tire le meilleur parti de costumes et de décors avenants et clinquants. On se croirait d'ailleurs par moments dans le Village, où le psychiatre s'efforçant de briser la jeune fille revêt des apparences d'inquiétant Numéro 2. L'évolution de Marylin durant ses tentatives désespérées d'échappatoire épouse admirablement celui du récit. Ses refus d'abord timides deviennent toujours plus affirmés et désespérés, jusqu'à devenir déchirants, notamment quand elle affirme sans fards sa volonté de demeurer libre et la nature réelle de ce monde « Ils se moquent que nous soyons beaux, ils veulent que sous soyons tous pareils ! ». Les différents comédiens se montrent brillants, et idéalement au diapason de cette charge féroce, à la chute des plus glaçantes. Suzy Parker apporte une vraie classe à ses personnages, avec un certain panache au sein de cette vision de l'ultime avatar du phénomène de dictature de la mode et de la conformité, comme du refus de vieillir. Acteurs : Richard Long (1927-1974) reste principalement remémoré pour son rôle récurrent de Jarrod Barkley dans La grande vallée (1965-1969). Il joue également dans Bonanza, Maverick, Alfred Hitchcock présente, Nanny and the Professor, etc. Il participe aussi à l'épisode Personne inconnue. Richard Long décède prématurément d'un infarctus. Suzy Parker (1932-2003) tint quelques rôles au cinéma (Kiss them for me, 1957...), mais fut avant tout une célèbre top model, de 1947 à 1964. Ambassadrice de Revlon puis d'Estée Lauder, amie de Coco Chanel, elle fut l'un des premiers mannequins a dépasser les 100 000 dollars d'alors de gain annuel et à devenir une vraie vedette médiatique. Les Beatles lui dédièrent une chanson portant son nom. 18. LES BLOUSONS NOIRS Date de diffusion : 31 janvier 1964 Résumé : Trois extraterrestres voulant coloniser la terre prennent l'apparence de jeunes « Blousons noirs » afin de créer une base d'opérations dans une petite ville américaine. Mais l'un d'entre eux tombe amoureux de la fille de leurs voisins…. Critique : On tient sans doute là l'épisode le plus creux rencontré depuis le début de cette promenade au sein de la Quatrième Dimension. La mise en scène se résume à une recherche de sensationnalisme facile, avec de plus une caméra lestée de plomb. L'histoire, d'un navrant minimalisme, consiste à associer les clichés les plus éculés du thème de l'invasion extra-terrestre sur un modus operandi digne des pires séries B des années 50, à ceux des romances sucrées de Teen Movies. L'effet cumulatif de ces fadaises (aux indigents comédiens) se voit couronné par ce recours désormais totalement ringard aux figures des Blousons Noirs des années 60. On ne compte plus les absurdités, comme des agents infiltrés revêtant la tenue la plus voyante possible, ou une conclusion en queue de poisson. L'effet de ce trio vêtus de Perfectos, se déplaçant dans une petite ville juchés sur leurs Harley, se voulait sans doute effrayant, il ne s'avère que ridicule. Le seul intérêt de l'épisode réside dans ce rappel du l'importance du phénomène de ce courant de la subculture Sixties que composèrent les « Greasers », trouvant écho dans le cinéma (L'équipée sauvage, La fureur de vivre...), comme de la chanson (Elvis). Mais la vacuité et l'ennui instillés par l'épisode réservent cet aspect aux universitaires les plus vaillants. Le public regardera avec bien davantage d'intérêt les exploits de l'excellent Fonzie des Jours heureux ! Acteurs : Denver Pyle (1920-1997) reste dans les mémoires pour le rôle d'Oncle Jesse dans Shérif, fais-moi peur ! (1979-1985). Il apparut par ailleurs dans une multitude de seconds rôles, dans des Western, au petit comme au grand écran, ou dans des productions évoquant l'Amérique profonde. Il reste le seul acteur à avoir interprété dans différents épisodes de Perry Mason, un assassin, un suspect, et un meurtrier. 19. APPEL NOCTURNE Date de diffusion : 7 février 1964 Résumé : Une nuit d'orage, Elva Keene, une dame âgée, reçoit un mystérieux coup de fil, son interlocuteur demeurant silencieux. Les jours suivants, ces appels se multiplient, la plongeant dans l'angoisse… Critique : Les coups de téléphone reçus depuis l'au-delà, avatars modernes du spiritisme, constituent un thème régulier des histoires fantastiques (encore récemment dans Supernatural avec Long Distance Call), et constituent une légende urbaine populaire. L'on se situe donc en terrain pour le moins balisé, d'autant que l'anthologie se répète à nouveau, ayant déjà abordé le sujet dans Conversation avec l'au-delà. Matheson nous a accoutumé à davantage d'originalité dans ses coutumiers basculements de la réalité. L'épisode souffre de plus d'une certaine répétitivité car il faut attendre les deux tiers du récit pour que le contact s'établisse. Jusque-là, appels silencieux et demandes de renseignement d'Elva auprès du service téléphonique se succèdent avec une régularité d'horloge. Entre temps, on a eu largement le temps de comprendre de quoi il en retournait. Night Call présentait donc toutes les qualités requises pour devenir un opus ennuyeux, mais l'admirable talent de Gladys Cooper vient bouleverser ce schéma. Avec sa vive sensibilité et son jeu évitant tout excès de théâtralité, elle captive le public et hisse l'épisode au rang de drame psychologique. Pour sa troisième et ultime participation à La Quatrième Dimension, elle évoque avec une grande humanité ce fléau de la solitude des personnes âgées, qui insidieusement mais plus cruellement encore, ronge Elva, bien davantage que la peur de l'inconnu. Un très beau portrait de femme sur le déclin de sa vie, qui autorise à oublier une chute trop brièvement expédiée et inutilement mélodramatique (moins effrayante que celle de la nouvelle originelle de Matheson). Le vétéran Jacques Tourneur parvient par ailleurs à animer ce quasi huis clos, un exercice de style toujours malaisé. Acteurs : Gladys Cooper (1888-1971) fut une modèle réputée et une figure du théâtre britannique avant de franchir l'Atlantique dans les années 40 pour connaître également une belle carrière au cinéma (Rebecca, 1940 ; My fair Lady 1964…). Toujours active au soir de sa vie, elle participe à plusieurs séries des années 60, son ultime rôle étant celui de la Duchesse Ozerov dans Amicalement vôtre. Elle figure également dans les épisodes Nothing in the Dark et Passage on the Lady Anne. 20. TRÈS AFFECTUEUSEMENT, AGNÈS Date de diffusion : 14 février 1964 Résumé : James Ellwood est le programmateur d'un ordinateur révolutionnaire et surpuissant qu'il surnomme Agnès. Parallèlement, il échoue à séduire sa secrétaire, pourtant passablement légère. Il demande alors assistance à l'infaillible Agnès ; or les avis de celle-ci ne font bizarrement qu'échouer... Critique : Le thème de l'Intelligence Artificielle connaît une grande vogue dans les récits de Science Fiction des années 60, couronné par le HAL 9000 de Kubrick quatre ans après cet épisode. Celle-ci est impulsée par les grands progrès de l'informatique sur la période, ouvrant de nouveaux horizons aux auteurs. Il ne s'agit pas encore de conceptions de monde virtuel ou de réseaux développés par la vague Cyber des années 80 (William Gibson, Bruce Sterling, etc.) mais simplement d'interlocuteurs mécaniques et surdoués de l'Humanité, souvent perçus comme hostiles, dans la droite ligne des conceptions paranoïaques des années 50. L'épisode constitue en ce sens une intéressante curiosité pour l'amateur d'Histoire de la SF car synthétisant parfaitement cette vision, même si dans un sens humoristique. Cet aspect se ressent avec d'autant plus de force qu'Agnès se révèle très réussie esthétiquement et bien davantage moderne que l'antiquité aperçue dans Le Grand Penseur des Avengers (1962). On observe qu'elle s'inspire de la technologie des bandes magnétiques, préfigurant ainsi les nombreux ordinateurs des séries des années 70 tandis que les tubes à vide de Platon ne seront plus que fossiles. L'idée des messages écrits, révélés de manière fluide et ludique, s'avère une excellente trouvaille, donnant lieu à de divertissantes surprises. Le procédé ne devient pas répétitif, convenant idéalement au format court de l'anthologie. On pourra certes regretter que le récit ne s'extirpe pas de la comédie romantique très légère, le jeu stéréotypé de Cox ou le côté caricatural d'Ellwood en savant Cosinus. Mais tel quel, From Agnes - With Love demeure un prédécesseur lointain des divers productions Cyber, à la découverte fort plaisante. Acteurs : Wally Cox (1923-1974) fut un acteur populaire des premiers temps de la télévision au début des années 50. Il accéda à la célébrité avec Mr. Peppers (1952-1955). Par la suite, il participa à de nombreuses sitcoms et jeux télévisés, ainsi qu'au pilote de Mission : Impossible. Il était un proche de Marlon Brando, son ami d'enfance. 21. L'ESPACE D'UN MOMENT Date de diffusion : 14 février 1964 Résumé : Une jeune héritière doit choisir entre deux prétendants que tout oppose. Lors d'une promenade à cheval, une autre cavalière, d'apparence très menaçante et plus âgée, se précipite vers elle. Après une course-poursuite, elle parvient néanmoins à échapper à cette dernière... Critique : Un individu surgissant du futur afin de prévenir son alter ego du passé de ne pas commettre une grave erreur reste l'un des grands classiques des récits de voyage temporel. Pour son ultime participation à une anthologie qu'il aura tant marquée de son talent, Richard Matheson sort donc bien moins des sentiers battus que précédemment. Il n'en demeure pas moins que son histoire apparaît remarquablement agencée, parvenant à faire coexister simultanément à la perfection les deux mondes et à brosser un portrait très touchant de son héroïne. Le talent de Diana Hyland apporte une vraie sensibilité à cette fable amèrement désenchantée, tandis que chaque spectateur pourra se reconnaître dans cette allégorie de l'âge mûr regrettant inutilement les errements d'une vie. Tout comme Matheson lui-même (l'écrivain se montrant régulièrement critique de la matérialisation de sa vision), on pourra regretter quelques maladresses, comme d'avoir rendu la visiteuse si instantanément reconnaissable. La découverte du pot aux roses survient ainsi très tôt, conduisant à une conclusion manquant quelque peu d'impact. Le parcours semble ici excessivement plus important que la destination, alors que l'écrivain nous avait jusqu'ici régalé des chutes les plus ébouriffantes de La Quatrième Dimension. Acteurs : Diana Hyland (1936-1977) participa à plusieurs séries prestigieuses (Le Fugitif, Les Envahisseurs, Happy days, Mannix...) et devint la compagne du jeune John Travolta, rencontré durant le tournage de Le garçon dans la bulle de plastique (1976). Elle décéda prématurément d'un cancer du sein, veillée par l'acteur. Un Emmy Award posthume lui fut décerné, reçu en son nom par Travolta. 22. LA RIVIÈRE DU HIBOU Date de diffusion : 28 février 1964 Résumé : Durant la Guerre de Sécession, un espion confédéré s'apprête à être pendu depuis un pont. La corde se brise et il parvient à s'échapper... Critique : L'épisode occupe une place à part au sein de l'anthologie. Alors qu'il manquait encore un opus pour boucler la saison, la production avait d'ores et déjà épuisé le faible budget octroyé par CBS. Par mesure d'économie, il fut donc décidé de ne pas en produire un supplémentaire, mais plutôt d'en acheter un de disponible sur le marché, pratique moins dispendieuse. Le choix se porta sur le court métrage d'Enrico, car le contexte historique de la Guerre de Sécession était propre à intéresser le public américain. The Twilight Zone y a d'ailleurs eu déjà recours par le passé. De plus, le film est alors auréolé d'une Palme obtenue au Festival de Cannes de 1962. CBS hésita longuement devant la perspective d'acheter une œuvre étrangère, mais le bas prix demandé (10 000 dollars) emporta la décision. Bien lui en pris car à la Palme vint s'ajouter l'Oscar du court métrage, apportant à La Quatrième Dimension l'ultime importante distinction manquant à son palmarès. Toutefois, unique épisode non produit par Rod Serling, La rivière du Hibou demeure considérée comme exogène à l'anthologie. Après la diffusion initiale, le film ne fut jamais repris en syndication, ni dans les diverses sorties DVD ou diffusions de sélections d'épisodes régulièrement entreprises aux États-Unis. Ce n'est pas par son sujet que le film de Robert Enrico marque les esprits : l'anthologie a plusieurs fois eu recours à ces basculements de perspective, souvent de manière davantage troublante. Ici, le récit indique clairement par sa conclusion qu'il ne s'agit que d'une rêverie du protagoniste, ne relevant que bien marginalement du Fantastique. L'œuvre se veut en fait une réflexion sur la relativité de la notion de réalité consensuelle, mais se montre moins originale et dérangeante que La Jetée, authentique chef d'œuvre français également réalisé en 1962. Le film s'impose néanmoins avec éclat, d'un point de vue strictement cinématographique, grâce au talent et au grand sens de l'image de Robert Enrico (Les grandes gueules, Ho !, Le vieux fusil…). Les différentes scènes se montrent parfaitement suggestives, magnifiées par une sublime photographie et une admirable musique. La durée de 28 minutes concorde parfaitement avec le sujet, permettant de suivre sans ennui cette histoire simple mais efficace. L'interprétation, composée de comédiens peu connus, se montre tout à fait convaincante et en harmonie avec la vision du metteur en scène. De plus, les images des Cévennes apportent une singularité française bienvenue au cours de cette longue expédition dans l'Amérique du début des années 60. Une mise en scène particulièrement brillante fait le prix de ce bijou pour cinéphiles, lui apportant un intérêt bien supérieur à celui de simple curiosité au sein de l'anthologie. Acteurs : Roger Jacquet a tenu plusieurs seconds rôles, principalement pour la télévision. Il incarne ainsi Jean de Forez dans Les Rois Maudits (1973) et participe également à Les Brigades du Tigre, Un Juge un flic, Sans famille… 23. LA REINE DU NIL Date de diffusion : 6 mars 1964 Résumé : Un journaliste obtient une interview auprès de la grande vedette de cinéma Pamela Morris. Il se montre très intrigué par son âge : la star montre toujours une admirable jeunesse alors que ses premiers rôles répertoriés remontent à l'avant-guerre. Il ignore que Pamela Morris dissimule un abominable secret… Critique : De manière parfaitement louable, Jerry Sohl s'efforce de développer une cohérence avec les œuvres précédentes de Charles Beaumont. En l'occurrence, il se situe dans une tendance profonde de l'auteur, visant à moderniser les grandes figures de l'épouvante classiques. Malheureusement, au lieu de dynamiser les histoires et de leur apporter davantage de sens, il se contente de rester à la surface, en traitant du plus immédiat : les décors et les costumes. En effet, en dehors de la simple apparence Sixties, les poncifs demeurent dignes de Sax Rohmer ou de Lovecraft : scarabée maudit, Pharaons, vampirisme vital… Tout cela paraît antédiluvien au possible et ne donne même pas lieu à une quelconque action. Au contraire, l'essentiel de cet opus particulièrement bavard se consacre à une conversation assez vaine et répétitive autour de l'âge de l'héroïne. La réalisation de John Brahm se montre de plus singulièrement atone, on l'a connu plus inspiré par le passé. L'épisode conserve cependant quelques atouts, comme un superbe décor conçu avec un goût réellement exquis et des insertions égyptiennes réussies. L'interprétation s'affirme de qualité : surtout Queen of the Nile permet de couvrir la grande beauté et l'authentique talent de la brune Ann Blyth, dont l'allure très mondaine manifeste une indéniable classe. Il n'en demeure pas moins que l'épisode se limite en définitive à un simple véhicule pour la personnalité de l'actrice. Enfin, la chute et ses effets spéciaux évoquent trop ceux de Long live Walter Jameson. Acteurs : Ann Blyth (1928) fut à la fois actrice et chanteuse, se partageant entre les comédies musicales hollywoodiennes (Bowery to Broadway, 1944...) et les rôles plus dramatiques (Mildred Pierce, 1945...). Une blessure au dos handicapa le développement de sa carrière d'actrice, mais elle demeura toujours une chanteuse populaire, également célébrée pour sa beauté. Howard Hughes, admiratif, lui offrit en 1951 une Cadillac et une piscine ! 24. QU'EST-CE QU'IL Y A À LA TÉLÉ ? Date de diffusion : 13 mars 1964 Résumé : Après s'être disputé avec un réparateur de télévision, Joe Britt constate que son appareil diffuse des extraits de sa propre vie, y compris future. Effaré, il découvre qu'il va tuer sa femme avec laquelle il ne s'entend plus du tout… Critique : Cette très divertissante facétie, teintée d'humour noir, introduit l'un de ces si délectables dérèglements de la réalité dont l'anthologie nous aura régulièrement régalés. Un Fantastique d'excellente qualité surgit au sein du quotidien tandis que l'aspect de pure comédie ne se voit nullement négligé. Les querelles de ménage se montrent très divertissantes, notamment grâce à l'entrain de comédiens chevronnés et en roue libre. Richard L. Bare dynamise avec brio ce huis-clos, tirant parti de tous les éléments du décor et en multipliant les judicieux positionnements de caméra. Il s'amuse également à flirter avec le quatrième mur, un procédé souvent payant, grâce à l'énigmatique et sarcastique réparateur. Martin M. Goldsmith optimise son postulat initial en développant en sous-main une mordante satire du pouvoir de suggestion de la télévision. Les amateurs de Bewitched auront également le plaisir de reconnaitre dans l'étrange lucarne, un très bref instant, Susan Gould, l'une des interprètes de Mme Kravitz. Toute la distribution de cette série se sera décidément rendue dans La Quatrième Dimension ! On regrettera cependant une nouvelle fois la répétitivité de cette ultime saison, le procédé employé rappelant pour beaucoup celui de A most unusual camera. Acteurs : Joan Blondell (1906-1979), ancienne reine de beauté, fut l'une des gloires du Hollywood des années 30 (L'ennemi public, 1931...). Son talent lui valut de prolonger sa carrière après guerre, étant ainsi proposée pour l'Oscar en 1951 pour La femme au voile bleu. Peu de temps avant sa mort, elle participe encore à Grease (1978). Date de diffusion : 20 mars 1964 Résumé : Durant le mardi gras, à la Nouvelle Orléans, un vieil homme richissime est sur le point de mourir. Il réunit sa famille, composée de personnages avides et égocentriques, et leur propose de participer à la fête en portant des masques aussi étranges que repoussants, sous peine d'être déshérités… Critique : The Masks bénéficie d'une superbe production, notamment grâce à ces masques tenant indiscutablement la vedette. Grotesques et effrayants, mais également révélateurs talentueux des sombres penchants de l'humanité, ils se révèlent d'authentiques ouvrages d'art. Ils interpellent directement l'imagination du spectateur et permettent de comprendre avec acuité l'impact des pièces antiques recourant à ce type de procédé. Par ailleurs, la mise en scène d'Ida Lupino se montre efficace, mettant parfaitement en exergue ces dérangeants visages, de même que les divers maculages. L'interprétation se montre également de qualité, avec des comédiens particulièrement expressifs. Malheureusement, l'épisode pâtit d'une intrigue se limitant à singer sans aucune valeur ajoutée le grand classique de la littérature fantastique que constitue Le masque de la Mort Rouge d'Edgar Allan Poe. Les péripéties s'y voient copiées avec un parallélisme désespérant, privant par ailleurs la chute de tout effet de surprise, puisque du coup largement anticipée. Les personnages, réduits à de simples poncifs, et un commentaire particulièrement démonstratif achèvent d'ôter tout relief à cette adaptation sans imagination. Ida Lupino reste l'unique femme a voir dirigé un épisode de l'anthologie, à une époque où ce métier demeure encore essentiellement masculin. Cette pionnière est également la seule a avoir mis en scène un épisode tout en ayant joué dans un autre (The sixteen-millimeter shrine). On notera également que cet épisode fut diffusé la veille de la découverte des ultimes aventures de Cathy Gale aux côtés de John Steed (Lobster Quadrille). Acteurs : Robert Keith (1898-1966) apparut dans de nombreux films des années 40 et 50, ainsi que régulièrement à Broadway. Il fut également un auteur de pièces à succès. Dans Le Prisonnier, il interpréta le père de Richard Kimble. Il est également le père de l'acteur Brian Keith (Cher oncle Bill). 26. UN MATIN NOIR Date de diffusion : 27 mars 1964 Résumé : Dans une petite ville américaine, un homme va être pendu au matin après un procès douteux. Or le soleil ne se lève pas et la région demeure plongée dans l'obscurité… Critique : I am the Night - color me black représente une nouvelle et éloquente démonstration selon laquelle les sentiments les meilleurs ne suscitent pas forcément les épisodes les plus réussis. La sincérité de Rod Serling transparait avec vigueur tout au long de ce manifeste humaniste, s'opposant à la peine de mort et aux diverses haines gangrénant nos sociétés. Serling l'écrivit d'ailleurs à chaud, révolté par l'assassinat de Kennedy. Malheureusement, il dédie toute son énergie à l'écriture de dialogues volontiers prêcheurs et empesés, en oubliant au passage de développer une quelconque action. Les personnages se montrent tout à fait caricaturaux malgré une excellente interprétation, et la conclusion apparait terriblement démonstrative, jusqu'à en devenir indigeste. Abner Biberman n'a guère de latitude autre que de filmer statiquement ces dialogues à rallonge, où les personnages se fustigent pompeusement à tour de rôle. The Monsters are due on Maple Street poursuivait les mêmes objectifs, avec autrement plus de pertinence et de sens de la narration. Acteurs : Ivan Dixon (1931-2008) reste surtout connu comme l'interprète du sergent James Kinchloe dans Papa Schultz (1965-1971), même s'il apparut dans d'autres séries (Laramie, Le Fugitif, Au-delà du réel, Perry Mason…). Après avoir quitté Papa Schultz en 1970, il mena une prolifique carrière de metteur en scène de télévision. Également figure de Broadway, il est considéré comme un pionnier pour les comédiens noirs au même titre que Bill Cosby ou Greg Morris. Il participe également à l'épisode Le Vœu magique. 27. CHUT ! Date de diffusion : 3 avril 1964 Résumé : Roswell G. Flemington est un mari et chef d'entreprise tyrannique, adorant faire du bruit et vociférer sans se soucier d'autrui. Un jour, il se met à entendre tous les sons de manière terriblement amplifiée… Critique : Cette histoire se distingue par un alliage subtil de drame et de comédie, non en juxtaposant des scènes de natures différentes, mais, de manière bien plus intéressante, en les entremêlant au sein du portrait du protagoniste. Le récit revêt ainsi une apparence de comédie légère du fait de la personnalité de John McGiver et des plaisanteries que suscitent son personnage, mais cela n'empêche pas une authentique cruauté d'affleurer. On la retrouve dans la violence que fait subir Roswell à ses employés et à sa femme, l'épisode trouve d'ailleurs un écho toujours contemporain dans les drames occasionnés par les nuisances sonores. Mais on la ressent davantage encore de par la manière dont le héros construit aussi aveuglement que méthodiquement son propre piège, avant d'y sombrer lors d'une conclusion à l'humour noir incisif, impeccablement filmée par Richard Donner. Ce mélange des genres fonctionne à merveille, tandis que Sounds and Silences (titre très à la Woody Allen) s'orne de superbes décors d'inspiration maritime. Les dialogues abondent d'ailleurs de métaphores issues de cet univers, jusqu'à revêtir une savoureuse texture d'exercice de style à la Raymond Queneau. Une nouvelle fois, la saison s'inspire d'un opus antérieur, L'Esprit et la Matière, une antienne d'ailleurs reprise expressément ici, mais parvient à varier les effets par sa tonalité davantage tragique et son amertume finale. Acteurs : John McGiver (1913-1975) participa à de nombreuses séries des années 50 aux 70 : The beverly hillbillies, Alfred Hitchcock présente, Le Fugitif... Il joua également dans de multiples publicités des Sixties et inaugura notamment le célèbre slogan d'American Express : "Do you know me ?". 28. CÉSAR ET MOI Date de diffusion : 10 avril 1964 Résumé : Un ventriloque en détresse financière se voit incité par sa marionnette à commettre des cambriolages. Mais la fille de sa logeuse se rend compte de son manège… Critique : Cette ultime saison a malheureusement souvent tendance à répéter des thèmes déjà abordés par le passé, et le plus souvent, la copie ne vaut guère l'original. Cette caractéristique atteint sans doute son apogée avec cet opus directement inspiré du chef d'œuvre que constitua The Dummy. Le développement s'en révèle tristement inférieur : à la place d'un récit de pure épouvante, aux lisières de la folie, et somptueusement filmé, l'on se trouve ici confronté à une historiette à la confondante naïveté. Le mélange des genres entre policier et fantastique ne fonctionne pas du tout, malgré la référence à Little Caesar (1931). Le fait que l'existence de la marionnette animée soit tranquillement accepté par le ventriloque s'avère destructeur pour l'impact de l'épisode. L'épisode refuse également de jouer la carte de la comédie, qui aurait pu représenter une alternative viable, pour se maintenir sur une pose des plus mièvres : misérabilisme social, jeune fille irritante au possible, mise en scène insipide, chute ultra prévisible et pas effrayante pour deux sous… Tout ceci demeure dramatiquement dépourvu d'intensité, et seul le talent de Jackie Cooper autorise quelques moments d'émotion, tandis que Morgan Brittany, promise à une belle carrière de Bad Girl, manifeste une belle vivacité. Sans qu'il y ait de rapport de cause à effet, Caesar and Me reste le seul épisode de l'anthologie écrit directement par une femme, d'ailleurs secrétaire de l'un des producteurs, William Froug. Acteurs : Jackie Cooper (1922-2011) fut un enfant star des dernières années du muet avant de réussir le passage au parlant (Skippy, 1931...) et d'accomplir une brillante carrière de comédien, mais aussi de producteur et de metteur en scène. Il tint ainsi un grand rôle dans le développent de séries comme Ma sorcière bien-aimée ou MASH. Il fut également le Perry White des Superman de Christopher Reeve. Morgan Brittany (1951), créditée ici sous son vrai nom de Suzanne Cupito, est ici à l'orée de sa carrière. Elle deviendra très connue pour son rôle de Katherine Wentworth dans Dallas. Après un brillant parcours d'enfant acteur (on la retrouve dans les épisodes Nightmare as a Child et Valley of the shadow), Morgan Brittany apparaît dans de très nombreuses publicités et séries américaines : Lassie, Buck Rodgers, Shérif fais-moi peur ! L'Île Fantastique, La croisière s'amuse (sept apparitions), Les dessous de Palm Beach, etc. 29. LA CHAMBRE DE LA MORT Date de diffusion : 17 avril 1964 Résumé : Un officier soviétique en rupture de ban se trouve dans une chambre d'hôtel située en pays neutre, attendant un avion en partance pour l'Ouest. Mais un agent du KGB lui tend un piège sophistiqué : une bombe se trouve dissimulée dans la pièce, il a trois heures pour la découvrir sans possibilité de fuite, sinon elle explosera... Critique : Cet épisode de fort bonne facture partage de nombreux points communs avec The Silence : pari morbide, suspens lié à un contre la montre impitoyable, situation absurde, huis clos intense... le tout avec une grande efficacité lui apportant une vraie dimension cauchemardesque. Les deux opus se distinguent également au sein de l'anthologie par leur totale absence d'élément fantastique, mais leurs indéniables qualités narratives permettent de surmonter cet inconvénient. On pourra cependant reprocher un plus grand classicisme à The Jeopardy room, avec un héros positif et surtout un happy end un tantinet facile se substituant au face-à-face précédent, magistralement amoral. Mais cet inconvénient se trouve en grande partie atténué car l'épisode nous conduit en fait dans un territoire bien connu et apprécié, celui des spy shows des années 60 dont la vogue a d'ores et déjà débuté. Au prix de quelques aménagements, l'épisode pourrait d'ailleurs parfaitement se situer dans Destination Danger tant les divers éléments du genre répondent à l'appel ! Outre son grand talent coutumier, la présence de Martin Landau apporte de ce point de vue un sel supplémentaire, dans ce qui pourrait bien trouver un équivalent dans les savoureuses arnaques de Mission : Impossible. Il demeure ainsi particulièrement amusant de découvrir son personnage écouter un message enregistré sur bande, lui annonçant que, lui, sera bientôt détruit ! Acteurs : Martin Landau (1928), après son passage à l'Actor's Studio, participe à plusieurs grands films : La Mort aux trousses (1959), Cléopâtre (1963), Ed Wood (1994, inoubliable en Bela Lugosi)... et X-Files : Fight the Future en 1998 ! Il reste néanmoins immortalisé pour sa participation marquante à deux séries cultissimes : Mission : Impossible et Cosmos 1999. En 1957, il avait épousé Barbara Bain, également élève de l'Actor's Studio, qui sera sa partenaire dans ces deux séries (leur fille Juliet sera la Drusilla de Buffy). Toujours actif, Landau est également apparu dans Alfred Hitchcock présente, Au-delà du Réel, Des agents très spéciaux, Les Incorruptibles, Les Mystères de l'Ouest, Arabesque, Columbo… 30. ÉTAPE DANS UNE PETITE VILLE Date de diffusion : 17 avril 1964 Résumé : Après une soirée bien arrosée, un couple de jeunes new-yorkais se réveille dans un domicile inconnu. Celui-ci se trouve dans une étrange petite ville totalement déserte, apparemment uniquement composée d'éléments de décor ou d'objets factices… Critique : Le ressort dramatique de Stopover in a quiet town peut de prime abord sembler très similaire à celui du pilote de l'anthologie, mais le récit joue finalement moins sur la terreur liée à la solitude (il s'agit d'ailleurs d'un couple et non d'une personne isolée) que sur l'énigme représentée par cette étrange petite ville factice. On retrouve ici une figure emblématique de La Quatrième Dimension, mais traitée de manière originale et habile. L'imaginatif et talentueux Earl Hamner dose parfaitement ses effets afin de nous faire découvrir progressivement l'absurdité des lieux, avec à la clef de nombreux excellents rebondissements (l'écureuil, le gazon, le train…). L'identification aux personnages joue à plein et l'on ressent avec intensité la montée de l'angoisse au fur et à mesure que toutes les hypothèses logiques se voient démenties par les faits. La mise en scène et l'interprétation, sobrement efficaces, accompagnent avec acuité ce voyage immobile au bout de l'angoisse. Celui-ci, dans la meilleure tradition d'une anthologie retrouvant ici toutes ses couleurs, s'achève d'ailleurs sur une chute renversante, à la fois absurde et inéluctablement logique. Au passage, elle permet de découvrir l'un des trucages les plus efficaces de l'ensemble de la production. Les amateurs des Avengers éprouveront le plaisir de découvrir ici quelques sensations évoquant le prodigieux Epic, la seule légère réserve suscitée par l'épisode demeurant d'ailleurs que l'hypothèse d'un décor de cinéma ne soit jamais soulevée par les héros ! Par ailleurs, l'éclatant succès de Stopover in a quiet town tombe à pic pour saluer le 150ème opus de The Twilight Zone ! Acteurs : Barry Nelson (1917-2007) reste dans les mémoires comme le premier acteur (et unique américain) ayant incarné James Bond à l'écran, dans le Casino Royale de 1954 ; il s'agissait alors d'un épisode de l'anthologie télévisée Climax! (1954-1958). Barry Nelson participa par ailleurs à Alfred Hitchcock présente, Cannon, Dallas, La croisière s'amuse, Arabesque... 31. LA RENCONTRE Date de diffusion : 1 Mai 1964 Résumé : Un jardinier japonais et son employeur américain, ancien militaire, comparent leur vision de la Guerre du Pacifique. Une épée de Samouraï va bouleverser leur destin. Critique : Dans ce récit pétri de bons sentiments, on retrouve l'absence d'élément narratif déjà observé cette saison lors du très similaire I am the Night - Color me black. Mais alors que cet opus précédent semblait simplement artificiel et empesé, on bascule ici tout à fait dans le ridicule. La théâtralité de cette représentation de la culpabilité et de la fatalité atteint des sommets inédits au sein de l'anthologie, accumulant les postures et les dialogues grandiloquents jusqu'à l'absurde. Ce huis clos éminemment bavard et pompier ne cesse de tourner en rond et de réitérer les mêmes effets, épuisant rapidement l'intérêt du spectateur, lassé par ce premier degré absolu. Les éclatants talents de George Takei et Neville Brand se voient tristement gâchés dans ce fatras grandiloquent. L'épisode dérangea tout de même, des observateurs y discernant une tonalité pacifiste et anti-patriotique "malvenue" au moment où une autre guerre asiatique, celle du Viêt-Nam, connaît une rapide expansion. Il choqua également la communauté américaine d'origine japonaise car il évoque des trahisons autour de Pearl Harbor que les historiens n'établirent jamais. Après sa diffusion initiale, The Encounter ne fut jamais réemployé en syndication et ne ressortit que tardivement des placards. Il n'apparut ainsi jamais à la télévision française et n'existe qu'en version originale. Acteurs : Neville Brand (1920-1992) incarna le terrible Al Capone dans le pilote des Incorruptibles. Il fut un héros de la Seconde Guerre Mondiale, aux multiples décorations. Grand spécialiste des rôles de vilains (films noirs, de guerre, ou de western), il joua de nouveau Al Capone dans le film The George Raft story (1961). Lecteur passionné, Neville Brand avait réuni une collection de plus de 30 000 ouvrages. En 1978, la majeure partie en fut détruite lors de l'incendie de sa résidence de Malibu. George Takei (1937) reste bien entendu fameux pour son rôle d'Hikaru Sulu, le vaillant pilote de l'Enterprise dans Star Trek Classic comme dans les adaptations au cinéma. Apparu dans de nombreuses autres séries (McGyver, Miami Vice...), il est également très impliqué dans les relations entre Japon et États-Unis, ainsi que dans la défense des droits des homosexuels. 32. LA RÉSURRECTION Date de diffusion : 8 Mai 1964 Résumé : Vers 1890, Mr. Garrity arrive dans une petite ville de l'Ouest. Il affirme pouvoir ressusciter les morts et chercher ainsi le bonheur de tous. Or tous les habitants sont prêts à le payer pour que les défunts demeurent au cimetière… Critique : Cette ultime virée de l'anthologie dans les étranges contrées du Weird West exploite au mieux l'inépuisable personnage du bateleur promettant sans cesse monts et merveilles avec les justifications les plus abracadabrantes qui soient. L'élément fantastique n'intervient qu'en toute fin de récit, autorisant une amusante conclusion et une insertion justifiée au sein de The Twilight Zone, mais l'intérêt premier de Mr. Garrity and the Graves se situe ailleurs. L'épisode s'avère ainsi un petit bijou d'humour noir et de satire sociale. Le twist hilarant voyant les villageois non pas se réjouir du retour de leurs disparus, mais au contraire payer une fortune pour s'assurer du contraire, apparaît fort bien amené. Les différentes justifications plus ou moins honteuses présentées devant un goguenard Garrity dévoilent toutes les lâchetés et les turpitudes des uns et des autres, soigneusement dissimulées derrière l'apparence prospère et heureuse de la petite ville, ce que le roublard Garrity avait parfaitement deviné. Peu importe que l'on devine dès le départ qu'il s'agit d'une arnaque tant cette comédie humaine se montre caustique et irrésistible. Si la mise en scène ressort efficace, on retiendra surtout le jeu en roue libre d'une excellente distribution, dominée par un brillant John Dehner. Les différents comédiens interprètent avec l'entrain et le pittoresque nécessaires cette farce aussi joyeuse qu'impitoyable, s'achevant sur un gag aussi ironique qu'à pleurer de rire. Comme léger regret, l'on retiendra qu'il ne soit jamais expliqué comment le complice de Garrity parvient à disparaître aussi soudainement. Acteurs : John Dehner (1915-1992) eut une longue carrière au cinéma, à la télévision, mais aussi à la radio où il fut une grande figure des dramatiques des années 50 et 60. Il joua très souvent les méchants, notamment dans des westerns (Gunsmoke, Maverick, Bonanza, La grande vallée, Le Virginien…). Il apparaît également dans Les Incorruptibles, L'Immortel, Max la Menace, Mannix… Dehner participe à deux autres épisodes de La Quatrième Dimension : Le solitaire et La jungle. 33. AUTOMATISATION Date de diffusion : 15 Mai 1964 Résumé : Wallace V. Whipple, chef d'entreprise, décide d'automatiser au maximum ses chaines de production ainsi que l'ensemble de sa société. Les machines se substituent progressivement à l'homme... Critique : L'épisode compte comme point fort un impeccable travail de production, comportant d'excellents décors au design agréablement Sixties. Quelques inserts réussis viennent compléter l'ensemble, de même qu'une ultime apparition de Robby le Robot (Planète Interdite), cette fois fort heureusement muni de son visage complet et non de la version passablement ridicule aperçue dans Uncle Simon. Malheureusement, on retrouve ici le ton prêcheur et appuyé déjà subi précédemment cette saison, avec des postures terriblement démonstratives, bien davantage caricaturales que subtilement évocatrices. La chute se révèle tout à fait prévisible, sur le thème si rebattu de l'arroseur arrosé. L'anthologie et Rod Serling ont su aborder le thème de la déshumanisation du travail avec nettement plus de finesse par le passé, notamment dans A stop at Willoughby. L'interprétation paraît également plus sommaire qu'à l'ordinaire. L'épisode présente néanmoins le mérite d'évoquer une tendance profonde de sa décennie, aux innombrables répercussions toujours parlantes à l'heure actuelle. Acteurs : Richard Deacon (1921-1984) se spécialisa dans les rôles d'autorités au cinéma (Invasion of the body snatchers, 1956...) comme à la télévision, notamment dans plusieurs sitcoms (It's a great life...). Il fut également un gourmet et cuisinier raffiné dont les différents livres de cuisine connurent un grand succès durant les années 70 et 80. 34. L'HOMME À LA GUITARE Date de diffusion : 15 Mai 1964 Résumé : En excursion à la campagne, un chanteur de rock-a-billy fait la connaissance d'une jeune fille interprétant à merveille une superbe ballade romantique. Mais les évènements étranges vont se multiplier... Critique : L'épisode reprend une trame finalement assez proche de celle de Death Ship, entremêlant les thèmes de l'au-delà. Malheureusement, il échoue en tous points, marquant un contraste des plus marqués avec le chef d'œuvre de la saison précédente. Au lieu de dresser une énigme captivante dont la résolution entraînerait une retentissante conclusion du récit, l'intrigue accumule les faits bizarres sans se soucier d'une quelconque progression scénaristique ou de relier ces faits épars. Une boucle temporelle doit s'organiser avec rigueur pour se montrer pertinente et captiver le public, tandis qu'ici on ne discerne qu'un patchwork d'évènements particulièrement brouillon. Susciter l'étrange n'a jamais consisté à faire n'importe quoi en bloc. On regrette également que le pot-aux-roses soit révélé dès l'introduction de l'histoire, uniquement pour obtenir un effet immédiat et facile. L'absence de l'art de la narration étonne chez Anthony Wilson, auteur à la fort belle carrière (futur créateur de Banacek, Sam Cade, la série La planète des singes, scénariste du pilote des Envahisseurs...). Quelques éléments de ridicule viennent parachever l'ensemble comme les costumes caricaturaux ou le très mauvais jeu des comédiens, à commencer par Gary Crosby. Parmi les rares points positifs du fiasco, on écoutera avec plaisir la chanson titre, égrenant les divers évènements survenus. Elle fut d'ailleurs plusieurs fois reprise après la diffusion de l'épisode par des artistes tant américains que britanniques. Le rock-a-billy du héros, antédiluvien aujourd'hui, situe agréablement l'anthologie au sein des Sixties et présente le mérite de nous rappeler à quel point elle a mieux résisté au temps que nombre d'autres caractéristiques de son époque. Le syndrome Emily frappe à nouveau car Come wander with me constitue le dernier épisode tourné de La Quatrième Dimension ! Acteurs : Gary Crosby (1933-1995) fut le fils du légendaire Bing Crosby. En 1983, après la mort de ce dernier, il fit paraître une autobiographie sans fards, évoquant notamment des abus sexuels commis durant son enfance ; cela causa un immense scandale. Gary Crosby tint plusieurs seconds rôles dans diverses séries américaines, dont Adam-12 (1968-1975). 35. QUI A PEUR DE QUI ? Date de diffusion : 29 Mai 1964 Résumé : Une New-Yorkaise retirée à la campagne suite à une dépression nerveuse aperçoit d'étranges lumières dans le ciel. Le shérif vient lui rendre visite à ce propos quand plusieurs évènements étranges indiquent qu'une immense créature humanoïde rode autour de la maison... Critique : Pour son ultime épisode de l'anthologie en tant qu'auteur, Rod Serling ne force guère son talent, se contentant d'un simple remake de The Invaders, en inversant simplement les perspectives entre Aliens et Humains. Or la comparaison avec le chef d'œuvre de Matheson et The Fear se montre dévastatrice pour ce dernier. Le traitement de l'intrigue manifeste bien moins de force, empruntant clairement aux standards des séries télévisées de l'époque. La mise en scène de Ted Post se révèle également bien plus quelconque, subissant par ailleurs de plein fouet un criant manque de moyens lorsqu'elle s'aventure à quelques effets spéciaux. Comme souvent, on retrouve néanmoins la patte de Serling dans la finesse de la description des personnages et l'empathie développée avec ceux-ci. Le duo que tout oppose mais qui parvient à faire front commun devant l'adversité puis à sympathiser demeure un grand classique, mais il se développe ici avec efficacité. L'épisode doit également beaucoup à ses deux interprètes, Peter Mark Richman manifestant son expressivité coutumière, annonçant sa superbe carrière à venir, tandis qu'Hazel Court renoue avec ses célèbres postures de films d'épouvante, non sans un indéniable brio. Les dialogues, marqués par le style de Rod Serling, se montrent plaisants, et la connivence s'installant au sein du duo apporte un intérêt compensant partiellement la faiblesse de l'intrigue de Science-Fiction, trop prévisible et balisée pour réellement fonctionner. Acteurs : Hazel Court (1926-2008) fut une grande vedette des films d'épouvante des années 50 et 60, notamment en duo avec Vincent Price : Devil girl from Mars (1954), The curse of Frankenstein (1957), Le masque de la Mort Rouge (1964), etc. Cette actrice anglaise participa également à quatre épisodes d'Alfred Hitchcock présente, ainsi qu'à Mission : Impossible, Destination Danger, Les Mystères de l'Ouest, Mannix... En 2008 parurent ses mémoires Hazel Court, Horror Queen. Peter Mark Richman (1927) est une figure régulière des séries américaines. Il participe ainsi à Les Mystères de l'Ouest, Mission : Impossible, Le Fugitif, Star Trek, Les Envahisseurs, Mannix, Baretta, Dallas, L'Ile Fantastique, Dynasty et bien d'autres encore. 36. LA PISCINE ENSORCELÉE Date de diffusion : 19 Juin 1964 Résumé : Un couple très aisé de californiens est en train de se déchirer, avant de divorcer. Leurs deux enfants découvrent alors au fond de leur piscine un passage conduisant à un monde merveilleux…. Critique : L'eau, fluide parfait et chargé de symboles, a souvent été considérée dans la littérature fantastique comme une porte entre les mondes. Earl Hamner exploite ce thème avec sa malice habituelle, opposant le monde réel si rude pour les enfants à cet imaginaire évoquant irrésistiblement Peter Pan (mais aussi le style de vie hédoniste de la Californie et aux vertus de l'Amérique profonde). Fort intelligemment, l'auteur emploie l'humour et la fantaisie, rendant son œuvre bien plus digeste que les épisodes moralistes et prêcheurs rencontrés à diverses reprises cette saison. Cette fable d'apparence bon enfant constitue en effet une critique acérée de l'égoïsme forcené des adultes, plaçant leurs enfants bien en deça de leurs priorités personnelles : intrigues amoureuses, réussite sociale, querelles personnelles… Les différents personnages se voient joliment croqués et bénéficient d'une interprétation très vivace. En aînée tentant de protéger son petit frère, tout en espérant de tout cœur un impossible miracle chez ses parents, Mary Badham (doublée par June Foray pour pallier à une mauvaise prise de son) se montre particulièrement émouvante. La traditionnelle scène d'introduction fut remplacée par un extrait en flashforward, cette répétition permettant de suppléer à une durée trop courte de l'épisode. The Bewitchin' pool, fable à la fois poétique et cruellement réaliste, permet à l'anthologie de clore dignement son parcours, en attendant le film de 1983. Acteurs : Mary Badham (1952) fut une enfant star. Âgée de 10 ans, elle devint la plus jeune actrice jamais proposée pour l'Oscar du second rôle pour Du silence et des ombres. Ce film marqua également le début d'une amitié avec Gary Cooper qui se prolongea jusqu'à la mort de ce dernier, en 2003. Après quelques autres rôles, elle se retira cependant dès 1964. Mary Badham se consacra par la suite à la restauration d'œuvres d'art. Elle est la sœur cadette du réalisateur John Badham. 1) Étape dans une petite ville : L'un des sommets de l'irruption de l'étrange au sein du quotidien, l'une des caractéristiques fondatrices de l'anthologie. L'énigme tient le spectateur en haleine de bout en bout et la chute s'avère réellement renversante ! 2) Cauchemar à 20 000 pieds : Après Les prédictions, William Shatner est de retour pour un nouveau rôle délectable d'anti-héros. Le huis clos se montre intense à souhait, bénéficiant d'une mise en scène particulièrement inventive. 3) Portrait d'une jeune fille amoureuse : Une dystopie particulièrement imaginative et féroce. Le dégradé, menant des aspects les plus rieurs de cet univers en folie jusqu'au pur cauchemar, est mené de main de maître. L'effet de contraste joue à plein, interpellant directement le spectateur. 4) La rivière du Hibou : Le talent de Robert Enrico s'impose avec éclat lors d'une des mises en scène les plus élaborées et visuellement superbes de La Quatrième Dimension. Une œuvre d'une fascinante essence poétique, au cœur de paysages français apportant une originalité bienvenue. 5) La poupée vivante : Un récit particulièrement dérangeant, exprimant une cruauté présente tant chez la victime que chez son bourreau. Le Fantastique se voit de nouveau employé avec intelligence, comme révélateur des aspects sombres de l'Humanité. Superbe composition de Telly Savalas. Crédits photo : Universal. Images capturées par Estuaire44. |
La Quatrième Dimension (1959-1964) Saison 3 4. La route de la mort (The Passersby) 5. Le joueur de billard (A Game of Pool) 7. Vengeance d'outre-tombe (The Grave) 8. C'est une belle vie (It's a Good Life) 9. Le musée des morts (Deaths-Head Revisited) 10. Le soleil de minuit (The Midnight Sun) 11. La vallée immobile (Still Valley) 13. Il était une fois (Once Upon a Time) 14. Cinq personnages en quête d'une sortie (Five Characters in Search of an Exit) 15. La grandeur du pardon (A Quality of Mercy) 16. Rien à craindre (Nothing in the Dark) 17. L'excentrique M. Radin (One More Pallbearer) 20. Règlements de compte pour Rance McGrew (Showdown With Rance McGrew) 21. Jeux d'enfants (Kick the Can) 22. Un piano dans la maison (A Piano in the House) 23. Les funérailles de Jeff Myrtlebank (The Last Rites of Jeff Myrtlebank) 24. Comment servir l'homme (To Serve Man) 26. La petite fille perdue (Little Girl Lost) 27. Personne inconnue (Person or Persons Unknown) 28. Le petit peuple (The Little People) 29. À quatre heures (Four O'Clock) 30. Le menteur (Hocus-Pocus and Frisby) 33. La marionnette (The Dummy) 34. Un passé infini (Young Man's Fancy) 35. La fée électrique (I Sing the Body Electric) 36. L'ange gardien (Cavender Is Coming) La troisième saison de The Twilight Zone se voit marquée par un relatif épuisement narratif chez Rod Serling. Outre ses multiples et écrasantes tâches de showrunner, ce dernier continue à écrire plus de la moitié des scénarios et avoue lui-même une certaine lassitude. On ressent un certain relâchement de son inspiration, tandis que plusieurs épisodes apparaissent comme des redites de précédents (Le joueur de billard évoque nettement Un coup de trompette, Deux renoue avec des sensations assez proches de Solitude...). Si Colgate-Palmolive demeure l'un des deux sponsors de la production, American Tobacco (Chesterfields) se substitue désormais à General Foods. S'il respecte l'indépendance d'écriture, le nouveau venu exige cependant de Serling qu'il délivre un message promotionnel à l'issue de chaque épisode financé. Cela ne contribuera pas à renforcer l'enthousiasme déclinant de Serling… Cette difficulté à se renouveler n'empêche pas cependant la nouvelle saison de comporter encore plusieurs joyaux de l'anthologie grâce à l'arrivée de nouveaux écrivains aux côtés de Beaumont et Matheson, ou à de superbes adaptations par Serling d'autres auteurs. La Quatrième Dimension reçoit encore diverses distinctions dont un troisième Prix Hugo (un record seulement égalé par Doctor Who). Les vedettes, établies ou en devenir, continuent à se succéder au sein d'un casting toujours étincelant (Peter Falk, Elizabeth Montgomery, Robert Redford, Buster Keaton...). Le terme Twilight Zone se diffuse désormais dans le langage courant et journalistique pour exprimer une situation bizarre. Avec des thèmes ressassés, plusieurs épisodes statiques ou empesés, et une difficulté à trouver de nouveaux sponsors, CBS et Serling lui-même cèdent néanmoins à l'effet d'usure. À l'issue de cette saison, au printemps 1962, l'anthologie est mise en suspens. Cette pause allait durer une année jusqu'au début de 1963 ; elle va entraîner de grands changements au sein de la production et un affaiblissement de la position de Serling, entre-temps parti enseigner. Même si les saisons 4 et 5 développeront encore moult épisodes captivants, de nombreux fans et critiques estiment que l'âge d'or de l'anthologie, le plus innovant et audacieux, s'achève avec cette saison 3. Date de diffusion : 15 septembre 1961 Résumé : Dans un autre monde, seules deux personnes, un homme et une femme, ont survécu à un conflit atomique. Il s'agit de militaires appartenant chacun à une armée adverse. Leur rencontre va-t-elle poursuivre une guerre absurde ou déboucher sur un nouvel espoir ?... Critique : Deux constitue un lancement prometteur pour cette nouvelle saison. Plusieurs atouts militent en effet en sa faveur. L'intrigue écrite par l'artiste aux multiples talents que fut Montgomery Pittman (réalisateur également ici) joue habilement jusqu'à la conclusion de l'ambiguïté existant dans les relations entre l'Homme et la Femme. Leur volonté naturelle de s'unir face à l'horreur de la situation se trouve sans cesse contrecarrée par les pulsions paranoïaques héritées de l'embrigadement et du conflit. Il en découle un suspense psychologique captivant à suivre, d'autant que le récit s'entend à varier ses effets et à ménager des surprises. La morale de l'histoire s'inscrit à merveille dans la féconde veine humaniste de l'anthologie, non sans manifester par ailleurs une belle audace. Elle met ainsi, avec d'évidentes références, sur le même pied États-Unis et URSS face à leur antagonisme autodestructeur, ce qui tranche pour le moins avec le discours ambiant au moment où la Guerre Froide atteint son paroxysme. Si la mise en scène de Pittman s'avère simplement efficace, un autre point fort de l'épisode réside dans son étonnant décor de cité déserte, criant de vérité. Et pour cause, la production a eu l'excellente idée de tourner dans des décors laissés à l'abandon depuis longtemps, auxquels il fallut finalement peu d'ajouts pour donner une apparence de fin du Monde. La patine naturelle et quelques excellentes idées comme les diverses affiches, toutes suggestives, produisent un impact vraiment détonnant. Le renversant casting vient couronner le tout, avec deux grandes vedettes en devenir. Charles Bronson et Liz Montgomery, particulièrement éloignée de Samantha, ne se limitent pas à figurer à l'affiche et apportent une étonnante humanité à leurs personnages, une réussite d'autant plus brillante que l'épisode demeure quasiment muet. Et pourtant, Deux se contente de figurer comme un excellent épisode sans accéder au rang de chef-d'œuvre du fait de quelques dommageables facilités. D'un point de vue assez anecdotique, on pourra s'étonner de plusieurs détails contradictoires avec l'ambiance de dévastation, comme l'uniforme finalement très sexy de la Femme ou la présence d'eau potable. L'épisode ne tente pratiquement pas d'exploiter l'angoissante solitude subie par les héros, demeurant moins intense que la situation équivalente mais autrement plus stressante développée dans le pilote de la série. Mais cette ligne édulcorante qui minore la réussite de l'épisode s'exprime avec une force particulière lors de la conclusion. Celle-ci semble bien démonstrative et optimiste, une autre considérablement plus sombre et réaliste aurait permis de parachever plus efficacement la dénonciation de l'horreur et de l'absurdité de la guerre. Mais ces critiques proviennent d'un regard contemporain habitué à des séries actuelles ne mégotant pas sur le réalisme le plus cru, parfois jusqu'à l'insoutenable (y compris dans le genre post-apo). Dans le cadre des années 60, cet épisode se montre étonnamment éloquent et courageux, confirmant en cette orée de la troisième saison que La Quatrième Dimension demeure fidèle à ses fondamentaux (et cela même si la part de Science-fiction ou de Fantastique semble relativement minime…). Acteurs : Charles Bronson (1921-2003) demeure un comédien particulièrement populaire pour ses personnages durs et justiciers dans des domaines aussi variés que le film de guerre (Les Douze Salopards 1967...), le western (Les Sept Mercenaires 1960, Il était une fois dans l'Ouest 1968...) ou le policier (Un justicier dans la ville, 1974...). Au début de sa carrière (années 50 et début des 60), il a également beaucoup tourné pour la télévision : Bonanza, Rawhide, Gunsmoke, Les Incorruptibles... Elizabeth Montgomery (1933-1995) est bien entendu l'inoubliable interprète de Ma sorcière bien-aimée (1964-1972). Elle vient compléter la future distribution de cette série déjà présente de manière amusante dans différents épisodes de The Twilight Zone. Elizabeth Montgomery participe également à Alfred Hitchcock présente, Les Incorruptibles... ainsi qu'à de très nombreux téléfilms. Aux côtés de Dick Sargent, elle milite activement pour la défense des droits des homosexuels (Gay Pride 1992) ainsi que contre le SIDA. Cette grande figure de la télévision américaine décède à 62 ans d'un cancer particulièrement foudroyant. Date de diffusion : 22 septembre 1961 Résumé : Grant Sheckly, spécialiste réputé de l'élucidation des catastrophes aériennes, se confronte au plus étrange cas de sa carrière : un avion a correctement atterri, mais totalement vide d'équipage et de passagers !... Critique : Initialement, c'est avec confiance que l'on aborde cet épisode. En effet, il participe à un courant fécond de l'anthologie, celui des histoires reliées à l'aviation. En ce début des années 60 où ce type de transport émerveille bien plus qu'aujourd'hui, La Quatrième Dimension jette en effet un regard fasciné sur ce domaine mystérieux, interdit depuis l'origine à l'Humanité, et semblant dissimuler d'étranges secrets. L'odyssée du vol 33, King Neuf sans retour, Le Lâche ou bien encore Les trois fantômes ont, chacun dans un style différent, illustré la richesse de cette veine narrative. Et de fait, l'énigme proposée par l'intrigue paraît d'entrée diablement séduisante, sollicitant astucieusement la curiosité du spectateur sur un développement original de l'inépuisable thème de la chambre close. De plus, L'arrivée permet de pénétrer dans l'atmosphère toujours si prenante d'un aéroport tandis que le récit ne sera pas sans évoquer aux amateurs des X-Files le formidable double épisode Tempus Fugit. Par ailleurs, un épisode de Département S (One of our aircraft is empty) se fondera sur la même idée de départ (et avec une résolution plus cartésienne). Las, l'inquiétude se substitue bien vite à l'enthousiasme tant le surplace du scénario s'impose comme patent. Au-delà du postulat initial, l'intrigue ne se poursuit plus que par l'énoncé de diverses hypothèses risibles ou par quelques bizarreries soulignées avec pesanteur, jusqu'à satiété (les sièges aux couleurs mouvantes, etc.). Le pire consiste néanmoins en la conclusion d'une banalité assez déconcertante pour l'anthologie et tout à fait décevante eu égard aux promesses du lancement. Tout ça pour ça, a-t-on envie de dire, avec le vague sentiment d'avoir été floué. La composition du solide Harold J. Stone et des efficaces seconds rôles n'y change rien, de même que l'habile mise en scène de Boris Sagal. Celui-ci réussit quelques plans agréablement troublants de l'intérieur de l'avion, lui conférant une atmosphère hantée bien sentie. On n'en tombe que de plus haut alors que l'insigne faiblesse du scénario à la chute trop floue et brusquée constitue une première indication du relatif essoufflement de l'inspiration de Serling. Acteurs : Harold J. Stone (1911-2005) connut une belle carrière au cinéma et à Broadway, mais fut surtout un visage familier des séries américaines des années 60 et 70 (Bonanza, Les Incorruptibles, Max la Menace, Les Espions, Mission : Impossible, Police Woman, Kojak, Mannix, Vegas, Lou Grant, Drôles de Dames...). Bing Russel (1926-2003) tourna principalement pour le Policier et le Western, mais se fit connaître comme une importante figure du Baseball. Propriétaire des célèbres Portland Mavericks, il joua également un rôle actif dans la modernisation de ce sport. Il est aussi le père de Kurt Russel. Date de diffusion : 29 septembre 1961 Résumé : Le docteur Stockton, très apprécié par ses amis, fait néanmoins l'objet de quelques moqueries de leur part pour avoir bâti un abri anti-nucléaire sous sa maison. Un beau soir, alors que l'on fête son anniversaire, la radio annonce que des missiles ont été lancés contre le pays… Critique : Cet épisode nous vaut une nouvelle démonstration, singulièrement intense, de l'horreur et de l'effroi du péril atomique représenté par la Guerre Froide. L'impact en ressort particulièrement fort pour les contemporains au moment où l'affrontement des Blocs devient plus aigu que jamais : les tensions diplomatiques virent au rouge à un an de la Crise de Cuba qui forcera le monde à enfin stopper cette folle course à l'abîme. La véracité ressentie par les spectateurs, encore redoutable aujourd'hui, se trouve renforcée par une astuce diabolique de La Quatrième Dimension qui renonce ici purement et simplement à tout élément de Fantastique et de Science-Fiction. Vous ne regardez pas la télévision, mais à travers une fenêtre : un coup d'audace parfaitement abouti, à contre-courant en ce début des années 60. La contre-culture ne se développera qu'ultérieurement au cours de la décennie, véhiculant parfois ces épisodes de l'anthologie parmi ses références. Mais c'est dans son propre déroulement que le récit va chercher le plus de force, avec une description d'un réalisme particulièrement dérangeant de la manière dont la paranoïa dépouille progressivement les personnages de leur dignité, faisant rejaillir le pire de leur personnalité, jusqu'à aboutir à une pure démence. The Shelter évite habilement d'opposer des bons à des méchants, des fourmis à des cigales, car un processus similaire s'opère également chez le docteur et sa famille. Surtout, l'intrigue instille un doute réellement terrifiant : quelle est la vérité de l'âme humaine, la civilisée ou la barbare ? La société n'est-elle pas un mensonge collectif plutôt qu'un progrès réel ? La mise en scène, expressive mais sans effets lourdement assénés, ainsi que le jeu convaincant des comédiens, concourent également au succès d'un épisode particulièrement âpre. On doit cependant émettre deux réserves. Tout d'abord le récit paraît suffisamment éloquent en lui-même, lui apporter une conclusion à ce point sentencieuse et appuyée semble contreproductif. Et surtout ce thème, sous une forme relevant cette fois marginalement de la Science-Fiction, a déjà été exploité très similairement dans Les monstres de Maple Street, un épisode de la première saison encore davantage magistral. The Twilight Zone et Rod Serling se répètent, certes avec talent, mais néanmoins très clairement. Acteurs : Larry Gates (1915-1996) est principalement connu pour sa participation au long cours (16 ans) à Haine et Passion, le soap le plus ancien de la télévision américaine (1952-2009, 15 762 épisodes !). Il a aussi joué dans Bonanza, Les Incorruptibles, Les Envahisseurs… Jack Albertson (1907-1981) fut un populaire artiste dont les multiples talents (musicien, danseur, chanteur, comédien...) lui valurent de nombreux succès à Broadway, mais aussi au cinéma (Charlie et la Chocolaterie, 1974...). Il participe également à Bonanza, La Grande Vallée, Les rues de San Francisco, Night Gallery, Drôles de Dames… 4. LA ROUTE DE LA MORT Date de diffusion : 6 octobre 1961 Résumé : À l'issue de la Guerre de Sécession, de nombreux soldats de l'Union ou de la Confédération passent devant la maison d'une femme dont le mari a été tué au front. Ils lui déclarent rentrer chez eux, mais elle finit par comprendre, en discutant avec un vétéran, qu'ils sont tous morts et en route vers l'au-delà… Critique : Cet épisode pourrait sembler devoir lutter contre plusieurs handicaps : une certaine naïveté du symbolisme, un conflit bien plus sensible pour l'esprit collectif américain que pour le nôtre (bien plus tard, Les X-Files l'aborderont encore, dans l'admirable Le pré où je suis mort), et une certaine prédictibilité des évènements survenant sur cette fameuse route, jusqu'à la chute. Néanmoins, ces éléments négatifs s'oublient bien vite tant l'étrangeté de la situation et l'émotion palpable des personnages se communiquent avec force au spectateur. Cette fable particulièrement émouvante participe aux épisodes, finalement assez nombreux dans l'anthologie, relevant du Weird West, démontrant une nouvelle fois la richesse de ce style très populaire Outre-Atlantique. Les dialogues, touchants dans leur simplicité, le jeu à fleur de peau des comédiens et la musique si mélancolique, rendent particulièrement convaincante cette dénonciation des horreurs de la guerre. Cet épisode, s'il rejoint sur le fond son précédent, prend en revanche le plein contre-pied dans la forme, opposant le merveilleux au réalisme, et les pleurs du passé à l'effroi du présent. Tout en demeurant fidèle à son discours général, La Quatrième Dimension continue à user avec succès de la grande liberté d'inspiration que procure sa structure anthologique. La mise en scène sobre mais efficace de Eliott Silverstein tire le meilleur parti d'un étonnant décor de studio en simili extérieur, qui apporte la touche onirique si nécessaire à l'instauration de l'atmosphère si particulière de l'épisode. La sublime mélodie reprise par le vétéran n'est nulle autre que Black is the Color, un léger anachronisme puisque cette chanson d'inspiration écossaise remonte aux années 1910. Elle fut reprise avec grand succès par Nina Simone en 1959, ce qui explique peut-être sa présence dans l'épisode. Depuis, elle apparaît régulièrement dans les programmations de musique celtique ou folk, et fut encore sélectionnée par The Corrs dans leur album de titres traditionnels, Home (2005). Acteurs : James Gregory (1911-2002) fut un acteur de genre spécialisé dans les rôles d'autorité : responsables politiques, officiers, chefs d'entreprise… Il apparut dans Star Trek, Le Fugitif, Bonanza, Hawaii Police d'État, Mission : Impossible, Columbo, Night Gallery, Kolchak The Night Stalker, Kojak… Joanne Linville (1928) a participé à un nombre imposant de séries : Les Envahisseurs, Star Trek, Bonanza, Hawaii Police d'État, Kojak, Les rues de San Francisco, Columbo, Drôles de Dames… 5. LE JOUEUR DE BILLARD Date de diffusion : 13 octobre 1961 Résumé : Jesse Cardiff, joueur exceptionnel de billard, a triomphé de tous ses adversaires. Néanmoins, il est tourmenté par la mémoire de « Fats » Brown, figure légendaire de cette discipline qu'il n'a jamais pu affronter. Or Fats ressurgit de l'au-delà et lui propose un duel au sommet, avec la vie pour enjeu !... Critique : Ce conte moral, parfaite illustration de la malice de cet auteur souvent narquois que demeure George Clayton Johnson, s'avère un petit bijou d'efficacité narrative. Il exploite l'intensité propre aux huis clos pour développer une confrontation extrêmement ludique et réellement captivante pour le spectateur. Le récit maintient habilement le suspense le plus total quant à l'identité du vainqueur et rend très vivant le duel grâce aux portraits antagonistes finement dessinés des deux compétiteurs. Au flegme blasé et un rien suffisant de Fats s'oppose la flamme intense et l'obsession de reconnaissance de Jesse, non sans humour tant les deux comédiens nous régalent de mimiques joliment ciselées et très expressives. À l'issue de cette compétition si acharnée, non dépourvue de chausse-trappes, une ultime chute bien dans le ton de La Quatrième Dimension vient apporter une désarçonnante surprise au spectateur. La solide réalisation de Buzz Kulik parvient à exploiter les différents attraits du billard (coup de main, perception géométrique, sens stratégique...) pour rendre le spectacle parfaitement attractif même pour les non férus de ce sport. On lui sait gré d'éviter les facilités des figures absurdement spectaculaires malgré l'irréprochable technique des joueurs, pour accorder la priorité à la psychologie des personnages. Par ailleurs, la plaisante incertitude de la partie trouve un écho dans la morale elle-même ambivalente de cette fable. Libre à chacun d'apprécier les efforts consentis par Jesse pour sublimer sa vie, ou d'estimer qu'il gâche celle-ci. À l'inverse, on peut louer la sagesse de Fats ou regretter une certaine médiocrité de sa part. Le récit laisse chacun plus libre de son choix qu'il n'y paraît face à la notion si américaine de challenge. Un remake de l'épisode, réalisé pour La Cinquième Dimension (1989), inversera complètement le résultat de la confrontation, dans un sens plus proche de celui initialement désiré par l'auteur ! Acteurs : Jack Klugman (1922-2012) débuta à Broadway, avant de participer à de nombreux classiques du cinéma (Douze hommes en colère, 1957 ; Le Jour du vin et des roses, 1962 ; Goodbye, Columbus, 1969...). Il reste néanmoins surtout connu pour ses rôles récurrents à la télévision : The Odd Couple, 1970-1975 et Quincy, 1976-1983. Klugman joue également dans de nombreuses autres séries : Les Incorruptibles, Le Virginien, Le Fugitif... Il apparaît dans quatre épisodes : Un coup de trompette, Le joueur de billard, Le vaisseau de la Mort et Amour paternel. Jonanthan Winters (1925-2013) connut une carrière aux multiples facettes : acteur de cinéma et de télévision, scénariste, monteur, producteur, artiste de stand up... Il se spécialisa néanmoins dans la comédie. Toujours actif, il réalise désormais de nombreuses voix de dessins animés (Tiny Toons...). Date de diffusion : 20 octobre 1961 Résumé : Une révolution vient de réussir dans un pays d'Amérique Latine. Le nouveau Lider Máximo (ressemblant furieusement à Fidel Castro) reçoit un étrange cadeau de la part de son prédécesseur vaincu : un miroir l'avertissant des menées de ses ennemis... Critique : L'épisode se veut ambitieux en tentant de dresser une critique acerbe de toute dictature. À travers la parabole du miroir, il évoque la paranoïa assassine et la déréliction morale qui s'empare de tout détenteur d'un pouvoir non régulé par la démocratie et l'État de droit. Certes, ce propos se vérifie à travers de nombreux et abominables exemples historiques, mais paraît ici asséné sans finesse aucune, de manière beaucoup trop démonstrative. L'enchaînement des évènements se produit de manière très prévisible jusqu'à donner une impression de mécanique évidente, affaiblissant l'impact de la démonstration. De plus, enserré dans un huis clos et un scénario aussi expéditif que bavard, le vétéran Don Medford ne dispose guère de latitude, et ne peut que produire un spectacle s'assimilant au théâtre filmé. Heureusement, l'épisode bénéficie de la prestation d'un Peter Falk totalement possédé par son rôle. Il apporte une vie et une vraie attractivité à un épisode en ayant bien besoin par la vivacité et l'expressivité de son jeu. Sa vision d'un pseudo Castro fantasmé accroche réellement le regard. Falk, qui à l'occasion revêt quelques expressions évoquant de manière amusante le futur Columbo, reste cependant bien seul : les autres comédiens manifestent des dons plutôt limités et parfois un jeu singulièrement empesé (c'est notamment le cas pour l'ultime lieutenant survivant). Sans même parler de barbes postiches parfois évidentes… Malgré les prouesses du grand comédien, demeure l'impression d'un épisode n'ayant pas su exploiter comme il le méritait son thème initial. Acteurs : Peter Falk (1927-2011) n'est pas que l'interprète du célébrissime Inspecteur Columbo (1968-2003) ; il compta également de nombreux succès au cinéma, notamment avec son ami John Cassavetes (Husbands, 1970 ; Une femme sous influence, 1974...) mais aussi Milliardaire pour un jour (1961), Princess Bride (1987), Les Ailes du Désir (1987), etc. Sa belle carrière lui valut deux sélections aux Oscars. Si Columbo le monopolisa en grande partie à la télévision, il tourna auparavant notamment dans Les Incorruptibles et Alfred Hitchcock présente, et d'autres séries. 7. VENGEANCE D'OUTRE-TOMBE Date de diffusion : 27 octobre 1961 Résumé : Au Far West, un chasseur de primes est mis au défi de passer la nuit à côté de la tombe de l'un de ses pires ennemis, assassiné par d'autres dans une embuscade. Comme preuve, il doit placer son couteau dans le sol... Critique : Très clairement, cette histoire de vengeance post-mortem ne brille pas par son originalité. Ses effets apparaissent bien éculés et son intrigue minimaliste. L'exposition de la situation se montre également bien trop étendue pour un dénouement des plus rapides. Cependant, Montgomery Pittman, décidément bien meilleur metteur en scène que scénariste, va éveiller l'intérêt du spectateur en parvenant à développer une véritable atmosphère tout au long de l'épisode. Dans un premier temps, Vengeance d'outre-tombe, malgré une évidente économie de moyens, reconstitue à merveille le cadre des séries de Western de l'époque. Les attitudes, les costumes, et les décors se montrent parfaitement évocateurs des conventions du temps ; cet aspect agréablement documentaire se voyant bien entendu renforcé par la fabuleuse distribution. L'épisode permet en effet de découvrir plusieurs vedettes du genre encore à l'orée de leur carrière, même s'ils ne sont déjà plus des débutants. Chacun se montre parfaitement à l'aise dans son registre : Lee Marvin tout en présence physique et charisme, et Lee van Cleef vraiment épatant en serpent froid et machiavélique, préfigurant Sentenza. James Best constitue une excellente surprise, démontrant une finesse de jeu sans commune mesure avec ce qu'il mettra plus tard en œuvre dans Shérif, fais-moi peur. D'une manière soudaine et non dépourvue de spectaculaire, The Grave bascule ensuite dans une épouvante évoquant quelque peu Edgar Allan Poe ou Sheridan Lefanu. Certes, rien de nouveau sous la Lune sépulcrale, mais les effets sonores et les perspectives visuelles astucieuses de Pittman (excellent emploi du vent) apportent une vraie efficacité à ce versant, même si le grand atout en demeure le décor du cimetière : les décorateurs n'ont visiblement pas hésité à en rajouter dans le gothique - ce qui convient idéalement ici - tandis que sa nature de décor extérieur artificiel lui confère un aspect irréel parfaitement convaincant. Les amateurs des Avengers et des œuvres de l'inénarrable Z.Z. von Schnerk ne se sentiront pas en terrain inconnu tant pourrait se dérouler ici l'enterrement de Mrs. Peel ! Ce décor sert également de superbe écrin pour une chute classique mais fort bien amenée. Au total, Vengeance d'outre-tombe ne se distingue pas par le souffle original ou le discours subtil des grands opus de l'anthologie, mais vaut néanmoins par le savoir-faire du metteur en scène et son casting des plus relevés. Acteurs : Lee Marvin (1924-1987) fut un acteur de genre particulièrement populaire, que cela soit dans les films noirs (Les Inconnus dans la ville, 1955...), ceux de guerre (Les Douze Salopards, 1967...) ou les Westerns (L'Homme qui tua Liberty Valance, 1962...). Il remporta l'Oscar du meilleur acteur en 1965 pour Cat Ballou. Lee Van Cleef (1925-1989) reste l'une des figures majeurs du Western, spécialisé dans les rôles de méchant. À côté d'une superbe carrière au cinéma (Le Train sifflera trois fois, 1952 ; Règlement de comptes à OK Corral, 1957 ; Le Bon, la Brute et le Truand, 1966...), il tourna également beaucoup pour la télévision (Les Incorruptibles, Laramie, Zorro, Perry Mason, Bonanza, etc.). Il connut la consécration d'une adaptation dans Lucky Luke lors de l'album Chasseur de Primes (1972). James Best (1926-2015) est un spécialiste des seconds rôles de Western, genre dans lequel il apparut près de 300 fois au grand comme au petit écran. Il reste néanmoins remémoré pour son rôle de shérif abruti dans Shérif, fais-moi peur (1978-1985). Il participe à deux autres épisodes de l'anthologie : Les funérailles de Jeff Myrtlebank et Jess-Belle. James Best a publié ses mémoires en 2009. 8. C'EST UNE BELLE VIE Date de diffusion : 3 novembre 1961 Résumé : La terreur règne sans partage dans un petit village de l'Amérique rurale. Anthony Frémont, six ans, est doté de pouvoirs surhumains, voire quasi divins. De plus, il s'agit d'un garnement épouvantable, dont les caprices transforment en enfer la vie des habitants mais aussi de sa propre famille. Critique : Ce pur chef-d'œuvre de l'anthologie s'appuie sur différents atouts. Tout d'abord une atmosphère totalement insolite, indiquée dès la présentation de l'histoire par Rod Serling. Celui-ci développe particulièrement ses effets autour d'une image frappante, celle des États-Unis plongés dans le néant, puis l'entrée en scène soigneusement orchestrée du "monstre". Des détails insérés au récit (fils électriques coupés, absence de ravitaillement) viennent d'entrée indiquer que quelque chose ne fonctionne pas du tout derrière ce décor idyllique. L'intrigue, inspirée par Bixby, grand nouvelliste de Science-Fiction qui fera également merveille dans Star Trek, laisse intelligemment vagabonder l'imagination du spectateur au cours de ce qui pourrait encore constituer un épisode décalé, voire humoristique. Très vite, au-delà de l'étrangeté ambiante et des pouvoirs surnaturels d'Anthony, It's a good life en arrive à son véritable sujet, une histoire d'horreur véritablement éprouvante. On ressent de manière palpable l'épouvante subie par les habitants (y compris par les propres parents de l'abominable enfant gâté), le plus pénible demeurant cette obligation constante d'afficher sourires et éblouissements devant les prétendus chefs-d'œuvre du gamin. Sans lésiner sur de l'humour noir du meilleur cru, mais dans une implacable progression, le scénario nous immerge toujours plus profondément dans ce cauchemar, avec un Anthony toujours plus atroce et implacable dans ses caprices, jusqu'à une conclusion absolument glaçante car dépourvue de toute chute ou happy end. La terreur imbibe cet épisode comme peu d'autres au sein de La Quatrième Dimension. La mise en scène de James Sheldon accompagne à merveille la solide interprétation des différents comédiens, d'où se détachent le toujours excellent John Larch ainsi que Bill Mumy, assez sidérant en caricature féroce des enfants tête-à-claques peuplant les séries américaines, notamment dans les années 60. On y trouve également un effet spécial, une relative rareté au sein de l'anthologie. Comme toujours avec une parcimonieuse économie de moyens, il laisse entrevoir avec saisissement le sort effroyable réservé par Anthony à son ultime victime. Ce diable à ressort reste à juste titre l'une des images les plus célèbres de The Twilight Zone. L'épisode connaît en dernier lieu un impact tout particulier par la vision inversée qu'il renvoie à l'Amérique. Le fameux American Way of Life s'y voit caricaturé par son importance démesurée accordée à l'Enfant Roi, l'un des fondements de cette société de consommation. Le petit prince devient ici un monstre égocentrique et sociopathe au dernier degré. Anthony déforme la réalité en une sorte d'immense attraction à la Disneyland, devenu le libre champ de son bon plaisir. De manière assez irrésistible, l'épisode apparaît comme une version antagoniste du futur Ma Sorcière bien-aimée, soit le chantre de cette Amérique des Sixties passée ici au vitriol. Le grand retentissement de l'épisode lui vaudra d'être retenu dans les reprises du film de 1983 ainsi que de connaître une suite dans La Treizième Dimension (2003), nettement inférieure au présent opus. En 1974, Serling écrivit une adaptation au grand écran de l'épisode, mais son brusque décès l'année suivante stoppa le projet. It's a good life reste également comme un référentiel majeur de l'anthologie, repris ou parodié à de multiples occasions dans la culture populaire. Stephen King fera ainsi référence à plusieurs reprises au fameux champ de maïs, de même que le pilote de la série Dead Like Me entre bien d'autres exemples. Acteurs : Bill Mumy (1954) a effectué de nombreuses apparitions à la télévision, principalement dans le domaine de la Science-fiction. Il incarne ainsi Will Robinson dans Lost in Space (1965-1968) et Lennier dans Babylon 5 (1993-1999). Il est également apparu dans Ma Sorcière bien-aimée, Le Fugitif, Ultraman, Superboy, Star Trek Deep Space Nine... Il participe à deux autres épisodes de l'anthologie et à la suite de celui-ci, C'est toujours une belle vie (La Treizième Dimension, 2003), ainsi qu'à son adaptation dans le film de 1983 ! John Larch (1914-2005) connut une prolifique carrière de second rôle, principalement dans les films de genre (westerns, policiers ou films de guerre) où il s'était spécialisé dans les rôles d'autorité, shérif ou officier. Il participe à plusieurs films de – ou avec – son ami Clint Eastwood : Un frisson dans la nuit (1971), L'Inspecteur Harry (1971, comme chef de la police)… À la télévision il apparaît dans Le Fugitif, Les Envahisseurs, Bonanza, Police Woman, Cannon, Les Rues de San-Francisco,Dallas, Dynastie... Il participe également aux épisodes La poursuite du rêve et Poussière. 9. LE MUSÉE DES MORTS Date de diffusion : 10 novembre 1961 Résumé : Un ancien officier S.S. ayant changé d'identité vient visiter le site de Dachau, conservé en l'état. Il y rencontre un déporté qu'il avait pourtant tué à l'époque. Ce fantôme va lui faire revivre l'horreur du lieu, cette fois parmi les prisonniers. Critique : Une vérité bien triste, mais souvent vérifiée, est que malheureusement les meilleurs sentiments ne suscitent pas obligatoirement les épisodes les plus réussis. Le musée des morts ne manque certes pas de force, mais celle-ci relève de la Shoah elle-même, de son abomination sans pareille et de son souvenir indélébile. Inspiré par l'actualité, alors que le procès d'Adolf Eichmann bat son plein (il sera pendu le 31 mai 1962), Rod Serling ne bâtit ici qu'une histoire de fantôme vengeur des plus classiques, constituant de plus un clair remake de La nuit du jugement (saison 2). Avouons également que cette histoire de dignitaire S.S., vraisemblablement poursuivi par la justice, quittant son abri sud-américain pour visiter les lieux-mêmes de ses exactions ne paraît pas des plus crédibles. L'ensemble se limite à une démonstration certes louable mais mécanique et prévisible dans son déroulement. La mise en scène de Don Medford ne se dépare pas de quelques astucieux procédés, mais maintes fois usités dans ce type de récit. Oscar Beregi, surtout en seconde partie, incarne son personnage sans guère de subtilité (on se situe très loin du Amon Goeth de Ralph Fiennes dans La Liste de Schindler). A contrario, par son apparition empreinte de dignité, Joseph Schildkraut insuffle toute leur puissance aux dialogues et parvient, par moments, à transcender l'épisode. Le décor, réalisé avec les moyens limités caractérisant l'anthologie, parvient cependant à évoquer avec acuité l'horreur des camps de concentration. On remarque une curiosité : alors qu'en version originale le Nazi prétend avoir passé la guerre en Russie, en version française c'est la France qui se voit évoquée ! Le titre Death-Head Revisited fait référence à la tête de mort ornant le sinistre uniforme des S.S. Cette reconstitution de Dachau était initialement un fortin militaire destiné à un Western qui en définitive ne se réalisa pas. Acteurs : Joseph Schildkraut (1896-1964), d'origine autrichienne, fut une figure du Hollywood d'avant-guerre. Ayant débuté à l'époque du muet, il se spécialisa dans les rôles d'Européens, principalement dans les films en costumes (Marie-Antoinette, 1938...). Oscar Beregi (1918-1976) dut à son accent et à ses origines hongroises d'interpréter de nombreux personnages d'Européens de l'Est et d'Allemands. Outre de multiples apparitions au cinéma, il joua également dans : Papa Schultz, Des agents très spéciaux, Max la Menace, Les Mystères de l'Ouest, Mission : Impossible, Mannix, Kojak… Dans Les Incorruptibles, il tint également le rôle semi récurrent du gangster Joe Kulak. Il apparaît aussi dans les épisodes Rendez-vous dans un siècle et La Muette. 10. LE SOLEIL DE MINUIT Date de diffusion : 17 novembre 1961 Résumé : La fin du Monde est proche : la Terre tombe vers le Soleil et les températures deviennent toujours plus insoutenables. Deux femmes tentent de survivre dans ce décor apocalyptique. Critique : Épisode d'épouvante grand cru que celui-ci, où tout concourt à immerger le spectateur dans un authentique cauchemar. L'impression de véracité et d'effroi suscité par cette apocalypse flamboyante paraît absolument remarquable. À partir du terrifiant constat initial, le scénario décrit avec habileté la descente aux Enfers de la Terre à travers les évènements vécus par l'héroïne, mêlant ainsi le drame personnel à la catastrophe planétaire. Le jeu particulièrement expressif de la très belle Lois Nettleton compte pour beaucoup dans l'intensité de cette histoire, ainsi que la fine écriture des différents personnages, mais c'est la mise en scène d'Anton Leader qui accroche particulièrement le regard. L'alerte caméra du réalisateur parvient à animer ce complet huis clos alors que se multiplient ces bonnes idées comme les visions de ce terrible soleil gigantesque, omniprésent dans le ciel, et des interventions impeccablement filmées comme les émissions de radio totalement délirantes, des visions dévastées de la ville, ou l'irruption d'un homme de prime abord menaçant. On ressent parfaitement la folie gagnant le monde, avec comme point d'orgue ces tableaux tourmentés fondant littéralement sous nos yeux. Cet effet spectaculaire a été obtenu en substituant de la cire à la peinture, sur une résistance électrique : un autre exemple de ces astuces peu coûteuses pratiquées tout au long de l'anthologie. Comme souvent dans La Quatrième Dimension, une chute absolument renversante et résultant d'une ironie particulièrement affûtée vient couronner l'ensemble. Par ailleurs, les amateurs des Avengers trouveront ici une démonstration des plus suggestives de l'hypothèse cataclysmique soulevée dans La naine blanche ! Et l'on ne peut pas bien entendu ne pas songer au réchauffement climatique actuel… Acteurs : Lois Nettleton (1927-2008) mena une active carrière au théâtre comme à la télévision, ce qui lui valut de remporter deux Emmy Awards. Elle participe à Decoy, Alfred Hitchcock présente, Le Fugitif, Bonanza, Cannon, Hawaii Police d'État, Kung-fu, Les rues de San-Francisco, Le Caméléon... Jason Wingreen (1919-2015) eut une carrière prolifique en très courtes apparitions au cinéma, souvent non créditées au générique. Également acteur de voix, il fut notamment celle de Boba Fett dans la première version de L'Empire contre-attaque (1980). Au petit écran, il tint le rôle récurrent du Capitaine Dorsett dans Les Incorruptibles (1960-1961). Il participa également à Mission : Impossible, Au-delà du Réel, Matlock, Le Fugitif... Il participe aussi aux épisodes Arrêt à Willoughby et Le Barde (non crédité). 11. LA VALLÉE IMMOBILE Date de diffusion : 24 novembre 1961 Résumé : Durant la Guerre de Sécession, un soldat sudiste découvre dans une vallée toute une unité nordiste apparemment statufiée. Un vieux magicien lui déclare posséder un grimoire permettant d'employer ce sortilège. Ce livre permettrait au Sud de remporter la guerre, moyennant une simple formalité… Critique : Cet épisode s'avère particulièrement pauvre. Un ton volontiers prêcheur souligne pesamment un récit minimaliste, précédé par une exposition trop allongée. Sans doute les Américains sont-ils plus sensibles aux résonances des histoires liées à la Guerre de Sécession, mais le spectateur européen restera lui de marbre face à un discours pour le moins démonstratif : utiliser des armes suprêmes conduit fatalement à l'abomination et à priver la victoire de toute substance. On comprend le parallèle avec le péril nucléaire ou chimique mais la forme pèche ici par son simplisme ainsi que par l'aspect réellement rudimentaire de la mise en scène. Les talentueux comédiens ne peuvent rien contre l'aspect d'image d'Épinal que revêt l'ensemble de cette intrigue bien schématique et remplie de clichés. De plus, l'épisode ressemble fort à un remake nettement moins réussi de Requiem (saison 1). On remarque néanmoins un détail amusant : pour expliquer l'étendue de son pouvoir, le sorcier explique qu'il est le septième fils d'un septième fils, soit l'un des thèmes traditionnels des contes et légendes nord-américains. Il s'agit d'ailleurs de l'argument développé dans le cycle des Chroniques d'Alvin le Faiseur d'Orson Scott Card, narrant les aventures très colorées du héros, au confluent de différents folklores et au sein d'une Histoire alternative réellement savoureuse. Acteurs : Gary Merrill (1915-1990) connut une belle carrière au cinéma, mais aussi comme voix off. Il participe également à de nombreuses séries : Laramie, The outer limits, Time Tunnel, Kung-fu, Cannon… Il fut l'époux de Bette Davis. Date de diffusion : 1 décembre 1961 Résumé : Alan Richards, ingénieur, détruit plusieurs porte-bonheurs rapportés d'un long séjour en Afrique contre l'avis de son épouse qui craint une malédiction indigène. Les phénomènes les plus étranges vont alors se multiplier. Critique : Beaumont s'impose de nouveau ici comme l'un des grands maîtres de l'épouvante, mais aussi un partisan éclairé de la rénovation des grands classiques, comme lors de L'homme qui hurle ou de ses films réalisés avec Roger Corman. C'est en effet à un vrai voyage au bout de la terreur que nous convie cet épisode, avec l'intrusion progressive d'une autre réalité, angoissante et surnaturelle, au sein de celle que nous connaissons, rassurante et cartésienne. Cette invasion ne se traduit que ponctuellement par des effets directs, jouant bien plus judicieusement sur le pouvoir de la suggestion. Sons et vents mystérieux, effets d'ombres et de lumières, angoisse toujours plus insoutenable exprimée par le héros (remarquable John Dehner). La mise en scène de William Claxton enchevêtre habilement plusieurs procédés stimulant avec pugnacité l'imagination du spectateur, sur un mode repris bien plus tard par le formidable Blair Witch Project. La narration fluide et dosée à la plus fine balance par Beaumont débouche implacablement sur une conclusion aussi brutale qu'absurde, cinglante d'humour noir. Par ce choc entre la jungle du Darkest Africa et celle de béton et d'asphalte, Beaumont renoue avec le meilleur d'auteurs comme Conan Doyle, Edgar Rice Burroughs ou Sax Rohmer, leur sens de l'exotique et de l'aventure, du péril et du souffle représenté par l'inconnu. Il régénère leur style, remplaçant les figures obsolètes par une écriture moderne et dépouillée de toute fioriture. Avec habileté, Beaumont renvoie également dos à dos impérialistes et défenseurs des traditions ancestrales, également violents et sans pitié, pour se concentrer sur ce qui l'intéresse vraiment et qu'il exprime magnifiquement : la terreur de l'homme face à des forces le dépassant et, en définitive, à la mort, encore et toujours son sujet de prédilection. Acteurs : John Dehner (1915-1992), souvent employé dans les rôles de méchants, fut très actif au cinéma (Scaramouche, 1952...) et à la télévision. Il fut aussi régulièrement employé dans les feuilletons radiodiffusés. Il participe notamment à Gunsmoke, Les Incorruptibles, Perry Mason, Maverick, Les Mystères de l'Ouest, Mannix, Columbo, Hawaï Police d'État… 13. IL ÉTAIT UNE FOIS Date de diffusion : 15 décembre 1961 Résumé : Woodrow Wilson trouve le monde dans lequel il vit, l'Amérique de 1890, totalement insupportable, et ses concitoyens horripilants au dernier degré. Ce nostalgique aigri essaie le casque de voyage temporel inventé par ses employeurs et se retrouve soudain transporté dans l'avenir, en 1961... Critique : Les épisodes humoristiques comptent rarement parmi les plus marquants de l'anthologie, mais pourtant celui-ci va faire date. La participation de Buster Keaton n'apparaît pas tout à fait comme un hasard en ce début des années 60 où sa popularité connaît un regain suite à la redécouverte de ses films. Cependant, bien loin de se contenter d'un effet d'aubaine, l'épisode se manifeste par son ingéniosité et son audace, avec cette idée géniale de reconstituer la magie des comédies burlesques du cinéma muet. On retrouve ainsi nombre des ingrédients propres à cette époque (allègre musique d'accompagnement, imitation du grain d'image, panneaux explicatifs, gags visuels naïfs et savoureux, gendarme à moustaches, poursuites échevelées, etc.), le tout sur un mode joyeux et particulièrement enlevé. À cette fin, Rod Serling a eu l'excellente idée de faire appel à un praticien du genre en la personne de Norman Z. McLeod, réalisateur à succès de nombreuses comédies des années 30, dont on sent ici toute la patte. Buster Keaton montre, lui, une belle énergie lors de ces retrouvailles, même s'il ne se lance évidemment plus dans les hallucinantes cascades d'alors. À l'occasion de cet épisode spécial, que l'on pourrait baptiser avant l'heure de « décalé », La Quatrième Dimension tient à mettre toutes les chances de son côté en recourant à celui qui demeure sans doute son meilleur auteur, Richard Matheson. Celui-ci, dans un exercice de style plus malaisé qu'il n'y paraît au premier abord, parvient à tricoter un astucieux scénario combinant les références au Muet à son style narratif propre où un personnage lambda doit souvent faire face à l'inexplicable. Certes, les contraintes de l'exercice de style limitent son imagination : après tout le voyage dans le temps reste un thème moins original qu'à l'accoutumée et on sent que le grand écrivain lui-même doit quelque peu tirer à la ligne en milieu de parcours (chez le réparateur) pour atteindre le temps imparti sur un sujet assez minimaliste. Mais l'histoire fourmille d'idées amusantes comme ces parallèles entre les deux époques ou la déception du scientifique voyageant dans le passé qui double astucieusement la satire des grincheux idéalisant sans cesse « le bon temps ». Une critique atteignant d'ailleurs le spectateur contemporain, éprouvant souvent une nostalgie pour ces années 60 débutantes… On notera également que le léger ralentissement du milieu de l'épisode relève en fait de l'humour bon enfant des Sixties qui aura finalement bien plus vieilli que le comique échevelé et jubilatoire des films de Buster Keaton ! Un hommage sans doute involontaire, mais se rajoutant à celui, finalement aussi drôle qu'émouvant, que rend Once upon a time à cette grande figure du Septième Art quelques années avant son décès. Acteurs : Buster Keaton (1895-1966) fut l'une des figures majeures de l'ère du muet. Ses films représentent l'apothéose des comédies burlesques de l'époque, souvent particulièrement spectaculaires (Le Mécano de la General, 1927 ; Cadet d'eau douce, 1928...). Sa carrière et son comique, bâtis essentiellement sur l'image, souffrirent considérablement du passage au parlant. Quelque peu oublié, le public le redécouvrira à la fin des années 50 à l'occasion d'une ressortie de ses films (Oscar d'hommage en 1959). 14. CINQ PERSONNAGES EN QUÊTE D'UNE SORTIE Date de diffusion : 22 décembre 1961 Résumé : Cinq individus disparates (un militaire, une ballerine, un clown, un clochard, et un joueur de cornemuse) se réveillent dans une tour circulaire, ouverte en son sommet et sans issue visible. De plus totalement amnésiques, les personnages vont tenter de résoudre cette énigme. Critique : Cet épisode, l'un des plus réputés de l'anthologie, nous convie réellement à un voyage au bout de l'étrange. Cette impression, présente ici comme jamais, naît de deux sources distinctes, aux effets s'additionnant. La première consiste en l'étrangeté de ce lieu fermé, le mystère de sa nature. Mais s'y rajoute également l'énigme représentée par les personnages eux-mêmes, amnésiques et surtout archétypaux. Leur dimension référentielle, soulignée à plaisir par des comédiens parfaitement expressifs, demeure finalement le plus troublant, instillant le doute sur la nature de leur identité. Si le militaire, dont le dynamisme dissimule mal la panique, ou le clown, dont l'humour et les facéties font si bien corps avec ce destin ironique, attirent particulièrement l'attention, on reste également sensible à la grâce fragile de la ballerine. Pour l'anecdote, la VO est recommandée pour profiter de l'accent écossais à couper au couteau du joueur de cornemuse. Cet absurde total de la situation conduit les personnages à multiplier les hypothèses dans un très stimulant échange de théories. De manière amusante, celles-ci ressurgiront quasiment à l'identique lors de la première saison de LOST, dans une situation finalement assez comparable. Mais surtout cette histoire pousse le spectateur à spéculer lui-même sur les notions de réalité et de relativité du point de vue, sur un mode à la fois similaire et très différent du Huis Clos de Sartre (l'Enfer est explicitement évoqué). Joseph, Estelle et Inès savent exactement qui ils sont et où il se trouvent, à l'exact opposé de nos héros, ce qui peut encore rajouter à l'impact du récit de La Quatrième Dimension. Les multiples autres résonances envisageables de Five Characters in Search of an Exit (titre évoquant le célèbre Six personnages en quête d'auteur de Pirandello, qui lui aussi joue sur différents niveaux de réalité et d'imaginaire) ne signifient pas que l'épisode revête l'aspect d'une pompeuse conférence, bien au contraire la mise en scène alerte et inventive de Lamont Johnson, ainsi que cet étonnant décor, rendent tout à fait palpitantes les mésaventures des personnages, jusqu'à aboutir à l'une des chutes (au sens propre !) les plus saisissantes de La Quatrième Dimension. Cet épisode, un conte de Noël autrement plus original et Twilight Zone que le fade Night of The Meek de la saison précédente, connut un vaste écho dans la culture populaire, inspirant notamment le particulièrement troublant Cube (1997) de Vicenzo Natali. Acteurs : William Windom (1923-2012) est un vétéran des séries américaines dont le demi-siècle de carrière s'étend des années 50 à 2000. Il participe ainsi à : Les Envahisseurs, Les Mystères de l'Ouest, Le Fugitif, Star Trek, Columbo, Gunsmoke, Banacek, Mission : Impossible, Les rues de San Francisco, Super Jaimie, Kojak, Magnum, JAG, etc. 15. LA GRANDEUR DU PARDON Date de diffusion : 29 décembre 1961 Résumé : Alors que la Guerre du Pacifique est sur le point de s'achever, un jeune lieutenant sans expérience du front s'apprête à lancer une attaque aussi meurtrière qu'inutile sur une grotte fortifiée. Soudain, il est mystérieusement transporté dans une situation similaire, mais dans la peau d'un officier japonais. Critique : On devine la part de sincérité et d'implication personnelle que véhicule cet épisode pour Rod Serling, lui-même vétéran de la sanglante Guerre du Pacifique. On renoue d'ailleurs ici avec la veine pacifiste souvent exprimée avec talent au cours de son anthologie. Malheureusement, les bons sentiments prennent ici le pas sur l'intérêt de l'histoire. En effet, rien ne fonctionne, que cela soit les discours sentencieux ou imprécatoires, les postures caricaturales des différents personnages, une mise en scène platement démonstrative, ou encore un décor vraiment minimaliste. On ressent plus l'impression d'assister à un mauvais film de propagande, certes pour une juste cause, qu'à un épisode de La Quatrième Dimension. Les comédiens de seconds rôles demeurent irréprochables, mais Dean Stockwell manque encore de métier et exprime de manière trop mécanique un officier déjà bien peu subtil. Il s'avère bien meilleur dans le versant japonais du récit. Reste la curiosité de le voir aux côtés de Leonard Nimoy (très fugacement pour celui-ci), réunissant ainsi deux futures grandes figures des séries de Science-Fiction. Il apparaît pour le moins étonnant qu'un épisode aussi faible, mais certainement ressenti avec davantage d'impact par les Américains, ait été retenu pour le film de 1983, certes avec une considérable réécriture. Acteurs : Dean Stockwell (1936) fut un enfant star d'Hollywood durant les années 40 (Les vertes années, 1946...). Hormis quelques rôles marquants chez David Lynch (Blue Velvet, 1986...) et dans Veuve mais pas trop (1988), il reste principalement connu pour son rôle de Al dans Code Quantum (1989-1993). Toujours actif, il participe à Battlestar Galactica (2004-2009). Leonard Nimoy (1931-2015) incarna le célèbre M. Spock dans Star Trek Classic (1966-1969), mais participa également à bien d'autres séries (Mission : Impossible, Bonanza, Night Gallery, Columbo…). Il annonce sa retraite en 2010 alors qu'il participe encore à Fringe. 16. RIEN À CRAINDRE Date de diffusion : 5 janvier 1962 Résumé : Une vieille dame vit claquemurée chez elle depuis des années, par peur panique de laisser entrer la Mort en personne. Un jour, un policier blessé la supplie de lui porter assistance… Critique : L'épisode apparaît comme une reprise d'un précédent, une de plus cette saison, en l'occurrence le pétillant Pour les anges (saison 1). Mais la comparaison s'interrompt bien vite. Là où son modèle introduisait une fantaisie décapante et bienvenue, n'altérant en rien la substance de son propos, celui-ci tire péniblement à la ligne, avec un climat volontiers misérabiliste et larmoyant au possible. Le parallèle établi entre la Mort et l'entrepreneur apparaît passablement souligné tandis que le récit se fige dès le début, tant il demeure prévisible, y compris dans sa chute proche du poncif. Les dialogues ressortent parfaitement lénifiants sans craindre l'emploi de quelques grosses ficelles. Enchâssée dans un huis clos qu'elle ne parvient pas à animer, la mise en scène de Lamont Johnson, que l'on a connu plus inspiré, ne parvient pas à extraire cet épisode particulièrement bavard des travers du théâtre filmé. Robert Redford s'inscrit dans la tonalité d'ensemble de l'épisode en campant un Mister Death singulièrement lisse et glamour, mais dépourvu de réelle dimension. Redford bénéficie déjà d'une belle prestance mais doit encore visiblement faire ses classes de comédien. À l'opposé, la formidable Gladys Cooper sauve Nothing in The Dark de l'insignifiance grâce à son jeu expressif et convaincant. Cette ancienne du West End semble parfaitement à son affaire dans cette atmosphère particulièrement théâtrale, jusqu'au quasi respect de la triple unité d'action, de temps, et de lieu. Acteurs : Gladys Cooper (1888-1971) fut une modèle réputée et une figure du théâtre britannique avant de franchir l'Atlantique dans les années 40 pour connaître également une belle carrière au cinéma (Rebecca, 1940 ; My fair Lady 1964…). Toujours active au soir de sa vie, elle participe également à plusieurs séries des années 60, son ultime rôle étant celui de la Duchesse Ozerov dans Amicalement Vôtre. Robert Redford (1936) se situe ici à l'orée de sa carrière, encore très télévisuelle (Maverick, Les Incorruptibles…), avant de devenir l'une des plus grandes stars d'Hollywood : Butch Cassidy et le Kid (1969), Les Trois Jours du Condor (1975), Out of Africa (1985), Et au milieu coule une rivière (1992)… 17. L'EXCENTRIQUE M. RADIN Date de diffusion : 29 décembre 1961 Résumé : Monsieur Radin, multimilliardaire, a toujours été un tricheur et homme à la moralité douteuse. Trois personnes l'ont révélé sous son vrai jour au cours de sa vie (une institutrice, un pasteur et un officier), l'humiliant publiquement. Il décide de les attirer dans un abri anti-atomique puis de leur faire croire que l'apocalypse est survenue... Critique : C'est à une farce mordante et sinistre que nous convie ici Rod Serling. Renonçant pratiquement à tout élément surnaturel, il va dresser une vue en coupe subtile et finalement très littéraire de Radin. Sûr de lui et dominateur, volontiers plastronnant, il apparaît au début convaincu que ses trois contempteurs vont abdiquer toute dignité pour demeurer en vie, assurant son triomphe final. Les dialogues, superbement écrits, montrent bien la dualité existant entre son apparence fringante et sa réalité nettement plus mesquine. La suite va se révéler un implacable renversement du piège. Les trois vertueux personnages, campés avec morgue (le scénario évite le manichéisme), demeurant insensibles à la tentation, Radin va peu à peu perdre de sa superbe et révéler progressivement un effarement virant plus à la panique qu'à la colère. Ce dégradé impitoyable, magnifiquement exprimé par le talentueux Joseph Wiseman, fait tout le prix d'un épisode de plus porté par un excellent décor et une mise en scène judicieuse de la part de Lamont Johnson. Tout juste regrettera-t-on une chute pas tout à fait imprévisible et quelque peu superfétatoire à l'issue de ce huis clos psychologique. One more pallbearer titillera agréablement les amateurs de James Bond. Dans ses attitudes de la première partie, Wiseman évoque nettement le Dr. No, raffiné, à l'humour mordant et cynique. Son antre, très design et bourré de gadgets presse-bouton, rappelle également beaucoup les repaires archétypaux des grands méchants des années 60, particulièrement ceux de 007. Une scène frappe fortement, celle des trois « invités » arrivant dans le bunker et se voyant accueillis par un Radin invisible, s'exprimant par un haut-parleur. On se croirait devant Dent venu au rapport et avant de recevoir la fameuse araignée ! C'est à se demander si cet épisode n'a pas influé sur son choix comme interprète du maléfique docteur. Un plaisir décalé mais bien réel à apporter au crédit de cet épisode très réussi. Acteurs : Joseph Wiseman (1918-2009) reste célèbre pour avoir incarné le Dr. No, premier adversaire de James Bond au cinéma (1962). Il apparut également dans plusieurs séries : Les Incorruptibles, Les rues de San Francisco, Law & Order… 18. LES CHAUSSURES DIABOLIQUES Date de diffusion : 19 janvier 1962 Résumé : Un clochard récupère des chaussures, mais celles-ci ont appartenu à un gangster ayant été abattu par des rivaux. L'esprit de celui-ci va s'emparer du corps du malheureux afin d'exercer sa vengeance... Critique : Épisode vraiment minimaliste que celui-ci. Alors que La Quatrième Dimension doit sa juste renommée à son modernisme et à sa capacité d'imagination, ici elle se contente d'exploiter l'un des éléments plus fondamentaux du Fantastique en le mixant simplement avec le film noir, un genre jetant ses derniers feux en cette orée des années 60. En effet la possession, immédiate ou progressive, d'un individu par le précédent propriétaire d'un objet ou d'un endroit lui ayant appartenu, reste un grand classique du surnaturel d'un Lovecraft ou d'un Howard. L'écran en a d'ailleurs expérimenté une forme quelque peu nouvelle avec les organes ou les diverses parties du corps humain : cœur, yeux ou mains. Ainsi le chef-d'œuvre français que constitue Les Mains d'Orlac (publié en 1921) vient-il d'être à l'affiche en 1961 ! C'est dire combien l'anthologie innove. Au-delà du choix du thème de l'épisode, c'est davantage son traitement qui contrarie. D'habitude, on apprécie vivement la réécriture moderne et pertinente des Anciens par Beaumont. Mais avec cet épisode, tout en demeurant fidèle à son thème central, la Mort, il commet une grande erreur d'appréciation en ne se situant plus que marginalement dans le Fantastique, pour au contraire privilégier le roman noir ou de gangsters. La dimension surnaturelle devient une spécificité mineure du récit, non pas son axe principal. Certes les amateurs des Incorruptibles et autres œuvres similaires pourront trouver leur compte dans cette histoire si conforme aux canons du genre, au point parfois d'en figurer une caricature parfois schématique. Dagget et ses sbires composent des gangsters archétypaux, et Wilma campe l'éternelle femme fatale (en français dans le texte), tandis que l'on retrouve une rivalité sanglante des plus classiques. Prenez un scénario archi rebattu, substituez simplement la survie miraculeuse de rigueur du héros par un gadget paranormal, et vous obtiendrez Les chaussures diaboliques. Or, il y a un temps pour tout. Quand on regarde The Twilight Zone, c'est pour découvrir de passionnantes et ébouriffantes histoires relevant du Fantastique ou de la Science-Fiction, pas pour s'égarer en d'autres contrées où cet aspect se limiterait à un alibi. Cette inversion des priorités narratives ne peut que laisser un goût d'inachevé (ce que connaîtra par exemple X-Files lors du très bon mais hors sujet Pine bluff variant). Certes, certains éléments viendront relativiser ce fait, comme la solide prestation de Warren Stevens ou l'efficacité de la mise en scène de Montgomery Pittman. Mais la frustration prédomine tout de même, d'autant que la chute, habituellement un atout pour l'anthologie, se révèle un nouveau cliché. Le moment le plus Quatrième Dimension demeure certainement de voir Rod Serling faire l'apologie du tabac ("À consommer sans modération !") pour son sponsor lors de la présentation de l'opus suivant ! L'épisode fera l'objet d'un remake au cours de la première saison de La Cinquième Dimension (1985), aussi peu concluant malgré une superbe composition de la grande Helen Mirren. Acteurs : Warren Stevens (1919-2012), acteur aux multiples seconds rôles, a participé à de très nombreuses séries américaines : Les Incorruptibles, Laramie, Perry Mason, Gunsmioke, Bonanza, I Spy, Mission : Impossible, The Time Tunnel, Police Woman, Cannon, Wonder Woman, Urgences... 19. LA CHASSE AU PARADIS Date de diffusion : 26 janvier 1962 Résumé : Hyder Simpson, un chasseur vétéran vivant dans l'Amérique rurale, se noie dans une rivière en portant secours à son chien. Leurs esprits rencontrent un homme se présentant comme Saint-Pierre. Celui-ci déclare à Hyder qu'il peut entrer au Paradis, mais à condition d'abandonner son chien... Critique : The Hunt, ou quand La Quatrième Dimension prend ses quartiers à Walnut Grove. Depuis son commencement, l'anthologie oppose souvent les vertus d'une Amérique éternelle, idéalisée et volontiers rurale, aux déséquilibres et aux aliénations véhiculés par le monde moderne. Cette idée, que l'on retrouve dans des épisodes comme Walking Distance ou A stop à Willoughby, se manifeste ici avec plus de force encore qu'à l'accoutumée. Si cet attachement à cette société (ou plutôt à l'image qu'il s'en est forgé) manifesté par Earl Hamner Jr paraît sincère, il n'en ressort malheureusement guère d'élément passionnant pour le spectateur. L'entrée en matière prend beaucoup trop de place dans l'intrigue ; de même la période de latence, où le héros ne comprend pas ce qui lui arrive, s'étend également démesurément. De plus, elles ne servent pratiquement qu'à instiller platement les clichés inhérents à ce petit monde, vus et revus dans La petite maison dans la prairie ou nombre de Westerns de l'âge d'or. On s'ennuie durant cette histoire prévisible et démonstrative au possible quand le scénario semble enfin démarrer avec les rencontres se déroulant dans l'au-delà. On retrouve alors la saveur de nombreux contes et légendes de nos terroirs, mais aussi du folklore américain. L'on ne peut que regretter que cet aspect ne se voie pas davantage développé, se limitant à quelques dialogues aussi naïfs que plaisants. La conclusion survient dès lors bien rapidement, avec une chute tombant tout à fait à plat tellement elle avait été anticipée. Elle poursuit jusqu'à son terme l'aspect country de cette fable finalement très classique par ailleurs. On y retrouve de plus la patine rétro participant au plaisir suscité par La Quatrième Dimension, car à notre époque de forte sensibilité écologique, ce Paradis où l'on organise régulièrement des chasses ferait se froncer plus d'un sourcil ! Au crédit de The Hunt, l'on pourra également porter la composition étonnante de naturel d'un Arthur Hunnicutt jouant sur du velours, tant ce personnage s'inscrit au cœur de son répertoire. Mais son métier et son registre si calibré empêchent justement l'épisode de s'orienter vers un second degré fantaisiste où cette histoire d'au-delà en chemises à carreaux aurait pu s'épanouir. Si Harold Schuster tire un joli parti des décors naturels puis de réalisations en studio fort réussies, il se contente par ailleurs de filmer platement l'action en cours (ou ce qui en tient lieu). D'abord agréables, les ritournelles country deviennent vite larmoyantes et appuyées, on sature très vite. L'épisode demeure cependant une vibrante déclaration d'affection au meilleur ami de l'homme et devrait trouver un écho favorable parmi les amateurs de séries animalières. Au total, pour la première de ses huit participations à l'anthologie, ce chantre de l'Amérique rurale qu'est l'écrivain Earl Hamner (The Waltons, Falcon Crest...) installe son univers mais sans réellement convaincre. Acteurs : Arthur Hunnicutt (1910-1979) se spécialisa dans les Westerns. Son personnage fétiche fut celui de l'homme de la campagne, bougon mais avisé. Il participa ainsi à de nombreux films des années 50 et 60 (El Dorado, 1967...) mais aussi à de nombreuses séries du genre. En 1975, pour l'un de ses derniers rôles, il incarna Oncle Jesse dans Moonrunners, le film dont la série dérivée fut Shérif, Fais-Moi Peur (1979-1985). 20. RÈGLEMENTS DE COMPTE POUR RANCE MCGREW Date de diffusion : 2 février 1962 Résumé : Rance McGrew, vedette d'une série télé de Western, se montre particulièrement infatué et tire sans cesse la couverture à lui durant les tournages, jusqu'à rendre l'action invraisemblable. Un beau jour, l'esprit de Jesse James se manifeste et le fait pénétrer dans cet Ouest mythique que l'acteur traitait jusque-là avec mépris... Critique : L'exercice de style du film dans le film produit toujours un effet stimulant et nous a valu nombre de réussites, de La Nuit Américaine au Hollywood des X-Files, sans bien entendu oublier le Caméra meurtre de Chapeau Melon et Bottes de Cuir. Dans un premier temps, l'épisode divertit grâce à un recours réussi à cette méthode, mêlant l'humour bon enfant caractéristique des années 60 à un micro documentaire intéressant sur les tournages des séries de Western. Ce genre très codifié (Gunsmoke, Maverick…) demeure encore très populaire, mais sa forme classique a connu son apogée durant les années 50 (à l'instar du grand écran), et le début des années 60 voit son étoile commencer à pâlir. L'épisode en reconstitue les tournages avec une savoureuse ironie, avec à la clef un joli catalogue des divers procédés utilisés lors des passages archétypaux que ne démentirait certainement pas Z.Z. Von Schnerk ! Les gags se montent volontiers divertissants même si Larry Blyden agace vite tant son personnage se montre irritant. On apprécie vivement la composition de Robert O. Cornthwaite en réalisateur au bord de la crise de nerfs ! Malheureusement, après ce prologue plutôt réussi, l'épisode va opérer un consternant contre-sens dès lors qu'il pénètre au cœur de son récit. En effet, le fantôme de Jesse James (tout comme le commentaire un rien sentencieux de Serling) reproche à Rance McGrew de trahir la vérité du Far West par sa série ridicule, mais la vision qui en est donnée apparaît tout aussi caricaturale et contraire à la réalité historique de cette époque. James vit dans un Western aussi primaire et manichéen que celui de Rance, ce qui enlève beaucoup de sa pertinence à la démonstration. Caractéristiquement, les décors et les attitudes demeurent semblables ; on peut difficilement en vouloir à un acteur de ne pas correspondre aux rôles qu'il interprète… L'épisode passe ainsi à côté de son sujet et de plusieurs scènes hilarantes. Par ailleurs, l'intrigue demeure particulièrement simpliste et se concluant par une vraie ellipse, évacuant le problème de l'accueil que connaîtra une série dont le héros perd à chaque épisode. La mise en scène de Nyby, grand spécialiste du Western en série, demeure agréable, mais les seconds rôles se révèlent aussi rudimentaires que de coutume dans ce genre de série. Si La Quatrième Dimension sait saisir une nouvelle fois l'air du temps, au moment où le Western télévisé traditionnel commence doucement mais sûrement à se ringardiser, on pourra également trouver un peu inélégant de s'en prendre ainsi à la maison d'en face, alors qu'une histoire du même type, sur un ton plus corrosif, aurait pu s'envisager autour de la Science-Fiction de l'époque (celle véhiculée par The Outer Limits). Galaxy Quest (1999) concrétisera avec humour et audace cette idée, sans oublier d'égratigner au passage les fans, grands absents de Showdown with Rance McGrew. Acteurs : Larry Blyden (1925-1975) réalisa quelques apparitions à l'écran mais demeure surtout connu pour sa carrière aux nombreux succès sur les scènes de Broadway. À partir de 1967, il devient très populaire comme animateur de jeux télévisés ou d'émissions de variété. Il décède des suites d'un accident de voiture survenu durant des vacances au Maroc. Il participe également à l'épisode Enfer ou Paradis. Robert O. Cornthwaite (1917-2006) est une référence de la Science-fiction au cinéma ; il participe en effet à plusieurs films majeurs du genre : The Thing from Another World (1951), The War of the Worlds (1953), Colossus (1970)... S'il joue également dans nombre de séries télé, il demeure néanmoins avant tout un acteur de théâtre, réputé notamment pour ses adaptations de classiques français à Broadway. 21. JEUX D'ENFANTS Date de diffusion : 9 février 1962 Résumé : Charles Whitley, vivant dans une résidence pour personnes âgées, regrette ses vertes années. Il décide de jouer au ballon avec des enfants, persuadé qu'ainsi il pourra rajeunir. Ses amis demeurent totalement sceptiques... Critique : Kick the Can illustre à la perfection les difficultés de renouvellement qu'affronte l'anthologie alors que l'on approche à grands pas du centième épisode. En effet, il demeure difficile de ne pas y discerner un remake particulièrement transparent de Parasites, de plus sur un mode bien mineur. Là où son modèle parvenait à susciter une atmosphère étrange et émouvante tout en développant un véritable scénario, Jeux d'enfants se contente d'un récit particulièrement schématique et mal agencé. Passée l'exposition du postulat follement original selon lequel garder à l'esprit la magie de l'enfance (mais aussi la capacité de rébellion) conserve la vraie jeunesse, mâtinée d'un soupçon de fantastique désarmant de naïveté, la progression dramatique se résume à un immobilisme verbeux. On débouche ensuite sur une conclusion brusquement accélérée et laissant subsister de trop grandes zones d'ombre quant au devenir des personnages. Sur ce point, l'auteur amendera d'ailleurs son récit ultérieurement comme le reprendra le film de 1983, qui assez inexplicablement retiendra cet épisode parmi sa sélection. La malice de George Clayton Johnson se dilue ici dans une certaine facilité alors que l'on ne trouvera pas davantage d'intérêt dans les dialogues convenus de personnages se résumant à des clichés ou dans la mise en scène sans imagination de Lamont Johnson. Fort heureusement, Ernest Truex manifeste le même talent que lors de Je sais ce qu'il vous faut. Sa vivacité et son allant confèrent une vraie crédibilité à son personnage entreprenant et refusant la résignation. On lui doit les moments les plus entraînants de cet épisode très anodin par ailleurs. Les seconds rôles se montrent pareillement excellents. Comme souvent dans La Quatrième Dimension, le demi-siècle écoulé depuis le tournage apporte une saveur documentaire au spectacle avec cette vision d'une maison retraite de la classe moyenne du début des années 60 et une découverte de ce jeu de plein air essentiellement américain que demeure encore aujourd'hui le « Kick the can ». Acteurs : Ernest Truex (1889-1973) fut un enfant prodige du théâtre, déclamant Shakespeare dans tous les États-Unis à l'âge de neuf ans. Il connut par la suite une très belle carrière à Broadway comme acteur, mais aussi metteur en scène. Après quelques essais au temps du muet, il se tint néanmoins éloigné des écrans, hormis les adaptations de pièces de théâtre qui fleurirent au début des productions télévisuelles. Sur le tard, il apparut régulièrement dans les anthologies de la fin des années 50. Il participe également à l'épisode Je sais ce qu'il vous faut. 22. UN PIANO DANS LA MAISON Date de diffusion : 16 février 1962 Résumé : Fitzgerald Fortune, brillant mais impitoyable critique de théâtre, fait l'acquisition d'un étrange piano. Sous l'influence de sa musique, les auditeurs révèlent leur personnalité profonde et leurs secrets. Fortune va dès lors se moquer cruellement de son entourage... Critique : Tout au long de A piano in the house, l'on ressent comme une véritable atmosphère à la Oscar Wilde avec cette description au scalpel d'une haute société bâtie sur l'hypocrisie et le refoulement. L'apparente courtoisie dissimule une authentique cruauté alors même que les victimes se révèlent finalement aussi peu charitables que leur bourreau. Le Fantastique subtil et finalement très victorien véhiculé par le fatidique piano révèle les soubassements de nos pensées. L'effet en ressort bien plus troublant que l'apparition d'un monstre quelconque ou des extraterrestres de carton-pâte peuplant la Science-fiction de l'époque tant le véritable effroi réside dans l'esprit humain. D'un point de vue plus trivial mais néanmoins savoureux, l'instrument nous apporte également de fort jolies mélodies aussi agréables que variées, convenant idéalement à leur destinataire. On apprécie le savant dégradé de l'intrigue partant d'une situation humoristique pour progresser dans un drame psychologique toujours plus poignant. Enfin, la mise en scène de Greene se montre particulièrement vive et imaginative, mettant fort efficacement en valeur l'époustouflante démonstration de Barry Morse. En effet, à côté d'excellents seconds rôles (notamment Joan Hackett), l'épisode demeure dominé par l'extraordinaire prestation du regretté acteur. Alors que tant de comédiens de l'époque se sont spécialisés dans un emploi, celui-ci a toujours manifesté le même talent à travers les rôles les plus variés que l'on puisse imaginer. Ici également, il stupéfie par l'intensité de son jeu et le charisme quasi démoniaque qu'il apporte à son personnage, avant de restituer à merveille son effondrement personnel concomitant à la chute sociale, jusqu'à conférer une dimension psychanalytique à l'épisode. On pourrait s'interroger sur l'impact d'un héros aussi néfaste qu'imposant et considérer qu'il fait de l'ombre au piano lui-même ; ce dernier semblerait plus étrange et fascinant encore sans maître et en pivot unique de l'histoire, mais la prestation de Morse paraît si époustouflante qu'elle balaie cette opposition. On regrette par contre que le récit ne soit pas allé assez loin dans la noirceur des victimes. Enfin l'on remarque que l'épisode jette un regard particulièrement acide sur la profession de critique, ce dernier se percevant comme une intelligence impitoyable mais vide, reposant sur une personnalité aussi immature que trouble. Sur ce point, l'auteur a dû essuyer quelques douloureuses déceptions par le passé… Acteurs : Barry Morse (1918-2008) constitue une figure importante de l'histoire des séries télé grâce notamment à ses rôles récurrents dans Le Fugitif, Cosmos 1999 (inoubliable Pr. Victor Bergman) ou encore L'Aventurier... Il connut également une longue et active carrière à la radio, au théâtre, et au cinéma, tout en restant remémoré pour sa grande implication dans de nombreuses œuvres de charité. 23. LES FUNÉRAILLES DE JEFF MYRTLEBANK Date de diffusion : 23 février 1962 Résumé : Dans une petite ville de l'Amérique rurale, Jeff Myrtlebank ressuscite au beau milieu de ses funérailles. Il devient dès lors un homme différent, bien meilleur que précédemment. Mais ses concitoyens se demandent rapidement s'il n'est pas possédé par le démon... Critique : Après The Hunt, nous revoici plongés dans l'Amérique country, un sujet décidément évoqué avec régularité tout au long de l'anthologie. Toutefois, ces deux épisodes expriment des tonalités tout à fait distinctes. Earl Hamner Jr, écrivain plaçant l'exaltation de la ruralité au cœur de son œuvre, décrivait une société bon enfant et fondamentalement positive, dont la gentillesse des habitants pouvait à force résulter quelque peu mièvre. Il en va différemment ici, l'écrivain volontiers caustique que demeure Montgomery Pittman jetant un regard bien plus sarcastique sur ce petit monde si différent de Walnutt Grove. Le bon docteur devient un escroc imbu de lui-même et n'hésitant pas à mentir comme un arracheur de dents pour sauvegarder son prestige, tandis que les citoyens s'avèrent superstitieux et bornés. Le rapport à la violence se voit également joliment croqué, avec un fier-à-bras plastronnant sur ses peu reluisants exploits dans l'assentiment général, ou un groupe se montrant agressif car se sentant dominant, puis hypocrite quand le rapport de force s'inverse. Les femmes ne sont guère épargnées non plus, entre oie blanche et amatrices de ragots. La farce demeure bien entendu légère et humoristique, mais laisse clairement entrevoir une société assez rude. Les acteurs participent avec entrain à cette charge, avec des accents joyeusement caricaturaux. Il faut vraiment écouter l'épisode en version originale pour percevoir comment ils y vont tous franchement, jusqu'à devenir vraiment hilarants. Le cabotinage réjouissant de l'excellent James Best donne d'ailleurs envie de découvrir de la sorte quelques épisodes de Shérif, fais-moi peur ! Que le fils de cet individu des plus troublants qu'il incarne devienne ultérieurement sénateur parachève la réussite de cette satire acidulée. En tant que réalisateur, Montgomery Pittman donne de l'allant à son récit, tandis que son Fantastique pétillant et amoral accompagne idéalement ces truculents portraits, jusqu'à aboutir à une conclusion aussi désarçonnante que bien amenée. On se situe loin de l'au-delà enfantin de The Hunt. L'audace de ces deux aspects de l'intrigue apporte une authentique drôlerie à cet épisode tonique, au happy end des plus singuliers. La Quatrième Dimension se montre volontiers inégale quand elle s'aventure dans la comédie, mais cet opus s'impose comme une authentique réussite. Acteurs : James Best (1926-2015) est un spécialiste des seconds rôles de Western, genre dans lequel il apparut près de 300 fois au grand comme au petit écran. Il reste néanmoins remémoré pour son rôle de shérif abruti dans Shérif, fais-moi peur (1978-1985). Il participe à deux autres épisodes de l'anthologie, Vengeance d'outre-tombe et Jess-Belle. James Best a publié ses mémoires en 2009. 24. COMMENT SERVIR L'HOMME Date de diffusion : 2 Mars 1962 Résumé : À l'intérieur d'un vaisseau spatial extra-terrestre, un homme se remémore l'arrivée de ces visiteurs très particuliers. Les Kanamits se montrent particulièrement sympathiques, n'affichant qu'une seule ambition : servir l'Homme. Critique : Avec Damon Knight (1922-2002), La Quatrième Dimension accueille l'une des plumes les plus prestigieuses de la Science-Fiction. Ce célèbre auteur, spécialisé dans la nouvelle, développa une littérature particulièrement imaginative et élégante, tout en tenant un grand rôle d'éditeur et de découvreur de talents. Il reste également remémoré comme le premier grand critique du genre, souvent incisif. In search of Wonder, recueil de ses différents billets, demeure encore aujourd'hui un ouvrage de référence sur la période dite de l'âge d'or. Et c'est bien cette veine décapante qui va s'exprimer ici avec un brio particulier. En effet, To serve Man constitue une relecture joyeusement iconoclaste d'un des classiques absolus de la période : l'arrivée d'extra-terrestres hostiles, cherchant à détruire ou à asservir l'Humanité. Tous les poncifs du genre s'y voient détournés, comme fonctionnant à l'envers : les Kanamits se montrent amicaux et les militaires se montrent préoccupés de ne pas se retrouver au chômage. Les figures tutélaires du héros et de sa blonde assistante s'inversent également puisque c'est cette dernière qui résout l'énigme et que le champion demeure totalement impuissant. Paru en 1950, en pleine prédominance de la Science-fiction classique, ce récit démontre une renversante originalité par sa conclusion pessimiste. Cette chute stupéfiante brille également par son humour noir, constituant le point d'orgue de cette farce cruelle et audacieuse. Elle constitue l'archétype du style narratif propre à The Twilight Zone dont elle représente l'un des moments les plus célèbres. Rod Serling réalise en effet un excellent travail de réécriture au format télévisuel. Il choisit et adapte fort judicieusement ce texte alors même que son anthologie se conçoit comme une rupture avec ce type de Science-Fiction, à l'orée de la nouvelle vague des années 60 dont elle constitue l'un des flambeaux. Mais l'intérêt de To serve Man ne se cantonne pas au brio de cet exercice de style, l'épisode comportant de nombreuses pépites faisant de lui un spectacle divertissant au plus haut point. Il comporte ainsi de magnifiques inserts du New-York et de l'ONU des Sixties, lui conférant une saveur documentaire fort agréable. On retrouve également la paranoïa propre à la Guerre Froide, les nations se retranchant derrière des protections alors même que l'idée de guerre devient absurde. On ne peut que recommander la vision de l'épisode en version originale, le délégué français de l'ONU nous valant un anglais à l'accent tricolore hilarant qui ne sera pas sans évoquer quelques souvenirs aux amateurs des Avengers. Ceux-ci découvriront un procédé proche de La mangeuse d'hommes du Surrey, relecture pour le coup franchement décalée de ce type d'histoire. La mise en scène de Bare fourmille d'excellentes idées comme l'apparition filmée en ombre chinoise du Kanamit (soulignée par une apparition de Rod Serling plus tardive que de coutume), les traductions écrites comme un télégramme, l'emploi judicieux de décors une nouvelle fois récupérés sur ceux de Planète Interdite, ou le héros s'adressant directement au public. Quoique muette, l'imposante apparition de l'inoubliable Richard Kiel, grimé de manière incroyable selon les pires canons de l'époque, achève de rendre l'épisode particulièrement succulent. Malgré quelques petites invraisemblances sans réelle conséquence (l'oubli du livre ou un mot kanamit présentant exactement le même double sens qu'en anglais), le succès de l'épisode fut considérable, le propulsant comme l'un des plus célébrés de La Quatrième Dimension (épisode le mieux noté sur Imdb : 9.3/10). Son impact sur la pop culture demeure toujours vivace et des références y sont faites dans de nombreuses œuvres : Buffy et Angel, Les Simpson et Futurama, le MillenniuM de Chris Carter, Warcraft, etc. Lloyd Bochner, le professeur, reprendra même son rôle dans un caméo dans Y a-t-il un flic pour sauver le président ? en brandissant le livre-clé et hurlant la fameuse révélation finale ! Acteurs : Richard Kiel (1939-2014) reste bien entendu l'interprète du redoutable Requin, adversaire de 007 dans L'Espion qui m'aimait puis dans Moonraker. Atteint d'acromégalie, son physique imposant faillit lui valoir le rôle de Hulk, qui finalement échut à Lou Ferrigno. Il participa également à de nombreuses séries B ainsi qu'aux Mystères de l'Ouest où il incarna Voltaire, le géant au service de l'infâme Dr Loveless. Date de diffusion : 9 mars 1962 Résumé : Le vieux Ben est la coqueluche des enfants d'un quartier paisible d'une petite ville américaine. Il est particulièrement apprécié par Jenny, petite fille souffrant d'un handicap à la jambe. Un jour, deux policiers apparaissent, recherchant le vieux Ben... Critique : Mais quelle mouche a bien pu piquer Charles Beaumont ? L'écrivain, si habile dans la modernisation des figures classiques du Fantastique et les thématiques sombres aux confins de l'épouvante, décide visiblement de changer totalement de registre. Malheureusement, cela le conduit à nous présenter un récit confondant de mièvrerie, accumulant les maladresses : pathos facile de la petite fille handicapée, dialogues lénifiants, extra-terrestre ridicule, happy end de rigueur et dépourvu de toute chute marquante, etc. Les quelques efforts d'un valeureux Bare pour dynamiser cette intrigue butent sur le manque de moyens et une musique pompière rapidement insupportable à force de souligner au centuple la moindre péripétie. Au total, au lieu d'un épisode de The Twilight Zone, on se retrouve face à une histoire destinée à la jeunesse, mais avec cette naïveté édifiante propre aux productions similaires de l'époque. Certes on perçoit bien ce que Beaumont a voulu écrire. D'une part, il critique le rationalisme adulte incapable de s'ouvrir au merveilleux de l'enfance (comme dans The big tall wish en saison 1), mais le personnage choisi pour cela, Madame Gann, verse trop dans la caricature pour rester pertinent. On peut y demeurer hermétique sans être pour autant une caractérielle bornée. Mais la grande idée de l'épisode se voit explicitée lors de sa présentation par Serling. Cette double définition en constitue d'ailleurs de loin le moment le plus intéressant (It's been said that Science Fiction and Fantasy are two different things, Science Fiction the improbable made possible and Fantasy, the impossible made probable. What would you have if you put the two different things together?). Mêler ces deux genres a effectivement été mené avec succès, mais cela nécessite un cadre autrement plus vaste que les courts récits de l'anthologie ; leur brièveté force à la simplification, d'où cette histoire d'extraterrestres magiciens assez affligeante. L'échec prévisible de The Fugitive, malgré les excellents comédiens, ne pouvait que se vérifier du fait de cette contradiction initiale. Il reste d'ailleurs caractéristique que Serling ait dû apparaître une seconde fois, évènement rarissime, pour pouvoir boucler l'histoire ! Acteurs : J. Pat O'Malley (1904-1985) connut une carrière de chanteur à succès dans la Grande-Bretagne d'avant-guerre. Arrivé à Hollywood, il apparut régulièrement au grand et au petit écran où il fut l'une des figures des toutes premières séries télé, principalement à destination de la jeunesse (The Adventures of Kit Carson, 1951-1955 ; Spin and Marty, 1955-1957...). Il réalisa également de nombreuses voix pour les dessins animés de Walt Disney. 26. LA PETITE FILLE PERDUE Date de diffusion : 16 Mars 1962 Résumé : Chris et Ruth sont réveillés en pleine nuit par les pleurs de leur petite fille, Tina. Or, si les plaintes de celle-ci se font entendre dans sa chambre, elle demeure invisible. La vérité s'impose : Tina a glissé dans un univers parallèle et ne parvient pas à revenir... Critique : Little girl lost renoue avec le talent si particulier de Richard Matheson pour plonger des quidams dans des situations absurdes au sein d'un quotidien banal. L'anthologie lui doit nombre de ses meilleurs moments, dont celui-ci. L'étrangeté de la situation saisit immédiatement le spectateur tandis qu'un vrai suspense s'instaure. On pourrait certes objecter que le thème des failles dimensionnelles a déjà été passablement traité dans la littérature classique et que Matheson se montre moins original que de coutume. Mais cette insertion dans un foyer américain moyen en fait tout le prix, de même que la personnalité des protagonistes, en rien des aventuriers ou des explorateurs. On ressent de la sorte beaucoup plus étroitement l'angoisse des parents et l'effarement du physicien. Le décor s'avère une vraie réussite de ce point de vue. On s'aperçoit de nouveau de l'efficacité du format court d'épisodes limités à 25 minutes car cette intrigue montrant des adultes à l'écoute d'une enfant pourrait vite virer à l'immobilisme. Tout juste ressent-on un léger ralentissement en milieu d'épisode. La caméra de Paul Stewart, excellent comédien de genre s'adonnant avec talent à la réalisation, parvient à donner vie au récit en multipliant les angles de vues et en suivant avec acuité les tourments des parents. Ceux-ci sont par contre interprétés avec une certaine emphase, particulièrement la mère. Avec les moyens du bord, Stewart parvient également à créer un univers parallèle onirique et fascinant, particulièrement suggestif. On note qu'après The Hunt, cet épisode rend une nouvelle fois hommage au meilleur ami de l'homme, dévoué et intrépide ! La seule vraie faiblesse de La petite fille perdue réside dans le fait que son héroïne soit justement une petite fille. Notre époque et ses représentations télévisuelles sont devenues bien plus rudes et explicites que durant les années 60, mais la mort d'un enfant survenant dans une série demeure un phénomène rare et marquant les esprits. Autant dire que, malgré les excellents moments de suspense mis en place par l'histoire, l'on ne croit jamais à une issue malheureuse. L'incertitude dynamisant souvent les récits de Matheson se ressent donc bien moins vivement dans cet opus. Le public français s'amusera par contre de l'emploi de l'expression « Quatrième dimension » tout au long de l'épisode, ajoutant un sel particulier à ce dernier. Acteurs : Charles Aidman (1925-1993) apparaît également dans l'épisode Les trois fantômes. Il est surtout remémoré pour avoir incarné Jeremy Pike, partenaire temporaire de James West dans Les Mystères de l'Ouest tandis que Ross Martin se remettait d'une blessure. Il fut également l'un des narrateurs de La Cinquième Dimension. 27. PERSONNE INCONNUE Date de diffusion : 23 Mars 1962 Résumé : David Gurney semble vivre un vrai cauchemar : plus personne ne le connaît, ni ses collègues, ni sa famille. On pense au contraire qu'il souffre de maladie mentale !... Critique : Après la tentative peu concluante de The Fugitive, Beaumont continue à s'affranchir de ses thématiques coutumières, cette fois en adoptant un style très proche de celui de son confrère Richard Matheson (l'épisode ressemble d'ailleurs passablement à Un monde différent du même Matheson). On retrouve donc un citoyen lambda, confronté à un dérèglement absurde et inexplicable de la réalité, et l'élève rivalise avec le maître tant Beaumont maîtrise visiblement son sujet. Cette histoire ressemble réellement à un cauchemar éveillé et déstabilise totalement le spectateur, confronté au même manque de repères que le malheureux héros. Beaumont s'offre le luxe d'une chute aussi stupéfiante et terrifiante que celles élaborées par Matheson. Son récit s'inscrit avec bonheur dans un autre courant de l'anthologie, celui de l'effroi amplifié par la solitude et l'incommunicabilité qu'affronte le protagoniste. Et rarement un personnage aura tant ressenti ces sentiments que Gurney, pourtant ironiquement entouré par ses proches ! Mais Beaumont ne se contente pas d'installer un concept, il développe également une analyse psychologique très fine autour de Gurney dont on suit avec clarté l'évolution : agacement suivi de colère devant ce qu'il estime constituer une blague puis un complot, angoisse quand le phénomène s'amplifie jusqu'à échapper à toute explication logique, volonté de lutte puis effondrement devant le triomphe de l'irrationnel. Sur l'ensemble de cet implacable récit s'étend l'ombre de la folie gagnant le héros, d'ailleurs évoquée en contrepoint par cet asile d'aliénés assez glaçant. Cette écriture subtile s'appuie sur l'excellente composition de Richard Long qui apporte un naturel confondant à son personnage. Ses réactions successives pourraient fort bien être les nôtres, y compris son terrible silence final. Il en va d'ailleurs de même pour les seconds rôles, tous très crédibles. Hormis un saut à travers une vitre inutilement spectaculaire, la mise en scène de John Brahm refuse intelligemment l'accentuation. Elle s'insère ainsi parfaitement dans l'effrayante véracité faisant le charme de cet épisode particulièrement abouti, représentant la quintessence du style Twilight Zone. Acteurs : Richard Long (1927-1974) reste principalement remémoré pour son rôle récurrent de Jarrod Barkley dans La Grande Vallée (1965-1969). il joue également dans Bonanza, Maverick, Alfred Hitchcock présente, Nanny and the Professor, etc. Richard Long décède préméturément d'un infarctus. 28. LE PETIT PEUPLE Date de diffusion : 30 Mars 1962 Résumé : Fletcher et Craig, deux astronautes en mission d'exploration, se posent sur un monde peuplé d'humanoïdes minuscules. Craig s'en déclare souverain et établit une dictature religieuse sur les autochtones tandis qu'il force Fletcher à s'enfuir... Critique : On peut certes reprocher plusieurs faiblesses à l'épisode. L'argument ressort réellement minimaliste, forçant l'auteur à tirer à la ligne à travers toute une première partie verbeuse et statique afin de donner de la matière au récit. Les personnages relèvent du cliché, avec en particulier un mauvais dosage chez Craig. Il aurait été bien plus intéressant de décrire comment le vertige de la toute puissance peut conduire un individu quelconque au délire criminel, mais introduire ainsi un psychopathe pervers enlève de la profondeur au récit et induit une certaine artificialité (de plus, Joe Maross cabotine à l'excès). Tout ceci s'emboîte trop bien. Il en va d'ailleurs pareillement pour la chute traditionnelle, certes spectaculaire, mais quelque peu prévisible et téléphonée. L'on ressent un peu explicitement que tout a été fabriqué pour y parvenir. Et pourtant l'on peut prendre du plaisir avec The Little People. Tout d'abord cet exercice de style, mêlant le ton Twilight Zone à la Science-Fiction de l'âge d'or la plus archétypale qui soit, nous fait replonger dans cet univers coloré où des vaisseaux franchissent l'univers à des vitesses folles, peuvent se rendre à « des milliers d'années-lumière de la Terre » sans aucun souci temporel, où les mécaniciens réparent la main dans le cambouis des moteurs fabuleux... en bref où absolument aucune contrainte physique, même la plus triviale (l'épisode empile les énormités) ne vient réfréner l'élan de l'imagination. Pour peu que l'on reste sensible au merveilleux et à l'exaltation de la nouvelle frontière véhiculée par ces innombrables histoires d'exploration spatiale, on peut se laisser séduire. Le petit peuple demeure aussi un exemple particulièrement divertissant de l'art de la débrouille. Réaliser un space opera avec les moyens ultra limités de l'anthologie n'est certes pas chose facile. William Claxton multiplie donc les artifices pour y parvenir : décor tronqué de la fusée, énième reprise des pistolets de Planète Interdite - qui aura décidément beaucoup donné à l'anthologie - spot représentant un double soleil, inserts évidents, photos aériennes et maquettes évidentes pour reconstituer l'univers miniature, trucages à la Méliès, récupération de chutes du tournage dans la Vallée de la Mort de La flèche dans le ciel (épisode très similaire, de nouveau), etc. Ce festival apparaît fort sympathique et force l'admiration par sa créativité perpétuelle. Au total, The Little People s'adressera à un public particulier, amateur d'une Science-Fiction aussi chamarrée qu'obsolète, mais aussi de ce cinéma bis fauché comme le blé mais dont l'enthousiasme et l'inventivité peuvent parfois contrebalancer le ridicule. Il existe des amusements coupables mais si jouissifs... Acteurs : Joe Maross (1923-2009) a participé à un nombre considérable de séries américaines des années 50 aux 80 : Le Fugitif, Les Envahisseurs, Mission : Impossible, Drôles de Dames, Mannix, Cannon, Dallas, Arabesque... Claude Akins (1926-1994) se spécialisa dans les personnages durs et à forte personnalité. Il apparut dans de très nombreux westerns, au cinéma (Rio Bravo, 1953...) comme à la télévision (La Grande Vallée, Bonanza, Gunsmoke, The Riffle Man...). Il fut également une figure familière des séries policières (Les Incorruptibles, Perry Mason, Alfred Hitchcock présente...). Il participe également à l'épisode Les monstres de Maple Street. 29. À QUATRE HEURES Date de diffusion : 6 Avril 1962 Résumé : Oliver Crangle est un délateur pervers, ne cessant de remplir des dossiers et de nuire à des malheureux ayant éveillé son attention pour des sujets futiles ou inventés. Il affirme à un agent du FBI avoir un plan pour miniaturiser tous les "nuisibles" à quatre heures de l'après midi... Critique : Cet épisode apparaît remarquable par la faible dimension qu'y occupe le Fantastique. En effet, celui-ci n'intervient qu'à la toute dernière minute, à l'occasion d'une de ces chutes stupéfiantes dont l'anthologie a le secret. Jusque-là se déroule un pur drame psychologique, le texte original de Price Day a d'ailleurs été également repris dans Alfred Hitchcock présente. Si on peut regretter la forme extrêmement théâtrale d'une action en huis-clos, l'action se composant uniquement de dialogues avec trois visiteurs successifs, cette prédominance du texte se voit utilisée à bon escient. Le cœur de l'épisode consiste en effet en un terrifiant portrait de la folie paranoïaque de Crangle comme de ses peu ragoutantes pratiques. Crangle se situe plus loin dans l'aliénation que le corbeau de bas étage par le feu intérieur qui le consume, ainsi que par son idée fixe. Ces pulsions se manifestant occasionnellement par de brusques éclats de folie interrompant les délires péremptoires d'un individu si odieux qu'il interdit toute compassion. Les échanges se montrent écrits avec éloquence, restituant bien le dérèglement mental de Cangle ainsi que son aggravation progressive. Théodore Bikel accomplit une superbe performance, rendant son personnage aussi fascinant que répugnant, et l'on frémit en songeant à ce qu'un tel individu pourrait accomplir à l'âge de l'Internet… Comme souvent dans La Quatrième Dimension, la portée du propos dépasse sa signification immédiate. Four O'Clock renvoie une terrible image d'eux-mêmes à des États-Unis tout juste sortis des chasses aux sorcières du MacCarthysme et encore imprégnés de la paranoïa de la Guerre Froide. Par le rappel du juste équilibre apporté par l'État de droit et les principes fondamentaux de la démocratie (notamment via le discours de Gettysburg), l'épisode met en garde avec acuité contre les dangers du fanatisme. L'idée de rendre les « déviants » immédiatement reconnaissables n'est pas sans évoquer la funeste étoile jaune. Cette forte dénonciation concerne également les prédicateurs tenants d'une morale inhumaine et bornée, Crangle mettant dans le même sac communisme et libéralisation des mœurs. D'un point de vue plus trivial, l'épisode suscitera quelques réminiscences amusées chez l'amateur des X-Files par le miroir déformé des Bandits Solitaires que façonne Crangle. Paranoïa omniprésente, méfiance envers un FBI qui serait gangréné par les séides du Grand Complot, décorticage des journaux pour y débusquer des faits troublants, dénonciations permanentes (certes par voie de presse), habitation organisée en quartier général… Les convergences existent mais vues du côté obscur ! Acteurs : Theodore Bikel (1924-2015), d'origine autrichienne, dut fuir avec sa famille les persécutions anti-juives des Nazis. Il a connu une double carrière de chanteur folk et de comédien. À côté de quelques rôles marquants au cinéma (My Fair Lady, The African Queen...), il apparaît dans Hawaï Police d'État, Columbo, Drôles de Dames, Dynastie, Star Trek Next Gen, etc. 30. LE MENTEUR Date de diffusion : 13 Avril 1962 Résumé : Frisby, tenancier d'une épicerie dans une petite ville de l'Amérique rurale, est un menteur aussi sympathique qu'invétéré. Il ne résiste jamais à l'envie de raconter à ses amis une histoire inventée de toutes pièces, se mettant en valeur au-delà de toute vraisemblance. Or voici qu'il est enlevé par des extraterrestres !... Critique : L'épisode nous emmène dans une nouvelle excursion au cœur de l'Amérique country, cette fois pour un récit clairement orienté vers la comédie. Malheureusement, son sujet apparaît vite éculé car il ne s'agit ni plus ni moins que du vieux thème du menteur compulsif qui ne peut être cru quand survient réellement un évènement important. Le petit garçon qui criait au loup et bien d'autres contes comportent déjà cette idée passablement usée. Il en résulte pour Hocus-Pocus and Frisby non seulement un manque d'originalité mais aussi une prévisibilité à peu près totale dès que les jalons en sont posés. Cette linéarité de l'intrigue se trouve encore renforcée par l'absence de chute au profit d'un happy end cantonnant Le menteur au rang de gentille fable. Pour le reste, l'épisode se limite à déployer un humour bon enfant, distrayant, mais pas vraiment renversant. L'on ne s'ennuie pas grâce à l'abattage d'Andy Devine, épatant dans son interprétation d'un menteur magnifique, à l'imagination jamais prise en défaut. Le personnage et ses amis, hilares autant qu'agacés, démontrent une vraie malice. Les extraterrestres divertissent également par leur aspect caricatural (soucoupe volante, maquillage, projetant un enlèvement). Faire du mensonge un concept leur demeurant tout à fait étranger apparaît astucieux. L'épisode nous vaut aussi de jolis éléments d'époque, comme le décor très parlant de l'épicerie ou le fait qu'un plein d'essence revenait au début des années 60 à 1,89 dollar… les temps changent ! Malgré ces à-côtés sympathiques, cette aimable fantaisie ressort tout de même relativement anodine au sein de l'anthologie. Acteurs : Andy Devine (1905-1977) doit à son imposant physique de très nombreux seconds rôles, principalement dans des Westerns (La Chevauchée Fantastique, L'Homme qui tua Liberty Valance...). Il réalisa également plusieurs voix pour Walt Disney, notamment celle de Frère Tuck dans Robin des Bois (1973). Date de diffusion : 2 Mars 1962 Résumé : Dans le futur, les personnes âgées peuvent échanger leur vieux corps contre des jeunes, créés pour l'occasion. Un couple de retraités ne dispose d'assez d'argent que pour financer un seul de ces transferts... Critique : Bien avant Avatar, Rod Serling imaginait le transfert de personnalités au sein de corps synthétiques. L'épreuve vécue par le couple nous entraîne cependant loin des Westerns futuristes pour au contraire nous immerger dans un récit des plus sensibles, à la fois amer et profondément romantique. Cette histoire d'un couple confronté à la douloureuse déchéance de la grande vieillesse et à la perspective de mort, puis voyant son unique espoir s'évanouir après en avoir été si proche, suscite en effet une émotion à fleur de peau réellement intense. Les dialogues dénués d'emphase y contribuent mais on applaudit surtout la très belle performance des comédiens (on sait par ailleurs que l'épouse de Schildkraut décéda en plein tournage). The trade-ins compose également un superbe spectacle télévisuel. En effet, par ses jeux d'ombres et de lumières ainsi que par son sens des perspectives, le talentueux Eliott Silverstein met parfaitement en valeur le singulier décor de la New Life Corp. Ses lignes très design, ainsi que plusieurs indications judicieusement disposées, indiquent l'époque future avec élégance, sans clinquant. Par contraste on peut cependant s'amuser en constatant que les différents corps exposés font terriblement Sixties ! Et il est vrai que l'épisode comporte quelques faiblesses, comme ce tripot absurdement contemporain. On peut également s'étonner que le couple ne connaisse absolument rien à l'entreprise où il se rend (cela sent la ficelle d'exposition) ou qu'une société disposant d'une technologie aussi avancée ne puisse soulager les douleurs physiques. Qu'importe ces détails, The trade-Ins demeure une fable étonnamment éloquente. Rod Serling y dénonce avec acuité les travers du capitalisme au moment où la société de consommation se déploie en Amérique. Des merveilles s'offrent à vous, savamment présentées et si alléchantes, mais pour peu que l'on ne puisse payer, la porte claque irrémédiablement. Cette vision de la rudesse des rapports sociaux derrière une apparence radieuse s'avère aussi désenchantée que pertinente. La chute traditionnelle ne se montre pas cette fois stupéfiante ou terrifiante, mais représente l'un des moments les plus émouvants de l'anthologie. Acteurs : Joseph Schildkraut (1896-1964), d'origine autrichienne, fut une figure du Hollywood d'avant-guerre. Ayant débuté à l'époque du muet, il se spécialisa dans les rôles d'Européens, principalement dans les films en costumes (Marie-Antoinette, 1938...). Il participe également à l'épisode Le musée des morts. Date de diffusion : 27 avril 1962 Résumé : Un vaisseau extra-terrestre s'écrase près d'un modeste village mexicain. L'unique rescapé, de forme humaine, se lie d'amitié avec un petit garçon. Il va faire un cadeau à l'enfant... Critique : Rien ne fonctionne dans cet épisode détonnant singulièrement au sein de l'anthologie par sa maladresse. Serling nous propose ici une histoire édifiante, aux résonances christiques, à propos de la peur de l'inconnu et de l'obscurantisme. Mais les situations demeurent terriblement démonstratives et non dénuées de quelques clichés assez horripilants sur le Mexique. Les personnages ressortent caricaturaux à l'extrême, mais le pire demeure sans doute ces dialogues incroyablement prêcheurs, débités d'une voix monocorde par le médecin. L'interprétation apparaît en effet minimaliste, que cela soit chez les adultes ou chez l'enfant. Le barman et l'extraterrestre en particulier sont réellement mauvais. La conclusion, prévisible au dernier degré, fait sourire tant elle verse dans l'imagerie d'Épinal. Que le visiteur n'ait pas remis son cadeau au docteur mais à un enfant ne pouvant le comprendre est absurde. La mise en scène a également la pesanteur du plomb, se traînant jusqu'à une scène finale où des gros plans successifs sur les visages sont censés indiquer une foule en panique, avec à la clé un résultat tellement risible qu'il en suscite le malaise. L'on ne reconnaît vraiment pas La Quatrième Dimension dans cette histoire cousue de fil blanc, aussi soporifique que prétentieuse. Acteurs : Geoffrey Horne (1933) a participé à The outer limits, Le Virginien, Gunsmoke, Cannon, Police Woman, Mannix... 33. LA MARIONNETTE Date de diffusion : 3 juin 1960 Résumé : Un ventriloque surdoué mais alcoolique se rend compte avec horreur que sa marionnette a pris vie. Il tente alors de s'en débarrasser... Critique : Certes, on pourra objecter que l'idée développée par l'épisode n'est pas foncièrement originale. Sans remonter aux classiques, en 1945 une intrigue extrêmement similaire se découvrait dans Dead of Night, un film d'épouvante privilégiant la thèse de la folie chez l'artiste. Avec The Glass Eye (1957), Alfred Hitchcock présente imagina même une histoire assez hallucinée où une jeune femme amoureuse d'un ventriloque hors pair s'aperçoit qu'il n'est que la véritable marionnette, la supposée étant un nain manipulant l'ensemble ! Toutefois, The Dummy s'impose sans conteste par le traitement qu'il apporte à cet argument commun. En effet, l'épisode constitue une exceptionnelle rencontre de talents très divers dont l'union va susciter un vrai joyau de l'épouvante au petit écran. Rod Serling dose admirablement les effets de son récit entre entretien du doute sur la nature surnaturelle ou psychiatrique du phénomène, et intensité crescendo savamment interrompue le temps d'une possibilité de fuite vite évanouie. Cliff Robertson interprète avec flamme les tourments de son personnage, de l'indicible angoisse le rongeant jusqu'à la panique et la résignation finale. L'anthologie comporte nombre d'excellentes prestations de comédiens, mais celle-ci compte assurément parmi les meilleures. Cependant ce que l'on admire le plus demeure la fabuleuse mise en scène d'Abder Biberman à l'occasion de sa toute première participation à The Twilght Zone. Il sublime l'épisode en un véritable cauchemar éveillé, sachant parfaitement communiquer l'effroi ressenti par le héros au public. Les astucieux jeux de miroir, les postures intrigantes de la marionnette, le chavirement de l'image quand la crise atteint son paroxysme, l'emploi de l'ombre chinoise, confèrent une rare intensité à la narration. Le spectateur se trouve ainsi dans l'état d'esprit idoine pour découvrir l'une des chutes les plus ahurissantes et mémorables de l'anthologie ! D'un point de vue secondaire, La marionnette se découvre également comme un joli témoignage sur la vie de la faune bigarrée de ces cabarets pullulant aux États-Unis, encore particulièrement vivaces durant les années 60. La marionnette vivante reviendra dans La Quatrième Dimension lors de l'épisode Cæsar and me. Living Doll s'intéressera, lui, aux poupées… Acteurs : Cliff Robertson (1923-2011) connut une longue carrière au cinéma (Les trois jours du condor, 1975...). Encore actif dans les années 2000, il incarne l'oncle Ben Parker dans les récents films de Spiderman. À la télévision, il apparaît également dans The outer limits, Les Incorruptibles, Batman, Falcon Crest... Il participe à un autre épisode de l'anthologie, Au bord du gouffre. 34. UN PASSÉ INFINI Date de diffusion : 11 mai 1962 Résumé : Alex, récemment marié avec Virginia, revient dans sa maison d'enfance afin de préparer sa mise en vente. Mais il se voit accueilli par des souvenirs semblant de plus en plus réels... Critique : Tout comme précédemment son compère Charles Beaumont, Richard Matheson s'adonne ici au renouvellement, partiel, de son style. En effet, au lieu d'un individu isolé, c'est cette fois un couple qui va devoir faire face à l'inexplicable. Même si le mari et l'épouse vivent des expériences distinctes, l'épisode gravite autour de leur relation de plus en plus effilochée, la proverbiale solitude terrorisante du protagoniste n'apparaîtra donc qu'en toute fin de récit. De plus, Alex représente le réel moteur de l'histoire et non plus un quidam totalement dépassé par les évènements. Mais si le style varie, le talent demeure. Le parallèle établi entre la plongée du héros dans son passé réel ou fantasmé et les modifications de l'environnement produit un effet étrange, de plus en plus déstabilisant. Ce voyage dans le temps d'un style très particulier renouvelle avec une grande habileté les récits de maison hantée. La mise en scène de John Brahm se contente d'exploiter efficacement le très beau décor d'une maison qui nous aura fait découvrir l'ameublement typique des années 60 mais aussi des années 30 ! Les détails situant les époques paraissent fort bien trouvés, même avec l'économie de moyens propre à l'anthologie. On s'aperçoit à quel point les vedettes d'il y a à peine quelques décennies peuvent être oubliées aujourd'hui… Si Alex Nicol, loin de son répertoire viril coutumier, semble assez emprunté, Un passé Infini doit beaucoup à l'expressivité de Phyllis Thaxter qui accomplit une prestation remarquablement intense. L'apparition de la mère accentue cependant trop l'effet, déréglant la belle mécanique en toute fin de parcours. Il aurait semblé bien plus intéressant de mettre en jeu les seuls travers du fils comme dans le texte original de Matheson. L'épisode souffre également d'une répétitivité de son argument. Parasites et Jeux d'enfants (entre autres) ont déjà narré ces bascules étranges entre la jeunesse et la maturité, avec de plus des chutes particulièrement similaires à la présente. Young man's fancy inverse cependant la problématique, le retour à l'enfance se présentant ici comme une malédiction librement consentie, sinon désirée. Le devenir de cet homme marqué par une mère trop possessive, jusqu'à refuser de poursuivre le cours de sa vie, apparaît réellement tragique ; le Fantastique ne fait finalement qu'accentuer l'effet. Norman Bates n'est pas loin. Acteurs : Alex Nicol (1916-2001) interpréta souvent de rudes cowboys ou des militaires. Il mena également une carrière de réalisateur de séries télé, notamment pour Les Mystères de l'Ouest (trois épisodes). 35. LA FÉE ÉLECTRIQUE Date de diffusion : 18 mai 1962 Résumé : Un veuf décide de confier l'éducation de ses trois jeunes enfants à un robot spécialisé, la « Nounou électrique ». Cette situation révulse Anne, l'aînée. Critique : Un centième épisode (ou un deux-centième pour les plus fortunées, telles Stargate SG-1) représente souvent un moment fort dans la vie d'une série télé, célébré comme il se doit. À cette occasion, Rod Serling recourt à la plume d'une des figures absolument majeures de la Science-fiction américaine, Ray Bradbury. Autant dire que l'entrée de ce merveilleux conteur dans La Quatrième Dimension suscitait bien des espérances. Hélas, on déchante très vite. La naïveté sucrée de cette histoire, confondante de bons sentiments, se révèle assez atterrante. Entre mélo familial larmoyant, happy end confondant de facilité, et effets soulignés d'un premier degré total, le pire demeure sans doute le traitement réservé au robot. Alors que ce thème a fourni tant de formidables récits, l'option retenue ici reste certainement la pire de toutes : le rendre semblable à une humaine parfaitement sympathique et adorable (hormis quelques gadgets secondaires). Dès lors quelle histoire peut-on bien raconter en dehors de ce genre de vignette édifiante ? Plusieurs éléments viennent cependant relativiser ce qui ressemble de prime abord au four le plus mémorable de l'anthologie. Tout d'abord, l'épisode doit être considéré sous la perspective d'un conte pour enfants ; celui-ci reprend l'un des grands classiques de la littérature juvénile anglo-saxonne, la nounou aux pouvoirs surnaturels venant à la rescousse d'une famille affligée, de Mary Poppins à Nanny McPhee. Ici Bradbury en donne une version SF, ce qui... n'apporte pas grand-chose. Plus fondamentalement, si des auteurs incisifs comme Matheson ou Knight, privilégiant un concept et l'épure pour ce qui l'entoure, se fondent à merveille dans les brefs récits de The Twilight Zone, il en va très différemment pour Bradbury, écrivain d'essence éminemment littéraire. L'auteur des Chroniques martiennes et de Fahrenheit 451 privilégie le ressenti et la psychologie des personnages, avec un style poétique très personnel, ce qui s'avère bien malaisé à transcrire dans un film de 25 minutes, et visuel de nature. D'ailleurs, Bradbury travailla sur deux autres scénarios pour l'anthologie, mais aucun ne fut en définitive retenu par Serling, pourtant l'un de ses grands admirateurs, tant la discordance des formats paraissait criante. On peut supposer que sous sa plume, le texte contient de superbes pages sur la perception de la mort par un enfant, même si cette nouvelle ne figure sans doute pas parmi les meilleures du grand Ray. D'autre part, I sing the body electric comporte quelques à-côtés intéressants, comme l'amusant passage de la fabrique de robots dont émane une joyeuse fantaisie ; on se croirait dans la Chocolaterie de Roald Dahl. Deux curiosités se détachent de la distribution. Après Un monde différent, La Quatrième Dimension nous offre une nouvelle occasion de constater que l'indéniable talent de David White ne se cantonne pas à son succulent personnage de Bewitched. Surtout, on découvre avec plaisir une toute jeune Véronica Cartwright défendant avec fougue et conviction son personnage. Son regard a déjà l'éclat qu'il manifestera plus tard lors de son interprétation hors pair de Cassandra Spender, remarquable personnage semi-récurrent des X-Files. Avoir participé aux deux sommets des séries fantastiques à trois décennies d'intervalle reste une jolie performance ! Acteurs : Véronica Cartwright (1949) est une figure bien connue des films relevant du Fantastique ou de la Science-fiction : Les Oiseaux (1963), L'Invasion des profanateurs (1978), Alien (1979), ou Les sorcières d'Eastwick (1987)... Elle apparut également dans de nombreuses séries télé et fut notamment sélectionnée deux fois aux Emmy Awards pour ses apparitions dans The X-Files en tant que Cassandra Spender. David White (1916-1990) reste avant tout connu pour le cynique Alfred Tate de Ma sorcière bien-aimée (1964-1972), mais il joua dans une multitude d'autres séries : Bonanza, Le Virginien, Perry Mason, Le Fugitif, Alfred Hichcock présente, Police Woman, L'Agence tous risques, Dallas… En 1988, son fils compta parmi les victimes de l'attentat de Lockerbie. Il apparaît également dans l'épisode Un monde différent. 36. L'ANGE GARDIEN Date de diffusion : 25 mai 1962 Résumé : Agnès, sans travail et extrêmement gaffeuse, reçoit la viste de Cavender, son ange gardien. Celui-ci dispose d'une journée pour parvenir à la rendre heureuse afin de gagner ses ailes d'ange confirmé... Critique : Lors de l'épisode Un original (saison 1), Rod Serling décrivait déjà la rencontre d'une personne amusante mais décalée et de son ange gardien. Cette comédie visait pareillement à fournir le pilote d'une nouvelle série, mais l'entreprise n'aboutit pas. Serling tente de nouveau sa chance ici en modifiant le concept : cette fois l'ange aussi sera maladroit et divertissant pour rajouter au comique de l'histoire. Malheureusement, Cavender is coming ne fonctionne pas. Les gags relèvent de la farce, soulignés par des effets sonores vite irritants. Les situations paraissent très démonstratives tandis que la morale de l'histoire, "L'argent ne fait pas le bonheur", est cousue de fil blanc. Quelques trucages faciles ne suffisent pas à créer un univers merveilleux. Les acteurs, bien dans leur emploi, défendent vaillamment leurs personnages relevant d'un rire bon enfant assez désarmant. On ressent également une inspiration très maladroite provenant du chef-d'œuvre de Frank Capra, It's a wonderful life. La série Clair de Lune saura, elle, proposer une éblouissante relecture de ce film lors d'un de ces épisodes (It's a wonderful lie), privilégiant il est vrai l'émotion plutôt que l'humour. Le décor du Paradis demeure néanmoins réussi, avec une poésie naïve assez agréable. CBS n'arrangea rien en ajoutant des rires préenregistrés lors de la diffusion de l'épisode. En définitive, cette ébauche d'une série à venir connut également l'échec (épisode le moins bien noté sur Imdb : 5.8/10). Rod Serling demeure un auteur extrêmement talentueux, mais la comédie n'est visiblement pas son domaine de prédilection. Le voir s'acharner ainsi avec opiniâtreté demeure sympathique. Il est d'autant plus rageant pour lui d'avoir échoué sur ce point que, sur une idée très similaire (l'association d'un humain avec un être surnaturel tout puissant), Ma sorcière bien-aimée va bientôt connaître un succès aussi considérable que durable. On pourrait également ajouter I dream of Jeannie et, ultérieurement, Les routes du Paradis. Cavender is Coming apparaît ainsi comme un intéressant cas d'école à propos de cette alchimie complexe qui fait qu'une série rencontre ou non le succès, mêlant fine balance des personnages et de situations, charme des comédiens, moyens mis en œuvre, et attentes du public à un moment donné. Acteurs : Carol Burnett (1933), humoriste, a plusieurs cordes à son arc : chanteuse, imitatrice, actrice, et productrice. Après s'être fait connaître dans les cabarets de New York, elle se lance à la télévision au début des années 60. The Carol Burnett Show (1967-1978) demeure l'une des émissions de la télévision américaine ayant connu le plus de succès. 37. LA RELÈVE DE LA GARDE Date de diffusion : 1 juin 1962 Résumé : Ellis Fowler, professeur de littérature estimé, s'apprête à prendre sa retraite, contraint par l'âge. Alors qu'il songe au suicide par amertume, il reçoit la visite des fantômes de quelques-uns de ses élèves décédés. Ceux-ci vont lui exprimer à quel point il a compté dans leur vie. Critique : Ce beau conte de Noël fait songer aux fantômes de Scrooge et vient fort honorablement conclure cette troisième saison de The Twilight Zone. Dialoguée avec sentiment et justesse, cette rencontre entre le vieux professeur et ses anciens élèves produit une véritable émotion, passant outre son aspect un peu édifiant. On y découvre un superbe hommage au difficile métier d'enseignant, réservant parfois de grandes satisfactions. En arrière-plan, l'épisode renoue avec l'antimilitarisme constant de l'anthologie, en exposant l'effroyable gâchis de vies humaines que constituent les guerres, tout en exaltant le courage des soldats (Rod Serling est un vétéran de la Guerre du Pacifique). L'atout maître de The changing of the guard demeure la prouesse accomplie par Donald Pleasence, rendant bouleversant son personnage et permettant de dépasser l'aspect un tantinet démonstratif du scénario. Pleasence (que la production fit venir d'Angleterre) appartient à cette rare catégorie de comédiens polymorphes et surdoués dont les prestations constituent toujours un régal en soi, indépendamment du reste de la production. Qu'il ait pu incarner avec autant de conviction et d'intensité des rôles aussi divers que ceux d'Ellis Fowler et de Blofeld en dit long sur l'étendue de son talent. On apprécie tellement ce vieux professeur que l'on aurait tant aimé rencontrer au cours de nos études que l'on se réjouit de l'absence de ces chutes parfois terribles dont La Quatrième Dimension raffole. L'épisode constitue également un florilège de citations bien choisies de grands classiques de la littérature américaine. Peu connus en France, ces auteurs expriment une même nostalgie pour une vie simple et empreinte d'humanité, à l'unisson de ce que Serling exprime souvent lui-même dans ses écrits. Dans cet épisode que l'on ne peut que recommander aux enseignants, ce dernier rend également hommage à Horace Mann, fondateur de l'Antioch College. À l'issue de la saison, Serling va d'ailleurs accepter une chaire d'écriture dramatique et d'analyse des médias dans ce prestigieux établissement, dont la devise orne le piédestal de la statue et où il accomplit lui-même ses universités. Acteurs : Donald Pleasence (1919-1995) connut une belle carrière au théâtre et au cinéma, sans malheureusement accéder au rang de star auquel son talent lui donnait droit. Il joua principalement des êtres menaçants comme lors de sa magnifique interprétation de Blofeld dans On ne vit que deux fois (1967). Il participa également à Cul de sac, Les Mains d'Orlac, THX 1138, Le Voyage Fantastique, New-York 1997... ou encore à la série des Halloween. 1) Personne inconnue : Un pur cauchemar représentant la quintessence du style de l'anthologie : un individu quelconque se voit plongé dans un dérèglement aussi original qu'inexplicable de notre réalité, et se débat désespérément pour en sortir. L'épisode se montre particulièrement effrayant et convaincant, avec une grande prestation de Richard Long, étonnant de crédibilité. La conclusion est mémorable. 2) C'est une belle vie : The Twilight Zone s'amuse à détourner un des fondamentaux de la société américaine et de ses représentations télévisuelles, l'enfant roi, dans une étrange histoire pleine d'humour noir et de malice. La figure de ce garnement régentant le monde des adultes selon ses caprices égoïstes et la stupéfiante transformation de sa malheureuse victime comptent parmi les images les plus célèbres de l'anthologie. 3) Le soleil de minuit : Cet épisode nous présente l'une des histoires de fin du Monde les plus éloquentes que l'on ait vues à l'écran. La mise en scène fourmille de bonnes idées, visuelles et auditives, elle retranscrit parfaitement l'effondrement de la société en arrière-plan. Lois Nettleton nous offre une composition sensible et attachante. La formidable chute, ironique au plus haut point, est un modèle du genre. 4) Cinq personnages en quête d'une sortie : Ce récit développe une passionnante énigme, au climat angoissant non dénué de poésie. Chacun des personnages se voit parfaitement écrit tandis qu'une réalisation inventive pallie à l'immobilisme que pourrait susciter ce huis-clos. La chute (au sens propre) se montre particulièrement saisissante. L'un des plus beaux épisodes de Noël de l'ensemble de l'histoire des séries télé. 5) Comment servir l'Homme : La Quatrième Dimension se livre à une relecture joyeusement iconoclaste d'un classique absolu de la Science-fiction : l'arrivée d'envahisseurs extraterrestres. Les canons du genre se voient ironiquement détournés et la conclusion apparaît comme un modèle d'humour noir. L'épisode bénéficie de la plume de Damon Knight ainsi que de l'imposante présence de Richard Kiel. Crédits photo : Universal. Images capturées par Estuaire44. |
La Quatrième Dimension(1959-1964) Saison 4 2. Une tombe à 55 mètres de fond (The Thirty-Fathom Grave) 3. La vallée de l'ombre (Valley of the Shadow) 6. Le vaisseau de la mort (Death Ship) 9. Le journal du Diable (Printer's Devil) 10. Le bon vieux temps (No Time Like the Past) 11. Le parallèle (The Parallel) 12. Un rêve de génie (I Dream of Genie) 13. La nouvelle exposition (The New Exhibit) 14. Je me souviens de Cliffordville (Of Late I Think of Cliffordville) 15. Le monde incroyable de Horace Ford(The Incredible World of Horace Ford) 16. Jeudi, nous rentrons à la maison (On Thursday We Leave for Home) 17. Traversée à bord du Lady Anne (Passage on the Lady Anne) The ideal Twilight Zone started with a really smashing idea that hit you right in the first few seconds, then you played that out, and you had a litlle flip at the end, that was the structure. (Richard Matheson) Ours is the perfect half-hour show… If we went to an hour, we'd have to fleshen our stories, soap-opera style. (Rod Serling) Mise en sommeil au printemps du fait de la difficulté à trouver un sponsor, puis remplacée par la série humoristique Fair Exchange, La Quatrième Dimension se voit relancée par CBS en novembre 1962. De notables différences interviennent néanmoins, illustrées d'ailleurs par un éloquent changement de titre : The Twilight Zone devenant simplement Twilight Zone. Si Rod Serling, quittant sa chaire de Mass Media, conserve la direction officielle de la série, son pouvoir décisionnel se voit considérablement réduit. Il doit notamment céder sur la durée des épisodes, ceux-ci passant d'une courte demi-heure à quasiment une heure. Il s'agit d'une revendication ancienne de la chaîne pour permettre à l'anthologie de s'insérer plus commodément dans la grille américaine des programmes, traditionnellement découpée en tranches d'heure complète. Fidèle à sa politique de programmation, CBS espère également attirer un public élargi et davantage familial grâce à ce format plus usuel et donc considéré comme moins rebutant. Serling avait jusqu'ici pu défendre sa conception d'un programme court débouchant sur une retentissante chute, mais l'affaiblissement de l'anthologie ne lui en laisse plus le loisir. La diffusion de la nouvelle version débute le 3 janvier 1963 lors des coutumiers lancements de mi-saison. Elle remplace à son tour Fair Exchange. Plusieurs figures historiques de l'équipe de production se sont entre-temps éclipsées vers d'autres horizons, ce qui pénalisera considérablement cette reprise. Un nouveau générique est mis en place. Le trio central Serling/Matheson/Beaumont demeure en place concernant l'écriture des scénarios, mais de manière moins importante. Les problèmes récurrents de santé de Beaumont s'aggravent et Serling s'investit moins que précédemment dans le projet. Également bien moins présent sur les tournages, ses proverbiales ouvertures d'épisodes seront ainsi réalisées à part, sur un fond uniformément gris, et non plus délicieusement insérées dans celui de l'épisode. La série s'ouvre donc, partiellement, à d'autres auteurs ou capitalise sur des compagnons de route tels Earl Hammer Jr. Comme conséquence de la tardive entrée en lice, le nombre total d'épisodes connaît également une forte décrue, s'établissant à 18, contre 37 la saison précédente. L'anthologie atteint cependant le chiffre déjà imposant de 120 épisodes et connaît de ce fait toujours davantage de peine à se renouveler et à innover. En définitive, même si l'on observe encore deux nominations au Emmy Awards et une victoire aux Hugo, les prédictions de Rod Serling se révèlent hélas exactes. Ce format long fait perdre sa spécificité à la série tandis qu'un trop long délayage minore souvent l'efficacité de la chute. Plusieurs épisodes demeurent néanmoins excellents, mais la qualité d'ensemble subit un net glissement tandis que la majorité des fans considère encore aujourd'hui cette période comme la moins enthousiasmante. Ils admettent souvent une césure entre les trois premières saisons et les ultérieures, moins brillantes, même si La Quatrième Dimension demeure clairement la meilleure série Fantastique de son temps. La grande majorité des épisodes de cette saison 4 n'a d'ailleurs pas été diffusée en France et ceux-ci demeurent non traduits. Devant l'évidence, CBS acceptera un retour au format habituel pour la saison suivante. L'anthologie se voit en effet renouvelée car si les gains d'audience espérés par CBS par le passage au format standard d'une heure ne se vérifient pas, le public, fidèle, ne déserte pas. Date de diffusion : 03 janvier 1963 Auteur : Charles Beaumont Résumé : Alain Talbot, citoyen ordinaire et nouvellement fiancé, se sent envahi d'inexplicables pulsions homicides, de plus en plus violentes. Un jour, il y cède, poussant une vieille dame sous le métro. De plus, sa mémoire s'altère progressivement, des pans entiers de son passé disparaissant. Lors d'une visite de sa ville natale où il ne reconnaît plus rien, une effarante vérité se fait jour… Critique : Passée l'amère déception de découvrir Rod Serling incrusté sur son triste fond gris (quelle perte de saveur !), force est de constater que cette saison 4 a la main plutôt heureuse pour cet épisode inaugural. Le délayage occasionné par le rallongement des intrigues au format d'une heure s'amoindrit grâce à l'adaptation d'une œuvre originale de Beaumont, riche et seulement secondairement conçue comme un récit à chute. L'essentiel se situe ailleurs, avec cette vision purement littéraire du concept de robot. Beaumont n'évite pas certaines faiblesses comme un temps d'exposition trop long ou une mise en place assez mécanique de l'effondrement de la réalité telle que la perçoit Talbot, on a connu bien plus dérangeant précédemment. Mais son récit s'inscrit avec bonheur dans une veine féconde du Fantastique remontant à Frankenstein. La dimension purement de Science fiction de son histoire n'en atténue pas l'étrange poésie, et Ryder apparaît bien comme un Prométhée postmoderne, participant au Divin par sa création d'une vie, aussi artificielle soit-elle. Ce sentiment vertigineux renvoie également à la notion de mort, thématique chère à l'auteur. Talbot ressent son inexorable approche avec une angoisse similaire à celle d'un humain. Sa farouche volonté d'une porte de sortie via la construction d'un autre lui-même émeut autant qu'elle interpelle le spectateur. L'on ressort troublé de cette histoire autrement plus ambitieuse et profonde que celle des Cybernautes des Avengers (ou pour rester dans l'anthologie, de la nounou robot d'I sing the body electric) dont on se gargarise tant par ailleurs. Cette dimension toute littéraire constitue l'originalité et la force d'une vision du Robot aux antipodes des constructions logiques et ludiques d'un Asimov ou de l'élan divertissant du Space Opera. Une nouvelle fois, Beaumont trace son sillon en rénovant avec succès les thèmes classiques, mais le succès de In His Image doit aussi beaucoup à l'excellente prestation de George Grizzard, incarnant avec une égale conviction trois personnalités totalement hétéroclites. Si on y rajoute le personnage encore différent de La potion magique, la richesse de sa palette de comédien s'impose avec force, et on l'imagine sans mal triompher sur scène. Que le reste de la distribution se montre plus anodin ne présente guère d'inconvénient. Le réalisateur vétéran Perry Lafferty (futur beau-père de William Shatner) manifeste également un vrai métier dans l'usage des bruitages et des décors, tandis qu'il filme avec un vrai sens de l'impact les moments où Talbot bascule dans la folie homicide (très intense introduction). Dans la grande tradition de La Quatrième Dimension, il réemploie avec succès des éléments de décors déjà usités dont la station de métro de L'esprit et la matière. Les scènes urbaines ou d'intérieur retrouvent également cet aspect de documentaire sur l'époque, régulièrement apprécié au fil de l'anthologie. L'épisode connaît une chute assez prévisible, de plus anecdotique face à son sujet, mais demeure une entrée en matière réussie pour cette saison. Acteurs : George Grizzard (1928-2007) fut avant tout une grande figure de Broadway, ne cessant de paraître sur scène tout au long d'une carrière s'étendant sur cinq décennies. Il participe néanmoins à de nombreux films et séries : Alfred Hitchcock présente, Hawaii Police d'État, Perry Mason, Arabesque, Law & Order... Il apparaît également dans un épisode de la première saison, La potion magique. 2. UNE TOMBE À 55 MÈTRES DE FOND Date de diffusion : 10 janvier 1963 Auteur : Rod Serling Résumé : Aux environs du site de la bataille de Guadalcanal, l'équipage d'un destroyer de 1963 découvre, profondément immergée, l'épave d'un sous-marin de 1942. Étrangement, des bruits s'en échappent, comme si une activité s'y déroulait encore. Un des sous-officiers du navire devient sujet à des hallucinations de plus en plus effrayantes. Critique : Après un opus inaugural fort réussi, la saison 4 rencontre ses démons à l'occasion de cet interminable pensum. On assiste ainsi à un bel exemple de recyclage de récits précédents par épuisement narratif tant l'intrigue se rapproche de celle de La nuit du jugement (pour la dimension maritime et surnaturelle), mâtinée à celle de L'arrivée (pour l'aspect énigmatique). Mais ce qui pénalise avant tout The thirty-fathom grave demeure la terrible inadéquation du format long désormais revêtu par l'anthologie. Car ici le rallongement temporel ne s'accompagne d'aucun apport narratif substantiel. Pour meubler, Serling multiplie les allées et venues, souligne toutes les prises de décisions, multiplie les scènes statiques… Une histoire traditionnellement simple mais si intelligente et efficace se délaie désormais en amas de bavardages souvent passifs. De plus, comme nous sommes en terrain connu (le Hollandais Volant), la chute apparaît vite prévisible au dernier degré. Cet élément de suspense réduit à la portion congrue, le spectateur ne peut désormais plus qu'attendre, tandis que s'étirent désespérément les minutes. Difficile de ne pas établir de parallèle entre l'immobilisme de l'histoire et celle du bateau. Plusieurs éléments viennent néanmoins à la rescousse de l'intrigue et des dialogues, empêchant l'épisode d'échouer totalement. On apprécie vivement la performance de Simon Oakland en commandant au solide bon sens, bourru, mais finalement paternel envers son équipage. On s'amusera à y retrouver de nombreux points communs avec le futur général Moore des Têtes brûlées. Perry Lafferty s'ingénie à contrecarrer l'impression de confinement et d'immobilisme inhérente à ce huis clos en rendant sa caméra aussi mobile que le contexte le lui permet. Surtout, il bénéficie d'un superbe décor lors de ce tournage effectivement réalisé sur un destroyer de l'US Navy. Les amateurs de marine découvriront avec plaisir les diverses installations d'un USS classe Forrest Sherman (les tous premiers conçus après guerre) dont la passerelle délicieusement rétro. Les passages en extérieur valent également le coup d'œil. Tout ceci contribue à amoindrir l'ennui mais non à le dissiper totalement, il s'en faut de beaucoup. Acteurs : Simon Oakland (1915-1983) se spécialisa dans les personnages détenteurs d'autorité. Il fut ainsi le patron de Carl Kolchak dans The Night Stalker (1972-1975) et le général Moore, supérieur de Pappy Boyington dans Les Têtes brûlées (1976-1978). Il apparut également dans Les Incorruptibles, Perry Mason, Bonanza, Max la Menace, Hawaï Police d'État… Au cinéma, il participa à Psychose, West Side Story, Bullitt, etc. Violoniste de haut niveau, il débuta sa carrière en donnant de nombreux concerts à travers le pays. 3. LA VALLÉE DE L'OMBRE Date de diffusion : 17 janvier 1963 Auteur : Charles Beaumont Résumé : À la recherche d'un raccourci que jamais il ne trouva, Philip Redfield, journaliste, découvre Peacefull Valley, une petite ville perdue dans la campagne américaine. L'endroit et ses habitants sont charmants, mais Redfield va vite s'apercevoir qu'ils sont prêts à tout pour dissimuler un fabuleux secret... Critique : Beaumont étonne par cet épisode charmant mais très léger, aux antipodes de son style coutumier. L'on ne s'ennuie certes pas en regardant Valley of Shadow car la découverte des différents prodiges scientifiques détenus par les habitants constitue un fil rouge plaisant. L'amateur de la Science-Fiction de cette époque s'amusera ainsi à y découvrir quelques standards du Space opera classique, déplacés astucieusement dans une petite ville américaine commune. Malheureusement, outre une bluette désarmante de naïveté, l'auteur se cantonne à cette répétition facile, échouant totalement (ne tentant même pas) à constituer une atmosphère étrange et inquiétante, voire paranoïaque à l'image du Prisonnier. Pourtant, cette histoire d'un adorable village devenu prison (et sa mairie au sous-sol dissimulant tout un arsenal technologique) aurait pu s'y prêter en employant à bon escient la durée supplémentaire impartie à l'épisode. La lecture au second degré, dénonciation des périls scientifiques, s'affiche de manière bien moins subtile que ce que l'anthologie nous offrait jadis. De fait, pas une seule fois l'on ne ressent un réel danger ou une quelconque intensité dramatique tant ces gens s'avèrent gentils et de bonne foi. De plus, l'inévitable issue heureuse se laisse voir venir de loin car particulièrement évidente (ne surprenant pas le public de L'heure perdue des Avengers), privant Valley of Shadow de tout chute retentissante. « J'aurais dû y penser plus tôt » déclare le maire, ce qui demeure un peu court comme explication. La protagoniste féminine se révèle non dépourvue de clichés. L'épisode bénéficie toutefois d'une interprétation de grande qualité, et même si Lafferty ne peut guère apporter de vie à ces incessants dialogues, reste agréable par cette patine rétro dont décidément on ne se lasse pas. Heureux temps où le plein de carburant de la monumentale Chevrolet Impala coûtait moins de cinq dollars ! Dean Winchester en aurait pleuré... De manière amusante, on discernera également dans cet opus un prédécesseur lointain d'Eureka, série certes distrayante et moins naïve dans son argument, mais également dépourvue de profondeur et d'intensité. Acteurs : Ed Nelson (1928-2014) débuta comme réalisateur avant de rapidement devenir comédien à part entière dans les années 50. Il participe à un très grand nombre de séries américaines : Bonanza, Laramie, Les Incorruptibles, Le Fugitif, Cannon, Le Sixième Sens, Les rues de San Francisco, Super Jaimie, Dynastie, Arabesque, etc. Morgan Brittany (1951), créditée ici sous son vrai nom de Suzanne Cupito, et ici à l'orée de sa carrière, incarne la petite fille. Elle deviendra très connue pour son rôle de Katherine Wentworth dans Dallas. Après un brillant parcours d'enfant acteur (on la retrouve dans les épisodes Cæsar and me et Nightmare as a Child), Morgan Brittany apparaît dans de très nombreuses publicités et séries américaines : Lassie, Buck Rodgers, Shérif fais-moi peur, L'Île Fantastique, La Croisière s'amuse (sept apparitions), Les Dessous de Palm Beach, etc. Date de diffusion : 24 janvier 1963 Auteur : Rod Serling Résumé : Peter Vollmer, jeune néo-nazi, connaît un foudroyant début de carrière politique. Il bénéficie pour cela des conseils avisés d'un mystérieux inconnu au visage dissimulé dans le noir. Or, il se révèle que celui-ci n'est autre que le fantôme d'Adolf Hitler ! Critique : Avec He's alive, nous renouons avec une sensation similaire à celle éprouvée lors du Musée des morts, épisode traitant déjà des terribles conséquences du nazisme. L'on se trouve confronté à l'évidente totale sincérité de Rod Serling, humaniste pour qui cette nuit de l'esprit représente le mal absolu. La force salutaire de ce rejet se ressent clairement et il s'avère impossible d'y demeurer insensible. Malheureusement, une nouvelle fois, ce discours vibrant emploie une forme terriblement maladroite. Par sa naïveté et sa démonstration dépourvue de subtilité, ce récit devient vite contre-productif. La dimension Fantastique s'y révèle réellement ridicule, avec ce fantôme d'Hitler grotesque et hors sujet. Il aurait été bien davantage fin et pertinent de montrer qu'un phénomène semblable au nazisme peut parfaitement naître et prospérer dans nos sociétés contemporaines, plutôt que d'utiliser un subterfuge aussi puéril. De plus, l'histoire pèche par le manque absolu de réalisme du parcours de Vollmer et du simplisme des diverses péripéties survenant. Rod Serling emprunte à l'évidence la voie de la fable. Un récit acéré et concret aurait présenté bien plus d'impact, à l'image d'ailleurs de La Résistible Ascension d'Arturo Ui (1959) de Brecht dont l'épisode rejoint le thème mais pas l'habileté narrative. La caméra de Stuart Rosenberg se montre, hélas, aussi emphatique que l'écriture de l'auteur, soulignant jusqu'à l'absurde chaque effet. Grandiloquence demeure le terme synthétisant au mieux cet opus, avec comme parachèvement le cabotinage exalté de Dennis Hopper. Sa performance paraît parfaitement calibrée pour un Oscar mais achève d'épuiser le spectateur par son volume sonore et ses outrancières postures ; il confond le charismatique avec le strident. L'extension du format de l'anthologie se retourne une nouvelle fois contre celle-ci car l'ardente prestation du jeune acteur aurait été nettement mieux appréciée sur une durée plus adéquate. Rod Serling achève son récit avec une conclusion derechef tonitruante. Il a toutefois le bon goût, eu égard à la gravité et à la solennité du thème abordé, de ne pas recourir à son gimmick The Twilight Zone, un évènement unique dans toute l'anthologie. Acteurs : Dennis Hopper (1936-2010) fut une figure majeure du cinéma américain en tant que réalisateur et acteur d'Easy Rider (1969), mais aussi pour ses participations marquantes à Apocalypse now (1979), Blue Velvet (1986), ou Speed (1994), etc. Se faisant connaître comme partenaire de James Dean dans plusieurs productions (La Fureur de vivre, 1955...), il tourne dans plus de 150 films et apparaît dans de nombreuses séries télé (Time Tunnel, Bonanza, 24h Chrono…). Il est également connu pour ses talents de photographe et de sculpteur. Date de diffusion : 31 janvier 1963 Auteur : Richard Matheson Résumé : Les parents de la petite Ilse ont éduqué celle-ci dans une maison isolée. Ils développent en elle le don de télépathie, en ne lui enseignant aucune autre forme de langage. Ilse est donc muette, ne sachant pas parler, mais parvient à lire dans l'esprit d'autrui. Ses parents décèdent brusquement dans un incendie et elle se retrouve hébergée par le shérif et son épouse, dont l'unique fille est également morte. Ils l'inscrivent alors à l'école… Critique : De manière encore plus affirmée que Beaumont pour Valley of the shadow, Richard Matheson se démarque totalement de son art coutumier, avec à la clef un résultat absolument affligeant. Alors qu'il plaçait, avec un talent unique, ses protagonistes dans des situations absurdes et inexpliquées, il choisit ici de développer tout un pesant et verbeux préambule pour planter son décor. Les autres personnages se perdent en conjectures sur la nature d'Ilse, mais comme le spectateur connait in extenso la solution de l'énigme, toute intensité dramatique ou suspense disparaissent de ces bavardages tournant en boucle. Outre sa pesante introduction, cette histoire se développe avec maladresse, sa longueur accrue la rendant encore davantage soporifique. Outre les rocambolesques circonstances ayant conduit Ilse dans cette école, l'auteur croît judicieux de rajouter une nouvelle énorme coïncidence avec cette institutrice ayant connu une expérience similaire. Cela relève d'une naïveté à la rare lourdeur chez Matheson. La narration ne cesse d'en rajouter dans le mélodrame facile et sucré, rappelant le déjà calamiteux I sing the body electric de Bradbury. La convergence des deux épisodes s'impose d'autant plus que les décors extérieurs se révèlent les mêmes. On a vraiment l'impression qu'il s'agit d'un lénifiant récit pour la jeunesse tel qu'on en concevait dans les années 60, et non d'un opus de The Twilight Zone. La conclusion, à la morale d'un étonnant conservatisme et au happy end expéditif, se montre de plus hautement prévisible et totalement dépourvue d'une de ces chutes vertigineuses que nous offrait jadis Matheson. Quelle négation des valeurs de l'individualité et du talent ! Mute passe à côté de son sujet, les traumas infligés durant l'enfance et leurs conséquences à l'âge adulte. À l'exception d'Ann Jullian qui tient avec expressivité son rôle muet, le reste de la distribution apparaît correct, guère plus. Avec les moyens limités de l'anthologie, Rosenberg réussit cependant quelques plans suggestifs restituant fort plaisamment les visions d'Ilse (photos s'animant, images en surimpression sur les têtes…). C'est malheureusement insuffisant pour tirer hors de l'ornière Mute, qui souffre également du côté rabattu de son thème, la télépathie. Un classique maintes fois usité de la Science-fiction, employé ici sur un mode fort basique. L'on n'échappe d'ailleurs pas à quelques poncifs comme Ilse terrassée par l'afflux des pensées d'une foule l'environnant, tout comme Buffy Summers dans l'épisode Voix intérieures, récit autrement plus enlevé et imaginatif que cette historiette des plus mineures dans l'œuvre du grand Matheson. Acteurs : Ann Jillian (1950) connut une belle carrière d'actrice de voix dans de nombreux dessins animés. Après plusieurs rôles d'enfant et de jeunes filles, elle mit sa carrière entre parenthèses durant les années 70. Elle connut une grande popularité durant les années 80 avec la sitcom It's a Living (1980-1989). Elle participe à Kojak, L'Île fantastique, Perry Mason, Walker Texas Ranger… 6. LE VAISSEAU DE LA MORT Date de diffusion : 7 février 1963 Auteur : Richard Matheson Résumé : Avançant au mépris du danger vers l'inconnu, un vaisseau spatial survole une planète abritant de la vie. Ayant repéré un éclat métallique, les trois cosmonautes se posent. Ils trouvent alors une réplique absolument exacte de leur engin, mais s'étant écrasé au sol. À l'intérieur, ils découvrent leurs propres cadavres… Critique : Après l'inquiétante chute d'air de l'opus précédent, c'est avec un plaisir entier que l'on retrouve un Richard Matheson au sommet de son art. Il renoue ici avec les situations absurdes dont il a le secret, mais avec une miroitante innovation vis-à-vis de ses précédents épisodes : les victimes de ce mauvais tour du destin ne sont pas cette fois des quidams que rien ne distingue du spectateur, mais d'héroïques cosmonautes de Space opera. On pourrait craindre un instant que le style si particulier de Matheson se dilue dans ce genre lui étant si étranger, il n'en est rien. En effet, l'auteur parvient à saisir le meilleur de ces récits (date fantaisiste de 1997, éléments de vocabulaire, vaisseau surréaliste, planète étrange, équipage face à l'épreuve…) tout en les détournant au profit de l'angoissante énigme en place. La fusion des deux styles s'effectue avec un art consommé, l'intrigue ne se contentant pas de ce détournement hors normes d'un récit classique. Le jeu des hypothèses successives se montre particulièrement brillant, où, de manière finalement ludique, les protagonistes, aux caractères finement balancés, tentent de recourir à différents styles de Science-Fiction pour sortir de l'impasse (dérèglement temporel, intervention extra-terrestre...). Le récit occupe ainsi avec intelligence et sens du tempo le format rallongé de l'épisode, tout en s'autorisant audacieusement des fugues dans un autre plan dont on ne sait s'il relève de l'onirisme, de l'au-delà, ou d'autre chose encore. La maestria dont fait preuve tout du long Matheson s'avère absolument enthousiasmante. Peu à peu, l'hypothèse la plus sombre semble se dessiner, tandis que l'épisode dégage une pure terreur, digne des meilleurs moments de l'anthologie, jusqu'à une chute des plus glaçantes. Death Ship aura implacablement mêlé diverses sources de peur – celle de l'inconnu, de la mort, et de la folie – en les unissant avec un rare impact Cette relecture du mythe du Hollandais Volant se double d'une fine peinture psychologique, condamnant le refus obstiné du commandant devant l'inévitable. C'est finalement sous ses postures d'esprit fort, désirant tout dominer, que sourd la peur la plus irrépressible. Les différents acteurs se montrent remarquables d'expressivité, achevant de donner une dimension très humaine à ce qui ne constitue définitivement plus un de ces récits d'exploration formatés pullulant à l'époque. Assisté par une excellente musique et quelques concluants effets spéciaux, Don Medford parvient à soutenir avec éclat le pari de cet épisode entre scènes de Space Opera délicieusement archétypales (on retrouve une nouvelle fois la sublime soucoupe rescapée de Planète Interdite) et plans inspirés mettant admirablement en valeur le jeu des comédiens et rendant palpable l'effroi qui inexorablement les gagne. Se détache la scène montrant les trois cadavres gisant dans la lumière vacillante du second vaisseau, rejoignant cette fois le pur film d'épouvante. Acteurs : Ross Martin (1920-1981) reste bien entendu l'interprète du célèbre Artemus Gordon des Mystères de l'Ouest (1965-1969). Ce comédien polyglotte eut également une belle carrière au cinéma, jouant notamment régulièrement dans les films de Blake Edwards (La grande course autour du monde, 1965...). Il participa également à de nombreuses séries télé des années 60 et 70 : Wonder Woman, Columbo, Hawaï Police d'État, Drôles de Dames… Il décède d'une crise cardiaque survenue durant une partie de tennis. Il apparaît également dans l'épisode Quatre d'entre nous sont mourants. Jack Klugman (1922-2012) débuta à Broadway avant de participer à de nombreux classiques du cinéma (Douze hommes en colère, 1957 ; Le Jour du vin et des roses, 1962 ; Goodbye, Columbus, 1969...). Il reste néanmoins surtout connu pour ses rôles récurrents à la télévision : The Odd Couple, 1970-1975, Quincy, 1976-1983... Klugman joue également dans de nombreuses autres séries : Les Incorruptibles, Le Virginien, Le Fugitif... Il apparaît dans quatre épisodes : Un coup de trompette, Le joueur de billard, Le vaisseau de la Mort, et Amour paternel. Date de diffusion : 14 février 1963 Auteur : Earl Hamner, Jr. Résumé : Vers 1900, dans un petit village de l'Amérique rurale, Ben obtient la main d'Ellwyn. Désespérée et jalouse, Jess-Belle, son ancienne petite amie, fait alors appel à la sorcière locale pour récupérer l'amour de Ben. Elle découvre le prix à payer quand elle devient elle-même une sorcière, se transformant en léopard la nuit… Critique : Ce chantre exalté de l'Amérique rurale que fut toujours l'écrivain Earl Hamner recrée ici l'environnement lui tenant tant à cœur, à l'image d'un de ses opus précédents The Hunt. Si le scénario apparaît ici un tantinet moins démonstratif, on y retrouve une naïveté similaire de même que de nombreux éléments culturels identifiants : la campagne, la petite communauté, l'importance de la respectabilité et de la religion, chanson folk comme fil rouge, danses country… Sur ce terreau se bâtit un récit que l'on peut découvrir sous deux angles différents : d'abord comme un pur récit fantastique, conçu autour de la lycanthropie, où le chat sauvage se substitue au loup. Sous cette optique, l'épisode s'avère une catastrophe proche de l'absolu. Aucune tension nerveuse, aucun effroi ne se dégagent de ce pensum verbeux et statique, conclu sur une confrontation désarmante de candeur. Le patent manque de dynamisme de la mise en scène de Kulik accroit encore cette insignifiance. Contrairement à The Hunt, l'absence de scènes en extérieur se fait cruellement ressentir. Le plus pathétique demeure ces apparitions faméliques d'un léopard amorphe, supposé terroriser les foules, à grands renforts de musique ronflante et d'effets spéciaux remontant à l'époque de Méliès. Mais l'on glisse finalement assez facilement vers l'autre lecture de Jess-Belle, incité par l'évidente et communicative sincérité de l'ensemble. On y discerne alors la saveur de ces éternels contes et légendes du terroir. On aime y retrouver plusieurs éléments caractéristiques, comme le prince charmant accourant à la rescousse de sa dulcinée en péril, ou la figure emblématique de la sorcière (excellente d'ailleurs, difficile de ne pas songer à la Rhéa du Cöos de Stephen King). Avec un soupçon de bonne volonté, le spectateur pourra y renouer avec une part de l'émerveillement de l'enfance. On goûte également de redécouvrir cette Amérique profonde, bien moins présente à l'écran que les mégapoles des rivages océaniques. L'interprétation se montre des plus solides, avec un James Best se mouvant avec authenticité dans son répertoire naturel, de même que bon nombre des seconds rôles. L'attraction principale reste cependant Anne Francis, brune peut-être pour l'unique fois de sa carrière. Dans un rôle subtilement tourmenté, totale antithèse d'Honey West ou de Doreen Maney, elle se montre des plus convaincantes. On ajoutera une vraie émotion de la retrouver si peu de temps après son décès. Elle demeure l'atout de cet épisode bucolique que l'on se surprend à apprécier. Les amateurs de loups-garous à la sauce américaine rouge sang pourront se consoler avec l'excellent Métamorphoses des X-Files. Acteurs : Anne Francis (1930-2011) fut l'inoubliable Altaira Morbius, vedette féminine du grand classique de la Science-Fiction Planète Interdite (1956), mais reste également dans les mémoires pour la pétillante Honey West (1965-1966), première série de détective au rôle-titre féminin. Elle joua également dans Les Incorruptibles, Cannon, Dallas, Riptide, Arabesque, L'Île Fantastique, Vegas, Drôles de Dames, Matlock… Cette ancienne mannequin participa également à l'épisode Neuvième étage (saison 1). James Best (1926-2015) est un spécialiste des seconds rôles de Western, genre dans lequel il apparut près de 300 fois au grand comme au petit écran. Il reste néanmoins remémoré pour son rôle de shérif abruti dans Shérif, fais-moi peur (1978-1985). Il participe à deux autres épisodes de l'anthologie, Les funérailles de Jeff Myrtlebank et Vengeance d'outre-tombe. James Best a publié ses mémoires en 2009. Date de diffusion : 21 février 1963 Auteur : Charles Beaumont Résumé : Charley Parkes, comptable introverti aimant la solitude, a pris l'habitude de déjeuner dans la cafétéria paisible d'un musée. Un jour, dans l'une des galeries, il découvre une superbe maison de poupées du XIXe siècle. Sous ses yeux, son habitante prend soudainement vie ! Il en tombe éperdument amoureux… Critique : On pourra certes reprocher à Miniature une chute se révélant prévisible dès le début de l'intrigue. Cette dernière se montre d'ailleurs quelque peu délayée, subissant de plein fouet l'allongement du format de l'anthologie. La maison de poupée, par sa troublante création d'un univers clos distinct du nôtre, a stimulé l'imagination de nombreux auteurs de Fantastique, y compris pour les séries télévisées : remarquable épisode Audrey Pauley des X-Files, décor central de la Dollhouse de Joss Whedon en reconstituant une maison de poupées à l'échelle humaine. Et il demeure exact qu'en comparaison, la version donnée par The Twilight Zone, avec son piano et son ambiance de la haute bourgeoise du XIXe siècle, paraît quelque peu sucrée et simpliste. Mais l'essentiel de l'épisode se situe ailleurs, dans le fin portrait psychologique du protagoniste. Avec habileté, Charles Beaumont évite toute caricature : la famille de Parkes se montre avant tout aimante, même si elle ne le comprend pas. De manière amusante, sa sœur au caractère bien trempé introduit une touche Sixties dans une anthologie se situant encore volontiers dans l'atmosphère des années 50. Le gardien du musée se montre pareillement pétri d'humanité et de compréhension, de même que le psychiatre. Tout ceci renforce la singularité et l'énigme représentées par cet homme introverti, refusant tout contact réel avec ses contemporains, peinant lui-même à expliquer la raison de sa quête de solitude, pour soudain se découvrir un amour follement romantique. L'ambiguïté entre le Fantastique et la déraison (jusqu'à la chute) a déjà été exploitée avec succès dans l'anthologie, mais ce profil lui apporte une agréable incertitude supplémentaire. Robert Duvall, au sommet de son art dès l'orée de sa carrière contrairement à d'autres futures stars apparues dans La Quatrième Dimension, se révèle l'acteur parfait pour incarner avec subtilité la troublante personnalité de Parkes. Il devient réellement effrayant en caricature de « l'homme normal » ! On tient là l'une des plus impressionnantes prestations de l'anthologie. Le reste de la distribution se complète de comédiens éprouvés, lui rendant la réplique avec talent. La mise en scène de Walter Grauman, réalisateur de télévision au long cours, manifeste également une fine sensibilité. La colorisation de l'univers prenant vie dans la maison de poupée s'avère fort bien trouvée, à l'instar du Magicien d'Oz. Cet effet fut rajouté en syndication et constitue l'une des premières tentatives de ce genre. Acteurs : Robert Duvall (1931), après plusieurs succès critiques, accéda à la grande popularité grâce au rôle du Consigliere Tom Hagen, dans Le Parrain (1972). Il multiplie par la suite les rôles marquants : Apocalypse Now (1979), Préjudice (1998)... Sélectionné six fois aux Oscars, il remporte cette distinction en 1983 pour Tendre Bonheur. 9. LE JOURNAL DU DIABLE Date de diffusion : 28 février 1963 Auteur : Charles Beaumont Résumé : Douglas Winter, directeur d'un modeste journal local, voit son entreprise péricliter du fait de la concurrence d'un grand groupe moderne. Désespéré, il s'apprête à sauter quand il rencontre le Diable en personne, dissimulé sous les traits de Mr. Smith, journaliste et linotypiste surdoué. Celui-ci lui propose ses services. Il parvient à renflouer la petite entreprise, grâce à sa linotype annonçant les évènements avec une stupéfiante rapidité… Critique : Au-delà du clin d'œil au Heaven can wait de Lubitsch, Printer's Devil permet à Beaumont d'adresser un pamphlet aussi divertissant que cinglant aux dérives d'une certaine presse. La charge s'avère impitoyable car dénonçant non seulement la vénalité sous-tendant ces abandons, hélas de temps à autres avérés, de la déontologie, mais aussi le vertige saisissant parfois les responsables. Il n'y a effectivement qu'un petit pas à franchir pour s'imaginer qu'un évènement n'acquiert sa réalité que s'il est évoqué par les médias, donc soi-même, à l'image de la linotype diabolique. Beaumont se garde d'ailleurs de rendre sympathiques les concurrents brutaux et sensationnalistes de Winter sous prétexte qu'ils soient victimes des menées du démon. On perçoit clairement que son affinité véritable penche vers le journal honnête et modeste une fois revenu sur le droit chemin. Il rejoint ainsi la veine sous-jacente d'une anthologie manifestant souvent une certaine défiance envers les travers du progrès. La chute, certes assez prévisible compte tenu de la sympathie suscitée par Winter et surtout par son attachante fiancée, ne manque toutefois pas d'une redoutable astuce. Après les fort réussis Escape clause et A nice place to visit, cette variation faustienne démontre à quel point le personnage de Satan s'avère un inépuisable sujet pour peu qu'il soit utilisé avec intelligence et humour, en fuyant les clichés. On le vérifie encore aujourd'hui avec l'excellent Le Diable et Moi (2007-2009). Le Déchu trouve ici un interprète à la hauteur en Burgess Meredith, compagnon de route d'une anthologie qu'il quitte ici après cet ultime coup d'éclat… en attendant le film de 1983 ! Il apporte au cynique personnage une vitalité et un allant électrisant l'ensemble de l'épisode. Que le même grand acteur ait pu incarner avec un semblable succès le timide protagoniste de Time enough at last en dit long quant à la variété de son talent. Il rattrape ainsi une certaine fadeur des autres membres de la distribution, mais ceux-ci restent efficaces face à un Burgess dévorant l'écran. Ralph Senensky, ici à l'orée d'une prolifique carrière de réalisateur pour la télévision, apporte un vrai dynamisme à la mise en scène, avec plusieurs bonnes idées comme les images accompagnant en transparence les unes toujours sinistres du journaliste démiurge. Il tire également le meilleur de l'impressionnante linotype d'époque, dont la manipulation détaillée se suit avec un vif intérêt. Acteurs : Burgess Meredith (1907-1997) connaît un début de carrière prometteur au théâtre et au cinéma (Des souris et des hommes, 1939...), avant d'être inscrit sur la liste noire du MacCarthysme. Revenu à la fin de cette triste période, il apparaît dans de très nombreux films, dont la série des Rocky où il interprète le vieil entraîneur de Balboa. À la télévision, il incarna le Pingouin, l'un des pires ennemis de Batman (1966-1968). Il apparaît également dans Les Mystères de l'Ouest, Bonanza, Mannix, L'homme de her… Avec quatre rôles, il détient le record de participations à La Quatrième Dimension à égalité avec Jack Klugman. En 1983, il se substitue d'ailleurs à Rod Serling, décédé, pour devenir le narrateur du film. En un vrai fil rouge de l'anthologie, ses rôles sont toujours liés à l'écrit, livres ou journaux. 10. LE BON VIEUX TEMPS Date de diffusion : 7 mars 1963 Auteur : Rod Serling Résumé : À l'aide d'une machine à remonter le temps, Paul Driscoll revisite l'histoire. Il tente de modifier les pires évènements causant des pertes humaines : empêcher Hiroshima, assassiner Hitler avant qu'il ne prenne le pouvoir… Tout semble cependant échouer tant le passé paraît inaltérable... Critique : Rod Serling se contente ici d'étoffer l'intrigue écrite en 1958 pour The Time Element, épisode de l'anthologie Westinghouse Desilu Playhouse (1958-1960). On y retrouve le thème du voyage dans le passé, échouant à modifier celui-ci. No Time like the past apporte davantage de variété, diverses époques se substituant au seul Pearl Harbor. D'autre part, l'on apprécie la volonté de réconciliation s'exprimant lors du passage consacré à Hiroshima. On perçoit clairement la sincérité de ce vétéran de la Guerre du Pacifique qu'est Serling, et agréger cette explosion atomique parmi les grandes abominations de l'Histoire ne coulait pas de source pour une série américaine du début des années 60. Par ailleurs, si le voyage temporel en lui-même se voit évoqué par un procédé minimaliste, la machine dégage une étrange poésie. Encore une fois, La Quatrième Dimension sait tirer des merveilles de décors peu onéreux. L'épisode bénéficie également d'une composition convaincante de Dana Andrews. Cependant l'on demeure assez tétanisé devant le traitement réservé par Rod Serling au voyage temporel, soit l'un des piliers les plus féconds de la Science-fiction. Nier avec autant de véhémence l'intangibilité du passé revient à nier tous ces paradoxes temporels et autres jeux de l'esprit constituant une bonne part de l'intérêt du genre. Il reste assez paradoxal de voir The Twilight Zone refuser que l'imagination s'exprime. Par ailleurs, les quelques vignettes en constituant la démonstration brillent par leur naïveté : est-il pertinent que Driscoll intervienne toujours quelques minutes à peine avant l'évènement fatidique ? Un individu disposant d'un niveau technologique autorisant le voyage dans le temps utiliserait-il un moyen aussi primaire et risqué qu'un tir de fusil pour tuer Hitler ? Par la suite, dans une seconde partie artificiellement distincte de la première, l'épisode s'étire au long d'une bluette mièvre, de dialogues emphatiques et grandiloquents, jusqu'à une citation finale vraiment tirée à la ligne. Vainement, on espère une conclusion renversante, ou du moins étonnante. Pour solde de tout compte, un ultime laïus vient une énième fois rabâcher l'antienne que l'épisode nous serine depuis sa première partie. Acteurs : Dana Andrews (1909-1992) se fit connaître par plusieurs grands rôles dramatiques ou de film noir : Laura (1944), Les Plus Belles Années de notre vie (1946)... Malgré quelques autres sucès, le déroulement de sa carrière fut entravé par un alcoolisme chronique qui le cantonna le plus souvent aux séries B. Il fut l'une des premières personnalités à participer publiquement aux Alcooliques Anonymes. 11. LE PARALLÈLE Date de diffusion : 14 mars 1963 Auteur : Rod Serling Résumé : Après une mission spatiale correctement remplie, mais marquée par une rupture temporaire des communications, l'astronaute Robert Gaines revient chez lui. Mais très vite des indices s'accumulent : il a atterri sur une planète très semblable à la Terre mais néanmoins différente… Critique : Cet épisode constitue malheureusement un éloquent témoignage de l'essoufflement narratif de l'anthologie. Succédant à plusieurs épisodes recourant à des concepts déjà employés précédemment (le Diable, le voyage dans le passé, l'Amérique rurale éternelle…), il confirme cette tendance avec ce voyage dans l'espace suivi d'un retour aux étranges conséquences, évoquant directement Les trois fantômes. De plus, alors que le scénario de Richard Matheson se révélait une merveille d'inventivité et de sens de l'étrange, on se retrouve ici avec un récit linéaire et prévisible au possible, lesté de dialogues pesants ou grandiloquents (le parallèle avec Le parallèle se montre désastreux, je me comprends). On a presque l'impression de regarder un épisode de The outer limits au lieu de The Twilight Zone. De plus, l'intrigue subit de plein fouet le rallongement du format. En effet, celui-ci se traduit uniquement par du délayage verbeux et une navrante incursion au pays du soap opera le plus éculé, avec cette famille américaine archétypale et proprette. Le protagoniste manque cruellement de charisme, tandis que la mise en scène ne dégage aucune énergie. Par ailleurs, le récit paraît terriblement long dès lors que l'on a compris le pot aux roses, soit très rapidement (il n'y a aucun suspense), aucun rebondissement ne venant bouleverser le déroulement de l'intrigue jusqu'à un happy end lénifiant se substituant à la chute coutumière. Quelle faible utilisation du thème si riche des univers miroirs ! Avec la courte durée habituelle, Le parallèle aurait été perçu comme simplement médiocre, ici il se montre réellement ennuyeux. À côté des inserts réussis et de la prestation stéréotypée de Steve Forrest, mais dont le jeu similaire à celui du Baron amuse par analogie, on note une fugace croisée de fer avec la censure moraliste du temps puisque le contact charnel avec son épouse semble, de manière seulement suggérée, indiquer au héros qu'il n'est pas chez lui… C'est amusant et assez osé, mais ne suffit certes pas à amender l'impression nettement négative laissée par cet opus très en dessous. Cette idée d'une Terre Miroir (un grand thème de la SF littéraire) se verra réemployée en 1969 dans Danger, planète inconnue (Doppelgänger) avec, dans le rôle du cosmonaute, un certain Roy Thinnes. Acteurs : Steve Forrest (1925-2013) est le frère de Dana Andrews, l'interprète principal de l'épisode précédent. Il lui doit pour partie le lancement de sa carrière ; celle-ci le verra occuper de nombreux seconds rôles au cinéma (Le jour le plus long, 1962...) mais également à la télévision : Gunsmoke, Opération Danger, Les rues de San Francisco, Cannon, Dallas Arabesque, Columbo… Il demeure surtout connu pour le rôle principal de la série anglaise Le Baron (1966-1967) avec Sue Lloyd comme partenaire. 12. UN RÊVE DE GÉNIE Date de diffusion : 21 mars 1963 Auteur : Robert Gist Résumé : Howard Morris, un employé de bureau effacé et timide, fait l'acquisition d'une vieille lampe à huile. Un Génie en surgit, lui proposant d'accomplir un seul vœu. Avant de prendre sa décision, Howard imagine successivement ce que lui occasionneraient l'amour, l'argent, puis le pouvoir. Critique : Alors que deux jours plus tard, Cathy Gale s'apprête à tirer sa révérence en Angleterre, avec l'archétypal Génie de la Lampe l'on renoue de nouveau avec un thème déjà employé dans l'anthologie (The man in the bottle et The mind and the matter). De plus, le récit ne se distingue par aucune originalité, l'on se situe strictement dans les canons du genre, avec un titre original évoquant d'ailleurs le prochain I Dream of Jeannie (1965-1970), la série rivale de Bewitched. Certes le génie n'offre qu'un vœu au lieu des trois traditionnels, mais le héros s'adonnant à trois rêveries successives tournant à la catastrophe, l'astuce ne fait pas long feu ; son résultat en revient en fait strictement au même. Il ne s'agit cependant pas tout à fait d'un épisode pour rien. Le métier des différents comédiens, de même qu'un certain allant de la réalisation, appuient parfaitement l'instauration d'un humour bon enfant. Celui-ci rend l'ensemble assez plaisant, même si tout cela demeure léger et guère consistant. De plus, l'insertion de trois tableaux autonomes (l'argent, l'amour, le pouvoir, comme à l'accoutumée) se révèle un efficace substitut à la durée rallongée propre à cette saison. Celui du Président est vraiment réussi. L'insertion de personnages réels au gré de la fantaisie du rêveur s'avère divertissante, à l'image de Les Belles de Nuit (1952). De plus, on retrouve enfin une chute étonnante, qui diffère assez de ce que l'on pouvait supposer résulter de ces méditations. Détail amusant, il s'agit de l'antithèse absolue de la conclusion de l'excellent Je souhaite, l'épisode équivalent des X-Files ! Au total un opus mineur, mais atteignant son objectif de divertir sans prétention. Acteurs : Howard Morris (1919-2005) fut un comédien apparaissant souvent dans des rôles humoristiques (The Andy Griffith Show, 1960-1968...). Sa verve comique l'entraîna à travailler également comme metteur en scène pour des séries comme Max la Menace, Ma sorcière bien-aimée, Papa Schultz… Il fut également un acteur de voix pour dessins animés, notamment pour les productions Hanna-Barbera. 13. LA NOUVELLE EXPOSITION Date de diffusion : 4 avril 1963 Auteur : Jerry Sohl (crédité à Charles Beaumont) Résumé : Un modeste musée de cire ferme définitivement. Martin Senescu, l'un des employés, décide de conserver dans sa cave le chef-d'œuvre de la collection, la représentation de cinq célèbres assassins. Sa fascination pour les statues ne cesse de s'accroître, au grand déplaisir de son épouse… Critique : À défaut de compter parmi les plus grands noms du genre, Jerry Sohl fut un auteur non négligeable de la Science-fiction des années 50 et 60, avec une authentique finesse d'écriture (Point Ultimate). La santé de Beaumont ne cessant de décliner (il décède en 1967, à 38 ans), Sohl va se substituer à l'écrivain pour trois épisodes (avec Living Doll et Queen of the Nile). Sohl est en effet formé à l'écriture télévisuelle, ayant déjà travaillé pour Alfred Hitchcock présente ; il participera d'ailleurs par la suite notamment à Star Trek et aux Envahisseurs. Certes, les formes humaines inanimées ont déjà été traitées à plusieurs reprises dans l'anthologie (The after hours, Elegy, Still valley), qu'elles perdent ou prennent vie. Mais il s'agissait de contextes totalement différents au Musée de Cire, par ailleurs l'un des grands thèmes du Fantastique traditionnel en littérature comme au cinéma. On découvre donc avec intérêt l'approche par La Quatrième Dimension de ce sujet, correspondant par ailleurs parfaitement à la tendance souvent manifestée par Beaumont à rénover les classiques. L'exercice de style apparaît comme une parfaite réussite. L'effroi suscité par les mannequins de cire des assassins (dont Landru et Jack l'Éventreur) s'avère palpable tout du long, d'autant que l'évidence de comédiens simulant l'immobilité joue plutôt comme un atout accroissant l'impression de vie des créatures. Comme un écho amplificateur y répond l'obsession toujours plus abyssale et folle de Senescu, narrée avec pertinence par Sohl et exprimée avec grand talent par Martin Balsam. En grand conteur, Sohl joue habilement de ces deux sources d'effroi, leur choc lors de la confrontation finale suscitant certainement l'une des scènes les plus effrayantes de l'anthologie. Un moment de pure épouvante, débouchant sur une chute à l'humour noir magistral, où l'auteur fait se rencontrer The Twilight Zone et Alfred Hitchcock presents. La mise en scène de John Brahm manifeste également un vrai à-propos pour saisir les mannequins sous l'angle le plus suggestif. Elle rend la banale cave d'une maison américaine aussi terrorisante que le plus gothique des musées, ce qui finalement s'inscrit idéalement dans les vues de Beaumont. Un épisode à visionner avant de visiter le Madame Tussauds londonien ! Acteurs : Martin Balsam (1919-1996), au cours d'une carrière très active s'étendant sur près d'un demi-siècle, apparut dans de très nombreux films (Douze hommes en colère, 1957 ; Psychose, 1960 ; Diamants sur canapé, 1961 ; Little big man, 1970 ; Les hommes du président, 1976…). Il participe à Kojak, Les Incorruptibles, Le Fugitif... mais aussi à La Cinquième Dimension ! Il joue également dans l'épisode Du succès au déclin. 14. JE ME SOUVIENS DE CLIFFORDVILLE Date de diffusion : 11 avril 1963 Auteur : Rod Serling, d'après une nouvelle de Malcolm Jameson (Blind Alley) Résumé : L'impitoyable magnat William Feathersmith est parvenu au sommet de l'échelle sociale à force de mauvais coups et d'avidité sans bornes. Devenu vieux, il s'ennuie car il ne lui reste plus rien à conquérir, tandis qu'il regrette l'allant de sa jeunesse. Une séduisante Diablesse lui propose alors de remonter dans le temps pour pouvoir rebâtir son empire grâce à sa connaissance des évènements à venir… Critique : Dès Walking Distance, son cinquième épisode, l'anthologie employait cette idée d'un retour nostalgique à sa jeunesse ; ce thème a été réutilisé à plusieurs reprises, de même que celui du bon vieux temps idéalisé (Feathersmith arrive d'ailleurs en train à Cliffordville, tout comme pour Willoughby), ou encore le Diable, encore récemment cette saison avec Printer's Devil. Autant dire que Of late I think of Cliffordville n'innove guère. Le traitement ne convainc guère non plus car se résumant à une comédie manquant de consistance et accumulant les maladresses, comme la personnalité caricaturale de Feathersmith, l'absurdité de son choix initial, ou que le redoutable homme d'affaires se révèle un crétin suffisant incapable de mener à bien quoi que ce soit. On se demande bien comment il a pu bâtir son empire. Toutes les situations se révèlent démonstratives au possible. On voit bien comment le récit tire à la ligne pour en parvenir à marche forcée à sa chute très prévisible, jusqu'à accélérer absurdement en conclusion alors qu'il a accumulé jusque-là les discussions diversement utiles. La distribution ne réalise guère de prouesses, handicapée il est vrai par d'exécrables maquillages. Reste que l'on apprécie la dénonciation avant-gardiste du capitalisme prédateur et financier au détriment de l'industriel. Le meilleur de l'épisode demeure sans doute la prestation fort gouleyante de Julie Newmar en démon très féminin. Ses cornes amusantes par leur naïveté évoquent déjà Batman, tandis que le réalisateur s'amuse à faire tournoyer les images tout comme dans cette série ! Catwoman n'est vraiment pas loin. Julie Newmar campe un Diable séduisant, oscillant avec délectation entre séduction, cynisme, et sarcasmes impitoyables. Ce personnage s'avère décidément inépuisable. Un régal, faisant irrésistiblement songer à l'incandescente Elizabeth Hurley du très réussi Endiablé (2000) et à ses trompeuses promesses. Pour le reste, s'impose néanmoins le ressenti d'un épisode essentiellement anodin, d'autant que la narration s'étire une nouvelle fois interminablement. Acteurs : Albert Salmi (1928-1990) débuta à Broadway avant de percer au cinéma avec Les Frères Karamazov (1958), film pour lequel il fut nommé aux Oscars. Tout en interprétant avec succès les grands auteurs au théâtre, il apparut par la suite dans de nombreuses séries (Gunsmoke, Les Incorruptibles, Bonanza, Lost in Space, Land of Giants, Kung-fu, Dallas, K2000...). Il sombra dans la dépression après un divorce douloureux et se suicida le 22 avril 1990 après avoir abattu son ancienne épouse. Il apparaît également dans les épisodes La grandeur du pardon et Exécution. Julie Newmar (1933) débuta comme danseuse à Broadway et fut une célèbre pin-up. Sa carrière d'actrice se limita essentiellement aux années 50 et 60. Elle reste surtout connue pour le rôle de l'iconique Catwoman (Batman, 1966-1968) dont les tenues de cuir ne sont pas sans évoquer une autre célèbre héroïne de série télé, à la même époque. 15. LE MONDE INCROYABLE D'HORACE FORD Date de diffusion : 18 avril 1963 Auteur : Reginald Rose Résumé : Horace Ford traverse une crise, tant professionnelle que familiale. Ne supportant plus les duretés de l'âge adulte, il se réfugie toujours plus dans ses souvenirs d'enfance. Un jour, lors d'une promenade, il reconnaît ses amis d'autrefois, toujours aussi jeunes. Va-t-il se joindre à eux, ou poursuivre sa vie ? Critique : On trouve ici de nouveau un retour décevant dans le passé du protagoniste, thème déjà moult fois exploité au cours de l'anthologie, notamment dans l'épisode précédent, même si cela concernait davantage le début de l'âge adulte que l'enfance. Outre la surexploitation de ce sujet, l'épisode souffre de la torpeur de la narration, ultra répétitive au gré des itérations d'un personnage qui ne franchit finalement le pas que dans les ultimes minutes. Jusque-là, il a fallu subir situations et dialogues ressassés à l'extrême, tandis que l'intrigue préfère aligner les clichés qu'explorer réellement la personnalité tourmentée de son protagoniste, passant ainsi à côté de son sujet. « On oublie le mauvais pour ne se souvenir que du bon » constitue une réponse pour le moins schématique. La manifestation du passé résulte assez désarmante de naïveté, d'autant que la mise en scène se montre réellement atone. À force de se répéter en s'époumonant, Pat Hingle finit par solliciter fortement la patience du spectateur, si ce n'est plus. Toute la distribution apparaît d'ailleurs en petite forme, hormis la mère. Passons sur le gamin dont la dent manquante est à l'évidence colorée en noir. Le plus triste demeure ce happy end tombant visiblement à rebrousse-poil du récit et exigé par les producteurs de The Twilight Zone. Le récit original de Réginald Rose, auteur chevronné de drames volontairement réalistes, connaissait un dénouement bien plus sombre, en cohérence avec le délabrement psychologique du héros. Un épisode particulièrement creux et ennuyeux. Acteurs : Pat Hingle (1924-2009) est surtout connu pour avoir interprété le Commissaire Gordon dans quatre aventures cinématographiques de Batman. Il compta de nombreux autres seconds rôles au cinéma où il se spécialisa dans les figures d'autorité (juges, policiers…). Il participa par ailleurs à Rawhide, Les Incorruptibles, Les Envahisseurs, Gunsmoke, L'Homme qui valait trois milliards, Les rues de San Francisco, etc. 16. JEUDI, NOUS RENTRERONS À LA MAISON Date de diffusion : 2 mai 1963 Auteur : Rod Serling Résumé : Installée depuis trente ans sur une planète déserte, calcinée par trois soleils, une petite colonie terrienne dépérit inexorablement. Elle ne survit que grâce à l'énergie et à la conviction du Capitaine Benteen, apprécié de tous. Soudain, un vaisseau se pose : son équipage vient ramener la population sur la planète mère. Critique : Rod Serling déclara par la suite que cet épisode était son préféré de la saison. Effectivement l'on y retrouve une situation enfin originale, autorisant l'un de ces discours politiques tant appréciés par l'auteur. Le portrait psychologique de l'ambivalent et complexe Benteen s'avère mené avec subtilité et éloquence, porté par la superbe composition de James Whitmore. Tout d'abord certes brutal, mais avant tout énergique moteur d'une communauté dont il assure la survie à bout de bras, Benteen se révèle progressivement un dictateur mégalomane, arc-bouté sur sa mission alors que le paradigme change. À travers cet argument de Science-fiction, Serling exprime avec à-propos que tout pouvoir absolu, aussi éclairé et bienveillant soit-il, demeure condamnable. Il est de plus réprouvé à terme de par sa nature figée, s'intoxiquant par sa propre propagande, tandis que la démocratie, non seulement plus juste, permet une meilleure souplesse et réactivité, car plus ouverte sur le monde et ses changements. La démocratie est le pire des régimes, à l'exception de tous les autres, indiquait Churchill. Malheureusement, cet opus réussi souffre du fléau commun à cette saison : sa durée trop longue conduit à une répétition et à un certain surplace émoussant son efficacité. Le dénouement, inutilement démonstratif et cruel, apparaît quelque peu artificiel. Par ailleurs, si le décor de la planète, quoique réalisé de manière évidente en studio, se montre impressionnant et de bon goût, il assure une ambiance exotique où s'insère fort agréablement cette élégante soucoupe issue de Forbidden Planet que l'on ne se lasse jamais de découvrir d'épisode en épisode. Assurément l'un des symboles marquants de The Twilight Zone ! La réalisation de Buzz Kulik exploite l'ensemble avec efficacité. De manière amusante, ces grottes où les colons terriens se réfugient pour échapper aux fléaux tombant du ciel évoquent l'imposante Ballade de Pern d'Anne McCaffrey. Acteurs : James Whitmore (1921-2009) fut une figure importante des productions hollywoodiennes (Tora ! Tora ! Tora !, 1970...), ce qui lui valu d'être sélectionné deux fois pour l'Oscar. Également très présent au théâtre, il participa à plusieurs séries télévisées : Les Envahisseurs (rusé Harry Swain), Le Virginien, La grande vallée, Les Experts… Il tint le rôle semi récurrent de Raymond Oz, mentor de Bobby Donnell, dans The Practice. 17. TRAVERSÉE À BORD DU LADY ANNE Date de diffusion : 9 mai 1963 Auteur : Charles Beaumont Résumé : Les Ransome, jeune ménage américain en crise, décident de partir en croisière pour Londres afin de sauver leur couple. Ils s'aperçoivent que tous les passagers et membres d'équipage sont sans exception de vieux Anglais. Ceux-ci leur manifestent d'emblée une hostilité inexpliquée... Critique : Passage on the Lady Anne représente un tournant dans l'histoire de La Quatrième Dimension puisqu'il s'agit du dernier épisode réellement écrit par Charles Beaumont (à partir de sa nouvelle Song for a Lady). Sa maladie nerveuse le rongeant toujours davantage, il se voit obligé de cesser ses activités. Il sera à l'avenir remplacé principalement par Jerry Sohl et John Tomerlin, toujours non crédités. C'est donc un adieu à un pilier de l'anthologie depuis ses commencements qui s'effectue ici, d'où une indéniable émotion, d'autant que l'évènement trouve un parfait écho dans le thème du jour, le départ vers l'ultime rivage. Si les récits maritimes n'ont pas toujours porté bonheur à The Twilight Zone, celui-ci sait dégager une véritable atmosphère grâce aux superbes décors reconstituant à merveille le raffinement des transatlantiques de naguère, ainsi qu'à la réalisation élégante de Larry Johnson. Ce dernier tire le meilleur parti de la brume ambiante, sans en abuser jusqu'à la caricature. Si le couple vedette ne crève guère l'écran, tous les seconds rôles, tenus par des comédiens britanniques vétérans, se montrent absolument charmants ou émouvants, Gladys Cooper en tête. Mais la véritable force de l'épisode réside dans le récit d'un Charles Beaumont renouant une dernière fois avec son thème de prédilection, la Mort, perçue ici comme une amie consolatrice. Le mystère régnant sur l'étrange odyssée du Lady Anne induit un suspense constant, de plus relayé par la disparition temporaire de l'épouse (certes inexpliquée, mais qu'importe). Pour une fois, on en oublie la durée rallongée de l'épisode. On apprécie au plus haut point la manière progressive dont la terrible vérité émerge inexorablement, à la fois folle, lugubre, et fabuleusement romantique, combattant avec succès notre incrédulité effarée. Beaumont a la suprême habileté de ne jamais énoncer explicitement la solution de l'énigme, laissant les faits susciter l'imagination et le Lady Anne gagner sereinement sa destination. Un épisode original et troublant, reposant sur un non-dit digne et pudique effectivement très britannique. Acteurs : Lee Philips (1927-1999) connut une carrière de comédien essentiellement limitée aux années 50 et 60 (Perry Mason, Le Fugitif, Les Incorruptibles…). Par la suite il s'orienta vers la mise en scène de séries (Peyton Place) et de téléfilms. Gladys Cooper (1888-1971), élevée au rang de Dame de l'Empire Britannique en 1967, fut l'une des plus grandes gloires du théâtre anglais tout au long d'une carrière débutée en 1905. Elle connut également le succès dans de nombreux films hollywoodiens (My Fair Lady, 1964...). Elle participe aussi à Nothing in the Dark. Sa dernière apparition eut lieu dans Amicalement vôtre (L'héritage Ozerov). Date de diffusion : 23 mai 1963 Auteur : Rod Serling Résumé : Julius K. Moomer, exécrable auteur pour séries télévisées, invoque William Shakespeare. Ce dernier devient son nègre, Moomer espérant ainsi obtenir succès et reconnaissance. Mais décideurs et sponsors désirent-ils vraiment produire du Shakespeare ?... Critique : La saison 4 s'achève sur un réjouissant et truculent canular. Serling développe une joyeuse fantaisie fort similaire à celle du futur Bewitched où surgiront pareillement d'augustes figures du passé, considérées sous un angle aussi décapant que bon enfant. William Shakespeare, certes totalement irréaliste, suscite de nombreux gags réussis, à base d'anachronismes et de citations astucieuses de plusieurs de ses célèbres tirades. L'auteur a d'ailleurs l'excellente idée de toujours préciser pièces, actes et scènes. Serling s'amuse par ailleurs à faire s'exprimer le Barde dans un style fleuri et archaïque rappelant quelque peu son style. L'inusable procédé du duo antagoniste fonctionne à plein avec cet auteur extraverti et volontiers arriviste, à qui Jack Weston apporte une belle énergie tout en le rendant heureusement sympathique. Serling échappe au piège de la répétitivité induit par le format rallongé en insérant plusieurs pittoresques seconds rôles, provoquant autant de sketches autonomes. Le petit grain de folie de la libraire obsédée par les retransmissions sportives, du chauffeur de bus parano, ou de la secrétaire imbuvable s'avère très amusant et évoque parfois légèrement les Excentriques des Avengers. Le meilleur demeure le comédien cuistre et narcissique incarné avec brio par un jeune Burt Reynolds pastichant allègrement la méthode de l'Actor's Studio, Marlon Brando, et l'ego hollywoodien. Un régal. Mais l'épisode gagne une nouvelle dimension par sa satire féroce des mœurs télévisuelles sur lesquelles Serling s'épanche à nouveau après A Stop at Willoughby. La charge se montre féroce quant aux compromissions et affadissement des textes que véhicule l'assujettissement de l'écriture des séries télévisées aux formats imposés par des sponsors incultes et bornés. Diffiicle de ne pas entendre que Serling règle quelques comptes à l'issue de cette saison ayant vu CBS maltraiter son anthologie pour la rendre plus conforme aux standards en vigueur, cédant notamment aux contraintes publicitaires. Classiquement, la critique a recours à l'humour fantaisiste pour échapper aux foudres de la censure. La chute, virant franchement à la farce, se situe pleinement dans cette tradition. The Bard, aux pétillants dialogues, est en avance sur son temps à une époque où les séries se montrent bien moins librement autocritiques sur ces sujets qu'aujourd'hui. Toujours actuel, il a d'ailleurs acquis une certaine valeur de symbole. Ainsi le dernier épisode des Sopranos voit Tony le visionner à son domicile. Acteurs : Burt Reynolds (1936) est un comédien particulièrement populaire pour son abattage et sa fantaisie (Cours après moi, shérif ; L'équipée du Cannonball ; Hauts les flingues…). Rendu célèbre en 1972 par Délivrance, il se situe encore ici à l'orée de sa carrière. Il connut le rare privilège de tourner dans les deux sommets de la série fantastique puisqu'il participa quelques décennies plus tard aux X-Files ; Il fut en effet l'invité vedette d'Improbable, épisode totalement halluciné. Tout au long de sa carrière aux multiples seconds rôles, Jack Weston (1924-1996) alterna les emplois humoristiques (Ne mangez pas les marguerites, 1960 ; Fleur de Cactus, 1969...) ou inquiétants (Wait until dark, 1967...). Par ailleurs, il joua dans de nombreuses pièces humoristiques à Broadway, notamment avec Woody Allen. Il participe également à l'épisode Les monstres de Maple Street. 1) Le vaisseau de la Mort : Un implacable voyage au bout de l'horreur, du space opera supérieurement intelligent et maîtrisé. 2) Traversée à bord du Lady Anne : De merveilleux comédiens au service d'une histoire réellement étrange. De superbes adieux pour Charles Beaumont, l'un des trois architectes majeurs de l'anthologie. 3) La nouvelle exposition : Une romance déroutante, accompagnée d'un captivant portrait psychologique. Robert Duvall est extraordinaire. 4) Le journal du Diable : Une satire mordante des travers de la presse et une pertinente relecture de Faust. Le polymorphe Burgess Meredith crève une nouvelle fois l'écran. 5) Jess-Belle : Une charmante fable country, avec le plaisir de retrouver une brune Anne Francis. Crédits photo : Universal. Images capturées par Estuaire44. |
La Quatrième Dimension(1959-1964) Saison 2 1. King Neuf sans retour (King Nine Will Not Return) 2. L'Homme dans la bouteille (The Man in the Bottle) 3. L'Homme et son double (Nervous Man in a Four Dollar Room) 4. Allez-vous-en, Finchley ! (A Thing About Machines) 5. L'Homme qui hurle (The Howling Man) 6. L'Œil de l'admirateur (The Eye of the Beholder) 7. Les Prédictions (Nick of Time) 8. Les Robots du docteur Loren (The Lateness of the Hour) 9. Retour vers le passé (The Trouble With Templeton) 10. Futurographe (A Most Unusual Camera) 11. La Nuit de Noël (Night of the Meek) 16. Un sou pour vos pensées (A Penny for Your Thoughts) 17. Sans escale de vie à trépas (Twenty-Two) 18. L'Odyssée du vol 33 (The Odyssey of Flight 33) 19. M. Dingle (Mr. Dingle, the Strong) 21. Le Manipulateur (The Prime Mover) 22. Conversation avec l'au-delà (Long Distance Call) 23. Au bord du gouffre (A Hundred Yards Over the Rim) 24. Rendez-vous dans un siècle (The Rip Van Winkle Caper) 25. Le silence est d'argent (The Silence) 26. Peine capitale (Shadow Play) 27. L'Esprit et la Matière (The Mind and the Matter) 28. Y a-t-il un martien dans la salle ? (Will the Real Martian Please Stand Up?) Le 11 mai 1960, CBS révèle que l'anthologie est reconduite pour une nouvelle année (avec pour sponsors General Foods et Colgate-Palmolive !). La Quatrième Dimension franchit ainsi avec succès le cap toujours délicat de la première saison et s'inscrit dans le paysage audiovisuel américain. La série doit cependant faire face à un changement de dirigeants à la tête de CBS. Le nouveau président de la chaîne, James Aubrey, s'irrite de coûts de production jugés bien trop élevés pour des épisodes ne dépassant pas la demi-heure. La série ne s'insère pas non plus idéalement dans son projet de programmations familiales et grand public qui connaîtra de fait une immense réussite durant les années 60. À côté de sévères restrictions budgétaires avec lesquelles Rod Serling devra jongler jusqu'au terme de l'anthologie, il est décidé par mesure d'économie que seuls 29 épisodes seront tournés (contre 36 pour la saison précédente), et que certains d'entre eux seront réalisés en vidéo et non plus sur film, soit l'inverse de l'évolution que connaîtront les Avengers ! L'idée d'en allonger la durée à une heure est déjà évoquée, pour l'instant sans succès. Cette deuxième saison, diffusée à partir du 30 septembre 1960, va néanmoins être celle de la consécration pour la série : acclamée par les critiques, elle remporte de nombreuses distinctions, dont une nouvelle fois l'Emmy Award du scénario pour Serling et le prix Hugo pour l'ensemble de la saison. L'audience s'accroît, mais toujours sans devenir massive. Des clubs de fans très motivés se créent à travers tout le pays et les différents produits dérivés connaissent un réel succès (novélisations, bandes dessinées, bande-son, jeux de plateau…). Attirées par le prestige et l'intérêt de la série, les vedettes de l'époque se recrutent désormais beaucoup plus facilement, et pour des cachets bien inférieurs à la normale. La qualité des épisodes, selon de nombreux critiques, atteint ici son sommet, après une première saison déjà enthousiasmante. À l'issue d'une saison 2 comportant nombre de ses classiques, The Twilight Zone se situe à son apogée. 1. KING NEUF SANS RETOUR Date de diffusion : 30 septembre 1960 Résumé : Durant la Seconde Guerre Mondiale, un bombardier américain s'écrase dans le Sahara. Le commandant reprend conscience, dépourvu de tout souvenir de l'impact. Le reste de l'équipage a inexplicablement disparu, sans laisser la moindre trace. Les évènements les plus étranges ne tardent pas à se succéder… Critique : D'une manière un peu dommageable, la saison 2 débute avec un épisode au thème passablement proche du premier de la saison précédente. On y retrouve en effet la solitude mystérieuse et oppressante du héros, l'hostilité du désert diffusant une angoisse supplémentaire par rapport au décor urbain précédent. Si le scénario subtilement agencé et l'efficace mise en scène distillent un stress à la savante progression, on préfèrera la profonde étrangeté de la première histoire à la profusion d'effets de celle-ci. Pour sa première participation à l'anthologie, Buzz Kulik (Have gun - Will travel), qui en réalisera neuf épisodes, développe cependant avec réussite les diverses péripéties, insolites (les avions contemporains) ou effrayantes (les apparitions spectrales). Surtout, il parvient à éviter l'écueil de l'immobilisme, traditionnel danger pour les huis clos, en tirant le meilleur du décor de l'avion. Les passionnés se réjouiront ainsi d'une véritable visite d'un des aéronefs de la guerre de 39-45, un bombardier B-25 ! L'histoire s'inspire d'ailleurs du crash authentique d'un B-24 en plein désert demeuré inexpliqué : disparu en 1943, il n'est retrouvé en Libye qu'en 1959… L'équipage s'était volatilisé, sans avoir touché aux réserves d'eau ni aux armes personnelles. En 2010, l'Air Force considère toujours cet évènement comme l'une des plus grandes énigmes de l'histoire de l'aviation… Néanmoins, la grande force de l'épisode réside dans l'excellente prestation proposée par l'acteur vétéran, Robert Cummings. Le comédien, très proche des milieux de l'aviation, demanda à interpréter ce rôle, acceptant un cachet des plus réduits. Par une voix off étonnante de conviction et ses attitudes éloquentes, il communique parfaitement au spectateur l'angoisse montante du personnage jusqu'à l'effondrement de celui-ci. Nous partageons avec intensité son affolement, tandis que son esprit enfiévré analyse des hypothèses successives tâchant d'expliquer la situation présente, avant d'avoir à toutes les repousser implacablement. Cette dimension de piège inexorable fait le prix de l'épisode, lui valant d'apparaître comme une digne entrée en matière de la nouvelle saison. La Quatrième Dimension renoue avec bonheur avec l'un de ses thèmes récurrents, l'avion ayant connu un étrange détour dans les inaccessibles mystères du ciel. On regrettera toutefois une conclusion pour une fois assez conventionnelle et démonstrative, à contresens de l'effet suscité jusque-là. King Neuf sans retour se caractérise également par la toute première présentation en personne de Rod Serling suite au succès de son apparition dans Un monde à soi, mais aussi par l'entrée en scène de Marius Constant. Ce compositeur français (1925-2004), l'un des fondateurs et premiers directeurs de la radio France Musique, collaborateur au long cours de Maurice Béjart, est l'auteur du nouvel indicatif de la série, repris ultérieurement par La Cinquième Dimension. Acteurs : Robert Cummings (1908-1990) fut un acteur principalement spécialisé dans les comédies. Révélé dans les revues du Broadway des années 30, notamment les Ziegfeld Folies, il devint une vedette du Hollywood d'après-guerre à travers de nombreuses comédies, mais aussi en collaboration avec Hitchcock (Le Crime était presque parfait, 1954). Il semble logiquement convaincant ici car il était un pilote accompli, domaine dans lequel il fut instructeur et commandant de bombardier décoré durant la guerre. Son rôle le plus célèbre à la télévision fut d'ailleurs celui d'un ancien pilote de chasse dans The Bob Cummings Show (1955-1959). 2. L'HOMME DANS LA BOUTEILLE Date de diffusion : 7 octobre 1960 Résumé : Arthur et Edna, un couple de brocanteurs d'âge mûr, connaissent une vie difficile, les affaires n'étant guère florissantes. Arthur libère par hasard un Génie de sa lampe et celui-ci lui accorde quatre vœux. Arthur va s'ingénier à trouver le souhait le plus favorable, mais tout va aller de mal en pis... Critique : Les histoires comiques demeurent minoritaires dans l'anthologie, au point de presque apparaître comme des épisodes décalés. Leur réussite demeure inégale, mais L'Homme dans la bouteille constitue l'une des perles de ce sous-genre. L'humour, tour à tour bon enfant puis davantage sardonique, joue de plusieurs cordes. Le couple d'antiquaires apparaît pittoresque et attendrissant, tandis que ses revers de fortune, suite aux réalisations vicieuses de ses vœux par un Génie des plus sournois, nous valent des gags aussi réussis que cruels. L'entrée en scène du contrôleur des impôts, voire d'Adolf Hitler, témoigne même d'une écriture véritablement iconoclaste. L'épisode doit aussi beaucoup au jeu des comédiens : Luther Adler donne une humanité et un enthousiasme touchants à son personnage enivré par ce prétendu cadeau du destin, mais la palme revient à Joseph Ruskin qui nous régale d'un Génie matois et cynique dont la personnalité maléfique se dissimule sous une onctueuse mais pressante courtoisie. La réalisation se montre très réussie, avec une éloquente mise en valeur des personnages, un grand soin apporté à l'étonnant décor du capharnaüm de la boutique d'antiquités, mais aussi quelques savoureux effets spéciaux. Comme toujours dans La Quatrième Dimension, ils restent peu importants, n'écrasant pas l'action, mais lui apportant un joli grain de fantaisie bienvenue, telles la fumée s'échappant de la bouteille ou la glace brisée réparée. Ils contribuent efficacement à l'aspect de fable revêtu par l'histoire. En effet, au-delà de l'amusement, l'épisode développe une vraie morale où les promesses fallacieuses ne supplantent pas la valeur de l'acquisition par le travail, et où les mirages de réussite sociale s'effacent devant la primauté de l'amour et de la solidité d'un couple. À travers le happy end finalement connu par les sympathiques Arthur et Edna, le récit appelle à profiter des joies simples de l'existence, en évitant l'amertume tout comme les frustrations suscitées par l'excès d'avidité. L'épisode utilise avec brio la figure traditionnelle du génie de la lampe, celui-ci apparaîtra d'ailleurs par la suite à plusieurs reprises dans les séries ultérieures, y compris dans les X-Files où l'excellent Je souhaite se lit comme un quasi remake de L'Homme dans la bouteille. Au cinéma, l'hilarant Endiablé d'Harold Ramis ou le cycle d'épouvante du Wishmaster exploiteront une veine similaire. Les amateurs de curiosités liront avec profit La patte de singe (1902), une nouvelle particulièrement macabre du spécialiste anglais W.W. Jacobs (traitant d'une version hindoue du mythe). Acteurs : Luther Adler (1903-1984) fut une figure de Broadway, à la fois comme acteur et comme metteur en scène. Le cinéma (Mort à l'arrivée, 1950...) et la télévision demeurèrent périphériques dans sa carrière, mais il participa néanmoins à plusieurs séries importantes : Les Incorruptibles, Mission : Impossible, Hawaï Police d'État, Les rues de San Francisco… Joseph Ruskin (1924-2013) est une figure récurrente de Star Trek, où il apparaît, sous des visages différents, dans la série d'origine, puis ses différentes dérivées, à la grande joie des fans. Il participe à de nombreuses autres productions tout au long d'une prolifique et longue carrière ; il participait encore à Bones en 2006 ! 3. L'HOMME ET SON DOUBLE Date de diffusion :14 octobre 1960 Résumé : Jackie Rhoades est un petit gangster sans envergure. Pour la première fois, son patron vient de lui ordonner de commettre un assassinat. La veille du meurtre, il passe une nuit blanche très nerveuse dans un hôtel minable. Soudain, une autre version de lui-même s'adresse à lui depuis un miroir. Critique : L'intrigue de Rod Serling mêle fort habilement deux atmosphères différentes : celle des films noirs et celle des fantastiques. L'histoire paraît tout d'abord archétypale du film de gangsters : hôtel minable, petit malfrat subissant la loi d'un vrai dur, préparation d'un forfait, dialogues bien calibrés... Quand soudain surgit le surnaturel par le biais du miroir magique, thème très populaire chez les Anglo-Saxons, du Blanche-Neige de Walt Disney à Terry Pratchett (Mécomptes de fées) en passant par Lewis Carroll. Le tour de force de l'épisode réside dans l'habile combinaison de deux genres : le focus du récit passe successivement de l'un à l'autre avec naturel et fluidité, dynamisant l'ensemble. L'Homme et son double (titre français médiocre) ne se limite toutefois pas à un exercice de style parfaitement agencé, et évoque avec âpreté le duel opposant la conscience à la facilité au moment de chaque grande décision. Ce récit, à l'atmosphère très sombre, débouche sur une conclusion certes quelque peu prévisible, mais finalement volontariste, ce qui ne signifie pas exactement un happy end ! La mise en scène de Douglas Heyes, l'un des meilleurs réalisateurs de l'anthologie, témoigne du sens du détail et de l'inventivité manifestés lors de The After Hours la saison précédente. Les excellentes idées se comptent à foison, comme la vue du haut illustrant avec éloquence l'enfermement mental du personnage (et permettant une vertigineuse présentation par Serling), le placement subtil du personnage vis-à-vis de son double, optimisant les effets, l'utilisation inspirée de la projection arrière sur le miroir, les mouvements de caméra apportant de la vie au huis clos ou le trucage final, une nouvelle fois astucieux et percutant. Parallèlement, Joe Mantell campe avec réussite son double personnage. Avec intelligence, aucun des deux ne ressort d'ailleurs totalement positif, ressemblant davantage à un duo dominant dominé qu'à une vraie possibilité de rédemption. On évite ainsi le piège de la morale lénifiante au profit d'une conclusion plus narquoise. Cet épisode particulièrement intense bénéficia de plus d'une postérité unique car Robert de Niro, dans un superbe hommage, reprendra une phrase clé de son texte devant le célèbre miroir de Taxi Driver (1976) : You talkin' to me ? You talkin' to me ? Acteurs : Joe Mantell (1915-2010) est un habitué des polars au cinéma (Storm Center 1956, Chinatown 1974...). Au petit écran, il apparaît dans Le Virginien, Mission : Impossible, Mannix (personnage semi récurrent d'Albie Luce), Lou Grant, L'amour du risque… 4. ALLEZ-VOUS-EN FINCHLEY ! Date de diffusion : 28 octobre 1960 Résumé : Critique gastronomique réputé, Bartlett Finchley est un homme snob et colérique, détestant son époque. Il a pris en grippe les appareils domestiques modernes, les insultant et les maltraitant perpétuellement. Ceux-ci en ont assez… Critique : « Objets inanimés, avez-vous donc une âme ? » La Science-fiction et le Fantastique ont depuis toujours cherché des réponses à la célèbre interrogation de Lamartine. Si certaines s'avèrent délicieuses d'étrangeté (Je vois un homme assis dans un fauteuil, et le fauteuil lui mord la jambe, Sheckley/Ellison, 1968), il nous faut bien admettre que celle évoquée par l'anthologie ne compte pas parmi les plus abouties. En effet, plusieurs contresens viennent amoindrir la réussite de l'épisode. Cette évocation d'un homme aux prises avec un environnement domestique se transformant en cauchemar aurait dû se caractériser par une montée progressive de l'angoisse, jusqu'à l'insoutenable. Mais le récit, sans doute du fait de la personnalité de l'interprète principal, hésite continuellement entre cette voie et celle de la fantaisie humoristique. Cette digression perpétuelle se traduit par des mots d'esprits incisifs certes amusants, un numéro (parfois) réjouissant de Richard Haydn, et quelques situations bien amenées comme le gamin horripilant avec sa glace, mais tout ceci écartèle le discours au lieu de l'enrichir. De plus, le dégradé de l'atmosphère ne se développe pas assez subtilement, on passe quasi immédiatement d'un calme à peine interrompu par quelques étrangetés au pandémonium final. De fait, l'histoire demeure réellement minimaliste. Les réserves apportées à la conduite du récit trouvent un écho dans la mise en scène de David Orrick McDearmon. Certains trucages ressortent pareillement d'une facétie hors de propos, similaires à ce que Ma sorcière bien-aimée illustrera avec un succès inégalé dans un cadre tout différent (McDearmon dirigera effectivement plusieurs épisodes de cette série). C'est le cas de ce rasoir transformé en cobra ou de cette voiture censée paraître terrifiante, mais dont la poursuite du pauvre Finchley résulte plus proche du cartoon que de Christine. En dehors de ces moments particuliers, la réalisation se montre pertinente mais sans imagination particulière. On se situe ici bien loin de The After Hours, un épisode au déroulement finalement assez comparable, mais assurément supérieur en tous points. De fait, l'épisode évoque directement un opéra de Maurice Ravel (sur un argument de Colette) : L'enfant et les sortilèges, au scénario quasi identique, mais qui se caractérisait par un ton de fable congruent à son sujet de départ, ce qui n'est pas le cas ici. Des éléments positifs subsistent cependant, dont une accentuation de cette agréable tonalité rétro participant aujourd'hui au charme de la série. En effet, ces différents objets présentés comme des symboles de modernité apparaissent aujourd'hui antédiluviens ! Surtout, l'un d'entre eux va valoir à l'épisode ses meilleurs moments : la télévision. Que cela soit par l'apparition maligne de Rod Serling pour sa désormais rituelle présentation, la diffusion d'un flamenco endiablé étrangement interrompu (seul moment vraiment déstabilisant du récit), ou le prisme aux multiples voix si évocateur du trouble panique s'emparant du héros, l'étrange lucarne s'impose comme le média et le symbole principal du monde nouveau. Preuve que, si La Quatrième Dimension se montre parfois inégale, elle a parfaitement intégré les potentialités ambivalentes de son support. Acteurs : Richard Haydn (1905-1985) était un populaire comédien humoristique britannique, spécialisé dans les rôles d'excentriques. Il ne tourna pourtant jamais dans les Avengers ! S'il demeure remémoré pour de nombreuses productions radios à succès, il réalisa également de savoureuses créations à l'écran, comme celle du majordome Rogers dans la célèbre adaptation des Dix petits nègres par René Clair (1945). Il apparut également dans Ma sorcière bien-aimée, Laredo, Des agents très spéciaux… Il fut également la voix du Chapelier Fou dans Alice au pays des merveilles (1951). Barney Phillips (1913-1982) connut une grande popularité dans les séries policières des années 50 et 60 (Les Incorruptibles, Johnny Midnight, The Brothers Brannagan...). Il apparaît également dans trois autres épisodes : Le Lâche, Y a-t-il un Martien dans la salle ?, et Miniature. 5. L'HOMME QUI HURLE Date de diffusion : 4 novembre 1960 Résumé : Un Américain, égaré dans une zone reculée d'Europe centrale, est accueilli dans un monastère. Il se rend compte que les moines gardent un prisonnier ne cessant de hurler et de supplier qu'on le délivre. Le père supérieur affirme qu'il s'agit du Diable en personne… Critique : Par cet épisode aussi abouti que décalé au sein d'une anthologie se voulant tout à fait contemporaine, l'écrivain Charles Beaumont continue à suivre sa voie spécifique. Celle-ci se compose de sa traditionnelle attraction morbide pour l'horreur et d'une relecture avisée des grands classiques de Poe ou Lovecraft, dans la droite ligne de celle qu'il mettra bientôt en œuvre au cinéma avec Roger Corman et Vincent Price lors de films admirables (Le Masque de la Mort Rouge, La Malédiction d'Arkham...). L'homme qui hurle en constitue un saisissant et prometteur prologue. Dans sa nouvelle initiale et son adaptation ultérieure pour l'anthologie, il dépoussière et rend moins pesants les passages obligés de cette école tout en en conservant le meilleur : narration à la première personne intensifiant le récit, une certaine inclination à la grandiloquence sauvée par la beauté de la langue, fascination épouvantée pour le Mal, ainsi que certains éléments incontournables du décor (orage, bâtisse gothique…). Au-delà de cette atmosphère parfaitement installée, le récit se construit avec grande efficacité avec un suspense maintenu jusqu'à son terme. Un étonnant twist renverse la situation d'énonciation du récit pensée par le spectateur et conduit à une chute des plus glaçantes. On y distingue un élargissement moral bien amené sur l'impossibilité consubstantielle pour l'homme de mettre fin au mal, y compris avec la meilleure volonté du monde. L'Homme qui hurle apparaît également comme une nouvelle démonstration du talent et de l'ingéniosité du chevronné Douglas Heyes, décidément l'un des meilleurs metteurs en scène de l'anthologie. Cette histoire aux imposants dialogues aurait pu sembler statique, il n'en est rien tant Heyes apporte de la vie et de l'impact à sa réalisation via de suggestifs mouvements de caméra, le choix toujours judicieux de plans effrayants ou écrasants, ou un magnifique travail sur la lumière (on se situe assez près de l'expressionnisme allemand). Comme toujours chez lui, on retrouve des idées originales et pertinentes pour tirer parti au mieux du décor, notamment lors de la révélation du Démon, scandée par le passage derrière des piliers successifs. Heyes utilise également avec sagesse et parcimonie les effets spéciaux, visuels ou sonores, ceux-ci ne venant qu'à peine interférer avec le récit. L'intrigue se voit de plus soutenue par une distribution étonnante de qualité. Wynant, qui tient sans doute ici le plus grand rôle de sa carrière, paraît comme habité par celui-ci, lui apportant une exceptionnelle intensité. Mais le plus enthousiasmant demeure la composition sublimement théâtrale du charismatique John Carradine, spécialiste du genre. Par sa stature, son phrasé, et son indéniable ascendance, il confère une dimension inoubliable au Père Jérôme, décidément une figure à part au sein d'une anthologie privilégiant les personnalités ordinaires subissant leur destin. Cette allégorie particulièrement déstabilisante autour de l'éternel Mythe de Pandore reste un épisode dont l'intensité ne s'oublie pas, l'un de ceux participant à la renommée toujours inaltérée de The Twilight Zone. Acteurs : H.M. Wynant (1927) est une figure régulière des séries américaines. Il participe à Gunsmoke, Les Mystères de l'Ouest, Max la Menace, Hawaï Police d'État, Mission : Impossible, Dallas… John Carradine (1906-1988) fut un célèbre chef de troupe de Broadway, montant notamment des pièces shakespeariennes connaissant un grand retentissement. Au cinéma, il fut également un acteur à succès, spécialisé dans les Westerns (L'Homme qui tua Liberty Valence, 1962...) et les films d'épouvante (House of Dracula, 1945...). Il fut également Aaron dans Les Dix Commandements (1956). Sa voix profonde et sonore contribue beaucoup à sa popularité ; John Carradine était ainsi surnommé « Bard of The Boulevard » pour son habitude de déclamer du Shakespeare durant ses promenades. Il est le père de quatre acteurs, dont David, popularisé par la série Kung fu (1972-1975). 6. L'ŒIL DE L'ADMIRATEUR Date de diffusion : 11 novembre 1960 Résumé : Dans une société futuriste où l'on cantonne les personnes au physique ingrat dans des ghettos, une jeune fille au visage hideux doit absolument subir avec succès une opération lourde de chirurgie esthétique pour espérer rester dans la norme. Critique : Aux antipodes des productions hospitalières les plus frelatées flétrissant nos écrans, La Quatrième Dimension réussit un authentique coup de maître à l'occasion d'un de ses épisodes les plus célèbres et objet de nombreuses reprises. L'Œil de l'admirateur constitue une éblouissante variation autour de la célèbre phrase d'Oscar Wilde « La beauté est dans l'œil de celui qui regarde » (évoquée au cours de l'histoire), doublée d'un exercice de style totalement original et audacieux : filmer la quasi totalité d'un épisode en dissimulant le visage des personnages. Pour réussir un pari aussi risqué, c'est fort logiquement que Rod Serling va s'adresser à son metteur en scène le plus imaginatif, Douglas Heyes. Usant de toute une gamme d'artifices (ombres et lumières, vues de loin, plans biscornus, mouvements des interprètes…), celui-ci va parvenir à tenir la gageure sans trop sacrifier le naturel de l'action et en développant une atmosphère aussi étrange qu'oppressante. Regarder les bandages tomber via les yeux de la patiente s'avère également une grande idée. Les maquillages, d'un terrible impact, feront également date. On applaudit par ailleurs à la performance de Maxine Stuart qui restitue avec force les tourments endurés par son personnage sans avoir recours aux expressions du visage. Ses mouvements corporels et sa voix se montrent d'une rare éloquence, même s'il lui faut s'appuyer sur une certaine théâtralité. Les autres comédiens se montrent également parfaitement convaincants. Mais Rod Serling ne se borne pas à la virtuosité, son récit demeurant également dans les mémoires pour ses différents niveaux de lecture. Au-delà du tragique drame humain et d'une vibrante dénonciation de l'autoritarisme des canons de la beauté (avec plus de force encore que Nip/Tuck ultérieurement), l'auteur élargit son propos aux doctrines unificatrices des dictatures dans une satire cinglante des discours des différents fascismes ayant endeuillé le siècle, jusqu'à évoquer la solution finale. Enfin, via l'un des retournements de situation les plus fameux de l'histoire des séries télé, il déstabilise totalement le spectateur, l'invitant à s'interroger sur la notion même de normalité et d'aberration. The Eye of the Beholder (titre qui évoquera de grands souvenirs à ceux ayant pratiqué jadis le Jeu de Rôle), qui n'a en rien perdu de son actualité aujourd'hui, bien au contraire, se verra repris dans La Treizième Dimension (2003). Il fait partie des épisodes de La Quatrième Dimension les plus souvent évoqués ou parodiés dans d'autres productions télévisées, notamment par Les Simpson, Futurama, et Family Guy, coutumiers du genre, mais aussi dans Night Gallery (1970-1973) par Serling lui-même. Le satirique Saturday Night Live n'hésita pas à en produire un pastiche déjanté où la laideron éplorée n'était interprétée par nulle autre que Pamela Anderson ! Acteurs : Donna Douglas (1932-2015), ancienne Miss New Orleans, fut très populaire durant les années 60 pour sa participation récurrente et centrale à la sitcom humoristique au long cours The Beverly Hillbillies (1962-1971) ; celle-ci, extrêmement connue aux États-Unis, créa un sous-genre marqué par l'opposition culturelle et sociale des personnages (Le Prince de Bel-Air, The Nanny…). Donna Douglas tint quelques autres rôles avant de se reconvertir dans l'immobilier. Maxine Stuart (1918-2013) joue la jeune héroïne encore dissimulée par les bandages, Donna Douglas intervenant après la révélation. Elle participa également à Les rues de San Francisco, Le Fugitif, NYPD Blue, Chicago Hope… 7. LES PRÉDICTIONS Date de diffusion : 18 novembre 1960 Résumé : Au cours de leur lune de miel, Don et Pat Carter, de jeunes mariés, font une halte dans la cafétéria d'une tranquille petite bourgade. Une machine à sous amusante leur propose des prédictions de fantaisie contre de petites pièces. Or ces prophéties, innocentes en apparence, vont se révéler d'une redoutable précision... Critique : Cet épisode brillantissime représente la quintessence du style de Richard Matheson. En effet, il y exploite avec un talent unique son idée d'une immixtion d'un étrange original et déroutant au sein d'une normalité tout à fait contemporaine ; cette réalité consensuelle se fissure ainsi devant les yeux de quidams totalement dépassés, se découvrant les héros d'une histoire les écrasant. Il reste très éloquent de comparer cet épisode avec The Howling man, tout aussi abouti, mais cette fois emblématique des conceptions absolument opposées de Beaumont. Aux grandes orgues majestueuses de ce dernier succède la petite musique de Matheson, subtilement discordante et troublante, d'une inaltérable modernité. Le Fantastique, au lieu de s'imposer d'emblée par une brusque révélation, comme lors de cet autre chef-d'œuvre que constitue Un monde différent, vient ici s'installer par un subtil dégradé. D'une divertissante anecdote, le spectateur glisse en compagnie du jeune couple jusqu'au cœur d'un effroyable cauchemar, dont l'horreur semble d'autant plus indicible qu'elle demeure impalpable. Jusqu'au bout, l'auteur entretient une savante ambiguïté sur la nature du phénomène : évènement surnaturel ou simple projection des hantises d'un héros dépressif se conformant à des prophéties ainsi justifiées ultérieurement. Sans trémolo ni pathos, Matheson dresse de plus un percutant plaidoyer pour la liberté, y compris avec ses inconnues et ses périls, si préférable à la soumission à l'obscurantisme ou à toute autre forme de tyrannie. La mise en scène de Richard L. Bare se montre astucieuse. Elle instaure une atmosphère ensoleillée de paix et de joie de vivre (encore plus sensible de nos jours avec l'aspect désormais rétro de l'épisode), ce qui, par contraste, rend d'autant plus déstabilisant l'irruption d'un absurde diabolique au sein d'une aimable cafétéria. En fluidifiant l'action et en multipliant les rencontres annexes, Bare empêche toute impression de surplace. Il évite également le contresens absolu qu'aurait représenté, au sein de la vision de Matheson, le moindre trucage pétaradant. L'interprétation couronne le flamboyant succès de l'épisode. La très sensible Patricia Breslin défend admirablement son personnage de frêle épouse finalement plus solide que son mari et fait regretter qu'elle n'ait pas connu une plus grande carrière. Mais, avouons-le, la grande attraction demeure la présence de Bill Shatner, encore bien vert quelques années avant de s'embarquer à la tête de la Patrouille du Cosmos ! Outre la curiosité immédiate, on s'amuse beaucoup à voir le Shat camper un homme fragile, en proie à la panique et à la superstition, avant de devoir son salut à son épouse. Un exercice de style (repris en partie dans Cauchemar à 20 000 pieds) qu'il n'aura plus guère l'occasion de réitérer après son passage dans La Quatrième Dimension ! Il s'en sort avec les honneurs, même si un certain manque de métier se perçoit encore. Nick of Time, nouveau classique dû à la plume ensorcelée de Richard Matheson, reste l'un des épisodes les plus remémorés de l'anthologie et se verra d'ailleurs repris dans La Treizième Dimension, avec une version malheureusement sensiblement plus médiocre. De nombreux fans en considèrent Nightmare at 20,000 Feet comme une suite, avec d'ailleurs un certain soutien de la part de Matheson, mais ceci est une autre histoire ! Acteurs : Patricia Breslin (1931-2011) connut son heure de gloire au cours des années 50 et 60, après lesquelles elle mit un terme à sa carrière. Tout en apparaissant régulièrement à Broadway, elle participa à plusieurs séries : Peyton Place, General Hospital, Maverick, Perry Mason… William Shatner (1931) reste bien entendu l'inoubliable Capitaine Kirk de Star Trek Classic (1966-1969, plus sept films), un univers pour lequel il écrivit également plusieurs romans et ouvrages. Mais la carrière de ce flamboyant extraverti, souvent surnommé « Bill » ou « The Shat » par ses nombreux fans, ne se limita pas à l'Enterprise. Outre qu'il s'essaya à la chanson comme à bien d'autres activités (dont les romans de Science-fiction à succès Tekwar), il tint également une place centrale dans Hooker (1982-1986) et dans Boston Legal (2004-2008). Il joue également dans The Outer Limits, Des agents très spéciaux, Mission : Impossible, Kung fu, Columbo, The Practice… et dans un autre épisode de l'anthologie, Cauchemar à 20 000 pieds. Shatner, très présent sur Internet, a également fait paraître son autobiographie en 2008, Up Till Now. 8. LES ROBOTS DU DR. LAUREN Date de diffusion : 2 décembre 1960 Résumé : Le Dr Lauren, grand spécialiste des robots, vit reclus et entouré de ses créations. Sa fille Jana ne le supporte plus et désire ardemment une vie plus normale. Elle impose à son père de se débarrasser de tous ces serviteurs mécaniques à l'apparence humaine... Critique : Les Robots du Dr. Lauren marque le premier véritable échec de cette saison 2. L'histoire détonne par sa linéarité et son manque d'intensité, soulignés par une chute des plus prévisibles. Le ton des dialogues se fait volontiers guindé pour les parents, harassant à force d'exclamations véhémentes chez Jana. On voit bien que Serling a tenté d'écrire une parabole de la rébellion de la jeunesse frémissante du début des années 60, dont la soif de liberté aventureuse vient se heurter au conformisme et à la quiétude matérielle de ses aînés. Si quelques échanges paraissent, dans cette optique, fort bien trouvés, ils se noient dans un déluge de lieux communs sentencieux assez pénible. De plus, le récit n'installe aucun temps fort ou crispation. Au contraire, il s'endort dans une répétitivité consternante. À plusieurs reprises, l'on voit le ton monter, Jana sortir du salon, piquer une crise avec les robots, puis revenir à la confrontation, et ainsi de suite. On regrette également que la révélation finale survienne aussi soudainement ! La Quatrième Dimension parvient quasi toujours à nous offrir des récits palpitants pour porter ses sous-entendus, ici on en est hélas loin. Les robots se montrent quasi dépourvus de toute menace ou ambiguïté (à de trop rares exceptions près), d'où une atmosphère plus digne d'une sitcom familiale versant progressivement dans la démesure que d'une anthologie de Science-Fiction. L'intrigue souffre également d'une redoutable confrontation avec les célèbres histoires de Robots d'Isaac Asimov (certaines déjà publiées au début des années 50) avec lesquelles elle partage une ressemblance illusoire. Ici, l'on ne trouve point de détournement ludique des Trois lois de la robotique, mais essentiellement des situations à la vaine grandiloquence. La mise en scène totalement amorphe de Jack Smight vient accentuer le marasme de l'histoire, avec de plus une involontaire circonstance aggravante : Les Robots du Dr. Lauren constitue en effet le premier des six épisodes tournés en kinescope, et le contraste avec la qualité d'image habituelle se montre des plus criants. On se situe réellement au pire niveau connu par la première période des Avengers ! L'expérience ne sera d'ailleurs pas renouvelée. Si John Hoyt manifeste un métier certain et une solide présence, il faut bien avouer que la charmante Inger Stevens ne réitère pas son éblouissante prestation de L'auto-stoppeur ; la dimension caricaturale et outrée de son personnage la pousse à surjouer, un écueil qu'elle ne parvient pas à éviter. Acteurs : Inger Stevens (1934-1970), actrice américaine d'origine suédoise, débuta à 16 ans dans des revues avant de devenir élève de l'Actor's Studio en 1955. Après plusieurs fugaces apparitions au cinéma et de nombreuses publicités, le début des années 60 la voit accéder à la célébrité par la télévision (Alfred Hitchcock présente, Bonanza, rôle récurrent dans The Farmer's Daughter, 1963-1966…). Par la suite, malgré une santé très fragile, elle passa avec succès au cinéma (Pendez-les haut et court, 1967 ; Madigan, 1968…) tout en faisant les délices des échotiers par ses nombreuses liaisons : Anthony Quinn, Harry Belafonte, Dean Martin, Burt Reynolds… Après une première tentative en 1959 (suite à une rupture avec Bing Crosby), elle se suicide le 30 avril 1970 par l'absorption d'un mélange de médicaments et d'alcool. Elle participe également à l'épisode L'auto-stoppeur. John Hoyt (1905-1991) apparut dans de nombreuses séries télé : Papa Schultz, Star Trek, The Monkees, Max la Menace, Kolchak, Battlestar Galactica... Il participe également à l'épisode Y a-t-il un Martien dans la salle ? 9. RETOUR VERS LE PASSÉ Date de diffusion : 9 décembre 1960 Résumé : Templeton, comédien vétéran de Broadway, vit dans la nostalgie de ses vertes années. Son second mariage n'est guère enthousiasmant, de même que l'état de sa carrière. Après un accrochage avec un metteur en scène autoritaire, il s'enfuit et se retrouve soudain transporté à l'époque de sa jeunesse... Critique : L'épisode reprend un thème très similaire à celui de Souvenir d'enfance (saison 1) : le voyage dans le temps à la rencontre de sa jeunesse. Toutefois, il se montre bien supérieur dans le traitement de cette idée. Ainsi, au lieu d'un profil finalement très standard, le héros se voit finement décrit, et doté d'une riche personnalité. Templeton manifeste beaucoup d'élégance et de finesse d'esprit dans ses lucides récriminations contre l'âge mûr et les misères de l'existence, magnifiées par la personnalité et le métier de Brian Aherne. De plus, l'intrigue se montre plus sombre et audacieuse : la jeunesse était présentée précédemment comme un âge d'or révolu ; ici il apparaît que cette Atlantide doit immensément aux mirages de la nostalgie et qu'une redécouverte entraînerait bien des désillusions… Quand soudain, annoncée par un admirable jeu d'ombres et lumières de la part de l'imaginatif Buzz Kulik, surgit une étonnante révélation ! Celle-ci permet à la subtile intrigue de Neuman d'acquérir une nouvelle dimension et de se conclure par une évocation éloquente et sans emphase de la magie du théâtre, sublimant la réalité tout en lui tendant un miroir des plus convaincants. Les comédiens, provenant pour la plupart de Broadway, apportent beaucoup de conviction et de sincérité à cet hommage de la télévision à son prestigieux et inaltéré ancêtre. L'ultime scène de la répétition se montre d'ailleurs d'une émotion réellement communicative. Neuman ne se limite d'ailleurs pas à célébrer la statue du Commandeur et évoque avec une pertinente ironie ce petit monde, entre ego des comédiens et du metteur en scène (épatant Sydney Pollack dans un rôle ironique parfaitement choisi !), et vulgarité des financiers. On apprécie d'ailleurs de voir les deux premiers se réconcilier au détriment du dernier ! De plus, les folles années 20 et la Prohibition se trouvent évoquées avec une grande efficacité compte tenu des moyens limités de la mise en scène ; on ne serait qu'à moitié étonné de voir soudain débouler Elliot Ness et ses Incorruptibles ! Le texte très brillant de E. Jack Neuman vient confirmer qu'une variété d'auteurs n'entame pas la cohérence de l'anthologie, tout en pouvant lui apporter un sang neuf extrêmement vivifiant ! Acteurs : Brian Aherne (1902-1986), comédien britannique, vint à Broadway au début des années 30. Il y connut un immense succès jusqu'à la fin des années 60 en se spécialisant dans les rôles de gentlemen de la haute société. Il mena également une belle carrière au cinéma qui lui valut une nomination à l'Oscar pour son interprétation de l'empereur Maximilien (Juarez, 1939). Il fut l'époux de Joan Fontaine. Sydney Pollack (1934-2008) fut un réalisateur majeur du cinéma américain. Il débuta sa carrière avec des mises en scène remarquées de séries télé (Le Fugitif, Alfred Hitchcock présente...) avant d'accumuler les succès au cinéma : On achève bien les chevaux (1969), Les Trois Jours du Condor (1975), Tootsie (1982), Out of Africa (1985), La Firme (1993)... Il mena également une carrière d'acteur, apparaissant dans plusieurs films et séries (Frasier, Dingue de toi, Will & Grace, Les Soprano, Entourage...). 10. FUTUROGRAPHE Date de diffusion : 16 décembre 1960 Résumé : Un couple de voleurs de bas étage dérobe un appareil photo instantané dans un magasin d'antiquités. Ils lui découvrent une étrange propriété : les photographies prises montrent des évènements appartenant à un proche avenir. Nos héros vont tenter d'exploiter cette merveille... Critique : Reprise sous un angle nettement plus angoissant par Stephen King dans Le molosse surgi du Soleil, cette géniale idée d'un appareil photo révélant l'avenir nous vaut ici une farce absolument hilarante. Le brillant texte de Serling sait varier ses effets car l'on se situe dans un premier temps dans une joyeuse fantaisie où le Fantastique permet une satire bien croquée des films de gangsters de l'époque. Puis, la mécanique de l'histoire devient totalement folle, nous faisant basculer dans un humour noir très revigorant où les personnages tombent les uns après les autres dans une sarabande macabre mais finalement logique à sa manière. La vive imagination de l'auteur exploite au mieux le postulat de départ tout en tissant une habile parabole de la prédisposition humaine à se condamner à la catastrophe par excès d'avidité malgré les avertissements les plus explicites. Un constat toujours d'actualité, hélas ! Les personnages se voient joliment croqués, entre un frère et une sœur à la bêtise désespérante, dignes des frères Strokes des X-Files (Je souhaite), mais aussi un mari plus intelligent et imaginatif ; sa grandiloquente volonté de rédemption, vite oubliée devant le pactole promis, attouche à la grande comédie italienne. L'accent de l'onctueux et aigrefin employé d'hôtel, ainsi que l'inscription ornant le fatidique appareil ("Dix photos à la propriétaire") apportent une connotation française des plus plaisantes à un épisode déjà parfaitement réjouissant ; en VO du moins, car en VF le personnage présente un solide accent allemand et se prénomme Peter au lieu de Pierre ! Tous les interprètes se montrent épatants, apportant beaucoup de verve à ces pieds nickelés totalement dépassés par les évènements. La mise en scène de John Rich s'ingénie avec succès à vivifier une action quasiment délimitée dans une chambre d'hôtel, mais souffre quelque peu des contraintes budgétaires, avec notamment des inserts particulièrement évidents. Acteurs : Fred Clark (1914-1968) occupa de nombreux seconds rôles au cinéma (Le crime était presque parfait, 1947...) et fut une figure régulière des séries américaines : Les Incorruptibles, Addams Family, Laredo, Jeannie de mes Rêves, The Beverly Hillbillies... Marcel Hillaire (1908-1998), d'origine franco-allemande, tint tout au long de sa carrière des rôles de Français. Relevant le plus souvent de la comédie, ses personnages se définissaient par des patronymes des plus caractéristiques et un accent joyeusement typé ! Il participa à Des agents très spéciaux, The Girl from UNCLE, The Rogues, The Time Tunnel, I Spy, Max la Menace, Mission : Impossible... 11. LA NUIT DE NOËL Date de diffusion : 23 décembre 1960 Résumé : Un clochard, Henry Corwin, est engagé la veille de Noël pour jouer le Père Noël dans un grand magasin. Hélas, il est renvoyé du fait de son penchant très marqué pour l'alcool. Dans la rue, il trouve alors un sac rempli de cadeaux. Les miracles ne font que commencer ! Critique : Le calendrier impose cet épisode à Serling, où l'on ne reconnaît absolument pas l'esprit de l'anthologie. Évidement, le récit exprime avec efficacité certaines réalités à propos de l'esprit mercantile de Noël, de la dureté de la vie et de l'espoir que représentent malgré tout les enfants et leur enthousiasme. Le tout évite de plus le piège de la dialectique sentencieuse en développant les personnages finalement humains et guère antipathiques du commerçant et plus encore du policier. Un certain courage s'observe également avec la présence d'un enfant noir à une époque où cela n'entrait guère dans les mœurs de la télévision. Mais tout de même, le récit s'engouffre dans un tunnel de mièvrerie édulcorée digne des contes pour enfants, et totalement étranger à l'esprit sombre et dérangeant animant les plus grands moments de La Quatrième Dimension. On se croirait dans les séries édifiantes peuplant les programmes de l'époque, sinon sur le Disney Channel. La chute se montre particulièrement puérile et de premier degré : on doit se pincer pour y croire ! Le jeu des comédiens, lui aussi trop sucré, participe à cette déception, d'autant que la mise en scène de Jack Smight ne relève guère le niveau. Fort heureusement pour ce second épisode tourné en kinescope, la qualité de l'image s'avère meilleure que lors des Robots du Dr Lauren. Malgré quelques bonnes idées, La Nuit de Noël marque un certain abandon de la série face aux contraintes du temps. Un remake en sera cependant réalisé en 1985 pour La Cinquième Dimension. Durant la troisième saison, The Twilight Zone saura créer un épisode de Noël digne d'elle avec l'étonnant Cinq personnages en quête d'une sortie. Acteurs : Art Carney (1918-2003) eut de nombreuses cordes à son arc : chanteur de jazz à succès, partenaire de Walter Matthau à Broadway, acteur de radio... À l'écran, il apparut dans Lassie, Batman, Le Virginien, The Honeymooners... Il devait reprendre le rôle du Père Noël à plusieurs reprises au cours de sa carrière, notamment dans The night they saved Christmas en compagnie de Jaclyn Smith (1984). Date de diffusion : 6 janvier 1961 Résumé : Au Far-West, un jeune mexicain va être pendu car, ivre, il a provoqué un accident tuant un enfant. Désespéré, son père achète à prix d'or une poudre magique censée sauver son fils par miracle. Mais le charlatan qui la lui vend est aussi celui qui a fourni la corde destinée à la pendaison… Critique : Nouvelle incursion dans le Weird West pour La Quatrième Dimension, un style auquel l'Européen restera sans doute plus insensible que l'Américain, mais qu'elle a souvent su exploiter avec succès. Cet épisode étonne par la quasi absence de Fantastique qu'il véhicule. En effet, l'intrigue raconte bien davantage une étonnante facétie du destin, l'enchaînement des causes et des effets se comprenant sans aucune intervention du surnaturel. Et pourtant, l'étrange surgit dans ce village agonisant grâce à la mise en scène une nouvelle fois remarquable de Douglas Heyes. Par ses angles finement alambiqués, sa maîtrise raffinée de l'éclairage, ses plans distordus des visages, sa manière empreinte d'onirisme de filmer la potence, il apporte une dimension supplémentaire magnifiant le récit. Il se voit soutenu par le merveilleux travail des comédiens, n'hésitant pas à jouer cette fable tragi-comique sur un tempo théâtral tout à fait discordant avec ce que l'on observe habituellement à cette époque dans les Westerns. Tout à son affaire, l'imposant Thomas Gomez nous régale d'une prestation hors normes en marchand ambulant picaresque et truculent, non sans rapport avec la version de Lucifer en maquignon avisé qu'il offrit dans Immortel, moi, jamais ! Cet entrecroisement fructueux de talents très divers est mis au service d'une fable où la cruauté et la soif de vengeance se voient contrecarrées par la destinée, mais davantage encore par l'humanité et l'aptitude au pardon démontrées par les personnages. Sans emphase, l'épisode constitue un éloquent plaidoyer en défaveur de la justice dépourvue de pitié, nettement en avance sur son temps. Pour l'anecdote : cet épisode fut diffusé la veille du lancement de Chapeau melon et bottes de cuir en Grande-Bretagne ! Acteurs : Thomas Gomez (1905-1971) demeura très lié à Broadway où il avait débuté dans les années 20. Spécialisé dans les rôles inquiétants, il apparut au cinéma (Le Secret de la planète des singes, 1970...) et à la télévision (Le Virginien, Ma sorcière bien-aimée, Gunsmoke…). Il joua un grand rôle dans le développement du syndicalisme des acteurs. Il participe également à l'épisode Immortel, moi, jamais ! John Larch (1914-2005) connut une prolifique carrière de second rôle, principalement dans les films de genre (Westerns, policiers, ou films de guerre...) où il s'était spécialisé dans les rôles d'autorité, shérif, ou officier. Il participe à plusieurs films de, ou avec, son ami Clint Eastwood : Un frisson dans la nuit (1971), L'Inspecteur Harry (1971, comme chef de la police)… À la télévision, il apparaît dans Le Fugitif, Les Envahisseurs, Bonanza, Police Woman, Cannon, Les rues de San-Francisco, Dallas, Dynastie... John Larch joue dans deux autres épisodes de La Quatrième Dimension : La poursuite du rêve et C'est une belle vie. Date de diffusion : 13 janvier 1961 Résumé : Un homme voyage dans le temps et va tenter d'empêcher l'assassinat d'Abraham Lincoln, le 14 avril 1865. Mais rien ne va se passer comme prévu. Critique : D'une manière amusante, le précédent épisode de Russel Johnson (Exécution) gravitait déjà autour du voyage temporel ; on le voyait en ramener un assassin condamné à mort, mais ici il est lui-même le voyageur, soit une posture beaucoup plus traditionnelle. C'est d'ailleurs ce très grand classicisme qui vient priver Le Retour de l'essentiel de son impact. Cette situation d'une expédition dans le passé visant à contrecarrer le fil du temps, mais aux conséquences inattendues, reste l'un des fondements les plus exploités de ce vaste thème de la science-fiction. Déjà Barjavel, dans Le Voyageur imprudent (1944), accomplissait la somme du sujet d'une manière bien plus troublante, tandis que l'épisode des X-Files, Aux frontières du jamais échouera pareillement à aller au-delà du cliché (Ne parlons même pas du Let's kill Hitler du Docteur). En effet, l'intrigue ne distille que quelques péripéties convenues à partir du postulat initial, jusqu'à une chute finalement assez prévisible et anecdotique. Si cette idée de paradoxe temporel ne se voit pas exploitée avec l'audace magistrale de Ray Bradbury dans Un coup de tonnerre (1952), l'épisode retrouve tout de même quelque intérêt dans ses aspects périphériques : la musique est excellente, la reconstitution historique paraît de bonne facture, et l'interprétation des divers comédiens, en premier lieu de Russel Johnson, demeure convaincante. Surtout, on apprécie la dimension culturelle très américaine du récit, avec la primauté toujours maintenue d'Abraham Lincoln dans l'esprit collectif de la nation ; son assassinat, même après avoir accompli l'essentiel de son œuvre, demeurant ici la pierre d'achoppement majeure de l'Histoire. Rappelons que Le Retour a été réalisé avant l'attentat contre Kennedy ! Le portrait des patriciens WASP de la Côte Est vaut aussi le coup d'œil, maintenant les mœurs de la mère patrie via un club dans la meilleure tradition londonienne tout en affirmant leur particularisme par les portraits de Washington, Lincoln ou Roosevelt, et jusqu'à une réplique réduite du Washington Monument ! Acteurs : Russel Johnson (1924-2014) fut médaillé pour ses exploits aériens durant la Guerre du Pacifique. Il débuta sa carrière durant les années 50 en accumulant les seconds rôles dans les Westerns et les films de Science-Fiction (It came from Outer Space, 1953 ; Les Survivants de l'Infini, 1955...). Durant les années 60 et 70, il intervient dans un nombre important de séries télé (Au-delà du Réel, Les Envahisseurs, Lassie...), mais reste surtout connu pour son rôle du Professeur dans L'Île aux Naufragés (1964-1967). Il participe également à l'épisode Exécution. 14. RIEN QUE LA VÉRITÉ Date de diffusion : 20 janvier 1961 Résumé : Harvey Hunnicutt, un vendeur de voitures d'occasion hâbleur et menteur comme un arracheur de dents, fait l'acquisition d'un véhicule pour une bouchée de pain. Mais celui-ci est ensorcelé : son propriétaire se voit forcé de toujours dire la vérité jusqu'à ce qu'il parvienne à s'en débarrasser ! Critique : Avouons que le propos de l'épisode semble des plus limités. À travers une aimable fantaisie, Serling utilise la figure rituelle du vendeur de douteuses voitures d'occasion, un personnage aperçu dans de multiples productions américaines de toutes époques. L'idée de la véracité obligée ressort certes amusante – elle sera d'ailleurs reprise par Jim Carrey dans Menteur, menteur (1997) – mais l'intrigue demeure tout de même minimaliste et dépourvue du second degré identitaire de l'anthologie. Sur un sujet similaire, l'épisode The social contract de Dr.House se montrera bien plus percutant et acide. De fait, l'auteur laisse quartier libre à Jack Carson dont la présence et l'abattage rendent effectivement amusant cet escroc attachant, plus stimulé par la passion de la vente que réellement crapuleux. La chute traditionnelle relève ici davantage de la pirouette, certes surprenante et apportant une originalité au récit en le situant pleinement dans son actualité ; l'épisode fut en effet diffusé le jour même où Kennedy prononçait son discours d'investiture ! La mise en scène s'avère pareillement paresseuse, se contentant de s'attacher aux pas de Carson tout en filmant le stand up dynamique de ce dernier. Un numéro d'acteur sympathique pour un épisode manquant cruellement de consistance, de plus pénalisé par le tournage en kinescope, et dont la bande-son française n'a été que partiellement retrouvée. Acteurs : Jack Carson (1910-1963) fut un robuste acteur canadien, très populaire dans le cinéma des années 40 et 50 pour ses créations comiques. Il se spécialisa dans les personnages de fanfarons sûrs d'eux régulièrement tournés en ridicule par les évènements (The male Animal, 1942 ; La Brune brûlante, 1952...). Il tint cependant plusieurs rôles dramatiques remarqués (Le Roman de Mildred Pierce, 1945...). Carson décéda prématurément d'un cancer de l'estomac qui choqua le public du fait de la forte vitalité qu'il manifesta toujours à l'écran. George Chandler (1898-1985) se rendit célèbre pour le rôle d'Oncle Pétrie, aux commencements de la série Lassie (1954-1973). Il fut également un acteur apparaissant fréquemment dans les sérials de Western des années 50. 15. LES ENVAHISSEURS Date de diffusion : 27 janvier 1961 Résumé : Une femme âgée, vivant seule dans une ferme isolée, subit l'intrusion de visiteurs venus de l'espace. Ceux-ci sont minuscules mais néanmoins redoutables car bénéficiant d'une technologie extrêmement avancée. La confrontation ne tarde pas à dégénérer en un duel à mort… Critique : Ce chef-d'œuvre impressionne par la force de son propos et l'originalité de sa forme. Il s'agit en effet d'un épisode totalement muet, hormis le message final des Envahisseurs, d'ailleurs récité par Douglas Heyes en personne. Mais, bien loin de se résumer à un simple exercice de style, il s'agit sans doute de l'un des épisodes les plus marquants de l'anthologie, aux confluents de la Science-fiction et de l'Épouvante. La raison d'un tel succès réside dans l'association féconde de grands talents qui, comme galvanisés par la splendeur de leur projet commun, vont apparaître à leur meilleur niveau. En premier lieu, Richard Matheson, dont le talent a déjà amplement été démontré par l'anthologie, concocte ici un récit parfaitement anxiogène dont l'effroi et la paranoïa ne cessent de croître continuellement. Les effets s'avèrent parfaitement dosés et l'intrigue se suit sans temps mort aucun. Quant à la chute que nous réserve ce spécialiste du genre, elle représente l'une des plus renversantes de l'ensemble de la série ! Grâce à son don unique de conteur, il nous fait vivre comme un cauchemar éveillé, admirablement soutenu par un Douglas Heyes dont l'épisode constitue le chant du cygne au sein de La Quatrième Dimension. Malgré l'habileté du scénario, rendre palpitante une histoire muette, enserrée dans un huis clos parfaitement circonscris où les adversaires ressemblent à de minuscules poupées, relevait de la gageure la plus absolue. Le talentueux réalisateur va y parvenir haut la main malgré l'évidente faiblesse des moyens matériels dont il dispose. Si les effets spéciaux paraissent certes archaïques, la mobilité de la caméra, le choix toujours idéalement suggestif des angles de vues, et la maîtrise consommée de l'éclairage vont élever le spectacle au rang de joyau du suspense horrifique. L'on ne dira jamais assez à quel point The Twilight Zone constitue une apothéose du Noir et blanc au moment où cette technique en arrive à son terme, Les Envahisseurs apportant une démonstration magistrale de cette maîtrise de la photographie. La musique et les effets sonores de Jerry Goldsmith apportent également une très efficace contribution à l'intensité sans égale du récit. Mais en dernier ressort, c'est bien sur les épaules de la vétérane et talentueuse Agnes Moorehead que repose le succès de l'épisode. Elle se joint ici à l'ensemble des futurs comédiens de Bewitched apparaissant dans La Quatrième Dimension, mais dans un rôle n'évoquant en rien la célèbre Endora. Nous sommes face à une forte femme qui, malgré sa terreur initiale, sa souffrance physique, et son absence de tout pouvoir particulier, va s'ingénier à survivre puis à annihiler la menace. L'actrice, dans une composition d'une rare force, incarne à merveille les sentiments de l'héroïne, l'âpreté de son combat à mort, et la rage terminale qui la saisit quand survient l'heure de la vengeance. Son jeu magistral et son expérience parviennent à sublimer le handicap de l'absence de parole en un expressionnisme du visage et du corps absolument admirable. On note la présence d'une réplique miniature de la soucoupe de Planète interdite, un joli clin d'œil ! Cette célèbre nef réapparaîtra dans l'épisode Le vaisseau de la mort, et poursuit les liaisons existant entre l'anthologie et ce classique de la Science-fiction au cinéma (éléments de décor, armes utilisées par les Aliens, présence réitérée de Robby le robot...). Acteurs : Agnes Moorehead (1900-1974) reste bien entendu dans les mémoires pour la terrible Endora de Ma sorcière bien-aimée (1964-1972). Précédemment, elle connut une très belle carrière à Broadway et Hollywood. À l'écran comme sur les planches, elle travailla souvent avec Orson Welles (Citizen Kane, La Splendeur des Anderson…). Elle fut sélectionnée quatre fois à l'Oscar du second rôle féminin mais ne parvint jamais à le remporter. Elle accomplit également une mémorable apparition dans Les Mystères de l'Ouest en tant qu'Emma Valentine, une arrangeuse de mariages mortels pour époux fortunés, un rôle très proche du Mr. Lovejoy des Avengers ! (The Night of The Vicious Valentine, 1967) 16. UN SOU POUR VOS PENSÉES Date de diffusion : 3 février 1961 Résumé : En achetant un journal, Hector Poole, modeste employé de banque, laisse tomber une pièce de monnaie ; celle-ci s'immobilise sur sa tranche et ce miracle semble en occasionner un autre : Poole devient instantanément télépathe ! Critique : Difficile de ne pas songer à Ma sorcière bien-aimée lorsque l'on regarde cet épisode drôle et malicieux tant Poole subit une situation déstabilisante similaire à celles qu'aura plus tard à affronter Jean-Pierre. Dick York, qui succède d'ailleurs à Agnes Moorehead, semble idéalement taillé pour ce rôle de personnage bien plus solide qu'il n'y paraît au premier abord, très différent de l'officier fataliste d'Infanterie Platon. Nous le suivons au cours de mésaventures aux nombreux gags savoureux, multipliant les situations astucieuses par une intrigue bien plus développée que ce que démontrait Rien que la vérité sur un thème finalement assez proche. L'idée de la télépathie providentielle (ou non) se verra d'ailleurs, elle aussi, reprise au cinéma dans Ce que veulent les femmes (2000), avec cette fois Mel Gibson dans le rôle du miraculé. La mise en scène de l'inventif James Sheldon se montre légère et sans exagération inutile des effets, trouvant toujours le ton juste pour mettre en valeur un humour parfois acide. En effet, cette fable iconoclaste, tout à fait dans le style de cet écrivain très pince-sans-rire qu'est George Clayton Johnson, va assez loin dans la satire de l'ordre social. Elle n'hésite pas à très fortement suggérer que, du fait de la bassesse de l'âme humaine et de ses penchants, l'hypocrisie et la dissimulation s'imposent comme une condition absolument nécessaire à la vie en société (Dr.House n'est pas loin). Le soulagement démontré par notre héros quand disparaît son éphémère pouvoir, malgré tous les succès qu'il lui a occasionnés, reste à cet égard parfaitement éloquent ! Acteurs : Dick York (1928-1992) reste bien entendu le premier interprète de Darrin Stephens (Jean-Pierre), le mari de Ma sorcière bien-aimée, de 1964 à 1969. Il sera d'ailleurs rejoint dans La Quatrième Dimension par les autres futurs interprètes de cette série (Elizabeth Montgomery, Agnes Moorehead, David White). Outre quelques petits rôles au cinéma, il apparaît également dans les autres anthologies de l'époque (Alfred Hichcock présente, The Dupont Show...). Après l'avoir forcé à abandonner Bewitched, ses problèmes récurrents de santé (douleurs au dos, puis emphysème) pénalisèrent gravement sa carrière. Il se limita par la suite à de rares apparitions (Simon et Simon, L'Île Fantastique). Il participe également à l'épisode Infanterie Platon. 17. SANS ESCALE DE VIE À TRÉPAS Date de diffusion : 10 février 1961 Résumé : Louise Powell, une séduisante danseuse de revue, est hospitalisée pour fatigue nerveuse. Chaque nuit, elle refait le même cauchemar : elle arrive à la morgue de l'établissement où une inquiétante infirmière lui déclare que son emplacement est déjà réservé. Il porte le numéro vingt-deux… Critique : L'histoire de Rod Serling entremêle joliment l'éveil et l'onirisme, suscitant quelques frissons réussis, par exemple quand le docteur discerne quelques troublants indices de réalité dans le récit de sa patiente. L'énigme représentée par le rêve maintient jusqu'au terme du récit un suspense quasi psychanalytique, au ton très Hitchcockien (on songe souvent à La Maison du Dr Edwardes). Cette réussite se voit cependant en partie entachée par une chute plus prévisible qu'à l'ordinaire dans l'anthologie, évoquant d'ailleurs avec une étonnante similitude l'excellent Destination finale (2000) ! La vraie force de l'épisode réside dans la mise en scène intense et angoissante à souhait du cauchemar. L'expérimenté Jack Smight met toutes les chances de son côté en usant de l'ensemble de la palette à sa disposition : recherche d'angles distordus, éléments de décors bien choisis (tableaux étranges, vision en trompe-l'œil de la morgue…), superbe musique… Le résultat s'apprécie d'autant plus lors de la première scène de l'épisode, avec une immersion dans cet univers terrifiant sans aucun prologue annonciateur. Hélas, le recours une nouvelle fois exécrable à la vidéo porte préjudice à la performance du réalisateur. Il en va de même pour l'interprétation de la spectaculaire Barbara Nichols, visiblement utilisée à contre-emploi, et qui ne peut se départir d'une certaine gaucherie dans son jeu. Elle apparaît plus à son aise dans ses rapports aigres-doux avec son impresario, une partition plus familière pour elle. Les seconds rôles se montrent bien plus efficaces, Jonathan Harris en médecin vaguement libidineux et surtout la très belle Arlene Martel, menaçante et mystérieuse, composent éloquemment leurs personnages. Au total, Sans escale de vie à trépas se laisse regarder sans déplaisir mais se montre inégal, bien loin du chef-d'œuvre représenté sur un thème similaire par La poursuite du rêve. Acteurs : Barbara Nichols (1929-1976) connut une grande popularité durant les années 50 et 60. Elle tint principalement des seconds rôles comiques, très opposés à celui qu'elle tient ici (Ces folles de filles d'Ève, 1960...). Cette ancienne mannequin apparut également dans Les Incorruptibles, Batman, The Girl from UNCLE, Hawaii Police d'État… Jonathan Harris (1914-2002) fut un acteur réputé de Broadway. À l'écran, il reste remémoré pour le rôle du Dr Zachary, le méchant récurrent de Lost in Space (1965-1968). Il participe également à Zorro, Bonanza, Max la Menace, Battlestar Galactica, Ma sorcière bien-aimée, L'Île Fantastique… Arlene Martel (1936-2014) joua dans de très nombreuses séries. Elle participe ainsi à Star Trek dans le rôle demeuré fameux de T'Pring, la compagne vulcaine de Spock. On l'aperçoit également dans Des agents très spéciaux, The Outer Limits, Les Mystères de l'Ouest, Les Incorruptibles, Le Fugitif, Banacek, Mission : Impossible, Columbo, Ma sorcière bien-aimée, Papa Schultz, etc. 18. L'ODYSSÉE DU VOL 33 Date de diffusion : 24 février 1961 Résumé : Un avion de ligne reliant Londres à New York voyage soudain dans le temps en plein ciel, se retrouvant à l'époque des grands dinosaures. Le commandant va s'efforcer de retrouver le chemin menant à leur époque de départ. Critique : L'épisode renoue avec le thème des mystères induits par les voyages aériens, un vrai fil rouge de l'anthologie. Cette idée du passage à travers une faille temporelle (reprise ultérieurement avec plus de souffle par Stephen King dans Les Langoliers, 1990) reflète avec une force particulière l'émerveillement encore suscité par l'aviation en ce début des années 60. Les liaisons transatlantiques régulières demeurent toujours une nouveauté, tandis qu'elles doivent encore faire face à la concurrence des paquebots de ligne (comme illustré par l'épisode Mission à Montréal des Avengers en 1962), dont l'inexorable déclin s'accélère cependant. L'Odyssée du vol 33 constitue un passionnant témoignage de cette épopée, d'autant que le récit s'enrichit d'une véritable technicité, avec une étude précise du rôle de chaque membre de l'équipage. Les connaissances du frère de Rod Serling, journaliste spécialisé dans l'aviation, furent mises à profit à cette occasion ! D'une manière amusante, on remarque également que l'aéroport JFK se nomme encore le Idlewild Airport, achevant de situer l'épisode dans son contexte. Cette dimension quasi documentaire n'entache pas l'intérêt de l'histoire proprement dite, celle-ci nous offrant un voyage aussi excitant qu'effrayant à travers le temps, avec au passage de nombreux rebondissements et une fin ouverte des plus astucieuses. Chaque personnage se voit finement dessiné, bénéficiant d'une vraie personnalité. Les comédiens manifestent un authentique savoir-faire, rendant parfaitement crédible la réaction de chacun à l'heure du péril. La réalisation de Justus Aldiss s'efforce de multiplier les angles de vues pour donner de la vie à une action forcément confinée dans un espace réduit. Elle bénéficie également d'inserts très réussis, dont une reconstitution en stop motion de la Préhistoire tellement obsolète dans ses effets spéciaux qu'elle revêt aujourd'hui une certaine poésie, à l'image des films de Méliès ; l'épisode récupéra à cette fin des éléments du film Dinosaurus ! (1960). Ce passage coûta néanmoins 2 500 $ (20000 aujourd'hui), faisant de lui le plus onéreux de toute La Quatrième Dimension ! Acteurs : John Anderson (1922-1992) fut un prolifique acteur de séries de Western, jouant dans la plupart des productions du genre. Il réalisa quelques apparitions dans d'autres domaines (Hawaii Police d'État, Aux frontières du Réel, Star Trek…) et incarna le grand-père de MacGyver (1985-1992). Il participe à trois autres épisodes (Coup de trompette, Je me souviens de Cliffordville, et Le vieil homme dans la caverne). 19. M. DINGLE Date de diffusion : 3 mars 1961 Résumé : Dingle est un représentant en aspirateurs, timide et effacé. Souvent la "tête de Turc" de camarades de café, il devient la cible d'une expérience menée par deux extra-terrestres qui le dotent d'une force surhumaine. Critique : L'histoire proposée par cet épisode n'apparaît certes pas comme la plus marquante de l'anthologie ; elle se caractérise par un humour bon enfant mais un peu simplet, ponctuée par quelques effets spéciaux des plus transparents. La morale de l'histoire (l'humanité gâchant, par sa veulerie, les dons offerts) a déjà été illustrée ailleurs avec davantage de force, et la chute, quoique astucieuse, ne semble pas non plus renversante. On apprécie cependant que la victime résignée ne se transforme pas d'un coup en super héros redresseur de torts, mais en un fanfaron à la moralité aussi peu reluisante que ses compères de bistrot. M. Dingle (également intitulé en français Le Surhomme) ne demeure cependant pas sans attraits. Il vaut en effet par la réjouissante confrontation entre les deux comédiens totalement antagonistes que sont Burgess Meredith (une nouvelle fois excellent après Question de temps) et l'extraverti Don Rickles. Les surprenants extraterrestres se révèlent hilarants dans des costumes caricaturant joyeusement les standards pulp de l'époque. De plus, les nombreuses scènes de la vie quotidienne d'une petite ville américaine du début des années 60 revêtent aujourd'hui une plaisante saveur nostalgique. Au total M. Dingle, récit gentiment désuet, se regarde sans ennui, mais reste bien un épisode mineur de The Twilight Zone. Acteurs : Burgess Meredith (1907-1997) connaît un début de carrière prometteur au théâtre et au cinéma (Des souris et des hommes, 1939...) avant d'être inscrit sur la liste noire du MacCarthysme. Revenu à la fin de cette triste période, il apparaît dans de très nombreux films, dont la série des Rocky où il interprète le vieil entraîneur de Balboa. À la télévision, il incarna le Pingouin, l'un des pires ennemis de Batman (1966-1968). Il apparaît également dans Les Mystères de l'Ouest, Bonanza, Mannix, L'Homme de fer… Avec quatre rôles, il détient le record de participations à La Quatrième Dimension à égalité avec Jack Klugman. En 1983, il se substitue d'ailleurs à Rod Serling, décédé, pour devenir le narrateur de l'adaptation filmique de la série. Don Rickles (1926) est un humoriste particulièrement populaire aux États-Unis, notamment pour ses nombreuses apparitions dans des émissions de variété, comme le fameux Rowan & Martin's Laugh-In. Il est également réputé pour ses stand up où il s'en prend vertement au public dans la grande tradition de l'Insult Comedy. Date de diffusion : 10 mars 1961 Résumé : Dans une maison de retraite, Ed Lindsay s'enferme dans le passé et mène une vie solitaire, ne se mêlant que peu aux autres pensionnaires. Un jour, il remarque que la radio diffuse des émissions datant de sa jeunesse, mais uniquement quand il est le seul à l'écouter… Critique : Charles Beaumont nous offre ici un récit subtil, à l'essence très littéraire. L'auteur se garde bien de distribuer les bons et les mauvais points dans cette confrontation entre les tenants du modernisme et ceux s'isolant dans la nostalgie. À chacun ses bons et ses mauvais moments, car si Lindsay paraît irascible et intolérant, la vision de ses camarades en adoration devant le poste de télévision semble tout de même bien glaçante. On remarque d'ailleurs que, après Allez-vous-en, Finchley ! l'étrange lucarne se voit de nouveau affirmée comme symbole du monde nouveau, et toujours sous un angle bien ambivalent… Ce refus d'un schéma réducteur permet à l'auteur de conférer à chacun des personnages une humanité des plus touchantes, tout en se centrant bien évidemment sur le héros dont la fragilité et le désespoir se dissimulent derrière la colère et la misanthropie. Cette chronique douce-amère du bilan rarement pleinement satisfaisant auquel chacun se voit confronté au soir de sa vie se double d'un surnaturel s'insérant dans la meilleure tradition de l'anthologie. On assiste ainsi à l'émergence d'un étrange venant troubler un quotidien banal, avec en suspens la question de la nature exacte des émissions captées par Lindsay : manifestation paranormale ou dérèglement de la personnalité ? Beaumont met superbement en exergue cette ambiguïté lors d'une conclusion aussi surprenante qu'ouverte. Si la réalisation de Buzz Kulik, confrontée au funeste Kinescope, demeure efficace à défaut de réellement imaginative, on applaudit à la performance des comédiens, rendant parfaitement sensibles les émois ressentis par leurs personnages. L'hommage rendu à l'Âge d'or de la radio émeut par sa sincérité et évoque celui de Woody Allen dans le formidable Radio Days (1987). Un épisode mélancolique et finalement particulièrement troublant, relevant du Fantastique toujours raffiné de Charles Beaumont dont on regrette de n'avoir pas lu une nouvelle qui correspondrait à ce magnifique script. Acteurs : Dean Jagger (1903-1991) tint de très nombreux seconds rôles au cinéma (White Christmas, 1954...). À la télévision, il apparut dans Mr Novak, Bonanza, Kung fu, Hill Street Blues… En 1957, il incarna le principal personnage d'un film de Science-fiction britannique, X : The Unknown où l'on retrouve différents comédiens des Avengers (dont Edwin Richfield) et le réalisateur Peter Hammond dans un petit rôle. Dean Jagger fit alors scandale en obtenant le renvoi du metteur en scène Joseph Losey sous prétexte que ce dernier était inscrit sur la fameuse liste noire du sénateur McCarthy. Alice Pearce (1917-1966) fut découverte par Gene Kelly parmi les jeunes talents des revues de Broadway ; il la fit venir à Hollywood où elle tint de nombreux rôles dans les comédies musicales de l'époque (On the Town, 1949...). Elle connut la consécration en 1964 en incarnant Mme Kravitz, la voisine curieuse de Ma sorcière bien-aimée. Hélas, elle dut quitter la série durant la deuxième saison suite à la découverte d'un cancer des ovaires dont elle décéda prématurément en 1966. Elle sera remplacée par Sandra Gould. 21. LE MANIPULATEUR Date de diffusion : 24 mars 1961 Résumé : Deux amis, Ace et Jimbo, tiennent une modeste cafétéria. Outre un amour inavoué pour la serveuse, Ace est un passionné des jeux d'argent. Suite à un accident, il découvre que Jimbo possède le pouvoir de télékinésie : il va aussitôt décider d'employer ce don à Las Vegas… Critique : L'entrecroisement des talents de Beaumont et Johnson se révèle malheureusement peu fécond. L'intrigue se montre passablement prévisible, lestée d'un humour souvent bien inoffensif et anodin. La moralité de l'histoire (l'avidité doit s'effacer devant l'amour, l'on se détruit en s'abandonnant à ses basses passions) paraît assez limitée, bien inférieure à la force d'évocation montrée par de nombreux autres épisodes. La Quatrième Dimension semble atténuer son impact quand elle cède à une certaine facilité de la comédie. Le drame, effrayant ou vertigineux, lui apporte un tout autre souffle. Cette constatation se voit confirmée par la chute du récit, un happy end beaucoup trop classique, navrant par sa manière de flirter avec le sirupeux. Tout ceci reste beaucoup trop lisse. Le Manipulateur doit heureusement son salut à la fantaisie et à l'abattage de ses comédiens, ceux-ci l'empêchant de sombrer irréversiblement dans l'ennui. On apprécie également le regard ironique porté sur la faune de Las Vegas, entre cocotte vénale et savoureuse caricature de gangsters italo-américains. On pourra comparer avec la Abondance de La Queue de Les Diamants sont éternels et les Messieurs l'ayant défenestrée ! La mise en scène de Bare joue avec professionnalisme des différents trucages, mais ne manifeste guère d'inspiration par ailleurs. Tout se récupère dans cette série tristement dépourvue de moyens que demeure The Twilight Zone, et c'est ainsi que l'on retrouve pour la troisième fois la machine à sous initialement découverte dans La fièvre du jeu ! Acteurs : Buddy Ebsen (1908-2003) débute comme danseur à succès dans les revues de Broadway. Cela lui valut d'interpréter l'homme de fer blanc dans le classique Magicien d'Oz de 1939 avant de devoir se retirer suite à une intoxication due à des inhalations de l'aluminium de son armure. Par la suite, il réalisa une belle carrière au cinéma (Diamants sur canapé, 1961...). À la télévision, il tint le rôle principal dans The Beverly Hillbillies (1962-1971) et dans Barnaby Jones (1973-1980). Il apparut également dans Maverick, Hawaï Police d'État, Bonanza, Cannon... 22. CONVERSATION AVEC L'AU-DELÀ Date de diffusion : 31 mars 1961 Résumé : Billy, un petit garçon, affirme pouvoir parler avec sa grand-mère récemment décédée via un téléphone jouet que celle-ci lui avait offert. Le père de Billy se rend compte que la morte désire que l'enfant la rejoigne… Critique : Bill Idelson, jeune écrivain appartenant à la mouvance groupée autour de Matheson et Beaumont, rejoint ici ce dernier dans sa fascination pour la mort, mystère dont ils ne cessent d'explorer les différents aspects. La douloureuse question du deuil et des relations unissant les vivants et les disparus se voit ici abordée avec sensibilité, mais aussi avec un vrai sens de l'épouvante. Cette dualité assure le succès de l'épisode avec une peinture psychologique très fine des personnages (l'innocence et l'amour inconditionnel de l'enfant, le désarroi puis la panique de la mère, le sens du devoir et de la protection du père), mais aussi un dégradé écrit avec grande habileté, conduisant d'une aimable sitcom familiale à un climat digne des meilleurs films d'horreur. Au début simplement étranges, ces conversations téléphoniques atteignent leur paroxysme lorsque le père se confronte à la grand-mère, lui expliquant la cruelle nécessité de la séparation. La présence impalpable de la morte tout au long du récit s'avère absolument extraordinaire. L'ensemble de la distribution apparaît parfaitement convaincant, comptant pour beaucoup dans la rare intensité de l'épisode. Bill Mumy accroche déjà l'œil par l'expressivité de ses attitudes, bien avant C'est une belle vie. La réalisation de James Sheldon se montre pertinente, refusant tout effet facile et servant admirablement le jeu des comédiens. La Quatrième Dimension reste sans doute l'unique série décrivant l'étrange avec autant d'efficacité, se refusant à tout effet spécial et parvenant à distiller un malaise prégnant autour d'un simple jouet de plastique. Conversation avec l'au-delà constitue également l'ultime épisode de l'anthologie a être tourné en kinescope, les considérables économies réalisées (5 000 dollars par unité) ne compensant pas à l'évidence le désastre occasionné vis-à-vis de la qualité de l'image. Les Avengers (qui viennent alors tout juste de débuter leur aventure) devront, eux, attendre 1965… Acteurs : Bill Mumy (1954) a réalisé de nombreuses apparitions à la télévision, principalement dans le domaine de la Science-fiction. Il incarne ainsi Will Robinson dans Lost in Space (1965-1968) et Lennier dans Babylon 5 (1993-1999). Il est également apparu dans Ma sorcière bien-aimée, Le Fugitif, Ultraman, Superboy, Star Trek Deep Space Nine... Il participe à deux autres épisodes de l'anthologie, Amour paternel et C'est une belle vie. Il jouera dans la suite de ce dernier, C'est toujours une belle vie (La Treizième Dimension, 2003), ainsi que dans son adaptation dans le film de 1983 ! Bill Mumy, musicien, mène également une carrière d'acteur de doublage. 23. AU BORD DU GOUFFRE Date de diffusion : 7 avril 1961 Résumé : En 1847, dans le désert du Nouveau Mexique, un groupe de pionniers affronte de graves difficultés. L'eau vient à manquer et un nourrisson souffre d'une forte fièvre ; son père décide de partir à la recherche de secours. Durant son expédition solitaire, il est inexplicablement transporté en 1961... Critique : Cet épisode s'adresse certes avant tout au public américain par l'évocation vibrante des pionniers de la Frontière (auxquels le nouvellement élu JF. Kennedy en appellera dans un discours resté fameux), un thème figurant toujours au premier rang de la mythologie nationale. Le pont établi entre ces glorieux aînés et les contemporains, davantage encore par la fraternité que par le biais du voyage temporel, parle ainsi avec éloquence aux spectateurs. Même si de nos jours on reste plutôt avec l'impression d'une confrontation entre deux passés, le récit demeure néanmoins fort intéressant pour nous. L'épisode bénéficie ainsi d'une prestation absolument bouleversante de Cliff Robertson. Non seulement celui-ci compose avec une étonnante crédibilité un rude personnage de cette époque, mais il rend très émouvants son effarement, comme sa ténacité, face à l'énormité de l'évènement. La mise en scène de Buzz Kulik exploite avec un grand sens visuel la fascinante beauté du désert californien, avec de nombreux plans saisissants à force de splendeur implacable. On apprécie également qu'avec intelligence l'histoire n'use que modérément du procédé des anachronismes, pour s'en tenir avant tout à son enjeu psychologique. De même, la simplicité et l'immédiateté du passage créent un étrange beaucoup plus évocateur qu'un effet spécial tapageur. Au bord du gouffre (également intitulé en Français La Piste de l'Ouest) développe ainsi une tonalité nettement plus fine et sensible que la recherche gaguesque à tout crin de nos Visiteurs, pourtant bâti sur un thème assez similaire par ailleurs. Acteurs : Cliff Robertson (1923-2011) connut une longue carrière au cinéma (Les Trois Jours du Condor, 1975...). Encore actif à un âge avancé, il incarne l'oncle Ben Parker dans les récents films de Spiderman. À la télévision, il apparaît également dans The Outer Limits, Les Incorruptibles, Batman, Falcon Crest... Il participe à un autre épisode de l'anthologie, La marionnette. John Astin (1930) reste célèbre pour son interprétation de Gomez Addams dans La Famille Addams (1964-1966) et du Professeur Wikwire dans Les Aventures de Brisco County Jr (1993-1994). Tout au long de sa carrière, il se spécialisa dans les rôles d'excentriques, souvent humoristiques, parfois menaçants. Il joua dans Les Mystères de l'Ouest, Bonanza, Le Virginien, Police Woman, L'Île Fantastique, Love Boat, Arabesque, Killer Tomatoes... 24. RENDEZ-VOUS DANS UN SIÈCLE Date de diffusion : 21 avril 1961 Résumé : Après le vol d'une importante quantité d'or, quatre bandits se dissimulent dans le désert. Ils vont hiberner durant un siècle dans une grotte grâce à la cryogénisation pour se faire oublier et pouvoir profiter paisiblement de leur butin. À leur réveil, ils constatent la mort de l'un d'entre eux, mais il ne s'agit que du début de leurs ennuis !... Critique : Au-delà de la très originale idée initiale de la cryogénisation, c'est à un très classique récit de film noir, genre alors encore très en vogue, que recourt ici Rod Serling. Selon un schéma assez classique, les gangsters vont se déchirer pour la possession du « grisbi » jusqu'à la catastrophe finale. L'épisode vaut néanmoins par l'implacable efficacité de la narration, la chute morale de ces hommes perdus les réduisant progressivement à l'état de fauves féroces avec un réalisme absolument glaçant. La leçon de cette histoire, pour convenue qu'elle soit, revêt dès lors un authentique impact. Rod Serling prouve ainsi l'étendue de son talent de conteur, même lorsqu'il aborde d'autres styles que la Science-fiction (et tant pis pour les inévitables absurdités de détail). Il pousse l'habileté jusqu'à rajouter à la prévisible conclusion une chute par contre tout à fait renversante, dont l'humour noir rejoint, lui, la grande tradition de The Twilight Zone. L'épisode bénéficie également de deux grands numéros d'acteurs. Oscar Beregi apparaît absolument magistral en scientifique présomptueux, totalement pris de court par la variable humaine de son équation et progressivement dépouillé de sa superbe, jusqu'à rejoindre la lie qu'il toisait de haut initialement. En voyou avide et sadique, Simon Oakland lui offre une superbe opposition au cours de scènes particulièrement intenses. La mise en scène de Justus Addiss parvient à tirer le meilleur des faibles moyens impartis, même si ces simplistes caissons en plexiglas et cette fluette fumée laissent tout de même apercevoir la misère. Il souligne judicieusement le jeu des comédiens et exploite avec pertinence l'impressionnant décor naturel aride. À ce propos, il ne s'agit en rien d'un hasard si le précédent opus se déroulait également dans le désert californien : toujours talonné par l'impérieuse nécessité de réduire les coûts, Serling couple dès que possible les tournages, et l'action se déroule ainsi exactement dans la même région de la Vallée de la Mort qu'Au bord du gouffre ! Toujours dans cette optique de gestion de la pénurie, l'anthologie récupère pour la énième fois un élément des plateaux de Planète Interdite (1956), en l'occurrence la délicieusement datée voiture futuriste. Le combat continue ! Pour l'anecdote, le titre original de l'épisode s'inspire d'une nouvelle de Washington Irving (1782-1859) parue en 1819 : Rip Van Winkle. Elle raconte l'histoire d'un promeneur que des esprits d'une montagne maintiennent endormi durant vingt ans. Il découvre alors que le monde a bien changé. Rip Van Winkle demeure une figure populaire des lointaines origines de la Science-fiction et reste souvent évoqué dès lors qu'il est question d'hibernation ou de sommeil suspendu. Acteurs : Oscar Beregi (1918-1976) dut à son accent et à ses origines hongroises d'interpréter de nombreux personnages d'Européens de l'Est et d'Allemands. Outre de multiples apparitions au cinéma, il joua également dans Papa Schultz, Des agents très spéciaux, Max la Menace, Les Mystères de l'Ouest, Mission Impossible, Mannix, Kojak… Dans Les Incorruptibles, il tint également le rôle semi récurrent du gangster Joe Kulak. Il apparaîtra dans un autre épisode de La Quatrième Dimension : Le musée des morts. Simon Oakland (1915-1983) se spécialisa dans les personnages détenteurs d'autorité. Il fut ainsi le patron de Carl Kolchak dans The Night Stalker (1972-1975), et le général Moore, supérieur de Pappy Boyington dans Les Têtes Brûlées (1976-1978). Il apparut également dans Les Incorruptibles, Perry Mason, Bonanza, Max la Menace, Hawaï Police d'État… Au cinéma, il participa à Psychose, West Side Story, Bullitt, etc. Simon Oakland, violoniste de haut niveau, débuta sa carrière en donnant de nombreux concerts à travers le pays. 25. LE SILENCE EST D'ARGENT Date de diffusion : 28 avril 1961 Résumé : Par son bavardage incessant, Jamie Teenyson épuise tous les membres de son club huppé. Un jour, le très respecté Colonel Taylor lui propose un étrange marché : s'il garde un silence ininterrompu durant un an, une forte somme lui sera versée. Connaissant des revers de fortune, Teenyson accepte... Critique : Rod Serling nous propose ici l'un des épisodes les plus étrangers à la Science-fiction de toute l'anthologie, mais néanmoins terriblement troublant par sa noirceur. D'une situation confinant initialement à la comédie, le récit s'aventure par la suite de plus en plus profondément dans les sombres replis de l'âme, dans une mécanique aussi glaciale que logique dans sa folie. Cette étude psychologique audacieuse se double d'une satire mondaine acérée autour du thème de la chute, dénonçant l'hypocrisie des représentations et la dureté sous-jacente des relations sociales. Les deux héros de cette aventure, au ton évoquant souvent Poe, construisent leur propre malheur avec une inébranlable résolution, illustrant avec un rare tranchant la folie des hommes. Cette inexorable progression débouche sur une horrifiante conclusion, comptant parmi les plus sardoniques de la série. The Silence reste une superbe mécanique, de plus mise en valeur par le jeu intelligemment théâtral de comédiens idéalement choisis. La mise en scène parvient par ailleurs à éviter toute emphase hors de propos. Boris Sagal, père de l'actrice Katey Sagal (Mariés deux Enfants ; Sons of Anarchy...), manifeste ici le même talent pour filmer un antagonisme cruel et destructeur que bien plus tard dans Masada (1981), à l'issue d'une très riche carrière. Il arrive également à tirer le meilleur d'un aléa du tournage, une blessure au visage de Franchot Tone, pour filmer le comédien de profil en un effet très menaçant. Pour l'anecdote, le récit de Serling consiste en une variation autour d'une histoire similaire d'Anton Tchekhov : Le Pari (1899). La joute s'y effectue sur l'aptitude à vivre totalement seul durant 15 ans. Acteurs : Franchot Tone (1905-1968) fut une grande figure de Broadway et l'un des tous premiers comédiens de théâtre à mener parallèlement une carrière au cinéma, au début des années 30. Spécialisé dans les personnages de la haute société, il apparut régulièrement à l'écran aux côtés de son épouse Joan Crawford avant leur divorce en 1939 (Dancing Ladies, 1933...). Il participa à plusieurs anthologies des années 50, mais aussi à des séries de Western comme Bonanza ou Le Virginien. Liam Sullivan (1923-1998) joua les méchants dans un nombre impressionnant de séries : Star Trek (le célèbre télépathe Parmen), Cheyenne, Alfred Hitchcock présente, Perry Mason, Les Incorruptibles, Honey West, The Monroes, Mannix, Magnum, Misfits of Science… 26. PEINE CAPITALE Date de diffusion : 5 mai 1961 Résumé : Adam Grant semble enfermé dans un cauchemar récurrent : sans cesse il se voit condamné à mort, la séquence se poursuivant jusqu'à l'exécution. Il tente d'alerter les personnes croisées sur ce qui se déroule et de trouver une porte de sortie... Critique : À travers cet épisode, l'écrivain Charles Beaumont exprime avec une force particulière son attractivité quasi maladive pour la mort. Il l'aborde ici sous un angle particulièrement brutal et insoutenable, celui de la peine capitale. Si l'abomination s'en voit évoquée sans fard, il ne s'agit pourtant pas de dénonciation mais bien de fascination horrifiée. Cette optique pourra surprendre le public européen mais nous vaut un récit particulièrement fort et troublant. Outre un suspense digne de Hitchcock autour de la concrétisation de la prédiction de Grant, cette idée purement géniale d'un personnage accomplissant en boucle le même cauchemar suscite une exploration vertigineuse du monde onirique encore plus parachevée que lors du déjà excellent La poursuite du rêve (sans parler du plus modeste Sans escale de vie à trépas ou de l'efficace mais moins subtil Cauchemar terrifiant de La Treizième Dimension). Le récit multiplie ainsi à plaisir les détails discordants ainsi que les passages accélérés d'une scène à l'autre, caractéristiques des rêves. La mise en scène du vétéran John Brahm se révèle particulièrement imaginative, jouant avec un art consommé de la photographie (sublime noir et blanc) et d'angles appuyés pour distiller une atmosphère distordue dans cet univers. Les décors y contribuent puissamment, volontairement schématiques et aux lignes fuyantes. L'audace va jusqu'à insérer l'un des rares effets spéciaux de l'anthologie, l'écran se divisant en deux fenêtres lors de la narration de l'exécution par Grant, avec un efficace travelling avant sur la chaise électrique. La réalisation souligne efficacement le jeu ardent des interprètes, avec notamment l'impressionnante prestation de Dennis Weaver, particulièrement convaincant en homme désespéré dont les implacables cauchemars corrodent inexorablement la raison. Son portrait en unique détenteur de la vérité – mais, tel Cassandre, impuissant à en convaincre les autres – entre réalisme exacerbé et folie, interpelle le spectateur par sa cruelle ironie. Bien avant Un jour sans fin (et le Monday des X-Files dont les scénaristes avouèrent explicitement l'influence), Peine capitale apporte une vision particulièrement sinistre du thème toujours efficace du verrou temporel. Il se positionne comme l'un des sommets de cette deuxième saison de The Twilight Zone par sa troublante réflexion sur la nature même de la réalité. Fait rarissime, cet authentique chef-d'œuvre se verra parfois supplanté par son remake de La Cinquième Dimension (1986) qui constitue sans doute le meilleur épisode de cette anthologie inégale. Il ira encore plus loin dans la distorsion onirique des événements ainsi que dans l'emprisonnement du héros dans ses fantasmes morbides. Pour l'anecdote, l'espace d'une seconde, on aperçoit parmi les prisonniers Bernie Hamilton, le futur Capitaine Dobey de Starsky et Hutch (1975-1979) ! Acteurs : Dennis Weaver (1924-2006) a tenu plusieurs rôles marquants au cinéma, comme celui du héros de Duel (1971). À la télévision, il a interprété des personnages récurrents dans Gunsmoke (1955-1964) et Un Shérif à New York (1970-1977). Artiste complet, il a réalisé plusieurs albums de Country Music et souvent interprété Shakespeare sur scène. Militant activement pour l'écologie, il fit sensation à la fin des années 80 en emménageant dans une demeure entièrement bâtie avec des matériaux de récupération (pneus et boites de conserve). 27. L'ESPRIT ET LA MATIÈRE Date de diffusion : 12 mai 1961 Résumé : Archibald Beechcroft est un aigri, imbu de lui-même, et détestant ses contemporains. À travers une méthode de contrôle de la pensée, il se découvre omnipotent. Il entreprend diverses expériences pour résoudre le problème de cette population si difficile à supporter… Critique : L'Esprit et la Matière aborde le thème de la souffrance sociale véhiculée par le monde du travail contemporain de manière bien plus légère et humoristique qu'Arrêt à Willoughby. Archibald Beechcroft n'est pas un individu sensible, peu à peu laminé jusqu'à désirer désespérément une porte de sortie, quelle qu'elle soit. Bien au contraire, il s'agit d'une boule de colère perpétuelle dont le dégoût envers autrui s'avère très amusant. L'épisode doit beaucoup à l'abattage de Shelly Berman, impeccable en misanthrope irascible. Il porte le récit à lui tout seul, comme lors de ces stands up dont il a le secret. À l'opposé d'un Fantastique à la tonalité finalement morbide, cette histoire instille une joyeuse fantaisie en développant une version modernisée du thème traditionnel du génie (que l'on retrouve dans Dream of Genie et The Man in the Bottle). Le tout puissant Beechcroft s'adresse à sa conscience exactement comme d'autres l'ont fait à la créature fabuleuse, et avec un insuccès similaire de ses souhaits de plus en plus biscornus ! On remarque d'ailleurs qu'il annihile l'Humanité (momentanément !) comme plus tard Mulder dans Je souhaite, brillant hommage à ce style d'histoire. On apprécie que le scénario joue franchement la carte du délire sans aucun souci de vraisemblance, même si la conclusion se révèle finalement un peu trop classique. La mise en scène se montre également efficace et vive, notamment appuyée par une pétillante musique. Par contre, les « sosies » du héros, représentés par des masques grossiers, illustrent avec éloquence la faiblesse des moyens de l'anthologie. Les confrontations du héros avec lui-même sont réalisées avec des effets spéciaux simples mais astucieux, comme souvent dans La Quatrième Dimension. L'épisode revêt une véritable valeur documentaire sur le quotidien du début des années 60 avec une jolie reconstitution du monde des employés du bureau et surtout du métro de l'époque. Un brin résigné, l'on se rend compte que rien n'a réellement progressé depuis… L'Esprit et la Matière constitue une fable joyeuse et iconoclaste, en définitive optimiste, sur la dimension sociale de l'homme et la nécessaire tolérance. On pourra également s'amuser à y discerner une inversion humoristique de la fameuse sentence de Sartre selon laquelle « L'Enfer, c'est les autres » ! Acteurs : Shelley Berman (1925) est un humoriste populaire aux États-Unis pour ses participations à de multiples émissions de variété ainsi que pour ses stands up souvent improvisés. Il apparaît également dans Des agents très spéciaux, Max la Menace, Vegas, Police Woman, K2000, Friends, Dead like Me… Toujours actif, il tient des rôles semi récurrents dans Boston Legal (2004-2008) et Curb your Enthusiasm (à partir de 2000). 28. Y A-T-IL UN MARTIEN DANS LA SALLE ? Date de diffusion : 26 mai 1961 Résumé : Suite à une tempête de neige, les passagers d'un bus doivent s'abriter dans une cafétéria. Un vaisseau martien s'écrase à proximité. Deux policiers soupçonnent son pilote de se dissimuler parmi les voyageurs et entreprennent de le découvrir... Critique : Y a-t-il un martien dans la salle ? constitue une satire parfaitement divertissante des films de Science-fiction de l'époque, remplis à ras-bord de créatures hostiles venues d'outre-espace. Tous les poncifs apparaissent fidèles au rendez-vous : atterrissage du vaisseau martien (on ne dit pas encore « alien ») dans une zone isolée, intrus se dissimulant dans la population, paranoïa ambiante de la Guerre froide, héros des forces de l'ordre, etc. Et pourtant, dans un glissement de scénario très habile, l'on se retrouve au sein d'un vrai whodunit, pétillant d'humour corrosif. En effet, tous les clichés coutumiers du genre se voient distordus. La population américaine, censée supporter l'épreuve avec héroïsme, se révèle un groupe de personnalités médiocres et égoïstes, ne pensant qu'à soi et totalement dépassées par les circonstances. Les policiers se montrent d'abord efficaces et consciencieux, mais tournent vite en rond, incapables d'esquisser la moindre stratégie et se cantonnant à un suivisme borné du règlement. Il faut les voir libérer le groupe dès que possible, visiblement soulagés de se débarrasser au plus vite du fardeau, avant de lorgner une jolie femme de l'assistance. Il n'y a aucun David Vincent dans la salle… Comme Serling a l'habileté de nous raconter une véritable histoire, sans se limiter à la simple caricature, la tension finit malgré tout par monter. Mais l'intrigue accélère alors brusquement pour se conclure sur l'une des chutes les plus retentissantes et ironiques de l'anthologie où tel est pris qui croyait prendre ! Au total, l'écriture parvient à entremêler suspense et comique sans que l'un porte préjudice à l'autre, bien au contraire. La mise en scène tonique et enlevée de Montgomery Pittman réussit à animer ce huis clos, aidée par quelques effets spéciaux aussi simples que judicieusement insérés. Les interprètes jouent avec une visible délectation la carte du pastiche, tandis que se détache un Jack Elam totalement en roue libre dans son personnage de joyeux drille sabotant avec entrain les scènes-chocs censées distiller de l'angoisse. On lui doit la superbe répartie résumant tout l'esprit de ce joyeux pendant des Monstres de Maple Street : « On dirait un film de Science-fiction, comme une histoire à la Ray Bradbury ! ». Le grand auteur allait d'ailleurs s'aventurer dans La Quatrième Dimension au cours de la saison suivante, durant une bien trop brève incursion. Acteurs : Barney Phillips (1913-1982) connut une grande popularité dans les séries policières des années 50 et 60 (Les Incorruptibles, Johnny Midnight, The Brothers Brannagan...). Il apparaît dans trois épisodes : Allez-vous-en, Finchley !, Y a-t-il un Martien dans la Salle ?, et Miniature. John Hoyt (1905-1991) apparut dans de nombreuses séries télé : Papa Schultz, Star Trek, The Monkees, Max la Menace, Kolchak, Battlestar Galactica... Il participe également à l'épisode Les robots du Dr. Lauren. Jack Elam (1920-2003) participa à de très nombreux Westerns du petit et du grand écran où son physique très particulier le prédestina toujours aux rôles de tueur. C'est lui qui enferme une mouche dans le canon de son révolver lors de la mythique scène d'ouverture d'Il était une fois dans l'Ouest (1968). 29. L'HOMME OBSOLÈTE Date de diffusion : 2 juin 1961 Résumé : Dans une société future totalitaire, les livres sont bannis car considérés comme inutiles et pernicieux. Un libraire se voit condamné à mort pour obsolescence. Il demande à ce que l'exécution soit diffusée en direct en présence du dirigeant ayant mené son procès... Critique : Pour cet ultime épisode de sa deuxième saison, La Quatrième Dimension s'essaie une nouvelle fois à la dystopie après The Eye of The Beholder. L'épisode n'échappe pas à une certaine grandiloquence, soit le danger récurent inhérent à ce style littéraire décrivant des futurs cauchemardesques et opposé à l'utopie. Dans ce monde proche du Fahrenheit 451 de Ray Bradbury, les dialogues peuvent sembler parfois trop démonstratifs, tandis que la multitude de dispositions légales autorisant la machination du condamné ressort bien trop providentielle pour ne pas résulter artificielle. Cet éloge de la liberté et de la littérature conserve cependant une réelle force grâce à l'éloquence des interprètes, avec un lumineux Burgess Meredith idéalement choisi pour le rôle du bibliothécaire après Question de temps, mais aussi un Fritz Weaver tout à fait étonnant en procureur diabolique. On apprécie également les sinistres décors du tribunal, parfaitement suggestifs de la folie de cette société et la mise en scène tout en angles de vue distordus d'Elliot Silverstein, achevant de conférer à cette vision de l'avenir son aspect de cauchemar. On remarque au passage qu'après Allez-vous-en, Finchley ! ou Parasites, l'anthologie décoche un nouveau coup de griffe à l'étrange lucarne dans une troublante vision prophétique de la « télé-réalité » la plus voyeuriste, puissant outil de la déculturation d'une société. Un réalisme indéniable, donnant plus de force encore à la vibrante déclaration finale de Serling en faveur des Droits de l'Homme et de la démocratie, indissociables de la liberté de lire et d'écrire. Une conclusion éloquente pour une saison ayant toujours porté haut les valeurs de l'humanisme. Acteurs : Burgess Meredith (1907-1997) connaît un début de carrière prometteur au théâtre et au cinéma (Des souris et des hommes, 1939...) avant d'être inscrit sur la liste noire du MacCarthysme. Revenu à la fin de cette triste période, il apparaît dans de très nombreux films, dont la série des Rocky où il interprète le vieil entraîneur de Balboa. À la télévision, il incarna le Pingouin, l'un des pires ennemis de Batman (1966-1968). Il apparaît également dans Les Mystères de l'Ouest, Bonanza, Mannix, L'Homme de fer… Avec quatre rôles, il détient le record de participations à La Quatrième Dimension à égalité avec Jack Klugman. En 1983, il se substitue d'ailleurs à Rod Serling, décédé, pour devenir le narrateur de l'adaptation filmique de la série. Fritz Weaver (1926) a interprété de multiples seconds rôles au cinéma et à la télévision (Des agents très spéciaux, Rawhide, Mission : Impossible, Gunsmoke, Mannix, Kung fu, Hawaï Police d'État, Magnum, Arabesque, Matlock, Law & Order, Star Trek : Deep Space Nine, Holocauste, etc.). Il a de plus assuré le commentaire de nombreux documentaires. Fritz Weaver joue également dans l'épisode La Troisième à partir du Soleil. Harold Innocent (1933-1993), comédien britannique, a mené carrière des deux côtés de l'Atlantique, notamment dans de nombreuses séries anglaises. Cela lui vaut de figurer dans deux épisodes des Avengers : Les Sorciers et Du bois vermoulu. 1) Les Prédictions : L'épisode synthétise à merveille les incongrus dysfonctionnements de notre réalité, constituant l'un des courants les plus féconds de l'anthologie. Richard Matheson y excelle particulièrement et démontre encore une fois la vivacité de son imagination. Et puis découvrir William Shatner en homme influençable sauvé par la solidité de son épouse, cela n'a pas de prix ! 2) Peine capitale : Magnifique variation sur le thème des mondes oniriques, mais aussi sur celui du verrou temporel. Beaumont y exprime éloquemment sa fascination pour la mort à travers une évocation de la peine capitale qui ne laissera pas intact le spectateur. L'ardent suspense se voit porté par une mise en scène implacable et un Dennis Weaver absolument magistral. 3) L'Œil de l'admirateur : Brillante dénonciation de toutes les dictatures à travers celle des canons esthétiques, cet épisode, aussi décalé qu'abouti, constitue également un pur chef-d'œuvre audiovisuel par sa réalisation des plus audacieuses et imaginatives. L'apparition des terribles maquillages reste l'une des images fortes les plus popularisées de La Quatrième Dimension. Du grand Serling. 4) Les Envahisseurs : Richard Matheson ne se résume pas à une source inépuisable d'idées originales, il s'avère également un conteur accompli comme l'illustre la palpitante narration de cet implacable duel. La mise en scène parvient à ménager de superbes effets malgré la faiblesse des moyens mis à sa disposition, tandis qu'Agnès Moorehead crève l'écran en forte femme développant une étonnante sauvagerie. 5) L'Homme qui hurle : Un épisode très à part dans cette anthologie empreinte de modernité et ouverte aux nouvelles voies du Fantastique. Charles Beaumont y exprime avec une force de conviction palpable son inspiration remontant aux classiques du genre, qu'il s'entend tout de même à dépoussiérer. Cette fable moraliste doit également beaucoup au talent de ses interprètes, réellement pénétrés par leur rôle. Crédits photo : Universal. Images capturées par Estuaire44. |