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 saison 1 saison 3

La Quatrième Dimension (1959-1964)

Saison 3

20. Règlements de compte pour Rance McGrew (Showdown With Rance McGrew)

21. Jeux d'enfants (Kick the Can)

22. Un piano dans la maison (A Piano in the House)

23. Les funérailles de Jeff Myrtlebank (The Last Rites of Jeff Myrtlebank)

24. Comment servir l'homme (To Serve Man)

25. Le fugitif (The Fugitive)

26. La petite fille perdue (Little Girl Lost)

27. Personne inconnue (Person or Persons Unknown)

28. Le petit peuple (The Little People)

29. À quatre heures (Four O'Clock)

30. Le menteur (Hocus-Pocus and Frisby)

31. L'échange (The Trade-Ins)

32. Le cadeau (The Gift)

33. La marionnette (The Dummy)

34. Un passé infini (Young Man's Fancy)

35. La fée électrique (I Sing the Body Electric)

36. L'ange gardien (Cavender Is Coming)

37. La relève de la garde (The Changing of the Guard)

Top 5 de la saison 3


PRÉSENTATION DE LA SAISON 3

La troisième saison de The Twilight Zone se voit marquée par un relatif épuisement narratif chez Rod Serling. Outre ses multiples et écrasantes tâches de showrunner, ce dernier continue à écrire plus de la moitié des scénarios et avoue lui-même une certaine lassitude. On ressent un certain relâchement de son inspiration, tandis que plusieurs épisodes apparaissent comme des redites de précédents (Le joueur de billard évoque nettement Un coup de trompette, Deux renoue avec des sensations assez proches de Solitude...).

Si Colgate-Palmolive demeure l'un des deux sponsors de la production, American Tobacco (Chesterfields) se substitue désormais à General Foods. S'il respecte l'indépendance d'écriture, le nouveau venu exige cependant de Serling qu'il délivre un message promotionnel à l'issue de chaque épisode financé. Cela ne contribuera pas à renforcer l'enthousiasme déclinant de Serling…

Cette difficulté à se renouveler n'empêche pas cependant la nouvelle saison de comporter encore plusieurs joyaux de l'anthologie grâce à l'arrivée de nouveaux écrivains aux côtés de Beaumont et Matheson, ou à de superbes adaptations par Serling d'autres auteurs. La Quatrième Dimension reçoit encore diverses distinctions dont un troisième Prix Hugo (un record seulement égalé par Doctor Who). Les vedettes, établies ou en devenir, continuent à se succéder au sein d'un casting toujours étincelant (Peter Falk, Elizabeth Montgomery, Robert Redford, Buster Keaton...). Le terme Twilight Zone se diffuse désormais dans le langage courant et journalistique pour exprimer une situation bizarre.

Avec des thèmes ressassés, plusieurs épisodes statiques ou empesés, et une difficulté à trouver de nouveaux sponsors, CBS et Serling lui-même cèdent néanmoins à l'effet d'usure. À l'issue de cette saison, au printemps 1962, l'anthologie est mise en suspens. Cette pause allait durer une année jusqu'au début de 1963 ; elle va entraîner de grands changements au sein de la production et un affaiblissement de la position de Serling, entre-temps parti enseigner.

Même si les saisons 4 et 5 développeront encore moult épisodes captivants, de nombreux fans et critiques estiment que l'âge d'or de l'anthologie, le plus innovant et audacieux, s'achève avec cette saison 3.

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1. DEUX
(TWO)



Date de diffusion : 15 septembre 1961
Auteur : Montgomery Pittman
Réalisateur : Montgomery Pittman

Résumé :

Dans un autre monde, seules deux personnes, un homme et une femme, ont survécu à un conflit atomique. Il s'agit de militaires appartenant chacun à une armée adverse. Leur rencontre va-t-elle poursuivre une guerre absurde ou déboucher sur un nouvel espoir ?...

Critique :

Deux constitue un lancement prometteur pour cette nouvelle saison. Plusieurs atouts militent en effet en sa faveur. L'intrigue écrite par l'artiste aux multiples talents que fut Montgomery Pittman (réalisateur également ici) joue habilement jusqu'à la conclusion de l'ambiguïté existant dans les relations entre l'Homme et la Femme. Leur volonté naturelle de s'unir face à l'horreur de la situation se trouve sans cesse contrecarrée par les pulsions paranoïaques héritées de l'embrigadement et du conflit. Il en découle un suspense psychologique captivant à suivre, d'autant que le récit s'entend à varier ses effets et à ménager des surprises. La morale de l'histoire s'inscrit à merveille dans la féconde veine humaniste de l'anthologie, non sans manifester par ailleurs une belle audace. Elle met ainsi, avec d'évidentes références, sur le même pied États-Unis et URSS face à leur antagonisme autodestructeur, ce qui tranche pour le moins avec le discours ambiant au moment où la Guerre Froide atteint son paroxysme.

Si la mise en scène de Pittman s'avère simplement efficace, un autre point fort de l'épisode réside dans son étonnant décor de cité déserte, criant de vérité. Et pour cause, la production a eu l'excellente idée de tourner dans des décors laissés à l'abandon depuis longtemps, auxquels il fallut finalement peu d'ajouts pour donner une apparence de fin du Monde. La patine naturelle et quelques excellentes idées comme les diverses affiches, toutes suggestives, produisent un impact vraiment détonnant. Le renversant casting vient couronner le tout, avec deux grandes vedettes en devenir. Charles Bronson et Liz Montgomery, particulièrement éloignée de Samantha, ne se limitent pas à figurer à l'affiche et apportent une étonnante humanité à leurs personnages, une réussite d'autant plus brillante que l'épisode demeure quasiment muet.

Et pourtant, Deux se contente de figurer comme un excellent épisode sans accéder au rang de chef-d'œuvre du fait de quelques dommageables facilités. D'un point de vue assez anecdotique, on pourra s'étonner de plusieurs détails contradictoires avec l'ambiance de dévastation, comme l'uniforme finalement très sexy de la Femme ou la présence d'eau potable. L'épisode ne tente pratiquement pas d'exploiter l'angoissante solitude subie par les héros, demeurant moins intense que la situation équivalente mais autrement plus stressante développée dans le pilote de la série.

Mais cette ligne édulcorante qui minore la réussite de l'épisode s'exprime avec une force particulière lors de la conclusion. Celle-ci semble bien démonstrative et optimiste, une autre considérablement plus sombre et réaliste aurait permis de parachever plus efficacement la dénonciation de l'horreur et de l'absurdité de la guerre. Mais ces critiques proviennent d'un regard contemporain habitué à des séries actuelles ne mégotant pas sur le réalisme le plus cru, parfois jusqu'à l'insoutenable (y compris dans le genre post-apo). Dans le cadre des années 60, cet épisode se montre étonnamment éloquent et courageux, confirmant en cette orée de la troisième saison que La Quatrième Dimension demeure fidèle à ses fondamentaux (et cela même si la part de Science-fiction ou de Fantastique semble relativement minime…).

Acteurs :

Charles Bronson (1921-2003) demeure un comédien particulièrement populaire pour ses personnages durs et justiciers dans des domaines aussi variés que le film de guerre (Les Douze Salopards 1967...), le western (Les Sept Mercenaires 1960, Il était une fois dans l'Ouest 1968...) ou le policier (Un justicier dans la ville, 1974...). Au début de sa carrière (années 50 et début des 60), il a également beaucoup tourné pour la télévision : Bonanza, Rawhide, Gunsmoke, Les Incorruptibles...

Elizabeth Montgomery (1933-1995) est bien entendu l'inoubliable interprète de Ma sorcière bien-aimée (1964-1972). Elle vient compléter la future distribution de cette série déjà présente de manière amusante dans différents épisodes de The Twilight Zone. Elizabeth Montgomery participe également à Alfred Hitchcock présente, Les Incorruptibles... ainsi qu'à de très nombreux téléfilms. Aux côtés de Dick Sargent, elle milite activement pour la défense des droits des homosexuels (Gay Pride 1992) ainsi que contre le SIDA. Cette grande figure de la télévision américaine décède à 62 ans d'un cancer particulièrement foudroyant.

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2. L'ARRIVÉE
(THE ARRIVAL)

Date de diffusion : 22 septembre 1961
Auteur : Rod Serling
Réalisateur : Boris Sagal

Résumé :

Grant Sheckly, spécialiste réputé de l'élucidation des catastrophes aériennes, se confronte au plus étrange cas de sa carrière : un avion a correctement atterri, mais totalement vide d'équipage et de passagers !...

Critique :

Initialement, c'est avec confiance que l'on aborde cet épisode. En effet, il participe à un courant fécond de l'anthologie, celui des histoires reliées à l'aviation. En ce début des années 60 où ce type de transport émerveille bien plus qu'aujourd'hui, La Quatrième Dimension jette en effet un regard fasciné sur ce domaine mystérieux, interdit depuis l'origine à l'Humanité, et semblant dissimuler d'étranges secrets. L'odyssée du vol 33, King Neuf sans retour, Le Lâche ou bien encore Les trois fantômes ont, chacun dans un style différent, illustré la richesse de cette veine narrative.

Et de fait, l'énigme proposée par l'intrigue paraît d'entrée diablement séduisante, sollicitant astucieusement la curiosité du spectateur sur un développement original de l'inépuisable thème de la chambre close. De plus, L'arrivée permet de pénétrer dans l'atmosphère toujours si prenante d'un aéroport tandis que le récit ne sera pas sans évoquer aux amateurs des X-Files le formidable double épisode Tempus Fugit. Par ailleurs, un épisode de Département S (One of our aircraft is empty) se fondera sur la même idée de départ (et avec une résolution plus cartésienne).

Las, l'inquiétude se substitue bien vite à l'enthousiasme tant le surplace du scénario s'impose comme patent. Au-delà du postulat initial, l'intrigue ne se poursuit plus que par l'énoncé de diverses hypothèses risibles ou par quelques bizarreries soulignées avec pesanteur, jusqu'à satiété (les sièges aux couleurs mouvantes, etc.).

Le pire consiste néanmoins en la conclusion d'une banalité assez déconcertante pour l'anthologie et tout à fait décevante eu égard aux promesses du lancement. Tout ça pour ça, a-t-on envie de dire, avec le vague sentiment d'avoir été floué.

La composition du solide Harold J. Stone et des efficaces seconds rôles n'y change rien, de même que l'habile mise en scène de Boris Sagal. Celui-ci réussit quelques plans agréablement troublants de l'intérieur de l'avion, lui conférant une atmosphère hantée bien sentie. On n'en tombe que de plus haut alors que l'insigne faiblesse du scénario à la chute trop floue et brusquée constitue une première indication du relatif essoufflement de l'inspiration de Serling.

Acteurs :

Harold J. Stone (1911-2005) connut une belle carrière au cinéma et à Broadway, mais fut surtout un visage familier des séries américaines des années 60 et 70 (Bonanza, Les Incorruptibles, Max la Menace, Les Espions, Mission : Impossible, Police Woman, Kojak, Mannix, Vegas, Lou Grant, Drôles de Dames...).

Bing Russel (1926-2003) tourna principalement pour le Policier et le Western, mais se fit connaître comme une importante figure du Baseball. Propriétaire des célèbres Portland Mavericks, il joua également un rôle actif dans la modernisation de ce sport. Il est aussi le père de Kurt Russel.

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3. L'ABRI
(THE SHELTER)

Date de diffusion : 29 septembre 1961
Auteur : Rod Serling
Réalisateur : Lamont Johnson

Résumé :

Le docteur Stockton, très apprécié par ses amis, fait néanmoins l'objet de quelques moqueries de leur part pour avoir bâti un abri anti-nucléaire sous sa maison. Un beau soir, alors que l'on fête son anniversaire, la radio annonce que des missiles ont été lancés contre le pays…

Critique :

Cet épisode nous vaut une nouvelle démonstration, singulièrement intense, de l'horreur et de l'effroi du péril atomique représenté par la Guerre Froide. L'impact en ressort particulièrement fort pour les contemporains au moment où l'affrontement des Blocs devient plus aigu que jamais : les tensions diplomatiques virent au rouge à un an de la Crise de Cuba qui forcera le monde à enfin stopper cette folle course à l'abîme.

La véracité ressentie par les spectateurs, encore redoutable aujourd'hui, se trouve renforcée par une astuce diabolique de La Quatrième Dimension qui renonce ici purement et simplement à tout élément de Fantastique et de Science-Fiction. Vous ne regardez pas la télévision, mais à travers une fenêtre : un coup d'audace parfaitement abouti, à contre-courant en ce début des années 60. La contre-culture ne se développera qu'ultérieurement au cours de la décennie, véhiculant parfois ces épisodes de l'anthologie parmi ses références.

Mais c'est dans son propre déroulement que le récit va chercher le plus de force, avec une description d'un réalisme particulièrement dérangeant de la manière dont la paranoïa dépouille progressivement les personnages de leur dignité, faisant rejaillir le pire de leur personnalité, jusqu'à aboutir à une pure démence.

The Shelter évite habilement d'opposer des bons à des méchants, des fourmis à des cigales, car un processus similaire s'opère également chez le docteur et sa famille. Surtout, l'intrigue instille un doute réellement terrifiant : quelle est la vérité de l'âme humaine, la civilisée ou la barbare ? La société n'est-elle pas un mensonge collectif plutôt qu'un progrès réel ? La mise en scène, expressive mais sans effets lourdement assénés, ainsi que le jeu convaincant des comédiens, concourent également au succès d'un épisode particulièrement âpre.

On doit cependant émettre deux réserves. Tout d'abord le récit paraît suffisamment éloquent en lui-même, lui apporter une conclusion à ce point sentencieuse et appuyée semble contreproductif. Et surtout ce thème, sous une forme relevant cette fois marginalement de la Science-Fiction, a déjà été exploité très similairement dans Les monstres de Maple Street, un épisode de la première saison encore davantage magistral. The Twilight Zone et Rod Serling se répètent, certes avec talent, mais néanmoins très clairement.

Acteurs :

Larry Gates (1915-1996) est principalement connu pour sa participation au long cours (16 ans) à Haine et Passion, le soap le plus ancien de la télévision américaine (1952-2009, 15 762 épisodes !). Il a aussi joué dans Bonanza, Les Incorruptibles, Les Envahisseurs

Jack Albertson (1907-1981) fut un populaire artiste dont les multiples talents (musicien, danseur, chanteur, comédien...) lui valurent de nombreux succès à Broadway, mais aussi au cinéma (Charlie et la Chocolaterie, 1974...). Il participe également à Bonanza, La Grande Vallée, Les rues de San Francisco, Night Gallery, Drôles de Dames

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4. LA ROUTE DE LA MORT
(THE PASSERSBY)

Date de diffusion : 6 octobre 1961
Auteur : Rod Serling
Réalisateur : Eliott Silverstein

Résumé :

À l'issue de la Guerre de Sécession, de nombreux soldats de l'Union ou de la Confédération passent devant la maison d'une femme dont le mari a été tué au front. Ils lui déclarent rentrer chez eux, mais elle finit par comprendre, en discutant avec un vétéran, qu'ils sont tous morts et en route vers l'au-delà…

Critique :

Cet épisode pourrait sembler devoir lutter contre plusieurs handicaps : une certaine naïveté du symbolisme, un conflit bien plus sensible pour l'esprit collectif américain que pour le nôtre (bien plus tard, Les X-Files l'aborderont encore, dans l'admirable Le pré où je suis mort), et une certaine prédictibilité des évènements survenant sur cette fameuse route, jusqu'à la chute.

Néanmoins, ces éléments négatifs s'oublient bien vite tant l'étrangeté de la situation et l'émotion palpable des personnages se communiquent avec force au spectateur. Cette fable particulièrement émouvante participe aux épisodes, finalement assez nombreux dans l'anthologie, relevant du Weird West, démontrant une nouvelle fois la richesse de ce style très populaire Outre-Atlantique.

Les dialogues, touchants dans leur simplicité, le jeu à fleur de peau des comédiens et la musique si mélancolique, rendent particulièrement convaincante cette dénonciation des horreurs de la guerre. Cet épisode, s'il rejoint sur le fond son précédent, prend en revanche le plein contre-pied dans la forme, opposant le merveilleux au réalisme, et les pleurs du passé à l'effroi du présent.

Tout en demeurant fidèle à son discours général, La Quatrième Dimension continue à user avec succès de la grande liberté d'inspiration que procure sa structure anthologique. La mise en scène sobre mais efficace de Eliott Silverstein tire le meilleur parti d'un étonnant décor de studio en simili extérieur, qui apporte la touche onirique si nécessaire à l'instauration de l'atmosphère si particulière de l'épisode.

La sublime mélodie reprise par le vétéran n'est nulle autre que Black is the Color, un léger anachronisme puisque cette chanson d'inspiration écossaise remonte aux années 1910. Elle fut reprise avec grand succès par Nina Simone en 1959, ce qui explique peut-être sa présence dans l'épisode. Depuis, elle apparaît régulièrement dans les programmations de musique celtique ou folk, et fut encore sélectionnée par The Corrs dans leur album de titres traditionnels, Home (2005).

Acteurs :

James Gregory (1911-2002) fut un acteur de genre spécialisé dans les rôles d'autorité : responsables politiques, officiers, chefs d'entreprise… Il apparut dans Star Trek, Le Fugitif, Bonanza, Hawaii Police d'État, Mission : Impossible, Columbo, Night Gallery, Kolchak The Night Stalker, Kojak…

Joanne Linville (1928) a participé à un nombre imposant de séries : Les Envahisseurs, Star Trek, Bonanza, Hawaii Police d'État, Kojak, Les rues de San Francisco, Columbo, Drôles de Dames…

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5. LE JOUEUR DE BILLARD
(A GAME OF POOL)

Date de diffusion : 13 octobre 1961
Auteur : George Clayton Johnson
Réalisateur : Buzz Kulik

Résumé :

Jesse Cardiff, joueur exceptionnel de billard, a triomphé de tous ses adversaires. Néanmoins, il est tourmenté par la mémoire de « Fats » Brown, figure légendaire de cette discipline qu'il n'a jamais pu affronter. Or Fats ressurgit de l'au-delà et lui propose un duel au sommet, avec la vie pour enjeu !...

Critique :

Ce conte moral, parfaite illustration de la malice de cet auteur souvent narquois que demeure George Clayton Johnson, s'avère un petit bijou d'efficacité narrative. Il exploite l'intensité propre aux huis clos pour développer une confrontation extrêmement ludique et réellement captivante pour le spectateur. Le récit maintient habilement le suspense le plus total quant à l'identité du vainqueur et rend très vivant le duel grâce aux portraits antagonistes finement dessinés des deux compétiteurs.

Au flegme blasé et un rien suffisant de Fats s'oppose la flamme intense et l'obsession de reconnaissance de Jesse, non sans humour tant les deux comédiens nous régalent de mimiques joliment ciselées et très expressives. À l'issue de cette compétition si acharnée, non dépourvue de chausse-trappes, une ultime chute bien dans le ton de La Quatrième Dimension vient apporter une désarçonnante surprise au spectateur.

La solide réalisation de Buzz Kulik parvient à exploiter les différents attraits du billard (coup de main, perception géométrique, sens stratégique...) pour rendre le spectacle parfaitement attractif même pour les non férus de ce sport. On lui sait gré d'éviter les facilités des figures absurdement spectaculaires malgré l'irréprochable technique des joueurs, pour accorder la priorité à la psychologie des personnages.

Par ailleurs, la plaisante incertitude de la partie trouve un écho dans la morale elle-même ambivalente de cette fable. Libre à chacun d'apprécier les efforts consentis par Jesse pour sublimer sa vie, ou d'estimer qu'il gâche celle-ci. À l'inverse, on peut louer la sagesse de Fats ou regretter une certaine médiocrité de sa part. Le récit laisse chacun plus libre de son choix qu'il n'y paraît face à la notion si américaine de challenge.

Un remake de l'épisode, réalisé pour La Cinquième Dimension (1989), inversera complètement le résultat de la confrontation, dans un sens plus proche de celui initialement désiré par l'auteur !

Acteurs :

Jack Klugman (1922-2012) débuta à Broadway, avant de participer à de nombreux classiques du cinéma (Douze hommes en colère, 1957 ; Le Jour du vin et des roses, 1962 ; Goodbye, Columbus, 1969...). Il reste néanmoins surtout connu pour ses rôles récurrents à la télévision : The Odd Couple, 1970-1975 et Quincy, 1976-1983. Klugman joue également dans de nombreuses autres séries : Les Incorruptibles, Le Virginien, Le Fugitif... Il apparaît dans quatre épisodes : Un coup de trompette, Le joueur de billard, Le vaisseau de la Mort et Amour paternel.

Jonanthan Winters (1925-2013) connut une carrière aux multiples facettes : acteur de cinéma et de télévision, scénariste, monteur, producteur,  artiste de stand up...  Il se spécialisa néanmoins dans la comédie. Toujours actif, il réalise désormais de nombreuses voix de dessins animés (Tiny Toons...).

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6. LE MIROIR
(THE MIRROR)

Date de diffusion : 20 octobre 1961
Auteur : Rod Serling
Réalisateur : Don Medford

Résumé :

Une révolution vient de réussir dans un pays d'Amérique Latine. Le nouveau Lider Máximo (ressemblant furieusement à Fidel Castro) reçoit un étrange cadeau de la part de son prédécesseur vaincu : un miroir l'avertissant des menées de ses ennemis...

Critique :

L'épisode se veut ambitieux en tentant de dresser une critique acerbe de toute dictature. À travers la parabole du miroir, il évoque la paranoïa assassine et la déréliction morale qui s'empare de tout détenteur d'un pouvoir non régulé par la démocratie et l'État de droit. Certes, ce propos se vérifie à travers de nombreux et abominables exemples historiques, mais paraît ici asséné sans finesse aucune, de manière beaucoup trop démonstrative.

L'enchaînement des évènements se produit de manière très prévisible jusqu'à donner une impression de mécanique évidente, affaiblissant l'impact de la démonstration. De plus, enserré dans un huis clos et un scénario aussi expéditif que bavard, le vétéran Don Medford ne dispose guère de latitude, et ne peut que produire un spectacle s'assimilant au théâtre filmé.

Heureusement, l'épisode bénéficie de la prestation d'un Peter Falk totalement possédé par son rôle. Il apporte une vie et une vraie attractivité à un épisode en ayant bien besoin par la vivacité et l'expressivité de son jeu. Sa vision d'un pseudo Castro fantasmé accroche réellement le regard. Falk, qui à l'occasion revêt quelques expressions évoquant de manière amusante le futur Columbo, reste cependant bien seul : les autres comédiens manifestent des dons plutôt limités et parfois un jeu singulièrement empesé (c'est notamment le cas pour l'ultime lieutenant survivant). Sans même parler de barbes postiches parfois évidentes…

Malgré les prouesses du grand comédien, demeure l'impression d'un épisode n'ayant pas su exploiter comme il le méritait son thème initial.

Acteurs :

Peter Falk (1927-2011) n'est pas que l'interprète du célébrissime Inspecteur Columbo (1968-2003) ; il compta également de nombreux succès au cinéma, notamment avec son ami John Cassavetes (Husbands, 1970 ; Une femme sous influence, 1974...) mais aussi Milliardaire pour un jour (1961), Princess Bride (1987), Les Ailes du Désir (1987), etc. Sa belle carrière lui valut deux sélections aux Oscars. Si Columbo le monopolisa en grande partie à la télévision, il tourna auparavant notamment dans Les Incorruptibles et Alfred Hitchcock présente, et d'autres séries.

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7. VENGEANCE D'OUTRE-TOMBE
(THE GRAVE)

Date de diffusion : 27 octobre 1961
Auteur : Montgomery Pittman
Réalisateur : Montgomery Pittman

Résumé :

Au Far West, un chasseur de primes est mis au défi de passer la nuit à côté de la tombe de l'un de ses pires ennemis, assassiné par d'autres dans une embuscade. Comme preuve, il doit placer son couteau dans le sol...

Critique :

Très clairement, cette histoire de vengeance post-mortem ne brille pas par son originalité. Ses effets apparaissent bien éculés et son intrigue minimaliste. L'exposition de la situation se montre également bien trop étendue pour un dénouement des plus rapides. Cependant, Montgomery Pittman, décidément bien meilleur metteur en scène que scénariste, va éveiller l'intérêt du spectateur en parvenant à développer une véritable atmosphère tout au long de l'épisode.

Dans un premier temps, Vengeance d'outre-tombe, malgré une évidente économie de moyens, reconstitue à merveille le cadre des séries de Western de l'époque. Les attitudes, les costumes, et les décors se montrent parfaitement évocateurs des conventions du temps ; cet aspect agréablement documentaire se voyant bien entendu renforcé par la fabuleuse distribution.

L'épisode permet en effet de découvrir plusieurs vedettes du genre encore à l'orée de leur carrière, même s'ils ne sont déjà plus des débutants. Chacun se montre parfaitement à l'aise dans son registre : Lee Marvin tout en présence physique et charisme, et Lee van Cleef vraiment épatant en serpent froid et machiavélique, préfigurant Sentenza. James Best constitue une excellente surprise, démontrant une finesse de jeu sans commune mesure avec ce qu'il mettra plus tard en œuvre dans Shérif, fais-moi peur.

D'une manière soudaine et non dépourvue de spectaculaire, The Grave bascule ensuite dans une épouvante évoquant quelque peu Edgar Allan Poe ou Sheridan Lefanu. Certes, rien de nouveau sous la Lune sépulcrale, mais les effets sonores et les perspectives visuelles astucieuses de Pittman (excellent emploi du vent) apportent une vraie efficacité à ce versant, même si le grand atout en demeure le décor du cimetière : les décorateurs n'ont visiblement pas hésité à en rajouter dans le gothique - ce qui convient idéalement ici - tandis que sa nature de décor extérieur artificiel lui confère un aspect irréel parfaitement convaincant. Les amateurs des Avengers et des œuvres de l'inénarrable Z.Z. von Schnerk ne se sentiront pas en terrain inconnu tant pourrait se dérouler ici l'enterrement de Mrs. Peel ! Ce décor sert également de superbe écrin pour une chute classique mais fort bien amenée.

Au total, Vengeance d'outre-tombe ne se distingue pas par le souffle original ou le discours subtil des grands opus de l'anthologie, mais vaut néanmoins par le savoir-faire du metteur en scène et son casting des plus relevés.

Acteurs :

Lee Marvin (1924-1987) fut un acteur de genre particulièrement populaire, que cela soit dans les films noirs (Les Inconnus dans la ville, 1955...), ceux de guerre (Les Douze Salopards, 1967...) ou les Westerns (L'Homme qui tua Liberty Valance, 1962...). Il remporta l'Oscar du meilleur acteur en 1965 pour Cat Ballou.

Lee Van Cleef (1925-1989) reste l'une des figures majeurs du Western, spécialisé dans les rôles de méchant. À côté d'une superbe carrière au cinéma (Le Train sifflera trois fois, 1952 ; Règlement de comptes à OK Corral, 1957 ; Le Bon, la Brute et le Truand, 1966...), il tourna également beaucoup pour la télévision (Les Incorruptibles, Laramie, Zorro, Perry Mason, Bonanza, etc.). Il connut la consécration d'une adaptation dans Lucky Luke lors de l'album Chasseur de Primes (1972).

James Best (1926-2015) est un spécialiste des seconds rôles de Western, genre dans lequel il apparut près de 300 fois au grand comme au petit écran. Il reste néanmoins remémoré pour son rôle de shérif abruti dans Shérif, fais-moi peur (1978-1985). Il participe à deux autres épisodes de l'anthologie : Les funérailles de Jeff Myrtlebank et Jess-Belle. James Best a publié ses mémoires en 2009.

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8. C'EST UNE BELLE VIE
(IT'S A GOOD LIFE)

Date de diffusion : 3 novembre 1961
Auteur : Rod Serling, d'après une nouvelle de Jérôme Bixby
Réalisateur : James Sheldon

Résumé :

La terreur règne sans partage dans un petit village de l'Amérique rurale. Anthony Frémont, six ans, est doté de pouvoirs surhumains, voire quasi divins. De plus, il s'agit d'un garnement épouvantable, dont les caprices transforment en enfer la vie des habitants mais aussi de sa propre famille.

Critique :

Ce pur chef-d'œuvre de l'anthologie s'appuie sur différents atouts. Tout d'abord une atmosphère totalement insolite, indiquée dès la présentation de l'histoire par Rod Serling. Celui-ci développe particulièrement ses effets autour d'une image frappante, celle des États-Unis plongés dans le néant, puis l'entrée en scène soigneusement orchestrée du "monstre".

Des détails insérés au récit (fils électriques coupés, absence de ravitaillement) viennent d'entrée indiquer que quelque chose ne fonctionne pas du tout derrière ce décor idyllique. L'intrigue, inspirée par Bixby, grand nouvelliste de Science-Fiction qui fera également merveille dans Star Trek, laisse intelligemment vagabonder l'imagination du spectateur au cours de ce qui pourrait encore constituer un épisode décalé, voire humoristique.

Très vite, au-delà de l'étrangeté ambiante et des pouvoirs surnaturels d'Anthony, It's a good life en arrive à son véritable sujet, une histoire d'horreur véritablement éprouvante. On ressent de manière palpable l'épouvante subie par les habitants (y compris par les propres parents de l'abominable enfant gâté), le plus pénible demeurant cette obligation constante d'afficher sourires et éblouissements devant les prétendus chefs-d'œuvre du gamin.

Sans lésiner sur de l'humour noir du meilleur cru, mais dans une implacable progression, le scénario nous immerge toujours plus profondément dans ce cauchemar, avec un Anthony toujours plus atroce et implacable dans ses caprices, jusqu'à une conclusion absolument glaçante car dépourvue de toute chute ou happy end. La terreur imbibe cet épisode comme peu d'autres au sein de La Quatrième Dimension.

La mise en scène de James Sheldon accompagne à merveille la solide interprétation des différents comédiens, d'où se détachent le toujours excellent John Larch ainsi que Bill Mumy, assez sidérant en caricature féroce des enfants tête-à-claques peuplant les séries américaines, notamment dans les années 60. On y trouve également un effet spécial, une relative rareté au sein de l'anthologie. Comme toujours avec une parcimonieuse économie de moyens, il laisse entrevoir avec saisissement le sort effroyable réservé par Anthony à son ultime victime. Ce diable à ressort reste à juste titre l'une des images les plus célèbres de The Twilight Zone.

L'épisode connaît en dernier lieu un impact tout particulier par la vision inversée qu'il renvoie à l'Amérique. Le fameux American Way of Life s'y voit caricaturé par son importance démesurée accordée à l'Enfant Roi, l'un des fondements de cette société de consommation.

Le petit prince devient ici un monstre égocentrique et sociopathe au dernier degré. Anthony déforme la réalité en une sorte d'immense attraction à la Disneyland, devenu le libre champ de son bon plaisir. De manière assez irrésistible, l'épisode apparaît comme une version antagoniste du futur Ma Sorcière bien-aimée, soit le chantre de cette Amérique des Sixties passée ici au vitriol.

Le grand retentissement de l'épisode lui vaudra d'être retenu dans les reprises du film de 1983 ainsi que de connaître une suite dans La Treizième Dimension (2003), nettement inférieure au présent opus. En 1974, Serling écrivit une adaptation au grand écran de l'épisode, mais son brusque décès l'année suivante stoppa le projet. 

It's a good life reste également comme un référentiel majeur de l'anthologie, repris ou parodié à de multiples occasions dans la culture populaire. Stephen King fera ainsi référence à plusieurs reprises au fameux champ de maïs, de même que le pilote de la série Dead Like Me entre bien d'autres exemples.

Acteurs :

Bill Mumy (1954) a effectué de nombreuses apparitions à la télévision, principalement dans le domaine de la Science-fiction. Il incarne ainsi Will Robinson dans Lost in Space (1965-1968) et Lennier dans Babylon 5 (1993-1999). Il est également apparu dans Ma Sorcière bien-aimée, Le Fugitif, Ultraman, Superboy, Star Trek Deep Space Nine... Il participe à deux autres épisodes de l'anthologie et à la suite de celui-ci, C'est toujours une belle vie (La Treizième Dimension, 2003), ainsi qu'à son adaptation dans le film de 1983 !

John Larch (1914-2005) connut une prolifique carrière de second rôle, principalement dans les films de genre (westerns, policiers ou films de guerre) où il s'était spécialisé dans les rôles d'autorité, shérif ou officier. Il participe à plusieurs films de – ou avec – son ami Clint Eastwood : Un frisson dans la nuit (1971), L'Inspecteur Harry (1971, comme chef de la police)… À la télévision il apparaît dans Le Fugitif, Les Envahisseurs, Bonanza, Police Woman, Cannon, Les Rues de San-Francisco,Dallas, Dynastie... Il participe également aux épisodes La poursuite du rêve et Poussière.

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9. LE MUSÉE DES MORTS
(DEATH-HEAD REVISITED)

Date de diffusion : 10 novembre 1961
Auteur : Rod Serling
Réalisateur : Don Medford

Résumé :

Un ancien officier S.S. ayant changé d'identité vient visiter le site de Dachau, conservé en l'état. Il y rencontre un déporté qu'il avait pourtant tué à l'époque. Ce fantôme va lui faire revivre l'horreur du lieu, cette fois parmi les prisonniers.

Critique :

Une vérité bien triste, mais souvent vérifiée, est que malheureusement les meilleurs sentiments ne suscitent pas obligatoirement les épisodes les plus réussis. Le musée des morts ne manque certes pas de force, mais celle-ci relève de la Shoah elle-même, de son abomination sans pareille et de son souvenir indélébile.

Inspiré par l'actualité, alors que le procès d'Adolf Eichmann bat son plein (il sera pendu le 31 mai 1962), Rod Serling ne bâtit ici qu'une histoire de fantôme vengeur des plus classiques, constituant de plus un clair remake de La nuit du jugement (saison 2). Avouons également que cette histoire de dignitaire S.S., vraisemblablement poursuivi par la justice, quittant son abri sud-américain pour visiter les lieux-mêmes de ses exactions ne paraît pas des plus crédibles.

L'ensemble se limite à une démonstration certes louable mais mécanique et prévisible dans son déroulement. La mise en scène de Don Medford ne se dépare pas de quelques astucieux procédés, mais maintes fois usités dans ce type de récit. Oscar Beregi, surtout en seconde partie, incarne son personnage sans guère de subtilité (on se situe très loin du Amon Goeth de Ralph Fiennes dans La Liste de Schindler).

A contrario, par son apparition empreinte de dignité, Joseph Schildkraut insuffle toute leur puissance aux dialogues et parvient, par moments, à transcender l'épisode. Le décor, réalisé avec les moyens limités caractérisant l'anthologie, parvient cependant à évoquer avec acuité l'horreur des camps de concentration.

On remarque une curiosité : alors qu'en version originale le Nazi prétend avoir passé la guerre en Russie, en version française c'est la France qui se voit évoquée ! Le titre Death-Head Revisited fait référence à la tête de mort ornant le sinistre uniforme des S.S. Cette reconstitution de Dachau était initialement un fortin militaire destiné à un Western qui en définitive ne se réalisa pas.

Acteurs :

Joseph Schildkraut (1896-1964), d'origine autrichienne, fut une figure du Hollywood d'avant-guerre. Ayant débuté à l'époque du muet, il se spécialisa dans les rôles d'Européens, principalement dans les films en costumes (Marie-Antoinette, 1938...).

Oscar Beregi (1918-1976) dut à son accent et à ses origines hongroises d'interpréter de nombreux personnages d'Européens de l'Est et d'Allemands. Outre de multiples apparitions au cinéma, il joua également dans : Papa Schultz, Des agents très spéciaux, Max la Menace, Les Mystères de l'Ouest, Mission : Impossible, Mannix, Kojak… Dans Les Incorruptibles, il tint également le rôle semi récurrent du gangster Joe Kulak. Il apparaît aussi dans les épisodes Rendez-vous dans un siècle et La Muette.

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10. LE SOLEIL DE MINUIT
(THE MIDNIGHT SUN)

Date de diffusion : 17 novembre 1961
Auteur : Rod Serling
Réalisateur : Anton Leader

Résumé :

La fin du Monde est proche : la Terre tombe vers le Soleil et les températures deviennent toujours plus insoutenables. Deux femmes tentent de survivre dans ce décor apocalyptique.

Critique :

Épisode d'épouvante grand cru que celui-ci, où tout concourt à immerger le spectateur dans un authentique cauchemar. L'impression de véracité et d'effroi suscité par cette apocalypse flamboyante paraît absolument remarquable. À partir du terrifiant constat initial, le scénario décrit avec habileté la descente aux Enfers de la Terre à travers les évènements vécus par l'héroïne, mêlant ainsi le drame personnel à la catastrophe planétaire.

Le jeu particulièrement expressif de la très belle Lois Nettleton compte pour beaucoup dans l'intensité de cette histoire, ainsi que la fine écriture des différents personnages, mais c'est la mise en scène d'Anton Leader qui accroche particulièrement le regard.

L'alerte caméra du réalisateur parvient à animer ce complet huis clos alors que se multiplient ces bonnes idées comme les visions de ce terrible soleil gigantesque, omniprésent dans le ciel, et des interventions impeccablement filmées comme les émissions de radio totalement délirantes, des visions dévastées de la ville, ou l'irruption d'un homme de prime abord menaçant.

On ressent parfaitement la folie gagnant le monde, avec comme point d'orgue ces tableaux tourmentés fondant littéralement sous nos yeux. Cet effet spectaculaire a été obtenu en substituant de la cire à la peinture, sur une résistance électrique : un autre exemple de ces astuces peu coûteuses pratiquées tout au long de l'anthologie. Comme souvent dans La Quatrième Dimension, une chute absolument renversante et résultant d'une ironie particulièrement affûtée vient couronner l'ensemble.

Par ailleurs, les amateurs des Avengers trouveront ici une démonstration des plus suggestives de l'hypothèse cataclysmique soulevée dans La naine blanche ! Et l'on ne peut pas bien entendu ne pas songer au réchauffement climatique actuel…

Acteurs :

Lois Nettleton (1927-2008) mena une active carrière au théâtre comme à la télévision, ce qui lui valut de remporter deux Emmy Awards. Elle participe à Decoy, Alfred Hitchcock présente, Le Fugitif, Bonanza, Cannon, Hawaii Police d'État, Kung-fu, Les rues de San-Francisco, Le Caméléon...

Jason Wingreen (1919-2015) eut une carrière prolifique en très courtes apparitions au cinéma, souvent non créditées au générique. Également acteur de voix, il fut notamment celle de Boba Fett dans la première version de L'Empire contre-attaque (1980). Au petit écran, il tint le rôle récurrent du Capitaine Dorsett dans Les Incorruptibles (1960-1961). Il participa également à Mission : Impossible, Au-delà du Réel, Matlock, Le Fugitif... Il participe aussi aux épisodes Arrêt à Willoughby et Le Barde (non crédité).

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11. LA VALLÉE IMMOBILE
(STILL VALLEY)

Date de diffusion : 24 novembre 1961
Auteur : Rod Serling, d'après une nouvelle de Manly Wade Wellman
Réalisateur : James Sheldon

Résumé :

Durant la Guerre de Sécession, un soldat sudiste découvre dans une vallée toute une unité nordiste apparemment statufiée. Un vieux magicien lui déclare posséder un grimoire permettant d'employer ce sortilège. Ce livre permettrait au Sud de remporter la guerre, moyennant une simple formalité…

Critique :

Cet épisode s'avère particulièrement pauvre. Un ton volontiers prêcheur souligne pesamment un récit minimaliste, précédé par une exposition trop allongée. Sans doute les Américains sont-ils plus sensibles aux résonances des histoires liées à la Guerre de Sécession, mais le spectateur européen restera lui de marbre face à un discours pour le moins démonstratif : utiliser des armes suprêmes conduit fatalement à l'abomination et à priver la victoire de toute substance.

On comprend le parallèle avec le péril nucléaire ou chimique mais la forme pèche ici par son simplisme ainsi que par l'aspect réellement rudimentaire de la mise en scène. Les talentueux comédiens ne peuvent rien contre l'aspect d'image d'Épinal que revêt l'ensemble de cette intrigue bien schématique et remplie de clichés. De plus, l'épisode ressemble fort à un remake nettement moins réussi de Requiem (saison 1).

On remarque néanmoins un détail amusant : pour expliquer l'étendue de son pouvoir, le sorcier explique qu'il est le septième fils d'un septième fils, soit l'un des thèmes traditionnels des contes et légendes nord-américains. Il s'agit d'ailleurs de l'argument développé dans le cycle des Chroniques d'Alvin le Faiseur d'Orson Scott Card, narrant les aventures très colorées du héros, au confluent de différents folklores et au sein d'une Histoire alternative réellement savoureuse.

Acteurs :

Gary Merrill (1915-1990) connut une belle carrière au cinéma, mais aussi comme voix off. Il participe également à de nombreuses séries : Laramie, The outer limits, Time Tunnel, Kung-fu, Cannon… Il fut l'époux de Bette Davis.

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12. LA JUNGLE
(THE JUNGLE)

Date de diffusion : 1 décembre 1961
Auteur : Charles Beaumont
Réalisateur : William Claxton

Résumé :

Alan Richards, ingénieur, détruit plusieurs porte-bonheurs rapportés d'un long séjour en Afrique contre l'avis de son épouse qui craint une malédiction indigène. Les phénomènes les plus étranges vont alors se multiplier.

Critique :

Beaumont s'impose de nouveau ici comme l'un des grands maîtres de l'épouvante, mais aussi un partisan éclairé de la rénovation des grands classiques, comme lors de L'homme qui hurle ou de ses films réalisés avec Roger Corman. C'est en effet à un vrai voyage au bout de la terreur que nous convie cet épisode, avec l'intrusion progressive d'une autre réalité, angoissante et surnaturelle, au sein de celle que nous connaissons, rassurante et cartésienne.

Cette invasion ne se traduit que ponctuellement par des effets directs, jouant bien plus judicieusement sur le pouvoir de la suggestion. Sons et vents mystérieux, effets d'ombres et de lumières, angoisse toujours plus insoutenable exprimée par le héros (remarquable John Dehner). La mise en scène de William Claxton enchevêtre habilement plusieurs procédés stimulant avec pugnacité l'imagination du spectateur, sur un mode repris bien plus tard par le formidable Blair Witch Project.

La narration fluide et dosée à la plus fine balance par Beaumont débouche implacablement sur une conclusion aussi brutale qu'absurde, cinglante d'humour noir. Par ce choc entre la jungle du Darkest Africa et celle de béton et d'asphalte, Beaumont renoue avec le meilleur d'auteurs comme Conan Doyle, Edgar Rice Burroughs ou Sax Rohmer, leur sens de l'exotique et de l'aventure, du péril et du souffle représenté par l'inconnu. Il régénère leur style, remplaçant les figures obsolètes par une écriture moderne et dépouillée de toute fioriture.

Avec habileté, Beaumont renvoie également dos à dos impérialistes et défenseurs des traditions ancestrales, également violents et sans pitié, pour se concentrer sur ce qui l'intéresse vraiment et qu'il exprime magnifiquement : la terreur de l'homme face à des forces le dépassant et, en définitive, à la mort, encore et toujours son sujet de prédilection.

Acteurs :

John Dehner (1915-1992), souvent employé dans les rôles de méchants, fut très actif au cinéma (Scaramouche, 1952...) et à la télévision. Il fut aussi régulièrement employé dans les feuilletons radiodiffusés. Il participe notamment à Gunsmoke, Les Incorruptibles, Perry Mason, Maverick, Les Mystères de l'Ouest, Mannix, Columbo, Hawaï Police d'État

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13. IL ÉTAIT UNE FOIS
(ONCE UPON A TIME)

Date de diffusion : 15 décembre 1961
Auteur : Richard Matheson
Réalisateur : Norman Z. McLeod

Résumé :

Woodrow Wilson trouve le monde dans lequel il vit, l'Amérique de 1890, totalement insupportable, et ses concitoyens horripilants au dernier degré. Ce nostalgique aigri essaie le casque de voyage temporel inventé par ses employeurs et se retrouve soudain transporté dans l'avenir, en 1961...

Critique :

Les épisodes humoristiques comptent rarement parmi les plus marquants de l'anthologie, mais pourtant celui-ci va faire date. La participation de Buster Keaton n'apparaît pas tout à fait comme un hasard en ce début des années 60 où sa popularité connaît un regain suite à la redécouverte de ses films. Cependant, bien loin de se contenter d'un effet d'aubaine, l'épisode se manifeste par son ingéniosité et son audace, avec cette idée géniale de reconstituer la magie des comédies burlesques du cinéma muet.

On retrouve ainsi nombre des ingrédients propres à cette époque (allègre musique d'accompagnement, imitation du grain d'image, panneaux explicatifs, gags visuels naïfs et savoureux, gendarme à moustaches, poursuites échevelées, etc.), le tout sur un mode joyeux et particulièrement enlevé.

À cette fin, Rod Serling a eu l'excellente idée de faire appel à un praticien du genre en la personne de Norman Z. McLeod, réalisateur à succès de nombreuses comédies des années 30, dont on sent ici toute la patte. Buster Keaton montre, lui, une belle énergie lors de ces retrouvailles, même s'il ne se lance évidemment plus dans les hallucinantes cascades d'alors.

À l'occasion de cet épisode spécial, que l'on pourrait baptiser avant l'heure de « décalé », La Quatrième Dimension tient à mettre toutes les chances de son côté en recourant à celui qui demeure sans doute son meilleur auteur, Richard Matheson. Celui-ci, dans un exercice de style plus malaisé qu'il n'y paraît au premier abord, parvient à tricoter un astucieux scénario combinant les références au Muet à son style narratif propre où un personnage lambda doit souvent faire face à l'inexplicable.

Certes, les contraintes de l'exercice de style limitent son imagination : après tout le voyage dans le temps reste un thème moins original qu'à l'accoutumée et on sent que le grand écrivain lui-même doit quelque peu tirer à la ligne en milieu de parcours (chez le réparateur) pour atteindre le temps imparti sur un sujet assez minimaliste.

Mais l'histoire fourmille d'idées amusantes comme ces parallèles entre les deux époques ou la déception du scientifique voyageant dans le passé qui double astucieusement la satire des grincheux idéalisant sans cesse « le bon temps ». Une critique atteignant d'ailleurs le spectateur contemporain, éprouvant souvent une nostalgie pour ces années 60 débutantes…

On notera également que le léger ralentissement du milieu de l'épisode relève en fait de l'humour bon enfant des Sixties qui aura finalement bien plus vieilli que le comique échevelé et jubilatoire des films de Buster Keaton ! Un hommage sans doute involontaire, mais se rajoutant à celui, finalement aussi drôle qu'émouvant, que rend Once upon a time à cette grande figure du Septième Art quelques années avant son décès.

Acteurs :

Buster Keaton (1895-1966) fut l'une des figures majeures de l'ère du muet. Ses films représentent l'apothéose des comédies burlesques de l'époque, souvent particulièrement spectaculaires (Le Mécano de la General, 1927 ; Cadet d'eau douce, 1928...). Sa carrière et son comique, bâtis essentiellement sur l'image, souffrirent considérablement du passage au parlant. Quelque peu oublié, le public le redécouvrira à la fin des années 50 à l'occasion d'une ressortie de ses films (Oscar d'hommage en 1959).

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14. CINQ PERSONNAGES EN QUÊTE D'UNE SORTIE
(FIVE CHARACTERS IN SEARCH OF AN EXIT)

Date de diffusion : 22 décembre 1961
Auteur : Rod Serling, d'après une nouvelle de Marvin Petal
Réalisateur : Lamont Johnson

Résumé :

Cinq individus disparates (un militaire, une ballerine, un clown, un clochard, et un joueur de cornemuse) se réveillent dans une tour circulaire, ouverte en son sommet et sans issue visible. De plus totalement amnésiques, les personnages vont tenter de résoudre cette énigme.

Critique :

Cet épisode, l'un des plus réputés de l'anthologie, nous convie réellement à un voyage au bout de l'étrange. Cette impression, présente ici comme jamais, naît de deux sources distinctes, aux effets s'additionnant. La première consiste en l'étrangeté de ce lieu fermé, le mystère de sa nature. Mais s'y rajoute également l'énigme représentée par les personnages eux-mêmes, amnésiques et surtout archétypaux. Leur dimension référentielle, soulignée à plaisir par des comédiens parfaitement expressifs, demeure finalement le plus troublant, instillant le doute sur la nature de leur identité.

Si le militaire, dont le dynamisme dissimule mal la panique, ou le clown, dont l'humour et les facéties font si bien corps avec ce destin ironique, attirent particulièrement l'attention, on reste également sensible à la grâce fragile de la ballerine. Pour l'anecdote, la VO est recommandée pour profiter de l'accent écossais à couper au couteau du joueur de cornemuse.

Cet absurde total de la situation conduit les personnages à multiplier les hypothèses dans un très stimulant échange de théories. De manière amusante, celles-ci ressurgiront quasiment à l'identique lors de la première saison de LOST, dans une situation finalement assez comparable.

Mais surtout cette histoire pousse le spectateur à spéculer lui-même sur les notions de réalité et de relativité du point de vue, sur un mode à la fois similaire et très différent du Huis Clos de Sartre (l'Enfer est explicitement évoqué). Joseph, Estelle et Inès savent exactement qui ils sont et où il se trouvent, à l'exact opposé de nos héros, ce qui peut encore rajouter à l'impact du récit de La Quatrième Dimension.

Les multiples autres résonances envisageables de Five Characters in Search of an Exit (titre évoquant le célèbre Six personnages en quête d'auteur de Pirandello, qui lui aussi joue sur différents niveaux de réalité et d'imaginaire) ne signifient pas que l'épisode revête l'aspect d'une pompeuse conférence, bien au contraire la mise en scène alerte et inventive de Lamont Johnson, ainsi que cet étonnant décor, rendent tout à fait palpitantes les mésaventures des personnages, jusqu'à aboutir à l'une des chutes (au sens propre !) les plus saisissantes de La Quatrième Dimension.

Cet épisode, un conte de Noël autrement plus original et Twilight Zone que le fade Night of The Meek de la saison précédente, connut un vaste écho dans la culture populaire, inspirant notamment le particulièrement troublant Cube (1997) de Vicenzo Natali.

Acteurs :

William Windom (1923-2012) est un vétéran des séries américaines dont le demi-siècle de carrière s'étend des années 50 à 2000. Il participe ainsi à : Les Envahisseurs, Les Mystères de l'Ouest, Le Fugitif, Star Trek, Columbo, Gunsmoke, Banacek, Mission : Impossible, Les rues de San Francisco, Super Jaimie, Kojak, Magnum, JAG, etc.

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15. LA GRANDEUR DU PARDON
(A QUALITY OF MERCY)

Date de diffusion : 29 décembre 1961
Auteur : Rod Serling, d'après une nouvelle de Sam Rolfe
Réalisateur : Buzz Kulik

Résumé :

Alors que la Guerre du Pacifique est sur le point de s'achever, un jeune lieutenant sans expérience du front s'apprête à lancer une attaque aussi meurtrière qu'inutile sur une grotte fortifiée. Soudain, il est mystérieusement transporté dans une situation similaire, mais dans la peau d'un officier japonais.

Critique :

On devine la part de sincérité et d'implication personnelle que véhicule cet épisode pour Rod Serling, lui-même vétéran de la sanglante Guerre du Pacifique. On renoue d'ailleurs ici avec la veine pacifiste souvent exprimée avec talent au cours de son anthologie. Malheureusement, les bons sentiments prennent ici le pas sur l'intérêt de l'histoire.

En effet, rien ne fonctionne, que cela soit les discours sentencieux ou imprécatoires, les postures caricaturales des différents personnages, une mise en scène platement démonstrative, ou encore un décor vraiment minimaliste.

On ressent plus l'impression d'assister à un mauvais film de propagande, certes pour une juste cause, qu'à un épisode de La Quatrième Dimension. Les comédiens de seconds rôles demeurent irréprochables, mais Dean Stockwell manque encore de métier et exprime de manière trop mécanique un officier déjà bien peu subtil. Il s'avère bien meilleur dans le versant japonais du récit.

Reste la curiosité de le voir aux côtés de Leonard Nimoy (très fugacement pour celui-ci), réunissant ainsi deux futures grandes figures des séries de Science-Fiction. Il apparaît pour le moins étonnant qu'un épisode aussi faible, mais certainement ressenti avec davantage d'impact par les Américains, ait été retenu pour le film de 1983, certes avec une considérable réécriture.

Acteurs :

Dean Stockwell (1936) fut un enfant star d'Hollywood durant les années 40 (Les vertes années, 1946...). Hormis quelques rôles marquants chez David Lynch (Blue Velvet, 1986...) et dans Veuve mais pas trop (1988), il reste principalement connu pour son rôle de Al dans Code Quantum (1989-1993). Toujours actif, il participe à Battlestar Galactica (2004-2009).

Leonard Nimoy (1931-2015) incarna le célèbre M. Spock dans Star Trek Classic (1966-1969), mais participa également à bien d'autres séries (Mission : Impossible, Bonanza, Night Gallery, Columbo…). Il annonce sa retraite en 2010 alors qu'il participe encore à Fringe.

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16. RIEN À CRAINDRE
(NOTHING IN THE DARK)

Date de diffusion : 5 janvier 1962
Auteur : George Clayton Johnson
Réalisateur : Lamont Johnson

Résumé :

Une vieille dame vit claquemurée chez elle depuis des années, par peur panique de laisser entrer la Mort en personne. Un jour, un policier blessé la supplie de lui porter assistance…

Critique :

L'épisode apparaît comme une reprise d'un précédent, une de plus cette saison, en l'occurrence le pétillant Pour les anges (saison 1). Mais la comparaison s'interrompt bien vite. Là où son modèle introduisait une fantaisie décapante et bienvenue, n'altérant en rien la substance de son propos, celui-ci tire péniblement à la ligne, avec un climat volontiers misérabiliste et larmoyant au possible.

Le parallèle établi entre la Mort et l'entrepreneur apparaît passablement souligné tandis que le récit se fige dès le début, tant il demeure prévisible, y compris dans sa chute proche du poncif. Les dialogues ressortent parfaitement lénifiants sans craindre l'emploi de quelques grosses ficelles.

Enchâssée dans un huis clos qu'elle ne parvient pas à animer, la mise en scène de Lamont Johnson, que l'on a connu plus inspiré, ne parvient pas à extraire cet épisode particulièrement bavard des travers du théâtre filmé. Robert Redford s'inscrit dans la tonalité d'ensemble de l'épisode en campant un Mister Death singulièrement lisse et glamour, mais dépourvu de réelle dimension. Redford bénéficie déjà d'une belle prestance mais doit encore visiblement faire ses classes de comédien.

À l'opposé, la formidable Gladys Cooper sauve Nothing in The Dark de l'insignifiance grâce à son jeu expressif et convaincant. Cette ancienne du West End semble parfaitement à son affaire dans cette atmosphère particulièrement théâtrale, jusqu'au quasi respect de la triple unité d'action, de temps, et de lieu.

Acteurs :

Gladys Cooper (1888-1971) fut une modèle réputée et une figure du théâtre britannique avant de franchir l'Atlantique dans les années 40 pour connaître également une belle carrière au cinéma (Rebecca, 1940 ; My fair Lady 1964…). Toujours active au soir de sa vie, elle participe également à plusieurs séries des années 60, son ultime rôle étant celui de la Duchesse Ozerov dans Amicalement Vôtre.

Robert Redford (1936) se situe ici à l'orée de sa carrière, encore très télévisuelle (Maverick, Les Incorruptibles…), avant de devenir l'une des plus grandes stars d'Hollywood : Butch Cassidy et le Kid (1969), Les Trois Jours du Condor (1975), Out of Africa (1985), Et au milieu coule une rivière (1992)…

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17. L'EXCENTRIQUE M. RADIN
(ONE MORE PALLBEARER)

Date de diffusion : 29 décembre 1961
Auteur : Rod Serling
Réalisateur : Lamont Johnson

Résumé :

Monsieur Radin, multimilliardaire, a toujours été un tricheur et homme à la moralité douteuse. Trois personnes l'ont révélé sous son vrai jour au cours de sa vie (une institutrice, un pasteur et un officier), l'humiliant publiquement. Il décide de les attirer dans un abri anti-atomique puis de leur faire croire que l'apocalypse est survenue...

Critique :

C'est à une farce mordante et sinistre que nous convie ici Rod Serling. Renonçant pratiquement à tout élément surnaturel, il va dresser une vue en coupe subtile et finalement très littéraire de Radin. Sûr de lui et dominateur, volontiers plastronnant, il apparaît au début convaincu que ses trois contempteurs vont abdiquer toute dignité pour demeurer en vie, assurant son triomphe final.

Les dialogues, superbement écrits, montrent bien la dualité existant entre son apparence fringante et sa réalité nettement plus mesquine. La suite va se révéler un implacable renversement du piège. Les trois vertueux personnages, campés avec morgue (le scénario évite le manichéisme), demeurant insensibles à la tentation, Radin va peu à peu perdre de sa superbe et révéler progressivement un effarement virant plus à la panique qu'à la colère.

Ce dégradé impitoyable, magnifiquement exprimé par le talentueux Joseph Wiseman, fait tout le prix d'un épisode de plus porté par un excellent décor et une mise en scène judicieuse de la part de Lamont Johnson. Tout juste regrettera-t-on une chute pas tout à fait imprévisible et quelque peu superfétatoire à l'issue de ce huis clos psychologique.

One more pallbearer titillera agréablement les amateurs de James Bond. Dans ses attitudes de la première partie, Wiseman évoque nettement le Dr. No, raffiné, à l'humour mordant et cynique. Son antre, très design et bourré de gadgets presse-bouton, rappelle également beaucoup les repaires archétypaux des grands méchants des années 60, particulièrement ceux de 007. Une scène frappe fortement, celle des trois « invités » arrivant dans le bunker et se voyant accueillis par un Radin invisible, s'exprimant par un haut-parleur. On se croirait devant Dent venu au rapport et avant de recevoir la fameuse araignée ! C'est à se demander si cet épisode n'a pas influé sur son choix comme interprète du maléfique docteur. Un plaisir décalé mais bien réel à apporter au crédit de cet épisode très réussi.

Acteurs :

Joseph Wiseman (1918-2009) reste célèbre pour avoir incarné le Dr. No, premier adversaire de James Bond au cinéma (1962). Il apparut également dans plusieurs séries : Les Incorruptibles, Les rues de San Francisco, Law & Order

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18. LES CHAUSSURES DIABOLIQUES
(DEAD MAN'S SHOES)

Date de diffusion : 19 janvier 1962
Auteur : Charles Beaumont
Réalisateur : Montgomery Pittman

Résumé :

Un clochard récupère des chaussures, mais celles-ci ont appartenu à un gangster ayant été abattu par des rivaux. L'esprit de celui-ci va s'emparer du corps du malheureux afin d'exercer sa vengeance...

Critique :

Épisode vraiment minimaliste que celui-ci. Alors que La Quatrième Dimension doit sa juste renommée à son modernisme et à sa capacité d'imagination, ici elle se contente d'exploiter l'un des éléments plus fondamentaux du Fantastique en le mixant simplement avec le film noir, un genre jetant ses derniers feux en cette orée des années 60. En effet la possession, immédiate ou progressive, d'un individu par le précédent propriétaire d'un objet ou d'un endroit lui ayant appartenu, reste un grand classique du surnaturel d'un Lovecraft ou d'un Howard.

L'écran en a d'ailleurs expérimenté une forme quelque peu nouvelle avec les organes ou les diverses parties du corps humain : cœur, yeux ou mains. Ainsi le chef-d'œuvre français que constitue Les Mains d'Orlac (publié en 1921) vient-il d'être à l'affiche en 1961 ! C'est dire combien l'anthologie innove.

Au-delà du choix du thème de l'épisode, c'est davantage son traitement qui contrarie. D'habitude, on apprécie vivement la réécriture moderne et pertinente des Anciens par Beaumont. Mais avec cet épisode, tout en demeurant fidèle à son thème central, la Mort, il commet une grande erreur d'appréciation en ne se situant plus que marginalement dans le Fantastique, pour au contraire privilégier le roman noir ou de gangsters.

La dimension surnaturelle devient une spécificité mineure du récit, non pas son axe principal. Certes les amateurs des Incorruptibles et autres œuvres similaires pourront trouver leur compte dans cette histoire si conforme aux canons du genre, au point parfois d'en figurer une caricature parfois schématique. Dagget et ses sbires composent des gangsters archétypaux, et Wilma campe l'éternelle femme fatale (en français dans le texte), tandis que l'on retrouve une rivalité sanglante des plus classiques. Prenez un scénario archi rebattu, substituez simplement la survie miraculeuse de rigueur du héros par un gadget paranormal, et vous obtiendrez Les chaussures diaboliques.

Or, il y a un temps pour tout. Quand on regarde The Twilight Zone, c'est pour découvrir de passionnantes et ébouriffantes histoires relevant du Fantastique ou de la Science-Fiction, pas pour s'égarer en d'autres contrées où cet aspect se limiterait à un alibi. Cette inversion des priorités narratives ne peut que laisser un goût d'inachevé (ce que connaîtra par exemple X-Files lors du très bon mais hors sujet Pine bluff variant). Certes, certains éléments viendront relativiser ce fait, comme la solide prestation de Warren Stevens ou l'efficacité de la mise en scène de Montgomery Pittman.

Mais la frustration prédomine tout de même, d'autant que la chute, habituellement un atout pour l'anthologie, se révèle un nouveau cliché. Le moment le plus Quatrième Dimension demeure certainement de voir Rod Serling faire l'apologie du tabac ("À consommer sans modération !") pour son sponsor lors de la présentation de l'opus suivant !

L'épisode fera l'objet d'un remake au cours de la première saison de La Cinquième Dimension (1985), aussi peu concluant malgré une superbe composition de la grande Helen Mirren.

Acteurs :

Warren Stevens (1919-2012), acteur aux multiples seconds rôles, a participé à de très nombreuses séries américaines : Les Incorruptibles, Laramie, Perry Mason, Gunsmioke, Bonanza, I Spy, Mission : Impossible, The Time Tunnel, Police Woman, Cannon, Wonder Woman, Urgences...

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19. LA CHASSE AU PARADIS
(THE HUNT)

Date de diffusion : 26 janvier 1962
Auteur :
Earl Hamner Jr.
Réalisateur : Harold Schuster

Résumé :

Hyder Simpson, un chasseur vétéran vivant dans l'Amérique rurale, se noie dans une rivière en portant secours à son chien. Leurs esprits rencontrent un homme se présentant comme Saint-Pierre. Celui-ci déclare à Hyder qu'il peut entrer au Paradis, mais à condition d'abandonner son chien...

Critique :

The Hunt, ou quand La Quatrième Dimension prend ses quartiers à Walnut Grove. Depuis son commencement, l'anthologie oppose souvent les vertus d'une Amérique éternelle, idéalisée et volontiers rurale, aux déséquilibres et aux aliénations véhiculés par le monde moderne. Cette idée, que l'on retrouve dans des épisodes comme Walking Distance ou A stop à Willoughby, se manifeste ici avec plus de force encore qu'à l'accoutumée. Si cet attachement à cette société (ou plutôt à l'image qu'il s'en est forgé) manifesté par Earl Hamner Jr paraît sincère, il n'en ressort malheureusement guère d'élément passionnant pour le spectateur.

L'entrée en matière prend beaucoup trop de place dans l'intrigue ; de même la période de latence, où le héros ne comprend pas ce qui lui arrive, s'étend également démesurément. De plus, elles ne servent pratiquement qu'à instiller platement les clichés inhérents à ce petit monde, vus et revus dans La petite maison dans la prairie ou nombre de Westerns de l'âge d'or.

On s'ennuie durant cette histoire prévisible et démonstrative au possible quand le scénario semble enfin démarrer avec les rencontres se déroulant dans l'au-delà. On retrouve alors la saveur de nombreux contes et légendes de nos terroirs, mais aussi du folklore américain. L'on ne peut que regretter que cet aspect ne se voie pas davantage développé, se limitant à quelques dialogues aussi naïfs que plaisants.

La conclusion survient dès lors bien rapidement, avec une chute tombant tout à fait à plat tellement elle avait été anticipée. Elle poursuit jusqu'à son terme l'aspect country de cette fable finalement très classique par ailleurs. On y retrouve de plus la patine rétro participant au plaisir suscité par La Quatrième Dimension, car à notre époque de forte sensibilité écologique, ce Paradis où l'on organise régulièrement des chasses ferait se froncer plus d'un sourcil !

Au crédit de The Hunt, l'on pourra également porter la composition étonnante de naturel d'un Arthur Hunnicutt jouant sur du velours, tant ce personnage s'inscrit au cœur de son répertoire. Mais son métier et son registre si calibré empêchent justement l'épisode de s'orienter vers un second degré fantaisiste où cette histoire d'au-delà en chemises à carreaux aurait pu s'épanouir.

Si Harold Schuster tire un joli parti des décors naturels puis de réalisations en studio fort réussies, il se contente par ailleurs de filmer platement l'action en cours (ou ce qui en tient lieu). D'abord agréables, les ritournelles country deviennent vite larmoyantes et appuyées, on sature très vite. L'épisode demeure cependant une vibrante déclaration d'affection au meilleur ami de l'homme et devrait trouver un écho favorable parmi les amateurs de séries animalières.

Au total, pour la première de ses huit participations à l'anthologie, ce chantre de l'Amérique rurale qu'est l'écrivain Earl Hamner (The Waltons, Falcon Crest...) installe son univers mais sans réellement convaincre.

Acteurs :

Arthur Hunnicutt (1910-1979) se spécialisa dans les Westerns. Son personnage fétiche fut celui de l'homme de la campagne, bougon mais avisé. Il participa ainsi à de nombreux films des années 50 et 60 (El Dorado, 1967...) mais aussi à de nombreuses séries du genre. En 1975, pour l'un de ses derniers rôles, il incarna Oncle Jesse dans Moonrunners, le film dont la série dérivée fut Shérif, Fais-Moi Peur (1979-1985).

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20. RÈGLEMENTS DE COMPTE POUR RANCE MCGREW
(SHOWDOWN WITH RANCE MCGREW)

Date de diffusion : 2 février 1962
Auteur : Rod Serling
Réalisateur : Christian Nyby

Résumé :

Rance McGrew, vedette d'une série télé de Western, se montre particulièrement infatué et tire sans cesse la couverture à lui durant les tournages, jusqu'à rendre l'action invraisemblable. Un beau jour, l'esprit de Jesse James se manifeste et le fait pénétrer dans cet Ouest mythique que l'acteur traitait jusque-là avec mépris...

Critique :

L'exercice de style du film dans le film produit toujours un effet stimulant et nous a valu nombre de réussites, de La Nuit Américaine au Hollywood des X-Files, sans bien entendu oublier le Caméra meurtre de Chapeau Melon et Bottes de Cuir.

Dans un premier temps, l'épisode divertit grâce à un recours réussi à cette méthode, mêlant l'humour bon enfant caractéristique des années 60 à un micro documentaire intéressant sur les tournages des séries de Western. Ce genre très codifié (Gunsmoke, Maverick…) demeure encore très populaire, mais sa forme classique a connu son apogée durant les années 50 (à l'instar du grand écran), et le début des années 60 voit son étoile commencer à pâlir.

L'épisode en reconstitue les tournages avec une savoureuse ironie, avec à la clef un joli catalogue des divers procédés utilisés lors des passages archétypaux que ne démentirait certainement pas Z.Z. Von Schnerk ! Les gags se montent volontiers divertissants même si Larry Blyden agace vite tant son personnage se montre irritant. On apprécie vivement la composition de Robert O. Cornthwaite en réalisateur au bord de la crise de nerfs !

Malheureusement, après ce prologue plutôt réussi, l'épisode va opérer un consternant contre-sens dès lors qu'il pénètre au cœur de son récit. En effet, le fantôme de Jesse James (tout comme le commentaire un rien sentencieux de Serling) reproche à Rance McGrew de trahir la vérité du Far West par sa série ridicule, mais la vision qui en est donnée apparaît tout aussi caricaturale et contraire à la réalité historique de cette époque. James vit dans un Western aussi primaire et manichéen que celui de Rance, ce qui enlève beaucoup de sa pertinence à la démonstration.

Caractéristiquement, les décors et les attitudes demeurent semblables ; on peut difficilement en vouloir à un acteur de ne pas correspondre aux rôles qu'il interprète… L'épisode passe ainsi à côté de son sujet et de plusieurs scènes hilarantes. Par ailleurs, l'intrigue demeure particulièrement simpliste et se concluant par une vraie ellipse, évacuant le problème de l'accueil que connaîtra une série dont le héros perd à chaque épisode. La mise en scène de Nyby, grand spécialiste du Western en série, demeure agréable, mais les seconds rôles se révèlent aussi rudimentaires que de coutume dans ce genre de série.

Si La Quatrième Dimension sait saisir une nouvelle fois l'air du temps, au moment où le Western télévisé traditionnel commence doucement mais sûrement à se ringardiser, on pourra également trouver un peu inélégant de s'en prendre ainsi à la maison d'en face, alors qu'une histoire du même type, sur un ton plus corrosif, aurait pu s'envisager autour de la Science-Fiction de l'époque (celle véhiculée par The Outer Limits). Galaxy Quest (1999) concrétisera avec humour et audace cette idée, sans oublier d'égratigner au passage les fans, grands absents de Showdown with Rance McGrew.

Acteurs :

Larry Blyden (1925-1975) réalisa quelques apparitions à l'écran mais demeure surtout connu pour sa carrière aux nombreux succès sur les scènes de Broadway. À partir de 1967, il devient très populaire comme animateur de jeux télévisés ou d'émissions de variété. Il décède des suites d'un accident de voiture survenu durant des vacances au Maroc. Il participe également à l'épisode Enfer ou Paradis.

Robert O. Cornthwaite (1917-2006) est une référence de la Science-fiction au cinéma ; il participe en effet à plusieurs films majeurs du genre : The Thing from Another World (1951), The War of the Worlds (1953), Colossus (1970)... S'il joue également dans nombre de séries télé, il demeure néanmoins avant tout un acteur de théâtre, réputé notamment pour ses adaptations de classiques français à Broadway.

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21. JEUX D'ENFANTS
(KICK THE CAN)

Date de diffusion : 9 février 1962
Auteur : George Clayton Johnson
Réalisateur : Lamont Johnson

Résumé :

Charles Whitley, vivant dans une résidence pour personnes âgées, regrette ses vertes années. Il décide de jouer au ballon avec des enfants, persuadé qu'ainsi il pourra rajeunir. Ses amis demeurent totalement sceptiques...

Critique :

Kick the Can illustre à la perfection les difficultés de renouvellement qu'affronte l'anthologie alors que l'on approche à grands pas du centième épisode. En effet, il demeure difficile de ne pas y discerner un remake particulièrement transparent de Parasites, de plus sur un mode bien mineur. Là où son modèle parvenait à susciter une atmosphère étrange et émouvante tout en développant un véritable scénario, Jeux d'enfants se contente d'un récit particulièrement schématique et mal agencé.

Passée l'exposition du postulat follement original selon lequel garder à l'esprit la magie de l'enfance (mais aussi la capacité de rébellion) conserve la vraie jeunesse, mâtinée d'un soupçon de fantastique désarmant de naïveté, la progression dramatique se résume à un immobilisme verbeux.

On débouche ensuite sur une conclusion brusquement accélérée et laissant subsister de trop grandes zones d'ombre quant au devenir des personnages. Sur ce point, l'auteur amendera d'ailleurs son récit ultérieurement comme le reprendra le film de 1983, qui assez inexplicablement retiendra cet épisode parmi sa sélection. 

La malice de George Clayton Johnson se dilue ici dans une certaine facilité alors que l'on ne trouvera pas davantage d'intérêt dans les dialogues convenus de personnages se résumant à des clichés ou dans la mise en scène sans imagination de Lamont Johnson. Fort heureusement, Ernest Truex manifeste le même talent que lors de Je sais ce qu'il vous faut. Sa vivacité et son allant confèrent une vraie crédibilité à son personnage entreprenant et refusant la résignation. On lui doit les moments les plus entraînants de cet épisode très anodin par ailleurs.

Les seconds rôles se montrent pareillement excellents. Comme souvent dans La Quatrième Dimension, le demi-siècle écoulé depuis le tournage apporte une saveur documentaire au spectacle avec cette vision d'une maison retraite de la classe moyenne du début des années 60 et une découverte de ce jeu de plein air essentiellement américain que demeure encore aujourd'hui le «  Kick the can ».

Acteurs :

Ernest Truex (1889-1973) fut un enfant prodige du théâtre, déclamant Shakespeare dans tous les États-Unis à l'âge de neuf ans. Il connut par la suite une très belle carrière à Broadway comme acteur, mais aussi metteur en scène. Après quelques essais au temps du muet, il se tint néanmoins éloigné des écrans, hormis les adaptations de pièces de théâtre qui fleurirent au début des productions télévisuelles. Sur le tard, il apparut régulièrement dans les anthologies de la fin des années 50. Il participe également à l'épisode Je sais ce qu'il vous faut.

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22. UN PIANO DANS LA MAISON
(A PIANO IN THE HOUSE)

Date de diffusion : 16 février 1962
Auteur : Earl Hammer Jr.
Réalisateur : David Greene

Résumé :

Fitzgerald Fortune, brillant mais impitoyable critique de théâtre, fait l'acquisition d'un étrange piano. Sous l'influence de sa musique, les auditeurs révèlent leur personnalité profonde et leurs secrets. Fortune va dès lors se moquer cruellement de son entourage...

Critique :

Tout au long de A piano in the house, l'on ressent comme une véritable atmosphère à la Oscar Wilde avec cette description au scalpel d'une haute société bâtie sur l'hypocrisie et le refoulement. L'apparente courtoisie dissimule une authentique cruauté alors même que les victimes se révèlent finalement aussi peu charitables que leur bourreau.

Le Fantastique subtil et finalement très victorien véhiculé par le fatidique piano révèle les soubassements de nos pensées. L'effet en ressort bien plus troublant que l'apparition d'un monstre quelconque ou des extraterrestres de carton-pâte peuplant la Science-fiction de l'époque tant le véritable effroi réside dans l'esprit humain. D'un point de vue plus trivial mais néanmoins savoureux, l'instrument nous apporte également de fort jolies mélodies aussi agréables que variées, convenant idéalement à leur destinataire.

On apprécie le savant dégradé de l'intrigue partant d'une situation humoristique pour progresser dans un drame psychologique toujours plus poignant. Enfin, la mise en scène de Greene se montre particulièrement vive et imaginative, mettant fort efficacement en valeur l'époustouflante démonstration de Barry Morse.

En effet, à côté d'excellents seconds rôles (notamment Joan Hackett), l'épisode demeure dominé par l'extraordinaire prestation du regretté acteur. Alors que tant de comédiens de l'époque se sont spécialisés dans un emploi, celui-ci a toujours manifesté le même talent à travers les rôles les plus variés que l'on puisse imaginer. Ici également, il stupéfie par l'intensité de son jeu et le charisme quasi démoniaque qu'il apporte à son personnage, avant de restituer à merveille son effondrement personnel concomitant à la chute sociale, jusqu'à conférer une dimension psychanalytique à l'épisode.

On pourrait s'interroger sur l'impact d'un héros aussi néfaste qu'imposant et considérer qu'il fait de l'ombre au piano lui-même ; ce dernier semblerait plus étrange et fascinant encore sans maître et en pivot unique de l'histoire, mais la prestation de Morse paraît si époustouflante qu'elle balaie cette opposition. On regrette par contre que le récit ne soit pas allé assez loin dans la noirceur des victimes.

Enfin l'on remarque que l'épisode jette un regard particulièrement acide sur la profession de critique, ce dernier se percevant comme une intelligence impitoyable mais vide, reposant sur une personnalité aussi immature que trouble. Sur ce point, l'auteur a dû essuyer quelques douloureuses déceptions par le passé…

Acteurs :

Barry Morse (1918-2008) constitue une figure importante de l'histoire des séries télé grâce notamment à ses rôles récurrents dans Le Fugitif, Cosmos 1999 (inoubliable Pr. Victor Bergman) ou encore L'Aventurier... Il connut également une longue et active carrière à la radio, au théâtre, et au cinéma, tout en restant remémoré pour sa grande implication dans de nombreuses œuvres de charité.

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23. LES FUNÉRAILLES DE JEFF MYRTLEBANK
(THE LAST RITES OF JEFF MYRTLEBANK)

Date de diffusion : 23 février 1962
Auteur : Montgomery Pittman
Réalisateur : Montgomery Pittman

Résumé :

Dans une petite ville de l'Amérique rurale, Jeff Myrtlebank ressuscite au beau milieu de ses funérailles. Il devient dès lors un homme différent, bien meilleur que précédemment. Mais ses concitoyens se demandent rapidement s'il n'est pas possédé par le démon...

Critique :

Après The Hunt, nous revoici plongés dans l'Amérique country, un sujet décidément évoqué avec régularité tout au long de l'anthologie. Toutefois, ces deux épisodes expriment des tonalités tout à fait distinctes. Earl Hamner Jr, écrivain plaçant l'exaltation de la ruralité au cœur de son œuvre, décrivait une société bon enfant et fondamentalement positive, dont la gentillesse des habitants pouvait à force résulter quelque peu mièvre. Il en va différemment ici, l'écrivain volontiers caustique que demeure Montgomery Pittman jetant un regard bien plus sarcastique sur ce petit monde si différent de Walnutt Grove.

Le bon docteur devient un escroc imbu de lui-même et n'hésitant pas à mentir comme un arracheur de dents pour sauvegarder son prestige, tandis que les citoyens s'avèrent superstitieux et bornés. Le rapport à la violence se voit également joliment croqué, avec un fier-à-bras plastronnant sur ses peu reluisants exploits dans l'assentiment général, ou un groupe se montrant agressif car se sentant dominant, puis hypocrite quand le rapport de force s'inverse. Les femmes ne sont guère épargnées non plus, entre oie blanche et amatrices de ragots. La farce demeure bien entendu légère et humoristique, mais laisse clairement entrevoir une société assez rude.

Les acteurs participent avec entrain à cette charge, avec des accents joyeusement caricaturaux. Il faut vraiment écouter l'épisode en version originale pour percevoir comment ils y vont tous franchement, jusqu'à devenir vraiment hilarants. Le cabotinage réjouissant de l'excellent James Best donne d'ailleurs envie de découvrir de la sorte quelques épisodes de Shérif, fais-moi peur ! Que le fils de cet individu des plus troublants qu'il incarne devienne ultérieurement sénateur parachève la réussite de cette satire acidulée.

En tant que réalisateur, Montgomery Pittman donne de l'allant à son récit, tandis que son Fantastique pétillant et amoral accompagne idéalement ces truculents portraits, jusqu'à aboutir à une conclusion aussi désarçonnante que bien amenée. On se situe loin de l'au-delà enfantin de The Hunt. L'audace de ces deux aspects de l'intrigue apporte une authentique drôlerie à cet épisode tonique, au happy end des plus singuliers.

La Quatrième Dimension se montre volontiers inégale quand elle s'aventure dans la comédie, mais cet opus s'impose comme une authentique réussite.

Acteurs :

James Best (1926-2015) est un spécialiste des seconds rôles de Western, genre dans lequel il apparut près de 300 fois au grand comme au petit écran. Il reste néanmoins remémoré pour son rôle de shérif abruti dans Shérif, fais-moi peur (1978-1985). Il participe à deux autres épisodes de l'anthologie, Vengeance d'outre-tombe et Jess-Belle. James Best a publié ses mémoires en 2009.

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24. COMMENT SERVIR L'HOMME
(TO SERVE MAN)

Date de diffusion : 2 Mars 1962
Auteur :
Rod Serling, d'après une nouvelle de Damon Knight
Réalisateur : Richard L. Bare

Résumé :

À l'intérieur d'un vaisseau spatial extra-terrestre, un homme se remémore l'arrivée de ces visiteurs très particuliers. Les Kanamits se montrent particulièrement sympathiques, n'affichant qu'une seule ambition : servir l'Homme.

Critique :

Avec Damon Knight (1922-2002), La Quatrième Dimension accueille l'une des plumes les plus prestigieuses de la Science-Fiction. Ce célèbre auteur, spécialisé dans la nouvelle, développa une littérature particulièrement imaginative et élégante, tout en tenant un grand rôle d'éditeur et de découvreur de talents. Il reste également remémoré comme le premier grand critique du genre, souvent incisif. In search of Wonder, recueil de ses différents billets, demeure encore aujourd'hui un ouvrage de référence sur la période dite de l'âge d'or. Et c'est bien cette veine décapante qui va s'exprimer ici avec un brio particulier.

En effet, To serve Man constitue une relecture joyeusement iconoclaste d'un des classiques absolus de la période : l'arrivée d'extra-terrestres hostiles, cherchant à détruire ou à asservir l'Humanité. Tous les poncifs du genre s'y voient détournés, comme fonctionnant à l'envers : les Kanamits se montrent amicaux et les militaires se montrent préoccupés de ne pas se retrouver au chômage. Les figures tutélaires du héros et de sa blonde assistante s'inversent également puisque c'est cette dernière qui résout l'énigme et que le champion demeure totalement impuissant. Paru en 1950, en pleine prédominance de la Science-fiction classique, ce récit démontre une renversante originalité par sa conclusion pessimiste. Cette chute stupéfiante brille également par son humour noir, constituant le point d'orgue de cette farce cruelle et audacieuse. Elle constitue l'archétype du style narratif propre à The Twilight Zone dont elle représente l'un des moments les plus célèbres. Rod Serling réalise en effet un excellent travail de réécriture au format télévisuel. Il choisit et adapte fort judicieusement ce texte alors même que son anthologie se conçoit comme une rupture avec ce type de Science-Fiction, à l'orée de la nouvelle vague des années 60 dont elle constitue l'un des flambeaux.

Mais l'intérêt de To serve Man ne se cantonne pas au brio de cet exercice de style, l'épisode comportant de nombreuses pépites faisant de lui un spectacle divertissant au plus haut point. Il comporte ainsi de magnifiques inserts du New-York et de l'ONU des Sixties, lui conférant une saveur documentaire fort agréable. On retrouve également la paranoïa propre à la Guerre Froide, les nations se retranchant derrière des protections alors même que l'idée de guerre devient absurde. On ne peut que recommander la vision de l'épisode en version originale, le délégué français de l'ONU nous valant un anglais à l'accent tricolore hilarant qui ne sera pas sans évoquer quelques souvenirs aux amateurs des Avengers. Ceux-ci découvriront un procédé proche de La mangeuse d'hommes du Surrey, relecture pour le coup franchement décalée de ce type d'histoire. La mise en scène de Bare fourmille d'excellentes idées comme l'apparition filmée en ombre chinoise du Kanamit (soulignée par une apparition de Rod Serling plus tardive que de coutume), les traductions écrites comme un  télégramme, l'emploi judicieux de décors une nouvelle fois récupérés sur ceux de Planète Interdite, ou le héros s'adressant directement au public. Quoique muette, l'imposante apparition de l'inoubliable Richard Kiel, grimé de manière incroyable selon les pires canons de l'époque, achève de rendre l'épisode particulièrement succulent.

Malgré quelques petites invraisemblances sans réelle conséquence (l'oubli du livre ou un mot kanamit présentant exactement le même double sens qu'en anglais), le succès de l'épisode fut considérable, le propulsant comme l'un des plus célébrés de La Quatrième Dimension (épisode le mieux noté sur Imdb : 9.3/10). Son impact sur la pop culture demeure toujours vivace et des références y sont faites dans de nombreuses œuvres : Buffy et Angel, Les Simpson et Futurama, le MillenniuM de Chris Carter, Warcraft, etc. Lloyd Bochner, le professeur, reprendra même son rôle dans un caméo dans Y a-t-il un flic pour sauver le président ? en brandissant le livre-clé et hurlant la fameuse révélation finale !

Acteurs :

Richard Kiel (1939-2014) reste bien entendu l'interprète du redoutable Requin, adversaire de 007 dans L'Espion qui m'aimait puis dans Moonraker. Atteint d'acromégalie, son physique imposant faillit lui valoir le rôle de Hulk, qui finalement échut à Lou Ferrigno. Il participa également à de nombreuses séries B ainsi qu'aux Mystères de l'Ouest où il incarna Voltaire, le géant au service de l'infâme Dr Loveless.

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25. LE FUGITIF
(THE FUGITIVE)

Date de diffusion : 9 mars 1962
Auteur : Charles Beaumont
Réalisateur : Richard L. Bare

Résumé :

Le vieux Ben est la coqueluche des enfants d'un quartier paisible d'une petite ville américaine. Il est particulièrement apprécié par Jenny, petite fille souffrant d'un handicap à la jambe. Un jour, deux policiers apparaissent, recherchant le vieux Ben...

Critique :

Mais quelle mouche a bien pu piquer Charles Beaumont ? L'écrivain, si habile dans la modernisation des figures classiques du Fantastique et les thématiques sombres aux confins de l'épouvante, décide visiblement de changer totalement de registre.

Malheureusement, cela le conduit à nous présenter un récit confondant de mièvrerie, accumulant les maladresses : pathos facile de la petite fille handicapée, dialogues lénifiants, extra-terrestre ridicule, happy end de rigueur et dépourvu de toute chute marquante, etc. Les quelques efforts d'un valeureux Bare pour dynamiser cette intrigue butent sur le manque de moyens et une musique pompière rapidement insupportable à force de souligner au centuple la moindre péripétie.

Au total, au lieu d'un épisode de The Twilight Zone, on se retrouve face à une histoire destinée à la jeunesse, mais avec cette naïveté édifiante propre aux productions similaires de l'époque.

Certes on perçoit bien ce que Beaumont a voulu écrire. D'une part, il critique le rationalisme adulte incapable de s'ouvrir au merveilleux de l'enfance (comme dans The big tall wish en saison 1), mais le personnage choisi pour cela, Madame Gann, verse trop dans la caricature pour rester pertinent. On peut y demeurer hermétique sans être pour autant une caractérielle bornée. Mais la grande idée de l'épisode se voit explicitée lors de sa présentation par Serling.

Cette double définition en constitue d'ailleurs de loin le moment le plus intéressant (It's been said that Science Fiction and Fantasy are two different things, Science Fiction the improbable made possible and Fantasy, the impossible made probable. What would you have if you put the two different things together?). Mêler ces deux genres a effectivement été mené avec succès, mais cela nécessite un cadre autrement plus vaste que les courts récits de l'anthologie ; leur brièveté force à la simplification, d'où cette histoire d'extraterrestres magiciens assez affligeante.

L'échec prévisible de The Fugitive, malgré les excellents comédiens, ne pouvait que se vérifier du fait de cette contradiction initiale. Il reste d'ailleurs caractéristique que Serling ait dû apparaître une seconde fois, évènement rarissime, pour pouvoir boucler l'histoire !

Acteurs :

J. Pat O'Malley (1904-1985) connut une carrière de chanteur à succès dans la Grande-Bretagne d'avant-guerre. Arrivé à Hollywood, il apparut régulièrement au grand et au petit écran où il fut l'une des figures des toutes premières séries télé, principalement à destination de la jeunesse (The Adventures of Kit Carson, 1951-1955 ; Spin and Marty, 1955-1957...). Il réalisa également de nombreuses voix pour les dessins animés de Walt Disney.

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26. LA PETITE FILLE PERDUE
(LITTLE GIRL LOST)



Date de diffusion : 16 Mars 1962
Auteur : Richard Matheson
Réalisateur : Paul Stewart

Résumé :

Chris et Ruth sont réveillés en pleine nuit par les pleurs de leur petite fille, Tina. Or, si les plaintes de celle-ci se font entendre dans sa chambre, elle demeure invisible. La vérité s'impose : Tina a glissé dans un univers parallèle et ne parvient pas à revenir...

Critique :

Little girl lost renoue avec le talent si particulier de Richard Matheson pour plonger des quidams dans des situations absurdes au sein d'un quotidien banal. L'anthologie lui doit nombre de ses meilleurs moments, dont celui-ci. L'étrangeté de la situation saisit immédiatement le spectateur tandis qu'un vrai suspense s'instaure.

On pourrait certes objecter que le thème des failles dimensionnelles a déjà été passablement traité dans la littérature classique et que Matheson se montre moins original que de coutume. Mais cette insertion dans un foyer américain moyen en fait tout le prix, de même que la personnalité des protagonistes, en rien des aventuriers ou des explorateurs. On ressent de la sorte beaucoup plus étroitement l'angoisse des parents et l'effarement du physicien. Le décor s'avère une vraie réussite de ce point de vue.

On s'aperçoit de nouveau de l'efficacité du format court d'épisodes limités à 25 minutes car cette intrigue montrant des adultes à l'écoute d'une enfant pourrait vite virer à l'immobilisme. Tout juste ressent-on un léger ralentissement en milieu d'épisode.

La caméra de Paul Stewart, excellent comédien de genre s'adonnant avec talent à la réalisation, parvient à donner vie au récit en multipliant les angles de vues et en suivant avec acuité les tourments des parents. Ceux-ci sont par contre interprétés avec une certaine emphase, particulièrement la mère. Avec les moyens du bord, Stewart parvient également à créer un univers parallèle onirique et fascinant, particulièrement suggestif. On note qu'après The Hunt, cet épisode rend une nouvelle fois hommage au meilleur ami de l'homme, dévoué et intrépide !

La seule vraie faiblesse de La petite fille perdue réside dans le fait que son héroïne soit justement une petite fille. Notre époque et ses représentations télévisuelles sont devenues bien plus rudes et explicites que durant les années 60, mais la mort d'un enfant survenant dans une série demeure un phénomène rare et marquant les esprits. Autant dire que, malgré les excellents moments de suspense mis en place par l'histoire, l'on ne croit jamais à une issue malheureuse. L'incertitude dynamisant souvent les récits de Matheson se ressent donc bien moins vivement dans cet opus. Le public français s'amusera par contre de l'emploi de l'expression « Quatrième dimension » tout au long de l'épisode, ajoutant un sel particulier à ce dernier.

Acteurs :

Charles Aidman (1925-1993) apparaît également dans l'épisode Les trois fantômes. Il est surtout remémoré pour avoir incarné Jeremy Pike, partenaire temporaire de James West dans Les Mystères de l'Ouest tandis que Ross Martin se remettait d'une blessure. Il fut également l'un des narrateurs de La Cinquième Dimension.

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27. PERSONNE INCONNUE
(PERSON OR PERSONS UNKNOWN)



Date de diffusion : 23 Mars 1962
Auteur : Charles Beaumont
Réalisateur : John Brahm

Résumé :

David Gurney semble vivre un vrai cauchemar : plus personne ne le connaît, ni ses collègues, ni sa famille. On pense au contraire qu'il souffre de maladie mentale !...

Critique :

Après la tentative peu concluante de The Fugitive, Beaumont continue à s'affranchir de ses thématiques coutumières, cette fois en adoptant un style très proche de celui de son confrère Richard Matheson (l'épisode ressemble d'ailleurs passablement à Un monde différent du même Matheson). On retrouve donc un citoyen lambda, confronté à un dérèglement absurde et inexplicable de la réalité, et l'élève rivalise avec le maître tant Beaumont maîtrise visiblement son sujet.

Cette histoire ressemble réellement à un cauchemar éveillé et déstabilise totalement le spectateur, confronté au même manque de repères que le malheureux héros. Beaumont s'offre le luxe d'une chute aussi stupéfiante et terrifiante que celles élaborées par Matheson. Son récit s'inscrit avec bonheur dans un autre courant de l'anthologie, celui de l'effroi amplifié par la solitude et l'incommunicabilité qu'affronte le protagoniste. Et rarement un personnage aura tant ressenti ces sentiments que Gurney, pourtant ironiquement entouré par ses proches !

Mais Beaumont ne se contente pas d'installer un concept, il développe également une analyse psychologique très fine autour de Gurney dont on suit avec clarté l'évolution : agacement suivi de colère devant ce qu'il estime constituer une blague puis un complot, angoisse quand le phénomène s'amplifie jusqu'à échapper à toute explication logique, volonté de lutte puis effondrement devant le triomphe de l'irrationnel. Sur l'ensemble de cet implacable récit s'étend l'ombre de la folie gagnant le héros, d'ailleurs évoquée en contrepoint par cet asile d'aliénés assez glaçant.

Cette écriture subtile s'appuie sur l'excellente composition de Richard Long qui apporte un naturel confondant à son personnage. Ses réactions successives pourraient fort bien être les nôtres, y compris son terrible silence final. Il en va d'ailleurs de même pour les seconds rôles, tous très crédibles.

Hormis un saut à travers une vitre inutilement spectaculaire, la mise en scène de John Brahm refuse intelligemment l'accentuation. Elle s'insère ainsi parfaitement dans l'effrayante véracité faisant le charme de cet épisode particulièrement abouti, représentant la quintessence du style Twilight Zone.

Acteurs :

Richard Long (1927-1974) reste principalement remémoré pour son rôle récurrent de Jarrod Barkley dans La Grande Vallée (1965-1969). il joue également dans Bonanza, Maverick, Alfred Hitchcock présente, Nanny and the Professor, etc. Richard Long décède préméturément d'un infarctus.

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28. LE PETIT PEUPLE
(THE LITTLE PEOPLE)



Date de diffusion : 30 Mars 1962
Auteur : Rod Serling
Réalisateur : William Claxton

Résumé :

Fletcher et Craig, deux astronautes en mission d'exploration, se posent sur un monde peuplé d'humanoïdes minuscules. Craig s'en déclare souverain et établit une dictature religieuse sur les autochtones tandis qu'il force Fletcher à s'enfuir...

Critique :

On peut certes reprocher plusieurs faiblesses à l'épisode. L'argument ressort réellement minimaliste, forçant l'auteur à tirer à la ligne à travers toute une première partie verbeuse et statique afin de donner de la matière au récit. Les personnages relèvent du cliché, avec en particulier un mauvais dosage chez Craig.

Il aurait été bien plus intéressant de décrire comment le vertige de la toute puissance peut conduire un individu quelconque au délire criminel, mais introduire ainsi un psychopathe pervers enlève de la profondeur au récit et induit une certaine artificialité (de plus, Joe Maross cabotine à l'excès). Tout ceci s'emboîte trop bien. Il en va d'ailleurs pareillement pour la chute traditionnelle, certes spectaculaire, mais quelque peu prévisible et téléphonée. L'on ressent un peu explicitement que tout a été fabriqué pour y parvenir.

Et pourtant l'on peut prendre du plaisir avec The Little People. Tout d'abord cet exercice de style, mêlant le ton Twilight Zone à la Science-Fiction de l'âge d'or la plus archétypale qui soit, nous fait replonger dans cet univers coloré où des vaisseaux franchissent l'univers à des vitesses folles, peuvent se rendre à « des milliers d'années-lumière de la Terre » sans aucun souci temporel, où les mécaniciens réparent la main dans le cambouis des moteurs fabuleux... en bref où absolument aucune contrainte physique, même la plus triviale (l'épisode empile les énormités) ne vient réfréner l'élan de l'imagination. Pour peu que l'on reste sensible au merveilleux et à l'exaltation de la nouvelle frontière véhiculée par ces innombrables histoires d'exploration spatiale, on peut se laisser séduire.

Le petit peuple demeure aussi un exemple particulièrement divertissant  de l'art de la débrouille. Réaliser un space opera avec les moyens ultra limités de l'anthologie n'est certes pas chose facile. William Claxton multiplie donc les artifices pour y parvenir : décor tronqué de la fusée, énième reprise des pistolets de Planète Interdite - qui aura décidément beaucoup donné à l'anthologie - spot représentant un double soleil, inserts évidents, photos aériennes et maquettes évidentes pour reconstituer l'univers miniature, trucages à la Méliès, récupération de chutes du tournage dans la Vallée de la Mort de La flèche dans le ciel (épisode très similaire, de nouveau), etc. Ce festival apparaît fort sympathique et force l'admiration par sa créativité perpétuelle.

Au total, The Little People s'adressera à un public particulier, amateur d'une Science-Fiction aussi chamarrée qu'obsolète, mais aussi de ce cinéma bis fauché comme le blé mais dont l'enthousiasme et l'inventivité peuvent parfois contrebalancer le ridicule. Il existe des amusements coupables mais si jouissifs...

Acteurs :

Joe Maross (1923-2009) a participé à un nombre considérable de séries américaines des années 50 aux 80 : Le Fugitif, Les Envahisseurs, Mission : Impossible, Drôles de Dames, Mannix, Cannon, Dallas, Arabesque...

Claude Akins (1926-1994) se spécialisa dans les personnages durs et à forte personnalité. Il apparut dans de très nombreux westerns, au cinéma (Rio Bravo, 1953...) comme à la télévision (La Grande Vallée, Bonanza, Gunsmoke, The Riffle Man...). Il fut également une figure familière des séries policières (Les Incorruptibles, Perry Mason, Alfred Hitchcock présente...). Il participe également à l'épisode Les monstres de Maple Street.

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29. À QUATRE HEURES
(FOUR O'CLOCK)



Date de diffusion : 6 Avril 1962
Auteur : Rod Serling, d'après une histoire originale de Price Day
Réalisateur : Lamont Johnson

Résumé :

Oliver Crangle est un délateur pervers, ne cessant de remplir des dossiers et de nuire à des malheureux ayant éveillé son attention pour des sujets futiles ou inventés. Il affirme à un agent du FBI avoir un plan pour miniaturiser tous les "nuisibles" à quatre heures de l'après midi...

Critique :

Cet épisode apparaît remarquable par la faible dimension qu'y occupe le Fantastique. En effet, celui-ci n'intervient qu'à la toute dernière minute, à l'occasion d'une de ces chutes stupéfiantes dont l'anthologie a le secret. Jusque-là se déroule un pur drame psychologique, le texte original de Price Day a d'ailleurs été également repris dans Alfred Hitchcock présente. Si on peut regretter la forme extrêmement théâtrale d'une action en huis-clos, l'action se composant uniquement de dialogues avec trois visiteurs successifs, cette prédominance du texte se voit utilisée à bon escient. Le cœur de l'épisode consiste en effet en un terrifiant portrait de la folie paranoïaque de Crangle comme de ses peu ragoutantes pratiques.

Crangle se situe plus loin dans l'aliénation que le corbeau de bas étage par le feu intérieur qui le consume, ainsi que par son idée fixe. Ces pulsions se manifestant occasionnellement par de brusques éclats de folie interrompant les délires péremptoires d'un individu si odieux qu'il interdit toute compassion. Les échanges se montrent écrits avec éloquence, restituant bien le dérèglement mental de Cangle ainsi que son aggravation progressive. Théodore Bikel accomplit une superbe performance, rendant son personnage aussi fascinant que répugnant, et l'on frémit en songeant à ce qu'un tel individu pourrait accomplir à l'âge de l'Internet…

Comme souvent dans La Quatrième Dimension, la portée du propos dépasse sa signification immédiate. Four O'Clock renvoie une terrible image d'eux-mêmes à des États-Unis tout juste sortis des chasses aux sorcières du MacCarthysme et encore imprégnés de la paranoïa de la Guerre Froide. Par le rappel du juste équilibre apporté par l'État de droit et les principes fondamentaux de la démocratie (notamment via le discours de Gettysburg), l'épisode met en garde avec acuité contre les dangers du fanatisme. L'idée de rendre les « déviants » immédiatement reconnaissables n'est pas sans évoquer la funeste étoile jaune. Cette forte dénonciation concerne également les prédicateurs tenants d'une morale inhumaine et bornée, Crangle mettant dans le même sac communisme et libéralisation des mœurs.

D'un point de vue plus trivial, l'épisode suscitera quelques réminiscences amusées chez l'amateur des X-Files par le miroir déformé des Bandits Solitaires que façonne Crangle. Paranoïa omniprésente, méfiance envers un FBI qui serait gangréné par les séides du Grand Complot, décorticage des journaux pour y débusquer des faits troublants, dénonciations permanentes (certes par voie de presse), habitation organisée en quartier général… Les convergences existent mais vues du côté obscur !

Acteurs :

Theodore Bikel (1924-2015), d'origine autrichienne, dut fuir avec sa famille les persécutions anti-juives des Nazis. Il a connu une double carrière de chanteur folk et de comédien. À côté de quelques rôles marquants au cinéma (My Fair Lady, The African Queen...), il apparaît dans Hawaï Police d'État, Columbo, Drôles de Dames, Dynastie, Star Trek Next Gen, etc.

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30. LE MENTEUR
(HOCUS-POCUS AND FRISBY)



Date de diffusion : 13 Avril 1962
Auteur : Rod Serling, d'après une histoire originale de Frédéric Louis Fox
Réalisateur : Lamont Johnson

Résumé :

Frisby, tenancier d'une épicerie dans une petite ville de l'Amérique rurale, est un menteur aussi sympathique qu'invétéré. Il ne résiste jamais à l'envie de raconter à ses amis une histoire inventée de toutes pièces, se mettant en valeur au-delà de toute vraisemblance. Or voici qu'il est enlevé par des extraterrestres !...

Critique :

L'épisode nous emmène dans une nouvelle excursion au cœur de l'Amérique country, cette fois pour un récit clairement orienté vers la comédie. Malheureusement, son sujet apparaît vite éculé car il ne s'agit ni plus ni moins que du vieux thème du menteur compulsif qui ne peut être cru quand survient réellement un évènement important. Le petit garçon qui criait au loup et bien d'autres contes comportent déjà cette idée passablement usée. Il en résulte pour Hocus-Pocus and Frisby non seulement un manque d'originalité mais aussi une prévisibilité à peu près totale dès que les jalons en sont posés.

Cette linéarité de l'intrigue se trouve encore renforcée par l'absence de chute au profit d'un happy end cantonnant Le menteur au rang de gentille fable. Pour le reste, l'épisode se limite à déployer un humour bon enfant, distrayant, mais pas vraiment renversant.

L'on ne s'ennuie pas grâce à l'abattage d'Andy Devine, épatant dans son interprétation d'un menteur magnifique, à l'imagination jamais prise en défaut. Le personnage et ses amis, hilares autant qu'agacés, démontrent une vraie malice. Les extraterrestres divertissent également par leur aspect caricatural (soucoupe volante, maquillage, projetant un enlèvement). Faire du mensonge un concept leur demeurant tout à fait étranger apparaît astucieux.

L'épisode nous vaut aussi de jolis éléments d'époque, comme le décor très parlant de l'épicerie ou le fait qu'un plein d'essence revenait au début des années 60 à 1,89 dollar… les temps changent ! Malgré ces à-côtés sympathiques, cette aimable fantaisie ressort tout de même relativement anodine au sein de l'anthologie. 

Acteurs :

Andy Devine (1905-1977) doit à son imposant physique de très nombreux seconds rôles, principalement dans des Westerns (La Chevauchée Fantastique, L'Homme qui tua Liberty Valance...). Il réalisa également plusieurs voix pour Walt Disney, notamment celle de Frère Tuck dans Robin des Bois (1973).

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31. L'ÉCHANGE
(THE TRADE-INS)



Date de diffusion : 2 Mars 1962
Auteur :
Rod Serling
Réalisateur : Eliott Silverstein

Résumé :

Dans le futur, les personnes âgées peuvent échanger leur vieux corps contre des jeunes, créés pour l'occasion. Un couple de retraités ne dispose d'assez d'argent que pour financer un seul de ces transferts...

Critique :

Bien avant Avatar, Rod Serling imaginait le transfert de personnalités au sein de corps synthétiques.

L'épreuve vécue par le couple nous entraîne cependant loin des Westerns futuristes pour au contraire nous immerger dans un récit des plus sensibles, à la fois amer et profondément romantique.

Cette histoire d'un couple confronté à la douloureuse déchéance de la grande vieillesse et à la perspective de mort, puis voyant son unique espoir s'évanouir après en avoir été si proche, suscite en effet une émotion à fleur de peau réellement intense. Les dialogues dénués d'emphase y contribuent mais on applaudit surtout la très belle performance des comédiens (on sait par ailleurs que l'épouse de Schildkraut décéda en plein tournage).

The trade-ins compose également un superbe spectacle télévisuel. En effet, par ses jeux d'ombres et de lumières ainsi que par son sens des perspectives, le talentueux Eliott Silverstein met parfaitement en valeur le singulier décor de la New Life Corp. Ses lignes très design, ainsi que plusieurs indications judicieusement disposées, indiquent l'époque future avec élégance, sans clinquant. Par contraste on peut cependant s'amuser en constatant que les différents corps exposés font terriblement Sixties ! Et il est vrai que l'épisode comporte quelques faiblesses, comme ce tripot absurdement contemporain.

On peut également s'étonner que le couple ne connaisse absolument rien à l'entreprise où il se rend (cela sent la ficelle d'exposition) ou qu'une société disposant d'une technologie aussi avancée ne puisse soulager les douleurs physiques.

Qu'importe ces détails, The trade-Ins demeure une fable étonnamment éloquente. Rod Serling y dénonce avec acuité les travers du capitalisme au moment où la société de consommation se déploie en Amérique. Des merveilles s'offrent à vous, savamment présentées et si alléchantes, mais pour peu que l'on ne puisse payer, la porte claque irrémédiablement. Cette vision de la rudesse des rapports sociaux derrière une apparence radieuse s'avère aussi désenchantée que pertinente.

La chute traditionnelle ne se montre pas cette fois stupéfiante ou terrifiante, mais représente l'un des moments les plus émouvants de l'anthologie.

Acteurs :

Joseph Schildkraut (1896-1964), d'origine autrichienne, fut une figure du Hollywood d'avant-guerre. Ayant débuté à l'époque du muet, il se spécialisa dans les rôles d'Européens, principalement dans les films en costumes (Marie-Antoinette, 1938...). Il participe également à l'épisode Le musée des morts.

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32. LE CADEAU
(THE GIFT)



Date de diffusion : 27 avril 1962
Auteur : Rod Serling
Réalisateur : Allen H. Miner

Résumé :

Un vaisseau extra-terrestre s'écrase près d'un modeste village mexicain. L'unique rescapé, de forme humaine, se lie d'amitié avec un petit garçon. Il va faire un cadeau à l'enfant...

Critique :

Rien ne fonctionne dans cet épisode détonnant singulièrement au sein de l'anthologie par sa maladresse. Serling nous propose ici une histoire édifiante, aux résonances christiques, à propos de la peur de l'inconnu et de l'obscurantisme. Mais les situations demeurent terriblement démonstratives et non dénuées de quelques clichés assez horripilants sur le Mexique.

Les personnages ressortent caricaturaux à l'extrême, mais le pire demeure sans doute ces dialogues incroyablement prêcheurs, débités d'une voix monocorde par le médecin. L'interprétation apparaît en effet minimaliste, que cela soit chez les adultes ou chez l'enfant. Le barman et l'extraterrestre en particulier sont réellement mauvais. La conclusion, prévisible au dernier degré, fait sourire tant elle verse dans l'imagerie d'Épinal. Que le visiteur n'ait pas remis son cadeau au docteur mais à un enfant ne pouvant le comprendre est absurde.

La mise en scène a également la pesanteur du plomb, se traînant jusqu'à une scène finale où des gros plans successifs sur les visages sont censés indiquer une foule en panique, avec à la clé un résultat tellement risible qu'il en suscite le malaise. L'on ne reconnaît vraiment pas La Quatrième Dimension dans cette histoire cousue de fil blanc, aussi soporifique que prétentieuse.

Acteurs :

Geoffrey Horne (1933) a participé à The outer limits, Le Virginien, Gunsmoke, Cannon, Police Woman, Mannix...

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33. LA MARIONNETTE
(THE DUMMY)



Date de diffusion : 3 juin 1960
Auteur : Rod Serling, d'après une histoire originale de Lee Polk
Réalisateur : Abner Biberman

Résumé :

Un ventriloque surdoué mais alcoolique se rend compte avec horreur que sa marionnette a pris vie. Il tente alors de s'en débarrasser...

Critique :

Certes, on pourra objecter que l'idée développée par l'épisode n'est pas foncièrement originale. Sans remonter aux classiques, en 1945 une intrigue extrêmement similaire se découvrait dans Dead of Night, un film d'épouvante privilégiant la thèse de la folie chez l'artiste. Avec The Glass Eye (1957), Alfred Hitchcock présente imagina même une histoire assez hallucinée où une jeune femme amoureuse d'un ventriloque hors pair s'aperçoit qu'il n'est que la véritable marionnette, la supposée étant un nain manipulant l'ensemble ! Toutefois, The Dummy s'impose sans conteste par le traitement qu'il apporte à cet argument commun.

En effet, l'épisode constitue une exceptionnelle rencontre de talents très divers dont l'union va susciter un vrai joyau de l'épouvante au petit écran. Rod Serling dose admirablement les effets de son récit entre entretien du doute sur la nature surnaturelle ou psychiatrique du phénomène, et intensité crescendo savamment interrompue le temps d'une possibilité de fuite vite évanouie.

Cliff Robertson interprète avec flamme les tourments de son personnage, de l'indicible angoisse le rongeant jusqu'à la panique et la résignation finale. L'anthologie comporte nombre d'excellentes prestations de comédiens, mais celle-ci compte assurément parmi les meilleures.

Cependant ce que l'on admire le plus demeure la fabuleuse mise en scène d'Abder Biberman à l'occasion de sa toute première participation à The Twilght Zone. Il sublime l'épisode en un véritable cauchemar éveillé, sachant parfaitement communiquer l'effroi ressenti par le héros au public. Les astucieux jeux de miroir, les postures intrigantes de la marionnette, le chavirement de l'image quand la crise atteint son paroxysme, l'emploi de l'ombre chinoise, confèrent une rare intensité à la narration. Le spectateur se trouve ainsi dans l'état d'esprit idoine pour découvrir l'une des chutes les plus ahurissantes et mémorables de l'anthologie !

D'un point de vue secondaire, La marionnette se découvre également comme un joli témoignage sur la vie de la faune bigarrée de ces cabarets pullulant aux États-Unis, encore particulièrement vivaces durant les années 60. La marionnette vivante reviendra dans La Quatrième Dimension lors de l'épisode Cæsar and me. Living Doll s'intéressera, lui, aux poupées…

Acteurs :

Cliff Robertson (1923-2011) connut une longue carrière au cinéma (Les trois jours du condor, 1975...). Encore actif dans les années 2000, il incarne l'oncle Ben Parker dans les récents films de Spiderman. À la télévision, il apparaît également dans The outer limits, Les Incorruptibles, Batman, Falcon Crest... Il participe à un autre épisode de l'anthologie, Au bord du gouffre.

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34. UN PASSÉ INFINI
(YOUNG MAN'S FANCY)



Date de diffusion : 11 mai 1962
Auteur :
Richard Matheson
Réalisateur : John Brahm

Résumé :

Alex, récemment marié avec Virginia, revient dans sa maison d'enfance afin de préparer sa mise en vente. Mais il se voit accueilli par des souvenirs semblant de plus en plus réels...

Critique :

Tout comme précédemment son compère Charles Beaumont, Richard Matheson s'adonne ici au renouvellement, partiel, de son style. En effet, au lieu d'un individu isolé, c'est cette fois un couple qui va devoir faire face à l'inexplicable. Même si le mari et l'épouse vivent des expériences distinctes, l'épisode gravite autour de leur relation de plus en plus effilochée, la proverbiale solitude terrorisante du protagoniste n'apparaîtra donc qu'en toute fin de récit. De plus, Alex représente le réel moteur de l'histoire et non plus un quidam totalement dépassé par les évènements. Mais si le style varie, le talent demeure. 

Le parallèle établi entre la plongée du héros dans son passé réel ou fantasmé et les modifications de l'environnement produit un effet étrange, de plus en plus déstabilisant. Ce voyage dans le temps d'un style très particulier renouvelle avec une grande habileté les récits de maison hantée.

La mise en scène de John Brahm se contente d'exploiter efficacement le très beau décor d'une maison qui nous aura fait découvrir l'ameublement typique des années 60 mais aussi des années 30 ! Les détails situant les époques paraissent fort bien trouvés, même avec l'économie de moyens propre à l'anthologie. On s'aperçoit à quel point les vedettes d'il y a à peine quelques décennies peuvent être oubliées aujourd'hui… Si Alex Nicol, loin de son répertoire viril coutumier, semble assez emprunté, Un passé Infini doit beaucoup à l'expressivité de Phyllis Thaxter qui accomplit une prestation remarquablement intense.

L'apparition de la mère accentue cependant trop l'effet, déréglant la belle mécanique en toute fin de parcours. Il aurait semblé bien plus intéressant de mettre en jeu les seuls travers du fils comme dans le texte original de Matheson. L'épisode souffre également d'une répétitivité de son argument. Parasites et Jeux d'enfants (entre autres) ont déjà narré ces bascules étranges entre la jeunesse et la maturité, avec de plus des chutes particulièrement similaires à la présente.

Young man's fancy inverse cependant la problématique, le retour à l'enfance se présentant ici comme une malédiction librement consentie, sinon désirée. Le devenir de cet homme marqué par une mère trop possessive, jusqu'à refuser de poursuivre le cours de sa vie, apparaît réellement tragique ; le Fantastique ne fait finalement qu'accentuer l'effet. Norman Bates n'est pas loin.

Acteurs :

Alex Nicol (1916-2001) interpréta souvent de rudes cowboys ou des militaires. Il mena également une carrière de réalisateur de séries télé, notamment pour Les Mystères de l'Ouest (trois épisodes).

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35. LA FÉE ÉLECTRIQUE
(I SING THE BODY ELECTRIC)



Date de diffusion : 18 mai 1962
Auteur : Ray Bradbury
Réalisateur : James Sheldon & William Claxton

Résumé :

Un veuf décide de confier l'éducation de ses trois jeunes enfants à un robot spécialisé, la « Nounou électrique ». Cette situation révulse Anne, l'aînée.

Critique :

Un centième épisode (ou un deux-centième pour les plus fortunées, telles Stargate SG-1) représente souvent un moment fort dans la vie d'une série télé, célébré comme il se doit. À cette occasion, Rod Serling recourt à la plume d'une des figures absolument majeures de la Science-fiction américaine, Ray Bradbury.

Autant dire que l'entrée de ce merveilleux conteur dans La Quatrième Dimension suscitait bien des espérances. Hélas, on déchante très vite. La naïveté sucrée de cette histoire, confondante de bons sentiments, se révèle assez atterrante. Entre mélo familial larmoyant, happy end confondant de facilité, et effets soulignés d'un premier degré total, le pire demeure sans doute le traitement réservé au robot. Alors que ce thème a fourni tant de formidables récits, l'option retenue ici reste certainement la pire de toutes : le rendre semblable à une humaine parfaitement sympathique et adorable (hormis quelques gadgets secondaires). Dès lors quelle histoire peut-on bien raconter en dehors de ce genre de vignette édifiante ?

Plusieurs éléments viennent cependant relativiser ce qui ressemble de prime abord au four le plus mémorable de l'anthologie. Tout d'abord, l'épisode doit être considéré sous la perspective d'un conte pour enfants ; celui-ci reprend l'un des grands classiques de la littérature juvénile anglo-saxonne, la nounou aux pouvoirs surnaturels venant à la rescousse d'une famille affligée, de Mary Poppins à Nanny McPhee. Ici Bradbury en donne une version SF, ce qui... n'apporte pas grand-chose.

Plus fondamentalement, si des auteurs incisifs comme Matheson ou Knight, privilégiant un concept et l'épure pour ce qui l'entoure, se fondent à merveille dans les brefs récits de The Twilight Zone, il en va très différemment pour Bradbury, écrivain d'essence éminemment littéraire. L'auteur des Chroniques martiennes et de Fahrenheit 451 privilégie le ressenti et la psychologie des personnages, avec un style poétique très personnel, ce qui s'avère bien malaisé à transcrire dans un film de 25 minutes, et visuel de nature. D'ailleurs, Bradbury travailla sur deux autres scénarios pour l'anthologie, mais aucun ne fut en définitive retenu par Serling, pourtant l'un de ses grands admirateurs, tant la discordance des formats paraissait criante. On peut supposer que sous sa plume, le texte contient de superbes pages sur la perception de la mort par un enfant, même si cette nouvelle ne figure sans doute pas parmi les meilleures du grand Ray.

D'autre part, I sing the body electric comporte quelques à-côtés intéressants, comme l'amusant passage de la fabrique de robots dont émane une joyeuse fantaisie ; on se croirait dans la Chocolaterie de Roald Dahl.

Deux curiosités se détachent de la distribution. Après Un monde différent, La Quatrième Dimension nous offre une nouvelle occasion de constater que l'indéniable talent de David White ne se cantonne pas à son succulent personnage de Bewitched. Surtout, on découvre avec plaisir une toute jeune Véronica Cartwright défendant avec fougue et conviction son personnage. Son regard a déjà l'éclat qu'il manifestera plus tard lors de son interprétation hors pair de Cassandra Spender, remarquable personnage semi-récurrent des X-Files. Avoir participé aux deux sommets des séries fantastiques à trois décennies d'intervalle reste une jolie performance !

Acteurs :

Véronica Cartwright (1949) est une figure bien connue des films relevant du Fantastique ou de la Science-fiction : Les Oiseaux (1963), L'Invasion des profanateurs (1978), Alien (1979), ou Les sorcières d'Eastwick (1987)... Elle apparut également dans de nombreuses séries télé et fut notamment sélectionnée deux fois aux Emmy Awards pour ses apparitions dans The X-Files en tant que Cassandra Spender.

David White (1916-1990) reste avant tout connu pour le cynique Alfred Tate de Ma sorcière bien-aimée (1964-1972), mais il joua dans une multitude d'autres séries : Bonanza, Le Virginien, Perry Mason, Le Fugitif, Alfred Hichcock présente, Police Woman, L'Agence tous risques, Dallas… En 1988, son fils compta parmi les victimes de l'attentat de Lockerbie. Il apparaît également dans l'épisode Un monde différent.

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36. L'ANGE GARDIEN
(CAVENDER IS COMING)



Date de diffusion : 25 mai 1962
Auteur :
Rod Serling
Réalisateur : Christian Nyby

Résumé :

Agnès, sans travail et extrêmement gaffeuse, reçoit la viste de Cavender, son ange gardien. Celui-ci dispose d'une journée pour parvenir à la rendre heureuse afin de gagner ses ailes d'ange confirmé...

Critique :

Lors de l'épisode Un original (saison 1), Rod Serling décrivait déjà la rencontre d'une personne amusante mais décalée et de son ange gardien. Cette comédie visait pareillement à fournir le pilote d'une nouvelle série, mais l'entreprise n'aboutit pas. Serling tente de nouveau sa chance ici en modifiant le concept : cette fois l'ange aussi sera maladroit et divertissant pour rajouter au comique de l'histoire.

Malheureusement, Cavender is coming ne fonctionne pas. Les gags relèvent de la farce, soulignés par des effets sonores vite irritants. Les situations paraissent très démonstratives tandis que la morale de l'histoire, "L'argent ne fait pas le bonheur", est cousue de fil blanc. Quelques trucages faciles ne suffisent pas à créer un univers merveilleux.

Les acteurs, bien dans leur emploi, défendent vaillamment leurs personnages relevant d'un rire bon enfant assez désarmant. On ressent également une inspiration très maladroite provenant du chef-d'œuvre de Frank Capra, It's a wonderful life. La série Clair de Lune saura, elle, proposer une éblouissante relecture de ce film lors d'un de ces épisodes (It's a wonderful lie), privilégiant il est vrai l'émotion plutôt que l'humour. Le décor du Paradis demeure néanmoins réussi, avec une poésie naïve assez agréable. CBS n'arrangea rien en ajoutant des rires préenregistrés lors de la diffusion de l'épisode.

En définitive, cette ébauche d'une série à venir connut également l'échec (épisode le moins bien noté sur Imdb : 5.8/10). Rod Serling demeure un auteur extrêmement talentueux, mais la comédie n'est visiblement pas son domaine de prédilection. Le voir s'acharner ainsi avec opiniâtreté demeure sympathique. Il est d'autant plus rageant pour lui d'avoir échoué sur ce point que, sur une idée très similaire (l'association d'un humain avec un être surnaturel tout puissant), Ma sorcière bien-aimée va bientôt connaître un succès aussi considérable que durable. On pourrait également ajouter I dream of Jeannie et, ultérieurement, Les routes du Paradis. Cavender is Coming apparaît ainsi comme un intéressant cas d'école à propos de cette alchimie complexe qui fait qu'une série rencontre ou non le succès, mêlant fine balance des personnages et de situations, charme des comédiens, moyens mis en œuvre, et attentes du public à un moment donné.

Acteurs :

Carol Burnett (1933), humoriste, a plusieurs cordes à son arc : chanteuse, imitatrice, actrice, et productrice. Après s'être fait connaître dans les cabarets de New York, elle se lance à la télévision au début des années 60. The Carol Burnett Show (1967-1978) demeure l'une des émissions de la télévision américaine ayant connu le plus de succès.

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37. LA RELÈVE DE LA GARDE
(THE CHANGING OF THE GUARD)



Date de diffusion : 1 juin 1962
Auteur :
Rod Serling
Réalisateur : Robert Ellis Miller

Résumé :

Ellis Fowler, professeur de littérature estimé, s'apprête à prendre sa retraite, contraint par l'âge. Alors qu'il songe au suicide par amertume, il reçoit la visite des fantômes de quelques-uns de ses élèves décédés. Ceux-ci vont lui exprimer à quel point il a compté dans leur vie.

Critique :

Ce beau conte de Noël fait songer aux fantômes de Scrooge et vient fort honorablement conclure cette troisième saison de The Twilight Zone. Dialoguée avec sentiment et justesse, cette rencontre entre le vieux professeur et ses anciens élèves produit une véritable émotion, passant outre son aspect un peu édifiant.

On y découvre un superbe hommage au difficile métier d'enseignant, réservant parfois de grandes satisfactions. En arrière-plan, l'épisode renoue avec l'antimilitarisme constant de l'anthologie, en exposant l'effroyable gâchis de vies humaines que constituent les guerres, tout en exaltant le courage des soldats (Rod Serling est un vétéran de la Guerre du Pacifique).

L'atout maître de The changing of the guard demeure la prouesse accomplie par Donald Pleasence, rendant bouleversant son personnage et permettant de dépasser l'aspect un tantinet démonstratif du scénario. Pleasence (que la production fit venir d'Angleterre) appartient à cette rare catégorie de comédiens polymorphes et surdoués dont les prestations constituent toujours un régal en soi, indépendamment du reste de la production. Qu'il ait pu incarner avec autant de conviction et d'intensité des rôles aussi divers que ceux d'Ellis Fowler et de Blofeld en dit long sur l'étendue de son talent. On apprécie tellement ce vieux professeur que l'on aurait tant aimé rencontrer au cours de nos études que l'on se réjouit de l'absence de ces chutes parfois terribles dont La Quatrième Dimension raffole.

L'épisode constitue également un florilège de citations bien choisies de grands classiques de la littérature américaine. Peu connus en France, ces auteurs expriment une même nostalgie pour une vie simple et empreinte d'humanité, à l'unisson de ce que Serling exprime souvent lui-même dans ses écrits.

Dans cet épisode que l'on ne peut que recommander aux enseignants, ce dernier rend également hommage à Horace Mann, fondateur de l'Antioch College. À l'issue de la saison, Serling va d'ailleurs accepter une chaire d'écriture dramatique et d'analyse des médias dans ce prestigieux établissement, dont la devise orne le piédestal de la statue et où il accomplit lui-même ses universités.

Acteurs :

Donald Pleasence (1919-1995) connut une belle carrière au théâtre et au cinéma, sans malheureusement accéder au rang de star auquel son talent lui donnait droit. Il joua principalement des êtres menaçants comme lors de sa magnifique interprétation de Blofeld dans On ne vit que deux fois (1967). Il participa également à Cul de sac, Les Mains d'Orlac, THX 1138, Le Voyage Fantastique, New-York 1997... ou encore à la série des Halloween.

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TOP 5 DE LA SAISON 3

1) Personne inconnue : Un pur cauchemar représentant la quintessence du style de l'anthologie : un individu quelconque se voit plongé dans un dérèglement aussi original qu'inexplicable de notre réalité, et se débat désespérément pour en sortir. L'épisode se montre particulièrement effrayant et convaincant, avec une grande prestation de Richard Long, étonnant de crédibilité. La conclusion est mémorable.

2) C'est une belle vie : The Twilight Zone s'amuse à détourner un des fondamentaux de la société américaine et de ses représentations télévisuelles, l'enfant roi, dans une étrange histoire pleine d'humour noir et de malice. La figure de ce garnement régentant le monde des adultes selon ses caprices égoïstes et la stupéfiante transformation de sa malheureuse victime comptent parmi les images les plus célèbres de l'anthologie.

3) Le soleil de minuit : Cet épisode nous présente l'une des histoires de fin du Monde les plus éloquentes que l'on ait vues à l'écran. La mise en scène fourmille de bonnes idées, visuelles et auditives, elle retranscrit parfaitement l'effondrement de la société en arrière-plan. Lois Nettleton nous offre une composition sensible et attachante. La formidable chute, ironique au plus haut point, est un modèle du genre.

4) Cinq personnages en quête d'une sortie : Ce récit développe une passionnante énigme, au climat angoissant non dénué de poésie. Chacun des personnages se voit parfaitement écrit tandis qu'une réalisation inventive pallie à l'immobilisme que pourrait susciter ce huis-clos. La chute (au sens propre) se montre particulièrement saisissante. L'un des plus beaux épisodes de Noël de l'ensemble de l'histoire des séries télé.

5) Comment servir l'Homme : La Quatrième Dimension se livre à une relecture joyeusement iconoclaste d'un classique absolu de la Science-fiction : l'arrivée d'envahisseurs extraterrestres. Les canons du genre se voient ironiquement détournés et la conclusion apparaît comme un modèle d'humour noir. L'épisode bénéficie de la plume de Damon Knight ainsi que de l'imposante présence de Richard Kiel.

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Crédits photo : Universal.

Images capturées par Estuaire44.