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 saison 1 saison 3

La Quatrième Dimension(1959-1964)

LE FILM

 

LA QUATRIÈME DIMENSION, LE FILM


LA QUATRIÈME DIMENSION, LE FILM
(TWILIGHT ZONE, THE MOVIE)

Rod Serling a quitté cette dimension depuis huit ans quand, le 24 juin 1983, paraît sur les écrans l'adaptation cinématographique de l'anthologie, une idée que lui-même avait caressée dès les années 60, écrivant des scénarios finalement repris dans Night Gallery.

Quatre jeunes réalisateurs dans le vent ont en effet décidé de rendre cet hommage à une œuvre ayant marqué leur jeunesse et influencé leur carrière : John Landis, Steven Spielberg (tous deux coproducteurs), Joe Dante, et George Miller. Chacun d'entre eux va adapter selon son propre style l'un des épisodes de l'anthologie, tandis qu'une introduction et une conclusion complètent l'ensemble.

La traditionnelle présentation fut assurée en voix off par Burgess Meredith, acteur incontournable de La Quatrième Dimension par le nombre et la qualité de ses mémorables participations. Richard Matheson fut également engagé comme conseiller à l'écriture, de même que Jerry Goldsmith pour la musique.

Le tournage fut endeuillé par un accident d'hélicoptère particulièrement tragique dû à une erreur dans la manipulation d'explosifs. La chute de l'appareil coûta la vie à l'acteur Vic Morrow (père de Jennifer Jason Leigh), ainsi qu'à deux enfants comédiens, engagés illégalement, Myca Dinh Le et Renée Shun-Yi Chen.

Le tournage du film en souffrit par ailleurs considérablement, de même que l'enthousiasme de Spielberg et Landis. Ce dernier, alors à la réalisation, dut par la suite faire face à des développements judiciaires se poursuivant jusqu'en 1987, avant de se conclure par une levée des charges. Le drame comporta également d'importantes conséquences sur la sécurisation des cascades des films ultérieurs.

Le film connut un accueil critique pour le moins nuancé, les observateurs demeurant peu convaincus par la démarche entreprise en elle-même et estimant que l'ajout d'effets spéciaux dénaturait l'élégance originelle des épisodes. Cependant, le film est crédité du savoir-faire de ses metteurs en scène et d'une variété bienvenue des thèmes retenus.

La Quatrième Dimension - Le film n'obtint pas le triomphe commercial espéré par ses prometteurs, mais acheva néanmoins son parcours en demeurant largement bénéficiaire. Il frôla une recette de 30 millions de dollars de l'époque pour un coût modeste de 10 millions (équitablement répartis entre les quatre segments). Ce succès incita fortement CBS à relancer la franchise dès 1984 avec ce qui deviendra La Cinquième Dimension.

Introduction

Auteur : John Landis
Réalisateur : John Landis

Cette introduction demeure efficace mais paraît totalement hors sujet. Son humour sardonique et macabre reste percutant, notamment grâce au talent d'artiste de Craig Reardon. Celui-ci a d'ailleurs réalisé la plupart des monstres du film après avoir déjà travaillé avec Spielberg sur Poltergeist. L'impact de l'ensemble se voit cependant minoré par le choix de Dan Aykroyd, totalement hors sujet et qui donne plus envie d'entonner joyeusement Who ya gonna call? qu'autre chose.

La tonalité générale de ce passage ne relève pas du tout de La Quatrième Dimension mais plutôt d'anthologie plus volontiers horrifiques et goguenardes comme Tales from the Crypt ou Tales from the Darkside. On dénote aussi une circonstance aggravante dans le fait que le thème de l'autostoppeur ait valu un pur chef d'œuvre à The Twilight Zone, autrement plus fin et élaboré que cette joyeuse pochade d'épouvante. On s'interroge également sur l'utilité réelle de cette introduction, visiblement une vaine tentative pour pallier à l'aspect de film à sketchs de la production. Joe Dante, le plus enthousiaste et ambitieux des réalisateurs, voulait que des liens soient établis entre les protagonistes des aventures, mais cette solution fut repoussée car jugée trop complexe.

Premier Segment

Auteur : John Landis
Réalisateur :
John Landis

Après un générique fort réussi, reprenant les éléments graphiques de la dernière mouture de celui de la série tout en les colorant et les modernisant façon 80's (avec au passage un clin d'œil à Serling), nous découvrons le tronçon réalisé par John Landis (The Blues brothers, An american werewolf in London, Innocent blood…). Sans tout à fait retranscrire le ton exalté et prêcheur que revêtait parfois la plume de Rod Serling, son épisode véhicule tout le pendant moraliste et politique de l'anthologie. Il s'agit davantage d'un mélange de différents thèmes et épisodes recourant à l'inversion des points de vue entre victimes et bourreaux ou entre ennemis. L'axe majeur en demeurant l'antisémitisme et le souvenir de la Shoah, on peut cependant davantage le rattacher à Deaths-Head revisited (saison 3).

Malheureusement, une fois posée une situation initiale un brin caricaturale, l'épisode se contente de multiplier les sauts temporels sans générer d'action autre que démonstrative, avec quelques dialogues élémentaires. La chute semble plus relevée, mais l'ensemble ressort filmé sans génie ni inspiration excessifs. Le tournage a été directement bouleversé par le drame de l'hélicoptère et a dû être mené à bien en catastrophe, d'où une simplification transparaissant à l'écran. Très abattu, Landis ne s'est ensuite plus guère investi dans le projet. Demeurent une excellente interprétation du regretté Vic Morrow et l'apparition amusante de quelques visages connus comme Steven Williams, une douzaine d'années avant qu'il ne devienne le M. X des X-Files. Après ce lancement médiocre, les différentes composantes du film vont cependant progressivement gagner en intérêt.

Deuxième segment

Auteur : Richard Matheson et Melissa Mathison (créditée comme "Josh Rogan"), d'après une histoire de George Clayton Johnson
Réalisateur :
Steven Spielberg

Steven Spielberg (que l'on ne présente pas) tenta d'abord, en collaboration avec Richard Matheson, de créer un épisode original, mais le résultat obtenu excédait largement le budget imparti, somme toute relativement modeste. Spielberg examina par la suite divers épisodes de l'anthologie (dont Les Monstres de Maple Street) avant de retenir Kick the can (saison 3). Cet épisode trouvait un écho dans un des thèmes centraux de son œuvre personnelle : le merveilleux de l'enfance, pouvant se perpétuer quelque soit l'âge de l'individu. Le choix de Melissa Mathison comme co-scénariste relève de l'évidence, Spielberg venant de remporter l'année précédente un succès immense avec E.T. film emblématique sur ce thème qu'elle venait d'écrire. L'histoire, limitant finalement l'intrusion du Fantastique, paraît également plus rapide à filmer que d'autres. Or Spielberg, producteur du film, fut également effondré par la catastrophe et dès lors souhaita se dégager le plus rapidement possible.

La première partie de l'épisode se montre des plus relevées grâce au sens de l'image du toujours surdoué Spielberg. Grâce à de subtils angles de prises de vues, une élégante photographie, et des charmants comédiens vétérans, il parvient à donner à l'ensemble une saveur de fable. L'œuvre originelle était par contre filmée efficacement mais sobrement, ne rompant pas avec le réalisme. Les deux récits demeurent cependant quasi identiques, jusqu'à la chute qui, elle, change radicalement.

Malheureusement, Spielberg se montre moins audacieux que son modèle, rendant sa conclusion bien plus classique et fermée. L'intervention d'un magicien vient se substituer au phénomène inexpliqué et poétique, tandis que la fuite mystérieuse et exaltée des enfants se voit remplacée par un retour à la normale, assistée d'une morale lourdement assénée. Là où le premier épisode se contentait de suggérer (en prenant certes le risque de la frustration), Spielberg souligne au possible son argumentaire, tout en suscitant un happy end davantage banal et sécurisé.

Troisième segment

Auteur : Richard Matheson, d'après une histoire de Jerome Bixby
Réalisateur : 
Joe Dante

Depuis toujours fervent admirateur de l'anthologie de Serling, Joe Dante (Piranhas, Gremlins, Hurlements...) se montra particulièrement enthousiaste pour le projet. Il fut également moins concerné par l'accident que les deux producteurs du film. Dès le départ, il milita pour une vision plus ambitieuse du film, notamment en développant des épisodes originaux mais s'inspirant du style Twilight Zone. Il ne fut malheureusement pas écouté.

On lui doit également d'excellentes idées, comme le recours à Burgess Meredith dont on retrouve avec plaisir le timbre si riche ; ses interventions confèrent au film une vraie saveur Twilight Zone, de même que la brève écoute en fin de parcours de Rod Serling, également suggérée par Dante. Son compère Spielberg lui ayant laissé toute latitude pour la mise en scène de son tronçon, Dante va en profiter pour exprimer son envie de nouveautés, jusque là frustrée.

Sa version de It's a good life (saison 3), immense classique, constitue ainsi le segment du film divergeant le plus de son modèle. Alors que l'épisode original décrivait une petite communauté coupée du monde dont le seul horizon était le « Monstre », Dante introduit ici comme personnage une voyageuse venant de l'extérieur, bouleversant ainsi l'ensemble du processus narratif. Il aboutit ainsi fort logiquement à une conclusion totalement différente, en apparence plus positive et basée sur la relation établie entre les deux protagonistes. La supposée mièvrerie de cette chute est souvent critiquée, mais elle ressort bien plus ouverte et subtilement ironique qu'un happy end ordinaire, tandis qu'elle préfigure le retour de l'enfant miracle dans La Cinquième dimension. La sublime Kathleen Quinlan se montre admirable, de même que l'ensemble de la distribution (dont le regretté Kevin McCarthy).

Alors que la version précédente développait les conséquences de l'anormalité de l'enfant d'un point de vue relativement réaliste (et d'autant plus terrifiant), Dante impose véritablement son style en optant pour un style résolument cartoonesque, à l'image de ses Gremlins. Le petit village devient une maison hallucinée et les diverses péripéties paraissent encore plus délirantes et cruellement absurdes que précédemment, Dante tirant le meilleur parti des moyens offerts par le cinéma des années 80. Le spectacle, hilarant et carnassier, se montre réellement emballant tant les excellentes idées abondent. Au total, l'exercice de style apparaît des plus réussis, le réalisateur recevra d'ailleurs un satisfecit de Matheson, évènement peu courant !

Quatrième segment

Auteur : Richard Matheson
Réalisateur :
George Miller

Il échut à George Miller (Mad Max, Les Sorcières d'Eastwick, Babe 2…) de réaliser le remake de l'épisode peut-être le plus populaire aux États-Unis,  Nightmare at 20 000 feet. Tout à fait à l'image de ses si toniques Mad Max, Miller va opter pour l'action la plus pure. Il évacue le passé psychologique troublé de son héros (conservant une phobie du vol), statuant ainsi dès le départ, contrairement à l'anthologie, la réalité tangible du monstre. On trouve ici une nouvelle altération du modèle, mais qu'importe si le résultat se révèle à la hauteur, car une simple redite à la mode 80's ne présenterait qu'un intérêt limité. Le pari s'avère gagnant car, ayant déblayé le terrain, Miller se retrouve dans son élément et se montre d'une rare efficacité. Sa mise en scène se montre ultra dynamique. Il nous offre un thriller horrifique de la meilleure eau, entre rebondissements spectaculaires et pur effroi, pimenté d'humour noir. Avec maestria, il optimise également des moyens techniques plus modernes que ceux employés dans l'anthologie.

Miller surpasse indéniablement l'épisode sur un point précis : l'apparence de la créature. L'ours en peluche de la série, dû à un budget des plus restreints, a souvent provoqué de vives réserves, même si l'épisode n'en souffre finalement que modérément. Ici, les artistes du film se surpassent, avec une totale réussite. La gargouille créée par Ed Verreux (Mad Max, Indiana Jones, Retour vers le Futur…) se révèle un chef d'œuvre d'abomination ! Matheson, qui avait tant vitupéré sur cette question par le passé, s'en déclara ravi. L'autre grand atout de ce segment demeure l'ébouriffante prestation de John Lithgow, sans aucun doute la plus impressionnante du film. Il parvient à communiquer au spectateur les décharges forcenées d'adrénaline  subies par son personnage, avec un rare impact. Pour l'anecdote, Shatner deviendra bien plus tard l'hôte ponctuel de Troisième planète après le Soleil et, bien entendu, lui et Lithgow échangeront quelques propos sur la pénibilité des voyages en avion… La seule faiblesse de ce tronçon demeure l'apparition finale d'Aykroyd, reprenant son rôle initial pour un effet gratuit et contreproductif.

Twilight Zone, The Movie subit le lot commun des films à sketchs en se montrant effectivement inégal. Mais ses quatre parties ont le bon goût de s'améliorer progressivement, jusqu'à un final tonitruant.

Les quatre metteurs en scène ont su chacun s'approprier l'anthologie selon leur propre style, apportant au film une agréable valeur documentaire des valeurs montantes du cinéma fantastique du début des années 80. Retrouver les différents codes (notamment vestimentaires) de cette époque apporte également un renouvellement sympathique à quelques épisodes emblématiques de la série du début des années 60.

Contrairement à bien d'autres créateurs, Rod Serling n'apparaît pas trahi par cette adaptation cinématographique, dont la sincérité des auteurs ne fait aucun doute et qui souffrit terriblement du drame survenu. Les changements survenus paraissent justifiés par la réussite rencontrée (notamment chez Dante et Miller), et malgré des hauts et des bas, l'ensemble constitue un excitant exercice de style de relecture d'un maître par ses pairs, souvent encore en devenir.

On aurait certes pu espérer de l'innovation, notamment de nouvelles irrésistibles histoires de l'irremplaçable Matheson. Mais il reviendra à La Cinquième Dimension, puis à La Treizième Dimension de poursuivre plus avant le parcours entrepris par Serling, après ce préambule prometteur que constitue Twilight Zone, The Movie.

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Crédits photo : FPE.

Images capturées par Estuaire44.