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 saison 1 saison 3

Millennium (1996-1999)

Saison 2

 


PRÉSENTATION DE LA SAISON 2

Cette saison marque un important virage vis à vis de la précédente. Chris Carter, accaparé par les X-Files (tournage de Fight the Future, migration de Vancouver à Los Angeles), doit s'éloigner d'une série dont il confie l'écriture et la production au surdoué duo Morgan & Wong. Comme ils l'ont toujours pratiqué sur les X-Files, ceux-ci vont fonctionner en autonomie. De plus ils arrivent avec leur propre conception de MillenniuM, incorporant davantage de complotisme, d'effroi millénariste et d'ésotérisme biblique, voire introduisant une dose d'humour. Ils peuvent d'autant plus facilement imposer cette vision qu'elle rejoint celle du diffuseur, la Fox souhaitant améliorer l'audience de la série. Jugées rebutantes, les histoires de serial killer deviennent nettement moins présentes, au profit de la découverte des arcanes mystiques d'un Groupe Millennium davantage hostile, à la mythologie soudainement développée. D'association policière et d'expertise, il devient une entité dont l'histoire occulte se confond avec celle de l'Humanité, confrontée à une Fin du Monde annoncée de longue date.

Le parcours de Frank Black, mais aussi de Peter Watts, devient bien davantage initiatique, une évolution soulignée par l'entrée en scène de nouveaux personnages (le Patriarche du Groupe, Lara Means, l'Elder). La divergence antagoniste entre les deux amis, concernant la nature et les buts ultimes du Groupe Millenium, va connaître de stimulants développements. On peut estimer à bon droit que la série perd de sa spécificité et de sa quintessence, mais le talent toujours aussi vif du duo suscite plusieurs épisodes aux scénarios d'une indéniable qualité (quelques ratages aussi).

Pari risqué, les épisodes décalés et comiques atteignent leur but, Glen Morgan parvenant à convaincre son frère, le brillantissime et très déjanté Darin (Humbug, Clyde Bruckman's Final Repose, Jose Chung's From Outer Space etc.) d'écrire pour MillenniuM, où son humour noir et subtil fait merveille. La mise en scène maintient son haut standard de qualité, de même que les partitions toujours inspirées de Mark Snow. On observe un recours plus fréquent aux superbes panoramas naturels canadiens, contribuant à une ambiance moins sinistre.

Du fait d'une tonalité moins morbide et de la qualité d'ensemble, un succès critique est au rendez-vous, de même qu'un regain de l'audience, certes seulement relatif. Le public n'adhère en effet que modérément à une mythologie immédiatement complexe et protéiforme (pour ne pas dire floue), imposant une forme quasi feuilletonnante et difficile à suivre. Néanmoins Chris Carter demeurera vivement contrarié par le détournement opéré du projet initial de la série et de on atmosphère si particulière et extrême, au point de se refuser à écrire le moindre scénario pour cette saison.

Effectivement de moraliste et civilisationnelle (et réaliste), l'Apocalypse devient bien davantage effective et relevant du Fantastique pur, teinté de religion. La famille de Frank passe par ailleurs au second plan. Lance Henriksen se montrera également opposé à l'évolution de Frank, moins central dans le récit du fait de l'émergence de Peter et Lara Means. Quoique toujours porteur des valeurs humanistes, il paraît également bien plus en proie au doute qu'auparavant, tandis que l'aspect mystique de son Don s'accentue. Aussi le retour de Carter et Spotnitz entraînera de nouveaux changements lors de la troisième période, tandis que le duo Morgan & Wong, également déçu par une audience moindre qu'espérée, se retirera complètement de la série.

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1. LE DÉBUT ET LA FIN
(THE BEGINNING AND THE END)



Malgré la traque rapidement organisée par Frank, aidé par Peter et le Groupe, le Polaroïd Man parvient à s’enfuir avec Catherine. Peter révèle alors qu’un combat plus large oppose le Groupe au dément criminel et à ce qu’il représente. Il lu offre alors de devenir un membre à part entière de l’organisation, tout en renforçant son accès informatique aux bases de donnée secrètes  du Groupe, dont celle concernant le Polaroïd Man. Celui-ci torture psychologiquement Catherine, notamment en utilisant une poupée pour lui faire croire qu’il assassiné Jordan.  Simultanément, il  utilise des clichés comme indices, afin de  tracer un subtil chemin conduisant  Frank jusqu’à lui. Découvrant sa femme effondrée, Frank est saisi d’une rage homicide et aveugle et exécute le Polaroïd Man. Il assure ainsi la victoire ultime que ce dernier avait préùédité, car ayant laissant libre cours à la part la plus sombre de sa personnalité. Horrifiée par ce spectacle, Catherine décide de se séparer temporairement de lui, le temps que Frank parvienne à récupérer le fragment d’humanité qu’il a perdu. Black quitte alors la Maison Jaune et sa famille.

The Beginning and the End apparaît comme un grand épisode inabouti, subissant de plein fouet le virage initié avec brusquerie par MillenniuM. Ce qui aurait du constituer un aboutissement, un sommet devient un épisode de transition entre deux visions très différentes de la série. Comme dans chaque intrigue de ce type, la mise en place de l’univers vient dévorer l’espace consacré à l’histoire du jour. Ce la aurait pu demeurer acceptable lors d’un affrontement opposant Frank à un quelconque serial killer, mais l’on traite ici de son duel avec le Polaroïd Man, le fantomatique mais néanmoins omniprésent grand adversaire de la première saison, d’où un amoindrissement particulièrement dommageable,  au profit d’éléments exogènes de plus souvent malheureux.

L’intervention des deux Geeks rigolards, en rupture totale avec la jusqu’ici admirable noirceur sans concession aucune de la série, tombe au plus mauvais moment imaginable, au cœur d’un drame dont ils viennent inutilement rompre l’intensité dramatique. De plus Roedecker et ses puériles  simagrées ne suscitent pas non plus une irrépressible hilarité, tout ceci demeure bien pataud, loin de la pétillante fantaisie d’un Ringo Langley, l’évident mais inégalable modèle.

Toute la mystérieuse et si peu substantielle relation entre le Polaroïd Man et le Groupe est également jetée à va vite on assiste en fait à un détournement de ce personnage au profit de l’instauration à marche forcée d’un conspirationnisme encore peu convaincant. Même présentée comme temporaire, la séparation entre Catherine et Frank  se ressent avec incrédulité, tant elle semble soudaine, abrupte et d’une justification dont le ton pompeux tente en vain  de dissimuler la faible crédibilité Qui peut imaginer qu’à peine de retour, Catherine impose à Jordan le départ de son père ?. Encore une fois les nouveaux tenanciers, ici directement à l’écriture,  y vont à la truelle pour imposer rapidement leurs vues et l’éloignement de la cellule familiale permettant placer le focus sur l’évolution personnelle et initiatique à venir de Frank. Cette hâte transparaissant  à s’emparer des commandes de MillenniuM apparaît quelque peu déplacée.

Et pourtant, malgré ces malencontreuses digressions, l’affrontement entre l’esprit diabolique et Frank, certes essentiellement indirect, va susciter de précieuses étincelles. Le long quasi plan séquence montrant l’évacuation de l’aéroport par le ravisseur et sa victime, mis en scène avec un parfait tempo grâce au talent de Wright, se  montre remarquable par l’opposition entre la ruse implacable du Polaroïd Man et la mobilisation de l’intelligence et du Don de Black, ainsi que de la police et du Groupe Millennium lui même. Obtenu de haute lutte, l’échec de cette formidable coalition ne s’en ressent qu’avec davantage de force encore.

Le choix de Doug Hutchison s’avère évidemment parfait, l’acteur exprimant avec la conviction qu’on lui connaît l’insondable mystère que représente son personnage et sa dimension mystique, supérieure aux usuels tueurs en série. On lui doit les scènes les plus remarquables de l’opus, quand il décrit avec une sombre passion le processus malaisé par lequel Black retrouvera sa trace où lors des abominables tourments psychologiques qu’il inflige à Catherine. Le tout prend place au sein d’un de ces décors empreints de la folie de leur propriétaire dont les artistes de MillenniuM ont le secret, cette ancienne maison de Frank aux murs désormais recouverts des clichés subtilement pervers du nouveau maître des lieux. L mise en scène comporte d’autres excellentes idées, comme l’impressionnante révélation de l’approche de la Comète du Millennium où l’ultime souffle du dément criminel pris en photo par son propre appareil (génial et terrifiant Hutchinson, une ultime fois).

Aussi intense et brutale soit-elle ion aurait apprécié que la confrontation directe des deux adversaires bénéficie de davantage de dialogue et de dramaturgie, mais le temps manque, hélas, conférant un aspect trop mécanique à cette scène clé. N’en demeure pas moins l’idée forte et pénétrante d’un Black ayant perdu le combat sur le plan moral, car cédant à sa pulsion de meurtre. Déchu, il fait preuve d’un doute nouveau et d’une fêlure s’avérant cette fois prometteurs. Néanmoins, peut-être aurait-il mieux valu que l’épisode soit écrit par Carter et Spotniz, achevant la vision et le parcours impulsés par la première saison, avant de passer à autre chose  on aurait ainsi évité évitant ainsi une contorsion globalement dommageable.

  • Le Polaroïd Man est interprété par Doug Hutchison, bien connu des amateurs des X-Files pour avoir incarné l'effroyable Eugène Tooms. Il participe également à Space 2063, 24h Chrono, Lost, The Green Mile... En mai 2011, il épouse la chanteuse Courtney Stodden, plus jeune que lui de 35 ans.
  • Le titre de l'épisode apparaît désormais dans le générique d'ouverture.
  • Morgan & Wong modifient le texte apparaissant au générique.Wait, worry, who cares? devient : This is who we are, the time is near. De plus les images sont modifiées, mettant désormais plus clairement l'accent sur l'aspect apocalyptique de la série. Chrs Carter modifiera de nouveau le générique en saison 3. La sublime musique de Mark Snow est fort heureusement conservée.
  • Le Polaroïd Man désigne la comète par P 1997 Vansen-West, un clind 'oeil aux deux protagonistes de Space 2063, la série de Morgan & Wong.
  • Un nouveau personnage semi récurrent apparaît en la personne de Brian Roedecker, puisque le Groupe assigne un assistant informaticien à  Frank. Geek sympathique et souriant, Brian apparaîtra dans cinq épisodes de la saison. Dicky Bird, autre membre du Groupe fanatique d’informatique apparaît également ici.
  • Le mot de passe installé par Brian est Soylent Green is People. Il s'agit de la célèbre révélation issue du film Soleil Vert (1973). Brian cite également La Planète des Singes (1968), autre référence à Charlton Heston. En Vf cela devient Hasta la vista, Baby, ce qui rend la scène encore plus pesamment ridicule.
  • A propos de la nouvelle direction impulsée à MillenniuM, Glen Morgan déclara : Il y avait trop de Gore durant la première saison et on n'y trouvait aucun humour. Tout le monde voulait en savoir plus sur le Groupe MillenniuM et sur le rôle joué par Frank. Il fallait développer la personnalité de celui-ci, ainsi que sa relation avec son épouse, talentueusement interprétée par Megan Gallagher, et s'interroger où tout cela devait conduire.
  • La disparition de l'adversaire récurrent de Frank depuis le commencement de la série, le Polaroïd Man, reste la première grande modification apportée par le duo. La traditionnelle citation de début d’épisodes est également manquante.
  • On entend la chanson Life During Wartime, des Talking Heads (1979).
  • Avec le nouveau système informatique, débute le fameux décompte des jours nous séparant de l'an 2000, synonyme d'Apocalypse. Il apparaît en accueil sur l'écran de l'ordinateur de Frank, avec le Serpent Ouroboros, emblème du Groupe Millennium. Il reste alors 833 jours.

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2. ATTENTION, CHIEN MÉCHANT
(BEWARE OF THE DOG)


Alors que Catherine et Frank envisagent de vendre la Maison Jaune, Peter demande à ce dernier d’intervenir dans une petite agglomération rurale, où un couple a apparemment été victime d’une attaque de chiens errants. D’abord sceptique sur l’utilité de son intervention, Black découvre une ville où règne un vraie terreur  vis-à-vis de ces chiens surgissant la nuit tombée. Ils ont toujours été là mais semblent déchainés depuis peu. Frank fait également la connaissance de Michael Beebe, un homme aisé venu s’installer récemment, en quête de calme. Après avoir lui même échappé à une attaque de la meute, Frank remonte le fil jusqu’à un mystérieux ermite vivant dans la forêt et semblant maitriser les chiens. L’individu s’avère constituer le dirigeant secret du Groupe, vivant auprès de pierres remontant aux origines ancestrales de l’organisation. Il révèle à Frank la nature mystique du Groupe Millennium,  puis le soumet à une épreuve en le confrontant aux chiens surnaturels.  Ceux-ci sont en fait en guerre contre la maison de Beebe, construite sur un lieu sacrilège. Frank et le Vieil Homme lui sauve la vie en brulant sa demeure. Renrté chez lui, Frank décide de ne pas vendre la maison.

Beware of the Dog souffre d’un trop grand éclatement en  trois segments aux tonalités tout à fait différentes sinon antagonistes, ne fonctionnant que fort modérément de concert. Malgré leurs indéniables qualités intrinsèques, il en résulte une impression de patchwork manquant de cohérence et de profondeur. La partie la plus convaincante demeure sans la première, gravitant autour de la meute infernale, avec un ton évoquant d’ailleurs volontiers les X-Files. En effet, alors que le Fantastique demeurait rare et sous-jacent en première saison (hormis la séquence Butler), on y verse ici pleinement et sans retenue.

Le succès est au rendez-vous, avec un emploi efficace du thème toujours pertinent du petit village étrange retranché de la réalité commune, à la palpable paranoïa. les amateurs prendront plaisir à y retrouver de nombreuses convergences avec Twin Peaks, comme l’effroi nocturne, la splendeur magnifiquement exploitée de la forêt canadienne, le décorum des demeures (notamment celle de Deebe), ou les attitudes décalées de certains habitants. La direction des chiens se montre également d’une rare efficacité, l’effet horrifique apparaît percutant. Une vraie réussite, dialoguée avec talent, mais aussi de quoi remplir tout un épisode, pour peu que le sujet soit complètement traité.

Hélas l’auteur l’évacue trop prestement, pour propulser le voyage sinaïtique de Frank parmi les reliques du passé du Groupe et sa rencontre avec le Vieil Homme, dont tout ce qui précède ne constitue en définitive que le prétexte. L’évènement suscite des sentiments mêlés. En effet R. G. Amstrong apporte une vitalité et une malice assez irrésistibles à un Patriarche doté d’un indéniable charisme (au point de d’altérer l’aura même de Black). Ses considérations philosophico-mystiques ne manquent pas de souffle, de même que la soudaine ordalie imposée à Frank apporte un fort moment de suspense, mais tout ceci demeure  imprécis et parcellaire. Souligner, via la Vieil homme, que cet aspect reste bien supérieur à la lutte précédente contre les serials killers semble maladroit et assez déplacé.

Une nouvelle fois, il y a ici de quoi composer tout un épisode dressant un portrait autrement complet et structuré du cercle secret du groupe Millennium,  mais l’on se contente en définitive de lâcher quelques notions dépourvues de substance réelle.  Il reste assez confondant de voir Frank s’incliner et  ne pas tâcher d’en savoir plus. Décidément, on survole, davantage que l’on ne traite en profondeur. Ce  flou caractérisera d’ailleurs toujours le Vieil Homme, puisqu’il ne se manifestera plus que dans deux épisode, en tout et pour tout. On suscite un élément prépondérant du Groupe, sans guère l’utiliser par la suite pour expliciter et structurer le fonctionnement de ce dernier.

Un troisième composant vient encore se rajouter à cet ensemble déjà disparate, avec la prestaion totalement hors sujet de Randy Stone. On lui accordera un plaisant cabotinage dans le rôle de Beebie, en soi divertissante caricature de bourgeois bohême vaguement efféminé. . Beebe, plus divertissant que les Geeks de l’épisode précédent,  aurait sans doute fait merveille dans un soap humoristique à la Friends, mais ici il ne fait que dénaturer l’atmosphère par ses interventions intempestives. L’humour demeure difficilement soluble dans MillenniuM.  Quand à l’histoire de sa maison bâtie sur un lieu sacrilège il s’agit tout de même d’un poncif usé jusque à la corde pour permettre de trouver une porte de sortie au problème posé par la meute. On ne va pas jusqu’à nous raconter que la demeure s’étend sur un cimetière indien, mais c’est tout comme !

  • Michael Beebe est interprété par Randy Stone, qui fut le responsable du casting de l'ensemble  des séries de Chris Carter. Il se plaisait à apparaître de temps à autres dans des seconds rôles, y compris dans les productions de Morgan & Wong. Il participe ainsi au pilote des X-Files, série pour lequel il suggéra David Duchovny et Gillian Anderson à Chris Carter. Ce grand professionnel du casting décède en 2007 d'une crise cardiaque, à l'âge de 48 ans. Également producteur, il devait remporter un Oscar en 1994, pour Trevor.
  • Le chanteur préféré de Frank est Bobby Darin, qu’il écoute en découvrant le dossier transmis par le Groupe. Très populaire dans les années 50 et 60, il se fit connaître lors de l'émergence du Rock, avant d'évoluer vers des styles plus variés. Ce proche de Paul Anka connut également une belle carrière d'acteur et de compositeur de musiques de films.
  • Les chansons de Bobby Darin seront de temps à autres entendues au cours de la série. On trouve ici son  As long as I'm singing, mais aussi le Close to You des Carpenters.
  • Le Vieil Homme, patriarche secret du Groupe MillenniuM, entre ici en scène. Interprété par le vétéran R. G. Amstrong, il apparaîtra dans deux autres épisodes de la saison.
  • Avec ce personnage, l'épisode marque le début du virage historique et ésotérique impulsé par le duo Morgan & Wong. James Wong devait alors déclarer : On va dire qu'il s'agit d'un groupe né il y a deux mille ans, quand la Chrétienté n'était encore qu'un assemblage de sectes et de cultes souterrains. L'un d'entre eux fut adopté par les Romains et le Groupe Millennium devint un observateur secret des évènements. Et quand ces évènements semblent indiquer que quelque chose va bientôt survenir, il entre en action.
  • Il reste 826 jours avant l’an 2000.

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3. GÉNOME EN PÉRIL
(SENSE AND ANTISENSE)



Un homme, le « patient zéro », apparemment atteint d’une grave maladie, est soigné en urgence à l’hôpital de Seattle. Grâce à la complicité d’un chauffeur de taxi avec lequel il a sympathisé, il parvient cependant à s’enfuir quand deux hommes se présentant comme policiers viennent se saisir de lui.  Les autorités font appel à Frank, qui retrouve rapidement le patient zéro, avec l’aide de Geibelhouse. Or les prétendus experts sanitaires se volatilisent avec le mystérieux patient, qui semble exempt de tout virus. Interloqué, Frank fait appel au Groupe, qui décide de l’aide même si Peter est furieux d’avoir été initialement mis à l’écart. Avec l’aide du chauffeur du taxi (qui sera assassiné) les deux hommes mettent à jour une officine qui, sous couvert de la recherche du Génome Humain, exploite l’ADN pour mettre au point un conditionnement des individus. Des sans domiciles fixes sont utilisés lors d’expériences aux conséquences dramatiques. Il s’avère alors que le patient zéro n’était autre que chef du projet, sans doute victime d’un accident. Redevenu lui même, il nie tout en bloc. Dépourvu de preuves, Frank doit renoncer, tandis que le Groupe se déclare impuissant.

Lors du premier temps de l’épisode, on apprécie vivement un certain retour aux fondamentaux de MillenniuM (avec un Henriksen buvant visiblement du petit lait). On retrouve notamment la figure sympathique de l’Inspecteur Geibelhouse, toujours joué avec pittoresque par Stephen J. Lang, et une enquête somme toute classique, basée sur les subtils talents de Profiler de Frank. L’ensemble fonctionne fort agréablement, d’autant que le décor urbain de Seattle (enfin, de Vancouver), admirablement filmé pour en faire rejaillir l’aspect sinistre et anxiogène, apporte une variété bienvenue avec la forêt précédente. Cependant sourdent déjà des différences, comme l’absence totale de recours au Don (envers lequel Morgan & Wong demeurent dubitatifs) ou l’absence de Catherine comme point d’appui de Frank, renforçant son désarroi.

On achève de basculer dans un autre domaine que celui de la première saison, lors de la soudaine extension du récit, complotasse et paranoïaque. De fait on retrouve clairement une tonalité proche des X-Files, y compris dans certains effets, comme la capacité des adversaires à se fondre soudainement dans le néant (la disparition d’un service entier sera reprise dans En ami) ou l’inévitable assassinat de la source de Frank. Outre que l’on puisse regretter une perte de spécifié de MillenniuM, ce choix s’avère aventureux, car obligeant à une comparaison directe.

Or ceci ne tourne pas à l’avantage de l’épisode car l’enquête de Frank et Peter souffre de nombreux défauts, dont des enchainements trop accélérés (l’étiquette absurdement révélatrice, le chauffeur de taxi miraculeux etc.) ou un ton moralisateur virant vite au déclamatoire empesé. Trop d’éléments démurent nébuleux pour ne vas dangereusement approximer les facilités scénaristiques. Cette virtualité globale entrave l’installation d’une véritable intensité dramatique, alors que la direction d’acteurs virent à l’occasion dans le caricatural.

Ce gâchis attriste véritablement car le scénario ne manquait pas d’atouts. La pirouette scénaristique de la véritable identité du patient zéro se montre efficace et joliment amenée. Surtout la relation entre Peter et Frank (toujours aussi excellemment interprétés) reste captivante, tandis que s’exprime toujours davantage la volonté d’emprise d’un Groupe désormais intrusif. Plusieurs concepts anxiogènes s’entremêlent, comme les appels téléphoniques anonymes reçus par Frank ou le recours à la légende urbaine des camions ou ambulances mystérieux.

L’emploi du Projet du Génome Humain comme vecteur apocalyptique était judicieux et prometteur dans l’optique des grandes frayeurs suscitées par l’an 2000, d’autant que les deux évènements convergent dans le temps. L’épisode prend ailleurs le temps, d’expliciter ce concept (on remarqua au passage que Peter semble étonnamment  versé dans le domaine de l’ADN et que le Groupe abandonne bien facilement cette affaire). Hélas, brassant autant de thèmes divers (jusqu’au génocide du Rwanda !) , l’opus semble représenter un patchwork trop ambitieux, oubliant en cours de route de développer une enquête tenant la distance.

  • Durant l'épisode, on entend la chanson Gyp the Cat, de Bobby Darin, quand Frank rentre chez lui.
  • Le titre original fait référence à un terme technique de la génétique, décrivant les deux composantes de la double hélice de l’ADN, soit les nucléotides et les protéines fondamentaux dans le fonctionnement de l'ADN et de l'ARN. Cet élément est explicité par Pater Watts en cours du récit.
  • L'unité industrielle porte le nom de SC03, qui est en fait le code de production de l'épisode.
  • Absente durant les deux premiers opus de la saison, la traditionnelle citation d'ouverture effectue ici un retour, avec un arrêt de la Cour Suprême dans une affaire de 1985 : U.S. Military released from liability for experimenting on unwilling and unknowing human subjects.
  • L'épisode évoque largement le Projet Génome Humain. Visant à obtenir une cartographie complète de l'ADN du génome humain, ce vaste projet s'est étendu de 1990 à 2003, après une gestation durant les années 80. Le génome est l'information génétique contenue dans les 23 chromosomes d'un être humain. Le développement du PGH à donné lieu à une vaste coopération publique internationale, mais aussi à une course féroce contre un projet équivalent mené par la société privée Celera Genomics, s'achevant en match nul. Avoir séquencé le génome humain aux environs du Millénium constituait un objectif fort pour les deux concurrents. Le premier résultat brut, encore à affiné, sera annoncé en juin 2000 par Bill Clinton. Les enjeux sont énormes pour la recherche médicale fondamentale, amis aussi financièrement. Le Génome Humain est considéré comme intégrant le patrimoine de l'Humanité, donc non brevetable.
  • Il reste 819 jours avant l’an 2000.

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4. LE MONSTRE
(MONSTER)


 

Watts envoie Frank dans une petite ville où plusieurs enfants ont fait l’objet de maltraitance. La responsable de la garderie est superette, alors que la tension monte dans la population. Soudain un enfant est retrouvé mort dans cet établissement, ce qui provoque une vague d’hystérie, exploitée par un procureur en cours der réélection. Il fait pression sur Frank pour que celui confirme la culpabilité de la femme, mais celui-ci s’y refuse, suspectant une terrible vérité : la coupable n’est autre qu’une petite fille, Danielle, aux insoignables pulsions sadiques. Black reçoit soutient de la psychologue  Lara Means. Les deux enquêteurs se lient d’amitié et découvrent avec stupeurs qu’ils ont tout deux été envoyés par le Groupe. De plus Lara possède elle aussi un Don, lui permettant de percevoir des Anges annonciateurs de désastres. Alors qu’une meurtrissure de Jordan à la mâchoire fait suspecter Frank de maltraitance, Danielle fait croire que celui-ci l’a agressée. Frank est alors arrêté, mais reçoit le soutien de Catherine, alertée par Peter. Lara parvient à convaincre la mère de Danielle de révéler qu’elle sait que Danielle s’est elle même blessée. Frank est libéré, tandis que Danielle est confiée aux experts du Groupe Millennium.

L’épisode vaut en premier lieu pour la découverte du formidable personnage de Lara Means, grâce à laquelle cette deuxième saison va réellement débuter et trouver un axe narratif fort. Kristen Cloke, totalement immergée dans le rôle, lui apporte la sensibilité qu’on lui connaît et s’accorde instannément avec Lance Henriksen. Si ses visions angéliques s’avèrent remarquablement amenées, à la fois merveilleuses et horrifiques, Morgan & Wong (ici directement à l’écriture), ne commettent pas l’erreur de se limiter à cet effet. Bien au contraire, en quels scènes ils parviennent à dresser le l’attachant portrait tourmentée par une terreur secrète et à l’angoisse d’une catastrophe à venir, mais néanmoins solide et arquée sur des principes moraux inflexibles.

Après la traditionnelle prise de contact électrique, on apprécie de la découvrir rivaliser avec Frank en matière de déduction, tandis que leurs scènes communes se montrent aussi virtuoses qu’intenses. C’est notamment le cas lorsque Lara, épouvantée mais digne, évoque la multiplication croissante des manifestations d’Anges témoins de drames ou quand les deux partenaires constatent à quel point le Groupe n’hésite pas à les manipuler. Lara a aussi pour elle de constituer une création originale de la présente saison et donc de ne pas pâtir des contradictions inhérentes au changement de cap de la série.

De manière d’autant plus appréciable que MillenniuM s’aventure désormais pleinement dans le Fantastique, Morgan & Wong veillent à ne pas se cantonner dans une stérile redite des X-Files : le duo Frank/Lara s’avère d’emblée en tous points différents de Mulder et Scully. Ces derniers divergent en bien des points, jusqu’à se montrer antagonistes dans leur approche de leur travail, avec notamment la fameuse opposition entre croyant et scepticisme.

Bien au contraire, Frank et Lara se révèlent absolument semblables : méthodes de travail, position similaire d’experts au service du Groupe, partage de la même défiance envers les véritables desseins de l’organisation, partage de la même appréhension face à la montée des périls ou encore possession d‘un Don psychique. Que Frank perçoive le démon et Lara les Anges ne change rien, tant ceux-ci se montrent terrifiants par ce qu’ils se contentent d’annoncer (pas d’ange gardien en trench-coat dans le secteur). Cette posture sera brillantent exploitée par la suite de la saison, voyant Lara néanmoins réagir différemment aux révélations survenant. Lara Means va devenir le miroir obscur nous révélant ce qu’aurait pu devenir Black, jusqu’à ce qu’elle finisse par sombrer dans la folie.

L’enquête du jour, autrement plus solidement charpentée que lors de l’opus précédent, se révèle également captivante. Entre dénonciation de l’obscurcissement de l’esprit provoqué par la peur et l’hystérie de groupe et cette description glaçante d’un enfant démoniaque, l’amateur de La Quatrième Dimension pourra y discerner un plaisant alliage des Monstres de Maple Street et de C’est une belle vie. Portée par l’envoutante musique de Snow, la révélation de l’horreur s’effectue avec un savant dégradé, tandis que la jonction de l’affaire avec le quiproquo autour de Jordan apporte un retournement de situation efficace. Outre le plaisir de trouver nombre de visages connus des X-Files, l’interprétation se montre de grande qualité, avec notamment un remarquable Robert Wisden dans le rôle d’un procureur intelligent, mais davantage soucieux de politique que de justice. La petite Lauren Diewold (Danielle).

On regrettera quelques petites maladresses, comme la vision un brin caricaturale de l’enfant se repaissant des images horribles de la conclusion de La Mouche, ou le poncif de la coupable se frappant elle même pour discréditer son accusateur. Morgan & Wong y avaient d’ailleurs déjà eu recours pour Eugène Tooms face à Mulder ! Cette séquence nous apporte cependant l’une des plus mémorables composant de Lance Henriksen, quand Frank confesse tout l’amour qu’il porte à Jordan.

  • La citation du jour est un extrait du Henri VI de Shakespeare (1598) (The first thing we do, let's kill all the lawyers.), et non d'Henry IV, comme il est faussement indiqué.
  • L'épisode introduit un nouveau personnage récurrent, la psychologue Lara Means. Celle-ci a la faculté d'apercevoir les Anges, des apparitions l'épouvantant. Elle occupe vis à vis du Groupe une position similaire à celle de Frank, auquel elle va désormais être régulièrement associée. Elle participe à 10 épisodes de cette saison.
  • Lara est interprétée par l'excellente Kristen Cloke, inoubliable Mélissa dans The Field Where I Died (X-Files). Elle épouse  Glen Morgan en 1998, l'année suivant le tournage de Monster. Cette figure des productions fantastiques  participe notamment à Code Quantum, Space 2063, Willard ou encore au premier opus des Destination Finale (2000), réalisé et écrit par Morgan & Wong sur un scénario initialement prévu pour les X-Files.
  • Hormis Kristen Cloke, l'épisode comporte quelques acteurs reconnaissables des X-Files : Lauren Diewold (Emily, Mélissa enfant), Chris Owens (Jeffrey Spender) et Robert Wisden (Modell, le Pousseur). Il en va de même pour plusieurs autres, moins connus.
  • A l'arrivée de Frank et Lara, Danielle est en train de regarder La Mouche (1958).
  • Catherine change de coiffure, qui sera désormais lisse et non plus frisée.
  • Il reste 805 jours avant l’an 2000.

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5. UN SIMPLE BRIN D’HERBE
(A SINGLE BLADE OF GRASS)


A New York, un chantier immobilier jouxte des fouilles archéologiques d’un cimetière indien. L’archéologue Liz Michaels découvre un cadavre récemment enterré, marqué par des symboles mortuaires. Appelé en renfort par le NYPD, Frank fait rapidement équipe avec Liz. Grâce à son Don et aux connaissances de celle-ci, ils déterminent qu’un groupe d’ouvriers indiens du chantier, originaires de différentes tribus, s’est lancé dans une quête aussi spirituelle que mortelle. D’une manière quelque peu similaire au Groupe,  Ils pensent que la fin du monde approche et envoie des émissaires dans le monde des esprits, pour que leurs ancêtres leur indiquent comment rebâtir un paradis terrestre. Pour cela ils font ingérer de force du venin de serpent à sonnettes aux victimes, puis attendent en vain leur résurrection. Fasciné par le pouvoir de divination de Frank ainsi que par diverses coïncidences, ils jugent qu’il est le véritable élu, puis l’enlèvent et lui font subit le rituel. Grâce aux déductions de Liz, ils sont arrêtés par la police avant que Frank ne soit tué, mais celui-ci a le temps de percevoir des fragments du monde spirituel, indiquant que ses ravisseurs ont fait totalement fausse route.

MillenniuM sacrifie ici au marronnier de l’épisode amérindien, à l’instar de la plupart des séries fantastique ou de Science-fiction (Buffy contre les Vampires, X-Files, Stargate SG-1 etc.). Le politiquement correct agit sans doute, mais la principale raison en demeure certainement la formidable richesse et la poésie caractérisant les mythes issus de ce shamanisme, notamment le fascinant concept du monde spirituel, image du notre. Avec une évidente et communicative sincérité, l’épisode entreprend de considérer l’Apocalypse telle que perçue par une autre culture, tout en rendant hommage à ce merveilleux folklore. Cela nous permet de découvrir de nombreux superbes objets d’art, à l’étrange beauté exotique, tandis une véritable atmosphère se met en place, également grâce aux tonalités américaines prises par la toujours sublime musique de Mark Snow.

Les artistes de la série créent un nouvel endroit abominablement sinistre, avec ce sous-sol sordide où se déroulent les exécutions, agrémenté de peintures rituelles. Par contraste la splendeur et mysticisme des visions du monde spirituel en sortent renforcés. Par ailleurs le parallèle établi entre les menées du groupe et celles des  indiens, ainsi qu’entre le Don de Frank et le shamanisme apparaît bien pensé.

Malheureusement le scénario commet la même erreur que celui de Sense and Antisense : brasser trop de thèmes divers (la mythologie se substituant à sa version contemporaine des légendes urbaines), jusqu’à en oublier de développer une véritable intrigue d’enquête. Un temps bien trop considérable est accordé aux commentaires et explications de Liz, certes intrinsèquement intéressants en soi, mais dont l’accumulation finit par virer au quasi documentaire, hors sujet ici. On finit malheureusement par saturer, d’autant que l’action principale se limite durant ce temps à un vaste surplace, paraissant pour le moins  verbeux. Du coup, pour conclure le récit, les auteurs se voient contraints à des accélérations passablement artificielles, comme un recours pour le coup massif au Don de Black ou à de soudaines et miraculeuses déductions de Liz, dignes de Sherlock Holmes. Les inserts représentant New York sont également calqués de manière assez artificielle.

Isoler également à ce point Frank de son environnement et surtout des liens forts tissés avec les personnages récurrents de MillenniuM constituait un pari aventureux. De fait l’on ressent effectivement comme un manque tout au long de l’historie, même si l’entent formée avec Liz demeure sympathique. D’autre part, si Amy Steel (Ginny Field dans le deuxième Vendredi 13) s’avère excellente dans ce rôle, il faut bien avouant que les jeunes indiens développent un jeu pour le moins minimaliste. On note également plusieurs maladresses comme le portrait extrêmement caricatural du promoteur immobilier ou la course des bions décrédibilisant les adversaires du jour et les transmuant en pitoyables idiots. Une ironie inutile, à l’instar du passage se voulant humoristique du médecin légiste décalé, qui  suscite surtout une violente nostalgie de Dana Scully.

  • L'épisode est marqué par le retour des visions de Frank, temporairement absentes, comme l’avait annoncé le Vieil Homme. Celles-ci avaient en fait disparu depuis le début de la saison, du fait d'un rejet par Morgan & Wong. Ceux-ci estimaient que ce pouvoir faisait perdre tout crédit et intérêt aux enquêtes. Le Don fut retiré à Frank durant les premiers épisodes de la saison, afin de vérifier si la série fonctionnait malgré tout. Un compromis fut décidé, les visions de Frank reviennent, mais, après cet épisode, demeureront moins marquantes qu'auparavant.
  • C'est une image issue de cet épisode (le visage de mort à côté du masque rituel) qui orne le coffret américain de la saison 2. Le français présente lui les  chiens de Beware to the Dog.
  • Le jet de dés de Frank donnant un difficile double quatre est un clin d'œil à la société de production de Morgan & Wong, Hard Eight.
  • Floyd « Red Crow »Westerman (le vieil indien) est bien connu des amateurs des X-Files pour son interprétation d'Albert Hosteen.

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6. LA MALÉDICTION DE FRANK BLACK
(THE CURSE OF FRANK BLACK)


Frank accompagne Jordan durant la soirée d’Halloween. En chemin, il remarque divers éléments étranges, comme des manifestations silencieuses de démons, ou les nombres 26:8 apparaissant écrits sur de multiples supports. Après qu’il ait raccompagné sa fille, sa voiture tombe en panne.. Débute alors une errance tout au long de la nuit, durant laquelle les faits les plus curieux ne cessent de survenir. Sous leur influence, Frank se remémore divers moments de son passé : comment il a rencontré un homme étrange durant son enfance, égalent lors d’Halloween, mais aussi comment son Don est apparu, à l’adolescence. Passant par la Maison jaune, où un groupe de jeunes l’évoque tel un légende urbaine, il croit un instant que le fantôme de Bletcher va lui apparaître. Rentré chez lu , Frank comprend que les chiffres font référence à une citation d es Actes des Apôtres, affirmant la réalité de la résurrection. Le fantôme de l’homme jadis rencontré se manifeste alors. Il révèle à Black que son action au sein du Groupe MillenniuM irrite celui dont le triomphe prochain serait inévitable et lui conseille d’y mettre un terme. Malgré cette nuit effrayante, Frank poursuit nénamoins son combat.

Nombreuses sont les séries télévisées, en particulier les fantastiques, a avoir abondé Halloween. Le résultat obtenu s’avère le plus souvent d’excellente facture, tant le sujet s’avère inépuisable et autorisant de multiples approches différentes. Mais rares sont les épisode a avoir abordé avec autant de talent et d’expressivité la double nature de cette fête, relevant à la fois du merveilleux et de l’horrifique. Le mérite en revient en premier lieu à la mise en scène et la photographie, sachant exprimer avec un art authentique le caractère unique de cette nuit, ou les deux plans, naturel et surnaturel, se juxtaposent.

Effets lumineux, plans savamment distordus, emploi pertinent du noir et blanc, apparitions diverses, choix ambitieux de longs plans séquences silencieux, musique subtilement connotée de Snow, tout concoure à créer une atmosphère fascinante d’étrangeté et de mystère. Le décor d’une banlieue américaine tranquille devient un étrange et envoutant entre-deux mondes. Ce travail a compagne harmonieusement ce périple sinaïtique de Frank, avec une nouvelle dualité, cette fois entre passé et avenir. Lance Henriksen se révèle une nouvelle fois parfait, dans cet opus où il démure pratiquement seul en scène. De précieuses informations nous ont ainsi révélées sur son passé et la les premiers pâs du parcours devant le conduire à devenir le plus grand  profiler du FBI.

 Cet épisode hors normes, chef d’œuvre visuel, se conclue en point d’orgue  avec la visite du fantôme des Halloweens du passé. Le thème relevant davantage de Noël depuis Dickens, mais s’il existe une série capable habiller la Nativité aux couleurs de la Fête des Morts, c’est bien MillenniuM. Dean Winters (Ryan O’Reilly dans Oz) réalise également une formidable composition, hissant cette apparition au dessus des clichés traditionnels du genre, par l’humanité qu’il parvient à exprimer tout en délivrant le message du Démon (toujours ce thème si troublant de la dualité contradictoire). Jamais Black n’aura été aussi tourmenté et en proie en doute, alors qu’il est concomitamment élevé au rang de mythe urbain par les jeunes. A la vision du passé, mêlant nostalgie et effroi,  succède  une vision, cette fois univoque, de l’avenir, car toute en épouvante.

Mais si la présente du Démon s’avère prégnante comme jamais, Black nous signifie avec une émouvante et silencieux éloquence que l’espoir perdure, lors de la formidable scène finale. Il ne renoncera pas à combattre le Futur.  Avec The Curse of Frank Black,  à al fois virtuose exercice de style et pénétrant portrait de Franck Black, cette saison 2  achève de basculer  dans le Fantastique pur et d’installer la perspective d’une Apocalypse biblique, mais cette fois sans susciter aucune nostalgie pour la première époque de la série, tant la réussite de l’opus s’avère éclatante. Le goût prononcé de Morgan & Wong pour l’expérimentation ambitieuse et le développement de voies originales au sein d’un ensemble trouve ici l’une de ses concrétisations majeures.

  • La citation du jour est Do you ever find yourself talking with the dead? Since Willie's death, I catch myself every day, involuntarily talking with him as if he were with me. Elle fut prononcée par Abraham Lincoln à propos de lamort de son fils.
  • A l'arrivée des enfants, Crocell est en train de lire le roman  L'Age de Raison, de Jean Paul Sartre (1945).
  • D’après le journal aperçu, la rencontre entre Crocell et Black enfant se situe peu de temps après le suicide de Goering, ce qui la place à l’Halloween de 1946.
  • La citation référencée des Actes des Apôtres est Pourquoi juge-t-on incroyable parmi vous que Dieu ressuscite les morts ?.
  • Le film réapparaissant dans la télévision de Frank et montrant des diables rire est The Devil's Ball, de Ladislaw Starewicz (1934).
  • Les images apparaissant brièvement dans la télévision d’un voisin de Frank sont tirées de Notorious 7, le pilote d'un projet de Morgan & Wong refusé par la Fox.
  • L'homme costumé que Frank croise dans la rue est en fait déguisé en Chig, le méchant extra-terrestre de la série de Morgan & Wong, Space 2063.
  • Durant le flash back se déroulant dans les années 60, on entend Memories are Made of This, de Dean Martin.
  • Jordan a choisi de se déguiser en Marge Simpson.
  • L’épisode fut diffusé le 31 octobre, dont lors de la soirée d’Halloween.
  • Il reste 790 jours avant l’an 2000.

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7. APOCALYPSE 19, VERSET 19
(19:19)


Matthew Prine se gorge d'informations télévisuelles, jusqu'à y percevoir une mécanique conduisant inexorablement à l'apocalypse nucléaire d'une troisième guerre mondiale. Également obsédé par le Livre des Révélations, il est persuadé que le Sauveur de l'Humanité se trouve parmi les élèves d'une  école voisine, mais que celui-ci court un grave péril. Il enlève alors les enfants et les enterre vivants dans un container, pour les mettre à l'abri, attendant un signe divin signifiant la fin de l'alarme. Cayse, le shérif local, est le père d'une kidnappée, la petite Jessica. Désespéré, il fait appel au Groupe Millennium. Frank, assisté par Peter, trace le portrait psychologique de Prine et le fait rapidement capturer. Néanmoins celui-ci refuse d'avouer où se trouvent les enfants. Tandis que l'oxygène commence ce à manquer, Jessica se révèle une leader née et entretient héroïquement le courage  de ses camarades. Frank fait appel à Lara Means. Son étude du comportement de Prine, outre divers éléments matériels, permet de déterminer que les élèves sont ensevelis dans une ancienne carrière; Conduit sur place, Prine refusent encore d'indiquer où ils se trouvent. Annoncée de longue date par les météorologues, survient une gigantesque tornade, dans laquelle Prine reconnaît le signe qu'il espérait. Il s'anéantit en se jetant dans le cyclone, qui extrait le container du sol, en sauvant in extremis les enfants. Plus tard, Frank apprend que la tornade a détruit l'école et aurait qu'elle tué les enfants sans l'intervention de Prine.

Le grand mérite de 19:19 consiste à opérer une parfaite fusion entre les thématiques des deux premières saisons de MillenniuM. Contrairement à des épisodes comme Sense and Antisense et A Single Blade of Grass (ou encore malheureusement le désastre de l'opus prochain), un équilibre pertinent est trouvé entre l'aspect enquête et celui du Fantastique au sens large. Avec un pétulant plaisir on retrouve Black en majesté, retrouvant ses postures de jadis et délivrant une pénétrant profil psychologique, on plus d'un serial killer mais d'un illuminé mystique. L'ensemble, solidement charpenté et au suspense croissant, se suit avec un vif intérêt, d'autant que les apports distincts de Frank , Peter et Laura s'intègre dans un tout cohérent et écrit avec un vrai sens du rythme.

Certes l'on notera qu'en première saison Frank n'aurait en aucune manière nécessité l'intervention de Lara et que celle-ci se livre à une révélation assez peu subtile, le mouvement inconscient des mains de Prine quand on évoque les enfants paraissant assez téléphoné. Mais l'on assiste néanmoins avec plaisir au développement de, l'amitié et de la synergie s'instaurant entre Frank et Lara, sous l'oeil attentif de Peter Watts. Un joli coup de griffe empreint de paranoïa est d'ailleurs derechef décoché au Groupe, avec sa propension à suivre les achats de l'ensemble de la population. Big Brother is watching you. Les auteurs ne négligent pas l'aspect humain, avec le déchirant portrait du Shérif, père tourmenté par l'angoisse et sans cesse au bord de la rupture (remarquable Steve Rankin).

L’ésotérisme inhérent à l'intrigue suscite également des passages très forts ou étrangement incongrus, tels le ravisseur se joignant à la prière de ses victimes ou l'apparition providentielle des enfants, comme jaillissant de la terre nourricière. Sans devenir envahissants, les effets spéciaux (le feu nucléaire, la tornade) s'avèrent remarquables  pour l'époque. Le portrait de Prine se montre aussi complexe que fascinant, du Data Zombie cher aux Cyberpunks au mystique le plus exalté.

Christian Hoff apporte une étonnante présence à son personnage, notamment lors des confrontations l'opposant à Black et Lara. Le personnage fait réellement froid dans le dos par son ambivalence abyssale, simultanément convaincu d'oeuvrer pour le Bien et totalement indifférent au sort des enfants en cas d'absence de signe divin, car alors plus rien n'aura d'importance. En contraste le lumineux portrait de la vaillante et charismatique Jessica ressort particulièrement émouvant. De plus son histoire, entre tempête à venir et enfant unique espoir de l'Humanité revêt des accents à la Terminator propres à séduire l'amateur. La très jeune Colleen Rennison (Ally/Cassandra dans Stargate SG-1) crève absolument l'écran.

La thématique apocalyptique, empruntant une voie judéo-chrétienne bien connue, peut dès lors judicieusement se permettre de ne pas occasionner de trop longs commentaires, dévorant l'espace narratif imparti à l'enquête. Idéale conclusion à ce si astucieux scénario, le twist final, totalement déstabilisant et amené avec une brillante concision, s'avère d'un rare impact, comme issu de La Quatrième Dimension elle même !

  • Le verset du Livre des Révélations auquel il est fait référence est : « Et je vis la bête, et les rois de la terre, et leurs armées rassemblées pour faire la guerre à celui qui était assis sur le cheval et à son armée ».
  • Différents pays sont cités dans le diagramme tracé par Prine, conduisant à la Troisième Guerre Mondiale. Un catastrophe est associée à chacun. Concernant la France, il s’agit de l’apparition du SIDA.
  • Peter cite expressément le verset 06:05 en déclarant que l'Agneau a brisé les Sept Sceaux, or ce texte ne traite que du Troisième Sceau. L’erreur est corrigée dans la version française.
  • Quand Lara, Peter et Frank revoient la scène d'interrogatoire sur une vidéo, le dialogue a changé.
  • Parmi les enfants enlevés, on remarque la présence de Jeff Gulka, l'interprète de Gibson Praise, le jeune télépathe apparaissant dans les X-Files.
  • On entend la chanson Bless the Beasts and the Children, des Carpenters, utilisée par le ravisseur pour transmettre son message, le verset 19:19 du Livre de l’Apocalypse.

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8. LA MAIN DE SAINT-SÉBASTIEN
(THE HAND OF SAINT SEBASTIAN)


Peter demande de l’aide à Frank, pour une affaire que le Groupe lui a pourtant conseillé d’abandonner. Le de Dr Schlossburg, un grand érudit versé dans les mystères médiévaux,  a été assassiné à Brême. Les deux hommes partent en Allemagne pour enquêter et y reçoivent l’assitance un autre membre du Groupe ayant déjà collaboré avec Frank, le Dr Cheryl Andrews. Peter révèle que Schlossburg aurait retrouvé la trace de la dépouille d’un chevaler membre du groupe, remontant à l’époque précédant l’avènement du premier millenium. Celle-ci contiendrait la Main de Saint Sébastien, une relique  ayant permis à l’organisation de vaincre les fléaux de cette époque reculée.  Après une enquête mouvementée, où l’on tente à diverses reprises de les assassiner, les deux hommes établissent que c’est Andrews qui trame ce complot, désireuse que ces secrets ne soient pas révélés. Elle est arrêtée par la police allemande. Une fois découverte, la Main se révèle porteuse de divers tatouages  mystérieux, dont Peter envisage la traduction. Frank pense lui que le chevalier a emporté ces connaissances dans la tombe.

Bien plus similaire à un mauvais épisode la déjà médiocre Sydney Fox l’Aventurière qu’à un Indiana Jones, La Main de Saint Sébastien demeure à juste tire l’un des épisodes les plus contestés parmi les fans de MillenniuM. Le récit n’a plus rien à voir avec la série telle qu’on la connait et apprécie, optant pour une vague casse au trésor, ponctuée de  scènes d’action guère tonitruantes  et un fatras ésotérique réellement épuisant, ne semblant guère convaincre un Lance Henriksen singulièrement plus absent qu’à l’accoutumée (il est vrai qu’il souffre alors de problèmes de santé).

Morgan & Wong oublient toute subtilité dans ce basculement narratif, avec plusieurs maladresses étonnantes vendant de la part d’auteurs aussi talentueux et chevronnés. Introduire sans réelle utilité Chereyl Andrews revient évidemment à la désigner d’entrée comme la coupable, d’autant qu’aucune fausse piste n’est élaborée pour enrichir le récit (CCH Pounders est par contre toujours formidable). Par ailleurs, quand on en vient à s’approximer à une série historique, la question du manque de moyens devient incontournables. De ce fait les scènes médiévales deviennent vraiment toc, aux limites du risible.

Repeindre le groupe en secte ésotérique le rend beaucoup plus quelconque que la création originale et ambigüe de la première saison, puisque que l’on renoue un thème maintes fois exploité dans la littérature populaire ou fantastique. Le scénario se définit comme très mécanique, tout en trahisons et rebondissements faciles, mais  dépourvu tout la profonde désespérance  morale précédente, comme une bande dessinée dépourvu d’imagination. Le premier degré et l’emphase de tout ce fatras confirment une déperdition, non seulement sur fond de la série, mais aussi sur sa forme.

Parallèlement Roedecker continue à nous irriter par la lourdeur pachydermique de son humour et l’inspecteur Betzdorf ne s’extirpe pas de clichés convenus, malgré la sympathie suscitée par l’acteur allemand Gottfried John (le général Ourumov dans Goldeneye). On ressent d’autant plus intensément l’étendue du gâchis qu’il s’agit pour une fois d’un épisode plutôt centré sur le complexe Peter Watts, une occurrence attendue depuis longtemps.

  • L’épisode marque l’apparition de l’Ainé  (Elder, terme que l’on retrouve dans le Syndicat des X-Files). Ce personnage éminent du Groupe Millenniumen assure la direction politique, tandis que le Vieil Homme assure un magistère moral. Membre du cercle secret, l’Ainé est le supérieur direct de Peter Watts, qui finira lui aussi par intégrer cette entité. Il apparaît dans deux épisodes de cette saison, avant d’avoir un remplaçant dans un épisode de la saison 3.
  • Le docteur John Schlossburg a été nommé en clin d'œil à un fan particulièrement actif de Space 2063, la série de Morgan & Wong.
  • Saint Sébastien (quatrième siècle) est le patron des archers, soldats, policiers et des athlètes, traditionnellement invoqué contre la Peste. Abattu par flèches par les Romains de Dioclétien, il fut miraculeusement sauvé par une autre; chrétienne. Il continue néanmoins à dénoncer les persécutions et l'Empereur ordonna qu'il fut battu à mort. Sébastien est souvent représenté attaché à un poteau, le corps transpercé de nombreuses flèches.
  • Lance Henriksen fut souffrant durant le tournage de l'épisode, notamment parce qu'il tentait d'arrêter de fumer.
  • Il reste 779 jours avant l’an 2000.

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9. LE JUGEMENT DERNIER
(JOSE CHUNG’S DOOMSDAY DEFENSE)


 

Quelques temps après s’être intéressé à un service particulièrement inclassable du FBI, l’écrivain Jose Chung écrit un nouveau roman. Celui-ci s’intéresse aux différents cultes fleurissant à l’approche du Millennium. Il interroge ainsi un disciple de la Selfosophie,  en rupture de ban certes relative. Chung a d’ailleurs connu dans a jeunesse le fondateur de ce mouvement, Goopta. Le disciple est retrouvé mort électrocuté par l’engin servant à la Selfosophie à « éduquer » ses ouailles, ce qui entraîne l’intervention de la police de Seattle et du Groupe. Malgré des caractères très opposés Frank et Jose finissant par sympathiser au fil de leurs confrontations, malgré la vive méfiance de Peter envers toute  publicité non désirée pour le Groupe. Jose promet de ne pas évoquer celui-ci dans on ouvrage. Il va mener de pair avec Frank une enquête hors normes, où s’entrecroisent un Selfosophe particulièrement extrême et ulcéré pour le travail de l’écrivain, mais aussi un tueur  fanatique de Nostradamus, ivre de vengeance après que sa petite ami l’ait quitté. Frank parvient à intercepter le Selfologue mais l’autre individu a le temps d’assassiner Chung avant d’être arrêté. Le livre de José, Doomsday Defense, terminé à temps, est néanmoins publié et il évoque bien entendu de manière caustique un certain Blank !

L’introduction pour le moins originale que constitue la biographie déjantée de Goopta narrée par Chung, confirme d’entrée que Darin Morgan, génie hors normes, n’a aucunement l’intention de se fondre dans le moule de MillenniuM. Tant mieux ! Son imagination survoltée, bien plus ambitieuse qu’il n’y paraît au premier abord, va valoir l’un de ses plus inoubliables opus à cette deuxième saison. Et, incidemment, prouver que l’humour peut fonctionner même au sein d’une série aussi sombre que MillenniuM, pour peu que l’on s’en donne vraiment les moyens, sans se contenter de greffes aussi sommaires que malhabiles. Ce succès va se bâtir sur l’assemblage dynamique de trois éléments distincts, au sein d’un ensemble sans doute davantage coordonné que lors de  l’éminemment lysergique Jose Chung’s From Outer Space.

Il s’agit tout d’abord de la drôlerie irrésistible de nombreuses scènes. Darin Morgan explose littéralement les conventions de la série, pour accumuler les scènes de pure comédie. Il multiplie ainsi les digressions examinant les résolutions possibles de l’énigme, au gré de l’inventivité en roue libre des commentateurs. Effet garanti, la palme revenant sans doute à la vision d’un Frank devenu un espèce de Mike Hammer vulgaire et satisfait, au pouvoir miraculeux. Du grand n’importe quoi, massivement jouissif. Evidemment il en ressort que l’enquête n’en est  plus vraiment une, se résumant à une succession  de situations aberrantes  et à une résolution en forme de pure charade, mais l’épisode a bien entendu raison de jouer à fond la carte de l’épisode décalé.

Il s’agit quasiment du seul présent dans MillenniuM (Darin refrappera cette saison), il serait dommage de ne pas en profiter ! Le récit abrite également quelques pépites de pur absurde, comme, cette scène voyant Jose écrire sur Black, qui écrit sur le Selphosophe fou, qui écrit sur Jose. On se régale. On assiste en outre à quelques clins d’œil à From Outer Space, comme la scène finale voyant Frank lire le bouquin de Chung le concernant, de manière absolument similaire à Scully. Mais il se contente de le poser un peu vivement sur sa table de chevet, au lieu de le projeter, ce qui est fort bien vu !

Le second atout de l’opus reste sa valeur d’impliable pamphlet contre la Scientologie, sous une apparence de comédie, dans la grande tradition du genre. l’ensemble des divers aspects de l’association des  joyeux héritiers  du débonnaire (et auteur de Science –fiction tellement sous doué) Lafayette Ron Hubbard : fatras de la doctrine, vénalité de la démarche, assise hollywoodienne et californienne; rôle de socle joué par l’œuvre du Maître, maîtrise des moyens modernes de communication et du juridisme américain, mais aussi capacité à bâtir sur le long terme. Certes les Scientologues se voient décrits comme de désopilants débiles légers, en particulier le fanatique ultime suscitant une succession de gags énormes par son recours gaguesque à la « Pensée Positive » (tout va très bien Madame la Marquise, à la puissance 10).

Mais la vue d’ensemble de cette implacable mécanique de conquête fait froid dans le dos, d’autant que l’épisode assimile  clairement la Scientologie à la mouvance sectaire. Les amateurs des X-Files se régaleront des apparitions de Dave Duchovny (hélas seulement via des affiches) en caricature de comédien porte parole de la Scientologie. Une manière d’ironiser sur les rumeurs perpétuelles courant sur son compte (il agira de même bien plus tard, dans l’irrésistible Californication). Au total une charge bien plus terrible que nombre de postures moralisatrices ou offusquées. Le ridicule tue à coup sûr.

Mais, l’inouï Jose Chung’s Doomsday Defense atteint toute sa dimension et son audace en développant, davantage en sous main, une seconde mordante satire, cette fois contre MillenniuM elle même, jugée clairement  prétentieuse comparée aux X-Files. Darin Morgan n’a au grand jamais adhéré au ton funèbre et crépusculaire de la série, parfois même morbide. Il va profiter que Wong et son frère Glen lui ait laissé carté blanche (également concernant la tonique mise en s cène) pour dresser ce qui s’assimile bien à procès, certes feutré, de la série. De manière tout à fait inédite, il faut bien constater que la grande majorité des piquantes et superbement dialoguées confrontations opposant Frank et Jose tournent à l’avantage de ce dernier, d’autant que l’abattage insensé de Charles Nelson Reilly répond toujours autant à l’appel. C’est bien Chung qui résout en premier l’affaire, grâce à son bon sens dégonflant une idole comme Nostradamus.

On devine aisément que le joyeux et volontiers caustique Chung devient le porte parole de Darin, quand celui-ci fustige l’aspect sombre et prêcheur du Groupe et jusqu’à Frank lui même. Soyons clairs, à côté du flamboyant Jose Chung, Frank ressemble à un éteignoir, dont le côté sentencieux fait plus que jouxter l’ennui. Il se voit caricaturé dans ses attitudes et son penchant à tout perdre tragiquement au sérieux. Il en va de même de Giebelhouse, devenu parodie du policier télévisé de base ou Peter lui même, entre paranoïa et fascination pour Nostradamus. Même le tueur est grotesque. Un passage au vitriol certes quelque peu diffus, mais néanmoins présent de bout en bout. Même la mort sacrilège de Jose Chung semble souligner l’aspiration viscérale de MillenniuM au tragique. Jose Chung’s Doomsday Defense compte bien  parmi les chefs d’œuvre iconoclastes de Darin Morgan.

  • Le populaire humoriste Charles Nelson Reilly avait déjà interprété José Chung dans l'épisode particulièrement décalé des X-Files qu'est Le Seigneur du Magma, déjà écrit par Darin Morgan (Jose Chung’s From Outer Space, 3.20). Il fut nominé aux Emmy awards pour sa participation à MillenniuM.
  • Duchovny apparaît sur les affiches de la secte, un moyen pour lui d'ironiser sur sa réputation erronée de proche de la Scientologie (Selfsophie ici).
  • Le nom de l’acteur selfologue Bobby Wingood est un clin d'œil au producteur des X-Files, Robert Goodwin.
  • Il s'agit du premier des deux épisodes écrits pour MillenniuM par Darin Morgan, le frère excentrique et particulièrement imaginatif de Glen Morgan, qui fit au combien merveille pour les X-Files. Très enclin à la comédie, Darin n'était guère désireux d'écrire pour MillenniuM mais Glen le convainquit en lui donnant carte blanche et en le laissant réaliser l'épisode. Darin Morgan commettra également l’éminemment particulier Somehow, Satan Got behind Me, cette même saison.
  • Jose Chung’s Doomsday Defense constitue également le premier cross over explicite entre MillenniuM et les X-Files. De nombreux fans de cette dernière série manifestèrent d'ailleurs leur colère après la mort du cultissime Jose Chung. L'épisode connut d’ailleurs l'une des plus basses audiences de la saison, l’information ayant fuité.
  • Le script de l'épisode circula et éveilla rapidement la colère des Scientologues, qui menacèrent de poursuites légales. Le duo Morgan & Wong dut rencontrer des responsables de la dite Eglise dans son centre de  Los Angeles, et accepter que le nom de Selftology soit remplacé par Selfosophy. La tendance de l’organisation à faire pression sur les observateurs en recourant à la justice sera néanmoins largement moqué au cours du récit.
  • L'article de Chung sur la Selfosophie reprend la célèbre accroche du Anna Karénine de Tolstoï (Les familles heureuses se ressemblent toutes, les familles malheureuses sont malheureuses chacune à leur façon.), en remplaçant « familles » par « gens ».
  • Le texte de Chung est paru dans le magazine pour hommes Playpen, contraction évidente de Playboy et Penthouse.
  • L’hôpital psychiatrique aperçu dans l’introduction se nomme le Spotnitz Sanitarium, un clin d’œil au vieux de longue date de Chris Carter, l’auteur et producteur Frank Spotnitz.
  • Chung a écrit un livre intitulé To Serve Man (Comment servir l’Homme), dont Peter Watts espère qu’il ne s’agit pas d’un livre de cuisine. Il s’agit d’une référence au célèbre et hilarant épisode de La Quatrième Dimension portant le même titre. On comprend aisément que Darin Morgan soit sensible à l’humour noir et corrosif de cette fable !
  • Les visions de Frank sont issues des épisodes Pilot, Gehenna et Lamentation.
  • On entend les chansons Dance and Dream de Norman Chandler et Let's Get Goin de Johnny Lightning.

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10. GOODBYE, CHARLIE
(GOODBYE, CHARLIE)


Le bon Dr Kiley prodigue généreusement une mort rapide et sans souffrances aux personnes en stade terminal d’une maladie, au moyen d’une injection massive de penthotal. Il pousse l’amabilité jusqu’à accompagner le passage d’une chanson apaisante.  Evidemment ses amis sont bâillonnés et ligotés, peut-être pour parer à une malencontreuse pulsion les faisant s’accrocher à la vie. La jouissance physique qu’il éprouve quand il exerce le pouvoir du choix entre la vie et la mort n’entre évidemment pour rien dans son action. Mais tel n’est pas forcément l’avis du groupe Millennium, qui, perplexe, envoie sur ces traces Frank et Lara. Frank, aidé par les intuitions de Lara et l’aide du solide inspecteur Giebelhouse, trace progressivement le profil psychologique de ce tueur en série original, totalement indifférent au sexe des victimes et se persuadant d’agir pour leur bien. Arrêté, Kiley se révèle lui même mourant d’une leucémie. Il est libéré pour manque de preuves matérielles, mais Frank et Lara interviennent à temps pour empêcher le grand projet de Kiley, le suicide assisté de tout un groupe de volontaires. Contrairement à ses promesses, il ne s’était  par contre pas joint à eux et s’est échappé !

Après plusieurs opus hors normes et une introduction très réussie par son incongruité horrifique, on en revient à une narration plus classique, avec cet épisode solidement charpenté, retrouvant plusieurs accents de la première saison. Le récit se suit tout du long avec un vif intérêt, grâce à une intrigue solide, où les éléments matériels, souvent astucieux,  se mêlent habilement aux déductions psychologiques. Le scénario rend d’ailleurs un bel hommage à Giebelhouse, certes moins surdoué que ses deux acolytes (dans tous les sens du terme), mais dont le professionnalisme et l’efficacité policière compte pour beaucoup dans le succès. Il apparait bien comme un précieux personnage secondaire pour MillenniuM. L’élément le plus fascinant de la traque demeure néanmoins, comme au bon vieux temps, l’abyssal profil psychologique de ce tueur en série, dans lequel Frank nous entraine étape par étape.

Même dans un créneau plus balisé que durant les récents opus, Henriksen demeure d’ailleurs absolument fascinant. Parallèlement à l’enquête. On apprécie également vivement les dialogues entre Frank et Lara, s’autant que celle-ci fait preuve d’un humour cynique et parfois vachard envers son chéquier et ami. L’absence de Peter renforce leur proximité.  Divertissant, mais aussi émouvant quand on sait qu’l s’agit d’une carapace dont elle se sert pour dissimuler son désarroi intérieur. Le scénario délivre également quelques retournements  de situation réussis, avec ces liens en définitive volontaires ou le refus final de Kiley de s’appliquer sa propre doctrine.

Les décorateurs de la série se montrent toujours aussi inspirés dans leurs créations, comme ce sinistre hôpital désaffecté où Kiley s’approvisionne en penthotal contenu dans d’antiques bouteilles en verre et où il conserve en reliques les corps décomposés de ses premières victimes. Le tueur lui même se montre captivant par son ambivalence. Tucker Smallwood se montre parfait et d’une ébouriffante conviction. C’est  notamment le cas  lorsque la folie de son personnage devient patente et que, derrière le discours, émerge le délire mégalomaniaque de se ressentir comme la Mort en personne. On luit doit plusieurs scènes brillantes, estampillées MillenniuM, comme sa fureur aussi ardente que sincère devant le cadavre d’un malade n’ayant pas bénéficié de son intervention, ou le dialogue passablement original de son interrogatoire par Frank et Lara, se basant notamment ur le dossier médical de Bobby Darin,  mort à 38 ans du fait de graves problèmes cardiaques.

Goodbye, Charlie ressort comme un épisode convaincant à défaut de sortir tout à fait des sentiers battus de la série et toute saison nécessite de tels opus pour pouvoir tenir une distance atteignant plus de 20 jalons. On suit un peu moins quand les auteurs utilisent le cas de Kiley lors d’une interrogation sur l’euthanasie. Quand le médecin se livre à un vrai lavage de cerveau pour en convaincre son patient, les termes du débat deviennent faussés.

  • La citation du jour est Rentrons, le brouillard se lève (Let us go in, the fog is rising). Il s'agit des dernières paroles de la poétesse américaine Emily Dickinson (1830-1886).
  • Goodbye Charlie est une chanson de Bobby Darin (1964), le chanteur préféré de Frank Black, régulièrement entendu au cours de la saison. L'un de ses plus grands succès, cité en coursd'épisode, Beyond the Sea, a également donné un titre aux X-Files. Goodbye Charlie est interprétée par Kiley pour accompagner le départ d'Eleanor et Frank écoute Darin en fin d’épisode.
  • On entend également Season of the Sun, de Terry Jacks et The Right Side of Wrong, de Marty Jensen.
  • Kiley évoque le Syndrome de Lou Gherig. Ce célèbre joueur de baseball, décédé de la sorte en 1941, donne ainsi sa désignation américaine à la Maladie de Charcot. Son nm scientifique est la sclérose latérale amyotrophique, voyant les divers muscles se paralyser progressivement, du fait d’une dégénérescence des neurones laissant néanmoins intactes les capacités intellectuelles.
  • Steven Kiley est pseudonyme choisi par le tueur. Il s’agit du nom d’un des deux héros de la série médicale Dr. Marcus Wilby (1969-1976), très proche de ses patients.
  • Tucker Smallwood (Kiley) est un acteur fétiche de Morgan & Wong, apparaissant dont nombre de leurs productions. Il participe également à Enterprise et aux X-Files, dans lequel il joue le shérif massacré par la famille dégénérée de La Meute.
  • Quand elle pianote sur son ordinateur, Lara arbore un tee-shirt dédié aux Ramones, groupe dont l’ultra Geek Ringo Langly est également fan dans les X-Files.
  • Le mot de passe vocal de Lara lui permettant d’accéder aux bases de données du Groupe Millennium est Open the pod bay doors, HAL, une référence au film 2001, Odyssée de l’Espace.
  • La peinture, dont Kiley orne rituellement ses cérémonies funèbres montre des Grecs antiques manger des noix, symbolisant la prophétie de la vie éternelle post mortem. Mais il s’agit en fait de Romains, le tableau s’intitulant Romains de la décadence, le chef d’œuvre du Français Thomas Couture (1847). Il est exposé au Musée d’Orsay.
  • Il reste 721 jours avant l’an 2000.

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11. LA NUIT DU SIÈCLE
(MIDNIGHT OF THE CENTURY)


La veille de Noël, tandis que Frank recherche désespérément un cadeau pour Jordan, il reçoit un message de son père, Henry Black. Il n’y donne pas suite pensant que sa mère, qui avait le même Don que lui, est morte du refus d’Henry de l’admettre dans leur vie. Par la suite, alors qu’il se remémore le passé, un Ange énigmatique se manifeste à lui, évoquant le mystère de Noël. Le Don se manifeste alors avec force chez Jordan, qui perçoit sa grand-mère défunte. Celle-ci l’aide à dessiner l’un de ces Anges dont elle raffolait jadis. Après en avoir discuté avec Lara, Frank se rend chez son père. Une longue conversation0, d’abord malaisée, permet aux deux hommes de se redécouvrir, Frank s’apercevant en fait qu’Henry a toujours aimé et soutenu son épouse mais que le Don a dévoré celle-ci, lui rendant insupportable le monde réel et l’incitant à rejoindre les Anges. Depuis Henry attend : il a conservé l’Ange en porcelaine qu’il avait offert à sa femme pour le Noël 1946, juste avant son départ. Elle lui a promis qu’à travers lui elle lui enverrait un Signe annonçant qu’il pourrait enfin la rejoindre. Mais il le donne à Frank comme cadeau pour Jordan, estimant que la réconciliation avec son fils représentait le véritable Signe. Plus tard, Frank et Jordan perçoivent l’âme d’henry entrer sereinement dans l’Au-delà.

Episode fascinant et fort singulier que Midnight of the Century, Noël apportant un remarquable pendant à Halloween. The Curse of Frank Black, voyage similaire au sein de  l’histoire personnelle de Black, se centrait sur ce dernier, alors qu’ici se voit abordé l’ensemble de l’univers de la série. Dans cet émouvant conte de Noël, mâtiné de mort et d’angoisse (on reste dans MillenniuM), il s’avère passionnant de voir l’ensemble des personnages de la série faire comme un pause aux abords de la Nuit du Siècle et révéler leur réalité profonde. Plusieurs scènes se révèlent particulièrement intenses, comme celle voyant Peter délaissant la mondanité de sa traditionnelle réception de Noël, où il invite à l’évidence d’éminents membres du Groupe, pour prendre à part ses deux prodiges et amis, Lara et Frank, lors une discussion nettement plus intime.

Le toujours impressionnant Terry O’Quinn (à l’instar de l’ensemble de la magnifique distribution) apporte une vraie humanité à ce moment particulier où Peter tombe le masque pour évoquer son amour pour sa famille et son tourment  personnel face à la tempête qui s’annonce. Il en va de même pour les confessions de Catherine ou de Lara, dont l’empathie avec Black fait encore une fois merveille.

Chacun révèle ses failles secrètes mais aussi ses espérances, brossant un portrait d’ensemble d’une rare humanité. On apprécie vivement de voir les auteurs profiter de moment à part pour approfondir la personnalité des formidables figures marquantes de MillenniuM, sans jamais céder à la mièvrerie. Si l’on n’atteint pas tout à fait le raffinement et la stylisation de The Curse of Frank Black concernant Halloween, l’atmosphère de Noël se voit également parfaitement reconstituée par des décors superbes et très évocateurs, parfois prenant vie à travers les visions de Black. Tout l’épisode se montre splendide visuellement et bénéficie également d’une bande son parfaitement choisie, abordant avec goût les rivages de la musique dite classique.

L’incontournable  visite de l’Ange demeure aussi énigmatique et ambivalente que lors de Powers, Principalities, Thrones and Dominions la saison précédente. Moins effrayant que lors des flamboyantes visions de Lara, les Anges tels que perçus par Frank demeurent néanmoins distants et ne manifestant guère d’empathie (on peut évoquer une certaine suffisance). Il n’y a toujours aucun  secours providentiel à attendre de ce coté ! MillenniuM tient là une vraie spécifié, guère encourageante. Mais le cœur de l’épisode se situe bien entendu dans l’odyssée personnelle de Frank, abordant la tragédie intime vécu par sa mère, que son Don a dépossédé de sa vie, jusqu’à se réfugier dans la mort pour échapper à ces visions. On remarque qu’avec une infinie pudeur le terme de suicide n’est jamais employé.

Les conséquences dévastatrices du drame sur les rapports du père et du fils sont évoqués avec une rare éloquence et c n’est pas le moindre des miracles de Noël que de découvrir la lumière de la réconciliation jaillir au cœur de cette si sombre nuit. Tout le long dialogue entre Frank et Henry se montre d’une rare intensité, la rencontre de deux comédiens aussi exceptionnels et à la personnalité si marquée que sont Henriksen et McGavin se révèle à la hauteur des attentes. Un très beau moment, il ne faut jamais  désespérer de l’Humanité, semble nous souffler MillenniuM, au moment où la montée des périls s affirme toujours plus prononcée. Le seul véritable espoir pour celle-ci réside bien dans sa faculté à surmonter ses propres démons. A travers le portrait toujours captivant de Frank Black, la série s’affirme comme un véritable manifeste humaniste, particulièrement affirmé le temps d’une Nuit de  Noel.

  • Henry Black est interprété par le formidable Darren McGavin, l'interprète de Kolchak The Night Stalker, série inspirant Chris Carter dans l'écriture des X-Files. Il jouera ultérieurement l'ancien agent du FBI Arthur Dales, ami de Fox Mulder. Glen Morgan trouva particulièrement judicieux que le Night Stalker soit le père de Frank Black. Le chanteur Johnny Cash fut brièvement envisagé, avant de tomber malade.
  • Les auteurs (Maher et Reind) avaient comme mission initiale de composer  un épisode de Noël effrayant. Après avoir visionné de nombreux films sur le sujet, ils optèrent pour revisiter A Christmas Carol, le classique de Dickens. Frank devait recevoir la visite de trois esprits de serial killers, passé, présent et à venir. Glen Morgan refusa l'idée, la jugeant trop proche de celle de l'épisode sur Halloween, The Curse of Frank Black. Il fut alors décidé d'écrire un voyage spirituel de Black, relié à sa famille.
  • Il est indiqué que la mère de Frank est morte en 1946. Or, d'après les dossiers du Groupe, découverts dans l'épisode final Goodbye To All, Frank est né le 21 juillet 1947.
  • On entend la Danse arabe du Casse-Noisette de Tchaïchovski. Elle remplace le traditionnel indicatif de Snow scandant les différentes parties du récit.
  • Comme cadeau de Noël, Roedecker offre à Black un classique du film d'épouvante, Black Christmas (1974). Morgan & Wong en réaliseront un remake en 2006, où figurera Kristen Cloke. Frank lui offre un Tamagotchi, jouet alors en vogue.
  • L’épisode fut diffusé le 19 décembre 1997, effectivement à l’approche de Noël.

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12. L’ÉVEIL
(LUMINARY)


Catherine présente les Glaser à Frank. Leur fils Alex, un brillant étudiant promis à un grand avenir, a disparu lors d'un voyage en Alaska, où les secours ont désormais renoncé. Il sont cependant certains  qu'il est encore vie, perdu quelque part dans la forêt. Frank accepte de s'occuper de cette affaire, mais se heurte à alors au Groupe. En effet se situe au beau milieu d'un premier examen par les dirigeants de l'organisation. Ils doivent décider s'il a désormais surmonté la pulsion homicide survenue face au Polaroïd Man, afin d'accéder au cercle intérieur. Son départ tombe donc à un très mauvais moment, pour une cause jugée perdue. Frank passe outre, malgré les mises en garde de Peter, très irrité. Arrivé sur place, il constate que le jeune homme a abandonné toutes ses possessions, pour aller vivre en ermite au coeur de la forêt. Malgré le scepticisme du shérif local et les divers obstacles que le Groupe ne cesse de lui occasionner, Frank se met en route dans la nature sauvage. Il est guidé par des visions d'une aurore boréale, dont il apprendra plus tard qu'elle est due à une conjonction planétaire reliée au Millénium. Catherine perd tout contact avec lui et, paniquée, intervient auprès de Watts. Celui-ci lui révèle malicieusement que le Groupe a mis en place toute une expédition de secours, qu'il part diriger sur place. Frank découvre Alex, grièvement blessé. A bout de forces, il entreprend de le ramener vers la civilisation, jusqu'à rencontrer Peter, venu à la rescousse. Guéri, Alex reprend néanmoins son errance. Plus tard, le Groupe apprend à Frank qu'il a réussi sa véritable épreuve.

A priori rien de plus simpliste que le récit du jour, pour l'essentiel une exotique mission de sauvetage pour Frank, très linéaire dans son déroulement. On se situe évidemment fort loin des enquêtes complexes et de la subtile reconstitution du puzzle éclaté de la psyché des serial killers. On note également que le versant ésotérique et astrologique de l'histoire manque de substance et de profondeur, demeurant bien moins substantielle que ses équivalents antérieurs. Et pourtant cette bouffée d'air pur va apporter une originalité bienvenue à MillenniuM. Tout d'abord on prend plaisir à découvrir Frank en homme d'action vaillant et déterminé, ce qui nous change pour le moins de l'homme miné par la désagrégation de sa famille et ses doutes envers son action au sein du groupe.

Cette évolution rejoignant celle de Catherine nettement plus à son avantage que sur l'ensemble de la série et davantage en empathie avec son mari. Les différents seconds rôles se voient également forts bien écrits, avec un amusant emploi des divers stéréotypes circulant en Amérique du Nord sur les rudes Alaskains, déjà popularisés à l'époque de la série de Roger Moore. Le pays du Klondyke et de Sarah Palin. A cet égard le casting de Brion James, grand spécialiste des rôles antipathiques,  en tant que Shérif borné et ultra redneck  fait réellement merveille !

Se détache également l’époustouflante splendeur des paysages naturels du nord canadien. Forets, montagnes et lacs composent un décor à la fois envoutant et pur, comme une promesse d’un nouvel Eden pour une renaissance de l’Humanité. Le contraste avec l’environnement habituellement sinistre et urbain de MillenniuM s’avère une nouvelle fois bien vu. Si l’épisode ne bénéficie évidemment pas de la force de frappe cinématographique de l’inouï Into the Wild. il reconstitue néanmoins avec souffle toute la fascination induite par le voyage à la fois intérieur et au long cours de Chris McCandless, ainsi que la beauté terrible, sauvage et innocente de la Nature.

Aussi limpide soit-elle l’intrigue n’en exprime pas moins une savoureuse ambigüité sur l’action menée par le Groupe. Elle demeure en effet ambigüe sur le fait de savoir si celle-ci a été ourdie dès le départ où s’est progressivement adaptée à l’obstination de Frank, et donc  en définitive sur la moralité de l’organisation elle  même. L’épisode apparait également comme prophétique, l’une des interrogations majeures suscitées par la saison trois résidant  sur le choix qu’opérera en définitive Peter Watts entre son amitié pour Frank et son allégeance envers le Groupe Millennium.

  • La peinture remarquée par Jordan dans le livre de Catherine est L'Apocalypse de St Jean l'Evangéliste. Elle appartient à un grand triptyque réalisé par le peintre flamand Hans Memling, de 1474 à 1479. Elle représente St Jean sur l'île de Patmos, recevant la vision de l'Apocalypse, que Jordan identifie à son père.
  • Le scénario se base sur la vie de Chris McCandless, qui abandonna un brillant avenir pour vivre en ermite dans le nord de l'Alaska, jusqu'à en mourir de faim (1992). Sa vie et son journal ont également inspiré le remarquable film Into the Wild (2007).
  • Le film du planétarium se conclue par The Time is Near, soit l'une des principales accroches de la série.
  • Mark Snow compose une nouvelle musique pour accompagner Black dans son odyssée au sein de la nature sauvage. Il estime qu'il s'agit d'une de ses meilleures écrites pour MillenniuM.

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13. LA CHAMBRE DU MYSTÈRE
(THE MIKADO)


Un site internet, nommé La Chambre du Mystère, montre une jeune femme attachée à une chaise, devant un mur sur lequel est affiché un numéro. Quand le nombre de vues égale celui-ci, elle est égorgée par un individu masqué, puis le site disparaît totalement. Divers indices contenus dans les numéros et dans des lettres envoyées à la police par le tueur indiquent que celui-ci n’est autre que l’insaisissable et surdoué Avatar, que Frank a déjà affronté en vain quand il travaillait au Bureau. Il s’est réactivé après des années de sommeil, visiblement excité les nouvelles technologies des réseaux. Aidé par Roedecker et les considérables mayens informatiques du Groupe, Frank débute une enquête difficile. De plus son Don n’agit pas sur ce qui véhicule par la Toile. Un duel où chacun tend des pièges retors l’oppose à Avatar. Il le mène à un théâtre désaffecté de San-Francisco, reconnaissable par l’indice des affiches du Mikado, où se trouve la Chambre du Mystère. Le dément semble alors menacer Black d’une arme. Mais avant de riposter ce dernier  comprend qu’ils ‘agit d’une captive du tueur, grimée à son image. Le dernier traquenard d’Avatar a échoué mais il parvient à s’enfuir. Frank prévoit un nouveau réveil dans les prochaines années.

L’épisode souffre beaucoup aujourd’hui de ce qui constituait sans doute son atout maître en 1999 : son  immersion particulièrement prononcée dans le nouvel univers des Autoroutes de l’Information, comme on disait jadis. Cet aspect technologique apparaît clairement comme sa justification première et le cœur du travail mené par les auteurs, or il s’agit d’un domaine où l’obsolescence se montre des plus rapides et redoutables. Le côté désuet des divers hardwares et softwares présentés ne constitue cependant pas le plus dommageable (cela suscite même un aspect documentaire parfois distrayant).

On subit particulièrement le sérieux et le premier degré avec lequel sont énoncés tous les lieux communs de l’époque concernant l’Internet, prononcés sur un ton vaguement apocalyptique, alors même que tout cela, avec les bons comme les mauvais côtés, est désormais intégralement passé dans notre quotidien. Ce vaste catalogue, réalisé avec sérieux, paraît  également bien appliqué, finissant parfois par appesantir le récit par la trop grande importance donnée à a la mise en scène des potentialités des réseaux.

A son échelle, The Mikado pâtit de la même ironie que l’ensemble de la littérature Cyberpunk, captivante dans les années 80, quand elle prophétisait l’avènement du Cyberespace, puis dépossédée de son objet même, quand la véracité de ses prédictions s’est vue confirmée. Dans cet environnement Roedecker trouve enfin autre chose à exprimer que son humour puéril mal dégrossi, mais l’on se situe tout de même toujours à des encablures du Ringo des Bandits Solitaires. Ayant sans doute fait le tour du sujet, les auteurs ne le feront d’ailleurs plus apparaître ultérieurement.  La deuxième saison continue à s’améliorer et à évacuer plusieurs des erreurs accomplies lors du virage initial trop brutal impulsé par Morgan & Wong.

 L’épisode trouve un second souffle dans son évocation éloquente et, hélas, convaincante, de l’aime moral constitué par le voyeurisme malsain du public. Quelque soit la modernité des technologies employées, en remontant jusqu’aux jeux du Cirque, celui-ci reste toujours d’une triste actualité, atteignant jusqu’à Peter et Frank, à leur corps défendant. L’aspect à la fois Grand-Guignol et très stylisé de la Chambre transforme effectivement la Mort en un spectacle abdominale, dans un effet particulièrement troublant. Au-delà de l’horreur absolue de ses mises en scènes, comptant sans doutes parmi les tueries les plus éprouvantes de la série, Avatar se montre également un fascinant adversaire.

Son côté ludique dévoyé et mégalomane, quasi à la Diabolical Marstermind (version MillenniuM, c'est-à-dire qu’un Prendergast représente un aimable convive) apporte comme un arrière goût des bondissants duels des Sixties à sa confrontation au long cours avec Frank Black. Un aspect de culture populaire encore souligné par le terme ou l’esthétique de la Chambre du Mystère, que ne démentirait pas Gaston Leroux, où son affublement si semblable à celui des conjurés de Cigares du Pharaon. Evidemment, selon la loi d’airain du genre, il s’échappe à la fin, tandis que Frank envisage déjà un duel futur. Un aspect original, qui vaut à Avatar de demeurer particulièrement apprécié chez les amateurs de la série. On lui doit également quelques forts moments de suspense forts, à l’impeccable mise en scène, comme l’investissement de la caravane piégée par la police, Frank explorant le théâtre désert, accompagné par grand air du Mikado ou le remarquable twist final.

  • Dans le cimetière où est retrouvée la tête de la première victime d'Avatar, une croix porte le nom de Hans Renker, un clin d'œil au  superviseur de la peinture des décors de la série, mais aussi de ceux des X-Files.
  • Avatar est largement inspiré de Zodiaque, un serial killer ayant sévi à San Francisco de 1968 à 1976 et procédant de manière très similaire (notamment de nombreux messages envoyés à la presse et à la police). Comme Avatar, il ne fut jamais arrêté. Il a revendiqué 37 meurtres, mais certains spécialistes lui en imputent bien davantage. Après une ultime lettre envoyée à la police en 1978, il ne se manifestera plus. Le Tueur du Zodiaque, l'un des serial killers ayant suscité le plus de littérature, a également inspiré de nombreux personnages à l'écran, dont Scorpio, le premier adversaire de l'Inspecteur Harry. L'enquête est périodiquement relancée (notamment en 2008/2009) mais n'a jamais connu de résultat probant.
  • Le diabolique Avatar compte parmi les adversaires de Black les plus populaires et remémorés au sein des fans de MillenniuM. Il ne reviendra pas affronter Frank Black durant la saison 3 ;
  • The Mikado est ne opérette très pouplaire chez les Anglo-saxons, composée en 1885 par  le duo britannique spécialiste du genre Gibert et Sullivan. L’action se déroule dans le Japon médiéval, le Mikado étant la désignation traditionnelle de l’Empereur. On entend l’un de ses airs les plus connus, Behold the Lord, High Executioner, durant l’exploration du théâtre par Frank.
  • Roedecker effectue ici son ultime apparition, sans qu’une explication soit donnée à, sa disparition. On l'aperçoit en train de jouer avec le Tamagotchi que Frank lui avait offert à Noël.  
  • L'auteur Michael R. Perry explique qu’il avait été inspiré par les premières utilisations de webcam, survenues au printemps 1997. Il a veillé à ce que l'aspect informatique de l'épisode soit le plus réaliste possible. Dans un premier temps il avait prévu qu'Avatar soit réellement Zodiaque, mais l'idée fut repoussée par la Fox. Il fut ensuite envisagé de le nommer Oméga mais Lance Henriksen réalisait alors des publicités pour le fabriquant de montres, d'où le choix final d'Avatar, un terme également informatique.

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14. LES ALIÉNÉS DU DIABLE
(THE PEST HOUSE)


Plusieurs meurtres particulièrement abominables se déroulent aux alentours d'un hôpital psychiatrique abritant des maniaques homicides particulièrement dangereux. Les massacres successifs imitent le modus operandi de plusieurs d'entre eux, mais ces personnes sont toujours sons écrou au moment des faits. Aidé par Peter, Frank enquête au sein de l'hôpital. Il se heurte cependant à l'hostilité du Dr Stoller, adepte d'un approche positive de la folie et d'une seconde chance offerte aux malades . Elle accepte mal la la suspicion envers ses patients, comme envers ses travaux. Il s'avère que l'un de ses collaborateurs, Edward, a le pouvoir de s'emparer des rêves hallucinés des déments. Il a d'abord tenté de s'en servir comme d'une thérapie, mais ce sont ces pulsions qui se sot emparées de lui, l'amenant à reproduire les meurtres imaginés par les psychopathes. Ces derniers, amputés d'une partie de leur personnalité, deviennent encore plus instables qu'avant. Edward est désormais devenu dépendant de cette vampirisation psychique. Découvert, il tente d'abattre Frank et Stoller. Mais il est à son tour tué par l'un des malades qu'il a traité, heureux de pourvoir commettre un meurtre utile.

The Pest House, ou quand MillenniuM rencontre Wes Craven. Les auteurs, admirablement secondés par la percutante mise en scène d'Allen Coulter, ont en effet l'excellente idée de constituer les  meurtres scandant le récit en tableaux vivants (provisoirement) reconstituant  différents thèmes classiques des Slasher Movies et autres légendes urbaines. L'effet Scream joue à plein, alors que les deux premiers opus de la saga viennent de connaître un grand succès en 1996 et 1997 (l'épisode est diffusé en février 1998). Si l'inspiration apparaît manifeste, l'épisode ne se contente pas d'y surfer et mène cette opération avec le plus grand soin et un vrai raffinement de détails, ce qui lui apporte un revigorant humour noir.

L'inévitable entrée en lice de l'emblématique Hook Man survient lors d'une mémorable scène introductive, là encore bien dans l'esprit Scream, bien avant que Supernatural ne se penche à nouveau sur le sujet en 2005. Les autres scènes du même acabit se montrent également remarquables, d'autant que l'on goûte sans réserve la subtile inversion des Griffes de la Nuit que constitue l'astucieux scénario. Au lieu d'être immergées dans le plan onirique, les victimes voient fondre sur elles l'essence même des cauchemars, au sein du monde réel.

Un bel exercice de style, où le talent d'écriture de Morgan & Wong fait merveille. Le récit ne limite d'ailleurs pas à ce chapelet d'horreurs  particulièrement suggestif  et se prolonge efficacement au sein de l'hôpital. Les différentes démences rencontrées nous vaut également plusieurs moments forts, filmés avec une crédibilité aussi étonnante qu'effrayante, sans fioritures inutiles.

Le tout s'insère avec harmonie au sein d'un décor au sordide judicieux, loin du gothique exacerbé d'un Arkham Asylum. Coulter exploite avec une optimale efficacité les diverses potentialités de l'endroit et de ses longs couloirs, afin de susciter une ambiance des plus inquiétantes, notamment lors de l'affrontement final en huis clos, parfaitement anxiogène. On en peut que regretter l'absence perpétuelle de Kim Manners au sein de MillenniuM, mais Allen Coulter s'impose ici comme étant bien davantage qu'un remplaçant honorable.

Deux bémols viennent cependant atténuer la réussite de cette balade réussie au sein du film d'épouvante moderne. Tout d'abord, afin de prolonger quelque peu artificiellement l'action et la ronde des tueries, Frank se montre sensiblement moins performant qu'à l'accoutumée. Il demeure embarrassant que le public ait depuis longtemps compris de quoi il en retournait, alors que le héros, pourtant à son affaire demeure aussi longtemps à la traîne. De plus, conformément u plan initial, le Dr. Stoller se résume elle même aux clichés propres à ce type de personnage.

Cela présente le mérite de la cohérence mais limite de manière réellement frustrante la remarquable prestation de Melinda McGraw, cantonnée à un registre loin de la subtilité évanescente de Melissa Scully. De ce fait la rencontre avec Lance Henriksen ne tient pas tout à fait ses promesses, ce sentiment aurait sans doute été atténué avec une actrice moins attendue. Toutefois The Pest House bénéfice de l'apport de nombreux excellents comédiens pour ses seconds rôles. C'est notamment le cas pour Louis Ferreira, absolument parfait dans l'expression de la double, sinon multiple, personnalité d'Edward.

  • Quand Frank et Peter montrent une photo de la victime à Woodcock, celle-ci change, passant d'une vue d'ensemble à un gros plan sur le visage.
  • Pour une fois, l'écran ne vire pas au blanc lors de l'ouverture de l'épisode.
  • Après que Black eut sauvé le Dr. Stoller à la station service, il l'emmène à l'hôpital. Mais au lieu de repartir dans la bonne direction, ils suivent celle prise par le tueur, alors qu'il s'éloignait de l'établissement. 
  • Le Dr Stoller est interprétée par Melinda Mcgraw, qui incarnait Melissa Scully, la défunte sœur de Dana, dans les X-Files. Elle a depuis réalisé une très belle carrière dans les séries télévisées (Ally McBeal, Bones, Desperate Housewives, West Wing, Mad Men etc.). Dans Men of a Certain Age (2010-2011) elle interprète Erin, dont Terry, joué par Scott Bakula, est amoureux.
  • Plusieurs acteurs participant à l'épisode sont également à la veille de connaître un excellent parcours : Michael Massee, Brendan Fehr,  Louis Ferreira, et Darcy Laurie. Ces deux derniers deviendront ainsi des figures régulières de Stargate Universe (2009-2011).

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15-16. LES CHOUETTES/LES COQS
(OWLS/ROOSTERS)


Un fragment supposé de la Vraie Croix est retrouvé par le groupe, puis dérobé, ce qui exacerbe le conflit entre eux factions de l’organisation, les Chouettes (mystiques, dont relève Peter Watts) et les Coqs (scientifiques). Pour mettre fin aux suspicions, Peter demande à Frank et Lara d’enquêter sur le vol. L’enquête révèle des pratiques sinistres du groupe, amenant Frank à prendre du recul. La crise attient un paroxysme au sein du Groupe, dont Lara est exclue par Peter, qui la suspecte de travailler en secret pour les Coqs. Celle-ci réapparaît en compagnie du Vieil Homme, qui révèle à Frank l’existence d’une société secrète nazie, Odessa, ennemie de longue date du Groupe Millennium. C’est elle qui a dérobé l’artefact, puis qui assassine le Vieil Homme, obligeant le Groupe à faire font commun contre l’adversaire. Peter monte en puissance dans le Groupe et se réconcilie avec ses deux amis, tandis que l’Elder remplace le patriarche défunt. Odessa est exterminée par un commando punitif dirigé par Peter. Le fragment de la Vieille Croix est conservé par le nouveau dirigeant du Groupe.

Ce double épisode mythologique se situe dans la droite line de la direction déjà dessinée par La Main de St-Sébastien. Autant dire que l’on regarde d’un œil aussi distant qu’incrédule cette histoire tortueuse, charriant bon nombre de poncifs et d’effets faciles autour du thème des sociétés secrètes mystiques. On se situe malheureusement plus près de l’extrêmement médiocre Da Vinci Code que du flamboyant chef d’œuvre du genre, Le Pendule de Foucault, d’Umberto Eco.

Le plus attristant réside dans le constat d’à quel point l’ambitieux projet initial de Chris Carter se voit dénaturé par ces fadaises boursouflées. On doit tout de même se pincer quand l’on voit débouler les Nazis, confirmant cette version particulière de la Loi de Godwin, voulant que, plus une série fantastique dure longtemps, plus la probabilité d'y trouver une allusion aux Nazis s’approche de un. Ailleurs cela donne Triangle, ici on obtient ce fatras. X-Files 1, MillenniuM, 0. Et pourtant tout ne s’avère ps mauvais, notamment lors de la première partie.

Le concept de factions s’opposant au sein du groupe aurait pu devenir porteur sans toute cette emphase. La mise en scène exprime la gravité ad-hoc et Henriksen se montre admirable lorsque Frank a l’opportunité d’exprimer son dépit envers les menées secrètes du Groupe. Les auteurs ont l’intelligence réserver un large espace aux sentiments et aux interactions du triangle Formé par Pater, Lara et Frank, tandis que l’on apprécie que celui-ci et Catherine continuent de se retrouver. Les différents interprètes se révèlent une nouvelle fois ébouriffants de talent.

Malheureusement cette exposition somme toute correcte de la situation donne lieu en seconde partie à une exploitation confuse et souvent ridicule. Les excuses de Peter et sa réconciliation avec ses amis demeure un émouvant moment. On observe plusieurs naïvetés confondantes, comme l’agente prétendument secrète d’Odessa révélée par ses boutons de manchette représentant le sigle de l’organisation. Dommage, l’on remarque au passage que les Chouettes semblent toute de même plus intéressantes que les Coqs, l’orgueil hexagonal dut-il en souffrir.

  • Johnston change de canal radio et la fréquence passe brièvement à 101.3, un clin d'œil à la société de production de Chris Carter, Ten Thirteen.
  • L'inquiétante compagnie employant Catherine et secrètement aux ordres d’Odessa se nomme Aerotech, exactement comme son alter ego dans la série de Morgan & Wong, Space 2063.
  • Morgan déclara que l'idée de factions divisant le Groupe provenait de l'épisode La Main de St-Sébastien. Celui-ci lui avait beaucoup plu et l'avait incité à développer cet aspect de sociétés secrètes. Le fléau d'une peste due à la guerre bactériologique s'est rapidement imposé comme thème de fin du monde scientifique car rejoignant les prédictions bibliques.
  • Les deux parties de ce double épisode révélant les arcanes du Groupe s'intitulent d'après les deux principales factions en présence, les Chouettes et les Coqs. Chacune développe sa propre vision de l'Apocalypse. Les Chouettes en ont une vision mystique, inspirée par les Ecritures et d’autres prophéties, tandis que les Coqs croient davantage en une cause matérialiste et scientifique. Les Chouettes pensent également que la Fin des Temps est imminente, dans une perspective  millénariste, tandis que les Coqs l'estiment plus lointaine.
  • L'épisode reçut une nomination aux Emma Awards 1998 pour les effets sonores.
  • Tout au long de l'épisode, l'on entend des passages du Prélude àParsifal, de Wagner (1882). Le Vieil Homme commente que Parsifal narre la Quête du Graal, ce qui correspond bien aux évènements en cours.
  • On entend la chanson Horses with no names, du groupe America.
  • Malcom Stewart ((Johnston) tint plusieurs rôles dans les X-Files, il fut notamment le Dr Sacks dans le double épisode Tunguska/Terma.
  • L'organisation Odessa a bien existé. Fondée en 1946, son acronyme signifie Organisation der ehemaligen SS-Angehörigen (Organisation des anciens membres SS). Il s'agissait d'un réseau clandestin d'exfiltration de dignitaires nazis. Elle aurait ainsi aidé à la fuite de Mengele ou Eichmann. Son action a été passablement romancée à travers livres et films (Le Dossier Odessa, 1974)
  • La Bannière de Sang (Blutfahne) était une oriflamme nazie, exhibée lors des diverses cérémonies du parti. Il fut recouvert du sang des conjurés SA lors des combats du Putsch de la Brasserie, avorté en 1923. Cette tentative de prise de pouvoir en Bavière par Hitler et ses proches fut ensuite considérée par les Nazis comme un acte fondateur du Reich. Conservée à Munich dans la Maison Brune, cette bannière arborant la croix gammée est considérée comme ayant été détruite lors des bombardements alliés. Certains observateurs supposent cependant qu’elle est passée aux mains de collectionneurs. Ici elle est conservée par Odessa, qui souhaite lui associer le fragment de la Vraie Croix.
  • Lors des funérailles, un demi-cercle est formé par douze hauts membres du Groupe. Il s'agit d'un nombre clé, comme l'illustrait  déjà les 12 pierres de Beware of the Dog.
  • Il reste 654 jours avant l’an 2000.

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17. LA SIRÈNE
(SIREN)


Un navire transportant des immigrants chinois clandestins est découvert par les autorités. A son bord se trouve une mystérieuse jeune femme, crainte par les autres passagers. Elle aurait abordé le bateau en pleine mer, sans que quiconque puisse se rappeler comment (les souvenirs divergent) et serait responsable de la mort de quatre hommes. Frank s’intéresse à cette affaire, le Groupe lui indiquant que l’inconnue a été portée disparue en mer depuis des années. Après une confrontation énigmatique avec elle, Frank perd connaissance. Il se réveille dans un monde où il n’a jamais connu le Groupe et où il vit heureux en famille. Mais Jordan est alors tuée, sans doute par des agents du Mal. Revenu à lui, Frank se précipite à la rencontre de la femme, désireux d’en appendre davantage sur sa destinée. Il arrive à temps pour empêcher qu’elle soit tuée par les autres migrants, mais toute présence semble l’avoir abandonnée. De plus, l’enregistrement de la conversation avec Frank été transformé.

L’idée d’une sirène asiatique séduisant les hommes non pas par ses chants mais en recourant à des visions d’un bonheur illusoire était originale et bien trouvée. Supernatural la reprendra d’ailleurs l à peu de choses près, cette fois autour des  Djinns. Le jeune Vivian Wu restitue d’ailleurs à merveille l’aura mystérieuse et la nature ambivalente de cette entité venue des océans. On apprécie également le thème toujours inépuisable des univers parallèles et des réalités alternatives, auquel les X-Files sacrifieront d’ailleurs avec succès lors de 4D. cette séquence se montre d’ailleurs tout à fait réussie, à la fois empreinte d’étrangeté mais aussi éloquente à propos des traumatismes subis par Frank depuis le début de la série. Malheureusement, d’une manière réellement surprenante de la part d’auteurs aussi chevronnés et talentueux que Morgan & Wong, de manifestes errements narratifs s’en viennent saboter le récit.

Tout d’abord la durée d’exposition, assez terne et verbeuse, s’étend beaucoup trop longuement, jusqu’à pratiquement limiter la séquence onirique dans le dernier tiers de l’épisode. Le cœur de ce dernier se voit don réellement réduit à la portion congrue, alors qu’il laisse le sentiment  de n’avoir qu’abordé son sujet. Par ailleurs Siren débouche par un tête à queue particulièrement frustrant, que la scène d’action finale tente en vain de dissimuler. Beaucoup trop d’éléments demeurent dans un flou trop pratique pour qu’il ne s’assimile pas à de la facilité. Les auteurs bottent visiblement en touche, ne parvenant pas à conclure leur sujet. Un épisode pouvant apporter un précieux éclairage du parcours et de la personnalité de Black se cantonne dès lors à un Fantastique plaisant, mais manquant de substance.

  • La communication d’Interpol que reçoit Frank nous rappelle que le siège de cette organisation internationale de coopération policière se situe à Lyon. Crée en 1923, elle fut d’abord centrée à Vienne, puis à Paris après guerre. Le déplacement à Lyon eut lieu en 1989.
  • Durant l'épisode, on entend interpréter La Forêt en feu, issu de La Princesse Cent-Fleurs, un air traditionnel chinois relevant du genre désigné comme Opéra de Pékin. L'Opéra de Pékin entremêle chants, danse acrobatique, numéros de cirque, costumes et maquillages fastueux et thèmes issus du folklore chinois ancien. En 2010 il a été inscris au patrimoine mondial de l'UNESCO.
  • Vivian Wu, originaire de Shanghai, se fit connaître par sa participation au Dernier Empereur, de Bertolucci (1987), où elle interprète Wen Hsiu. Par la suite elle connaît une carrière réussie, au cinéma (The Pillow Book, Entre Ciel et Terre…), qu’à la télévision (Highlander, Urgences, JAG…). Dans le jeu vidéo à succès Indiana Jones et le Tombeau de l'empereur (2003), elle est la voix de Mei Ying, la partenaire d’Indy.

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18. UN ENFANT EN ARCADIE
(IN ARCADIA EGO)


Un couple lesbien, la solide « Sonny » et la plus jeune et fragile Jeannette, s’évade de prison. Les deux femmes usent de violence, ce qui rend agressives les autorités chargées de la traque. Frank détermine cependant qu’elles se sont échappées car Jeannette est enceinte, suite à un viol perpétré par l’un des gardiens. Jeannette et Sonny croient cependant qu’il s’agit d’une grossesse miraculeuse, l’enfant à venir étant un élu de Dieu. Un examen médical de Jeannette indique que l’accouchement présente des risques importants et qu’un environnement médicalisé est indispensable. Une course contre la montre s’engage entre Black et la police. Frank  retrouve Jeannette et l’aide à accoucher, mais la jeune femme succombe. Or il s’avère que son enfant est blanc, le violeur homme de couleur, ne peut donc être son père. Anéantie, Sonny fait en sorte d’être abattue par la police. L’enfant est confié à une famille d’accueil.

On apprécie la générosité et l’humanisme des valeurs portés par le scénario et incarnées par Frank Black, de même que ce portrait touchant d’un amour tragique. Mais le scénario coule l’épisode, en multipliant les maladresses. D’entrée, il souffre d’une trop grande proximité avec Angel, opus de la saison précédente et histoire similaire d’une dérive féminine liée à un enfant. Par ailleurs le récit se montre vraiment trop manichéen, forçant notamment le trait concernant les gardes, uniformément crapuleux et haïssables. De plus l’écriture du  couple apparaît lénifiante à force de se vouloir positif. Certaines facilités scénaristiques s’avèrent particulièrement visibles, comme l’aisance avec laquelle se déroule  l’évasion, comme quoi le héros de Prison Break étaient vraiment nul, en plus de tatoué. L’ensemble du récit vire ensuite au mélodrame le plus exacerbé, avec une constance réellement épaississante. On se croirait revenu aux heures les plus lacrymales de la littérature populaire du XIXème siècle.

A force de jouer sur le registre du sentimental, l’histoire en devient au contraire totalement mécanique. L’emploi du ralenti lors de lamort d’une Sonny criblée de balles s’avère également extrêmement pesant, de même que présenter la caractère miraculeux de l’enfant comme une formidable révélation, alors que le public l’avait anticipé  depuis belle lurette. Ce fiasco attriste d’autant plus que les deux actrices manifestent un vrai talent. Elles assurent au mieux la défense de rôles aussi massifs. Le premier degré absolu de In Arcadia Ego présente néanmoins le mérite de souligner par contraste la réussite de productions telles The L Word.  Instiller de l’humour parfois caustique envers ses personnages et leurs attribuer quelques défauts très humains rend plus subtil crédible si appréciable plaidoyer pour l’acceptation de l’altérité.

  • A la clinique, le journal que lit Sonny change brusquement de titre, passant de Great Falls Gazette à Grand Falls Gazette.
  • L'Arcadie est une région de l'ancienne Grèce, située au centre du Péloponnèse. Isolée, elle est restée à l'écart des conflits helléniques et est devenue synonyme d'un Age d'Or pastoral dans la culture européenne. L'épisode des X-Files Arcadia y fait également référence.
  • Et In Arcadia Ego est un tableau de Nicolas Poussin, existant en deux versions (1630 et 1638) et montrant des bergers regroupés autour d'un tombeau. La citation latine (Je suis en Arcadie) appartient aux Églogues de Virgile. C'est la Mort qui s'exprime, signifiant qu'on ne peut lui échapper, même au Pays des Délices.
  • Le Shérif Kellard est interprété par Ed Lauter, un visage familier des séries américaines depuis les années 70. Dans les X-Files, il interprète l'astronaute Aurelius Belt, idole de Fox Mulder (Space).

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19. ANAMNÈSE
(ANAMNESIS)


Catherine intervient en tant que psychologue auprès de cinq lycéennes affirmant avoir eu une vision de la Vierge Marie. Lara Means s’intéresse également à cette affaire, persuadée qu’une des jeunes filles, Clare McKenna a réellement connu une révélation, mais de la part de Marie-Madelaine.. De plus Ben Fisher, le professeur de théâtre de l’établissement, affirme être membre de la Famille, une faction dissidente du groupe MillenniuM s’intéressant aux personnes ayant de tels dons. Après que le miracle soit devenu visible de tous, Un jeune croyant exalté tente alors de tuer Clare, par jalousie et par colère de ne pas avoir été élu. Fisher  s’interpose pour la protéger et reçoit le coup mortel. Plus tard, Lara révèle à Catherine la preuve que la jeune fille est la descendante de jésus et de Marie-Madeleine.

La caractéristique première d’Anamnesis réside dans l’absence totale de Frank Black, notre héros n’étant qu’évoqué de temps à autres. Cela situe d’emblée l’épisode en marge de MillenniuM, tant Black  marque de son empreinte l’ensemble de l’univers de la série. Les deux auteures ont l’intelligence de ne pas tenter de faire du Black sans Black et d’utiliser cette caractéristique comme une opportunité d’explorer d’autres voies), elles ont également l’excellente idée de mettre en avant un duo d’enquêtrices inédit, avec l’association parfois antagoniste Catherine et Lara. Le scénario évite habilement tourte trivialité et jalousie de Boulevard entre les deux femmes les plus proches de Frank.

Au contraire l’épisode nous offre une passionnante controverse autour du mystère de la Foi, finement agencée et parfois étonnement érudite, tout en demeurant parfaitement explicitée. Les caractères des deux héroïnes sont parfaitement dessinés et idéalement mis en opposition, entre spiritualisme visionnaire pour Lara et incrédulité scientifique pour Catherine. Ces ambitieux dialogues se suivent avec intérêt, d’autant que les diverses péripéties les rythment avec efficacité.

Dans cet opus éminemment féminin, où les différentes figures masculines apparaissent comme sources de menace ou de tension (y compris Peter), l’approche de la personnalité de Marie–Madeleine et de sa supposée relation charnelle avec le Christ s’effectue avec une légère mais indéniable touche militante, mais de manière autrement plus subtile que dans le déplorable Da Vinci Code. Les deux actrices incarnent superbement leurs personnages, rejointes par une distribution en tous points parfaite. Par ailleurs, même si Anamnesis constitue une  parenthèse au sein du  corpus principal de MillenniuM, il ne demeure pas pour autant enchâssé dans sa bulle. Il rejoint ainsi la narration par l’évocation de la personnalité de Frank (on comprend bien mieux les réactions de Catherine ou les fêlures de Lara), mais aussi par les perceptives millénaristes et les Signes guettés avidement par le Groupe.

Malheureusement c’est dans de domaine que l’épisode échoue au port, avec un consternant retour au fatras mystique, soit la plaie  vive de cette saison (Saint Graal, Mérovingiens et Suaire de Turin !), lors des ultimes révélations. Dommage, mais, tel quel, Anamnesis n’en reste pas au moins un splendide hommage à ces deux femmes admirables que sont Lara et Catherine, au moment où leur tragique départ de MillenniuM approche à grands pas.

  • L'anamnèse (« souvenir » en Grec) est, en psychologie, le processus de recouverte de la mémoire. En médecine il en va de même pour l’exploration des antécédents du patient. Dans un sens plus mystique, il s'agit également du souvenir de vies antérieures.
  • Il s'agit de l'unique épisode de MillenniuM où Frank Black n'apparaît pas, Lance Henriksen en profita pour partir en vacances à Hawaï.
  • Les deux auteures, Erin Maher et Kay Reindl, durent batailler pour convaincre le diffuseur de conserver l'épisode, la Fox craignant les retombées de ce récit impliquant que Jésus ait eu une vie familiale et sexuelle avec Marie Madeleine. Elles admettent également s'être quelque peu inspirées de Mulder et Scully pour l'opposition entre Catherine, scientifique et rationnelle, et Lara, spirituelle et visionnaire.
  • Durant la scène d’introduction, on entend la chanson Dancing barefoot, de Patti Smith.
  • Lara Means cite Tonnerre, Esprit parfait, un texte gnostique remontant à l'Antiquité, découvert en Egypte en 1945. Il s'agit d'un long monologue poétique, écrit en Copte sur papyrus, évoquant la nature féminine de la Divinité.
  • Dans le texte lu par Catherine, il est fait référence à la Vierge de Boulogne sur Mer, venue en bateau. En 636, une statue en bois de la Vierge, auréolée de lumière,  aurait accosté à Boulogne sur Mer, dans une barque poussée par des Anges. Elle s'adressa à la population demandant qu'une église lui soit consacrée en ce lieu. Cela donna lieu à un important pèlerinage médiéval, existant toujours aujourd'hui. L'évènement est reconstitué dans l'épisode.

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20. L’APPRENTISSAGE DE L'ORDINAIRE
(A ROOM WITH NO VIEW)


Un lycéen est assassiné et l’un de ses camarades, le très brillant Landon Bryce, est enlevé. Grâce à son Don, Frank perçoit que la responsable en est la diabolique Lucy Butler. En alternant sa forme masculine, brutale et hostile, et féminine, compréhensive et séductrice, elle entreprend  d’altérer la personnalité de Landon, lui faisant perdre ses capacités intellectuelles,. Elle cherche à lui faire perdre toute ambition concernant sa vie, comme toute croyance en la beauté de l’amour, en détruisant tout respect envers soi même. Peter et Frank découvrent que Térésa, la conseillère psychologique de l’établissement a subi par le passé le même lavage de cerveau, orchestré par une Lucy se créant ainsi tout un groupe de fidèles. Térésa, incité par Black, se révolte néanmoins et lui indique l’emplacement de la ferme où se déroulent les conditionnements. Frank intervient à temps pour sauver les jeunes gens, mais Lucy Butler disparaît une nouvelle fois.

Le titre original ne sera pas évoquer quelques quasi réminiscences aux amateurs des Avengers, mais, pour cette fois, on éprouve surtout l’envie d’applaudir le magnifique titre français, une rare performance. En effet, cet épisode, à plutôt rapprocher du glaçant Lavage de Cerveau (période Cathy Gale), nous narre la transformation abominable de brillants esprits devenus ternes et amoindris. Ce scénario original touche par son sujet, car se situant au parfait opposé des histoires traditionnellement vues à l’écran, et pas seulement aux Etats Unis. Celles-ci nous racontent comment on peut devenir meilleur en se surpassant à for ce d’efforts. Cette narration, remarquable par sa crédibilité, d’une chute choque par sa transgression.

Dans MillenniuM jusqu’ici on torturait et on amputait les corps, cette fois l’on procède de même avec l’esprit. La résultante s’en montre bien plus terrifiante encore. Cette oblitération de l’intellect et du sentiment  n’emploie pas des formes scientifiques sophistiquées, tel n’est pas l’objet de la série. A l’opposé, on apprécie au plus haut point l’absence totale du charabia ésotérique trop fréquent cette saison. Le processus développe cependant un effroi palpable, provenant de plusieurs facteurs s’unissant en un pur cauchemar. Le décor de la ferme, claustrophobique comme jamais et au total huis-clos, à la décoration anxiogène au possible, présente l’un des chefs d’œuvre de MillenniuM, alors même que la série  a si souvent réalisé des prouesses en la matière. La superposition physique à l’enferment mental ressenti par les proies de Lucy s’avère magistral.

Lucy se montre de nouveau en grande forme, toujours idéalement interprétée une superbe Sarah-Jane Redmond, avec son charme vénéneux au dernier degré. Les auteurs ont l’excellente idée de développer le parcours de l’entité et de l’inscrire sur des décennies. les lecteurs du Roi de l’Epouvante pourront penser à un Randall Flagg au féminin, une combinaison redoutable. L’intrigue a la suprême habileté de rendre l’avatar féminin de Lucy, en apparence douce et maternelle, encore davantage destructrice que l’abrupt masculin, Elle est en réalité le véritable mactre d’ouvre du processus, conduisant les jeunes gens à abdiquer leur identité, renonçant d’eux mêmes à la majeure partie de leur humanité. Lucy parvient à apparaitre si sincère que cela en devient délectable. L’adversaire de Frank relevant le plus du Fantastique au cours de la première saison s’insère idéalement dans la deuxième.

La musique répétitive accomplit son effet déstabilisateur, y compris sur  le spectateur (cette fois-ci on retrouve Le Joker).A côté de cette éprouvante démonstration, l’enquête de Frank s’avère certes magistralement menée, mais demeure secondaire. Un fait souligné élégamment par des auteurs évitant audacieusement toute confrontation directe. Le cœur de l’épisode est ailleurs, avec une résistance acharnée du jeune homme devenant rapidement poignante. Mais aussi victorieuse, car en définitive c’est bien en lui même que Landon trouve la force de contrecarrer la diabolique entreprise. Une enthousiasmante marque de confiance en l’Humain, il fallait sans doute une série aussi sombre que MillenniuM pour évoquer avec autant de force l’Espérance. L’Apprentissage de l’Ordinaire reste sans doute la plus aboutie des rencontres avec cette originale et mystérieuse créature nommée Lucy Butler.

  • L'épisode, marque le retour de la diabolique Lucy Butler, ennemie récurrente de Black découverte dans Lamentation.
  • Le titre original de l'épisode est un clin d'œil au roman du grand auteur anglais E. M. Forster Chambre avec vue (1908), aux nombreuses interrogations morales.
  • La musique que Lucy force ses victimes à écouter en boucle est la version instrumentale de Love is blue, de Paul Mauriat et son orchestre. Ce titre de 1968 connut un grand succès aux États Unis et Mauriat demeure le seul artiste français demeuré en tête des ventes durant sept semaines. Son arrangement du titre de Vicky Leandros fut particulièrement apprécié pour son inventivité, avec notamment l'ajout d'un clavecin et d'effets de violon.

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21. ANALYSE DIABOLIQUE
(SOMEHOW, SATAN GOT BEHIND ME)


Dans une cafétéria quatre vieux messieurs antipathiques discutent autour d’une tasse de café. Nous découvrons cependant rapidement leur véritable apparence : il s’agit de démons travestis en humains, racontant comment ils parviennent à damner ces derniers. L’un pousse un jeune homme fasciné par les tueurs en série à enfin oser en devenir un lui même, le deuxième pousse les individus au suicide en leur faisant comprendre la vacuité de leur existence, le troisième rend ou un censeur de série télé en exacerbant ses névroses et le quatrième tombe amoureux d’une humaine, mais l’accule néanmoins au suicide par désespoir, car telle est sa nature. Nos amis se rendent néanmoins compte que tous ont  croisé un homme capable de percevoir leur véritable apparence : Frank Black.

Pour cette ultime participation à la série du si imaginatif Darin Morgan, on regrettera une moindre ambition que lors de Jose Chung’s Doomsday Defense. Retenir la structure du film à sketchs revient à opter pour une relative facilité. Il sera toujours plus aisé d’écrire de brèves scénettes indépendantes (pas plus d’une dizaine de minutes) qu’une longue histoire autrement complexe. Darin donne aussi l’impression de choisir l’atypique pour l’atypique, prenant le risque rendre mécanique le refus du mécanisme d’une série. Mais ces quelques réserves demeurent tout à fait relatives. Contrairement à la plupart des productions du genre les quatre récits proposés s’avèrent égaux en intérêt et en drôlerie corrosive, alors que leur fil rouge s’avère astucieux. De plus Darin  a l’habileté de multiplier les passerelles entre ses histoires (notamment  des identités de lieux et de situations), provoquant un effet miroir et un humour de répartition des plus divertissants.

Tout comme lors de son travail précédent, le facétieux auteur prend un main plaisir à quelque peu rosser MillenniuM et son héros, dont on apprend ainsi au passage que fumer de la marijuana lui ferait le plus grand bien. Les terribles démons présentés comme d’épouvantables fléaux deviennent ici des farceurs malicieux, certes cruels mais surtout… Lucides.  En effet la grande idée de cet épisode pamphlétaire  corniste en un magistral retournement de perspectives. On se situe cette fois non plus de notre point de vue, mais de celui de diables analysant les divers travers de l’Humanité. Le résultat s’avère aussi caustique que peu reluisant pour notre désespérante espèce, passée au vitriol rigolard de Darin Morgan.

Celui-ci transforme les démons en porte-paroles et décoche tous azimuts ses missiles satiriques. Passent ainsi à la moulinette les fans fascinés par les sérial killerss, et donc, implicitement, de MillenniuM. Ils en ressortent autant massacrés à la tronçonneuse que les passionnés de Roswell et autres X-Files peuplant le Seigneur du Magma. La verve à la fois finement moraliste et d’une drôlerie homérique de Darin s’attache également à l’absurde quotidien de nos sociétés occidentales (ou quand l’humour noir devant fable à force de toucher juste) ou aux censeurs du monde délirant de la télévision, objets d’une féroce vindicte revancharde.

Symboliquement, l’individu est d’ailleurs interprété par le même acteur que le chef des quasis Scientologues de Jose Chung’s Doomsday Defense. Il n’y a pas jusqu’aux X-Files eux-mêmes qui ne deviennent la cible d’une satire endiablée, avec une reprise passablement démente de la célèbre vidéo de l’autopsie du pseudo Alien, cette fois exécutée par les clones de Mulder et Scully. Il ne manque plus que l’illuminé du Seigneur du Magma surgisse pour que le tableau soit complet (Roswell ! Roswell !).

On rit aux éclats, lorsque l’ultime histoire nous séduit a contrario par sa mélancolie désespérée. Les démons eux mêmes sont de pauvres diables. La mise en scène de Darin Morgan se montre également à la hauteur, multipliant les effets les plus imaginatifs, à l’instar de son écriture. Les comédiens vétérans et les artistes du maquillage font également merveille. A total ce démon souriant et iconoclaste qu’est Darin finit par remporter haut la main cet ultime pari. Son opus hors normes apparaît également comme une agréable parenthèse avant le tragique final de saison qui s’annonce.

  • Il s'agit du deuxième et dernier épisode écrit et réalisé  par Darin Morgan pour MillenniuM, comme d'habitude humoristique et massivement décalé. Il s'agit d'ailleurs du seul opus de la trilogie X-Files, MillenniuM et Au coeur du complot à adopter la structure d'un film à sketchs. Il avait prévenu son frère Glen que cet épisode compterait parmi les plus bizarres jamais vu à la télévision. Celui-ci reste d'ailleurs particulièrement populaire chez les fans de la série.
  • Tout comme pour Jose Chung’s Doomsday Defense, Darin Morgan assure également la mise en scène. Il insère plusieurs clins d'œil satiriques à des productions phares de la Fox, comme Ally Mc Beal (le bébé démon danseur), voire les X-Files eux-mêmes (l'autopsie avec les sosies de Mulder et Scully). Le segment autour de la censure vise également la propension de la Fox à réfréner la création des auteurs, par conservatisme. Quelques unes des répliques les plus délirantes du censeur sont réputées avoir été réellement prononcées par les représentants de la chaîne.
  • Plusieurs membres de l'équipe technique de MillenniuM tiennent des seconds rôles.
  • On entend la chanson My War, de Black Fag.
  • Le scénario de Darin Morgan fut nominé aux Braham Stocker Awards.

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22-23. LE QUATRIÈME CAVALIER/L’HEURE EST PROCHE
(THE FOURTH HORSEMAN/THE TIME IS NOW)


Frank et Peter sont mis en quarantaine après avoir enquêté sur un homme tué par une forme de virus. Ils sont libérés après avoir reçu un vaccin. La maladie continue cependant à se répandre. Frank fait part à Peter de ses soupçons concernant l’implication du Groupe. Peter lui révèle une prophétie concernant un tremblement de terre, qui se révèle exact. Après cette démonstration Frank est appelé à intégrer pleinement le Groupe. Toutefois, toujours méfiant, il opte pou intégrer le Trust, organisation de consultants policiers.  Peter découvre dans les bases de données du Groupe que le virus, issu de la recherche soviétique, a été disséminé dans la nature suite à la chute de l’URSS. Le Groupe Millenium a pu développer un vaccin, mais le réserve à ses seuls membres,  désireux de contrôler l’Humanité après la catastrophe. Gilbert, contact de Frank au sein du Trust est assassiné. Lara Means, accède aux ultimes secrets du Groupe, ce qui la plonge dans la folie, puis la catatonie.  Elle a le temps de donner sa propre dose de vaccin à Frank. Le virus se développe et Frank se réfugie avec sa famille dans une cabane qu’il possède, au fond des bois. Le vaccin est donné à Jordan. Dans la nuit Catherine s’aperçoit qu’elle est atteinte et part dans forêt pour que sa famille n’assiste pas à son agonie. La saison s’achève sur un Frank Black en état de choc, les cheveux devenus blancs.

Avec une remarquable intensité, cet haletant final de saison porte à son paroxysme les diverses failles exprimées par les héros au fil de la saison. La suspicion de Frank envers el Groupe éclate au grand jour, tandis que Peter apparaît plus que jamais tiraillé entre sa croyance et son amitié envers ce denier. Terry O’Quinn se montre particulièrement grandiose dans l’expression de l’écartèlement de son personnage. Lara Means achève son chemin de croix lors d’un simili clip vidéo particulièrement réussi, exprimant avec une rare éloquence l’immersion dans la folie. Catherine hurle sa haine envers el groupe, qu’elle juge responsable da la faillite de son mariage.

Morgan & Wong, ici au sommet le leur talent de scénaristes, parviennent ainsi à conjuguer une admirable profondeur psychologique à une impressionnante avalanche d’évènements. Le rythme du récit se montre trépidant à souhait, jusqu’à parfois évoquer le tonitruant arc Anasazi des X-Files. La tonalité n’en demeure pas moins plus sombre que jamais. Le renouvellement de la série apparaissait alors comme peu probable et les auteurs décident avec à propos de confer à l’histoire d’authentiques accents d’Apocalypse, pour l’ensemble du monde comme pour chacun des personnages.

 On apprécie également que le fatras mystico-ésotérique ayant si souvent empesé la saison se voit ici minimisé. D’ailleurs Morgan & Wong en avouent eux-mêmes l’inanité, en faisant débuter la fin du Monde près de 600 jours avant cet An 2000 tellement  prophétisé. There is no Millennium ! s’exclame Frank, dans un moment paroxystique. Quelques excellentes idées viennent encore accroître le succès de ce final, comme la spectaculaire cérémonie où se voit révélée la véritable doctrine du Groupe, entrecoupée lors d’un parfais montage avec un abominable assassinat, ou la troublante découverte d’une Morley.

La mise en scène impulse elle aussi beaucoup de force au récit, notamment lors des épouvantables morts dues à la protéine/virus. De pures scènes de cauchemar, rendent particulièrement effroyable cette vision de l’Apocalypse. L’ultime sacrifice de Catherine s’avère réellement bouleversant, tandis que la conclusion de l’épisode, un Frank Black apparemment définitivement brisé, s’avère aussi sombrement idéale que celle de Requiem pour les X-Files.

  • La citation jour est le célèbre psaume 6:8 du Livre des Révélations évoquant le Quatrième Cavalier, soit la Mort. Je regardai, et voici, parut un cheval d'une couleur pâle. Celui qui le montait se nommait la Mort, et le séjour des morts l'accompagnait. Le pouvoir leur fut donné sur le quart de la Terre, pour faire périr les hommes par l'épée, par la famine, par la mortalité, et par les bêtes sauvages de la Terre.
  • Richard Gilbert révèle le nom de plusieurs membres du trust. Il s'agit en fait de fans actifs de diverses productions de Morgan & Wong, notamment sur Internet.
  • Gilbert est interprété par Glenn Morshower, bien connu pour son rôle d'Aaron dans 24h Chrono.
  • On entend les chansons I'll Never Fall in Love Again de Dionne Warwick et In the Year 2525 de Zager et Evans.
  • Le virus apocalyptique est une version génétiquement modifiée de celui de Marbug. Celui-ci fut repéré pour le première fois en dans la ville allemande le désignant désormais, (1967). Il tua alors des singes importés d'Ouganda pour des prélèvements médicinaux, amis aussi sept laborantins. Depuis les années 90, propagé notamment par les chauve-souris, ce virus proche de celui d'Ebola frappe régulièrement l'Angola et la République démocratique du Congo, occasionnant des centaines de morts Son taux de mortalité évolue entre 80 et 90%. Il n'existe pas encore de traitement autre que l'accompagnement des symptômes.
  • Le motel où réside Lara est le Morgan Creek Motel, un clin d'oeil à Glenn Morgan.
  • En explorant l'endroit où se sont réunis les dirigeants du group, Peter découvre le mégot d'une cigarette Morley, vue en gros plan. Il s'agit de la marque de prédilection de l'Homme à la Cigarette, ce qui pourrait indiquer que celui-ci appartient  aux hautes instances du Groupe.
  • Lara Means apparaît pour la dernière fois. Catherine décède, mais une rencontre spirituelle interviendra entre elle et son mari en saison 3, dans l'épisode The Sound Of Snow.
  • Ce double épisode de fin de saison fut écrit par Morgan & Wong alors que le renouvellement de MillenniuM était incertain. La chute du récit s'efforce d'apporter une fin à la série, tout en ménageant l'avenir. Le début de l'Apocalypse tant évoquée est ainsi introduit, sans qu'elle demeure irrémédiable.
  • Parmi les fins proposées, Chris Carter opta pour la mort de Catherine, à la surprise de Morgan & Wong. Il leur demande cependant de maintenir une ambiguïté autour de l'évènement. Ainsi, on n’assiste pas à l’évènement proprement dit. Cependant Catherine ne reparut pas dans la saison 3. Glen Morgan tint à en discuter avec Megan Gallagher. Celle-ci accepta l'idée, appréciant qu’en définitive l'ultime sacrifice soit réalisé par Catherine.
  • La chanson accompagnant la folie de Lara est Horses, de Patti Smith. Elle évoque les effets de l'héroïne. Morgan avoue que le pari d'un clip vidéo fut difficile à tenir, d'autant qu'il souffre d'un manque de moyens.
  • Morgan & Wong quittèrent MillenniuM satisfaits du travail accompli, mais reconnaissant une perte d'audience. Une partie du public de la première saison ne se retrouva pas dans celle-ci et il n'y eut guère de nouveaux spectateurs gagnés.
  • La saison s’achève alors qu’il reste 595 jours avant l’an 2000. Ce décompte ne sera pas poursuivi en saison 3, Frank ayant rompu avec le Groupe Millennium.

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Crédits photo: MGM.

Images capturées par Estuaire44.

 saison 1 saison 3

Millennium (1996-1999)

Saison 3


PRÉSENTATION DE LA SAISON 3

Après s’être centré durant la saison précédente sur les X-Files (virage crucial de la migration de Vancouver à Los Angeles, tournage de Fight the Future), Chris Carter va désormais pouvoir s’intéresser bien davantage à MillenniuM. Certes il nomme un superviseur, en la personne du scénariste Chip Johannessen, mais il demeure bien plus présent que lors de la période précédente. Contrariés par l’aspect ésotérique, parfois flou, des développements apportés par le duo Morgan & Wong, lui et son complice Frank Spotnitz vont s’attacher à redonner aux épisodes loners le ton et le lustre de la première saison. Concernant les mythologiques, notamment incité par la Fox, le choix est cependant fait, non d’un retour aux sources de MillenniuM, mais plutôt d’un sensible rapprochement avec le modèle des X-Files. Franck Black redevient membre  du FBI et se voit  doté d’une partenaire au solide bon sens, l’Agent Emma Hollis. L’action se déplace de Seattle à Washington et, en conflit désormais direct avec le Groupe Millennium, Frank lutte contre une conspiration développée dans les sphères gouvernementales, visant à guider l’Humanité à travers l’Apocalypse, pour ensuite la contrôler.

 

Cette option offre plusieurs moments des plus réussis (notamment grâce au toujours passionnât Peter Watts), mais présente l’inconvénient de susciter une troisième tonalité pour une série en mal de cohérence. L’Apocalypse change encore de nature, après la déshumanisation globale de nos sociétés,  puis des évènements mystiques, elle provient de l’avidité de différentes mouvantes au sein de nos dirigeants. La mise en scène pâtit également de la baisse des budgets, condition de la poursuite de la série. Maquillages, effets spéciaux et décors, s’avèrent ainsi le plus souvent de moindre qualité. Fort heureusement, les compositions de Mark Snow demeurent splendides. Par ailleurs le public préfère souvent l’original à la copie et de nombreux observateurs considéreront désormais MillenniuM comme un X-Files de seconde classe, tandis que les fans de la première heure, se sentant dépossédés, quitteront le navire.

Et pourtant Carter, maintient une spécificité de MillenniuM, même réduite. La relation de mentor à élève, renforcée d’une solide amitié, liant, avant des temps plus troublés, Frank à Emma n’aura rien à voir avec celle unissant Mulder et Scully. Le combat de l’Ombre et de la Lumière, approchant inexorablement de son heure la plus critique, instille toujours une intensité dramatique à la résonnance particulièrement évocatrice. Terry O’Quinn et Lance Henriksen continuent à conférer une aura unique à leurs personnages, avec une qualité de jeu rarement atteinte à la télévision. Mais l’érosion de l’audimat demeure sans appel et le miracle de la reconduction ne se renouvellera pas. Sans être parvenue au terme de son prodigieux décompte, c’est en laissant bien des mystères irrésolus que MillenniuM prend congé. Série profondément singulière et audacieuse, d’une rare force narratrice, elle laisse également une amère saveur d’inachevé, comme une occasion manquée laissant bien des regrets.

Frank Black  connaîtra une ultime aventure lors de l’épisode Millennium des X-Files (saison 7), une péripétie ne rendant justice ni au personnage, ni à sa série (un bon souvenir néanmoins, pour le fin duo des Affaires non Classées). On comprend sans peine que Lance Henriksen ne se soit jamais satisfait de cette conclusion et qu’il continue encore à espérer qu’un film vienne apporter sa pierre de touche à l’un des rôles les plus marquants de sa carrière. En Octobre 2012, le livre Back to Frank Black, captivante somme d’entretiens avec les principales figures de MillenniuM, ouvrira un captivant panorama sur cette aventure télévisuelle à part, fascinante exploration des différents visages revêtus par le Mal dans le monde contemporain.

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1-2. LES INNOCENTS / EXÉGÈSE
(THE INNOCENTS / EXEGESIS)




Cinq mois se sont écoulés depuis l’épidémie ayant causé le tragique décès de Catherine. Black a désormais rejoint le FBI, en tant qu’expert en psychologie criminelle, à Quantico. Longtemps brisé, contesté par le père de Catherine, il parvient progressivement  à se reconstruire. Le réveil soudain de son Don l’incite à reprenne le service actif, lors d’une enquête autour d’un crash aérien. Black fait alors la connaissance de l’Agent Emma Hollis, opiniâtre et intelligente, au caractère bien trempé. Admiratrice de Black, elle parvient à s’imposer auprès de lui, le soutenant par son professionnalisme comme par sa détermination. Les deux enquêteurs découvrent qu’une sombre machination vise à exterminer un groupe de femmes aux étranges yeux bleus, ainsi que leurs filles. Celles-ci semblent se défier également de lui, préférant encore la mort à la révélation de leur secret. Frank découvre une connexion avec le Groupe et le Virus. Frank va découvrir que les femmes, aux pouvoirs télépathiques développés par la CIA, ont percé à jour les dessins du groupe, qui cherche à les exterminer à tout prix. Frank et Emma vont les aider à perserver un enfant, destin un jour, à s‘opposer à la conspiration.

Judicieusement, la première partie de ce pilote de saison prendre le temps de présenter les nouveaux venus, à commencer par Emma. Ainsi elle n’hésite pas à prolonger les dialogues tenus sur la scène du crash, sur plus de la moitié de sa durée ! Le pari est gagné, tant on se prend d’emblée de sympathie pour Emma. Bien davantage qu’une Dana Scully, l’Agent Hollis est un John Doggett au féminin, solide, professionnelle, policière jusqu’au tréfonds de l’âme mais c’est bien son honnête intellectuelle et son attachement à la vérité » qui l’incitent à ouvrir les yeux sur le Don et l’univers de Frank Black. Brillamment interprété par Kléa Scott, on apprécie vivement de la voir progressivement s’imposer auprès du solitaire de toujours qu’est Black, dont elle est une admiratrice mais jamais une groupie, bien au contraire. Il est très touchant de découvrir Black s’appuyer sur la conviction d’airain de sa partenaire, au moment où la vie l’a intimement blessé.

Toutefois les deux autres personnages paraissent moins marquants. Le Directeur adjoint McClaren, certes efficace et bénéficiant de l’abattage de Stephen E. Miller  ne s’extraie pas du répertoire si balisé du supérieur vieux complice du héros. Il ne fera pas d’ombre à Skinner ni ne fera oublier Giebelhouse. Surtout l’Agent Baldwin, ambitieux et détestable souffre d’un vrai manque d’envergure. Il ne manifeste en rien l’intelligence brillante et le charme maléfique de Brad Follmer, son équivalent des X-Files. Il faut bien avouer que, malgré les diverses précautions prises par les auteurs, cette première partie ressemble trop souvent à une copie conforme des X-Files, notamment d’Eve et de la Colonie, avec une Conspiration s’assimilant clairement à celle des meilleures heures de L’Homme à la Cigarette. L’ensemble demeure d’une évidente qualité (sublimes compositions de Snow), avec une parfaite adéquation du talent toujours si pénétrant de Frank, mais la série perd indéniablement en spécificité en se rapprochant des X-Files. Cependant on ne saurait nier un frétillement ressenti en découvrant Black déambuler dans les fameux couloirs du Hoover Building, en se disant que, quelques étages plus bas, un duo dynamique s’apprête à débuter sa sixième année d’aventures. La présence des paysages de Colombie britannique assure également une précieuse continuité à la série.

Cette première partie si indicative quant au chemin qu’empruntera la saison s’achève sur cliffhanger classique mais efficient. L’enquête exploite avec talent les prémices jusque là découvertes mais n’atteint pas tout à fait l’intensité d’un E.B.E., à la structure narrative finalement assez similaire. Quelques moments forts se détachent néanmoins, comme la révélation ultime du dessin poursuivi par ce groupe de femmes aux yeux étranges, d’un bleu que l’on dit céruléen. L’inévitable confrontation avec Peter s’avère superbement interprété, mais l’on comprend sans peine que ses admirateurs aient été blessés de le voir décrit sous un jour aussi sombre et sans nuances. La scène d’action finale se montre palpitante à souhait. Baldwin nous fatigue déjà avec son numéro étriqué et répétitif. Le ressort principal, outre l’exposé du décor de la nouvelle saison, demeure le développement de la relation de mentor à élève s’établissant, non sans peine, entre Emme et Frank, un atout particulièrement prometteur pour le devenir de la saison. Black reste fascinant, le scénario de Johannessen mettant talentueusement en scène le cheminement supérieur de son esprit ainsi que ses impératifs moraux. Le pilote de saison décrit avec conviction la haine inexpiable l’opposant désormais au groupe, avec un Lance Henriksen toujours grandiose. MillenniuM s’avoisine désormais aux X-Files, mais la stature et l’humanité de Frank Black sont réaffirmées avec souffle.

  • Le générique connaît de nouveaux changements, avec l'ajout d'images supplémentaires et Klea Scott (Emma Hollis) se substituant à Megan Gallagher. Les paroles évoluent également, This is who we are, the time is near devenant Wait, worry, the time is near.

  • Chip Johannessen devient le nouveau producteur exécutif de la saison, en remplacement de Morgan & Wong. Chris Carter sera néanmoins bien davantage présent qu'au cours de la saison 2.

  • Même si des précautions avaient été prises, relancer la série après le final apocalyptique de la saison 2 ne fut guère aisé. Carter indique que le choix fut fait d'un changement radical, notamment du fait de la mort de Catherine. Ce nouveau départ se traduisit par le déplacement de l'action à Washington D. C., par l'introduction d'une nouvelle partenaire de Frank en la personne de l'Agent Emma Hollis et par le retour de Frank au Bureau.

  • Chris Carter indique que Klea Scott fut retenue pour ses qualités d'actrice et sa crédibilité dans le rôle, mais aussi pour sa capacité à instaurer une relation de  maître à apprentie entre Frank et Emma, dépourvue de toute tension sexuelle. Carter estimait important que MillenniuM se distinguât des X-Files au moins sur un thème important, au moment où une convergence se dessinait sur d'autres points.

  • Aux cotés de l'Agent Hollis, deux nouveaux personnages récurrents apparaissent : l'ambitieux Agent Spécial Barry Baldwin (9 épisodes) et le Directeur Adjoint Andy McClaren (11 épisodes), supérieur et ami de longue date de Frank Black. Il est interprété par Stephen E. Miller, acteur ayant tenu plusieurs rôles dans les X-Files et jouant un policier dans le pilote de MillenniuM.

  • Morgan &Wong indiquèrent ne plus s'être du tout intéressés à MillenniuM après leur départ. Morgan estime toutefois que s'éloigner du compte à rebours fatal de l'an 2000 aura été une erreur. Le sujet restait loin d'être épuisé. Il ajoute n'avoir regardé aucun épisode de cette troisième saison et que cela exprime bien ce qu'il en pense.

  • Alors qu'il avait achevé la saison 2 avait les cheveux uniformément blanchis, Frank a visiblement massivement noirci. Cela est du au refus de la Fox que l'une de ses séries soit portée par un personnage aux cheveux blancs. Lance Henriksen jugea absurde cet à-priori et l'on peut observer que sa chevelure blanchit progressivement au cours de la saison.

  • L'exégèse est l'analyse approfondie et critique d'un texte, quelque soit la nature de celui-ci. Le terme désigne également les nombreuses études des Saintes Écritures réalisées à travers l'histoire de l'Église.

  • L'épisode marque le virage narratif pris par la nouvelle saison, où le Groupe, MillenniuM apparaît désormais comme un ennemi de Frank. Les fans de la série, qui avaient déjà eu à subir plusieurs évolutions majeures acceptèrent difficilement cette évolution, notamment concernant le particulièrement populaire Peter Watts.

  • Première apparition, encore non créditée, de Mabius, l'assassin silencieux à la solde du Groupe Millennium. Il est interprété par Bob Wilde, qui incarnait déjà un gourou psychopathe dans Gehenna, en première saison. Mabius figurera dans quatre autres épisodes.

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3. CEUX QUI SURVIVRONT
(TAOTWAWKI)


 

Frank, Baldwin et Emma se rendent dans les environs de Seattle, où un atroce tuerie vient de se dérouler dans un collège. De nombreuses personnes ont été abattues par un tireur fou. Les enquêteurs suspectent rapidement le fils d’un riche et important informaticien, Chris Marmody. Mais quand ils se présentent pour l’interpeller, le jeune homme se sucide, en apparence. Malgré le scepticisme de Balwin, Frank et Emma, aidés par Giebelhouse, mettent un jour une terrible vérité. Rassemblés par Carmody, un groupe d’informaticiens, persuadés que le Bug de l’An 2000 signifiera la fin du Monde, est tombé dans une terreur paranoïaque les transformant en farouches survivalistes. Leurs craintes ont déteint sur le fis de Carmody, devenu psychopathe. Celui-ci a été abattu par son propre père, dans une tentative de maintenir le secret sur les activités du groupe. Black intervient à temps pour qu’u autre enfant ne soit pas sacrifié.

Chris Carter et Frank Spotnitz reprennent ici la directement la plume et l’on perçoit clairement leur objectif : un retour aux sources de la première saison de la série. L’objectif s’avère pleinement atteint, avec cette histoire horrifique, explorant avec acuité plusieurs frayeurs et travers américains, avec un arrière fond apocalyptique parfaitement rendu. Quelques mois avant la tuerie de Columbine la scène d’ouverture, l’une des plus éprouvantes de la série, nous plonge en plein cœur du drame, avec un rare réalisme. L’impact s’en révèle encore plus marqué pour le spectateur de la fin 2012, alors que vient de survenir la meurtrière fusillade de Newton. Un inextinguible fléau. Sans jamais tomber dans le déclamatoire, le récit élargit par la suite sa dénonciation véhémente aux rapports consanguins établis par une partie de l’Amérique avec les armes à feu, omniprésentes dans l’imaginaire de survivalistes et ardemment refusées par Frank Black.

L’évocation du Bug de l’An 2000 s’effectue aussi efficacement que sobrement, même si on peut regretter une certaine dramatisation des enjeux objectifs.  Mais Carter et Spotnitz ont la finesse de ne pas  y fixer le centre du récit ou de saturer celui-ci de jargon Cyber. L’enjeu est ailleurs sur le questionnement moral de personnes placées face à un problématique de catastrophe imminente, bien réelle de leur point de vue. Les auteurs opposent habilement les impératifs moraux de Black à la panique des informaticiens, oblitérant leur humanité dans leur obsession frénétique de survie. Des citations du Livre des Heures viennent ponctuer avec éloquence le propos, sans aucune similitude avec le fatras mystique de la saison précédente. Par ailleurs l’enquête policière se construit solidement, poursuivant l’installation du duo fort plaisant formé avec Emma. Baldwin demeure cependant trop caricatural, même si on apprécie de le voir remis à sa place par un Giebelhouse trop rare. Le grand talent de Robert Wisden renforce cette description particulièrement troublante de la chute morale induite par une vision du monde paranoïaque et violente.

  • Spotnitz, co-auteur de l'épisode avec Carter, estima que ce fut un vrai défi que de rendre inquiétant le supposé grand bug informatique de l'an 2000, à travers l'enquête d'Emma et Frank. L’épisode fut diffusé 14 mois avant le supposé évènement et cette perspective demeurait aussi lointaine que peu crédible pour une grande partie du public.

  • TEOTWAWKI est l'acronyme de The End Of The World As We know It.

  • La liste d'adresses mail récupérée par Emma comporte de nombreux noms de membres de l'équipe de production, à commencer par Spotnitz et Carter.

  • Robert Wisden (Chris Carmody) avait déjà participé à l'épisode Monster. Dans les X-Files Il incarne Robert Modell, le Pousseur, et apparaît par ailleurs dans de nombreuses séries fantastiques ou de Science-fiction.

  • Un Livre des Heures est un recueil de textes religieux, souvent des Psaumes,  remontant au Moyen Age. Destiné aux laïques, il scande les diverses prières survenant aux cours de la journée, selon la Liturgie dite des Heures. Le plus souvent richement enluminés ces ouvrages se divisent en plusieurs parties : Evangiles, calendriers, Psaumes pénitentiels, Heures de la Vierge, Office des Morts, suffrages des Saints, etc.

  • Le phénomène du Bug de l’an 2000 (souvent surnommé Y2K) est né de la crainte d’une panne systémique du réseau informatique mondial, du fait de la réinitialisation des horloges internes. Dans d’innombrables  logiciels et bases de données, la date n’était alors indiquée que par les deux derniers chiffres de l’année, d’où un conflit en passant de 1999 à 2000, qui deviendrait 1900 en terme informatique.  Certains systèmes, très anciens, ne pouvaient d’ailleurs pas être modifiés. Le problème a néanmoins été résolu à temps, grâce à de considérables investissements, publics et privés, provoquant un saut qualitatif global du réseau et l’affirmation du rôle d’Internet comme outil mondial de communication. En Europe s’est encore le problème du passage à l’Euro comme monnaie financière. Y2K a suscité des craintes chez les millénaristes et les conspirationnistes, certains écrivains ou journalistes, mais n’a jamais vraiment paniqué le grand public, sa résolution aurait néanmoins coûté entre 300 et 600 milliards de dollars, au plan mondial. Les systèmes UNIX (très présents sur l’Internet) utilisant un système de datation différent, les spécialistes travaillent déjà à la préparation d’un Bug de l’an 2038, devant survenir le 19 janvier. Certains envisagent même le très lointain Bug de l’an 10 000 !

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4. TRAUMA
(CLOSURE)


 

Deux anciens militaires et leur amie commettent des massacres aléatoires, pour le simple plaisir de tuer. Emme se déclare volontaire pour diriger l’enquête et fait preuve d’une implication particulière qui intrigue Black. Celui-ci découvre que la sœur de sa partenaire a jadis été assassinée par un tueur désaxé, aux motivations demeurées mystérieuses. Ces investigations provoquent une crise dans le duo, finalement surmontée. Depuis le drame, Emma tente désespérément  de comprendre ce type de criminel. Après l’arrestation fortuite de leur complice, les deux criminels, lourdement protégés, attaquent  le poste de police. Il s’en suit un prise en otage d’Emma par Van Hurn, le leader. Elle finit cependant par en triompher, mais sans avoir obtenue de réponse à ses questions.

En soi, consacrer l’essentiel d’un épisode à l’approfondissement du parcours et de la personnalité de l’Agent Emma Hollis ne représentait certes pas une mauvaise idée. Malheureusement le résultat ne convainc guère. Au moment où MillenniuM avait déjà accumulé de nombreuses convergences avec les X-Files, il était sans doute maladroit et redondant de susciter un trauma lié à la disparition de la sœur de la co protagoniste de la série. De plus le récit ne génère guère d’étincelles. Emma, et Frank, lui même très absent, ne font finalement que compter les points, les évènements clés de l’intrigue (arrestation de la femme, attaque du commissariat) se produisant sans qu’ils n’y prennent la moindre part, jusqu’au dénouement.

Il reste tout de même étonnant de voir Frank énoncer à Emma que rien ne pourra expliciter le comportement de serial killers alors qu’il pratique l’inverse depuis le commencement de la série ! L’enquête de nos héros demeure statique et périphérique, entrecoupée de tueries au déroulement plus classique que l’ordinaire de MillenniuM. On note quelques maladresses, comme des gilets pare-balles réellement miraculeux. Les antagonistes du jour manquent singulièrement de substance et d’envergure. Closure brille uniquement par son jeu d’acteurs, en particulier avec Kléa Scott, de nouveau parfaite dans l’expression de cet aspect plus tourmenté d’Emma, mais aussi Garret Dillahunt, idéalement dans son emploi et parvenant à rendre intéressant don personnage de Redneck à la dérive.

  • Garret Dillahunt (Van Hurn) a depuis réalisé une belle carrière, à la télévision comme au cinéma, souvent dans des rôles d'antagoniste. il tient ainsi des rôles récurrents dans  Alphas, Les 4400, Sarah Connor Chronicles etc.

  • Dans un hôtel, Van Hurn exécute son voisin car celui-ci ronflait trop fort. Frank précise que le tueur John Wesley Hardin avait déjà procédé de la sorte. Hardin (1853-1895) fut l’un des hors la loi les plus célèbres du Far West, on lui attribue une quarantaine de victimes, souvent pour des motifs futiles. Il finit par être lui-même abattu par un rival, après avoir fait paraître une autobiographie demeurée fameuse.

  • L'épisode s'inspire d'un fait divers réel.  Le 28 février 1997, après une tentative avortée de hold up dans une banque d'Hollywood, une forte fusillade opposa la police à deux bandits puissamment armés,  utilisant des armures recouvrant l'ensemble de leur corps. Douze policiers et huit témoins furent blessés, les deux gangsters furent abattus. A la suite du drame, les policiers américains furent équipés d'armes plus puissantes, capables de perforer ces protections. L'ensemble de la fusillade, l'une des plus massives recensées de ce type, fut télévisé en direct.

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5. TREIZE ANS PLUS TARD
(THIRTEEN YEARS LATER)



Un film d’horreur de série Z, Madman Maniac, est en train d’être tourné sur les lieux d’une sanglante affaire, résolue par Frank Black il y a treize ans. Le scénario reconstitue  de manière très libre l’affrontement entre Black et le serial killer et compte une participation du groupe Kiss. La vedette féminine et le réalisateur sont soudain assassinés, avant que d’autres meurtres horribles ne suivent. Frank et Emma s’aperçoivent que le tueur reconstitue de  célèbres scènes de Slasher movies. Mais qui raconte au juste cette histoire ?

Diffusé le 30 octobre 1998, cet épisode spécial d’Halloween constitue une succulente exploration du genre à la fois ultra codifié et joyeusement délirant qu’est le Slasher Movie. On pourra sans doute reprocher à l’auteur, Michael Perry, de s’être inspiré du succès de Scream, saga dont les deux premiers opus viennent de défrayer la chronique en 1996 et 1997. Mais la recette est reprise avec beaucoup de talent et de l’imagination, tout en l’adoptant avec un humour malicieux au format de MillenniuM. Tandis que histoire joue avec brio de divers niveaux de narration, les bonnes idées se multiplient, notamment l’opposition entre Franck, catastrophé de la faiblesse des approches psychologiques, et Emma, grande amatrice de ces films d’horreurs défoulatoires. Voir Frank Black tenter de réaliser le profiling de Freddy Krueger ou Jason Voorhees est énorme. La confrontation entre les serials killers tristement réels et les plus flamboyants du septième art s’avère passionnante de bout en bout.

L’aspect à la Nuit américaine apporte également un appréciable effet de miroir, qui n’est pas sans préfigurer celui de l’épisode Hollywood. on a ainsi droit au bain mousseux glamour pour Emma ou au face à face hilarant entre Black et sa doublure à l’affiche, avec ses questions désarmantes. L’épisode représente également un hommage amusé à l’univers bigarré et improbable des Séries Z et autres Nanars horrifiques, avec leur défilé de personnalités hautes en couleurs (starlettes délurées et arrivistes, vieux chevaux de retour, réalisateurs improvisés, spécialistes en effets spéciaux fauchés...) et leur indéniable énergie, délivrée de concepts frustrants tels la crédibilité ou la finesse de jeu. On s’amuse beaucoup entre deux torrents d’hémoglobine, tandis que la mise en scène très inventive de Thomas J. Wight glisse avec fluidité du tournage à la réalité du fil, plaisamment  graphique et à la saveur de Giallo. L’excellente distribution joue totalement le jeu, on se régale. La mémorable intervention des Kiss tombe à pic dans le cadre de cet épisode spécial. La révélation de la personnalité de l’assassin et du narrateur apporte une jolie pirouette finale à cet épisode gorissime, aussi référencé qu’irrésistiblement drôle.

  • La citation du jour est Never believe anything you see on Halloween (Ne croyez rien de ce que vous voyez durant Halloween), du révérend M. Goodman (1985). Il s'agit d'un clin d'œil à Morry Goodman, membre éminent du service de vérification (ou de censure) de la Fox, qui supervisa cette troisième saison. Très apprécié par l'équipe, il laissa une grande latitude aux auteurs concernant les scènes violentes, gore ou sexuelles.

  • Avec Kiss,  Thirteen Years Later demeure le seul épisode de la série à incorporer des vedettes du show business. L'idée vint de la Fox, désireuse de remonter l'audience de MillenniuM. D'abord peu convaincue, l'équipe finit par valider le projet, estimant que les Kiss conviendraient parfaitement à un récit sur Halloween. Il s'agit également de l'unique épisode humoristique de la saison.

  • Les musiciens du groupe jouent leur propre rôle mais tiennent également des petits rôles distincts, méconnaissables sans leur célèbre maquillage.

  • La scène où les Kiss interprètent leur tube Psycho Circus a été conçue et réalisée comme un clip vidéo, indépendant du reste de l'épisode. Le metteur en scène Thomas J. Wright, rapporte que les musiciens furent ravis du résultat. Il ajoute que le groupe fut formidable tout au long du tournage et que cette collaboration reste un grand souvenir.

  • Jeff Yagher (Mark Bianco, le pseudo Frank Black) est le mari de Megan Gallagher, l’actrice incarnant Catherine, l’épouse de notre héros. Il participe notamment à V, Six Feet Under, Bones, etc. Il incarne un étonnant imitateur d’Elvis dans un épisode de The Twilight Zone, The Once and Future King. Sculpteur réputé de statuettes, il est également connu pour ses nombreuses figurines de personnages de série télé.

  • Dans son bain, Emma lit Labyrinthes, de Jorge Luis Borges. Il s’agit d’un recueil de nouvelles du grand auteur argentin, paru en 1962.

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6. OSSEMENTS
(SKULL AND BONES)



Baldwin et Emma, assistés de Peter, mènent l'enquête sur un charnier révélé lors de la construction d'une autoroute et comportant de nombreux squelettes. De son côté Frank suit une piste menant à Ed, un homme souffrant de paranoïa mais étant parvenu à retracer les divers meurtres perpétrés par le groupe. Les dépouilles des victimes sont bien celles découvertes, mais Peter réfute les arguments de Frank. Emma finit par découvrir la vérité, mais Peter affirme que le Groupe a agit dans l'intérêt supérieur du pays, avant de détruire toutes les preuves. Grâce à Frank, Ed parvient à échapper à Mabius, puis à s'enfuir.

Skull and Bones vaut avant pour l'excellence de sa mise en scène et de sa photographie. Les perspectives choisies avec talent, comme subtil le jeu d'ombres et de lumières, composent une remarquable atmosphère de poésie funèbre, encore sublimée par les harmoniques de Mark Snow. De plus, avec le recul, l'accumulation de détails concernant les squelettes comme source d'informations pour la médecine légale confère à l'ensemble une saveur pré Bones assez divertissante. Malheureusement l'épisode pâtit grandement de son scénario. En effet celui-ci consacre la nouvelle mouture de la mythologie de MillenniuM comme copie quasi conforme de celle des X-Files, qui plus est sur un mode mineur. Tous les éléments développés par l'intrigue l'ont été durant la période Vancouver des X-Files, et son fameux conspirationnisme (y compris la multiplication des communications téléphoniques à la Mulder et Scully entre Frank et Emma).

Le groupe devient ici un concept attrape-tout et sans guère de consistance. Il devient également unidimensionnel, perdant sa précieuse ambiguïté morale. MillenniuM perd, à peu de choses près, ce qui assurait sa spécificité pour devenir un condensé bien trop accéléré et flou de sa série mère. En contradiction avec les événements de La Main de Saint-Sébastien, Les flash-backs montrant Cheryl Andrews ne servent à rien et introduisent une dommageable rupture de ton avec l'esthétisme global de l'épisode. Néanmoins le talent de Terry O'Quinn lui permet de maintenir l'intérêt de Peter Watts, qui conserve intelligemment une part de sincérité dans ses convictions. L'épisode permet également à Emma d'achever d'entrer de plain pied dans l'univers tourmenté de Frank Black et d'établir un précieux contact avec Peter Watts, mais demeure trop superficiel et elliptique par ailleurs.

  • Dernière apparition de Cheryl Andrews, biologiste membre du Groupe interprétée par C.C.H. Pounder.

  • Outre sa symbolique coutumière, le titre original fait également référence à The Order of Skull and Bones, une société secrète fondé en 1833 au sein de l'université de Yales et régulièrement citée dans les thèses conspirationnistes.

  • L'épisode détient le record de nombre de morts de la série, avec un total de 43.

  • La chanson entendue par Emma lors de son exploration de la maison est Love Hurts, dans sa version interprétée par le groupe Nazareth. Elle rencontra un grand succès aux États-Unis, en 1975 et a été reprise dans de nombreuses publicités et bandes son, dont celle d'Halloween (1978).

  • Le responsable de la photographie Robert Mclachlan fut nominé aux American Society of Cinematographers Awards à l'occasion de cet épisode.

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7. RECOMMENCEMENT
(THROUGH A GLASS, DARKLY)



Après 20 ans d'emprisonnement, Max Brunelli, auteur de l'abominable assassinat d'une petite fille, sollicite une libération conditionnelle. Le juge la lui accorde, malgré l'avis formel de Black, persuadé que ses pulsions sexuelles sont toujours présentes. Rentré chez lui, Max fait face à l'hostilité de la population, ainsi qu’à une campagne médiatique. Une autre enfant disparaît, Max est alors immédiatement soupçonné. Progressivement les analyses de Frank, assisté d'Emma, révèle une terrible vérité : Max est innocent des deux crimes.  Esprit faible et influençable, il a été manipulé par son avocat et prétendu seul ami, le véritable coupable. Il contribue à sauver la petite fille, obtenant une totale réhabilitation auprès de la population.

Après l'alignement bien trop marqué du précédent Skull and Bones sur les X-Files, Through a Glass, Darkly marque un retour bienvenu aux sources de MillenniuM. Il se confirme également que la véritable force de cette troisième saison réside bien davantage dans les épisodes loners que dans les mythologiques. On renoue ici avec les captivantes élucidations psychologiques aussi patiemment que brillamment menées par Franck Black. C'est à une progressive descente dans les ténèbres que nous assistons ici, avec l'étude très fine de deux psychés tourmentées et interconnectées, interprétées éloquemment par des comédiens pourtant peu connus. La découverte du prédateur ultime s'accompagne de twists retentissants, lui conférant plus de force encore. Il en va ainsi de la révélation de la véritable nature du lien de sujétion unissant les deux hommes ou de la remarquable audace d'un postulat inattendu : Frank Black s'est trompé, certes dans un premier temps, mais a été manipulé durant des années. Le moment où lui et max se pardonnent mutuellement est très émouvant.

Un maître coup de la part du scénariste, qui manifeste par ailleurs d'autre excellentes intuitions, comme la mise à l'écart de l'appareil du FBI ou la relative mise en retrait d'Emma dans cette histoire centrée sur son mentor. Lance Henriksen se montre une nouvelle fois prodigieux dans son portrait d'un Black confronté à l'exercice inédit de l'autocritique. D'autres thèmes viennent encore enrichir une histoire très riche, qui n'hésite pas à limiter l'action ou le recours au Don, au profit de l'analyse : critique du dérèglement médiatique ou du préjugé populaire. Quelque soit la qualité des scénarios, plus variable cette saison que précédemment, la qualité technique de MillenniuM demeure toujours digne déloges, avec une nouvelle superbe photographie et une exploitation esthétique tout à fait réussie des paysages des forêts de Colombie britannique. Comme aux heures les riches (et les plus sombres) de la série, l'atmosphère est tendu parfois aux limites du supportable, dans les évocations si réalistes des tourments subis par les enfants. Through a Glass, Darkly s'avère difficilement regardable par moments et définitivement réservé à un public adulte. On regrette toutefois un happy end trop marqué et à contre courant.

  • Le titre original de l'épisode fait référence à la première Epitre aux Corinthiens (1-13) : Lorsque j'étais enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant. Lorsque je suis devenu homme, j'ai fait disparaître ce qui était de l'enfant. Aujourd'hui nous voyons au moyen d'un miroir, d'une manière obscure, mais alors nous verrons face à face. Aujourd'hui je connais en partie, mais alors je connaîtrai comme j'ai été connu. Le texte exprime l'idée que les hommes n'ont qu'une vision partielle de Dieu, mais celle-ci deviendra parfaite au Paradis.

  • Reprise littéralement, ou avec une légère modification, cette citation est le titre de nombreuses œuvres musicales ou littéraires. Toujours malicieux, Asimov intitule l’un de ses recueils de nouvelles Through a glass, clearly (1967). De nombreuses séries l’emploient comme titre d’épisode : Star Trek, Highlander, Andromeda, Haunted, Loïs et Clark, etc.

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8. DÉMONS INTÉRIEURS
(HUMAN ESSENCE)


Une cousine de l’Agent Hollis, vit à Vancouver et a sombré dans l’addiction à la drogue. Elle s’aperçoit qu’ne nouvelle substance en circulation entraine une étrange mutation chez une amie, avant que celle-ci ne soit assassinée. Elle envoie une lettre à Emma pour l’appeler au secours. Emma, rejointe par Frank, vont remonter la filière. Un chimiste d’une triade chinoise désire se venger de ses employeurs, après la mort de ses proches, en ajoutant une hormone à la drogue produite. Ces derniers anéantissent preuves et témoins, mais la cousine d’Emma est finalement sauvée.

Episode souvent très décrié par les amateurs de la série, Human Essence accumule en effet les maladresses. Il ne s’insère que marginalement dans la série, en prenant davantage des allures de série noire, vaguement reliée à MillenniuM par quelques éléments scénaristiques maladroits, dont les propriétés « psychologiques » de la drogue. Le conspirationnisme rajouté en toute fin de parcours fait ainsi office de correction de trajectoire parfaitement gratuite. L’épisode se centre sur Emma Hollis, sans apporter aucun élément qui servira par la suite au développement du personnage. Frank s’enferme dans un rôle de gourou, une vision du protagoniste assez limitée, et semble curieusement indifférent aux tourments de la jeune droguée.

De plus tout est excessif dans la poursuite de l’action, avec une mise en scène aux nombreux effets faciles, lestée de maquillages indigents, et une histoire accumulant invraisemblances et poncifs sur les mafias asiatiques, tout comme Hell Money a pu le faire chez les X-Files, avec ici un budget bien moindre. Reste l’occasion de mettre en avant le talent de Kléa Scott et de Lance Henriksen,  et la découverte de quelques superbes sites de Vancouver, ville à laquelle les séries de Chris Carter doivent tant (Chinatown, Lions Gate, Stanley Park et ses totems).

  • Il s'agit du second et dernier scénario écrit pour MillenniuM par Michael Duggan. L'auteur semble avoir eu du mal à s'intégrer dans l'équipe. Il quitta la série peu de temps après la production de cet épisode, généralement considéré comme le plus mauvais de MillenniuM par les fans.

  • Alors qu'Emma recherche un appartement, la télévision d'un voisin bruyant diffuse un épisode des X-Files. Il s'agit de Kill Switch et on reconnaît la voix de Gillian Anderson.

  • Le Lions Gate, inauguré en 1938, est un gigantesque pont suspendu reliant les deux parties de Vancouver, entourant la vaste baie Burrard. Son nom fait référence à une chaine montagneuse se situant dans la région côtière. Devenu l’un des principaux symboles d’une ville dont il a accompagné le développement, le Lion’s Gate figure dans de nombreux films se situant à Vancouver. Il sert ainsi de décor à l’impressionnante scène d’ouverture de Destination Finale 5 (2011).

  • Le Stanley Park, inauguré en 1888, est un des plus grands parcs urbains d’Amérique du Nord. Occupant toute une péninsule de la baie Burrard, il permet de bénéficier de décors boisés, mais aussi de superbes perspectives marines. Il constitue l’une des principales attractions touristiques de Vancouver et s’orne de nombreux monuments et statues. On y trouve également des totems et ouvrages d’art caractéristiques des indiens natifs de Colombie britannique.

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9. OMERTA
(OMERTA)


 

En 1989 Eddie,  un tueur de la mafia, est emmené dans une profonde forêt du Vermont, pour  y être abattu par des collègues. Il est ressuscité par deux femmes ressemblant fort à des fées. Depuis il vit à leurs côté, accédant à la rédemption. Frank se rend dans la région, pour changer les idées de Jordan, que l’approche de Noël rend triste en l’absence de sa mère. Suite à une autre résurrection, le pot aux roses est découvert par Black. Les deux jeunes femmes et Eddie deviennent le centre d’un combat opposant le crime organisé  au FBI. L’une des « fées » est d’ailleurs blessée par un tireur. Frank permet alors à Eddie de s’enfuir avec ses deux amies, pour regagner la sécurité des forêts.

Diffusé le 18 décembre 1988, cet épisode revêt vite la forme d’un émouvant conte de Noël, tout à fait sensible, même s’il ne démontre pas tout à fait la même force narrative que les deux opus précédents du genre. On pourra lui reprocher de ne pas se situer dans les canons de la série, et il est vrai que son aspect purement Fantastique l’aurait plutôt rapproché de l’Agent Mulder, mais en l’occurrence il s’agit bien évidemment du cas spécial de l’épisode de Noël, largement répandu dans les séries américaines. De plus on observe une avalanche de facilités scénaristiques, comme Frank tombant miraculeusement  sur la demeure des « fées » ou l’aisance avec laquelle Eddie s’enfuit avec ses amies. Mais qu’importe, il s’agit avant tout d’une fable, respectant parfaitement la symbolique du genre.

Demeure une histoire dégageant une véritable émotion, avec la candeur des fées, la rédemption d’Eddie ou l’évocation de sa mère par Jordan, tout en ajoutant un humour volontiers malicieux, notamment autour de tueurs dignes des Sopranos. En évitant le piège de la mièvrerie, l’épisode déploie une vraie force d’évocation du mystère de la forêt et brasse plaisamment de grands thèmes : le pardon des offenses, la rédemption ou la présence de nos   disparus. Un charmant mystère est savamment entretenu autour de la nature exacte de ces deux femmes. L’opus peut s’appuyer sur une excellente distribution, avec notamment un Jon Polito parfait pour incarner le pittoresque  Eddie, la splendeur toujours renouvelée des forêts canadiennes  et sur les nombreuses et sublimes mélodies originales de Mark Snow. Elle contribue puissamment à apporter un véritable cachet onirique au récit.

  • Le bruit de tambour accompagnant l’écran blanc d'ouverture est remplacé par les traditionnels grelots de Noël. Une carte de vœux apparaît également.

  • Il s'agit du troisième épisode spécial de Noël de la série, toutes les saisons en auront eu le leur. En définitive personne ne meurt dans cet épisode de MillenniuM, c’est vraiment Noël !

  • Jon Polito (Eddie) est connu pour ses participations régulières aux films des frères Coen (Miller’s Crossing), ainsi que pour ses apparitions dans de nombreuses séries policières ou de privés.

  • Tom McBeath (Agent Polgreen) est connu notamment pour le rôle récurrent du Colonel Maybourne dans Stargate SG-1.

  • Keegan Connor Tracy (Lhasa) a depuis réalisé un beau parcours, notamment dans les séries relevant du Fantastique et de la Science-fiction. Elle incarne par exemple Jeanne dans Battlestar Galactica et la Fée Bleue dans Once Upon a Time. Ayant séjourné à Paris, elle parle couramment le français.

  • Mark Snow classe les musiques qu'il composa pour cet épisode parmi ses plus belles créations. Elles incorporent plusieurs éléments d'opéras et de musique classique et figurent en bonne place dans la bande son de MillenniuM, sortie sur format dématérialisé en 2004 (iTunes).

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10. SURSIS
(BORROWED)



Plusieurs morts étranges se succèdent, les personnes décédées ayant les poumons remplis d’eau, sans aucune cause apparente. Frank s’aperçoit que, par le passé, toutes les victimes ont échappé de peu à la mort. Il repère également un mystérieux homme en noir, Samiel, présent sur les lieux à chaque drame, avant de disparaître subitement. L’affaire prend un tour dramatique quand Jordan, anciennement miraculeusement rescapée d’une méningite commence à dépérir. Désespéré, Frank se confronte inutilement à Samiel , qui lui explique qu’un délai supplémentaire a été accordé à sa fille, et qu’il doit maintenant bénéficier à quelqu’un d’autre. Alors que Jordan est à la dernière extrémité, Frank supplie Dieu d’épargner sa fille. Samiel sauve la vie de la bénéficiaire du don jadis accordé à Jordan (une petite fille rescapée d’un accident de train), mais, à l’heure critique, c’est lui qui meurt, et non Jordan.

Cet authentique chef d’œuvre de la saison 3 dégage une fascinante atmosphère ne s’affranchit certes pas de l’influences prégnante des X-Files. Au scepticisme inébranlable d’une Emma n’ayant jamais autant ressemblé à Scully, répond l’ouverture d’esprit au surnaturel de Frank, digne d’un Fox Mulder. Les amateurs de l’excellente franchise Destination Finale, d’ailleurs lancée par le duo Morgan & Wong en 2000, pourront également s’amuser des évidentes convergences. Néanmoins Borrowed, développe une toute autre ambiance, entre étrange et sombre merveilleux, absolument cryptique et fascinante. Celle-ci doit beaucoup à l’étonnante composition de l’épatant Eric Mabius, à des éons du Tim de The L Word.  Son passionnant et délectable Samiel s’avère captivant de bout en bout, entre vraie compassion et ironie cinglante. Les Anges de MillenniuM apparaissent toujours comme d’hermétiques Sphinx, très différents de ceux des Routes du paradis et autres séries chrétiennes, mais aussi des tueurs ailés délivrant le feu divin de Supernatural. La rareté de leurs apparitions les rend événementielles. La mise en scène use d’une efficace symbolique, avec le tic tac des montres dont s’entoure sans cesse Samiel, version moderne des sabliers de jadis. Le scénario très inventif de Chip Johanssen joue habilement de flashbacks et de lignes narratives juxtaposées, entres les événements du train et l’enquête désespérée menée par Frank. Cette structure originale peut déconcerter dans un premier temps, mais elles apportent un indéniable cachet au récit. La conclusion, mystérieuse et ouverte, est un maître coup.

Les points de juxtaposition que constituent les confrontations entre Samiel et Black se montrent intenses, portées par deux grands comédiens et dépourvus d’effets ronflants. Lance Henriksen sort une nouvelle fois le très grand jeu, son appel à Dieu est bouleversant au possible. On n’avait jamais vu Frank Black craquer de la sorte. Cette dimension humaine ancre bien en définitive Borrowed Time chez MillenniuM plutôt que chez les X-Files. Malgré tout le fantastique environnant, c’est l’humain qui prime, non le surnaturel.  Brittany Tiplady est également parfaite dans cet épisode mettant en avant son personnage. Le drame humain que représente la vie s’achevant de Jordan empêche le puzzle de figurer comme un simple exercice de style intellectuel ou mystique.  Dwight Little filme chaque scène avec une infinie subtilité, notamment les regards échangés entre la petite fille du train et ce Mister Death issu des meilleurs moments de la Quatrième Dimension. La reconstitution de l’accident du train trahit néanmoins le faible budget de la série. La présence d’Amanda Tapping, dont le talent confère tout une aura supplémentaire à un rôle secondaire, représente encore un intérêt supplémentaire. Ce grand épisode de MillenniuM renoue pleinement avec les riches heures de la première saison. 

  • Le docteur Cantor est interprétée par Amanda Tapping,  figure majeure de la franchise Stargate et de Sanctuary. Stargate SG-1 avait déjà débuté lors du tournage de Borrowed et Amanda arbore la coupe militaire de Samantha carter. Une grande aventure commence. Amanda Tapping était également brièvement apparue trois ans plus tôt dans les X-Files, en tant que fugitive conquête de Walter Skinner (Avatar).

  • Eric Mabius (Samiel) est un acteur ayant touché à des genres tout à fait différents. Il est notamment connu pour avoir été le Daniel d’Ugly Betty, mais aussi le Tim de The L Word, compagnon malheureux de Jenny Schecter.

  • A l'occasion de cet épisode, Brittany Tiplady (Jordan) fut proposée pour la troisième fois aux Young Artists Awards.

  • L’homme en noir, Samiel, apparaît très similaire dans on comportement à l’ange aperçu en première saison dans Powers, Principalities, Thrones and Dominions. Savoir s'il s'agissait ou non de la même entité fit l'objet de vifs débats chez les fans de la série, que les auteurs se gardèrent évidemment bien de trancher ! Samaël (ou Samiel) est souvent surnommé l’Ange de la Mort ou le Venin de Dieu. Importante figure du Talmud et de la Kabbale, il est parfois confondu avec Satan. Il apparaît dans diverses séries fantastiques, dont Charmed ou Dead Like Me.

  • En début d’épisode le contrôleur du train lit une oiuvrage intitulé The Gigt. Il s’agit de l’édition parue en 1967 de L’Essai sur le Don (1924) de Marcel Mauss, le fondateur de l’école de l’anthropologie française. En étudiant diverses sociétés, l’auteur analyse le phénomène social du don, concluant qu’il mène toujours et en tout lieu à un contre don, dans un cercle de dépendance servant de socle au lien social. Cette trouve un résonnance dans l’épisode, où le délai de vie supplémentaire est un don divin.

  • Durant l'extrême onction de Jordan, une petite pendule indique qu'il est 10h13, soit un clin d'œil à la société de Chris Carter, Teen Thirteen.

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11. LÉSIONS DE GUERRE
(COLLATERAL DAMAGE)



Taylor, l’une des filles de Peter Watts, est enlevée par deux hommes, ce qui provoque l’intervention de Frank, mais aussi du Groupe. Le commando dirigé par Mabius parvient à abattre l’un des agresseurs. L’autre, Eric Swan, est un ancien soldat, ayant testé une nouvelle arme biologique pour le compte du Groupe, durant la Guerre du Golfe. Des soldats américains ont été accidentellement tués. Il veut faire pression que Peter pour que celui-ci révèle la vérité lors de l’émission de radio d’Art Bell et va jusqu’à inoculer la substance, dont il détient l’antidote, à la jeune fille. Frank parvient à découvrir l’endroit où Taylor est détenue, l’endroit est alors cerné par les hommes du Groupe. Peter craque et fournit à Swan des éléments prouvant ses dires, mais Taylor parvient à se libérer et à tuer son ravisseur.

Collateral Damage n’est pas sans évoquer de loin l’épisode des X-Files Sleepless, mais n’en reste pas moins l’épisode mythologique de la saison 3 le plus solide découvert jusqu’ici. Il permet d’interpeller moralement Frank Black sur sa relation conflictuelle le avec le Groupe, et jusqu’où il est prêt à aller pour mener à bien cette lutte. Seulement entrevu jusqu’ici, il met aussi l’accent avec talent sur le dilemme moral vécu par Peter, écartelé entre d’une part sa fidélité au groupe et en ses idéaux affiché et d’autre part son amitié envers Frank et le souci de préserver sa famille. Le suspense brillamment orchestré des évènements se double ainsi d’une dimension psychologique en rehaussant encore l’impact. Le scénario sait exposer avec acuité les différents points de vue des acteurs du drame et les alterner.

Il bénéficie également de la superbe composition de James Marsters, prouvant déjà qu’il n’est pas l’acteur d’un seul rôle, ce que la suite de sa superbe carrière achèvera de démontrer, de série en série. En version originale les amateurs de Buffy contre les Vampires pourront se divertir en le découvrant dépouillé de l’accent anglais caricatural de Spike. Le combat pour la vérité de Swan, allié à l’horreur de la méthode employée, synthétise parfaitement l’ambition du scénario et de l’écriture des personnages. De même Taylor s’avère un magistral contre pied à la figure usuelle de la Damsel in distress, si pratiquée durant les Sixties, amis aussi au-delà. Elle occupe une place active dans des débats qu’elle interrompt brusquement lors d’une scène saisissant à froid le spectateur, laissant Frank et Peter confrontés à leurs abîmes.

  • Le célèbre animateur de radio Art Bell joue ici son propre rôle. Son émission Coast to coast est diffusée depuis 1984 sur tout le territoire américain, à travers plus de 500 radios indépendantes. Diffusée de 22  à 02 heures du matin, elle enregistre régulièrement près de 4,5 millions d'auditeurs. Elle reste fameuse pour ses discussions autour de thèmes conspirationnistes, extra-terrestres ou plus improbables encore,  dans une tonalité assez similaire aux X-Files  (voire parfois au Lone Gunman).

  • Lance Henriksen participa à Coast to coast la veille de la diffusion de l'épisode et put ainsi présenter MillenniuM au public. Chris Carter y figura également fin 1999; cette fois pour évoquer la fin de la série et les perspectives futures. Le survivant est un ancien militaire

  • Eric Swan est joué par James Marsters, déjà l'interprète de Spike dans Buffy the Vampire Slayer (il en arbore d’ailleurs la coiffure). Sa partenaire Juliet Landau (Drusilla) apparaîtra plus tard dans la saison (Forcing the End). Marsters se déclara très fier de jouer aux côtés de Lance Henriksen, dont il est un grand admirateur depuis Alien. Il conserve un excellent souvenir de son passage dans MillenniuM, qu'il trouve comparable à Buffy sur plusieurs points, notamment la capacité à rivaliser en qualité avec le cinéma.

  • Nick Carfagna est interprété  par Brendan Fehr qui est alors sur le point de devenir l'un des principaux acteurs récurrents de Roswell (1999-2002), où il joue Michael.

  • Jessica Schreier (Barbara Watts) jouait le Dr Sayre dans le double épisode des X-Files Terma/Tunguska.

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12. LE BRUIT DE LA MORT
(THE SOUND OF SNOW)



Malgré le scepticisme d’Emma et de
Giebelhouse, Frank enquête sur une succession de suicides survenus à Seattle. Il découvre qu’une ingénieure du son dotée d’empathie envoie une cassette contenant un son étrange à des personnes s’estimant responsables de drames passés. Ce « bruit blanc » provoque des hallucinations basées sur leurs souvenirs douloureux, les acculant à se donner la mort. Frank écoute la cassette fatidique, car couplée  à son Don, le son lui permet de créer un lien avec Catherine, dont il s’impute la mort. Il parvient à faire la paix avec lui même grâce à la compréhension et au soutien manifestés par son épouse défunte.

Ce bouleversant épisode s’avère particulièrement riche, y compris selon les critères déjà fort élevés de MillenniuM. On y trouve ainsi une évocation particulièrement évocatrice du mystère de la musique, même subliminale. Cette évocation d’un son ouvrant une voie vers nos disparus n’est d’ailleurs pas sans évoquer ce pur chef d’œuvre du cinéma français que constitue Tous les matins du Monde (1991). Les dialogues entre Frank et Catherine se montrent d’ailleurs véritablement émouvants et sans pathos, presque aussi épurés qu’ont put l’être ceux entre Monsieur de Sainte-Colombe et son épouse. Le talent des comédiens et l’écrin parfait du décor naturel conviennent idéalement à ces intenses moments d’émotion. L’épisode représente d’ailleurs la coda de toute une trame narrative de la première moitié de saison s’attachant au souvenir de la disparue chez Frank et sa fille. Rasséréné, Black va désormais pouvoir poursuivre  son chemin et nous ne reviendrons plus à Seattle, dans ces décors emblématiques des deux premières saisons, dont la mise en scène développe une superbe revue  de détail (Seattle, maison jaune, cabane dans la forêt). D’une manière très symbolique Catherine et Giebelhouse réalisent ici leur ultime prestation.

Cet épisode charnière comporte aussi l’immense mérite de combler les blancs frustrants perdurant jusqu’ici entre les saisons 2 et 3. Cette révélation à vif du drame vécu par Frank et Jordan durant la fatidique épidémie revêt également beaucoup de force, tout en répondant à la plupart des questions. L’image de la petite fille accourant seule au devant de secours touche le spectateur au cœur, avec de nouveau une superbe performance de Brittany Tiplady. La mise en scène se montre également à la hauteur, portée par la musique de Mark Snow. On peut d’ailleurs se demander si le titre original n’est pas un hommage à puissance d’évocation des compositions de ce contributeur majeur au succès des séries de Chris Carter. Les scènes d’hallucinations, particulièrement durant la remarquable et horrifique scène d’ouverture, dégage une troublante impression de réalisme mâtiné de cauchemar. Les personnages secondaire se voient également joliment croqués, James Lang et Megan Gallagher retrouvent leurs  avec une palpable intensité leurs rôles. Les amateurs de Sanctuary pourront s’amuser de la fugitive apparition de Ryan Robbins, le futur interprète de l’excellent Henry. En serial killer troublante, dégageant un véritable mystère, Jessica Tuck (Grimm, True Blood) réalise une composition étonnamment éthérée et fascinante. Très marginalement, on regrettera les références à Nostradamus, plus à leur place dans la saison précédente.

  • L'épisode marque la dernière apparition de l'inspecteur Bob Giebelhouse, interprété par James Lang et présent par intermittences depuis le pilote de la série. De même Megan Gallagher joue une ultime fois Catherine Black.

  • La fameuse Maison Jaune occupée jadis par Frank et sa famille est également vue pour la dernière fois.

  • L'épisode révèle une grande partie des évènements survenus durant la période séparant les saisons 2 et 3.

  • Jack Scaife, analyste du FBI joué par Trevor White, entre ici en scène et va devenir un personnage récurrent.

  • L’épisode révoque des notions techniques d’acoustique, comme le bruit blanc, réparti également entre toutes les fréquences et se développant de manière aléatoire. On le nomme aussi bruit de neige (désignation reprise dans le titre original), en référence à une télévision non réglée sur un canal particulier. Scaife manie aussi les notions de bruit rose et de bruit route.

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13. ANTIPAS
(ANTIPAS)



Frank et Emma enquêtent sur une série de meurtres touchant des officiels. Le mot Antipas sert de fil rouge conduisant Black jusqu’à son ennemie intime, Lucy Butler, l’incarnation du mal. Celle-ci a entrepris de détruire la famille d’un important attorney général et future gouverneur de l’Etat. Un duel débute au sein de l’imposante demeure de ce dernier, dont le jardin revêt la forme d’un inquiétant labyrinthe.

Les deux premiers opus où apparaissait Lucy Butler s’étaient avérés particulièrement réussis. Par la nature primordiale du mal qu’elle incarnait et l’excellent fantastique qu’elle générait, Lucy avait véritablement imprimé sa marque à une série lui devant plusieurs moments particulièrement intenses. Malheureusement ce troisième épisode suscite une profonde déception, tout comme cela sera le cas pour le Dr. Charles Walker de Medium. Le récit de Carter et Spotnitz, particulièrement pompeux et dithyrambique, ne se compose que d’un patchwork d’idées reprises avec application dans nombre de films d’épouvante traitant de l’enfance, de La malédiction à Rosemary’s Baby, en passant par La main sur le berceau. Il manque singulièrement de nerf et d’à propos, se cantonnant tout du long dans un flou paresseux. On en ressort avec l’impression que le scénario a sans cesse échoué à trouver son véritable sujet.

la principale victime en demeure Lucy elle même, à qui Antipas n’apporte aucun développement autre que mélodramatique, mais bien des redites sur un ton mineur. Le personnage se voit réduit à un démon caricatural, à l’occasion lesté d’un maquillage de troisième ordre. La mise en scène s’en tient à des effets aussi efficaces que passablement éculés, mais manifeste néanmoins un certain sens de sens esthétique, notamment lors des scènes dans le labyrinthe. Le principal atout d’Antipas demeure néanmoins la nouvelle grande prestation de Sarah-Jane Redmond, aussi possédée par son personnage que Lance Henriksen peut l’être par Frank Black. L’alchimie entre les deux acteurs permet d’ailleurs à leurs confrontations de surnager au-dessus du lot. On apprécie également le numéro de l’avocat de Lucy, parfait de crapulerie satisfaite et pédante, un régal.

  • Troisième apparition de Lucy Butler, ennemie récurrente et démoniaque de Frank Black.

  • Lors de la conclusion de l’épisode, la promesse d’un prochain retour et les menaces contre Jordan énoncées par Lucy annoncent les évènements de Saturn Dreaming of Mercury (3-16), ultime épisode où elle se manifestera.

  • Sarah-Jane Redmond se déclare fascinée par le mal absolu que représente Lucy. A travers Lucy, elle s’est attachée à exprimer les aspects les plus sombres de sa propre personnalité, une exploration qu’elle juge passionnante.  Elle fut repérée par Chris Carter, lors d’une audition pour un rôle ponctuel et il lui confia d’emblée ce personnage appelé à devenir régulier. Son épisode préféré de Lucy demeure le premier, Lamentation. D’une manière la surprenant elle même, Lucy s’est imposée à elle dès le premier jour de tournage avec Lance Henriksen. Elle aurait certainement repris le rôle en cas de quatrième saison, tant elle a doré la collaboration avec Henriksen et le développement de la relation ente les deux adversaires. De plus ce type de rôle reste très rare pour une femme. Sarah-Jane Redmond se déclare très fière de sa collaboration avec Chris Carter (elle participe aussi aux X-Files) et est également très touchée par la popularité persistente de Lucy Butler chez les fans de MillenniuM. (Site personnel de l’actrice)

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14. MATRIOCHKA
(MATRYOSHKA)



Michael Lanyard, vieil agent du FBI à la retraite, se suicide à son domicile. Emma découvre que, la veille, il avait reçu la visite de Peter Watts. Elle et Frank vont démêler un écheveau remontant à 1945, quand Lanyard enquêta au centre atomique de Los Alamos, à propos du meurtre d’un scientifique participant à la mise au point de la Bombe. Un de ses collègues, le Dr. Alexander, travaillait sur les propriétés mutagènes du plutonium, ce qui le transforma en monstre. Sa collaboratrice, ainsi que désormais sa fille, sont des membres éminents du Groupe, dont on apprend qu’il fut fondé par Hoover en personne.

L’épisode renoue avec bonheur avec les excellents épisodes des X-files se déroulant durant les Fifties (Travelers et The Unnatural). On y retrouve une fine stylisation de l’époque, encore magnifiée par un fort beau travail de photographie, apportant un ton sépia aux flash backs, bien longtemps avant la mode actuelle des séries rétro , à la suite de Mad Men. Ces réminiscences  s’insèrent harmonieusement au récit principal, avec des transitions assurées avec fluidifié par la mise en scène. Si la seconde partie souffre d’une certaine naïveté dans cette version de Jekyll et Hyde due aux effets biologiques et psychologiques du rayonnement radioactif (on se croirait par moments dans un DC Comics de l’Age d’or), le dévoilement de l’intrigue s’effectue avec un vrai sens du mystère. On apprécie la conjugaison des talents de Frank et Emma, cette infatigable cheville ouvrière de l’enquête s’avérant toujours une alliée aussi précieuse. Au sein d’une distribution très relevée, Le guesting de Barbara Bain en membre historique et conscience morale du Groupe Millennium représente évidemment un maître coup, d’autant que l’actrice exprime aves  éloquence les tournements de son personnage.

De manière concomitante on retrouve d’ailleurs enfin cette dimension ambivalente qui bénéficiait tant à Peter Watts, trop manichéen durant la première partie de saison.  De plus, le récit insère une intense confrontation avec Black, bien trop rares sur cette période. Le questionnement moral de Peter , ainsi que la manière insidieuse dont ce manipulateur subtil et charismatique s’assure  d’une influence grandissante sur Emma titillent agréablement le spectateur et annoncent déjà les évènements de fin de saison. Terry O’Quinn est un immense acteur. Par contre la création du Groupe par Hoover apparaît quelque peu caricaturale et téléphonée, et vient surtout se surajouter aux multiples versions existantes de l’historique de l’organisation. Ce flou persistant demeure bien une faiblesse endémique de MillenniuM. La critique, énoncée par Peter, du Groupe remplissant l’esprit de fFranck d’Anges et de Démons au lieu de lui parler franchement résonne comme une critique acide du travail accompli par le duo Morgan & Wong en deuxième saison !

  • Robert Mclachlan, responsable de la photographie, reçut deux récompenses, pour le travail réalisé sur cet épisode.

  • Lilly Unser est interprétée par Barbara Bain, actrice culte de plusieurs séries télévisées (Mission Impossible, Cosmos 1999) et longtemps épouse de Martin Landau.

  • Lanyard jeune est incarné par l’excellent Dean Winters, notamment connu pour ses participations récurrentes à Oz (Ryan O'Reilly), 30 Rock, Terminator, les Chroniques de Sarah Connor, etc.

  • J. Edgar Hoover est interprété par David Fredericks, qui joue également ce rôle dans deux épisodes des X-Files (Musings of a Cigarette Smoking Man et Travelers).

  • Les tribunes du champ de course où Frank et Peter se rencontrent ressemble fort à celui où le first Elder tenait jadis conférence, dans les X-Files.

  • L’écran de la fille d’Alexander permet de renouer avec le fameux décompte mené en saison deux.  A la fin de l’épisode, il reste 316 jours avant l’an 2000, synonyme d’Apocalypse. Mais aussi avant le fameux premier baiser entre Mulder et Scully, très populaire chez les fans des X-Files (épisode Millennium).

  • Lanyard est sous les ordres directs de Clyde Tolson. De 1930 jusqu’au décès de John Edgar Hoover, survenu en 1972 Tolson fut le bras droit de ce dernier. Il fut plus précisément chargé de l’administration interne du Bureau et de sa discipline. Tolson fut un homme de confiance très proche d’Hoover, de nombreux commentateurs évoquant une probable relation homosexuelle entre les deux hommes. Indissociable de son célèbre mentor, il apparaît dans plusieurs films et séries, dont le J. Edgar de Clint Eastwood (2011).

  • Durant toute la scène d’ouverture, quand, Lanyard se remémore les débuts de l’affaire avant de se suicider, on entend le grand succès des Mills Brothers, Till Then. Ce groupe vocal composé de quatre frère fut une importante figure du jazz, des années 30 aux 60, vendant plus de 50 millions de disques.  Till Then parut en 1944,  ce qui correspond  aux souvenirs de Lanyard, survenant en 1945. Ce standard a été repris par de très nombreux interprètes.

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15. FORCER LE DESTIN
(FORCING THE END)



Un groupe de d’extrémistes juifs est certain de l’imminence de la Fin des Temps et de l’avènement concomitant du Messie. Certains signes les persuadent que l’enfant attendu par le jeune Jeanie Bronstein sera le Sauveur et ils kidnappent la future mère, afin que les rites de naissance soient accomplis.  Afin de les retrouver, Emma accepte l’aide déterminante de Peter Watts, le Groupe ayant collaboré un temps avec les ravisseurs, avant qu’ils n’évoluent vers la violence, cherchant à provoquer l’Apocalypse plutôt que de la prévenir. Frank la met alors en garde contre le prix qu’il faut toujours payer au groupe, mais elle estime que cela en valait la peine, pour sauver l’enfant.

Malgré un rappel bienvenu eu thème millénariste de la série, l’épisode souffre particulièrement d’une partie bien trop étirée (près des deux tiers de sa durée) où l’enquête de Frank et Emma demeure essentiellement verbale et contemplative. L’action progresse à un rythme terriblement lent et les auteurs se voient d’ailleurs contraints de meubler, avec cette histoire d’infirmière quasi exogène au récit et en servant visiblement que de bouche trou. On grappille cependant ici où là quelques éléments culturels, aortiques ou ésotériques préchrétiens suscitant l’intérêt, même si restant annexes. Il en va ainsi de l’étonnant décor du repaire des terroristes, un ancien sauna transformé en temple juif fidèle  aux descriptions de l’Ancien Testament. Le poteries et diverses représentations du double Ouroboros s’avèrent également superbes. 

Forcing the End ne trouve son véritable sujet qu’avec le tonitruant twist de l’apparition de Pater Watts auprès d’Emma, venu apporte une aide précieuse et en apparence désintéressée. D’un intérêt intrinsèque modéré, malgré l’étonnante composition d’une Juliet Landau aux antipodes de Dru, l’opus gagne en importance au sein d’un arc scénaristique majeur de cette seconde demi-saison : le parcours l’Agent Emma Hollis. Toujours fidèle, dans les faits, à Frank Black, on la voit ici évoluer d’une manière capitale, élevant pratiquement l’habile Peter Watts au rang de second mentor. Son scepticisme initial devient ici un suivisme quasi religieux, déjà digne d’un membre du Groupe,  des éléments bibliques conduisant à une conclusion accélérée et inutilement spectaculaire. Emma apparaît ici comme au milieu du gué entre Black (qui n’a besoin d’aucune vérité révélé, grâce à sa propre sagesse) et Watts, un équilibre dont on pressent qu’il ne pourra qu’être temporaire.

  • Jeanie Bronstein est interprétée par Juliet Landau, fille de Martin Landau et Barbara Bain, qui avait participé à l'épisode précédent. Juliet Landau venait alors d'incarner la terrifiante et démente Drusilla, dans Buffy the Vampire Slayer. Son partenaire James Marsters (Spike) intervient également dans cette saison.

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16. JORDAN CONTRE LUCAS
(SATURN DREAMING OF MERCURY)



Le Don, encore balbutiant, de Jordan s’active quand de nouveaux voisins s’installent dans le quartier. Elle est persuadée que le petit Lucas, dans la même classe qu’elle, est menacé par son père adoptif, en réalité un démon. Les visions de Jordan la pousse à des actes violents et trouvent d’étranges concordances dans une enquête en cours de Frank. Il s’avère en définitive que c’est bien Lucas qui représente un péril : contré par Frank, il révèle être nul autre que l’entité connue sous le nom de Lucy Butler.

Après Catherine dans Anamnèse, c’est autour de Jordan d’avoir un épisode centré sur elle. Cette configuration permet à la jeune Brittany Tiplady de donner toute la mesure de son si précoce talent. Le récit et la comédienne parviennent à la rendre touchante et pétrie de grâce enfantine, alors même que son désespoir se traduit par d’étonnantes scènes de violence. Outre se dimension fantastique, assez convenue, l’intrigue permet avant tout de porter l’attention sur l’amour unissant Frank à sa fille, l’un des moteurs narratifs essentiels de la série. Frank n’est finalement qu’accessoirement montré ici en tant qu’enquêteur, mais avant tout comme un père, une originalité bienvenue. Les liens s’établissant entre Emma et Jordan s’avèrent également touchants et novateurs.

Comme souvent l’analyse de l’éveil au mal demeure un atout de MillenniuM, d’autant plus prégnant ici qu’ils ‘agit d’une enfant. Posséder le Don de son père, de plus non maitrisé, retentit comme une vraie malédiction pour Jordan, les efforts désespérés menés par la petite fille pour gérer cela se montrent vraiment poignants. Le personnage de Lucas aurait pu également apparaître intéressant, mais se voit en grande partie gâché par l’inexpressivité de son jeune interprète, en total contraste avec Brittany.  Malgré des maquillages une nouvelle fois indigents, La mise en scène réalise quelques jolis coups, comme les inquiétants et énigmatique yeux de verre superbement mis en valeur ou la manifestation finale de Lucy Butler, cette figure de la série connaissant ici des adieux réussis.

  • Quatrième et ultime apparition de Lucy Butler, vue très brièvement en fin d'épisode.

  • L'image de l'œil de verre est reprise sur le coffret américain de la saison 3.
  • Cet épisode centré sur Jordan est le préféré de Brittany Tiplady.

  • Lors de la scène voyant les ordinateurs du FBI s’affoler, une multitude d’images envahissent les écrans. On assiste à un clin d’œil à 007, dont Jordan est une grande fan, mais aussi à Simon Templar, décidément toujours célèbre.
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17. L’ŒIL DE DARWIN
(DARWIN’S EYE)



En 1992, Cassie Doyle a été internée en asile psychiatrique pour avoir décapité son père. Elle s’enfuit après avoir pareillement étêté un membre de l’institution. Un jeune adjoint du shérif, Joe, tombe amoureux d’elle, convaincu de son innocence. Il l’aide à s’enfuir et ils deviennent amants. Franck détermine que Cassie a été victime de viols de la part des deux personnes dont elle a ensuite effacé le visage. Quand il parvient à la rejoindre, il doit néanmoins constater que la folie a définitivement pris le dessus, Cassie ayant décapité Joe sans en avoir conscience. Parallèlement la maladie d’Alzheimer  se développe chez le père d’Emma.

L’irritant point faible de Darwin’s Eye réside dans l’association de Balwin à Frank, de fait de la relative mise en retrait d’Emma. Baldwin, certes interprété avec talent par Peter Outerbridge, apparaît comme l’une des plus faibles créations de cette troisième saison. Il lasse rapidement par sa crétinerie avérée et arrogante et sa lourdeur pachydermique, une irritation croissant avec sa présence  à l’écran. De plus les auteurs manquent ici l’occasion d’enfin le faire évoluer. Néanmoins ils développent un joli contrepied le dotant de réflexions cette fois couronnées de succès, notamment lors de la superbe scène de la révélation du gigantesque visage de cassie et de l’obsession narcissique de cette dernière (eh oui, elle est juste dingue). De même, développer un arrière plan conspirationniste se révélant une fausse piste totale représente une jolie audace, dans le cadre des productions Teen Thirteen.

Le thème d’une progression à coups de hasards inexplicables, sans logique préconçue aucune, évoqué dès une introduction citant Darwin, se montre original et trouve un joli écho dans le déroulement de l’enquête. Il en va de même, d’une manière autrement sombre, dans le triste destin de l’infortuné Joe et la folie sans retour de Cassie. Cet épisode en trompe-l’œil ne se contente pas d’une décapante prise à rebrousse poil de nombreux clichés mais dégage aussi une vraie émotion, autour de l’effroyable dérive de Cassie (formidable Tracy Middendorf) et de sa romance avec Joe. Il en va pareillement de la tragédie vécue conjointement par le père d’Emma et celle-ci. La terrible maladie d’Alzheimer est évoquée avec pudeur et à-propos, tandis que le profil d’Emma ne cesse de s’enrichir.

  • Durant la scène d’introduction, on entend la chanson Trimm Trabb, de Blur (album 13, sorti en mars 1999).

  • L'épisode débute un arc narratif voyant le père de l'Agent Hollis être progressivement gagné par la maladie d'Alzheimer. Cela incitera  Emma a finalement intégrer le Groupe, dans l'espoir d'obtenir un remède.

  • Cassie Doyle est interprétée par Tracy Middendorf , connue notamment pour le rôle régulier de Babette dans Boardwalk Empire.

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18. BARDO THODOL
(BARDO THODOL)



Le Dr. Steven Takahashi, traqué par Mabius, se réfugie dans un temple tibétain. Sa main est boursouflée. Emma découvre une caisse contenant des mains coupées, mais néanmoins toujours vivantes. Les empreintes digitales correspondent à celles de Takahashi. Cela la conduit à un laboratoire du groupe s’intéressant au clonage humain. Les preuves disparaissent, ce qui provoque sa colère envers Peter Watts. De son côté Frank remonte jusqu’à Takashashi, désormais mourant. Il apprend par ce dernier qu’il occupe toujours une place importante dans les plans du Groupe. Takahashi  meurt avant l’arrivée de Mabius et Frank procède au rite funéraire tibétain.

L’épisode revêt malheureusement les mêmes travers que Skull and Bones cette saison, en les magnifiant. On se retrouve avec une resucée schématique et floue d’attitudes, clichés et autres ressorts scénaristiques maintes fois utilisés, en nettement mieux, dans les X-Files. Tout n’est pas mauvais et la convergence établie entre la science et la magie, la biologie et une nouvelle alchimie aurait pu susciter un captivant scénario. Mais les auteurs s’éparpillent beaucoup trop, ne maîtrisant absolument pas leur sujet. La mise en scène se contente le plus souvent d’exploiter l’esthétique raffinée et colorée  des rituels tibétains.

Quelques jolis coups sont cependant réussis, comme la vision particulièrement glaçante de mains coupées. Ecouter disserter l’érudit Peter Watts reste toujours un plaisir, cette fois à propos de l’historique et de l’art des bols mortuaires japonais. On s’amuse également à reconnaître la plupart des acteurs asiatiques usuels des séries américaines de l’époque, d’ailleurs également souvent apparus dans les X-Files. Mais tout ceci demeure accessoire face à l’inconsistance profonde du récit, avec un ton elliptique ne servant que de cache misère.

  • On entend la très belle chanson Prayer de Huun-Huur-Tu. Il s’agit d’un groupe provenant d’une région russe proche de la Mongolie, formé en 1992. Il présente la particularité de développer un chant diphonique, basé sur le larynx.

  • Le titre de l'épisode désigne le  Livre des morts tibétain. Il vise à guider les morts durant la période les séparant de la renaissance. Bardo Thödol signifie littéralement libération par l'écoute dans les états intermédiaires.

  • Mabius parle ici parle la première fois, manifestant une parfaite maitrise du japonais.

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19. SEPT ANS DE MALHEUR
(SEVEN AND ONE)



Frank reçoit de nouveau des photographies menaçantes, prises à son domicile et truquées de manière à représenter ses peurs les plus intimes. Il revit ainsi ses moments les plus traumatisants, vécus avant et durant les évènements de la série. Cela entraine une crise psychologique provoquant son départ du FBI. En fait tout ceci est orchestré par l’agent chargé de l’enquête, un démon polymorphe possédant de grands pouvoirs. Il disparait après s’en être pris une dernière fois à Frank et Emma.

La première partie de l’épisode s’avère particulièrement réussie. A l’occasion de leur dernier scénario écrit pour la série, Carter et Spotnitz introduisent subtilement tout un album d’images évoquant les moments phares de MillenniuM, notamment en première saison (le Polaroïd Man, Bletcher, etc.). La montée de la paranoïa chez Black apparaît également fort bien rendue. Surtout, Black est demeuré, pour une part non négligeable, un mystère tout au long de la série et ses créateurs s’efforcent de nous faire comprendre ce que ressent cet homme percevant les pulsions des criminels les plus abominables et à quel point cela peut le conduire à s’effondrer.

Malheureusement les auteures veulent en faire beaucoup trop dans le cadre d’un seul épisode. Il reste pour lm moins étonnant de voir le Fbi se séparer aussi promptement de Frank Black (au nombre de succès inégalable), uniquement parce que l’organisation croit qu’il traverse une profonde dépression nerveuse. L’interprétation demeure brillante, mais le scénario accumule les concepts religieux moraux et ésotérique jusqu’à en donner le tournis et donner l’impression d’artificialité. La mise en scène donne aussi lieu à une surenchère de spectaculaire assez vaine, renonçant, hélas, au réalisme psychologique, au profit du grand guignol. D’autre part l’épisode renoue avec une des principales faiblesses de cette troisième saison, la trop grande convergence avec les X-Files. En effet que la nature de l’adversaire de Frank relève du Fantastique, et non de la Science-fiction, ne change rien au fait qu’il évoque trait pour trait le Bounty Hunter.

  • Durant la fête d’anniversaire de Jordan, on entend la chanson Everybody, des Backstreet Boys (album Backstreet's Back, 1997).

  • Jordan vient d’avoir huit ans.
  • Il s'agit du dernier épisode écrit par Chris Carter et Franck Spotnitz pour MillenniuM.

  • En numérologie 8 (sept et un) équivaut à 1999, la dernière année de paix.

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20. NOSTALGIE
(NOSTALGIA)



Emma retourne dans sa ville natale, où six jeunes femmes ont mystérieusement disparu. En étudiant la première victime, une call girl, Frank établit qu’elle est morte suite à un meurtre passionnel commis par un membre des forces de l’ordre, Jerry Nelson. Celui-ci a ensuite répliqué le schéma, souhaitant au fond de lui favoriser son arrestation par la police. Il révèle à Black où il a dissimulé les dépouilles de ses victimes. L’affaire éveille une nostalgie chez Emma, qui se remémore l’époque heureuse précédant le meurtre de sa sœur.

Entre un épisode mythologique clé mais trop ambitieux et le grand final, on apprécie vivement que MillenniuM prenne le temps d’une respiration et de nous offrir un ultime loner, de fort bonne cuvée qui plus est. On retrouve ici une solide enquête, certes très classique dans son ordonnancement, assez proche du ton de la première saison et s’appuyant sur des personnages marquants, écrits et interprétés avec talent. Si Emma demeure quelque peu périphérique dans le développement des évènements, il reste touchant d’observer les auteurs continuer à approfondir le portrait de la protagoniste et son arrière plan à la veille de la clôture de la série. On apprécie l’exploration de l’arrière cour d’une petite ville tranquille, dont  apparence sereine dissimule bien des secrets et des turpitudes. Le pied coupé fait d’ailleurs joliment écho à l’oreille du Blue Velvet de David Lynch, très proche sur ce point.

Le regard désenchante d’Emma accroît encore l’impact de cette révélation, tandis que sa complicité avec Frank se montre particulièrement communicative Il est également astucieux, pour ce dernier épisode, de s’intéresser au moment précis où nait un rueur en série,  quand ses pulsions prennent le dessus sur son humanité, sans toutefois totalement l’oblitérer. Nelson reste sans doute l’assassin rencontré jusqu’ici désirant le plus ardemment être découvert. La compassion de Frank envers le coupable apporte une précieuse sensibilité au récit, loin du manichéisme habituel aux productions américaines. La mise en scène, toute en sensibilité, souligne avec finesse cet aspect. Ce type d’épisode, intelligent et maitrisé, à défaut d’être novateurs, complète efficacement une saison et laisse des regrets quant au potentiel toujours démontré par MillenniuM.

  • April Telek (Liddy Hooper) interprétait également la strip-teaseuse dans le pilote de la série.

  • La sœur d'Emma se prénomme Melissa, tout comme celle de Dana Scully. De plus les deux héroïnes ont grandi dans un environnement militaire.

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21-22. LE CHEMIN DE CROIX / LA FIN D’UN TEMPS
(VIA DOLOROSA / GOODBYE TO ALL)



Francis Barr exécute un couple selon le modus operandi d’un célèbre serial killer, qui vient de passer sur la chaise électrique. Frank aide à le débusquer. Saisi d’une prémonition, il  fait rapidement évacuer l’appartement du suspect lors d’une perquisition par Balwin et ses hommes. En effet l’endroit est piégé et ne tarde à exploser. Parallèlement Peter révèle à Emma que le Groupe connaît le moyen de sauver son père d’Alzheimer, mais qu’un échange, elle doit inciter Frank à quitter le FBI pour rejoindre l’organisation. Baldwin est tué parle Groupe, ce qui permet de proposer Emma pour remplacer un McClaren partant à la retraite. Elle refuse le pacte, ce qui provoque l’enlèvement de son père. Peter, choqué, rejoint Frank. Il lui indique comment ses amis ont manipulé la personnalité de Barr et lui fournit des documents lui permettant de se préserver du Groupe. Le père d’Emma lui est rendu guéri et elle intègre finalement le groupe pour éviter une rechute.  Frank quitte alors le FBI, après avoir réussi à Barr hors d’état de nuire. Tandis que Peter paie de sa vie son revirement, il prend  la fuite avec Jordan.

L’enquête menée en première partie se révèle un modèle du genre, permettant d’ailleurs d’encore compléter l’historique de Frank. Les différents acteras de l’action donnent le meilleur d’eux mêmes, y compris Baldwin. Le personnage se décide à évoluer quand survient la onzième heure, lors d’un rapprochement presque émouvant avec Frank. Les auteurs ne cèdent pas à la tentation de l’emballement et prennent le temps de développer une solide intrigue policière, voire scientifique. Le récit apparaît d’ailleurs plus high tech que la grand majorité du parcours de MillenniuM. Le profil de Barr, tueur posé et doté d’une prodigieuse confiance en soi, se montre haut en couleurs. Le père d’Emma continue à se montrer bouleversant, avec une maladie oblitérant jusqu’à son amour paternel, jusqu’au souvenir de sa propre fille. Grâce à Terry O’Quinn, Petee Watts se montre enthousiasmant en tentateur digne de Méphistophélès !

Après le spectaculaire cliffhanger, le récit passe à une vitesse encore supérieure, la traditionnelle chasse au serial killer s’élargissant magistralement à la mise à jour d’un sombre et formidable complot. Le final de la série réussit là où des épisodes comme Bardo Thödol ou Skull and Bones ont échoué, avec un récit s’assimilant cette fois aux meilleures heures des X-Files. L’intrigue se montre captivante et rythmée, parfaitement explicite et accumulant les rebondissements. Chaque protagoniste trouve sa vérité avant la fin, y compris Watts choisissant seq idéaux moraux et son amitié envers Frank à l’heure ultime. Le choix d’Emma laisse un goût amer mais se montre inéluctable, compte tenu de son parcours et de l’attachement porté à son père. La voir doublement condamnée, par ce dernier mais aussi par Frank, est réellement tragique. En ultime serial killer de la série, et premier artificiellement créé, Barr tient parfaitement la route. Il se révèle un excellent moteur pour l’intrigue, surdoué et macabre au dernier degré. Le choc terminal de ses deux personnalités se montre bouleversant.

Ce chef d’œuvre qu’est Goodbye too all that rend en définitive un superbe hommage aux différentes facettes de MillenniuM, avec un Lance Henriksen toujours aussi impérial. La fuite éperdue de Frank et de Jordan revêt la forme d’une angoissante interrogation, tant le Groupe n’aura jamais paru aussi puissant et triomphant. Peter n’est plus là pour modérer et protéger, alors que l'échéance du millénaire se rapproche toujours davantage. Le mérite du médiocre Millennium des X-Files présentera au moins le mérite de nous rassurer quant au devenir de cette si attachante famille. 

  • L’Agent Emma Hollis intègre finalement  le Groupe Millennium.

  • Quand elle ouvre son ordinateur, l’écran d’accueil lui apprend qu’il reste 224 jours avant l’an 2000, terme ultime du décompte lancé en saison 2

  • Le titre original Goodbye to All That reprend celui de l'autobiographie de l'écrivain anglais Robert Graves (1895-1985), passionné par l'Antiquité et les divers mythes des cultures européennes.

  • La Fox ne révéla que lors de sa diffusion qu'il s'agissait de l'ultime épisode de MillenniuM, le 21 mai 1999.

  • MillenniuM aura en  tout comporté 67 épisodes.

  • Frank Black connaîtra une ultime aventure dans les X-Files (épisode MillenniuM). Le coffret de la saison 3 de MillenniuM a l’excellente idée de comporter cet épisode parmi ses suppléments.

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Images capturées par Estuaire44.

TREIZE ANS PLUS TARD

 saison 1 saison 3

Millennium (1996-1999)

Présentation

 


Frank Black (incarné par Lance Henriksen) fut le meilleur profiler du FBI, ses étonnantes capacités d’empathie avec les pires serial killers lui permettant de voir les crimes vus par les yeux des assassins. Ces facultés paranormales permirent à Frank de devenir une légende du Bureau, après de nombreux et retentissants succès. Mais sa proximité avec l’horreur l’ébranla progressivement, jusqu’à ce qu’une affaire encore plus insoutenable que les précédentes l’amène à quitter ce travail.  De plus, il prend peur pour sa femme Catherine et leur fille Jordan, quand des photos anonymes représentant sa famille sont envoyées à son domicile. Il quitte donc Washington pour s’installer à Seattle, espérant mener une vie tranquille. Mais des amis de la police locale ne tardent pas à l’appeler à l’aide, car la proximité du passage au prochain Millénaire semble exacerber les pulsions des différents maniaques homicides et multiplier les meurtres. Frank accepte alors de reprendre le collier, tout en recevant l’aide d’un ensemble d’experts et de vétérans du FBI ,et d’autres services de police, désormais à la retraite, connu sous l’appellation de Groupe Millennium. Son émissaire devient l’énigmatique Peter Watts. Au fil des affaires, Frank va progressivement s’interroger sur la véritable nature de l’évènement millénariste, mais aussi sur les buts ultimes poursuivis par le Groupe.

En 1996, Chris Carter lance sa seconde grande série, auréolé par le succès des X-Files, dont on aborde alors la quatrième saison. Quoique se déroulant dans le même univers, MillenniuM demeure très différente de son ainée. Quelques points communs demeurent, comme un sublime indicatif de Mark Snow ou plusieurs visages connus. The X-Files et MillenniuM conservent la même structure d’enquêtes policières mais, tandis que l’une s’en sert pour édifier un vaste panorama des divers thèmes du Fantastique et de la  Science Fiction, l’autre va davantage s’intéresser aux différentes visions du millénarisme et à l’horreur, celle résidant  dans les déviances de l’être humain et de la société.

On trouvera nettement moins d’épisodes décalés et d’humour dans MillenniuM. Sa tonalité funèbre et apocalyptique s’impose avec une rare force, dans le cadre parfait de Vancouver. Les abominations perpétrées par les divers illuminés iront d’ailleurs souvent plus loin dans l’épouvante explicite que les diverses créatures des X-Files. Si Mulder et Scully se constituent en duo, Black, malgré les fortes relations avec sa famille, demeure toujours dans son travail un fascinant solitaire introverti, lui même passablement énigmatique. Son amitié ambivalente avec Peter Watts apportera cependant un précieux contrepoint, tandis que Lance Henriksen  et Terry O’Quinn se montreront toujours souverains, au sein d’une excellente distribution.

 Le conspirationnisme des X-Files se montre gouvernemental et  contemporain, tandis que la définition de celui de MillenniuM s’avère nettement plus fluctuante. Après une première saison, particulièrement relevée,  où ce sujet apparaît encore en sourdine car dédiée à la mise en place du héros et de sa lutte contre les serials killers, Carter décide de se centrer sur les X-Files, au moment où le départ de Vancouver et Fight the Future requièrent toute son attention. Il délègue alors la direction de la série au duo Morgan & Wong, à qui les X-Files doivent plusieurs coups d’éclat.

Toutefois, ceux-ci fonctionnent en autonomie, comme cela avait le cas sur le tournage des X-Files, et vont impulser leur propre vision, plus fantastique, de la mythologie de la série. Celle-ci s’inspire dès lors de la tradition centenaire des loges mystiques du genre Rose-croix et autres Illuminati, évoqués par Umberto Eco dans son fascinant Le Pendule de Foucault, n’hésitant pas à doter le groupe d’origines remontant au haut Moyen âge européen. Le thème du Groupe revêtit également trop d’importance, phagocytant les enquêtes séparées. Revenu aux affaires, Carter va équilibrer ces deux aspects  mais aussi s’orienter vers une vision plus proche de celle développée dans les  X-Files. Il suscite d’ailleurs tardivement un duo, avec le personnage plus « sceptique » de l’Agent Emma Hollis, un déplacement de l’action à Washington et une confrontation directe entre le Groupe et Frank. D’où un manque constant de cohérence, qui va s’avérer fatal à une série dont le public finit par décrocher.

La série paie également son pessimisme foncier, sa violence et sa noirceur extrêmes, mais aussi ses profondes interrogations morales, rebutant les spectateurs habitués à plus d’allant et de happy ending. Ulcéré par l’annulation de la production, de même que par sa très décevante conclusion au sein d’un épisode des X-Files (MillenniuM, 7-04) Lance Henriksen, rejoint par Carter, tentera vainement de lui susciter un prolongement au cinéma, pour l’heure en vain.

MillenniuM n’en demeure pas moins une série de haut vol, dont l’éclat ténébreux suscite toujours la même fascination quand on la redécouvre aujourd’hui. Conjointement avec la simultanée Profiler (1996-2000, davantage orientée vers le policier que sur le paranormal) elle aura contribué, sur le modèle de Seven (1995), à lancer une vogue de nouvelles séries policières. Ses divers protagonistes bénéficieront d’un don particulier les séparant du commun des enquêteurs. Cette tendance, flirtant ou non avec le Fantastique et abordant volontiers des tueurs hors normes, perdure toujours aujourd’hui.

 saison 1 saison 3

Millennium (1996-1999)

Saison 1

 


PRÉSENTATION DE LA SAISON 1

Intéressante particularité ou défaut permanent, chacune des trois saisons de MillenniuM développera une vision différente de la série. Ce premier segment reste celui où la Mythologie, incarnée par le Groupe Milllennium et ses relations avec Frank Black, demeure le plus en retrait. Peter Watts reste encore essentiellement un collaborateur, certes à l’évident charisme. La saison semble se constituer essentiellement d’enquêtes indépendantes de Frank (au modèle relativement répétitif), mais installe déjà en arrière fond le thème transversal de MillenniuM, qui, lui, perdurera. A l’horizon du Millenium, allégorie et paroxysme des travers et abîmes de nos sociétés, le Mal connait une inexorable montée en puissance. Devant l'ascension des Ténèbres, seuls quelques individus d’exception ont le courage et la lucidité de faire front, en un combat à l’issue bien incertaine. A l’orée du nouveau millénaire c’est une Apocalypse au moins morale qui se dessine. La nature exacte de cet évènement (chute de la civilisation, périls écologiques, guerriers, bibliques, épidémiques…) sera par contre débattue au cours d’une série brassant avec succès les grandes angoisses de notre temps.

A Seattle, assisté des valeureux policiers locaux et des différents experts du Groupe, mais surtout de son expérience et de son Don, Frank Black se confronte à la manifestation la plus abominable et immédiate de ce virage périlleux dans lequel s’engouffre le monde : la multiplication des serial killers et autres illuminés homicides de toutes obédiences, que le millénarisme semble faire surgir du sol. Malgré son contact si intime avec l’horreur, Frank combat également pour conserver son intégrité morale et son humanité, sans lesquelles la lutte serait d’ores et déjà vaine. Frank n’a rien d’un optimiste croyant aux lendemains qui chantent, mais apparaît au contraire convaincu de la prégnance du mal au cœur des individus, ce qui ne l’incite pas à capituler, bien au contraire.  Il puise un réconfort vital auprès de sa famille, qu’il entend préserver autant que possible en l’installant dans cette radieuse Maison Jaune devenue l’un des emblèmes de MillenniuM.

Cette saison est celle de l’apogée de la série, à la fois concrétisation directe de la vision du seul Carter (sans interférences, contrairement à la saison 2) mais aussi moment où celui-ci dessine une voie originale, avant que le faible accueil d’un public réfrigéré par la noirceur de cet univers, alors inédite à la télévision, ne le conduise à un certain rapprochement avec le modèle conspirationniste des X-Files (saison 3). Après des épisodes très policiers, la seconde partie de la saison verra un développement plus mystique, se rapprochant du Livre de l’Apocalypse. Plus classiquement, les différentes figures de la série se voient mises en place. La mise en scène prend d’emblée l’option d’une suggestion crue et morbide des différents meurtres et tortures, rendant certains passages particulièrement éprouvants. L’éventail, étonnamment varié,  des pratiques développées par les différents tueurs relève du pur cauchemar. Les humains se révèlent bien plus abominables encore que les créatures des X-Files, ce qui paraît hélas au combien convaincant.

Au-delà des quelques excursions, encore relativement limitées, dans le Fantastique (la bataille d’Armageddon s’annonce) et des abominations montrées, c’est bien le réalisme de la relation qui frappe, tant les faits divers réels rejoignent régulièrement la fiction. Les auteurs auront toujours soin de n'utiliser la violence que comme révélation de l’horreur psychologique qui la sous-tend, bien plus effroyable encore. L’abîme réside encore davantage dans l’âme humaine que dans les actions en résultant. Les décorateurs réalisent également de sombres merveilles, concevant de nombreux lieux d’un sinistre rarement égalé. L’impact des citations, souvent bibliques, inaugurant rituellement les épisodes, de même que la musique inspirée de Snow ou l’étonnante qualité de l’interprétation parachèvent l’ensemble.

A l’issue de la saison, l’espoir en l’humanité et en son devenir vacille plus que jamais, mais perdure encore, grâce à Frank Black. Mais lui même menace à son tour de tomber dans l’ombre, quand sa famille est attaquée par le plus effroyable et machiavélique des déments criminels. Le fatidique compte à rebours vers le Millennium poursuit son cours.

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1. LA SECONDE VENUE
(PILOT)



Ancien profiler du haut vol du FBI, spécialisé dans la lutte contre les serial killers, Frank Black démissionne, ne supportant plus l’accumulation des horreurs. En effet il dispose d’un don lui permettant de percevoir l’esprit des criminels. De plus, effrayé par des photographies anonymes de sa famille, son épouse Catherine et sa fille Jordan, il quitte Washington pour s’installer à Seattle. Cependant il se décide rapidement à mettre son expertise au service de la police locale, dont le lieutenant Bletcher est un vieil ami. Celui-ci a en effet bien du mal à lutter contre un tueur en série particulièrement insaisissable, surnommé le Frenchman, ou le Poète, du fait de messages énigmatiques tirés de Nostradamus. Frank s’est également associé au groupe Millennium, regroupant des retraités et experts du FBI et de divers services fédéraux. Ils vont mettre leurs importants moyens à sa disposition, via leur envoyé, Peter Watts. Frank élucide l’affaire après bien des rebondissements, établissant que le fou a entrepris de sauver l’humanité face à l’apocalypse, annoncé, par le prochain passage au nouveau millénaire, en la nettoyant de la souillure représentée par les personnes atteintes de maladies sexuellement transmissible. Il est en effet certain que le SIDA va détruire le monde et supplicie puis exécute de diverses atroces façons les contaminés. Le forcené tente de tuer Frank, quand il est abattu par Bletcher.

Avec une force ne connaissant que bien peu d’équivalents, le pilote de MillenniuM frappe d’emblée les esprits par la fulgurance funèbre de sa mise en scène et le caractère passablement absolu de la pathologie du Frenchman. Ceci éclate dès la formidable scène d’introduction, qui nous plongea d’emblée au cœur de la démence de ce dernier, nous faisant littéralement voir par ses yeux et ressentir son déséquilibre intérieur. Le talent de David Nutter, grand spécialiste des pilotes, fait merveille dans ces images entremêlant la mort, le sang, le sexe et une vision totalement dévoyée des valeurs morales. Un véritable coup de poing.

C’est d’ailleurs à juste titre que le Frenchman occupe une place similaire auprès des amateurs de MillenniuM à celle d’Eugène Tooms pour ceux des X-Files car, porté par la prestation troublante de conviction du formidable Paul Dillon, il annonce avec une même force les adversaires à venir de Frank Black. En effet, à l’instar de bien d’autres serial killers qu’affrontera Frank, le plus abominable ne réside pas dans les tortures insoutenables et les meurtres totalement sordides qu’inflige le Frenchman, soulignés avec un réalisme sans fard par la réalisation, mais bien dans son absolue conviction qu’il accomplit de la sorte le Bien. Cet abîme là apparaît proprement vertigineux.

Mais, aussi abyssal qu’il soit, ce n’est pas le Frenchman qui capte le plus intensément le regard du spectateur. En effet ce pilote demeure avant l’occasion d’une rencontre parfaitement aboutie avec Frank Black.  L’intrigue, rondement menée et encore essentiellement policière, restitue à merveille la puissance à double tranchant de son Don, mais aussi son talent et son expérience face à ces cas définitivement à part. Mais, dans une image inversée superbement construite du tueur, ce n’est pas tant par ces capacités, certes hors normes, que Frank s’impose d’emblée, mais par son opiniâtreté à maintenir son humanité face à l’abime, tout comme celle d’autrui. La nécessité de se détacher des événements pour se préserver n’éteint jamais cette flamme. Certaines scènes apparemment mineures émeuvent ainsi par l’infinie pudeur qu’il manifeste face aux dépouilles des victimes, ou durant son interrogatoire respectueux et sensible de la strip-teaseuse.

Lence Henriksen, comédien chevronné et charismatique (et plus profond qu’un Duchovny, disons-le) campe admirablement cet homme ayant vu en face l’enfer et décidant, malgré tout, d’y retourner pour le bien commun. La composition tout en présence et en intériorité de l’acteur lui vaut de représenter l’atout ultime de MillenniuM, une évidence s’imposant dès ce pilote. Des personnages dits secondaires viennent compléter le tableau, avec notamment la solide équipe des policiers de Seattle, chez qui, fort judicieusement, les méthodes et la personnalité de Black sont loin de s’imposer d’entrée. Catherine et Jordan, incarnées avec beaucoup de naturel par Megan Gallagher (resplendissante) et Brittany Tiplady, s’imposent comme crucial soutien pour Frank (mais aussi comme source d’inquiétude). Le toujours excellent Terry O’Quinn impressionne déjà par l’intensité d’un Peter Watts posant les jalons de la coopération puis de l’amitié future avec Frank.

Vancouver s’érige instannément en écrin parfait pour l’univers de MillenniuM. Son atmosphère froide et enténébrée, bien connue des amateurs des X-Files, se voit ici sublimée par la  musique de Snow (mais aussi une bande son externe choisie avec pertinence).  Il en va de même pour  une photographie maniée avec un art consommé. Celle-cibénéficie également à la célèbre Maison jaune, qui ne se détache qu’avec plus de force de décors savamment sordides et grisâtres (couloirs, parkings, peep show etc.). Les dialogues sonnent également justes, se distinguant par une absence totale d’humour, audacieuse mais cohérente. La découverte crue des atrocités perpétrées par le tueur s’inclue dans la description des méandres de l’esprit malade du Frenchman et non pas, malgré sa force inédite, comme un spectacle voyeuriste et malsain. La description psychologique des protagonistes manifeste d’ailleurs un impact encore supérieur à ces passages, même si Nutter s’y montre redoutable d’efficacité.

Un trépidant dénouement parachève la mémorable réussite de ce pilote particulièrement riche, fusionnant ses divers éléments sans la moindre artificialité. il parvient, succès rare, à concilier une intrigue forte et captivante à une efficace mise en place de l’univers de Frank Black. En tant que série dérivée, MillenniuM devait également justifier son existence en se détachant des X-Files. Mission accomplie également sur ce point crucial : accent mis sur l’horreur résidant dans l’esprit humain et non dans des créatures surnaturelles, noirceur que les X-Files n’égaleront que ponctuellement et stature de figure centrale et solitaire revêtue par un Frank Black prenant d’emblée toute sa dimension. Black se montre également d’un âge plus avancé que Mulder et déjà installé en famille, ce qui s’avère bien entendu tout à fait distinctif. L’on ne pouvait rêver lancement plus abouti et prometteur pour MillenniuM.

    • Le titre de la série, MillenniuM, comporte deux M majuscules, en référence au chiffre romain MM, soit 2000, l'année du changement de Millénaire (même si celui-ci se déroule techniquement le premier janvier 2001, comme l'expliquera bien plus tard Dana Scully). 2000 fut d'ailleurs le premier titre envisagé pour la série.
    • Le Groupe Millennium s'inspire d'une organisation existant réellement, le Groupe de l'Académie, réunissant similairement des retraités du FBI. Son but n'a cependant rien à voir avec le mysticisme, il s'agit de louer des compétences à des entreprises.
    • La FOX fit pression pour que le rôle de Black échoie à William Hurt, mais Chris Carter resta ferme sur son choix de Lance Henriksen.
    • Chris Carter relate que la première intuition de MillenniuM lui vint durant l'écriture de l'épisode des X-Files intitulé Le Fétichiste (2-13).
    • Le générique de la saison 1 contient plusieurs termes : Wait, Worry et Who Cares?. Ceux-ci évolueront au fil des saisons.
    • Le succès des X-Files permit à Chris Carter de disposer de tout un mois pour tourner ce pilote, une largesse bien supérieure à ce qu'autorisent les diffuseurs dans ce type de situation.
    • Black précise qu'il n'y a qu'un seul tueur en série noir répertorié, ce qui est faux. Par contre on en trouve bien qu'un seul parmi ceux ayant réellement défrayé la chronique : Wayne Williams, condamné à la perpétuité en 1982. Le « Tueur d'Atlanta » étrangla 28 enfants noirs de 1979 à 1981, quoique cette vision de l’affaire soit contestée soit contestée par certains analystes. .
    • La maison jaune aperçue dans le pilote ne sera pas celle du reste de la saison, le voisinage s'étant opposé au tournage.
    • L'adresse fictive en est 1910, Ezekiel Drive, Seattle, Washington 98924.
    • La plaque minéralogique de Frank indique 424580M. Il s'agit d'un clin d'œil, car en sommant les trois premiers puis les derniers chiffres on obtient 10-13, soit le nom de la société de production de Chris Carter. « M » indique bien entendu MillenniuM.
    • Annoncé par une intense compagne de communication et précédé par le succès des X-Files, le pilote recueillit un force audience (18 millions de foyers). Malheureusement le public, rebuté par la violence de la folie perverse du Frenchman et le ton funèbre de l'épisode, fut moins présent par la suite. Le caractère inédit de cette crudité à la télévision suscita par contre de nombreuses et vives protestations de la part d'associations religieuses ou familiales.
    • France 2, qui cantonna la  diffusion de MillenniuM au cœur de la nuit, refusa de programmer cet épisode, estimant qu'il n'était pas montrable. Il s'agit quasiment de l'unique cas de censure  d'un pilote de série.
    • Le Frenchman est joué par Paul Dillon, connu pour le rôle d'Angelo, dans Le Caméléon (1996-2000).
    • Le Frenchman cite des vers d'une célèbre œuvre du poète mystique irlandais William Butler Yeats (1865-1939),  La Seconde venue (1920), à l'origine du titre français du pilote. I want to see you dance on the blood-dimmed tide. Where the ceremony of innocence is drowned. 
    • Ses diverses déclarations d’inspiration biblique sont issues du Livre des Révélations.
    • Une novélisation parut en 1998, sous le titre The Frenchman, qui est d'ailleurs devenu la désignation officieuse du pilote.
    • Dès ce pilote, MillenniuM prit place dans la case horaire impartie aux X-Files depuis les origines, le vendredi à 21h. Ce déplacement irrita de nombreux fans de cette série, qui se sentirent dépossédés. Évoquant ce sentiment, David Duchovny devait déclarer « Vous vous sentez un peu comme un enfant unique depuis longtemps, qui tout d'un coup se découvre un petit frère. Et peut-être que vous avez envie d'aller à la crèche la nuit et de lui lancer une pierre au visage ».
    • Durant l'épisode on entend Head Like a Hole, de Nine Inch Nails, More Human Than Human de White Zombie, Roads de Portishead, et In the Hands of Death de Rob Zombie et Alice Cooper.
    • La réapparition des photographies anonymes de la famille de Black annonce le final de saison.

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2. LE VISAGE DE LA BÊTE
(GEHENNA)


Peter Watts sollicite l'intervention de Black quand d'importantes quantités de cendres humaines sont découvertes dans un parc de San-Francisco. Arrivé sur les lieux, Frank perçoit que les victimes ont été jetées vivantes dans un gigantesque four crématoire. Les analyses scientifiques d'un autre membre du Groupe, Jim Penseyres, permet d'identifier une victime. Les parents de ce jeune tchétchène naturalisé expliquent à Frank et Peter que leur fils avait récemment trouvé un travail promettant de fortes rémunérations et qu'il était très lié à ses nouveaux collègues. Puis il a totalement rompu avec sa famille. Frank finit par découvrir que l'entreprise, sous une couverture de télémarketing, est en fait une secte apocalyptique (Gehenna). Son chef, Ricardo Clement, en fait brûler vifs les membres les moins performants. La secte préparait un attentat majeur, mais est désarticulée par Frank. Il également sauve in extremis un enquêteur du Groupe du four industriel utilisé par l'organisation, même si celui-ci est grièvement brûlé. Black estime que le leader était peut être sous l'influence d'une entité supérieure, Parallèlement, le Groupe échoue à identifier l'auteur des photographies anonymes de la famille de Frank.

Quoique déplaçant, partiellement, l’action de Seattle à San Francisco, Le Visage de la Bête s’insère fort harmonieusement après un pilote dont il développe agréablement les différents apports. Nous en apprenons ainsi davantage quant au passé de Frank, ses traumatismes, l’affaire des photographies ou encore sa rencontre avec le groupe Millennium et les méthodes de ce dernier. On découvre également l’un des endroits clés de la série, le bureau au sous-sol, connecté à l’Internet, où, bien à l’écart de sa famille, Frank élucide les plus sombres énigmes. Un élargissement fort bienvenu, se complétant par une mise en avant des piliers de la série que seront Catherine et Peter. A sa manière Catherine se montre toujours aussi forte et radieuse face à l’épreuve et sa relation avec Frank, pour établie qu’elle soit, s’avère particulièrement sensible et émouvante.

Dans cet épisode particulièrement riche en émotions diverses, une belle amitié s’instaure entre elle et Bletcher. Peter se définit déjà en irremplaçable auxiliaire et interlocuteur de Frank, mais le génie du grand Terry O’Quinn permet de lui conférer une stature et densité bien supérieure à la somme de ses actes, nous laissant déjà entrevoir le mystère que constitue sa véritable nature. Du grand art.

 L’épisode permet également de moduler de manière assez ludique le positionnement de MillenniuM vis-à-vis des X-Files, en affirmant sa différence globale tout en rejoignant le rituel du meurtre d’avant générique (ce n’était pas le cas lors du pilote), une fort percutante séquence, ainsi que celui de la citation suivant le générique. Mais au lieu d’une phrase (quasi) immuable comme l’emblématique La Vérité est ailleurs, MillenniuM va au contraire jouer la carte de la diversité, avec à chaque fois une nouvelle énigmatique citation. Et puis l’on en peut s’empêcher de penser qu’après les  fameuses théories, toujours erronées, de Scully autour des fameuses sectes sataniques, inaugurer MillenniuM par...  Et bien une secte satanique archétypale, c’est simplement royal.

Si l’atmosphère de l’affaire eu jour se révèle légèrement moins sombre (tout est relatif) et la psychologie  de l’adversaire du jour, du sadisme à l’état pur, moins torturée et complexe que celle du Frenchman, l’enquête de Frank captive néanmoins par l’absolue véracité qui s’en dégage. Les amateurs de séries policières classiques pourront trouver leur compte dans ce premier segment de MillenniuM, car les recherches s’y déroulent de manière réaliste et structurée, c’est ici particulièrement évident.

Le recours aux technologies enrichir le récit, sans en devenir l’alpha et l’oméga, comme on a pu depuis le constater sur nos écrans. Le parfait alliage réalisé entre ce versant de l’affaire et les élucidations mystiques développe une atmosphère originale mas tout à fait pertinente. L’épisode contribue également à affiner la définition du Don de Frank, ainsi que le tempo de son insertion au sein de recherches qu’il doit stimuler, mais non par trop faciliter. La série achève ici de trouver la parfaite formule sur ce point.

L’impact de la conviction du récit se remarque également dans sa critique du phénomène sectaire, aussi implacable qu’argumentée. Les différents ressorts, hélas souvent retrouvés dans les témoignages réels des rescapés, de la dépersonnalisation des individus fragiles s’y trouvent décrits avec finesse, mais aussi une force évitant le piège du déclamatoire. Les dialogues se montrent à cet égard tout à fait remarquables, notamment durant l’interrogatoire du membre de Géhenna.

Le Visage de la Bête manifeste d’autant plus de pertinence qu’il évoque directement l’actualité lors de sa diffusion initiale, l’effroyable attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo se déroulant l’année précédente. Le parallèle entre la secte japonaise et Géhenna s’élabore d’ailleurs avec une effrayante clarté. La réalisation de David Nutter, toujours efficace et étonnamment élaborée pour une série télévisée, bénéficie visiblement d’amples moyens. Elle nous vaut notamment une scène magistrale,  à la fois absurde et grinçante sur ces démarcheurs téléphoniques (pour shampoings !), eux même soumis à un lavage de cerveau permanent. On se croirait dans une allée particulièrement enténébrée du Village.

Ce thème des technologies modernes de communication permettant une plus grande présence du mal s’avère très présent chez Chris Carter. Ce dernier l’illustre notamment dans divers opus souvent particulièrement réussis des X-Files, comme Folie à deux ou Mauvais Sang. Toutefois, dans le présent épisode, l’auteur s’attache plus généralement à l’une de ces problématiques centrales, la nature de l’origine du Mal. A travers notamment des discussions entre Frank et Catherine, irriguées de citations des Saintes Ecritures (une spécificité américaine menée ici de main de maître), Carter oppose une source endogène à l’humanité à une autre exogène, provenant d’une source indicible. S’il laisse au spectateur le soin de se forger sa propre opinion, l’auteur martèle néanmoins que le Mal, quelque soit son origine, ne saurait être vaincu décisivement.  Bien au contraire il ne cesse de gagner de terrain en cette fin de millénaire où l’Humanité ne cesse de toujours davantage avilir le meilleur d’elle-même et de céder à ses plus sombres pulsions. Une conclusion glaçante, mais imposant définitivement MillenniuM comme une série résolument adulte.

      • Une novélisation de l'épisode parut fin 1997, sous le titre original de Gehenna.
      • La secte Géhenna inculque plusieurs messages à ses télé démarcheurs : Create Desire, Everybody Wants Beautiful Hair, Facilitate Envy, Work Will Set You Free. Cette dernière phrase est une reprise de celle affichée à l'entrée des camps de concentration nazis.
      • « Ricardo Clement » était en fait le nom de code utilisé par le dirigent nazi Adolph Eichmann, durant la guerre. Il joua un rôle clef dans l'organisation de l'holocauste en Europe de l'Est. Après une longue traque il fut pendu en 1962, après avoir été capturé en Argentine par le Mossad.
      • L'épisode inaugure le rituel de l'affichage de citations, volontiers mystérieuses, en ouverture de l'action. Il s'agit ici de I smell blood and an era of prominent madmen (je sens l'odeur du sang et l'ère des hommes mauvais arriver à grands pas), un extrait du poème Blessed event, de W. H. Auden (1939). Auden (1907-1973), considéré comme l'un des poètes anglais majeurs du XXe siècle, fait ici référence au Nazisme.
      • Historiquement le terme Géhenne désigne une vallée étroite situé près de l'antique Jérusalem (Guei Hinnom, en Hébreu), où étaient envoyés les lépreux et les pestiférés. L'endroit avait très mauvaise réputation et était associé à des sectes démoniaques se livrant à des infanticides par le feu. Dans le Nouveau Testament, au sens imagé, la Géhenne est devenue synonyme es pires tourments de l'Enfer.
    • Sept corps d'adulte correspondent à 19,7 kilos de cendres, après crémation.
    • Peter indique que Jim Penseyres a travaillé au VICAP après le départ de Frank. Le Violent Criminal Apprehension Program  est le service du FBI chargé de coordonner l'action des différentes forces de l'ordre, visant à identifier et capturer les criminels les plus violents. Contrairement aux Affaires Non Classées, le VICAP existe réellement.
    • Plusieurs prophéties apocalyptiques se sont pareillement basées au cours de l'histoire sur des calculs autour des dimensions de la Grande Pyramide de Guizeh. Les particularités architecturales de celle-ci  sont  supposées correspondre à des chiffres mystiques. The Great Pyramid, Its Divine Message (1925) situe ainsi la fin du monde en 1953, tandis que Our Inheritance in the Great Pyramid (1874) indique 1960. En même temps certains estiment que les Pyramides servent de lieux d'atterrissage pour des vaisseaux extra-terrestres.
    • Au cours de l'épisode on entend trois chansons de Cypress Hill : Hits from the Bong, Insane in the Brain et I wanna get High.
    • Bob Wilde, l'interprète de Ricardo Clement,  reviendra en saison 3 pour incarner le silencieux et mystérieux Mr Mabius.
    • Lors de sa première diffusion aux États-Unis, l'audience de l'épisode n'égala que la moitié de celle du pilote.

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3. L'EMPREINTE DE LA MORT
(DEAD LETTERS)


Un corps féminin démembré est découvert à Portland. Malgré l'absence de preuves physiques, Frank pressent que le tueur a voulu laisser un message et qu'il va frapper à nouveau. Il fait équipe avec  Jim Horn, un détective prometteur que le Groupe envisage d'intégrer dans ses réseaux. La collaboration s'effectue difficilement, Jim s'avérant doué, mais perturbé par un douloureux divorce. Des nouveaux débris humains sont découverts, cette fois accompagné de messages énigmatiques. Frank détermine que le Tueur se sent rejeté par la société, jusqu'à ressentir une négation de son existence et que les assassinats représentent pour lui une tentative désespérée d'attirer l'attention. Alors que Jim commence à craquer sous la pression suscitée par de nouveaux meurtres, Frank remarque une arrogance nouvelle et euphorique chez le serial killer. Il décide de le pousser à la faute en le décrivant publiquement comme un dégénéré. Un piège est tendu mais échoue du fait de Jim, qui agresse un innocent et sombre dans la paranoïa, voyant partout le Tueur et le van où celui-ci débite ses victimes. Frank tend une nouvelle souricière, cette fois concluante. Mais Jim manque de battre à mort le fou et de détruire les preuves matérielles. Le Groupe le rejette, malgré la compréhension de Frank.

La scène d’introduction s’affranchit du sempiternel meurtre pour nous plonger au cœur d’un cauchemar de Jordan. Ces images se révèlent se révèlent d’autant plus terrifiantes qu’elles proviennent d’une charmante petite fille et que l’horreur se répand aussi progressivement qu’inexorablement, jusqu’à devenir insupportable pour la rêveuse. L’esthétique onirique (cauchemardesque) se montre des plus réussies, jusqu’à manifester un certain rapprochement avec les fulgurances de Lynch. Un sentiment que l’on retrouvera avec ses apparitions cliniques du Tueur sur son sinistre atelier, ponctuant soudainement l’action. La mise en scène de Thomas J. Wright s’impose d’ailleurs d’emblée comme parfaitement maîtrisée.

Mais l’atout majeur de Dead Letters réside néanmoins dans la finesse et l’ambition caractérisant le talent du duo Morgan/Wong lors de l’écriture psychologique de leurs personnages. Par une cruelle ironie, le Tueur, si désespérément désireux de laisser une trace de sone existence, se voit dénié le simple droit à un nom et demeure désigné par cette anonyme appellation. S’il demeure silencieux, l’intrigue permet à son subtil interprète de pouvoir exprimer sa dimension tragique, non dissimulée par le caractère absolument abominable de ses tueries. La continue coexistence de ces deux dimensions rend son portrait absolument troublant. L’effroyable atelier d’équarrissage que contient son véhicule apporte une nouvelle épreuve de l’art consommé de l’équipe artistique de MillenniuM, toujours si féconde en matière de réalisme sordide. Le duo d’auteurs ne se limite pas à ce portrait bien croqué mais l’érige en parabole du caractère aliénant que revêt notre société basée sur le paraître.

Ce mouvement trouve un écho fort bien trouvé chez Jim Horn. Lui aussi, mis à mal dans sa vie personnelle, nié dans son rôle de père, va toujours plus éperdument chercher une échappatoire dans son action et la reconnaissance d’autrui. Que ses tentatives d’élucidations de la psychologie du dément, pour aussi brillantes qu’elles paraissent au premier abord, soient toujours balayées du revers de la main par les fulgurances et l’intelligence supérieure de Black accentue encore son désarroi, dans une mécanique réellement  implacable. Les tensions en résultant finissent par le rapprocher de son adversaire, dans un parallélisme aussi effrayant que magistral. Leur confrontation finale résonne davantage par la violence sauvage du combat que par le choc des deux désespoirs qu’il véhicule. James Morrison se montre impressionnant d’expressivité et restitue parfaitement le progressif délabrement moral de Jim, son face à face avec Lance Henriksen demeure mémorable.

Sans tout à fait le reléguer à la périphérie, cette traque destructrice minore quelque peu la part prise habituellement par Frank Black dans le récit. On peut y déceler à bon droit une nouvelle expression de la tendance de Morgan/Wong à travailler en autonomie dans le développement de leurs conceptions (on en reparlera ultérieurement). De fait l’action se centre clairement davantage sur les personnages du jour, plutôt que sur le héros et moteur principal de la série, ce qui pourrait devenir frustrant. Cet aspect se voit néanmoins minoré par la qualité du discours général de l’épisode, d’autant que le fait que Frank s’intéresse en définitive davantage à la résolution de l’affaire qu’aux tourments de Jim sonne juste.

Même s’il a tenté de l’aider par son expérience personnelle, il ressort d ‘ailleurs clairement que Frank ne se fendra pas d’un appel à Peter Wattspour tenter de sauver la situation de Jim, d’ailleurs dans l’intérêt même de ce dernier. L’absence de Peter, résultant également du choix des auteurs, se note également, quel dommage que de se priver de Terry O’Quinn. Le seul vrai regret de cet opus reste la caractère caricatural de la manifestation d la névrose de Jim, voyant le Tueur et son van partout, cette outrance jure avec la subtilité du reste de l’intrigue.

    • L'épisode est le premier écrit pour la série par Glen Morgan et James Wong. Partenaire au long cours de Chris Carter sur les X-Files, le duo va écrire 17 épisodes de MillenniuM. La majeure partie s'insère dans la saison 2, dont Morgan et Wong vont devenir producteurs exécutifs alors que Chris Carter sera accaparé par les X-Files.
    • Dead Letters constitue également la première réalisation de Thomas J. Wright. Celui-ci va réaliser 26 épisodes de MillenniuM (sur un total de 67), le plus souvent en collaboration avec Morgan/Wong. Il réalisera également l'épisode MillenniuM des X-Files.
    • Peter Watts est absent de l'épisode.
    • La citation du jour est For the thing I greatly feared has come upon me And what I dreaded has happened to me, I am not at ease, nor am I quiet; I have no rest, for trouble comes. (Ce que je crains, c’est ce qui m’arrive. Ce que je redoute, c’est ce qui m’atteint. Je n’ai ni tranquillité, ni paix, ni repos et le trouble s’est emparé de moi.). Elle est issue du Livre de Job (3, 25-26).
    • La scène où le Tueur demande à une femme de l'aider alors qu'il semble embarrassé par un imposant paquet est un clin d'œil à un passage similaire du Silence des Agneaux, le roman de Peter Ellis.
    • Penseyres déclare Others think we should wait... Applying the Holmes criteria defining serial killers involving three victims with a time period between murders of at least 30 days.  Il ne fait pas référence à Sherlock Holmes mais à Ronald M. Holmes, un profiler réel dont les travaux connurent un grand retentissement.
    • Le fils de Jim Horn est désigné par le pseudonyme TC, un clin d'oeil  à TC Mc Queen, le personnage également interprété par James Morrison dans Space 2063 (1995-1996), la série de Morgan/Yong.
    • James Morrison, connu notamment pour le rôle de Bill Buchanan dans 24h Chrono, est un acteur fétiche de Morgan/Wong, apparaissant dans nombre de leurs productions. Ils ont d'ailleurs écrit spécifiquement le rôle de Jim Horn pour lui.
    • Pour la première fois Frank est mis en alerte par le Groupe avec le simple message « 2000 ».
    • Le van du Tueur apportera un frisson supplémentaire aux amateurs des productions 10-13 car, hormis pour la couleur, il s’agit du même modèle (Volkswagen panel 1973) que celui du vaisseau amiral des Bandits Solitaires, vu dans Au cœur du Complot, mais aussi, brièvement, dans Triangle. Comme quoi tout est question d’ambiance dans la vie !
    • Aux USA, le terme Dead Letters recouvre les courriers ne pouvant être délivrés du fait de problèmes d'adresses et ne pouvant non plus être renvoyés à leurs expéditeurs. Ils sont alors collectés par des bureaux spéciaux (Dead Letters Office), comme celui vu dans l'épisode. A leur image, le Tueur se sent pareillement rejeté par la société. Les Dead Letters Offices ont été crées en 1825 par la poste américaine et reçoivent désormais des dizaines de millions de courriers par an. Les lettres sont détruites et les objets de valeur vendus aux enchères, une fois tous les recours épuisés. Le côté énigmatique de ces lettres a inspiré différents auteurs, dont la figure centrale du mouvement Splatterpunk, Clive Barker (The GreatandSecret Show, 1989).

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4. LE JUGE
(THE JUDGE)


 

A Seattle, une femme reçoit un colis contenant une langue humaine. Ces envois de morceaux de corps humains se déroulent depuis quatre ans, sans la police puisse en élucider l’origine. Elle fait alors appel à Frank. Celui-ci, aidé par divers spécialistes du Groupe,  détermine qu’un individu manipule des esprits simples et violents récemment sortis de prison, afin de rendre une version particulièrement dévoyée de la justice. Le Juge identifie ce qu’il estime être des délits et envoie ses tueurs prélever sur les « coupables » les et membre  correspondant à une monstrueuse Loi du Talion, qu’il transmet ensuite aux « victimes ». Identifié par Frank et Bletcher, le Juge parvient à s’en sortir grâce à sa vive intelligence et à sa connaissance du système judiciaire. Cependant son dernier disciple lui applique sa propre loi et l’exécute, avant de jeter sa dépoile aux porcs.

Le scénario de Le Juge se révèle une redoutable mécanique de mort, à l’image de l’antagoniste du jour. Sans apparaître fulgurant d’originalité les étapes successives de l’enquête se succèdent avec pertinence : choc initial de la découverte macabre, réunion des pièces du puzzle par Black en parallèle avec la découverte progressive du modus operandi du Juge, confrontation finale… L’intrigue purement policière dose savamment ses effets car, si tout converge évidemment vers la confrontation entre le Juge et Franck, elle se montre suffisamment robuste pour parer à toute impression d’artificialité.

 Le face à face tant attendu tient toutes ses promesses la morgue suffisante et plastronnant du Juge s’opposant à merveille avec la retenue  de Frank. Lui succédant très rapidement, la conclusion  s’avère une merveille d’humour noir (morbide) quand le Juge se voit pris à son propre piège et exécuté par son disciple. La palabre survenant entre ce dernier et Frank, d’autant plus percutante qu’elle est ressort cette fois totalement inattendue, baigne dans une atmosphère de folie froide absolument étonnante. L’on rapprochera simplement à ce sublime scénario une opposition trop systématisée des policiers devant les théories de Frank et un certain flou quant à l’origine des informations dont dispose le Juge à propos du Groupe.

Le Juge demeure également une fort belle étude de caractère, en premier lieu au tour du rôle titre. Haleur, mégalomane, d’une épouvantable hypocrisie, amis aussi d’une intelligence supérieure, le Juge constitue un adversaire de choix pour Frank. Mais à son côté dominateur et monolithique on préférera encore les fêlures si profondes de son disciple, et sa désespérée quête de sens à donner à sa vie. Le personnage se montre véritablement abyssal et le contraste entre son apparence un peu minable et la violence qu’il recèle fonctionne pleinement, d’ailleurs c’est tout à fait logiquement que le Juge, habituellement si pénétrant, s’y laisse pendre !

Le récit permet également à Franck de briller de nouveau par son humanité et son professionnalisme, tandis que sa relation avec son épouse s’installe décidément au cœur de la série. Pour la première fois, Catherine apporte d’ailleurs sa contribution à l’enquête, une excellente initiative. Bletcher impose également  sa solidité, mais se voit voler la vedette par l’entrée en scène réussie de Cheryl Andrews, à qui CCH Pounder, qui lui confère immédiatement une indéniable présence. Ces autopsies très particulières ne sont pas sans évoquer celles de Dana Scully, mais le caractère entièrement humain de l’affaire en rehausse encore l’horreur.

La réalisation, totalement funèbre, emporte l’adhésion. La photographie se montre remarquable et la caméra accompagne à la perfection le jeu des comédiens. Certains lieux, comme le bar ou l’auge des porcs sont filmés avec un sens consommé de l’abominable. Mais ce sont les artistes de la série qui s’avèrent le plus performants. La reconstitution des divers membres découpés, à divers stades de putréfaction, achève de dessiner le cauchemar. Quelques excellentes idées de mise en scène parsèment agréablement l’ensemble, comme le masque du Juge soulignant l’aspect grotesque de l’individu, le thème transversal du porc (nourriture, citation biblique, animaux voraces…), ainsi que des visions de Frank particulièrement suggestives.

    • L'épisode représente la seule occasion où un démon est nommé : « Légion ». Il s'agit d'une référence faite par le Juge  aux Saintes Écritures (Marc 5:9 et Luc 8:30), où jésus se livre à un exorcisme. Mon nom est Légion, car nous sommes nombreux., déclare alors le possédé. Les fans prendront l'habitude de toujours  rattacher les différents démons apparaissant dans la série à Légion, ce qui n'est pas tout à fait explicite.
    • Le Juge commet une grossière erreur car Jésus n'expulsa pas les démons d'un troupeau de porc mais contraire les y précipita après les avoir chassé hors d'un homme.
    • L'excellente CCH Pounder (Urgences, The Shield, Warehouse 13...) incarne une nouvelle figure du Groupe, la médecin légiste Cheryl Andrews. Quoique n'apparaissant que dans cinq épisodes, elle demeure très populaire chez les amateurs de la série.
    • Inversement, Jim Penseyres réalise ici sa dernière apparition.
    • Le Juge est interprété par Marshall Bell, qui fut notamment le Commandant Henderson dans l'épisode Fallen Angel des X-Files (1-09).
    • Durant l'épisode on entend Short End of the Stick et Ten Foot Pole, de Donnie Fritz, et Danger, de Steve Goodman.
    • La citation du jour est The visible world seems formed in love, the invisible spheres were formed in fright (le monde visible fut créé dans l’amour, les sphères invisibles, dans la terreur). La phrase est tirée du Moby Dick d'Herman Melville (1851).
    • Bardale déclare  You know what Gary Gilmore said right before they shot him? « Let's do it ». Gary Gilmore fut condamné  mort en 1977 dans l'Utah. Il opta pour le peloton d’exécution (une possibilité offerte par la législation de l'Etat) et prononça ces paroles avant l'exécution. Il reste remémoré car sa mort mit fin à une parenthèse de la peine de mort aux USA, longue de dix ans. Après une période d'affrontements juridiques, le Cour Suprême vient alors de déclarer à nouveau constitutionnelle la peine capitale,  en 1976.

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5. LE COMPLEXE DE DIEU
(522666)


A Washington, Raymond Dees commet des attentats à l’explosif particulièrement meurtriers. Atteint par le Complexe de Dieu il voit les explosions qu’ils suscitent comme de véritables créations artistiques bouleversant le Destin. Avide de gloire médiatique ; il intervient ensuite en sauveteur sur le lieu du drame, tâchant de capter le regard des caméras. Il envisage ses futures explosions avec tant de précision que ses visions rejoignent celles, postérieures, de Black. Une traque acharnée débute entre ce surdoué, féru d’électronique, et Frank, assisté des puissants moyens du FBI et du Groupe. Les deux hommes s’affrontent également lors de conversations téléphoniques tournant vite au duel. Dees est finalement identifié par Frank, mais il force les policiers à l’abattre pour éviter une explosion supposée tuer celui-ci. Il part ainsi en pleine gloire, comme il l’avait planifié depuis le début, constate amèrement Frank.

522666 captive de bout en bout le spectateur par l’implacable duel de haut vol opposant Frank au particulièrement redoutable Dees. L’intensité du combat ressort avec force  à travers les nombreux rebondissements dont le flux ne diminue jamais, ainsi que par la partie mortelle voyant deux esprits supérieurs s’affronter sur l’échiquier de la capitale fédérale. L’intrique se montre suffisamment variée dans ses effets pour maintenir l’attention. De plus elle incorpore à merveille une forte dimension technologique, sans pour autant noyer la dimension psychologique de l’affrontement. Les seconds rôles soutiennent à merveille le combat de Frank et se montrent remarquablement intenses, la qualité de l’écriture de l’épisode se dénote aussi à l’absence de toute scène inutile. Megan Gallagher et Terry O’Quinn brillent comme à l’accoutumée mais c’est le toujours formidable Sam Anderson qui accapare l’attention par un charisme n’étant pas sans invoquer l’inoubliable Holland Manners d’Angel. L’immédiateté avec laquelle le haut gradé du FBI laisse le commandement effectif de l’opération à Frank assoit encore le prestige et l’aura de note héros.

La mise en scène de David Nutter se montre remarquablement alerte et mobile, accompagnant efficacement le récit si nerveux de Morgan & Wong. Elle tire également le meilleur parti de l’environnement nocturne et urbain. Les images dantesques des explosions s’imposent à l’esprit avec une force d’autant plus accrue sur ce décor de béton froid et de société si ordonnancée. On n’échappe pas au poncif de la communication téléphonique coupé trop tôt pour permettre une localisation, mais la stratégie développée par Frank pour river le déséquilibrer à l’appareil se montre réellement brillante L’atmosphère  si anxiogène de cette course effrénée pour éviter la prochaine catastrophe, les capacités d’improvisation et de lucidité de Frank, ce déferlement technologique et de puissance fédérale font irrésistiblement penser à un 24h Chrono avant l’heure, tout en respectant la tonalité MillenniuM et la primauté accordée à la psychologie du déséquilibré.

Dees fascine par sa folie à la fois structurée et chaotique. La progressive découverte du puzzle complexe que forme sa psychologie tourmentée s’effectue parallèlement aux péripéties de l’affrontement, accroissant ainsi l’impact de ce voyage au bout de la nuit, dépourvu de tiout paranormal. L’excellente idée de ces visions se substituant à celles de Frank, ici absentes pour la première fois, renforce également cette convergence si particulière et troublante entre le héros de MillenniuM et ses antagonistes. On pourra reprocher à l’acteur Joe Chrest d’apparaître quelque peu fade et effacé. En effet on se situe ici loin du flamboiement d’un Incendiaire ou d’un Pousseur, dans des circonstances similaires. Mais cet aspect s’inscrit fort judicieusement dans la nature même de MilleniuM. Le adversaires n’y sont fondamentalement pas de pittoresques Diabolical Masterminds, mais des esprits en souffrance, souvent introvertis.

Cet épisode captivant pointe également le rôle ambivalent des médias dans nos société, comme facteur prépondérant de l'accomplissement social. Sa responsabilité s’entremêle à celle de Dees, comme annoncé par la citation de Sartre. Sa qualité d’écriture et de mise en scène  situe 522666 parmi les grands succès de cette première saison.

    • Le numéro du téléphone portable de Frank est 202-555-1367.
    • Cet épisode situé dans la capitale fédérale comporte un nombre imposant d'acronymes : A.T.F. (Bureau of Alcohol, Tobacco, & Firearms),  N.S.T.L. (National Security Threat List), N.C.I.C. (National Crime Information Center), C.P.I.C. (Canadian Police Information Computer), INTERPOL (International Police Organization), RDX (Rapid Detonating Explosive)...
    • Un homme se faisant passer pour l'auteur des explosions se réclame de l'A.N.O. Il s'agit de l'Organisation Abou Nidal (ou Fatah - Conseil Révolutionnaire), une mouvance palestinienne radicale, fondée en 1974. Elle est classée comme terroriste par les états occidentaux, étant responsable de nombreux attentats très meurtriers.
    • Avec les lettres inscrites sur un téléphone  522666 correspond à Kaboom, l'onomatopée américaine représentant le bruit d'une explosion.
    • Durant l'épisode on entend la chanson I must not think bad thoughts., de X.
    • C'est Jean-Paul Sartre qui a l'honneur de la citation du jour : I am responsible for everything... Eexcept my very responsibility. (Je suis responsable de tout… Sauf de ma responsabilité même.) Elle est tirée de L’Etre et le Néant (1943), sa version complète étant : Je suis responsable de tout, sauf de ma responsabilité même, car je ne suis pas le fondement de mon être. Tout se passe donc comme si j’étais contraint d’être responsable. Dans cet ouvrage Sartre définit les concepts philosophiques fondamentaux de l’existentialisme, autour des thèmes du libre choix et de la responsabilité.
    • Pierson déclare Frank, after Centennial Park, there is no way that I could bring this guy in without more evidence. Il fait référence à l'attentat survenu en 1996, à Atlanta, durant les Jeux Olympiques. Une personne fut tuée et plus de cent blessées dans l'explosion survenant durant un concert donné dans le parc. Il était l'oeuvre d'un serial killer, Eric Robert Rudolph. Celui-ci fut un temps remarqué par la police, puis libéré faute d'éléments matériels. Par ila suite, il se livra à d'autres actions violentes, lancé dans une croisade anti avortement et homosexualité. Identifié par le FBI, il fut arrêté en 2003 puis condamné à vie.
    • Le critique de la frénésie médiatique à laquelle se livre l'épisode se base également sur l'attentat du Centennial Park. Richard Jewel, l'un des gardiens du parc, fut un temps soupçonné, avant d'être disculpé par la justice. Mais il faut l'objet d'un déchaînement médiatique hostile, à l'échelle nationale. Le Procureur et le Gouverneur de Géorgie durent intervenir publiquement pour y mettre fin, louant au contraire son attitude courageuse durant le drame. Par la suite Jewel remporta de retentissants procès contre de grands médias, dont NBC.
    • En début d'épisode, alors que Frank regarde la télévision on peut entendre l'annonce suivante : Critics call it the best new show of the season, Sundays after foot. Il s'agit d'un clin d'oeil ironique de Morgan & Wong à leur série Space : Above and Beyond, critiquant au passage le désastreux horaire dans lequel l'a relégué la FOX.

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6. DÉSILLUSION
(KINGDOM COME)


Gallen Calloway, chrétien convaincu, a perdu sa femme et sa fille dans un terrible incendie. Rendu fou par la colère et la souffrance, il entreprend de détruire la foi en tuant un à un les différents hommes d’église qu’il a connu, en reproduisant les supplices de l’Inquisition médiévale.  Alors que Jordan est elle aussi confrontée à la mort via le décès brutal d’un oiseau, Frank parvient progressivement à identifier le tueur. Celui-ci tente de perpétrer un massacre durant un baptême mais Frank se confronte à lui et lui montre qu’il n’a jusqu’ici tenté que de détruire sa propre foi, en vain. Effondré, Calloway tente de se suicider pour s’offrir en sacrifice à Dieu, mais en est empêché par les forces d’intervention.

Cette saison très relevée marque ici une pause, à l’occasion d’un épisode quelque peu en deçà.  A l’occasion de son premier scénario écrit pour la série, le coproducteur Jorge Zamacona commet une erreur fort préjudiciable en dosant mal les effets de son intrigue. En effet, très rapidement, et plus grave encore, bien avant Frank Black lui–même, le spectateur comprend l’essentiel des motivations du serial killer du jour, ainsi que son modus operandi. Il ne reste plus alors qu’à suivre passivement une enquête tout à fait classique et dépourvue de tout rebondissement, jusqu’à une confrontation finale effectivement réussie. Frank n’est pas ici notre guide au cours d’une progressive découverte d’une abyssale folie, l’absence de ce moteur essentiel à MillenniuM prive Kingdom Come d’une réelle saveur.

Ce ressenti s’accentue encore du fait d’une mise en scène passablement édulcorée, du moins  selon les critères coutumiers de la série. Hormis le premier meurtre, tout à fait effrayant, les autres ne sont tout simplement pas montrés, l’action se limitant à leurs préambules. les visions de Frank ne viennent que partiellement suppléer à cette autocensure rendant l’immersion plus relative qu’à l’accoutumée. Par ailleurs, si les seconds rôles, notamment les figures traditionnelles du policier local et du membre du Groupe, sont interprétés par des comédiens chevronnés et talentueux, Lindsay Crouse et Tom McBeath, leur écriture demeure banale, manquant de saillant à l’image de l’ensemble de l’épisode.

En fait il ressort de façon trop marquée et mécanique que l’épopée sanglante de Calloway n’est que prétexte à des dissertations de Frank, d’ailleurs souvent non dénuées d’intérêt, autour de la foi comme irremplaçable appui face à l’horreur du monde et à la perspective de la mort. Les répliques sonnent souvent justes, notamment grâce à un Lance Henriksen de nouveau grandiose mais les autres personnages lui servent trop visiblement de simples confidents. L’épisode développe néanmoins un distinguo subtil entre la foi en Dieu et celle en l’Humanité, tandis que la mésaventure de Jordan s’intègre avec fluidité au discours général sur les diverses origines que peut revêtir le Mal, une thématique chère à Carter. MillenniuM prouve ici que même l'un de ses épisodes quelque peu mineur suscite l’intérêt par un discours absolument adulte.

    • Evoquant le rituel suivi par le tueur, Frank évoque le Sermo Generalis. Il s’agit de la cérémonie durant laquelle l’Inquisition, jadis, révélait les conclusions de son enquête et le châtiment des hérétiques. 
    • Ardis Cohen, membre du Groupe, est interprétée par Lindsay Crouse, connue notamment pour son rôle du Dr. Maggie Walsh, la dirigeante de l’Initiative durant la saison 4 de Buffy contre les Vampires.
    • Tom McBeath, interprète du collaborateur policier du jour, a également joué un antagoniste récurrent d’une célébrée série, Stargate SG-1, en la personne du Colonel Harry Maybourne.
    • La citation du jour est And there will be such intense darkness, That one can feel it. (Exode 10:21, Il y aura des ténèbres si épaisses qu’on pourra les toucher).
    • L’épisode ne fut pas diffusé à la date initialement prévue, le 15 novembre 1996, car la veille le cardinal Joseph Bernardin, archevêque de Chicago, décéda. En signe de respect envers cet important prélat, Kingdom Come, mettant largement en scène l’église catholique, l’episode fut déplacé de deux semaines. Divers commentateurs évoquent plutôt un coup médiatique de la Fox.

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7. PARENTÉ SANGLANTE
(BLOOD RELATIVES)


Sur l’intervention de Catherine, Frank enquête sur le meurtre d’une mère de famille, survenu durant la veillée funèbre de son propre fils. Frank détermine qu’un jeune homme, orphelin déstructuré vivant en foyer, se rend d’enterrement en enterrement afin de retrouver une ambiance familiale de substitution. Il semble avoir basculé dans la violence, ce que confirment des éléments matériels découverts lors d’un autre meurtre. La police de Seattle arrête un dénommé James Dickerson, après qu’il ait été identifié par Frank. Mais ce dernier réalise alors que  le compagnon de chambrée de James est le véritable coupable. Habité par une délirante obsession de possession, il suit James dans ses expéditions et exécute les personnes avec lesquelles le jeune homme a sympathisé. Frank parvient in extremis à l’empêcher d’assassiner la propre mère de James.

Blood Relatives  prend l’exact contrepoint de l’opus précédent, en développant une intrigue parfaitement minutée. Nous découvrons pas à pas en compagnie de Frank un immense drame humain aussi abominable dans ses conséquences qu’émouvant dans la souffrance ressentie par James. La convergence de l’enquête traditionnelle et de l’étude psychologique menée par Frank s’effectue à merveille, non sans savoureux grincements de dents de la part des rudes policiers de Seattle, blanchis sous le harnais. Le récit s’offre quelques audaces réussies, comme l’efficace collaboration entre Frank et Catherine ou le refus du happy end facile de la réconciliation entre la mère repentie et le fils.

La mise en scène de Jim Charleston parvient également à dégager une véritable ambiance trouble et lors de scène étonnamment dérangeantes comme le meurtre initial détournant une image classique du film d’épouvante ou l’attaque des molosses, parfaitement effrayants. Le second meurtre se détache également par sa véracité sordide, mais aussi par le contraste induit par la mise en scène ente l’horreur survenant et la lumineuse beauté du décor naturel, l’un de  ces somptueux lacs dont Vancouver a le secret. Mais, fort opportunément, la scène la plus dure demeure dépourvue de toute agressivité physique, pour se situer au plan émotif. Voir Connor nourrir James comme on alimente un chien fidèle se révèle terrible de violence et tout à fait révélateur de l’aspect perversement possessif de cette prétendue amitié.

Sean Six (James) s’y avère impressionnant de conviction, apportant immensément à Blood Relatives, à l’image d’une excellente distribution. L’épisode comporte en particulier une magnifique composition de l’épatante Megan Gallagher, qui impose toute sa sensibilité à l’occasion de cette montée au premier plan de Catherine. La relation avec Frank sort encore renforcée de cette enquête menée en commun. Le twist final sur l’identité réelle du tueur est subtilement mené, même si pas tout à fait imprévisible. Mais il reste avant tout remarquable que Catherine, écoutant son cœur,  parvienne plus rapidement à un résultat similaire à celui obtenue par el brillant esprit analytique de Frank, assisté par son Don. Un fait soulignant éloquemment l’humanité des divers protagonistes de cette histoire évoquant avec sensibilité le drame de la solitude et la déstructuration de la cellule familiale dans nos sociétés.

Face à ces familles en charpie, celle, si harmonieuse, de Frank s’inscrit en contrepoint révélateur. Il en va pareillement pour la chaleur humaine et la solidarité se dégageant de ces veillées funèbres, admirablement filmées. Mais, comme toujours avec MillenniuM, les ténèbres envahissent la lumière : Blood Relatives centre ces passages autour de divers objets funéraires  mis en avant avec un art consommé. Il résulte logique que l’auteur et producteur  Chip Johannessen  ait été ultérieurement retenu par Chris Carter pour écrire la suite de l’histoire du Fétichiste (Orison, X-Files, 7-07), tant l’on retrouve ici comme un écho de Irresistible.

Blood Relatives apparaît comme un opus particulièrement riche en émotions diverses, structuré autour d’un scénario astucieux. On pourra certes regrette la brièveté de l’exposition des motivations du véritable assassin, mais il existe des lil=mites à ce que que peut narrer un épisode d’une cinquantaine de minutes.

    • Frank déclare : Thousand points of Darkness. Il s’agit d’un clin d’œil à une accroche restée fameuse de Bush, prononcée durant son Discours sur l’état de L’union de 1991, Thousand points of Light.
    • Peggy Dechant est jouée par Lynda Boyd, qui interprète par ailleurs Dana Whitcomb, la grande antagoniste de la première époque de Sanctuary. Dans les X-Files elle incarne notamment la femme du bar, effrayée par les flammes de l’Incendiaire. (Fire, 1-11).
    • La citation du jour est This generation is a wicked generation; it seeks for a sign, and yet no sign shall be given to it. (Luc 11:29, cette génération est une génération méchante ; elle demande un miracle et il ne lui en sera pas donné).
    • L’épisode est le premier écrit par Chip Johannessen. Il en composera 12 autres et deviendra producteur exécutif sur la troisième saison. Il a depuis travaillé comme producteur et auteur pour Dexter et 24h Chrono.

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8. UN VERROU SUR LE CŒUR
(THE WELL-WORN LOCK)


Connie, 32 ans, vient se confier à Catherine Black, assistante sociale : durant des années elle a subi des agressions incestueuses permanent »  de la part de son père, avec le silence complice de sa mère. Elle affirme se décider à parler car elle découvre aujourd’hui que sa jeune sœur est sur le point de subir le même calvaire. Catherine émue, découvre une vérité épouvantable, notamment que la très jeune fille est en fait la fille de Connie, violée par son père. Elle parvient à entraîner la procureure dans un combat difficile, le père étant un notable très respectable. D’abord arrogant celui-ci prend peur et s’enfuit avec l’enfant. Rattrapé grâce à l’intervention de Frank, il est finalement condamné en justice, tandis que Connie finit par surmonter ses traumatismes.

En abordant le thème douloureux de l’inceste, The Well-Worn Lock constitue un agréable renouvellement de la série, succédant après de brillantes traques de serial killers au schéma inévitablement légèrement répétitif. Ce changement se prolonge dans la structure narrative elle-même, le coupable étant connu dès le départ et le récit se centrant sur la victime et non sur le monstre.  Ici la victime, que l’on ne se hasardera pas à qualifier de chanceuse compte tenu de l’horreur subie, peut ici s’exprimer, l’occasion d’une introspection aussi éloquente et éprouvante qu’à l’accoutumée, mais vue de l’autre côté du miroir obscur.

Par ailleurs The Well-Worn Lock accentue considérablement la montée en puissance de Catherine de l’intrigue, déjà observée dans Blood Relatives. On assiste ici purement et simplement à une inversion des rôles, Frank devant le confident et le soutien tandis que Son épouse impulse l’affaire du jour. Ses méthodes, plus classique, diffèrent, ce qui accroît encore l’impression de d’agréable variété. Encore que Catherine n’hésite pas à mobiliser ses amitiéss au sein de la police de Seattle ! Mrs Black manifeste la même opiniâtreté que son mari et s’impose en personnage indispensable à la série, d’autant que Megan Gallagher sait s’imposer parmi d’excellents comédiens.

Ce mouvement impulsé par Chris Carter en personne connaît cependant quelques limites. L’intervention de Frank pour capturer le fugitif ne s’imposait pas réellement et, pour ponctuelle qu’elle demeure, s’en vient minorer l’originalité du récit. On a l’impression que l’auteur tient à placer une manifestation du Don de Black, craignant une insatisfaction du public de manière quelque peu pessimiste. On peut aussi regretter qu’après une première partie absolument captivante, où l’on s’immerge dans les abominables secrets de cette famille, l’intrigue débouche sur un segment davantage classique, autour du procès. Quoique supérieurement écrit et interprété, ce passage s’insère néanmoins dans les poncifs si balisés de la série judiciaire. On attend davantage de Chris Carter.

Ce dernier réussit un magistral portrait psychologie en la personne de Connie (formidable Michelle Joyner). Après subtilité et clairvoyance il expose les diverse conséquences destructrice de l’inceste et des diverses pressions psychologiques subies par les victimes. Une violence en définitive aussi insoutenable que celle des tueurs, qu’un happy end joliment symbolique ne vient que partiellement dissiper. Les différents personnages  secondaires, en particulier la mère,  sonnent également tout à fait justes. Un récit aussi noir  que dérangeant, d’autant que les faits divers nous rappellent régulièrement l’existence de telles abominations.

Episode original au sein de la série, The Well-Worn Lock en trouve néanmoins toute l’intensité et la qualité, tout en achevant de bâtir le portrait de Catherine, l’autre pilier de MillenniuM.

    • La citation du jour est The cruelest lies are often told in silence., de Robert Louis Stevenson (1850-1894). Cette figure de la littérature anglaise a notamment écrit L'Île au Trésor (1883) et L'étrange cas du Docteur Jeckyll et de Mister Hyde (1886). Stevenson complète sa maxime par A man may have sat in a room for hours and not opened his mouth, and yet come out of that room a disloyal friend or a vile calumniator.
    • S'il supervise l'ensemble de l'écriture de la série, Chris Carter n'en n'écrira que sept pour MillenniuM. Celui-ci est le troisième, après le pilote et Gehenna.
    • The Well-Worn Lock est le premier épisode de la série se centrant davantage sur cathe rine que sur Frank.
    • Le titre original fait référence au verrou symbolisant l'aliénation des victimes.
    • Le film passant à la télévision en début d’épisode est Le miracle de la 34ème rue (1947).

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9. MEURTRES SANS EFFRACTION
(WIDE OPEN)


Un tueur en série sévit en répétant toujours le même rituel : il s'introduit dans une maison en vente en se faisant passer pour un acheteur, se dissimule jusqu'au soir et, ayant ainsi contourné le système d'alarme, massacre alors les propriétaires. Il laisse vivre une petite fille, espérant que la police, par ses questions, la forcera à revivre douloureusement ce traumatisme. Catherine s'oppose vigoureusement à cet in interrogatoire, soutenue par Frank, malgré les arguments de Bletcher. Frank finit par deviner le pot aux roses ainsi que par identifier le coupable, celui-ci  s'amusant à laisser des indices pour défier les forces de l'ordre. Le tueur est appréhendé lors d'une ultime attaque, le chien défendant la maison se révélant un allié providentiel pour Frank.

Le meilleur de Wide Open réside dans son idée de départ. Cette vision d'un maniaque homicide jaillissant soudainement au sein de l'intimité et de la protection apportées par le foyer se révèle absolument terrifiante.  Comme le souligne Chris Carter au travers de Black, on rejoint ici une grande peur universelle, plus intense que jamais de nos jours : l'agression de la cellule familiale, vulnérable derrière les prétendues protection apportées par la technologie. L'épisode compte également à son actif quelques réussites connexes, comme l'humanité de Bletcher, le décor sinistre et empreint de folie de l'appartement du serial killer ou la musique si évocatrice de Mark Snow. Les amateurs des X-Files s'amuseront des ironiques messages numériques rappelant Blood, comme du « X » laissé par le tueur comme indice de son passage. Malheureusement, si l'enquête de Frank reste solidement construite, l'intrigue commet quelques erreurs passablement  pénalisantes.

Le dément criminel, interprété avec minimalisme, manque singulièrement de présence et d'intensité. On regrette également que la confrontation avec Frank se résume à un simple affrontement physique, jouant davantage la carte du sensationnalisme que celle de la psychologie. De plus le thème du la perpétuation d'un traumatisme subi durant l'enfance a déjà été abordé dans Blood Relatives. Par ailleurs le scénario commet une erreur en situant la ligne de démarcation entre Bletcher d'une part et Frank et Catherine d'autre part, à propos de l'éventuel interrogatoire de la petite fille. La partie apparaît bien trop déséquilibrée pour laisser place à un quelconque suspense et il aurait été dramatiquement bien plus intense d'affronter Frank et Catherine sur ce point. Par ailleurs l'épisode a trop souvent recours au poncif du dessin d'enfant contenant un indice sur l'assassin, d'où un pénible effet de répétition alors même que la jeune actrice s'avère inexpressive. Sans susciter l'ennui, l'épisode se positionne comme relativement mineur.

    • Le nom de la petite fille témoin du meurtre de ses parents est Patricia Highsmith, un hommage à la célèbre auteure du même nom. Spécialisée justement dans les thrillers psychologiques, elle vient de décéder en 1995. On lui dit notamment L'Inconnu du Nord Express et les série des M. Ripley.
    • La dernière maison visitée par le meurtrier, est gérée par agent immobilier nommé Lou Bollo. Celui-ci est en fait le responsable des cascades pour l'ensemble de la série.
    • La citation du jour est His children are far from safety. They shall be crushed at the gate, without a rescuer. Elle est extraite du Livre de Job, 05:04 (Ses enfants sont privés de tout appui, accablés à la porte, sans défenseur.).
    • L'expert graphologue identifie la signature du meurtrier dans 37 listes de bienvenues différentes. L'un des noms qu'il utilise alors est Travis Bickle, le héros de Taxi Driver (1976).
    • Le policier assistant Frank se nomme John Glen, un clin d'oeil au duo d'auteurs James Wong et Glen Morgan.

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10. ANGEL
(THE WILD AND THE INNOCENT)


 

La mère de la jeune Maddie vit avec  un certain Jim Galroy, ancien serial killer vivant dissimulé pour échapper à la police. Sa violence pervertit néanmoins leur union. Après le suicide de sa compagne, il tente de violer Maddie, mais est assommé par Bobby, le petit ami de la jeune fille. Celle-ci a eu un bébé, Angel, que Galroy a vendu pour s’acheter une télévision. Débute alors un voyage durant lequel le couple torture Galroy, pour le forcer à révéler où se trouve Angel, avant de le laisser pour mort, tandis que Bobby s‘enfonce dans une violence homicide et accumule les meurtres. Initialement sur les traces de Galroy, Frank perçoit la réalité et intervient au moment où Bobby et Maddie découvrent Angel. Bobby veut se servir du bébé comme otage et est alors abattu par Maddie, qui préfère renoncer totalement  à son fils afin de lui laisser la chance de grandir dans la famille aisée et aimante l’ayant adopté.

Tout comme les X-Files avec l’excellent Drive de Vince Gilligan, MillenniuM s’essaie ici au genre si américain du Road Movie. Tandis que la réalisation inspirée de Wright tire le meilleur parti des paysages et du climat canadiens, La règle fondamentale de ce type de récit s’y voit admirablement respectée, puisque le voyage intérieur des protagonistes se découvre parallèlement au parcours accompli. C’est particulièrement net en ce qui concerne Bobby, le récit de Jorge Zamacona nous décrivant avec un terrifiant réalisme l’inexorable dérive vers la domination violente exercée sur sa compagne, ainsi que la chute morale au fil des meurtres. Initialement un sauveur, bobby devient progressivement semblable au serial killer dont il avait initialement préservé la jeune femme, un glissement aussi terrifiant que convaincant.

Si Maddie demeure davantage figée dans son chagrin et sa quête désespérée d’Angel, jusqu’au sursaut final, la lecture de ses lettres puis ce l’on découvre progressivement constituer un entretien postérieur avec Frank, scande éloquemment le récit, conférant une indéniable sensibilité à cette virée en enfer. Ce portrait d’une jeune femme confrontée à la violence pathologique de plusieurs hommes pourrait dangereusement avoisiner le misérabilisme, mais la finesse de l’écriture, ainsi que la conviction à fleur de peau de Jeffrey Donovan et de la formidable Heather McComb permettent d’éviter ce piège. Le mélange d’émotion et d’horreur se révèle intense et fécond. La scène de fin voyant elle et Frank sympathiser s’avère absolument bouleversante.

Que le serial killer basique que représente Galroy sorte rapidement de scène souligne bien la spécificité de l’épisode. Outre sa qualité intrinsèque, ce choix du Road Movie présente en effet l’intérêt de rompre la succession des serial killers coutumiers, menaçant à terme de devenir mécanique. Le revers de la médaille réside néanmoins dans  une fusion avec l’univers de la série ne s’effectuant qu’imparfaitement. En effet toute l’enquête, captivante en soie t menée de main de maître par Frank et Peter n’interagit absolument pas sur l’action principale, servant uniquement à l’exposition de celle-ci. En définitive Frank n’empêche strictement rien et le lien avec Maddie ne dispose que de quelques minutes pour s’exprimer, ce qui suscite une certaine frustration. La césure entre les deux segments du récit demeure trop prononcée, sans interaction véritable.

    • La citation du jour est O Lord, if there is a Lord. Save my soul, if I have a soul., d’Ernest Renan (O Seigneur, s'il y a un Seigneur ; sauvez mon âme, si j'ai une âme.). Renan (1823-1892) est un auteur français réputé pour avoir milité en faveur de l’analyse scientifique et sceptique, détachée des concepts religieux et moraux traditionnels. Il développa ainsi une relecture ethnologique de la Bible et défendit les thèses de Darwin en France. La citation est tirée de Prière d’un sceptique.
    • Deux membres de l’équipe technique sont cités sur l’album scolaire de Maddie, dont Erik Gerlund, responsable des  décors.
    • Heather McComb (Maddie) participe dans le même temps à Profiler, série partageant nombre de similitudes avec MillenniuM. Elle y tient le rôle régulier de Frances Malone, la fille de Bailey, dans 24 épisodes. Cette excellente actrice est également apparue dans de nombreuses autres séries, dont les X-Files (Shannon dans Die Hand die verletzt) et, récemment, The Event.
    • Jeffrey Donovan (Bobby) va également participer à une série se situant dans la mouvance initiée par MillenniuM et Profiler : Touching Evil (2004). Il est également vu dans Burn Notice.

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11. MAUVAISES GRAINES
(WEEDS)


Un serial killer sème la terreur dans une banlieue aisée et sécurisé. Il enlève les jeunes garçons et, se croyant doté d’une mission divine, leur fait payer les péchés de leurs pères par divers supplices. Si le père n’avoue pas rapidement sa faute (adultère, accident de la route mortel…) il exécute alors l’adolescent, resituant le cadavre avec un indice lié au reproche initial. Tandis que l’angoisse et la paranoïa montent sans cesse en puissance, Frank entame une difficile enquête, d’autant que certains peinent à révéler leurs secrets. Le coupable se révèle être un membre éminent de la communauté, que l’hypocrisie de ses pairs a fait plonger dans une profonde dépression.

Porté par une composition une nouvelle fois étonnamment intense de Lance Henriksen, Weeds donne lieu à une enquête remarquablement articulée et captivante de bout en bout. Frank, assisté de la toujours percutante Cheryl Andrews, utilise le moindre bout d’indice mis à sa disposition et son édification progressive du profil psychologique du tueur s’avère magistrale. Le Don apporte sa pierre à l’édifice lors de quelques scènes chocs, mais l’intrigue met judicieusement l’accent sur  l’intelligence et l’expérience du profiler. Cette petite  communauté se croyant à l’abri derrière ses murs devient un échiquier sur lequel Frank et le serial killer joue une partie subtile, toutes en chausse-trapes, énigmes et défis.  On regrettera par contre que la résolution de l’ensemble repose sur un indice sonore trivial et tout de même miraculeusement identifié par Frank, mais  l’impact en demeure modéré.

Malgré les tortures oscillant entre abominable et sordide, la personnalité du justicier autoproclamé reste subtilement ambivalente. C’est d’autant plus vrai qu’il se montre parfois cruellement lucide et reste l’un des rares adversaires de Frank à, parfois, épargner ses victimes. L’interprétation de l’ensemble de la distribution paraît également admirable, évitant au maximum tout effet démonstratif possible. A l’unisson  la mise en scène se montre froidement clinique, soulignant avec précisons le délabrement du lien communautaire sous la panique et la suspicion, de même qu’elle accompagne efficacement le jeu bien mené de l’exposition de différents suspects potentiels. Comme si souvent dans cette série, les décors se révèlent parfaitement évocateurs d’un atmosphère, notamment cette piscine, d’abord ensoleillée et joyeuse, plus réceptacle confiné de l’horreur : une parfaite parabole  de cette petite cité où de nombreux sombres secrets se dissimulent derrière une apparence aimable.

Weeds, nouvelle preuve de la finesse d’écritures de Franck Spotnitz, revêtira une saveur particulière pour l’amateur des X-Files. En effet,  dans son sujet comme dans son environnement, un suburb cossu, il préfigure largement le classique de cette série que constitue Arcadia (6-15), diffusé deux ans plus tard. Examiner les différences entre ces deux opus revient plaisamment à comparer les séries elle mêmes. L’humour, si présent dans Arcadia,  n’a bien entendu absolument pas le droit de cité ici, comme  dans l’ensemble de cette première saison. D’ailleurs Mulder et Black se seront rarement montrés aussi frontalement différents, ce dernier ne prenant jamais une affaire à la rigolade, ce n’est pas dans son ADN. Le recours au surnaturel n’a pas encore lieu d’être, au contraire MillenniuM veille à s’insérer au plus près du réel (même si le fantastique se manifestera bientôt, mais d’une manière moins prégnante). Parallèlement Arcadia se livre à une satire au vitriol de l’Amérique vivant dans ces cités proprettes et retranchées, cette dimension existe mais en nettement moins prononcé dans Weeds, où chaque individu, bourreau, hypocrite ou victime conserve finalement sa fragile humanité. Dans les X-Files la vérité est ailleurs, dans MillenniuM elle se situe définitivement parmi nous,  sans apparaître plus rassurante pour autant, il s’en faut de beaucoup.

    • Une novélisation de l’épisode fut écrite par l’auteur de Science-fiction Victor Koman, intitulée The sins of the fathers. Sa commercialisation se limita à l’Allemagne et au Japon.
    • La citation du jour est But know ye for certain... Ye shall surely bring innocent blood upon yourselves and upon this city (Jérémie, 26:15, Seulement sachez que, si vous me faites mourir, vous vous chargez du sang innocent, vous, cette ville et ses habitants.)
    • Weeds est le premier épisode écrit par Frank Spotnitz pour MillenniuM, il en composera quatre autres en solo.
    • A ce propos il déclare : "My first episode of "Millennium" is also my least favorite. There was an interesting idea here, however - that in order to save their sons, fathers would have to shame themselves by revealing their own "sins.".
    • On trouve de nombreuses apparitions de séries télé oldies dans l’œuvre de Chris Carter. Ici Charlie est en train de regarder Land of the Giants (1968-1970). Des astronautes se posent en catastrophe sur une planète dont tous les habitants (hommes et animaux) sont douze fois plus grands que sur Terre.
    • Michael Tomlinson (Tom) interprètera le visqueux Franklin, dans The L Word.

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12. AMOUR IMMACULÉ
(LOIN LIKE A HUNTING FLAME)


Un pharmacien nommé Nesbitt souffre de graves problèmes sexuels. Il n’a ainsi toujours pas pu consommer son mariage, après 18 ans. Il se rêve une sexualité idéale en appâtant de jeunes couples en leur proposant des drogues puis en leur demandant de faire l’amour devant lui. Puis  les empoisonne  et dispose leurs cadavres nus selon des positions artistiques, pour parachever son ouvre. Il pense ainsi mettre fin à leur vie au moment parfait. Frank mène l’enquête avec l’aide de Maureen Murphy, membre du Groupe. Malgré l’hostilité initiale du Lieutenant Thomas, ils parviennent à identifier Nesbitt et à intervenir avant qu’il ne tue sa femme après avoir enfin réussi son passage à l’acte, mais ne réussissent pas à empêcher son suicide.

La réussite de Loin Like a Hunting Flame apparaît moindre qu’à l’ordinaire au sein de cette enthousiasmante première saison. La mise en scène se montre atone, en dehors de l’utilisation réussi du jardin biologique de Vancouver, un lieu rappelant effectivement étonnamment le jardin d’Eden, également aperçu dans diverses séries (Supernatural, Stargate SG-1…). Les vues de la boite de nuit ou des parties fines organisées par Nesbitt n’apportent rien de significatif par la suite. De fait l’épisode ne suscite pas la tension dramatique coutumière, Nesbitt, quoique correctement interprété, paraissant plus misérable que réellement effrayant. L’auteur se sent obligé de citer explicitement la morale du jour par Frank (la montée d’une sexualité perverse et sans amour dans nos sociétés), échouant à la faire ressentir en cours de récit.

L’enquête abuse quelques peu de la faculté particulière de Frank, au lieu de bâtir solidement la quête et l’exploitation des indices. Le trio débusque singulièrement vite Nesbitt, tandis que le temps ainsi libéré se voit majoritairement aux discussions diverses entre Black et Thomas. Malgré l’indéniable abattage de William Lucking (Piney dans Sons of Anarchy), ces dialogues, aussi plaisants que prévisibles,  relèvent de la digression, n’apportant rien que périphérique à l’affaire en cours. On a l’impression que l’épisode s’attache presqu’autant à décrire Thomas que Nesbitt, ce qui s’avère contre-productif au possible. L’épisode bénéficie cependant d’une distribution impeccable, comportant de  nombreux comédiens admirés dans les X-Files, entre autres Hrothgar Mathews et Harriet Sansom Harris, impeccable mais au rôle trop effacé.

    • David Nutter réalise ici son dernier épisode pour MillenniuM.
    • La citation du jour est Two souls, alas, are housed within my breast. (Deux âmes, hélas, se partagent mon sein). Elle est tirée du Faust de Goethe (1808).
    • Le titre original est un vers tiré du poème The Ballad of the Long-Legged Bait, de Dylan Thomas, écrivain gallois (1914-1953) originaire de Swansea. Décédé à 39 ans, après une vie aux multiples excès, il demeure considéré comme un des poètes majeurs de la Grande Bretagne au XXème siècle, notamment pour  le romantisme lyrique de ses œuvres. The Ballad of the Long-Legged Bait est réputé pour ses nombreuses allégories fantastiques, amoureuses et sexuelles.
    • Nesbitt est incapable de consommer son mariage. Or Nesbitt est également le nom d’un chirurgien qui, au milieu des années 60, popularisa une intervention permettant de solutionner les problèmes graves de courbure du pénis (dont la maladie de La Peyronie, liée à une sclérose du corps caverneux).
    • Maureen Murphy est interprétée par Harriet Sansom Harris. Cette figure régulière des séries américaines est, entre autres, connue pour son rôle de Felicia Tilman dans Desperate Housewives. Dans les X-Files, elle tint le double rôle mémorable du Dr. Sally Kendrick et d’Eve 6 (Eve, 1-11).

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13. FORCE MAJEURE
(FORCE MAJEURE)


Une brillante étudiante s’immole par le feu sans raison apparente. Frank s’intéresse à cette affaire, quand une autre jeune fille se suicide. L apparaît qu’elle la jumelle de la première, bien que plusieurs années les séparent. Elles sont toutes les deux adoptées et présentes plusieurs mêmes singularités physiques. Dennis Hoffman, un mystique anciennement refusé par le Groupe, indique à Frank que tout converge vers un alignement planétaire devant survenir le 5 mai 2000 et censément provoquer une Apocalypse gravitationnelle. Peter et Frank vont découvrir qu’un homme à cloné ces jeunes filles pour en faire de parfaites reproductrices, surdouées et aptes à repeupler le monde après la catastrophe. Les suicidées ont été poussées au désespoir par l’imminence de la catastrophe, refusant leur destin.

Plusieurs facteurs contribuent à situer Force majeur comme l’une des grandes réussites de cette première saison. L’énigme proposée paraît ainsi de qualité, agréablement troublante, horrifique et énigmatique. L’écheveau démêle efficacement, notamment grâce à une synergie finement tissée entre les talents divers de Frank, Peter et Dennis. L’intrigue présente également le mérite de replacer l’Apocalypse au cœur de la série, après une succession de serial killers. On note d’ailleurs l’absence totale de meurtres, une audacieuse originalité au sein de MillenniuM. La Fin des Temps se présente ici dans une version alliant prophéties mystiques et déterminisme physique, un ensemble résultant agréablement paranoïaque.

L’excellent scénario de Force Majeure consacre également la plus grande attention à ses personnages secondaires, évitant intelligemment de capitaliser sur le seul Frank, même si celui-ci se montre une nouvelle fois remarquable, par ses dons comme par son humanité. Peter fait étalage de sa vive intelligence et de sa capacité d’organisation, Dans le même temps, contrairement à Frank, il se crispe pour la première fois devant la présence insistante de Dennis. Il s’avère déjà patent que le Groupe n’apprécie guère ni les gêneurs, ni les électrons libres !

Par son érudition et ses intuitions fulgurantes Dennis introduit une bouffée de fantastique au sein de la série, même si la cause de l’Apocalypse demeure naturelle. Il bénéficie de la présence toujours marquante de Brad Dourif, même si sa prestation demeure plus classique que le paroxysme du formidable Beyond the Sea des X-Files. La Patriarche sollicite le spectateur par son ambivalence, entre démiurge peu soucieux de déontologie et Noé moderne soucieux de préserver l’Humanité du désastre. Il préfigure joliment le Groupe lui-même, car entre guider cette dernière à travers les écueils et s’arroger le pouvoir, la différence devient rapidement ténue.

Mais, favorisé par une mise en scène talentueusement sinistre et enténébrée, Force majeure se caractérise avant tout par son atmosphère des plus dérangeantes. L’horreur de certaines scènes (l’immolation le suicide sordide, le grotesque poumon artificiel du leader…) s’agrège efficacement à de grandes peurs contemporaines, comme le millénarisme mais aussi le clonage humain, un thème alors en vogue. L’image même de ces silencieuses et identiques jeunes femmes déstabilise le spectateur par sa bizarrerie. Difficile de ne pas songer à la Colonie des X-Files, mais la présence d’être humains, et non d’Aliens hybrides, en accroît une nouvelle fois l’impact.

Cet épisode de haut vol, impeccablement dialogué, constitue un jalon : pour la première fois l’ombre de l’Apocalypse envahit la scène, avec une palpable intensité. Un tournant parfaitement exprimé par l’ultime image du récit, montrant un Black lui même troublé, cette fois impuissant face à l’imminente montée des périls. Au-delà de la succession des terrifiants serials killers, MillenniuM aborde désormais de nouveaux rivages, ô combien prometteurs.

    • Le chiffre sept revient régulièrement au fil de l’épisode : alignement de sept planètes, quand Frank considère l’alignement du cinq mai il est 7h 07 de l’après midi, le numéro de la porte d’Hoffmann est 7, 7 années séparent les deux sœurs etc.
    • L’alignement des six planètes centrales du système solaire (soit sept astres en comptant le soleil), le cinq mai 2000, constitue un fait réel. Mais il n’a pas donné lieu aux catastrophes prophétisées ! Cette figure cosmique surviendra de nouveau en 2675. Ne prévoyez rien pour le week-end.
    • Le cinq mai est également la date anniversaire de Lance Henriksen (05/05/1940).
    • L’Arche est en fait le Shadbolt Centre for the Arts,  situé à Burnaby, près de Vancouver. Il propose de nombreuses activités artistiques ou scéniques aux familles de la région, tout en hébergeant plusieurs festivals tout au long de l’année.
    • La citation du jour est You remember a single deluge only, but there were many previous ones., de Platon (On ne se souvient que d’un seul Déluge, mais il y en eut plusieurs.). Dans deux de ses Dialogues, Platon évoque l’Atlantide : le Timée et le Critias.
    • Dennis Hoffman est interprété par l’excellent Brad Dourif (Color of Night, Dune, Lord of the Rings, Body Parts…), qui, entre autres rôles marquants, est inoubliable dans l’épisode Beyond the Sea, des X-Files. Il est également la voix de Chucky, la Poupée Sanglante.
    • La faculté où l’étudiante s’immole par le feu est en fait la Simon Fraser University, fondée en 1965 et située à Burnaby, dans le grand Vancouver. Son nom rend hommage au grand cartographe de la Colombie Britannique (1776-1862). L’université sert également de décor dans la série Stargate SG-1, où son architecture moderniste représente le monde des Tollans.

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14. LES BLESSURES DU PASSÉ
(THE THIN WHITE LINE)


Une série d’assassinats sans liens apparents évoquent pour Frank à ceux commis il y a plusieurs années par Hance, le « Tueur à la Carte ». Cet esprit pervers aimait à commettre deux meurtres à intervalle rapproché, déposant auprès des victimes les moitiés d’une même carte. Il leur infligeait également une profonde entaille à la paume, les marquant ainsi comme du bétail.  Or Frank a contribué à l’arrêté voici plusieurs années, durant une action où lui même fut ainsi blessé, un choc l’ayant longtemps traumatisé. Il s'interroge douloureusement, se demandant si avoir abattu froidement Hance au lieu de l'arrêter n'aurait pas sauvé des vies innocentes, en empêchant le serial killer de contaminer un autre esprit. Il devine en effet qu’un copycat est à l’œuvre et se confronte à Hance pour en savoir plus. Frank ne peut éviter que l’imitateur soit tué durant l’assaut  de la police

Brillant exercice de style que The Thin White Line, dont la problématique peut se synthétiser en une interrogation : comme rendre captivante une intrigue aussi simple et rebattue (un serial killer de plus), dont le suspense tombe tout à fait rapidement, et par ailleurs tout à fait prévisible puisque fortement inspirée du Silence des Agneaux (1991)? La réponse réside dans l’art de la narration et de la mise en scène. Le duo Morgan/Wong compense en effet une certaine linéarité du scénario en surprenant le récit par un rythme asymétrique du récit, prenant systématiquement le spectateur à contrepied. Les scènes les plus diverses se télescopent (longueurs variées, atmosphères, accélérations brusques des évènements), dynamisant ainsi l’ensemble .

Morgan/Wong  ne tentent pas de dissimuler le fait que son histoire sert avant tout de justification au duel psychologique opposant Frank et Hance, en en composant les dialogues avec un soin particulier et n’hésitant pas à accélérer les cours ultérieur du récit, comme simple résultante. Un choix astucieux et finalement logique, d’autant que, si Hance n’est évidemment pas le Lecter d’Anthony Hopkins, Roberts lui apporte une indéniable présence, dépourvue d’outrance. Les auteurs s’entendent toujours à exprimer la psychologie de leurs personnages et le gaillard fait froid dans le dos. Cela devient d’autant plus perceptible que  d’autant que, sans jamais élever la voix, il rend palpable la menace physique pesant sur Frank. La mise en scène joue pleinement son rôle, avec un subtil usage du cham-contre champ et du montage. Les artistes de la série jouent pleinement leur rôle, entre l’enfer froid de béton et néons de la prison, ou les autres respectifs des sérials-killers, sordides et menaçants à souhait.

TheThin White Line joue également la carte de la personnalisation du ressenti du héros, de par le traumatisme d’une affaire marquante de son passé. Cette technique scénaristique ne représente certes pas une originalité (Cf. notamment le moins percutant Young at Heart des X-Files), mais  se voit ici portée par un toujours magistral Lance Henriksen, parvenant à exprimer simultanément le côté introverti de son personnage et la violence de ses émotions. Frank s’humanise encore davantage et utiliser son passé comme un arme lors d’une de ces péripéties si astucieuses et mémorables qu’affectionne le duo d’auteurs. Et puis, pour l’amateur des X-Files, cela constituera un intérêt supplémentaire de découvrir Black en G-Man du FBI. L’épisode se montre plus fort et intense qu  Young at Hart, qui ne constitue qu’une affaire de plus pour Mulder (pour qui l’important est ailleurs), tandis que l’évènement se définit comme structurant pour Franck, le poussant à une interrogation morale de son action

Le récit, par fois prévisible, se pimente agréablement de bulles de pure démence, où l’on assiste de l’intérieur comme le totalement délirant copycat recompose le réel et les réactions d’autrui. La résolution du décalage, le plus souvent sanguinaire, conduit à des scènes choquantes et déroutantes, notamment lors d’une introduction parfaitement déstabilisante. Pour un peu on croirait que MillenniuM s’essaie à l’humour, morbide, forcément morbide.  Morgan/Wrong apprécient décidément d’apposer leur marque sur leurs brillants scénarios. La séquence onirique ou Frank revit son affrontement précédent avec Hance se montre également mémorable.

    • Durant la scène d’introduction, le copycat écoute la chanson How deep is your love ?, des Bee Gees (1977).
    • Jeremy Roberts (Hance) apparaît très nombreuses séries télévisées. Il participa ainsi à l’épisode Agua Mala des X-Files et interpréta Kakistos dans Buffy contre les Vampires, l’imposant vampire tuant l’Observateur de Fiath et forçant celle-ci à se réfugier à Sunnydale (Faith, Hope & Trick). Il est le beau-fils d’haji, actrice fétiche de Russ Meyer.
    • La citation du jour est A man's past is not simply a dead history... It is a still quivering part of himself, bringing shudders and bitter flavours and the tinglings of a merited shame. de George Eliott (Le passé d’un homme n’est pas qu’une histoire morte. Il reste en lui et le fait frémir d’une honte méritée.). George Eliot (1819-1880) est une romancière majeure de l’époque victorienne, fameuse pour la finesse et la profondeur de  ses descriptions de la société provinciale anglaise.
    • L’heure indiquée dans la vidéo de surveillance est 10h13, un clin d’œil à la société de production de Chris Carter, 10-13, observé également à plusieurs reprises dans les X-Files. Carter est né le  13/10/1956.
    • Le titre original reprend une expression américaine (the thin blue line) interpellant le rôle joué par la police, l’élargissant aux interrogations morales de Franck.
    • Durant la confrontation entre Black et Hance, Morgan et Wong introduisent de nombreuses références à un célèbre entretien mené entre un profiler du Bureau et l’un des serial killers les plus abominables, Edmund Kemper. Ce dernier servira de modèle à l’effroyable  adversaire protagoniste de Paper Dove (1-22). Les délires du copycat voyant ses victimes s’offrir d’elles mêmes en sacrifice s’inspirent d’un autre dément criminel réel, Herbert Mulin.
    • Tout au long de la série, Black se montrera plus que réticent à employer une arme à feu, en partie  du faits de évènements ici relatés. Un tel évènement demeurera exceptionnel.
    • Les cartes à jouer utilisées par Hance portent la devise «Expect no Mercy, un clin d’œil à celle utilisée par Morgen/Wong dans leur propre série, Space : Above and Beyond.

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15. LE SACREMENT
(SACRAMENT)


Frank assiste au baptême de son neveu, quand sa belle-sœur disparaît soudainement, un évènement annoncé par Jordan. Alors que la police de Seattle refuse son aide, craignant que so implication personnelle fausse son jugement et apporte des difficultés juridiques, Frank mène une difficile enquête, où l’aide apportée par Peter Watts s’avère cruciale. Son frère Tom, effondré et furieux devant le secret instauré par Frank pour le protéger des horreurs qu’il devine, lui complique également la tâche. Frank finit par établir que le coupable est un psychopathe sexuel   récemment libé d’un hôpital psychiatrique, particulièrement sadique et persuadé d’obéir à Satan. Les enquêteurs interviennent à temps pour sauver la jeune femme, emmurée vivante au domicile des parents du fou.

Pour sa deuxième participation directe à l’écriture de MillenniuM, après Weeds, Franck Spotnitz nous gratifie d’un épisode solide et consistant, toutefois dépourvu de l’attrait supplémentaire que l’on aurait pu espérer d’un tel évènement. Le déroulement de l’affaire se suit avec un réel intérêt, mais sans se démarquer suffisamment de la succession précédente de serial killers. La composante horrifique se montre néanmoins percutante, avec ces angoissantes visions nocturnes de la forêt canadienne où les reconstituions de cadavres suppliciés. Le meilleur demeure cependant la remarquable composition de Dylan Haggerty en dément sadique, préfigurant son effarante prestation des X-Files (4–D) face à l’épatante Monica Reyes (avec cette fois un pouvoir paranormal en sus, nous sommes dans les X-Files).

Il n’en reste pas moins que Sacrament pêche par son pendant policer, trop artificiel. On peine à croire que Bletcher et les amis de Frank dans la police de Seattle refusent ainsi son aide et mettent si nettement en cause son jugement. Surtout il s’avère étonnant de les voir craindre des démêlés avec le Procureur et le procès à venir, alors que la priorité semble tout de même être de retrouver la victime, alors que chaque heure compte (l’épisode présente  un petit côté à la FBI : Portés disparus). Même si on connaît l’intelligence et le professionnalisme de l’individu, les interventions de Peter apparaissent également bien providentielles, servant trop mécaniquement à articuler l’enquête. O n’échappe pas à certains poncifs éculés, comme cette plante trouvée si à propos dans la voiture volé et ne poussant bien entendu que dans un seul secteur de la région. C’était déjà caricatural avec Sherlock Holmes, on préfère les fines analyses psychologiques de Frank, évoquant parfois de loin Poirot.

Toutefois le statut de Spotnitz l’autorise à faire bouger les lignes de l’univers de MillenniuM, et l’auteur ne s’en prive heureusement pas. La révélation expresse du Don  chez Jordan constitue une idée potentiellement très riche. MillenniuM abandonne toujours plus son ambivalence entre policier et fantastique, pour relever davantage du second genre, contrairement à Profiler.  Par ailleurs  l’immersion de Frank apporte enfin une spécificité à l’efficace Sacrament, notamment au cours d’âpres confrontations entre lui et son frère, également impeccablement interprété, tandis que l’épisode accorde également une bel espace à Catherine. Spotnitz réalise de jolis coups, comme de nous montrer enfin le protagoniste de MillenniuM enfin sourire, lors de la cérémonie, ou un rappel bienvenu de la menace du Polaroïd Man. Il nous régale aussi d’un joli clin d’œil, quand Frank affirme à son frère que toute vérité n’est pas bonne à dire. Les oreilles de quelqu’un ont du siffler à l’autre bout du pays.

    • La famille de Frank est prise pour cible pour la première fois. On découvre à cette occasion qu’il a un frère. Tom ne réapparaîtra plus par la suite, mais sera mentionné dans divers épisodes.
    • La citation du jour est He said to me in a dreadful voice that I had indeed escaped his clutches, but he would capture me still. de Ste. Thérèse  d’Avila (Il me dit d’une voix effrayante que je venais d’échapper à ses griffes, mais qu’il me capturerait encore). Ste Thérèse (1515-1582), Saint Patron de l’Espagne, fut une figure majeure de la spiritualité chrétienne et une grande réformatrice monastique (notamment concernant le Carmel). Elle fut la première femme à devenir Docteur de l’Eglise
    • Les photographies de criminels que Frank regarde sur l’ordinateur contiennent plusieurs visages de membres de l’équipe technique.
    • A propos de ce second épisode écrit, Spotnitz déclara :  « From worst (Weed) to best. This, as it happens, was my favorite episode of "Millennium" bearing my name. We got greater insight into Frank through the introduction of his brother, and developed aspects of Jordan's "gift" that had only been hinted at previously. I also thought the villain was creepy - I particularly like the scene in the hardware store - and the solution to the mystery sufficiently unexpected.
    • I was proud to screen this at the Museum of Television & Radio. Because of his skill in directing this episode, Michael Watkins went on to become co-executive producer and a director of "The X-Files" after the show relocated to Los Angeles ».
    • Alors que cela avait été sous-entendu à plusieurs occasions jusqu’ici, il eest clairement indiqué que Jordan a hérité du Don de son père.
    • Le Dr. Moss est incarnée par Lorena Gale, figure régulière des séries américaines. Elle teint trois rôles dans les X-Files, avant de participer à I Want To Believe, où elle joue le médecin s’opposant à Scully lors de la vidéo conférence.
    • Brian Markinson interprète Teeple, de la police de Seattle, pour la troisième et dernière fois. Ce grand habitué des séries fantastiques et de Science-fiction (Folie à deux dans les X-Files) fut également l’inénarrable Aaron de The L Word.

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16. LE PACTE
(COVENANT)


 

Un policier avoue le meurtre de sa famille, dans des conditions particulièrement abominables. Toutes les constatations effectuées confirment un massacre perpétré au couteau de menuisier. Sûr de son fait et désireux d’obtenir du jury la peine de mort, le procureur fait appel à Frank pour dresser le portrait psychologique du tueur. En effet le mobile demeure encore peu clair. Or Frank va rapidement constater plusieurs incohérences. Avec l’aide d’une jeune médecin légiste, il va progressivement reconstituer un puzzle complexe. Il s’heurte au courroux du procureur comme à la volonté de l’accusé, mais finit par démontrer que c’est la mère qui a assassiné ses enfants, avant de se suicider. Obsédée par les anges, elle a voulu que ces enfants en restent, pour l’éternité. Le mari s’accuse, se sentant coupable, et a utilisé son expérience pour accumuler les preuves le condamnant.

L’habile intrigue à suspense de Covenant permet d’agréablement renouveler la série. En effet l’on s’intéresse finalement assez peu à la folie mortifère de la dame, révélée uniquement en toute fin de parcours. De fait le récit prend bien davantage la forme d’une pure énigme, entremêlant à la perfection éléments matériels classiques et déductions psychologiques de Frank. Le profil bien particulier du policier, interprété avec une grande justesse par John Finn, ne constitue ainsi qu’une piste parmi d’autre, et non plus un thème central. De fait, plus que tout autre épisode de la saison, Covenant prend des allures à la X-Files, l’élément fantastique en moins.

L’amateur appréciera ainsi de retrouver Black reconstituer un crime en simplement visitant une pièce, multipliant les découvertes d’indices ayant échappé à la police, ainsi que  les théories. Une importance cruciale se voit également accordée à une autopsie aussi technique que peu ragoutante, ainsi qu’à l’apport global de la courageuse assistante médicolégale, obligeant sans cesse Frank à la rigueur. Elle préfigure déjà les futures associées féminines de Black, en particulier, l’Agent Emma Hollis, si proche parfois de Dana Scully. Cette originalité des composantes et de la structure narrative du récit en définissent l’intérêt mais aussi les limites, Covenant apparaissant comme une parenthèse au sein d’un tout. D’une manière caractéristique, les autres personnages  récurrents disparaissent quasiment, laissant Frank dans une posture originale.

Il présente cependant l’intérêt intrinsèque  de conserver l’intensité propre aux meilleures séries judicaires, sans s’alourdir de la mécanique rebattue des prétoires. D’une manière particulièrement affirmée, il pose également sans détour la question  de la peine de mort. Frank s’oppose à la vindicte exprimée par un procureur volontiers populiste. toutefois, dans une traiton très américaine, il accepte de fait le châtiment suprême, pourvu qu’il soit administré à coup sûr et dans le respect de la justice. Covenant échappe de la sorte au piège du manichéisme. L’impeccable mécanique de l’épisode, portée par de percutants dialogues, débouche sur une fin ouverte, Frank ne pouvant que laisser à un témoin, complice de la dissimulation, le choix de révéler la vérité avent l’exécution. Un choix audacieux, interpellant le spectateur car celui-ci devient en dernier ressort le juge ultime de la destinée du condamné.

    • La citation du jour est Thou dost frighten me with dreams and terrify me by visions, elle est tirée de Job 7:14 (C’est alors que tu m’effraies par des songes,
    • que tu m’épouvantes par des visions..).
    • Dernière apparition de jack Meredith le voisin sympathique mais bavard de Frank, dont la présence régulière avait suscité bien des interrogations en début de série.
    • William Garry  est interprété par John Finn, qui joua notamment Michael Kritschgau dans les X-Files et John Stillman dans Cold Case.
    • Kevin Reilly est joué par Steve Bacic, qui sera plus tard le Dr. Sexy de l’épisode de Surnatural, Changing Channels.

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17. LES JUMEAUX DIABOLIQUES
(WALKABOUT)


Frank disparaît brusquement, alors qu’il s’occupait d’une affaire demeurée mystérieuse. Pater Watts mène l’enquête, quand Frank réapparaît, hagard et ayant perdu tout souvenir de la période. Bien que Peter soit vivement contrarié que Black ait pris des initiatives sans en référer au Groupe, les deux hommes vont ensemble remonter le fil des événements. Il s’avère que Frank, inquiet de la présence du Don chez Jordan, a voulu en savoir plus sur ce dernier. Miller, médecin douteux mais spécialiste des hallucinations lui a proposé d’expérimenter une drogue permettant de le contrebalancer, le Proloft. Mais le test a été manipulé par un autre biologiste, Ingram, désireux de mettre au point une drogue transformant les humains en bêtes féroces. Il souhaite la répandre, afin d’attirer l’attention sur la dépendance à ce type de médicaments. Malgré plusieurs meurtres destinés à dissimuler sa trace, Peter et Frank parviennent à l’arrêter.

A l’instar de Covenant, On saura gré à l’épisode d’avoir voulu renouveler son intrigue, au-delà  de la posture classique de traque de déments criminels. L’implication personnelle de Frank constituait une bonne idée mais a mise en œuvre suscite en définitive considérablement moins d’intérêt que lors de l’opus précédent. La faute en revient à un déroulement assez laborieux de l’enquête, entre dialogues sans relief et allées et venues répétitives au possible entre le domicile de Miller ou la clinique. D’embarrassantes zones de flou sur les relations liant les deux médecins et le déroulement du complot, rendant l’ensemble passablement artificiel.

Plus embarrassant encore, une fois la surprise initiale dissipée, l’astuce de l’amnésie de Frank ne débouche sur rien de bien intéressant, tant il remet vite sur pied, tandis que les indices sur la période concernée surgissent comme à point nommé. La péripétie ne se révèle pas aussi troublante qu’elle devrait le devenir pour assurer la spécificité de l’épisode. Sur ce point l’avantage revient sur ce point aux X-Files, dont l’épisode Demons, dans des circonstances passablement similaires, ne craignait pas de déstabiliser bien davantage Mulder (tout en demeurant pareillement médiocre par ailleurs). On peut également préférer le très réussi John Doe, avec cette fois John Doggett  en protagoniste.

Walkabout contient cependant quelques bonnes idées, comme la première crise opposant Peter et Frank, quoique vite résolue et renforçant en définitive leur amitié, ou l’immersion dans l’étrange société des cobayes professionnels. La dénonciation de l’abus d’antidépresseurs sonne juste, même si elle manque de souffle. On se félicitera également de l’excellent casting du jour, Zeljko Ivanek et Gregory Itzin se montrant admirablement convaincants, comme à l’accoutumée, avec la petite curiosité supplémentaire de découvrir ensemble deux acteurs marquants de 24h Chrono. La folie froide d’Ingram nous vaut aussi quelques scènes bien goûteuses.   l’épisode n’en demeure pas moins mineur, au sein d’une saison particulièrement relevée.
 

    • Le nom de la  drogue expérimentale Proloft est, à dessein, un composé de Prozac et Zoloft.
    • Le Dr Miller est interprété par Zeljko Ivanek, qui fut notamment Roland dans l’épisode du même titre des X-Files. Il participe également à 24h Chrono (Drazen) et Oz (le Gouverneur), de même qu’à de nombreuses autres séries.
    • Gregory Itzin (Ingram) est notamment connu pour avoir incarné le Président Charles Logan, l’un des adversaires les plus coriaces de Jack Bauer (24h Chrono). Il participe à denombreuses autres séries, dont récemment The Mentalist.
    • La citation du jour est I remember the very things I do not wish to; I cannot forget the things I wish to forget., de Cicéron (Je me resouviens de ce que je ne veux pas et je ne puis oublier ce que je voudrais.). Cicéron (106-43 av JC) fut l’un des plus grands orateurs de la république romaine. Ses textes sont considérés comme des chefs d’œuvre de la littérature latine.
    • Sur le bracelet de Frank ont voit que le médecin l’ayant traité se nomme J. Service. Joanne Service est en fait l’une des assistantes de Chris Carter.

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18. LAMENTATION
(LAMENTATION)


Le docteur Ephraim Fabricant, serial killer particulièrement effroyable et d'une intelligence hors normes, a été capturé par le FBI, grâce à Frank Black.  Quelques années plus tard, hospitalisé, Fabricant s'évade avec la complicité d'une mystérieuse infirmière. Le Bureau, en pleine crise,  rappelle Black à Quantico. Son attention se porte sur Lucy Butler, la troublante et vénéneuse épouse du tueur, sans pouvoir prouver ses soupçons.  En fait il se révèle progressivement que celle-ci utilise son conjoint pour atteindre Frank, notamment via sa famille. Après avoir torturé à mort Fabricant (extraction d'un rein sans anesthésie), elle finit par pénétrer dans le domicile des Black, tout en revêtant diverses apparences, y compris démoniaque. Elle assassine Bletcher après que celui-ci soit intervenu à temps pour évacuer Catherine et Jordan, puis disparaît. Bouleversé et impuissant, Frank pressent qu'une indicible puissance vient de lui signifier un avertissement.

Chris Carter prend la plume pour ce qui va sans doute devenir l'opus le plus mémorable de MillenniuM.  Comme sans doute lui seul pouvait l'accomplir, le scénariste va secouer les codes de sa série et achever de précipiter celle-ci dans une nouvelle direction, à l'issue d'un récit de haut vol. Carter, auteur surdoué, va en effet magistralement agencer ce glissement. La situation initiale apparaît trompeusement similaire au quotidien de la série, quoique déjà sublimé par un serial killer particulièrement marquant, auquel Alex Diakun apporte tout son talent. Il parvient à susciter une aura perceptible tout en demeurant cloué sur un lit d'hôpital, une authentique performance. Les scènes à Quantico manifestent une indéniable intensité, tandis que Carter ne laisse pas passer l'occasion de faire se croiser Frank et le duo dynamique  des Affaires Non Classées

Mais l'intrusion de Lucy Butler va tout bouleverser. Le personnage, interprété avec une trouble présence par la subtile et superbe Sarah Jane Redmond, va se révéler absolument fascinant, alternant de multiples facettes. Elle se montre ainsi d'une cruauté folle, durant le supplice de Fabricant, mais sans que jamais Carter ne commette la maladresse de le positionner en victime. Le  face en face clinique de ces deux hautes figures du Mal s'avère aussi vertigineux qu'abominable. Par la suite, melliflue et finement ironique, elle se livre à un patelin et délectable jeu du chat et de la souris avec Frank au cours de confrontations admirablement dialoguées. Le spectateur se sent réellement déstabilisé en découvrant Frank impuissant à découvrir une faille chez son adversaire et demeurer inopérant, tandis que Peter Watts  est lui aussi battu en rase compagne. C'est aussi la toute première fois que Frank se voit ainsi confronté à une femme et l'ensemble se nimbe d'une sexualité aussi diffuse que prégnante. Durant ces scènes finement ciselées, la mise en scène, la photographie  et le décor de son appartement soulignent habilement à quel point Lucy et désaxée, à quel point quelque chose d’indiciblement étrange l’habite.

Ces affrontements, mais aussi les diverges exactions commises par Butler (y compris le recours aux polaroïds)  font sans cesse monter la pression jusqu’à déboucher sur la longue et éprouvante scène de son raid au foyer des Black, véritable épisode dans l’épisode. Jointes  à la toujours si évocatrice musique de Snow, plusieurs moments forts font basculer l’ensemble dans l’horreur et la folie, à l’instar des meilleurs moments du cinéma d’épouvante : découverte du rein de Fabricant dans les aliments du frigo (notre Lucy aura toujours son humour bien à elle), cadre supplicié de Bletcher,  lumière surnaturelle baignant les étranges métamorphoses de la visiteuse du soir, formidable composition de Megan Gallagher, impeccablement mise en valeur par la caméra... Ce sommet  de la série commotionne d’autant plus un spectateur déjà bien éprouvé que le démiurge Carter abat d’un coup d’un seul plusieurs fondements de l’univers de MillenniuM, par la disparition de ce pilier qu’était Bletcher ou de l’ambivalence entre fantastique et policier, définitivement emportée mais plus encore par le viol du sanctuaire familial jusqu’ici représentée par la maison jaune, si fondamental pour Black. L’effet est total, tandis que MillenniuM s’affirme commune série ambitieuse, où tout peut arriver et sollicitant en permanence son public. Comme l’énonce en conclusion Frank à Jordan, seules les montagnes sont immuables.

Par l’irruption du Démon, MillenniuM, qui se situe ici à son zénith, sans aucune leçon à prendre des X-Files, confère une enthousiasmante valeur de symbole au combat de Frank, au sein de la lutte plus vaste opposant le Bien et le Mal. A l’approche de l’heure fatidique, l’on ressent avec plus d’intensité que jamais qu’un affrontement crucial se joue sous nos yeux, au moment où l’Ombre vient indiscutablement de remporter une manche.

    • L’épisode voit l’apparition de la diabolique Lucy Butler (au sens propre), qui va devenir l’ennemie récurrente de Frank. Elle est interprétée par Sarah Jane Redmond, qui incarne également l’adversaire de Mulder et Scully dans Schizogeny, avant de réaliser une apparition dans I Want To Believe. Particulièrement populaire chez les fans de la série, Lucy Butler apparaît en tout dans six épisodes.
    • Alex Diakun (Ephraim Fabricant) a tenu trois rôles différents dans les X-Files, avant de participer au film I Want To Believe, où il joue l'un des deux abominables adversaires de Mulder et Scully.
    • Mort du Lieutenant Bletcher, l’ami  de Frank et son collaborateur au sein de la police de Seattle depuis le commencement de la série. Des rumeurs veulent que son interprète, Bill Smitrovich, et Lance Henriksen ne se soient pas entendus.
    • Mulder et Scully réalisent un caméo dans les escaliers de Quantico. Il s’agit en fait des doublures de David Duchovny et de Gillian Anderson. Scully semble d’ailleurs  un peu trop grande !
    • Lamentation constitue le dernier opus écrit seul par Chris Carter pour MillenniuM, dont il va s’éloigner au cours de la saison 2. Au cours de la saison 3, il composera des scénarios en collaboration avec Spotnitz.
    • La citation du jour est Every man before he dies shall see the Devil. (Avant de mourir, chaque homme verra le diable), un proverbe anglais de 1560.
    • Le décor de l'opération de Fabricant est  celui où le Syndicat mène ses expériences  concernant le Vaccin, notamment sur Marita Covarrubias (X-Files).
    • Lamentation constitue la moitié du premier double épisode de la série, complétée par l’opus suivant.  Powers, Principalities, Thrones and Dominions.
    • Quantico, petite ville de Virginie, abrite l'Académie du FBI, inaugurée en 1972 et référencée dans nombre de films et séries. Le complexe assure la formation des nouveaux Agents (Dana Scully y donnera notamment des cours) et contient les services scientifiques du Bureau, souvent considérés comme sans équivalent dans le monde (informatique, analyses video et photo, différents domaines de la médecine légale, chimie et physique etc.). Parmi ceux-ci, Frank collabore avec le Behaviorial Analysis Unit, consacré au profilage des criminels. Le BAU est par ailleurs le service des héros de la série Criminal Minds. Quantico est aussi le siège de l'Académie du DEA (lutte anti drogue), ainsi que de l'une des plus vastes base de Marines de États-Unis, cernant toute la ville.

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19. LES PRINCIPES DE LA DOMINATION
(POWERS, PRINCIPALITIES, THRONES AND DOMINIONS)


Frank, dévasté par la mort de Bletcher, ne se sent pas prêt à reprendre le travail. Il se résout  cependant à aider Peter quand un crime est commis, relevant du satanisme. L’affaire apparaît déstabilisante, avec un accusé s’accusant du meurtre de Fletcher, des preuves disparaissent sans explication, d’étranges appels déstabilisant le Groupe etc. Un mystérieux jeune homme observe les évènements. L’avocat de l’accusé (qui finit par s’ouvrir la gorge) multiplie les approches, voire les menaces, pour profiter du trouble suscité chez Frank et lui proposer de travailler à ses côtés. Frank perçoit qu’il s’agit d’un être similaire à Lucy Butler, quand celui-ci est abattu par l’inconnu. Ce dernier, sans doute un Ange,  a fait appel à la puiissance céleste, mais signifie à Frank que son combat diverge du sien et qu’il ne peut s’attarder.

Powers, Principalities, Thrones and Dominions  constitue de fait un double épisode avec Lamentation, par la succession quasi immédiate des péripéties mais aussi par un habile diptyque, l’entrée en lice de la partie angélique répondant à celle de la démoniaque. Et pourtant ces deux parties d’un tout s’avèrent tout à différentes. Si la première constituait sans doute l’épisode la plus effrayante de la saison, la seconde en représente l’élément le plus insaisissable et étrange, voire mystique. Derrière une succession d’évènements chocs, la subtile intrigue sait parfaitement nous laisser percevoir (et percevoir seulement à qu’un complot est en cours, mettant en œuvre des puissances  dont nous ne pourrons jamais percevoir que bien partiellement la nature et les objectifs. L’effet se révèle bien plus sensible qu’avec histoire davantage démonstratrice et concrète.

Le spectateur s’identifie pleinement à Frank menaçant d’être submergée mais s’arcboutant sur ses certitudes morales, jusqu’à l’intervention angélique salvatrice. Mais nous nous situons dans le ténébreux univers de MillenniuM et cette survenue s’avère autant ambivalente que modérément optimiste. Audacieusement, il apparaît que le Démon accorde en définitive plus d’importance à Frank et à son combat que l’ange, un renversement assez magistral. Après ce passage fugace, il demeure clair que Frank se retrouve seul pour luter contre l’abîme, seulement aidé par son Don et, pour l’heure, par le Groupe. Plus que jamais, L’avenir s’annonce bien sombre.

Loin des grandes orgues classiques, mais aussi du non sens très britannique des Bons Présages de Neil Gaiman ou de l’épopée décalée et savoureusement country de Supernatural, MillenniuM peaufine ici sa relecture éminemment personnelle de l’Apocalypse judéo-chrétienne, froide et clinique. Quoique désormais franchement propulsée vers le fantastique, la série parvient toujours à profondément enchâsser ce dernier dans le réel, sa marque de fabrique. Le surprenant passage montrant alternativement l’ange foudroyer le Démon e parfaitement explicite à cet égard. assassiner son enveloppe d’un coup de révolver s’avère parfaitement explicite à cet égard. L’ensemble se voit servi par une distribution une nouvelle fois parfaite, tandis que cet avocat diabolique fera agréablement songer les fans d’Angel au Loup, au Bélier et au Cerf !

    • Le titre original fait référence à quatre paliers de la hiérarchie angélique traditionnelle, qui en comporte neuf. Elle a été étable par Denys l’Aréopagite, en 490.
    • La citation du jour est Paranoia is just a kind of awareness, and awareness is just a form of love. de Charles Manson (La paranoïa est une forme de conscience, et la conscience, une forme d’amour ;). Manson (1934) était le chef d’une communauté hippie ayant basculé dans la démence, commettant plusieurs assassinats dans la région de Los Angeles en 1969, dont celui de Sharon Tate. Il se basait sur une interprétation totalement folle des paroles de diverses chansons du White Album des Beatles. Condamné à la perpétuité en 1971, il est toujours incarcéré depuis.
    • Quand Watts discute au téléphone avec Frank, on voit une pendule indiquer 10h13, un clin d’œil à la société de production de Carter, 10-13.

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20. UN MONDE BRISÉ
(BROKEN WORLD)


Un tueur en série particulier sévit au Dakota, puisqu’il ne tue que des juments. Cependant, Frank en déduit qu’il s’agit d’un pervers sexuel, qui finira immanquablement par s’en prendre aux femmes. Il se rend sur place et mène l’enquête avec l’aide du shérif local, initialement sceptique ? et d’une vétérinaire grande amie des chevaux. Le désaxé commence effectivement à tuer  et à mutiler des femmes, reconstituant le processus de démembrement des chevaux tel que pratiqué en boucherie. Frank accumule les déductions psychologiques et matérielles, établissant également un contact téléphonique avec le fou. Il  intercepte le serial killer dans l’abattoir où celui-ci travaille, au moment où il s’apprête à supplicier la vétérinaire. Mais on adversaire finit piétiné par les chevaux.

La sexualité qu’éveille chez les chevaux chez certains esprits est un phénomène avéré,  notamment  évoqué dans la pièce Equus, de Peter Schaffer (dont l’épisode pourrait constituer une adaptation version MillenniuM) ou le célèbre tableau de Füssli (Le Cauchemar) en passant par le tout premier client de Belle/Hannah (Secret Diary). Broken World présente l’intérêt d’habilement surfer ce thème particulier, avec des plans souvent subtilement inquiétants des bêtes, ou au contraire exprimant la beauté des paysages naturels ou l’atmosphère country dans laquelle se déroulent les évènements. Le fait que, cette fois, Frank tente désespérément de prévenir la catastrophe apporte une nouveauté supplémentaire. Il n’en demeure pas moins que le déroulement des diverses péripéties et des déductions de Black autours de la psychologie torturée de son antagoniste en reviennent aux épisodes classiques de serial killer, si fréquents cette saison.

L’essai n’apparaît donc pas comme totalement transformé, d’autant que le récit a recours à quelques poncifs, comme le shérif d’abord sceptique devant les théories passablement déstabilisantes (voire scandaleuses) de Black, une situation bien connue des amateurs des X-Files ! L’ensemble demeure néanmoins solide et de qualité, avec comme points forts les sensibles scènes de complicité entre notre héros et la vétérinaire. L’épisode bénéficie également d’un final absolument dantesque et terrifiant, au sein des carcasses de chevaux de l’abattoir, couronné par le déchainement animal châtiant le criminel.  Broken World aurait sans doute été davantage apprécié si situé plus en amont dans la saison, mais aussi avant les bouleversements apportés par le double opus précédent, avec  un Frank ici au meilleur de sa forme, tout traumatisme oublié. Aussi réussi soit-il, il  ne peut dès lors apparaîre que comme un retour en arrière.

    • La citation du jour est Man is the cruelest animal de Nietzsche (L’homme est l’animal le plus cruel).
    • L’épisode valut à la série une nomination aux Genesis Awards de 1997. Ces prix sont décernés aux œuvres sensibilisant le public  à la cause animale. L’épisode aborde en effet la production du Premarin, médicament hormonal conçu à partir des œstrogènes contenus dans l’urine de jument (PREgnant MARes' urINe). La collecte causerait un grand stress aux animaux. 
    • Durant son écriture, l’épisode s’intitulait Equus, soit cheval en latin.
    • Le shérif local est interprété par John Dennis Johnston, qui devait plus tard  interpréter Pa Benders, dans l’épisode The Benders, de Supernatural.

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21. YAPONCHIK
(MARANATHA)


Un tueur sème la terreur parmi la communauté russe installée aux Etats-Unis Un officier moscovite, Yura Surova, assiste Frank durant cette enquête se déroulant notamment  dans le milieu du marché noir es icônes orthodoxes. Il apparaît que les victimes avaient survécu à Tchernobyl. L’assassin serait un criminel légendaire, Yaponchik, ayant provoqué la catastrophe. Yaponchik, qui dispose de réseaux à l’ambassade russe,   serait l’Antéchrist. Surova, tente de le tuer, mais, fasciné par ses pouvoir, se rallie à lui. Il permet à Yaponchik de s’enfuir, avant d’être convaincu par Frank de retrouver le droit chemin.

Il sera dit que même cette saison aussi hors normes que fut la première de MillenniuM allit comporter son navet. Apporter un codicille orthodoxe au double épisode précédent constituait une excellente idée, car cette approche apparaît finalement très rarement au sein des productions télévisées mais aussi en littérature, la Science-fiction et le Fantastique russes étant longtemps demeurés périphériques durant l’époque soviétique. Utiliser Tchernobyl comme facteur apocalyptique se justifie également, d’autant que le drame était alors encore récent. Malheureusement l’épisode ne tient absolument pas ses promesses, du fait d’un traitement extrêmement poseur et emphatique, au rythme des plus empesés. La subtilité costumière de la série disparait, au profit d’un récit démonstratif et souvent bien naïf. La posture de Yaponchik, tout comme ses dialogues, paraît curieusement antédiluviens, dignes du Fantômas de Souvestre et Allain. Le pire demeure l’accumulation des scènes de meurtres, dépourvues de toute imagination et définitivement coulés par le jeu figé de Levan Uchaneishvili (dans le rôle de Surova, Boris Krutonog sen sort mieux).

 Plusieurs scènes frisant le ridicule, comme la reconstitution fauchée de l’explosion du réacteur ou Black énonçant d’un ton pénétré les âneries pseudo mystiques au tour de tchernobyl. Lui même, tout comme Peter Watts, développe une action toute mécanique. Il en ressort bien vite que cette histoire a été plaquée artificiellement sur l’univers de la série, d’où une impression constante d’artificialité. Le scénario accumule trop d’éléments disparates pour ne pas apparaître boursoufflé. De nombreux éléments demeurent obscurs, sans pour autant parler à l’imagination, à l’inverse d’s Principes de la Domination. Yaponchik, s’avère d’ailleurs considérablement moins troublant que Lucy Butler. L’épisode nous permet cependant d’admirer quelques magnifiques icônes, ces « fenêtres ouvertes sur le royaume de Dieu », comme les désigne joliment le pope. On ne peut cependant s’empêcher d’estimer qu’un épisode des X-Files trait d’une figure du folklore slave (comme Baba Yaga) aurait été plus porteur.

    • Yaponchik (« Petit Japonais ») était en fait le  surnom d’un important dirigeant de la mafia moscovite, Vyacheslav Ivankov, prépondérant durant les années 80 et 90. Il provenait des traits asiatiques de son visage. Ivankov périt assassiné à Moscou, en 2009, criblé de balles à la sortie d’un restaurant.
    • Le nombre satanique 666 est inscrit sur l’hélicoptère de Yaponchik.
    • Maranatha est un terme biblique (Corinthiens) signifiant l’arrivée prochaine du Seigneur, s’opposant aux incrédules.
    • Le titre original de l’épisode était The Second Coming. Les références faites à la seconde venue du Christ correspondent en fait au Livre de l’Apocalypse.
    • Il existe un réel courant croyant que l’accident de Tchernobyl (1986) a été annoncé dans le Livre de l’Apocalypse. L’évènement correspondrait à la sonnerie de la trompette du troisième Ange et à la chute de l’étoile Absinthe, contaminant les eaux. L’absinthe, pante donnant son nom à la fameuse boisson alcoolisée et toxique,  appartient à la famille de l’armoise. Or Tchernobyl signifie armoise en russe, comme décrit dans l’épisode.
    • L’épisode est le seul de la série à s’achever sur un écran devenu blanc, et non noir comme pour les autres.
    • La citation du jour est Behold ye scoffers, For I will work wonders in your days, Which ye will not believe, tirée du Livre de Habacuc, un prophète mineur de l’Ancien Testament (Regardez, car je fais de vos jours une œuvre que vous ne croirez pas).
    • Levan Uchaneishvili (Yaponchik) interprète le serial killer John Mostow dans l’épode Grotesque des X-Files.

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22. LA COLOMBE DE PAPIER
(THE PAPER DOVE)


Frank et sa famille se rendent chez les parents de Catherine, pour quelques jours de vacances. Le père de celle-ci demande à Frank d’intervenir auprès d’un de ses vieux amis. Celui-ci, mourant, refuse de revoir son fils, incarcéré pour avoir atrocement assassiné son épouse. Black rouvre le dossier et découvre que le véritable tueur est un serial killer connu sous le nom d’« Homme des bois ». Celui-ci (Henry Dion), un gigantesque infirmier, tue des femmes pour s’en faire des confidentes silencieuses (avant de les achever il les mutile pour les rendre muettes). Il est en effet écrasé par une mère possessive et volubile. Or, un temps passif, il vient de se réactiver, sous l’impulsion du Polaroïd Man, son mentor. Ce dernier le pousse à enlever Catherine mais Dion est intercepté par Frank avant de pouvoir agir. Le Polaroïd Man enlève alors Catherine lui même, à l’aéroport de Seattle.

Ce final de saison tient toutes ses promesses, en parvenant à remporter plusieurs paris. Le duo de Serial Killers, (toujours par deux ils vont, le Maître et l’Apprenti) apporte une agréable nouveauté, avec plusieurs face à faces  ponctuant toujours à point  nommé le récit. Outre cette vertigineuse rencontre de deux abyssales folies,  l’ensemble démontre une diabolique habileté, la mise en scène laissant planer le doute sur la nature réelle de l’évènement, avec une porte ouverte sur une possible hallucination de Dion. Le traitement diverge également totalement entre nos deux compères. Le Polaroïd Man, silhouette tapie dans l’ombre, conserve en définitive son mystère, sa révélation annoncée présageant un grand évènement pour le lancement de la saison suivante.

A l’inverse, Dion se voit l’objet d’une étude particulièrement approfondie, car l’intrigue, bien davantage que pour n’importe lequel des serial killers rencontrés depuis le début de la série (hormis sans doute le Frenchman) nous fait découvrir l’action vue par ses propres yeux. Il ne représente pas une énigme que Frank va élucider pas à pas devant nous mais l’objet principal du récit, à l’instar de l’épisode Hungry des X-Files. Un procédé terriblement efficace, alors que Dion, géant faussement débonnaire, s’aventure particulièrement loin dans les troubles domaines de la folie, même à l’aune de MillenniuM. Ses divers rituels et sa façon de converser avec les  dépouilles suppliciées de ses victimes, au cœur d’une nuit en forêt, glace véritablement le sang. Les auteurs ont d’ailleurs la grande idée de le rendre authentiquement bienveillant envers autrui quand il vient de soliloquer avec l’un de ses trophées. Le malaise s’avère particulièrement insidieux d’autant que Mike Starr nous délivre une formidable prestation en serial killer intellectuellement limité.

L’intrigue soigne particulièrement ses réflexes, gratifiant chaque second rôle d’une superbe scène d’exposition. C’est notamment le cas de la mère de Dion, totalement démente, ses discussions avec son monstre de fils prenant des allures de pastiche grinçant de soap opera. Audacieusement, le scénario ne se montre pas linéaire, mais fait converger les trajectoires de Frank et Dion, occasionnant ainsi interrogations et indéniable suspense. Frank n’est d’ailleurs pas oublié, subtilement décalé au  sein des retrouvailles familiales, (Henriksen est décidément un acteur extraordinaire). Un dialogue avec les deux Agents de Quantico permet également à Frank de tirer comme un bilan de cette saison et de sa collaboration avec le groupe Millennium, constatant l’avancée des périls. Le cliffhanger de rigueur se montre dévastateur par son immédiateté et sa simplicité, lançant la saison 2 sous les meilleurs auspices, tout en annonçant un mémorable affrontement.

    • Durant la scène d’introduction, Dion écoute la chanson Stranger in the House, de Wayne Kramer.
    • Nous découvrons ici la famille de Catherine, ses parents et sa soeur.
    • Les noms des Agents Emmerich et Devlin sont des clins d’œil à  Roland Emmerich et Dean Devlin, les producteurs de The Visitor. Cette série, rapidement annulée, occupait la case de début de soirée, précédant MillenniuM. Le duo Devlin/Emmerich est bien connu pour ses films de Science-fiction, dont Stargate et independance Day.
    • La citation du jour est And now there is merely silence, silence, silence, saying, All we did not kno., un vers de William Rose Benét (1896-1950), un célèbre poète américain ‘Et maintenant il n’y a plus que le silence, le silence, le silence, pour dire tout ce que l’on ignorait)..
    • Au début de l’épisode, le code pour désactiver l’alarme est 10 13, une nouvelle référence à la société de production de Carter.
    • Le tueur Henry Dion est interprété par Mike Starr, figure populaire des séries et du cinéma américains, dont l’imposante stature lui a valu nombre de rôles de gangsters ou de personnages violents (Les Affranchis, Miller’s Crossing…).
    • Les circonstances de l’assassinat de Marie France Dion s’inspirent d’un fait réel. Le serial killer Edmund Kemper finit par tuer sa mère violente  et autoritaire en 1973, exactement de la même manière. Après avoir décapité son cadavre, Kemper (2m10 de haut, 145 de QI) se servit de la tête de sa mère pour jouer aux fléchettes.  Il avait dès 15 ans exécuté ses grands parents maternels, après avoir torturé divers animaux et, notamment, enterré vivant son chat. Il tua en tout huit jeunes auto stoppeuses, les étranglant puis conservant leurs têtes en souvenir (un thème proche de celui des cadavres de l’épisode). Condamné à la perpétuité en 1978, son étude a permis de mieux comprendre le fonctionnement des serial killers.
    • Henry Dion est joué par l’imposant Mike Starr, spécialiste des rôles de tueurs aucinéma et à la télévision (Les Affranchis, Miller’s Crossing…)
    • On découvre enfin le preneur des photos de la famille de Frank (The Polaroïd Man), mentor de Dion. Après qu’il ait enlevé Catherine, son affrontement avec Frank, cette fois direct,  inaugurera la saison 2.
    • Ici incarné par Paul Raskin, le diabolique Polaroïd Man apparaîtra dans le pilote de la saison 2 sous les traits de Doug Hutchison (Eugène Tooms dans les X-Files).

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Crédits photo: MGM.

Images capturées par Estuaire44.