Saison 2
1. Le Début et la Fin - 2e partie (The Beginning and the End - Part 2) 2. Attention, chien méchant (Beware of the Dog) 3. Génome en péril (Sense and Antisense) 5. Un simple brin d’herbe (A Single Blade of Grass) 6. La Malédiction de Frank Black (The Curse of Frank Black) 7. Apocalypse 19, verset 19 (19:19) 8. La Main de Saint-Sébastien (The Hand of Saint Sebastian) 9. Le Jugement dernier (Jose Chung’s Doomsday Defense) 13. La Chambre du mystère (The Mikado) 14. Les Aliénés du diable (The Pest House) 15-16. Les Chouettes - 1re partie (Owls - Part 1) / Les Coqs - 2e partie (Roosters - Part 2) 18. Un enfant en Arcadie (In Arcadia Ego) 20. L’Apprentissage de l'ordinaire (A Room with No View) Cette saison marque un important virage vis à vis de la précédente. Chris Carter, accaparé par les X-Files (tournage de Fight the Future, migration de Vancouver à Los Angeles), doit s'éloigner d'une série dont il confie l'écriture et la production au surdoué duo Morgan & Wong. Comme ils l'ont toujours pratiqué sur les X-Files, ceux-ci vont fonctionner en autonomie. De plus ils arrivent avec leur propre conception de MillenniuM, incorporant davantage de complotisme, d'effroi millénariste et d'ésotérisme biblique, voire introduisant une dose d'humour. Ils peuvent d'autant plus facilement imposer cette vision qu'elle rejoint celle du diffuseur, la Fox souhaitant améliorer l'audience de la série. Jugées rebutantes, les histoires de serial killer deviennent nettement moins présentes, au profit de la découverte des arcanes mystiques d'un Groupe Millennium davantage hostile, à la mythologie soudainement développée. D'association policière et d'expertise, il devient une entité dont l'histoire occulte se confond avec celle de l'Humanité, confrontée à une Fin du Monde annoncée de longue date. Le parcours de Frank Black, mais aussi de Peter Watts, devient bien davantage initiatique, une évolution soulignée par l'entrée en scène de nouveaux personnages (le Patriarche du Groupe, Lara Means, l'Elder). La divergence antagoniste entre les deux amis, concernant la nature et les buts ultimes du Groupe Millenium, va connaître de stimulants développements. On peut estimer à bon droit que la série perd de sa spécificité et de sa quintessence, mais le talent toujours aussi vif du duo suscite plusieurs épisodes aux scénarios d'une indéniable qualité (quelques ratages aussi). Pari risqué, les épisodes décalés et comiques atteignent leur but, Glen Morgan parvenant à convaincre son frère, le brillantissime et très déjanté Darin (Humbug, Clyde Bruckman's Final Repose, Jose Chung's From Outer Space etc.) d'écrire pour MillenniuM, où son humour noir et subtil fait merveille. La mise en scène maintient son haut standard de qualité, de même que les partitions toujours inspirées de Mark Snow. On observe un recours plus fréquent aux superbes panoramas naturels canadiens, contribuant à une ambiance moins sinistre. Du fait d'une tonalité moins morbide et de la qualité d'ensemble, un succès critique est au rendez-vous, de même qu'un regain de l'audience, certes seulement relatif. Le public n'adhère en effet que modérément à une mythologie immédiatement complexe et protéiforme (pour ne pas dire floue), imposant une forme quasi feuilletonnante et difficile à suivre. Néanmoins Chris Carter demeurera vivement contrarié par le détournement opéré du projet initial de la série et de on atmosphère si particulière et extrême, au point de se refuser à écrire le moindre scénario pour cette saison. Effectivement de moraliste et civilisationnelle (et réaliste), l'Apocalypse devient bien davantage effective et relevant du Fantastique pur, teinté de religion. La famille de Frank passe par ailleurs au second plan. Lance Henriksen se montrera également opposé à l'évolution de Frank, moins central dans le récit du fait de l'émergence de Peter et Lara Means. Quoique toujours porteur des valeurs humanistes, il paraît également bien plus en proie au doute qu'auparavant, tandis que l'aspect mystique de son Don s'accentue. Aussi le retour de Carter et Spotnitz entraînera de nouveaux changements lors de la troisième période, tandis que le duo Morgan & Wong, également déçu par une audience moindre qu'espérée, se retirera complètement de la série. 1. LE DÉBUT ET LA FIN Malgré la traque rapidement organisée par Frank, aidé par Peter et le Groupe, le Polaroïd Man parvient à s’enfuir avec Catherine. Peter révèle alors qu’un combat plus large oppose le Groupe au dément criminel et à ce qu’il représente. Il lu offre alors de devenir un membre à part entière de l’organisation, tout en renforçant son accès informatique aux bases de donnée secrètes du Groupe, dont celle concernant le Polaroïd Man. Celui-ci torture psychologiquement Catherine, notamment en utilisant une poupée pour lui faire croire qu’il assassiné Jordan. Simultanément, il utilise des clichés comme indices, afin de tracer un subtil chemin conduisant Frank jusqu’à lui. Découvrant sa femme effondrée, Frank est saisi d’une rage homicide et aveugle et exécute le Polaroïd Man. Il assure ainsi la victoire ultime que ce dernier avait préùédité, car ayant laissant libre cours à la part la plus sombre de sa personnalité. Horrifiée par ce spectacle, Catherine décide de se séparer temporairement de lui, le temps que Frank parvienne à récupérer le fragment d’humanité qu’il a perdu. Black quitte alors la Maison Jaune et sa famille. The Beginning and the End apparaît comme un grand épisode inabouti, subissant de plein fouet le virage initié avec brusquerie par MillenniuM. Ce qui aurait du constituer un aboutissement, un sommet devient un épisode de transition entre deux visions très différentes de la série. Comme dans chaque intrigue de ce type, la mise en place de l’univers vient dévorer l’espace consacré à l’histoire du jour. Ce la aurait pu demeurer acceptable lors d’un affrontement opposant Frank à un quelconque serial killer, mais l’on traite ici de son duel avec le Polaroïd Man, le fantomatique mais néanmoins omniprésent grand adversaire de la première saison, d’où un amoindrissement particulièrement dommageable, au profit d’éléments exogènes de plus souvent malheureux. L’intervention des deux Geeks rigolards, en rupture totale avec la jusqu’ici admirable noirceur sans concession aucune de la série, tombe au plus mauvais moment imaginable, au cœur d’un drame dont ils viennent inutilement rompre l’intensité dramatique. De plus Roedecker et ses puériles simagrées ne suscitent pas non plus une irrépressible hilarité, tout ceci demeure bien pataud, loin de la pétillante fantaisie d’un Ringo Langley, l’évident mais inégalable modèle. Toute la mystérieuse et si peu substantielle relation entre le Polaroïd Man et le Groupe est également jetée à va vite on assiste en fait à un détournement de ce personnage au profit de l’instauration à marche forcée d’un conspirationnisme encore peu convaincant. Même présentée comme temporaire, la séparation entre Catherine et Frank se ressent avec incrédulité, tant elle semble soudaine, abrupte et d’une justification dont le ton pompeux tente en vain de dissimuler la faible crédibilité Qui peut imaginer qu’à peine de retour, Catherine impose à Jordan le départ de son père ?. Encore une fois les nouveaux tenanciers, ici directement à l’écriture, y vont à la truelle pour imposer rapidement leurs vues et l’éloignement de la cellule familiale permettant placer le focus sur l’évolution personnelle et initiatique à venir de Frank. Cette hâte transparaissant à s’emparer des commandes de MillenniuM apparaît quelque peu déplacée. Et pourtant, malgré ces malencontreuses digressions, l’affrontement entre l’esprit diabolique et Frank, certes essentiellement indirect, va susciter de précieuses étincelles. Le long quasi plan séquence montrant l’évacuation de l’aéroport par le ravisseur et sa victime, mis en scène avec un parfait tempo grâce au talent de Wright, se montre remarquable par l’opposition entre la ruse implacable du Polaroïd Man et la mobilisation de l’intelligence et du Don de Black, ainsi que de la police et du Groupe Millennium lui même. Obtenu de haute lutte, l’échec de cette formidable coalition ne s’en ressent qu’avec davantage de force encore. Le choix de Doug Hutchison s’avère évidemment parfait, l’acteur exprimant avec la conviction qu’on lui connaît l’insondable mystère que représente son personnage et sa dimension mystique, supérieure aux usuels tueurs en série. On lui doit les scènes les plus remarquables de l’opus, quand il décrit avec une sombre passion le processus malaisé par lequel Black retrouvera sa trace où lors des abominables tourments psychologiques qu’il inflige à Catherine. Le tout prend place au sein d’un de ces décors empreints de la folie de leur propriétaire dont les artistes de MillenniuM ont le secret, cette ancienne maison de Frank aux murs désormais recouverts des clichés subtilement pervers du nouveau maître des lieux. L mise en scène comporte d’autres excellentes idées, comme l’impressionnante révélation de l’approche de la Comète du Millennium où l’ultime souffle du dément criminel pris en photo par son propre appareil (génial et terrifiant Hutchinson, une ultime fois). Aussi intense et brutale soit-elle ion aurait apprécié que la confrontation directe des deux adversaires bénéficie de davantage de dialogue et de dramaturgie, mais le temps manque, hélas, conférant un aspect trop mécanique à cette scène clé. N’en demeure pas moins l’idée forte et pénétrante d’un Black ayant perdu le combat sur le plan moral, car cédant à sa pulsion de meurtre. Déchu, il fait preuve d’un doute nouveau et d’une fêlure s’avérant cette fois prometteurs. Néanmoins, peut-être aurait-il mieux valu que l’épisode soit écrit par Carter et Spotniz, achevant la vision et le parcours impulsés par la première saison, avant de passer à autre chose on aurait ainsi évité évitant ainsi une contorsion globalement dommageable.
2. ATTENTION, CHIEN MÉCHANT Alors que Catherine et Frank envisagent de vendre la Maison Jaune, Peter demande à ce dernier d’intervenir dans une petite agglomération rurale, où un couple a apparemment été victime d’une attaque de chiens errants. D’abord sceptique sur l’utilité de son intervention, Black découvre une ville où règne un vraie terreur vis-à-vis de ces chiens surgissant la nuit tombée. Ils ont toujours été là mais semblent déchainés depuis peu. Frank fait également la connaissance de Michael Beebe, un homme aisé venu s’installer récemment, en quête de calme. Après avoir lui même échappé à une attaque de la meute, Frank remonte le fil jusqu’à un mystérieux ermite vivant dans la forêt et semblant maitriser les chiens. L’individu s’avère constituer le dirigeant secret du Groupe, vivant auprès de pierres remontant aux origines ancestrales de l’organisation. Il révèle à Frank la nature mystique du Groupe Millennium, puis le soumet à une épreuve en le confrontant aux chiens surnaturels. Ceux-ci sont en fait en guerre contre la maison de Beebe, construite sur un lieu sacrilège. Frank et le Vieil Homme lui sauve la vie en brulant sa demeure. Renrté chez lui, Frank décide de ne pas vendre la maison. Beware of the Dog souffre d’un trop grand éclatement en trois segments aux tonalités tout à fait différentes sinon antagonistes, ne fonctionnant que fort modérément de concert. Malgré leurs indéniables qualités intrinsèques, il en résulte une impression de patchwork manquant de cohérence et de profondeur. La partie la plus convaincante demeure sans la première, gravitant autour de la meute infernale, avec un ton évoquant d’ailleurs volontiers les X-Files. En effet, alors que le Fantastique demeurait rare et sous-jacent en première saison (hormis la séquence Butler), on y verse ici pleinement et sans retenue. Hélas l’auteur l’évacue trop prestement, pour propulser le voyage sinaïtique de Frank parmi les reliques du passé du Groupe et sa rencontre avec le Vieil Homme, dont tout ce qui précède ne constitue en définitive que le prétexte. L’évènement suscite des sentiments mêlés. En effet R. G. Amstrong apporte une vitalité et une malice assez irrésistibles à un Patriarche doté d’un indéniable charisme (au point de d’altérer l’aura même de Black). Ses considérations philosophico-mystiques ne manquent pas de souffle, de même que la soudaine ordalie imposée à Frank apporte un fort moment de suspense, mais tout ceci demeure imprécis et parcellaire. Souligner, via la Vieil homme, que cet aspect reste bien supérieur à la lutte précédente contre les serials killers semble maladroit et assez déplacé. Un troisième composant vient encore se rajouter à cet ensemble déjà disparate, avec la prestaion totalement hors sujet de Randy Stone. On lui accordera un plaisant cabotinage dans le rôle de Beebie, en soi divertissante caricature de bourgeois bohême vaguement efféminé. . Beebe, plus divertissant que les Geeks de l’épisode précédent, aurait sans doute fait merveille dans un soap humoristique à la Friends, mais ici il ne fait que dénaturer l’atmosphère par ses interventions intempestives. L’humour demeure difficilement soluble dans MillenniuM. Quand à l’histoire de sa maison bâtie sur un lieu sacrilège il s’agit tout de même d’un poncif usé jusque à la corde pour permettre de trouver une porte de sortie au problème posé par la meute. On ne va pas jusqu’à nous raconter que la demeure s’étend sur un cimetière indien, mais c’est tout comme !
3. GÉNOME EN PÉRIL
Un homme, le « patient zéro », apparemment atteint d’une grave maladie, est soigné en urgence à l’hôpital de Seattle. Grâce à la complicité d’un chauffeur de taxi avec lequel il a sympathisé, il parvient cependant à s’enfuir quand deux hommes se présentant comme policiers viennent se saisir de lui. Les autorités font appel à Frank, qui retrouve rapidement le patient zéro, avec l’aide de Geibelhouse. Or les prétendus experts sanitaires se volatilisent avec le mystérieux patient, qui semble exempt de tout virus. Interloqué, Frank fait appel au Groupe, qui décide de l’aide même si Peter est furieux d’avoir été initialement mis à l’écart. Avec l’aide du chauffeur du taxi (qui sera assassiné) les deux hommes mettent à jour une officine qui, sous couvert de la recherche du Génome Humain, exploite l’ADN pour mettre au point un conditionnement des individus. Des sans domiciles fixes sont utilisés lors d’expériences aux conséquences dramatiques. Il s’avère alors que le patient zéro n’était autre que chef du projet, sans doute victime d’un accident. Redevenu lui même, il nie tout en bloc. Dépourvu de preuves, Frank doit renoncer, tandis que le Groupe se déclare impuissant. Lors du premier temps de l’épisode, on apprécie vivement un certain retour aux fondamentaux de MillenniuM (avec un Henriksen buvant visiblement du petit lait). On retrouve notamment la figure sympathique de l’Inspecteur Geibelhouse, toujours joué avec pittoresque par Stephen J. Lang, et une enquête somme toute classique, basée sur les subtils talents de Profiler de Frank. L’ensemble fonctionne fort agréablement, d’autant que le décor urbain de Seattle (enfin, de Vancouver), admirablement filmé pour en faire rejaillir l’aspect sinistre et anxiogène, apporte une variété bienvenue avec la forêt précédente. Cependant sourdent déjà des différences, comme l’absence totale de recours au Don (envers lequel Morgan & Wong demeurent dubitatifs) ou l’absence de Catherine comme point d’appui de Frank, renforçant son désarroi. On achève de basculer dans un autre domaine que celui de la première saison, lors de la soudaine extension du récit, complotasse et paranoïaque. De fait on retrouve clairement une tonalité proche des X-Files, y compris dans certains effets, comme la capacité des adversaires à se fondre soudainement dans le néant (la disparition d’un service entier sera reprise dans En ami) ou l’inévitable assassinat de la source de Frank. Outre que l’on puisse regretter une perte de spécifié de MillenniuM, ce choix s’avère aventureux, car obligeant à une comparaison directe. Or ceci ne tourne pas à l’avantage de l’épisode car l’enquête de Frank et Peter souffre de nombreux défauts, dont des enchainements trop accélérés (l’étiquette absurdement révélatrice, le chauffeur de taxi miraculeux etc.) ou un ton moralisateur virant vite au déclamatoire empesé. Trop d’éléments démurent nébuleux pour ne vas dangereusement approximer les facilités scénaristiques. Cette virtualité globale entrave l’installation d’une véritable intensité dramatique, alors que la direction d’acteurs virent à l’occasion dans le caricatural. Ce gâchis attriste véritablement car le scénario ne manquait pas d’atouts. La pirouette scénaristique de la véritable identité du patient zéro se montre efficace et joliment amenée. Surtout la relation entre Peter et Frank (toujours aussi excellemment interprétés) reste captivante, tandis que s’exprime toujours davantage la volonté d’emprise d’un Groupe désormais intrusif. Plusieurs concepts anxiogènes s’entremêlent, comme les appels téléphoniques anonymes reçus par Frank ou le recours à la légende urbaine des camions ou ambulances mystérieux. L’emploi du Projet du Génome Humain comme vecteur apocalyptique était judicieux et prometteur dans l’optique des grandes frayeurs suscitées par l’an 2000, d’autant que les deux évènements convergent dans le temps. L’épisode prend ailleurs le temps, d’expliciter ce concept (on remarqua au passage que Peter semble étonnamment versé dans le domaine de l’ADN et que le Groupe abandonne bien facilement cette affaire). Hélas, brassant autant de thèmes divers (jusqu’au génocide du Rwanda !) , l’opus semble représenter un patchwork trop ambitieux, oubliant en cours de route de développer une enquête tenant la distance.
Watts envoie Frank dans une petite ville où plusieurs enfants ont fait l’objet de maltraitance. La responsable de la garderie est superette, alors que la tension monte dans la population. Soudain un enfant est retrouvé mort dans cet établissement, ce qui provoque une vague d’hystérie, exploitée par un procureur en cours der réélection. Il fait pression sur Frank pour que celui confirme la culpabilité de la femme, mais celui-ci s’y refuse, suspectant une terrible vérité : la coupable n’est autre qu’une petite fille, Danielle, aux insoignables pulsions sadiques. Black reçoit soutient de la psychologue Lara Means. Les deux enquêteurs se lient d’amitié et découvrent avec stupeurs qu’ils ont tout deux été envoyés par le Groupe. De plus Lara possède elle aussi un Don, lui permettant de percevoir des Anges annonciateurs de désastres. Alors qu’une meurtrissure de Jordan à la mâchoire fait suspecter Frank de maltraitance, Danielle fait croire que celui-ci l’a agressée. Frank est alors arrêté, mais reçoit le soutien de Catherine, alertée par Peter. Lara parvient à convaincre la mère de Danielle de révéler qu’elle sait que Danielle s’est elle même blessée. Frank est libéré, tandis que Danielle est confiée aux experts du Groupe Millennium. L’épisode vaut en premier lieu pour la découverte du formidable personnage de Lara Means, grâce à laquelle cette deuxième saison va réellement débuter et trouver un axe narratif fort. Kristen Cloke, totalement immergée dans le rôle, lui apporte la sensibilité qu’on lui connaît et s’accorde instannément avec Lance Henriksen. Si ses visions angéliques s’avèrent remarquablement amenées, à la fois merveilleuses et horrifiques, Morgan & Wong (ici directement à l’écriture), ne commettent pas l’erreur de se limiter à cet effet. Bien au contraire, en quels scènes ils parviennent à dresser le l’attachant portrait tourmentée par une terreur secrète et à l’angoisse d’une catastrophe à venir, mais néanmoins solide et arquée sur des principes moraux inflexibles. Après la traditionnelle prise de contact électrique, on apprécie de la découvrir rivaliser avec Frank en matière de déduction, tandis que leurs scènes communes se montrent aussi virtuoses qu’intenses. C’est notamment le cas lorsque Lara, épouvantée mais digne, évoque la multiplication croissante des manifestations d’Anges témoins de drames ou quand les deux partenaires constatent à quel point le Groupe n’hésite pas à les manipuler. Lara a aussi pour elle de constituer une création originale de la présente saison et donc de ne pas pâtir des contradictions inhérentes au changement de cap de la série. De manière d’autant plus appréciable que MillenniuM s’aventure désormais pleinement dans le Fantastique, Morgan & Wong veillent à ne pas se cantonner dans une stérile redite des X-Files : le duo Frank/Lara s’avère d’emblée en tous points différents de Mulder et Scully. Ces derniers divergent en bien des points, jusqu’à se montrer antagonistes dans leur approche de leur travail, avec notamment la fameuse opposition entre croyant et scepticisme. Bien au contraire, Frank et Lara se révèlent absolument semblables : méthodes de travail, position similaire d’experts au service du Groupe, partage de la même défiance envers les véritables desseins de l’organisation, partage de la même appréhension face à la montée des périls ou encore possession d‘un Don psychique. Que Frank perçoive le démon et Lara les Anges ne change rien, tant ceux-ci se montrent terrifiants par ce qu’ils se contentent d’annoncer (pas d’ange gardien en trench-coat dans le secteur). Cette posture sera brillantent exploitée par la suite de la saison, voyant Lara néanmoins réagir différemment aux révélations survenant. Lara Means va devenir le miroir obscur nous révélant ce qu’aurait pu devenir Black, jusqu’à ce qu’elle finisse par sombrer dans la folie. L’enquête du jour, autrement plus solidement charpentée que lors de l’opus précédent, se révèle également captivante. Entre dénonciation de l’obscurcissement de l’esprit provoqué par la peur et l’hystérie de groupe et cette description glaçante d’un enfant démoniaque, l’amateur de La Quatrième Dimension pourra y discerner un plaisant alliage des Monstres de Maple Street et de C’est une belle vie. Portée par l’envoutante musique de Snow, la révélation de l’horreur s’effectue avec un savant dégradé, tandis que la jonction de l’affaire avec le quiproquo autour de Jordan apporte un retournement de situation efficace. Outre le plaisir de trouver nombre de visages connus des X-Files, l’interprétation se montre de grande qualité, avec notamment un remarquable Robert Wisden dans le rôle d’un procureur intelligent, mais davantage soucieux de politique que de justice. La petite Lauren Diewold (Danielle). On regrettera quelques petites maladresses, comme la vision un brin caricaturale de l’enfant se repaissant des images horribles de la conclusion de La Mouche, ou le poncif de la coupable se frappant elle même pour discréditer son accusateur. Morgan & Wong y avaient d’ailleurs déjà eu recours pour Eugène Tooms face à Mulder ! Cette séquence nous apporte cependant l’une des plus mémorables composant de Lance Henriksen, quand Frank confesse tout l’amour qu’il porte à Jordan.
5. UN SIMPLE BRIN D’HERBE A New York, un chantier immobilier jouxte des fouilles archéologiques d’un cimetière indien. L’archéologue Liz Michaels découvre un cadavre récemment enterré, marqué par des symboles mortuaires. Appelé en renfort par le NYPD, Frank fait rapidement équipe avec Liz. Grâce à son Don et aux connaissances de celle-ci, ils déterminent qu’un groupe d’ouvriers indiens du chantier, originaires de différentes tribus, s’est lancé dans une quête aussi spirituelle que mortelle. D’une manière quelque peu similaire au Groupe, Ils pensent que la fin du monde approche et envoie des émissaires dans le monde des esprits, pour que leurs ancêtres leur indiquent comment rebâtir un paradis terrestre. Pour cela ils font ingérer de force du venin de serpent à sonnettes aux victimes, puis attendent en vain leur résurrection. Fasciné par le pouvoir de divination de Frank ainsi que par diverses coïncidences, ils jugent qu’il est le véritable élu, puis l’enlèvent et lui font subit le rituel. Grâce aux déductions de Liz, ils sont arrêtés par la police avant que Frank ne soit tué, mais celui-ci a le temps de percevoir des fragments du monde spirituel, indiquant que ses ravisseurs ont fait totalement fausse route. MillenniuM sacrifie ici au marronnier de l’épisode amérindien, à l’instar de la plupart des séries fantastique ou de Science-fiction (Buffy contre les Vampires, X-Files, Stargate SG-1 etc.). Le politiquement correct agit sans doute, mais la principale raison en demeure certainement la formidable richesse et la poésie caractérisant les mythes issus de ce shamanisme, notamment le fascinant concept du monde spirituel, image du notre. Avec une évidente et communicative sincérité, l’épisode entreprend de considérer l’Apocalypse telle que perçue par une autre culture, tout en rendant hommage à ce merveilleux folklore. Cela nous permet de découvrir de nombreux superbes objets d’art, à l’étrange beauté exotique, tandis une véritable atmosphère se met en place, également grâce aux tonalités américaines prises par la toujours sublime musique de Mark Snow. Les artistes de la série créent un nouvel endroit abominablement sinistre, avec ce sous-sol sordide où se déroulent les exécutions, agrémenté de peintures rituelles. Par contraste la splendeur et mysticisme des visions du monde spirituel en sortent renforcés. Par ailleurs le parallèle établi entre les menées du groupe et celles des indiens, ainsi qu’entre le Don de Frank et le shamanisme apparaît bien pensé. Malheureusement le scénario commet la même erreur que celui de Sense and Antisense : brasser trop de thèmes divers (la mythologie se substituant à sa version contemporaine des légendes urbaines), jusqu’à en oublier de développer une véritable intrigue d’enquête. Un temps bien trop considérable est accordé aux commentaires et explications de Liz, certes intrinsèquement intéressants en soi, mais dont l’accumulation finit par virer au quasi documentaire, hors sujet ici. On finit malheureusement par saturer, d’autant que l’action principale se limite durant ce temps à un vaste surplace, paraissant pour le moins verbeux. Du coup, pour conclure le récit, les auteurs se voient contraints à des accélérations passablement artificielles, comme un recours pour le coup massif au Don de Black ou à de soudaines et miraculeuses déductions de Liz, dignes de Sherlock Holmes. Les inserts représentant New York sont également calqués de manière assez artificielle. Isoler également à ce point Frank de son environnement et surtout des liens forts tissés avec les personnages récurrents de MillenniuM constituait un pari aventureux. De fait l’on ressent effectivement comme un manque tout au long de l’historie, même si l’entent formée avec Liz demeure sympathique. D’autre part, si Amy Steel (Ginny Field dans le deuxième Vendredi 13) s’avère excellente dans ce rôle, il faut bien avouant que les jeunes indiens développent un jeu pour le moins minimaliste. On note également plusieurs maladresses comme le portrait extrêmement caricatural du promoteur immobilier ou la course des bions décrédibilisant les adversaires du jour et les transmuant en pitoyables idiots. Une ironie inutile, à l’instar du passage se voulant humoristique du médecin légiste décalé, qui suscite surtout une violente nostalgie de Dana Scully.
6. LA MALÉDICTION DE FRANK BLACK Frank accompagne Jordan durant la soirée d’Halloween. En chemin, il remarque divers éléments étranges, comme des manifestations silencieuses de démons, ou les nombres 26:8 apparaissant écrits sur de multiples supports. Après qu’il ait raccompagné sa fille, sa voiture tombe en panne.. Débute alors une errance tout au long de la nuit, durant laquelle les faits les plus curieux ne cessent de survenir. Sous leur influence, Frank se remémore divers moments de son passé : comment il a rencontré un homme étrange durant son enfance, égalent lors d’Halloween, mais aussi comment son Don est apparu, à l’adolescence. Passant par la Maison jaune, où un groupe de jeunes l’évoque tel un légende urbaine, il croit un instant que le fantôme de Bletcher va lui apparaître. Rentré chez lu , Frank comprend que les chiffres font référence à une citation d es Actes des Apôtres, affirmant la réalité de la résurrection. Le fantôme de l’homme jadis rencontré se manifeste alors. Il révèle à Black que son action au sein du Groupe MillenniuM irrite celui dont le triomphe prochain serait inévitable et lui conseille d’y mettre un terme. Malgré cette nuit effrayante, Frank poursuit nénamoins son combat. Nombreuses sont les séries télévisées, en particulier les fantastiques, a avoir abondé Halloween. Le résultat obtenu s’avère le plus souvent d’excellente facture, tant le sujet s’avère inépuisable et autorisant de multiples approches différentes. Mais rares sont les épisode a avoir abordé avec autant de talent et d’expressivité la double nature de cette fête, relevant à la fois du merveilleux et de l’horrifique. Le mérite en revient en premier lieu à la mise en scène et la photographie, sachant exprimer avec un art authentique le caractère unique de cette nuit, ou les deux plans, naturel et surnaturel, se juxtaposent. Effets lumineux, plans savamment distordus, emploi pertinent du noir et blanc, apparitions diverses, choix ambitieux de longs plans séquences silencieux, musique subtilement connotée de Snow, tout concoure à créer une atmosphère fascinante d’étrangeté et de mystère. Le décor d’une banlieue américaine tranquille devient un étrange et envoutant entre-deux mondes. Ce travail a compagne harmonieusement ce périple sinaïtique de Frank, avec une nouvelle dualité, cette fois entre passé et avenir. Lance Henriksen se révèle une nouvelle fois parfait, dans cet opus où il démure pratiquement seul en scène. De précieuses informations nous ont ainsi révélées sur son passé et la les premiers pâs du parcours devant le conduire à devenir le plus grand profiler du FBI. Cet épisode hors normes, chef d’œuvre visuel, se conclue en point d’orgue avec la visite du fantôme des Halloweens du passé. Le thème relevant davantage de Noël depuis Dickens, mais s’il existe une série capable habiller la Nativité aux couleurs de la Fête des Morts, c’est bien MillenniuM. Dean Winters (Ryan O’Reilly dans Oz) réalise également une formidable composition, hissant cette apparition au dessus des clichés traditionnels du genre, par l’humanité qu’il parvient à exprimer tout en délivrant le message du Démon (toujours ce thème si troublant de la dualité contradictoire). Jamais Black n’aura été aussi tourmenté et en proie en doute, alors qu’il est concomitamment élevé au rang de mythe urbain par les jeunes. A la vision du passé, mêlant nostalgie et effroi, succède une vision, cette fois univoque, de l’avenir, car toute en épouvante. Mais si la présente du Démon s’avère prégnante comme jamais, Black nous signifie avec une émouvante et silencieux éloquence que l’espoir perdure, lors de la formidable scène finale. Il ne renoncera pas à combattre le Futur. Avec The Curse of Frank Black, à al fois virtuose exercice de style et pénétrant portrait de Franck Black, cette saison 2 achève de basculer dans le Fantastique pur et d’installer la perspective d’une Apocalypse biblique, mais cette fois sans susciter aucune nostalgie pour la première époque de la série, tant la réussite de l’opus s’avère éclatante. Le goût prononcé de Morgan & Wong pour l’expérimentation ambitieuse et le développement de voies originales au sein d’un ensemble trouve ici l’une de ses concrétisations majeures.
7. APOCALYPSE 19, VERSET 19 Matthew Prine se gorge d'informations télévisuelles, jusqu'à y percevoir une mécanique conduisant inexorablement à l'apocalypse nucléaire d'une troisième guerre mondiale. Également obsédé par le Livre des Révélations, il est persuadé que le Sauveur de l'Humanité se trouve parmi les élèves d'une école voisine, mais que celui-ci court un grave péril. Il enlève alors les enfants et les enterre vivants dans un container, pour les mettre à l'abri, attendant un signe divin signifiant la fin de l'alarme. Cayse, le shérif local, est le père d'une kidnappée, la petite Jessica. Désespéré, il fait appel au Groupe Millennium. Frank, assisté par Peter, trace le portrait psychologique de Prine et le fait rapidement capturer. Néanmoins celui-ci refuse d'avouer où se trouvent les enfants. Tandis que l'oxygène commence ce à manquer, Jessica se révèle une leader née et entretient héroïquement le courage de ses camarades. Frank fait appel à Lara Means. Son étude du comportement de Prine, outre divers éléments matériels, permet de déterminer que les élèves sont ensevelis dans une ancienne carrière; Conduit sur place, Prine refusent encore d'indiquer où ils se trouvent. Annoncée de longue date par les météorologues, survient une gigantesque tornade, dans laquelle Prine reconnaît le signe qu'il espérait. Il s'anéantit en se jetant dans le cyclone, qui extrait le container du sol, en sauvant in extremis les enfants. Plus tard, Frank apprend que la tornade a détruit l'école et aurait qu'elle tué les enfants sans l'intervention de Prine. Le grand mérite de 19:19 consiste à opérer une parfaite fusion entre les thématiques des deux premières saisons de MillenniuM. Contrairement à des épisodes comme Sense and Antisense et A Single Blade of Grass (ou encore malheureusement le désastre de l'opus prochain), un équilibre pertinent est trouvé entre l'aspect enquête et celui du Fantastique au sens large. Avec un pétulant plaisir on retrouve Black en majesté, retrouvant ses postures de jadis et délivrant une pénétrant profil psychologique, on plus d'un serial killer mais d'un illuminé mystique. L'ensemble, solidement charpenté et au suspense croissant, se suit avec un vif intérêt, d'autant que les apports distincts de Frank , Peter et Laura s'intègre dans un tout cohérent et écrit avec un vrai sens du rythme. Certes l'on notera qu'en première saison Frank n'aurait en aucune manière nécessité l'intervention de Lara et que celle-ci se livre à une révélation assez peu subtile, le mouvement inconscient des mains de Prine quand on évoque les enfants paraissant assez téléphoné. Mais l'on assiste néanmoins avec plaisir au développement de, l'amitié et de la synergie s'instaurant entre Frank et Lara, sous l'oeil attentif de Peter Watts. Un joli coup de griffe empreint de paranoïa est d'ailleurs derechef décoché au Groupe, avec sa propension à suivre les achats de l'ensemble de la population. Big Brother is watching you. Les auteurs ne négligent pas l'aspect humain, avec le déchirant portrait du Shérif, père tourmenté par l'angoisse et sans cesse au bord de la rupture (remarquable Steve Rankin). L’ésotérisme inhérent à l'intrigue suscite également des passages très forts ou étrangement incongrus, tels le ravisseur se joignant à la prière de ses victimes ou l'apparition providentielle des enfants, comme jaillissant de la terre nourricière. Sans devenir envahissants, les effets spéciaux (le feu nucléaire, la tornade) s'avèrent remarquables pour l'époque. Le portrait de Prine se montre aussi complexe que fascinant, du Data Zombie cher aux Cyberpunks au mystique le plus exalté. Christian Hoff apporte une étonnante présence à son personnage, notamment lors des confrontations l'opposant à Black et Lara. Le personnage fait réellement froid dans le dos par son ambivalence abyssale, simultanément convaincu d'oeuvrer pour le Bien et totalement indifférent au sort des enfants en cas d'absence de signe divin, car alors plus rien n'aura d'importance. En contraste le lumineux portrait de la vaillante et charismatique Jessica ressort particulièrement émouvant. De plus son histoire, entre tempête à venir et enfant unique espoir de l'Humanité revêt des accents à la Terminator propres à séduire l'amateur. La très jeune Colleen Rennison (Ally/Cassandra dans Stargate SG-1) crève absolument l'écran. La thématique apocalyptique, empruntant une voie judéo-chrétienne bien connue, peut dès lors judicieusement se permettre de ne pas occasionner de trop longs commentaires, dévorant l'espace narratif imparti à l'enquête. Idéale conclusion à ce si astucieux scénario, le twist final, totalement déstabilisant et amené avec une brillante concision, s'avère d'un rare impact, comme issu de La Quatrième Dimension elle même !
8. LA MAIN DE SAINT-SÉBASTIEN Peter demande de l’aide à Frank, pour une affaire que le Groupe lui a pourtant conseillé d’abandonner. Le de Dr Schlossburg, un grand érudit versé dans les mystères médiévaux, a été assassiné à Brême. Les deux hommes partent en Allemagne pour enquêter et y reçoivent l’assitance un autre membre du Groupe ayant déjà collaboré avec Frank, le Dr Cheryl Andrews. Peter révèle que Schlossburg aurait retrouvé la trace de la dépouille d’un chevaler membre du groupe, remontant à l’époque précédant l’avènement du premier millenium. Celle-ci contiendrait la Main de Saint Sébastien, une relique ayant permis à l’organisation de vaincre les fléaux de cette époque reculée. Après une enquête mouvementée, où l’on tente à diverses reprises de les assassiner, les deux hommes établissent que c’est Andrews qui trame ce complot, désireuse que ces secrets ne soient pas révélés. Elle est arrêtée par la police allemande. Une fois découverte, la Main se révèle porteuse de divers tatouages mystérieux, dont Peter envisage la traduction. Frank pense lui que le chevalier a emporté ces connaissances dans la tombe. Bien plus similaire à un mauvais épisode la déjà médiocre Sydney Fox l’Aventurière qu’à un Indiana Jones, La Main de Saint Sébastien demeure à juste tire l’un des épisodes les plus contestés parmi les fans de MillenniuM. Le récit n’a plus rien à voir avec la série telle qu’on la connait et apprécie, optant pour une vague casse au trésor, ponctuée de scènes d’action guère tonitruantes et un fatras ésotérique réellement épuisant, ne semblant guère convaincre un Lance Henriksen singulièrement plus absent qu’à l’accoutumée (il est vrai qu’il souffre alors de problèmes de santé). Morgan & Wong oublient toute subtilité dans ce basculement narratif, avec plusieurs maladresses étonnantes vendant de la part d’auteurs aussi talentueux et chevronnés. Introduire sans réelle utilité Chereyl Andrews revient évidemment à la désigner d’entrée comme la coupable, d’autant qu’aucune fausse piste n’est élaborée pour enrichir le récit (CCH Pounders est par contre toujours formidable). Par ailleurs, quand on en vient à s’approximer à une série historique, la question du manque de moyens devient incontournables. De ce fait les scènes médiévales deviennent vraiment toc, aux limites du risible. Repeindre le groupe en secte ésotérique le rend beaucoup plus quelconque que la création originale et ambigüe de la première saison, puisque que l’on renoue un thème maintes fois exploité dans la littérature populaire ou fantastique. Le scénario se définit comme très mécanique, tout en trahisons et rebondissements faciles, mais dépourvu tout la profonde désespérance morale précédente, comme une bande dessinée dépourvu d’imagination. Le premier degré et l’emphase de tout ce fatras confirment une déperdition, non seulement sur fond de la série, mais aussi sur sa forme. Parallèlement Roedecker continue à nous irriter par la lourdeur pachydermique de son humour et l’inspecteur Betzdorf ne s’extirpe pas de clichés convenus, malgré la sympathie suscitée par l’acteur allemand Gottfried John (le général Ourumov dans Goldeneye). On ressent d’autant plus intensément l’étendue du gâchis qu’il s’agit pour une fois d’un épisode plutôt centré sur le complexe Peter Watts, une occurrence attendue depuis longtemps.
9. LE JUGEMENT DERNIER
Quelques temps après s’être intéressé à un service particulièrement inclassable du FBI, l’écrivain Jose Chung écrit un nouveau roman. Celui-ci s’intéresse aux différents cultes fleurissant à l’approche du Millennium. Il interroge ainsi un disciple de la Selfosophie, en rupture de ban certes relative. Chung a d’ailleurs connu dans a jeunesse le fondateur de ce mouvement, Goopta. Le disciple est retrouvé mort électrocuté par l’engin servant à la Selfosophie à « éduquer » ses ouailles, ce qui entraîne l’intervention de la police de Seattle et du Groupe. Malgré des caractères très opposés Frank et Jose finissant par sympathiser au fil de leurs confrontations, malgré la vive méfiance de Peter envers toute publicité non désirée pour le Groupe. Jose promet de ne pas évoquer celui-ci dans on ouvrage. Il va mener de pair avec Frank une enquête hors normes, où s’entrecroisent un Selfosophe particulièrement extrême et ulcéré pour le travail de l’écrivain, mais aussi un tueur fanatique de Nostradamus, ivre de vengeance après que sa petite ami l’ait quitté. Frank parvient à intercepter le Selfologue mais l’autre individu a le temps d’assassiner Chung avant d’être arrêté. Le livre de José, Doomsday Defense, terminé à temps, est néanmoins publié et il évoque bien entendu de manière caustique un certain Blank ! L’introduction pour le moins originale que constitue la biographie déjantée de Goopta narrée par Chung, confirme d’entrée que Darin Morgan, génie hors normes, n’a aucunement l’intention de se fondre dans le moule de MillenniuM. Tant mieux ! Son imagination survoltée, bien plus ambitieuse qu’il n’y paraît au premier abord, va valoir l’un de ses plus inoubliables opus à cette deuxième saison. Et, incidemment, prouver que l’humour peut fonctionner même au sein d’une série aussi sombre que MillenniuM, pour peu que l’on s’en donne vraiment les moyens, sans se contenter de greffes aussi sommaires que malhabiles. Ce succès va se bâtir sur l’assemblage dynamique de trois éléments distincts, au sein d’un ensemble sans doute davantage coordonné que lors de l’éminemment lysergique Jose Chung’s From Outer Space. Il s’agit tout d’abord de la drôlerie irrésistible de nombreuses scènes. Darin Morgan explose littéralement les conventions de la série, pour accumuler les scènes de pure comédie. Il multiplie ainsi les digressions examinant les résolutions possibles de l’énigme, au gré de l’inventivité en roue libre des commentateurs. Effet garanti, la palme revenant sans doute à la vision d’un Frank devenu un espèce de Mike Hammer vulgaire et satisfait, au pouvoir miraculeux. Du grand n’importe quoi, massivement jouissif. Evidemment il en ressort que l’enquête n’en est plus vraiment une, se résumant à une succession de situations aberrantes et à une résolution en forme de pure charade, mais l’épisode a bien entendu raison de jouer à fond la carte de l’épisode décalé. Il s’agit quasiment du seul présent dans MillenniuM (Darin refrappera cette saison), il serait dommage de ne pas en profiter ! Le récit abrite également quelques pépites de pur absurde, comme, cette scène voyant Jose écrire sur Black, qui écrit sur le Selphosophe fou, qui écrit sur Jose. On se régale. On assiste en outre à quelques clins d’œil à From Outer Space, comme la scène finale voyant Frank lire le bouquin de Chung le concernant, de manière absolument similaire à Scully. Mais il se contente de le poser un peu vivement sur sa table de chevet, au lieu de le projeter, ce qui est fort bien vu ! Le second atout de l’opus reste sa valeur d’impliable pamphlet contre la Scientologie, sous une apparence de comédie, dans la grande tradition du genre. l’ensemble des divers aspects de l’association des joyeux héritiers du débonnaire (et auteur de Science –fiction tellement sous doué) Lafayette Ron Hubbard : fatras de la doctrine, vénalité de la démarche, assise hollywoodienne et californienne; rôle de socle joué par l’œuvre du Maître, maîtrise des moyens modernes de communication et du juridisme américain, mais aussi capacité à bâtir sur le long terme. Certes les Scientologues se voient décrits comme de désopilants débiles légers, en particulier le fanatique ultime suscitant une succession de gags énormes par son recours gaguesque à la « Pensée Positive » (tout va très bien Madame la Marquise, à la puissance 10). Mais la vue d’ensemble de cette implacable mécanique de conquête fait froid dans le dos, d’autant que l’épisode assimile clairement la Scientologie à la mouvance sectaire. Les amateurs des X-Files se régaleront des apparitions de Dave Duchovny (hélas seulement via des affiches) en caricature de comédien porte parole de la Scientologie. Une manière d’ironiser sur les rumeurs perpétuelles courant sur son compte (il agira de même bien plus tard, dans l’irrésistible Californication). Au total une charge bien plus terrible que nombre de postures moralisatrices ou offusquées. Le ridicule tue à coup sûr. Mais, l’inouï Jose Chung’s Doomsday Defense atteint toute sa dimension et son audace en développant, davantage en sous main, une seconde mordante satire, cette fois contre MillenniuM elle même, jugée clairement prétentieuse comparée aux X-Files. Darin Morgan n’a au grand jamais adhéré au ton funèbre et crépusculaire de la série, parfois même morbide. Il va profiter que Wong et son frère Glen lui ait laissé carté blanche (également concernant la tonique mise en s cène) pour dresser ce qui s’assimile bien à procès, certes feutré, de la série. De manière tout à fait inédite, il faut bien constater que la grande majorité des piquantes et superbement dialoguées confrontations opposant Frank et Jose tournent à l’avantage de ce dernier, d’autant que l’abattage insensé de Charles Nelson Reilly répond toujours autant à l’appel. C’est bien Chung qui résout en premier l’affaire, grâce à son bon sens dégonflant une idole comme Nostradamus. On devine aisément que le joyeux et volontiers caustique Chung devient le porte parole de Darin, quand celui-ci fustige l’aspect sombre et prêcheur du Groupe et jusqu’à Frank lui même. Soyons clairs, à côté du flamboyant Jose Chung, Frank ressemble à un éteignoir, dont le côté sentencieux fait plus que jouxter l’ennui. Il se voit caricaturé dans ses attitudes et son penchant à tout perdre tragiquement au sérieux. Il en va de même de Giebelhouse, devenu parodie du policier télévisé de base ou Peter lui même, entre paranoïa et fascination pour Nostradamus. Même le tueur est grotesque. Un passage au vitriol certes quelque peu diffus, mais néanmoins présent de bout en bout. Même la mort sacrilège de Jose Chung semble souligner l’aspiration viscérale de MillenniuM au tragique. Jose Chung’s Doomsday Defense compte bien parmi les chefs d’œuvre iconoclastes de Darin Morgan.
10. GOODBYE, CHARLIE Le bon Dr Kiley prodigue généreusement une mort rapide et sans souffrances aux personnes en stade terminal d’une maladie, au moyen d’une injection massive de penthotal. Il pousse l’amabilité jusqu’à accompagner le passage d’une chanson apaisante. Evidemment ses amis sont bâillonnés et ligotés, peut-être pour parer à une malencontreuse pulsion les faisant s’accrocher à la vie. La jouissance physique qu’il éprouve quand il exerce le pouvoir du choix entre la vie et la mort n’entre évidemment pour rien dans son action. Mais tel n’est pas forcément l’avis du groupe Millennium, qui, perplexe, envoie sur ces traces Frank et Lara. Frank, aidé par les intuitions de Lara et l’aide du solide inspecteur Giebelhouse, trace progressivement le profil psychologique de ce tueur en série original, totalement indifférent au sexe des victimes et se persuadant d’agir pour leur bien. Arrêté, Kiley se révèle lui même mourant d’une leucémie. Il est libéré pour manque de preuves matérielles, mais Frank et Lara interviennent à temps pour empêcher le grand projet de Kiley, le suicide assisté de tout un groupe de volontaires. Contrairement à ses promesses, il ne s’était par contre pas joint à eux et s’est échappé ! Après plusieurs opus hors normes et une introduction très réussie par son incongruité horrifique, on en revient à une narration plus classique, avec cet épisode solidement charpenté, retrouvant plusieurs accents de la première saison. Le récit se suit tout du long avec un vif intérêt, grâce à une intrigue solide, où les éléments matériels, souvent astucieux, se mêlent habilement aux déductions psychologiques. Le scénario rend d’ailleurs un bel hommage à Giebelhouse, certes moins surdoué que ses deux acolytes (dans tous les sens du terme), mais dont le professionnalisme et l’efficacité policière compte pour beaucoup dans le succès. Il apparait bien comme un précieux personnage secondaire pour MillenniuM. L’élément le plus fascinant de la traque demeure néanmoins, comme au bon vieux temps, l’abyssal profil psychologique de ce tueur en série, dans lequel Frank nous entraine étape par étape. Même dans un créneau plus balisé que durant les récents opus, Henriksen demeure d’ailleurs absolument fascinant. Parallèlement à l’enquête. On apprécie également vivement les dialogues entre Frank et Lara, s’autant que celle-ci fait preuve d’un humour cynique et parfois vachard envers son chéquier et ami. L’absence de Peter renforce leur proximité. Divertissant, mais aussi émouvant quand on sait qu’l s’agit d’une carapace dont elle se sert pour dissimuler son désarroi intérieur. Le scénario délivre également quelques retournements de situation réussis, avec ces liens en définitive volontaires ou le refus final de Kiley de s’appliquer sa propre doctrine. Les décorateurs de la série se montrent toujours aussi inspirés dans leurs créations, comme ce sinistre hôpital désaffecté où Kiley s’approvisionne en penthotal contenu dans d’antiques bouteilles en verre et où il conserve en reliques les corps décomposés de ses premières victimes. Le tueur lui même se montre captivant par son ambivalence. Tucker Smallwood se montre parfait et d’une ébouriffante conviction. C’est notamment le cas lorsque la folie de son personnage devient patente et que, derrière le discours, émerge le délire mégalomaniaque de se ressentir comme la Mort en personne. On luit doit plusieurs scènes brillantes, estampillées MillenniuM, comme sa fureur aussi ardente que sincère devant le cadavre d’un malade n’ayant pas bénéficié de son intervention, ou le dialogue passablement original de son interrogatoire par Frank et Lara, se basant notamment ur le dossier médical de Bobby Darin, mort à 38 ans du fait de graves problèmes cardiaques. Goodbye, Charlie ressort comme un épisode convaincant à défaut de sortir tout à fait des sentiers battus de la série et toute saison nécessite de tels opus pour pouvoir tenir une distance atteignant plus de 20 jalons. On suit un peu moins quand les auteurs utilisent le cas de Kiley lors d’une interrogation sur l’euthanasie. Quand le médecin se livre à un vrai lavage de cerveau pour en convaincre son patient, les termes du débat deviennent faussés.
11. LA NUIT DU SIÈCLE La veille de Noël, tandis que Frank recherche désespérément un cadeau pour Jordan, il reçoit un message de son père, Henry Black. Il n’y donne pas suite pensant que sa mère, qui avait le même Don que lui, est morte du refus d’Henry de l’admettre dans leur vie. Par la suite, alors qu’il se remémore le passé, un Ange énigmatique se manifeste à lui, évoquant le mystère de Noël. Le Don se manifeste alors avec force chez Jordan, qui perçoit sa grand-mère défunte. Celle-ci l’aide à dessiner l’un de ces Anges dont elle raffolait jadis. Après en avoir discuté avec Lara, Frank se rend chez son père. Une longue conversation0, d’abord malaisée, permet aux deux hommes de se redécouvrir, Frank s’apercevant en fait qu’Henry a toujours aimé et soutenu son épouse mais que le Don a dévoré celle-ci, lui rendant insupportable le monde réel et l’incitant à rejoindre les Anges. Depuis Henry attend : il a conservé l’Ange en porcelaine qu’il avait offert à sa femme pour le Noël 1946, juste avant son départ. Elle lui a promis qu’à travers lui elle lui enverrait un Signe annonçant qu’il pourrait enfin la rejoindre. Mais il le donne à Frank comme cadeau pour Jordan, estimant que la réconciliation avec son fils représentait le véritable Signe. Plus tard, Frank et Jordan perçoivent l’âme d’henry entrer sereinement dans l’Au-delà. Episode fascinant et fort singulier que Midnight of the Century, Noël apportant un remarquable pendant à Halloween. The Curse of Frank Black, voyage similaire au sein de l’histoire personnelle de Black, se centrait sur ce dernier, alors qu’ici se voit abordé l’ensemble de l’univers de la série. Dans cet émouvant conte de Noël, mâtiné de mort et d’angoisse (on reste dans MillenniuM), il s’avère passionnant de voir l’ensemble des personnages de la série faire comme un pause aux abords de la Nuit du Siècle et révéler leur réalité profonde. Plusieurs scènes se révèlent particulièrement intenses, comme celle voyant Peter délaissant la mondanité de sa traditionnelle réception de Noël, où il invite à l’évidence d’éminents membres du Groupe, pour prendre à part ses deux prodiges et amis, Lara et Frank, lors une discussion nettement plus intime. Le toujours impressionnant Terry O’Quinn (à l’instar de l’ensemble de la magnifique distribution) apporte une vraie humanité à ce moment particulier où Peter tombe le masque pour évoquer son amour pour sa famille et son tourment personnel face à la tempête qui s’annonce. Il en va de même pour les confessions de Catherine ou de Lara, dont l’empathie avec Black fait encore une fois merveille. Chacun révèle ses failles secrètes mais aussi ses espérances, brossant un portrait d’ensemble d’une rare humanité. On apprécie vivement de voir les auteurs profiter de moment à part pour approfondir la personnalité des formidables figures marquantes de MillenniuM, sans jamais céder à la mièvrerie. Si l’on n’atteint pas tout à fait le raffinement et la stylisation de The Curse of Frank Black concernant Halloween, l’atmosphère de Noël se voit également parfaitement reconstituée par des décors superbes et très évocateurs, parfois prenant vie à travers les visions de Black. Tout l’épisode se montre splendide visuellement et bénéficie également d’une bande son parfaitement choisie, abordant avec goût les rivages de la musique dite classique. L’incontournable visite de l’Ange demeure aussi énigmatique et ambivalente que lors de Powers, Principalities, Thrones and Dominions la saison précédente. Moins effrayant que lors des flamboyantes visions de Lara, les Anges tels que perçus par Frank demeurent néanmoins distants et ne manifestant guère d’empathie (on peut évoquer une certaine suffisance). Il n’y a toujours aucun secours providentiel à attendre de ce coté ! MillenniuM tient là une vraie spécifié, guère encourageante. Mais le cœur de l’épisode se situe bien entendu dans l’odyssée personnelle de Frank, abordant la tragédie intime vécu par sa mère, que son Don a dépossédé de sa vie, jusqu’à se réfugier dans la mort pour échapper à ces visions. On remarque qu’avec une infinie pudeur le terme de suicide n’est jamais employé. Les conséquences dévastatrices du drame sur les rapports du père et du fils sont évoqués avec une rare éloquence et c n’est pas le moindre des miracles de Noël que de découvrir la lumière de la réconciliation jaillir au cœur de cette si sombre nuit. Tout le long dialogue entre Frank et Henry se montre d’une rare intensité, la rencontre de deux comédiens aussi exceptionnels et à la personnalité si marquée que sont Henriksen et McGavin se révèle à la hauteur des attentes. Un très beau moment, il ne faut jamais désespérer de l’Humanité, semble nous souffler MillenniuM, au moment où la montée des périls s affirme toujours plus prononcée. Le seul véritable espoir pour celle-ci réside bien dans sa faculté à surmonter ses propres démons. A travers le portrait toujours captivant de Frank Black, la série s’affirme comme un véritable manifeste humaniste, particulièrement affirmé le temps d’une Nuit de Noel.
Catherine présente les Glaser à Frank. Leur fils Alex, un brillant étudiant promis à un grand avenir, a disparu lors d'un voyage en Alaska, où les secours ont désormais renoncé. Il sont cependant certains qu'il est encore vie, perdu quelque part dans la forêt. Frank accepte de s'occuper de cette affaire, mais se heurte à alors au Groupe. En effet se situe au beau milieu d'un premier examen par les dirigeants de l'organisation. Ils doivent décider s'il a désormais surmonté la pulsion homicide survenue face au Polaroïd Man, afin d'accéder au cercle intérieur. Son départ tombe donc à un très mauvais moment, pour une cause jugée perdue. Frank passe outre, malgré les mises en garde de Peter, très irrité. Arrivé sur place, il constate que le jeune homme a abandonné toutes ses possessions, pour aller vivre en ermite au coeur de la forêt. Malgré le scepticisme du shérif local et les divers obstacles que le Groupe ne cesse de lui occasionner, Frank se met en route dans la nature sauvage. Il est guidé par des visions d'une aurore boréale, dont il apprendra plus tard qu'elle est due à une conjonction planétaire reliée au Millénium. Catherine perd tout contact avec lui et, paniquée, intervient auprès de Watts. Celui-ci lui révèle malicieusement que le Groupe a mis en place toute une expédition de secours, qu'il part diriger sur place. Frank découvre Alex, grièvement blessé. A bout de forces, il entreprend de le ramener vers la civilisation, jusqu'à rencontrer Peter, venu à la rescousse. Guéri, Alex reprend néanmoins son errance. Plus tard, le Groupe apprend à Frank qu'il a réussi sa véritable épreuve. A priori rien de plus simpliste que le récit du jour, pour l'essentiel une exotique mission de sauvetage pour Frank, très linéaire dans son déroulement. On se situe évidemment fort loin des enquêtes complexes et de la subtile reconstitution du puzzle éclaté de la psyché des serial killers. On note également que le versant ésotérique et astrologique de l'histoire manque de substance et de profondeur, demeurant bien moins substantielle que ses équivalents antérieurs. Et pourtant cette bouffée d'air pur va apporter une originalité bienvenue à MillenniuM. Tout d'abord on prend plaisir à découvrir Frank en homme d'action vaillant et déterminé, ce qui nous change pour le moins de l'homme miné par la désagrégation de sa famille et ses doutes envers son action au sein du groupe. Cette évolution rejoignant celle de Catherine nettement plus à son avantage que sur l'ensemble de la série et davantage en empathie avec son mari. Les différents seconds rôles se voient également forts bien écrits, avec un amusant emploi des divers stéréotypes circulant en Amérique du Nord sur les rudes Alaskains, déjà popularisés à l'époque de la série de Roger Moore. Le pays du Klondyke et de Sarah Palin. A cet égard le casting de Brion James, grand spécialiste des rôles antipathiques, en tant que Shérif borné et ultra redneck fait réellement merveille ! Se détache également l’époustouflante splendeur des paysages naturels du nord canadien. Forets, montagnes et lacs composent un décor à la fois envoutant et pur, comme une promesse d’un nouvel Eden pour une renaissance de l’Humanité. Le contraste avec l’environnement habituellement sinistre et urbain de MillenniuM s’avère une nouvelle fois bien vu. Si l’épisode ne bénéficie évidemment pas de la force de frappe cinématographique de l’inouï Into the Wild. il reconstitue néanmoins avec souffle toute la fascination induite par le voyage à la fois intérieur et au long cours de Chris McCandless, ainsi que la beauté terrible, sauvage et innocente de la Nature. Aussi limpide soit-elle l’intrigue n’en exprime pas moins une savoureuse ambigüité sur l’action menée par le Groupe. Elle demeure en effet ambigüe sur le fait de savoir si celle-ci a été ourdie dès le départ où s’est progressivement adaptée à l’obstination de Frank, et donc en définitive sur la moralité de l’organisation elle même. L’épisode apparait également comme prophétique, l’une des interrogations majeures suscitées par la saison trois résidant sur le choix qu’opérera en définitive Peter Watts entre son amitié pour Frank et son allégeance envers le Groupe Millennium.
13. LA CHAMBRE DU MYSTÈRE Un site internet, nommé La Chambre du Mystère, montre une jeune femme attachée à une chaise, devant un mur sur lequel est affiché un numéro. Quand le nombre de vues égale celui-ci, elle est égorgée par un individu masqué, puis le site disparaît totalement. Divers indices contenus dans les numéros et dans des lettres envoyées à la police par le tueur indiquent que celui-ci n’est autre que l’insaisissable et surdoué Avatar, que Frank a déjà affronté en vain quand il travaillait au Bureau. Il s’est réactivé après des années de sommeil, visiblement excité les nouvelles technologies des réseaux. Aidé par Roedecker et les considérables mayens informatiques du Groupe, Frank débute une enquête difficile. De plus son Don n’agit pas sur ce qui véhicule par la Toile. Un duel où chacun tend des pièges retors l’oppose à Avatar. Il le mène à un théâtre désaffecté de San-Francisco, reconnaissable par l’indice des affiches du Mikado, où se trouve la Chambre du Mystère. Le dément semble alors menacer Black d’une arme. Mais avant de riposter ce dernier comprend qu’ils ‘agit d’une captive du tueur, grimée à son image. Le dernier traquenard d’Avatar a échoué mais il parvient à s’enfuir. Frank prévoit un nouveau réveil dans les prochaines années. L’épisode souffre beaucoup aujourd’hui de ce qui constituait sans doute son atout maître en 1999 : son immersion particulièrement prononcée dans le nouvel univers des Autoroutes de l’Information, comme on disait jadis. Cet aspect technologique apparaît clairement comme sa justification première et le cœur du travail mené par les auteurs, or il s’agit d’un domaine où l’obsolescence se montre des plus rapides et redoutables. Le côté désuet des divers hardwares et softwares présentés ne constitue cependant pas le plus dommageable (cela suscite même un aspect documentaire parfois distrayant). On subit particulièrement le sérieux et le premier degré avec lequel sont énoncés tous les lieux communs de l’époque concernant l’Internet, prononcés sur un ton vaguement apocalyptique, alors même que tout cela, avec les bons comme les mauvais côtés, est désormais intégralement passé dans notre quotidien. Ce vaste catalogue, réalisé avec sérieux, paraît également bien appliqué, finissant parfois par appesantir le récit par la trop grande importance donnée à a la mise en scène des potentialités des réseaux. A son échelle, The Mikado pâtit de la même ironie que l’ensemble de la littérature Cyberpunk, captivante dans les années 80, quand elle prophétisait l’avènement du Cyberespace, puis dépossédée de son objet même, quand la véracité de ses prédictions s’est vue confirmée. Dans cet environnement Roedecker trouve enfin autre chose à exprimer que son humour puéril mal dégrossi, mais l’on se situe tout de même toujours à des encablures du Ringo des Bandits Solitaires. Ayant sans doute fait le tour du sujet, les auteurs ne le feront d’ailleurs plus apparaître ultérieurement. La deuxième saison continue à s’améliorer et à évacuer plusieurs des erreurs accomplies lors du virage initial trop brutal impulsé par Morgan & Wong. L’épisode trouve un second souffle dans son évocation éloquente et, hélas, convaincante, de l’aime moral constitué par le voyeurisme malsain du public. Quelque soit la modernité des technologies employées, en remontant jusqu’aux jeux du Cirque, celui-ci reste toujours d’une triste actualité, atteignant jusqu’à Peter et Frank, à leur corps défendant. L’aspect à la fois Grand-Guignol et très stylisé de la Chambre transforme effectivement la Mort en un spectacle abdominale, dans un effet particulièrement troublant. Au-delà de l’horreur absolue de ses mises en scènes, comptant sans doutes parmi les tueries les plus éprouvantes de la série, Avatar se montre également un fascinant adversaire. Son côté ludique dévoyé et mégalomane, quasi à la Diabolical Marstermind (version MillenniuM, c'est-à-dire qu’un Prendergast représente un aimable convive) apporte comme un arrière goût des bondissants duels des Sixties à sa confrontation au long cours avec Frank Black. Un aspect de culture populaire encore souligné par le terme ou l’esthétique de la Chambre du Mystère, que ne démentirait pas Gaston Leroux, où son affublement si semblable à celui des conjurés de Cigares du Pharaon. Evidemment, selon la loi d’airain du genre, il s’échappe à la fin, tandis que Frank envisage déjà un duel futur. Un aspect original, qui vaut à Avatar de demeurer particulièrement apprécié chez les amateurs de la série. On lui doit également quelques forts moments de suspense forts, à l’impeccable mise en scène, comme l’investissement de la caravane piégée par la police, Frank explorant le théâtre désert, accompagné par grand air du Mikado ou le remarquable twist final.
14. LES ALIÉNÉS DU DIABLE Plusieurs meurtres particulièrement abominables se déroulent aux alentours d'un hôpital psychiatrique abritant des maniaques homicides particulièrement dangereux. Les massacres successifs imitent le modus operandi de plusieurs d'entre eux, mais ces personnes sont toujours sons écrou au moment des faits. Aidé par Peter, Frank enquête au sein de l'hôpital. Il se heurte cependant à l'hostilité du Dr Stoller, adepte d'un approche positive de la folie et d'une seconde chance offerte aux malades . Elle accepte mal la la suspicion envers ses patients, comme envers ses travaux. Il s'avère que l'un de ses collaborateurs, Edward, a le pouvoir de s'emparer des rêves hallucinés des déments. Il a d'abord tenté de s'en servir comme d'une thérapie, mais ce sont ces pulsions qui se sot emparées de lui, l'amenant à reproduire les meurtres imaginés par les psychopathes. Ces derniers, amputés d'une partie de leur personnalité, deviennent encore plus instables qu'avant. Edward est désormais devenu dépendant de cette vampirisation psychique. Découvert, il tente d'abattre Frank et Stoller. Mais il est à son tour tué par l'un des malades qu'il a traité, heureux de pourvoir commettre un meurtre utile. The Pest House, ou quand MillenniuM rencontre Wes Craven. Les auteurs, admirablement secondés par la percutante mise en scène d'Allen Coulter, ont en effet l'excellente idée de constituer les meurtres scandant le récit en tableaux vivants (provisoirement) reconstituant différents thèmes classiques des Slasher Movies et autres légendes urbaines. L'effet Scream joue à plein, alors que les deux premiers opus de la saga viennent de connaître un grand succès en 1996 et 1997 (l'épisode est diffusé en février 1998). Si l'inspiration apparaît manifeste, l'épisode ne se contente pas d'y surfer et mène cette opération avec le plus grand soin et un vrai raffinement de détails, ce qui lui apporte un revigorant humour noir. L'inévitable entrée en lice de l'emblématique Hook Man survient lors d'une mémorable scène introductive, là encore bien dans l'esprit Scream, bien avant que Supernatural ne se penche à nouveau sur le sujet en 2005. Les autres scènes du même acabit se montrent également remarquables, d'autant que l'on goûte sans réserve la subtile inversion des Griffes de la Nuit que constitue l'astucieux scénario. Au lieu d'être immergées dans le plan onirique, les victimes voient fondre sur elles l'essence même des cauchemars, au sein du monde réel. Un bel exercice de style, où le talent d'écriture de Morgan & Wong fait merveille. Le récit ne limite d'ailleurs pas à ce chapelet d'horreurs particulièrement suggestif et se prolonge efficacement au sein de l'hôpital. Les différentes démences rencontrées nous vaut également plusieurs moments forts, filmés avec une crédibilité aussi étonnante qu'effrayante, sans fioritures inutiles. Le tout s'insère avec harmonie au sein d'un décor au sordide judicieux, loin du gothique exacerbé d'un Arkham Asylum. Coulter exploite avec une optimale efficacité les diverses potentialités de l'endroit et de ses longs couloirs, afin de susciter une ambiance des plus inquiétantes, notamment lors de l'affrontement final en huis clos, parfaitement anxiogène. On en peut que regretter l'absence perpétuelle de Kim Manners au sein de MillenniuM, mais Allen Coulter s'impose ici comme étant bien davantage qu'un remplaçant honorable. Deux bémols viennent cependant atténuer la réussite de cette balade réussie au sein du film d'épouvante moderne. Tout d'abord, afin de prolonger quelque peu artificiellement l'action et la ronde des tueries, Frank se montre sensiblement moins performant qu'à l'accoutumée. Il demeure embarrassant que le public ait depuis longtemps compris de quoi il en retournait, alors que le héros, pourtant à son affaire demeure aussi longtemps à la traîne. De plus, conformément u plan initial, le Dr. Stoller se résume elle même aux clichés propres à ce type de personnage. Cela présente le mérite de la cohérence mais limite de manière réellement frustrante la remarquable prestation de Melinda McGraw, cantonnée à un registre loin de la subtilité évanescente de Melissa Scully. De ce fait la rencontre avec Lance Henriksen ne tient pas tout à fait ses promesses, ce sentiment aurait sans doute été atténué avec une actrice moins attendue. Toutefois The Pest House bénéfice de l'apport de nombreux excellents comédiens pour ses seconds rôles. C'est notamment le cas pour Louis Ferreira, absolument parfait dans l'expression de la double, sinon multiple, personnalité d'Edward.
15-16. LES CHOUETTES/LES COQS Un fragment supposé de la Vraie Croix est retrouvé par le groupe, puis dérobé, ce qui exacerbe le conflit entre eux factions de l’organisation, les Chouettes (mystiques, dont relève Peter Watts) et les Coqs (scientifiques). Pour mettre fin aux suspicions, Peter demande à Frank et Lara d’enquêter sur le vol. L’enquête révèle des pratiques sinistres du groupe, amenant Frank à prendre du recul. La crise attient un paroxysme au sein du Groupe, dont Lara est exclue par Peter, qui la suspecte de travailler en secret pour les Coqs. Celle-ci réapparaît en compagnie du Vieil Homme, qui révèle à Frank l’existence d’une société secrète nazie, Odessa, ennemie de longue date du Groupe Millennium. C’est elle qui a dérobé l’artefact, puis qui assassine le Vieil Homme, obligeant le Groupe à faire font commun contre l’adversaire. Peter monte en puissance dans le Groupe et se réconcilie avec ses deux amis, tandis que l’Elder remplace le patriarche défunt. Odessa est exterminée par un commando punitif dirigé par Peter. Le fragment de la Vieille Croix est conservé par le nouveau dirigeant du Groupe. Ce double épisode mythologique se situe dans la droite line de la direction déjà dessinée par La Main de St-Sébastien. Autant dire que l’on regarde d’un œil aussi distant qu’incrédule cette histoire tortueuse, charriant bon nombre de poncifs et d’effets faciles autour du thème des sociétés secrètes mystiques. On se situe malheureusement plus près de l’extrêmement médiocre Da Vinci Code que du flamboyant chef d’œuvre du genre, Le Pendule de Foucault, d’Umberto Eco. Le plus attristant réside dans le constat d’à quel point l’ambitieux projet initial de Chris Carter se voit dénaturé par ces fadaises boursouflées. On doit tout de même se pincer quand l’on voit débouler les Nazis, confirmant cette version particulière de la Loi de Godwin, voulant que, plus une série fantastique dure longtemps, plus la probabilité d'y trouver une allusion aux Nazis s’approche de un. Ailleurs cela donne Triangle, ici on obtient ce fatras. X-Files 1, MillenniuM, 0. Et pourtant tout ne s’avère ps mauvais, notamment lors de la première partie. Le concept de factions s’opposant au sein du groupe aurait pu devenir porteur sans toute cette emphase. La mise en scène exprime la gravité ad-hoc et Henriksen se montre admirable lorsque Frank a l’opportunité d’exprimer son dépit envers les menées secrètes du Groupe. Les auteurs ont l’intelligence réserver un large espace aux sentiments et aux interactions du triangle Formé par Pater, Lara et Frank, tandis que l’on apprécie que celui-ci et Catherine continuent de se retrouver. Les différents interprètes se révèlent une nouvelle fois ébouriffants de talent. Malheureusement cette exposition somme toute correcte de la situation donne lieu en seconde partie à une exploitation confuse et souvent ridicule. Les excuses de Peter et sa réconciliation avec ses amis demeure un émouvant moment. On observe plusieurs naïvetés confondantes, comme l’agente prétendument secrète d’Odessa révélée par ses boutons de manchette représentant le sigle de l’organisation. Dommage, l’on remarque au passage que les Chouettes semblent toute de même plus intéressantes que les Coqs, l’orgueil hexagonal dut-il en souffrir.
Un navire transportant des immigrants chinois clandestins est découvert par les autorités. A son bord se trouve une mystérieuse jeune femme, crainte par les autres passagers. Elle aurait abordé le bateau en pleine mer, sans que quiconque puisse se rappeler comment (les souvenirs divergent) et serait responsable de la mort de quatre hommes. Frank s’intéresse à cette affaire, le Groupe lui indiquant que l’inconnue a été portée disparue en mer depuis des années. Après une confrontation énigmatique avec elle, Frank perd connaissance. Il se réveille dans un monde où il n’a jamais connu le Groupe et où il vit heureux en famille. Mais Jordan est alors tuée, sans doute par des agents du Mal. Revenu à lui, Frank se précipite à la rencontre de la femme, désireux d’en appendre davantage sur sa destinée. Il arrive à temps pour empêcher qu’elle soit tuée par les autres migrants, mais toute présence semble l’avoir abandonnée. De plus, l’enregistrement de la conversation avec Frank été transformé. L’idée d’une sirène asiatique séduisant les hommes non pas par ses chants mais en recourant à des visions d’un bonheur illusoire était originale et bien trouvée. Supernatural la reprendra d’ailleurs l à peu de choses près, cette fois autour des Djinns. Le jeune Vivian Wu restitue d’ailleurs à merveille l’aura mystérieuse et la nature ambivalente de cette entité venue des océans. On apprécie également le thème toujours inépuisable des univers parallèles et des réalités alternatives, auquel les X-Files sacrifieront d’ailleurs avec succès lors de 4D. cette séquence se montre d’ailleurs tout à fait réussie, à la fois empreinte d’étrangeté mais aussi éloquente à propos des traumatismes subis par Frank depuis le début de la série. Malheureusement, d’une manière réellement surprenante de la part d’auteurs aussi chevronnés et talentueux que Morgan & Wong, de manifestes errements narratifs s’en viennent saboter le récit. Tout d’abord la durée d’exposition, assez terne et verbeuse, s’étend beaucoup trop longuement, jusqu’à pratiquement limiter la séquence onirique dans le dernier tiers de l’épisode. Le cœur de ce dernier se voit don réellement réduit à la portion congrue, alors qu’il laisse le sentiment de n’avoir qu’abordé son sujet. Par ailleurs Siren débouche par un tête à queue particulièrement frustrant, que la scène d’action finale tente en vain de dissimuler. Beaucoup trop d’éléments demeurent dans un flou trop pratique pour qu’il ne s’assimile pas à de la facilité. Les auteurs bottent visiblement en touche, ne parvenant pas à conclure leur sujet. Un épisode pouvant apporter un précieux éclairage du parcours et de la personnalité de Black se cantonne dès lors à un Fantastique plaisant, mais manquant de substance.
18. UN ENFANT EN ARCADIE Un couple lesbien, la solide « Sonny » et la plus jeune et fragile Jeannette, s’évade de prison. Les deux femmes usent de violence, ce qui rend agressives les autorités chargées de la traque. Frank détermine cependant qu’elles se sont échappées car Jeannette est enceinte, suite à un viol perpétré par l’un des gardiens. Jeannette et Sonny croient cependant qu’il s’agit d’une grossesse miraculeuse, l’enfant à venir étant un élu de Dieu. Un examen médical de Jeannette indique que l’accouchement présente des risques importants et qu’un environnement médicalisé est indispensable. Une course contre la montre s’engage entre Black et la police. Frank retrouve Jeannette et l’aide à accoucher, mais la jeune femme succombe. Or il s’avère que son enfant est blanc, le violeur homme de couleur, ne peut donc être son père. Anéantie, Sonny fait en sorte d’être abattue par la police. L’enfant est confié à une famille d’accueil. On apprécie la générosité et l’humanisme des valeurs portés par le scénario et incarnées par Frank Black, de même que ce portrait touchant d’un amour tragique. Mais le scénario coule l’épisode, en multipliant les maladresses. D’entrée, il souffre d’une trop grande proximité avec Angel, opus de la saison précédente et histoire similaire d’une dérive féminine liée à un enfant. Par ailleurs le récit se montre vraiment trop manichéen, forçant notamment le trait concernant les gardes, uniformément crapuleux et haïssables. De plus l’écriture du couple apparaît lénifiante à force de se vouloir positif. Certaines facilités scénaristiques s’avèrent particulièrement visibles, comme l’aisance avec laquelle se déroule l’évasion, comme quoi le héros de Prison Break étaient vraiment nul, en plus de tatoué. L’ensemble du récit vire ensuite au mélodrame le plus exacerbé, avec une constance réellement épaississante. On se croirait revenu aux heures les plus lacrymales de la littérature populaire du XIXème siècle. A force de jouer sur le registre du sentimental, l’histoire en devient au contraire totalement mécanique. L’emploi du ralenti lors de lamort d’une Sonny criblée de balles s’avère également extrêmement pesant, de même que présenter la caractère miraculeux de l’enfant comme une formidable révélation, alors que le public l’avait anticipé depuis belle lurette. Ce fiasco attriste d’autant plus que les deux actrices manifestent un vrai talent. Elles assurent au mieux la défense de rôles aussi massifs. Le premier degré absolu de In Arcadia Ego présente néanmoins le mérite de souligner par contraste la réussite de productions telles The L Word. Instiller de l’humour parfois caustique envers ses personnages et leurs attribuer quelques défauts très humains rend plus subtil crédible si appréciable plaidoyer pour l’acceptation de l’altérité.
Catherine intervient en tant que psychologue auprès de cinq lycéennes affirmant avoir eu une vision de la Vierge Marie. Lara Means s’intéresse également à cette affaire, persuadée qu’une des jeunes filles, Clare McKenna a réellement connu une révélation, mais de la part de Marie-Madelaine.. De plus Ben Fisher, le professeur de théâtre de l’établissement, affirme être membre de la Famille, une faction dissidente du groupe MillenniuM s’intéressant aux personnes ayant de tels dons. Après que le miracle soit devenu visible de tous, Un jeune croyant exalté tente alors de tuer Clare, par jalousie et par colère de ne pas avoir été élu. Fisher s’interpose pour la protéger et reçoit le coup mortel. Plus tard, Lara révèle à Catherine la preuve que la jeune fille est la descendante de jésus et de Marie-Madeleine. La caractéristique première d’Anamnesis réside dans l’absence totale de Frank Black, notre héros n’étant qu’évoqué de temps à autres. Cela situe d’emblée l’épisode en marge de MillenniuM, tant Black marque de son empreinte l’ensemble de l’univers de la série. Les deux auteures ont l’intelligence de ne pas tenter de faire du Black sans Black et d’utiliser cette caractéristique comme une opportunité d’explorer d’autres voies), elles ont également l’excellente idée de mettre en avant un duo d’enquêtrices inédit, avec l’association parfois antagoniste Catherine et Lara. Le scénario évite habilement tourte trivialité et jalousie de Boulevard entre les deux femmes les plus proches de Frank. Au contraire l’épisode nous offre une passionnante controverse autour du mystère de la Foi, finement agencée et parfois étonnement érudite, tout en demeurant parfaitement explicitée. Les caractères des deux héroïnes sont parfaitement dessinés et idéalement mis en opposition, entre spiritualisme visionnaire pour Lara et incrédulité scientifique pour Catherine. Ces ambitieux dialogues se suivent avec intérêt, d’autant que les diverses péripéties les rythment avec efficacité. Dans cet opus éminemment féminin, où les différentes figures masculines apparaissent comme sources de menace ou de tension (y compris Peter), l’approche de la personnalité de Marie–Madeleine et de sa supposée relation charnelle avec le Christ s’effectue avec une légère mais indéniable touche militante, mais de manière autrement plus subtile que dans le déplorable Da Vinci Code. Les deux actrices incarnent superbement leurs personnages, rejointes par une distribution en tous points parfaite. Par ailleurs, même si Anamnesis constitue une parenthèse au sein du corpus principal de MillenniuM, il ne demeure pas pour autant enchâssé dans sa bulle. Il rejoint ainsi la narration par l’évocation de la personnalité de Frank (on comprend bien mieux les réactions de Catherine ou les fêlures de Lara), mais aussi par les perceptives millénaristes et les Signes guettés avidement par le Groupe. Malheureusement c’est dans de domaine que l’épisode échoue au port, avec un consternant retour au fatras mystique, soit la plaie vive de cette saison (Saint Graal, Mérovingiens et Suaire de Turin !), lors des ultimes révélations. Dommage, mais, tel quel, Anamnesis n’en reste pas au moins un splendide hommage à ces deux femmes admirables que sont Lara et Catherine, au moment où leur tragique départ de MillenniuM approche à grands pas.
20. L’APPRENTISSAGE DE L'ORDINAIRE Un lycéen est assassiné et l’un de ses camarades, le très brillant Landon Bryce, est enlevé. Grâce à son Don, Frank perçoit que la responsable en est la diabolique Lucy Butler. En alternant sa forme masculine, brutale et hostile, et féminine, compréhensive et séductrice, elle entreprend d’altérer la personnalité de Landon, lui faisant perdre ses capacités intellectuelles,. Elle cherche à lui faire perdre toute ambition concernant sa vie, comme toute croyance en la beauté de l’amour, en détruisant tout respect envers soi même. Peter et Frank découvrent que Térésa, la conseillère psychologique de l’établissement a subi par le passé le même lavage de cerveau, orchestré par une Lucy se créant ainsi tout un groupe de fidèles. Térésa, incité par Black, se révolte néanmoins et lui indique l’emplacement de la ferme où se déroulent les conditionnements. Frank intervient à temps pour sauver les jeunes gens, mais Lucy Butler disparaît une nouvelle fois. Le titre original ne sera pas évoquer quelques quasi réminiscences aux amateurs des Avengers, mais, pour cette fois, on éprouve surtout l’envie d’applaudir le magnifique titre français, une rare performance. En effet, cet épisode, à plutôt rapprocher du glaçant Lavage de Cerveau (période Cathy Gale), nous narre la transformation abominable de brillants esprits devenus ternes et amoindris. Ce scénario original touche par son sujet, car se situant au parfait opposé des histoires traditionnellement vues à l’écran, et pas seulement aux Etats Unis. Celles-ci nous racontent comment on peut devenir meilleur en se surpassant à for ce d’efforts. Cette narration, remarquable par sa crédibilité, d’une chute choque par sa transgression. Dans MillenniuM jusqu’ici on torturait et on amputait les corps, cette fois l’on procède de même avec l’esprit. La résultante s’en montre bien plus terrifiante encore. Cette oblitération de l’intellect et du sentiment n’emploie pas des formes scientifiques sophistiquées, tel n’est pas l’objet de la série. A l’opposé, on apprécie au plus haut point l’absence totale du charabia ésotérique trop fréquent cette saison. Le processus développe cependant un effroi palpable, provenant de plusieurs facteurs s’unissant en un pur cauchemar. Le décor de la ferme, claustrophobique comme jamais et au total huis-clos, à la décoration anxiogène au possible, présente l’un des chefs d’œuvre de MillenniuM, alors même que la série a si souvent réalisé des prouesses en la matière. La superposition physique à l’enferment mental ressenti par les proies de Lucy s’avère magistral. Lucy se montre de nouveau en grande forme, toujours idéalement interprétée une superbe Sarah-Jane Redmond, avec son charme vénéneux au dernier degré. Les auteurs ont l’excellente idée de développer le parcours de l’entité et de l’inscrire sur des décennies. les lecteurs du Roi de l’Epouvante pourront penser à un Randall Flagg au féminin, une combinaison redoutable. L’intrigue a la suprême habileté de rendre l’avatar féminin de Lucy, en apparence douce et maternelle, encore davantage destructrice que l’abrupt masculin, Elle est en réalité le véritable mactre d’ouvre du processus, conduisant les jeunes gens à abdiquer leur identité, renonçant d’eux mêmes à la majeure partie de leur humanité. Lucy parvient à apparaitre si sincère que cela en devient délectable. L’adversaire de Frank relevant le plus du Fantastique au cours de la première saison s’insère idéalement dans la deuxième. La musique répétitive accomplit son effet déstabilisateur, y compris sur le spectateur (cette fois-ci on retrouve Le Joker).A côté de cette éprouvante démonstration, l’enquête de Frank s’avère certes magistralement menée, mais demeure secondaire. Un fait souligné élégamment par des auteurs évitant audacieusement toute confrontation directe. Le cœur de l’épisode est ailleurs, avec une résistance acharnée du jeune homme devenant rapidement poignante. Mais aussi victorieuse, car en définitive c’est bien en lui même que Landon trouve la force de contrecarrer la diabolique entreprise. Une enthousiasmante marque de confiance en l’Humain, il fallait sans doute une série aussi sombre que MillenniuM pour évoquer avec autant de force l’Espérance. L’Apprentissage de l’Ordinaire reste sans doute la plus aboutie des rencontres avec cette originale et mystérieuse créature nommée Lucy Butler.
21. ANALYSE DIABOLIQUE Dans une cafétéria quatre vieux messieurs antipathiques discutent autour d’une tasse de café. Nous découvrons cependant rapidement leur véritable apparence : il s’agit de démons travestis en humains, racontant comment ils parviennent à damner ces derniers. L’un pousse un jeune homme fasciné par les tueurs en série à enfin oser en devenir un lui même, le deuxième pousse les individus au suicide en leur faisant comprendre la vacuité de leur existence, le troisième rend ou un censeur de série télé en exacerbant ses névroses et le quatrième tombe amoureux d’une humaine, mais l’accule néanmoins au suicide par désespoir, car telle est sa nature. Nos amis se rendent néanmoins compte que tous ont croisé un homme capable de percevoir leur véritable apparence : Frank Black. Pour cette ultime participation à la série du si imaginatif Darin Morgan, on regrettera une moindre ambition que lors de Jose Chung’s Doomsday Defense. Retenir la structure du film à sketchs revient à opter pour une relative facilité. Il sera toujours plus aisé d’écrire de brèves scénettes indépendantes (pas plus d’une dizaine de minutes) qu’une longue histoire autrement complexe. Darin donne aussi l’impression de choisir l’atypique pour l’atypique, prenant le risque rendre mécanique le refus du mécanisme d’une série. Mais ces quelques réserves demeurent tout à fait relatives. Contrairement à la plupart des productions du genre les quatre récits proposés s’avèrent égaux en intérêt et en drôlerie corrosive, alors que leur fil rouge s’avère astucieux. De plus Darin a l’habileté de multiplier les passerelles entre ses histoires (notamment des identités de lieux et de situations), provoquant un effet miroir et un humour de répartition des plus divertissants. Tout comme lors de son travail précédent, le facétieux auteur prend un main plaisir à quelque peu rosser MillenniuM et son héros, dont on apprend ainsi au passage que fumer de la marijuana lui ferait le plus grand bien. Les terribles démons présentés comme d’épouvantables fléaux deviennent ici des farceurs malicieux, certes cruels mais surtout… Lucides. En effet la grande idée de cet épisode pamphlétaire corniste en un magistral retournement de perspectives. On se situe cette fois non plus de notre point de vue, mais de celui de diables analysant les divers travers de l’Humanité. Le résultat s’avère aussi caustique que peu reluisant pour notre désespérante espèce, passée au vitriol rigolard de Darin Morgan. Celui-ci transforme les démons en porte-paroles et décoche tous azimuts ses missiles satiriques. Passent ainsi à la moulinette les fans fascinés par les sérial killerss, et donc, implicitement, de MillenniuM. Ils en ressortent autant massacrés à la tronçonneuse que les passionnés de Roswell et autres X-Files peuplant le Seigneur du Magma. La verve à la fois finement moraliste et d’une drôlerie homérique de Darin s’attache également à l’absurde quotidien de nos sociétés occidentales (ou quand l’humour noir devant fable à force de toucher juste) ou aux censeurs du monde délirant de la télévision, objets d’une féroce vindicte revancharde. Symboliquement, l’individu est d’ailleurs interprété par le même acteur que le chef des quasis Scientologues de Jose Chung’s Doomsday Defense. Il n’y a pas jusqu’aux X-Files eux-mêmes qui ne deviennent la cible d’une satire endiablée, avec une reprise passablement démente de la célèbre vidéo de l’autopsie du pseudo Alien, cette fois exécutée par les clones de Mulder et Scully. Il ne manque plus que l’illuminé du Seigneur du Magma surgisse pour que le tableau soit complet (Roswell ! Roswell !). On rit aux éclats, lorsque l’ultime histoire nous séduit a contrario par sa mélancolie désespérée. Les démons eux mêmes sont de pauvres diables. La mise en scène de Darin Morgan se montre également à la hauteur, multipliant les effets les plus imaginatifs, à l’instar de son écriture. Les comédiens vétérans et les artistes du maquillage font également merveille. A total ce démon souriant et iconoclaste qu’est Darin finit par remporter haut la main cet ultime pari. Son opus hors normes apparaît également comme une agréable parenthèse avant le tragique final de saison qui s’annonce.
22-23. LE QUATRIÈME CAVALIER/L’HEURE EST PROCHE Frank et Peter sont mis en quarantaine après avoir enquêté sur un homme tué par une forme de virus. Ils sont libérés après avoir reçu un vaccin. La maladie continue cependant à se répandre. Frank fait part à Peter de ses soupçons concernant l’implication du Groupe. Peter lui révèle une prophétie concernant un tremblement de terre, qui se révèle exact. Après cette démonstration Frank est appelé à intégrer pleinement le Groupe. Toutefois, toujours méfiant, il opte pou intégrer le Trust, organisation de consultants policiers. Peter découvre dans les bases de données du Groupe que le virus, issu de la recherche soviétique, a été disséminé dans la nature suite à la chute de l’URSS. Le Groupe Millenium a pu développer un vaccin, mais le réserve à ses seuls membres, désireux de contrôler l’Humanité après la catastrophe. Gilbert, contact de Frank au sein du Trust est assassiné. Lara Means, accède aux ultimes secrets du Groupe, ce qui la plonge dans la folie, puis la catatonie. Elle a le temps de donner sa propre dose de vaccin à Frank. Le virus se développe et Frank se réfugie avec sa famille dans une cabane qu’il possède, au fond des bois. Le vaccin est donné à Jordan. Dans la nuit Catherine s’aperçoit qu’elle est atteinte et part dans forêt pour que sa famille n’assiste pas à son agonie. La saison s’achève sur un Frank Black en état de choc, les cheveux devenus blancs. Avec une remarquable intensité, cet haletant final de saison porte à son paroxysme les diverses failles exprimées par les héros au fil de la saison. La suspicion de Frank envers el Groupe éclate au grand jour, tandis que Peter apparaît plus que jamais tiraillé entre sa croyance et son amitié envers ce denier. Terry O’Quinn se montre particulièrement grandiose dans l’expression de l’écartèlement de son personnage. Lara Means achève son chemin de croix lors d’un simili clip vidéo particulièrement réussi, exprimant avec une rare éloquence l’immersion dans la folie. Catherine hurle sa haine envers el groupe, qu’elle juge responsable da la faillite de son mariage. Morgan & Wong, ici au sommet le leur talent de scénaristes, parviennent ainsi à conjuguer une admirable profondeur psychologique à une impressionnante avalanche d’évènements. Le rythme du récit se montre trépidant à souhait, jusqu’à parfois évoquer le tonitruant arc Anasazi des X-Files. La tonalité n’en demeure pas moins plus sombre que jamais. Le renouvellement de la série apparaissait alors comme peu probable et les auteurs décident avec à propos de confer à l’histoire d’authentiques accents d’Apocalypse, pour l’ensemble du monde comme pour chacun des personnages. On apprécie également que le fatras mystico-ésotérique ayant si souvent empesé la saison se voit ici minimisé. D’ailleurs Morgan & Wong en avouent eux-mêmes l’inanité, en faisant débuter la fin du Monde près de 600 jours avant cet An 2000 tellement prophétisé. There is no Millennium ! s’exclame Frank, dans un moment paroxystique. Quelques excellentes idées viennent encore accroître le succès de ce final, comme la spectaculaire cérémonie où se voit révélée la véritable doctrine du Groupe, entrecoupée lors d’un parfais montage avec un abominable assassinat, ou la troublante découverte d’une Morley. La mise en scène impulse elle aussi beaucoup de force au récit, notamment lors des épouvantables morts dues à la protéine/virus. De pures scènes de cauchemar, rendent particulièrement effroyable cette vision de l’Apocalypse. L’ultime sacrifice de Catherine s’avère réellement bouleversant, tandis que la conclusion de l’épisode, un Frank Black apparemment définitivement brisé, s’avère aussi sombrement idéale que celle de Requiem pour les X-Files.
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Saison 3 1-2. Les Innocents / Exégèse (The Innocents /Exegesis) 3. Ceux qui survivront (Taotwawki) 5. Treize ans plus tard (Thirteen Years Later) 6. Ossements (Skull and Bones) 7. Recommencement (Through a Glass, Darkly) 12. Le Bruit de la mort (The Sound of Snow) 15. Forcer le destin (Forcing the End) 16. Jordan contre Lucas (Saturn Dreaming of Mercury) 17. L’Œil de Darwin (Darwin’s Eye) 18. Bardo Thodol (Bardo Thodol) 19. Sept ans de malheur (Seven and One) 21-22. Le Chemin de croix / La Fin d’un temps (Via Dolorosa / Goodbye to All) Après s’être centré durant la saison précédente sur les X-Files (virage crucial de la migration de Vancouver à Los Angeles, tournage de Fight the Future), Chris Carter va désormais pouvoir s’intéresser bien davantage à MillenniuM. Certes il nomme un superviseur, en la personne du scénariste Chip Johannessen, mais il demeure bien plus présent que lors de la période précédente. Contrariés par l’aspect ésotérique, parfois flou, des développements apportés par le duo Morgan & Wong, lui et son complice Frank Spotnitz vont s’attacher à redonner aux épisodes loners le ton et le lustre de la première saison. Concernant les mythologiques, notamment incité par la Fox, le choix est cependant fait, non d’un retour aux sources de MillenniuM, mais plutôt d’un sensible rapprochement avec le modèle des X-Files. Franck Black redevient membre du FBI et se voit doté d’une partenaire au solide bon sens, l’Agent Emma Hollis. L’action se déplace de Seattle à Washington et, en conflit désormais direct avec le Groupe Millennium, Frank lutte contre une conspiration développée dans les sphères gouvernementales, visant à guider l’Humanité à travers l’Apocalypse, pour ensuite la contrôler.
Cette option offre plusieurs moments des plus réussis (notamment grâce au toujours passionnât Peter Watts), mais présente l’inconvénient de susciter une troisième tonalité pour une série en mal de cohérence. L’Apocalypse change encore de nature, après la déshumanisation globale de nos sociétés, puis des évènements mystiques, elle provient de l’avidité de différentes mouvantes au sein de nos dirigeants. La mise en scène pâtit également de la baisse des budgets, condition de la poursuite de la série. Maquillages, effets spéciaux et décors, s’avèrent ainsi le plus souvent de moindre qualité. Fort heureusement, les compositions de Mark Snow demeurent splendides. Par ailleurs le public préfère souvent l’original à la copie et de nombreux observateurs considéreront désormais MillenniuM comme un X-Files de seconde classe, tandis que les fans de la première heure, se sentant dépossédés, quitteront le navire. Et pourtant Carter, maintient une spécificité de MillenniuM, même réduite. La relation de mentor à élève, renforcée d’une solide amitié, liant, avant des temps plus troublés, Frank à Emma n’aura rien à voir avec celle unissant Mulder et Scully. Le combat de l’Ombre et de la Lumière, approchant inexorablement de son heure la plus critique, instille toujours une intensité dramatique à la résonnance particulièrement évocatrice. Terry O’Quinn et Lance Henriksen continuent à conférer une aura unique à leurs personnages, avec une qualité de jeu rarement atteinte à la télévision. Mais l’érosion de l’audimat demeure sans appel et le miracle de la reconduction ne se renouvellera pas. Sans être parvenue au terme de son prodigieux décompte, c’est en laissant bien des mystères irrésolus que MillenniuM prend congé. Série profondément singulière et audacieuse, d’une rare force narratrice, elle laisse également une amère saveur d’inachevé, comme une occasion manquée laissant bien des regrets. Frank Black connaîtra une ultime aventure lors de l’épisode Millennium des X-Files (saison 7), une péripétie ne rendant justice ni au personnage, ni à sa série (un bon souvenir néanmoins, pour le fin duo des Affaires non Classées). On comprend sans peine que Lance Henriksen ne se soit jamais satisfait de cette conclusion et qu’il continue encore à espérer qu’un film vienne apporter sa pierre de touche à l’un des rôles les plus marquants de sa carrière. En Octobre 2012, le livre Back to Frank Black, captivante somme d’entretiens avec les principales figures de MillenniuM, ouvrira un captivant panorama sur cette aventure télévisuelle à part, fascinante exploration des différents visages revêtus par le Mal dans le monde contemporain. 1-2. LES INNOCENTS / EXÉGÈSE
Judicieusement, la première partie de ce pilote de saison prendre le temps de présenter les nouveaux venus, à commencer par Emma. Ainsi elle n’hésite pas à prolonger les dialogues tenus sur la scène du crash, sur plus de la moitié de sa durée ! Le pari est gagné, tant on se prend d’emblée de sympathie pour Emma. Bien davantage qu’une Dana Scully, l’Agent Hollis est un John Doggett au féminin, solide, professionnelle, policière jusqu’au tréfonds de l’âme mais c’est bien son honnête intellectuelle et son attachement à la vérité » qui l’incitent à ouvrir les yeux sur le Don et l’univers de Frank Black. Brillamment interprété par Kléa Scott, on apprécie vivement de la voir progressivement s’imposer auprès du solitaire de toujours qu’est Black, dont elle est une admiratrice mais jamais une groupie, bien au contraire. Il est très touchant de découvrir Black s’appuyer sur la conviction d’airain de sa partenaire, au moment où la vie l’a intimement blessé. Toutefois les deux autres personnages paraissent moins marquants. Le Directeur adjoint McClaren, certes efficace et bénéficiant de l’abattage de Stephen E. Miller ne s’extraie pas du répertoire si balisé du supérieur vieux complice du héros. Il ne fera pas d’ombre à Skinner ni ne fera oublier Giebelhouse. Surtout l’Agent Baldwin, ambitieux et détestable souffre d’un vrai manque d’envergure. Il ne manifeste en rien l’intelligence brillante et le charme maléfique de Brad Follmer, son équivalent des X-Files. Il faut bien avouer que, malgré les diverses précautions prises par les auteurs, cette première partie ressemble trop souvent à une copie conforme des X-Files, notamment d’Eve et de la Colonie, avec une Conspiration s’assimilant clairement à celle des meilleures heures de L’Homme à la Cigarette. L’ensemble demeure d’une évidente qualité (sublimes compositions de Snow), avec une parfaite adéquation du talent toujours si pénétrant de Frank, mais la série perd indéniablement en spécificité en se rapprochant des X-Files. Cependant on ne saurait nier un frétillement ressenti en découvrant Black déambuler dans les fameux couloirs du Hoover Building, en se disant que, quelques étages plus bas, un duo dynamique s’apprête à débuter sa sixième année d’aventures. La présence des paysages de Colombie britannique assure également une précieuse continuité à la série. Cette première partie si indicative quant au chemin qu’empruntera la saison s’achève sur cliffhanger classique mais efficient. L’enquête exploite avec talent les prémices jusque là découvertes mais n’atteint pas tout à fait l’intensité d’un E.B.E., à la structure narrative finalement assez similaire. Quelques moments forts se détachent néanmoins, comme la révélation ultime du dessin poursuivi par ce groupe de femmes aux yeux étranges, d’un bleu que l’on dit céruléen. L’inévitable confrontation avec Peter s’avère superbement interprété, mais l’on comprend sans peine que ses admirateurs aient été blessés de le voir décrit sous un jour aussi sombre et sans nuances. La scène d’action finale se montre palpitante à souhait. Baldwin nous fatigue déjà avec son numéro étriqué et répétitif. Le ressort principal, outre l’exposé du décor de la nouvelle saison, demeure le développement de la relation de mentor à élève s’établissant, non sans peine, entre Emme et Frank, un atout particulièrement prometteur pour le devenir de la saison. Black reste fascinant, le scénario de Johannessen mettant talentueusement en scène le cheminement supérieur de son esprit ainsi que ses impératifs moraux. Le pilote de saison décrit avec conviction la haine inexpiable l’opposant désormais au groupe, avec un Lance Henriksen toujours grandiose. MillenniuM s’avoisine désormais aux X-Files, mais la stature et l’humanité de Frank Black sont réaffirmées avec souffle.
3. CEUX QUI SURVIVRONT
Frank, Baldwin et Emma se rendent dans les environs de Seattle, où un atroce tuerie vient de se dérouler dans un collège. De nombreuses personnes ont été abattues par un tireur fou. Les enquêteurs suspectent rapidement le fils d’un riche et important informaticien, Chris Marmody. Mais quand ils se présentent pour l’interpeller, le jeune homme se sucide, en apparence. Malgré le scepticisme de Balwin, Frank et Emma, aidés par Giebelhouse, mettent un jour une terrible vérité. Rassemblés par Carmody, un groupe d’informaticiens, persuadés que le Bug de l’An 2000 signifiera la fin du Monde, est tombé dans une terreur paranoïaque les transformant en farouches survivalistes. Leurs craintes ont déteint sur le fis de Carmody, devenu psychopathe. Celui-ci a été abattu par son propre père, dans une tentative de maintenir le secret sur les activités du groupe. Black intervient à temps pour qu’u autre enfant ne soit pas sacrifié. Chris Carter et Frank Spotnitz reprennent ici la directement la plume et l’on perçoit clairement leur objectif : un retour aux sources de la première saison de la série. L’objectif s’avère pleinement atteint, avec cette histoire horrifique, explorant avec acuité plusieurs frayeurs et travers américains, avec un arrière fond apocalyptique parfaitement rendu. Quelques mois avant la tuerie de Columbine la scène d’ouverture, l’une des plus éprouvantes de la série, nous plonge en plein cœur du drame, avec un rare réalisme. L’impact s’en révèle encore plus marqué pour le spectateur de la fin 2012, alors que vient de survenir la meurtrière fusillade de Newton. Un inextinguible fléau. Sans jamais tomber dans le déclamatoire, le récit élargit par la suite sa dénonciation véhémente aux rapports consanguins établis par une partie de l’Amérique avec les armes à feu, omniprésentes dans l’imaginaire de survivalistes et ardemment refusées par Frank Black. L’évocation du Bug de l’An 2000 s’effectue aussi efficacement que sobrement, même si on peut regretter une certaine dramatisation des enjeux objectifs. Mais Carter et Spotnitz ont la finesse de ne pas y fixer le centre du récit ou de saturer celui-ci de jargon Cyber. L’enjeu est ailleurs sur le questionnement moral de personnes placées face à un problématique de catastrophe imminente, bien réelle de leur point de vue. Les auteurs opposent habilement les impératifs moraux de Black à la panique des informaticiens, oblitérant leur humanité dans leur obsession frénétique de survie. Des citations du Livre des Heures viennent ponctuer avec éloquence le propos, sans aucune similitude avec le fatras mystique de la saison précédente. Par ailleurs l’enquête policière se construit solidement, poursuivant l’installation du duo fort plaisant formé avec Emma. Baldwin demeure cependant trop caricatural, même si on apprécie de le voir remis à sa place par un Giebelhouse trop rare. Le grand talent de Robert Wisden renforce cette description particulièrement troublante de la chute morale induite par une vision du monde paranoïaque et violente.
Deux anciens militaires et leur amie commettent des massacres aléatoires, pour le simple plaisir de tuer. Emme se déclare volontaire pour diriger l’enquête et fait preuve d’une implication particulière qui intrigue Black. Celui-ci découvre que la sœur de sa partenaire a jadis été assassinée par un tueur désaxé, aux motivations demeurées mystérieuses. Ces investigations provoquent une crise dans le duo, finalement surmontée. Depuis le drame, Emma tente désespérément de comprendre ce type de criminel. Après l’arrestation fortuite de leur complice, les deux criminels, lourdement protégés, attaquent le poste de police. Il s’en suit un prise en otage d’Emma par Van Hurn, le leader. Elle finit cependant par en triompher, mais sans avoir obtenue de réponse à ses questions. En soi, consacrer l’essentiel d’un épisode à l’approfondissement du parcours et de la personnalité de l’Agent Emma Hollis ne représentait certes pas une mauvaise idée. Malheureusement le résultat ne convainc guère. Au moment où MillenniuM avait déjà accumulé de nombreuses convergences avec les X-Files, il était sans doute maladroit et redondant de susciter un trauma lié à la disparition de la sœur de la co protagoniste de la série. De plus le récit ne génère guère d’étincelles. Emma, et Frank, lui même très absent, ne font finalement que compter les points, les évènements clés de l’intrigue (arrestation de la femme, attaque du commissariat) se produisant sans qu’ils n’y prennent la moindre part, jusqu’au dénouement. Il reste tout de même étonnant de voir Frank énoncer à Emma que rien ne pourra expliciter le comportement de serial killers alors qu’il pratique l’inverse depuis le commencement de la série ! L’enquête de nos héros demeure statique et périphérique, entrecoupée de tueries au déroulement plus classique que l’ordinaire de MillenniuM. On note quelques maladresses, comme des gilets pare-balles réellement miraculeux. Les antagonistes du jour manquent singulièrement de substance et d’envergure. Closure brille uniquement par son jeu d’acteurs, en particulier avec Kléa Scott, de nouveau parfaite dans l’expression de cet aspect plus tourmenté d’Emma, mais aussi Garret Dillahunt, idéalement dans son emploi et parvenant à rendre intéressant don personnage de Redneck à la dérive.
5. TREIZE ANS PLUS TARD
Diffusé le 30 octobre 1998, cet épisode spécial d’Halloween constitue une succulente exploration du genre à la fois ultra codifié et joyeusement délirant qu’est le Slasher Movie. On pourra sans doute reprocher à l’auteur, Michael Perry, de s’être inspiré du succès de Scream, saga dont les deux premiers opus viennent de défrayer la chronique en 1996 et 1997. Mais la recette est reprise avec beaucoup de talent et de l’imagination, tout en l’adoptant avec un humour malicieux au format de MillenniuM. Tandis que histoire joue avec brio de divers niveaux de narration, les bonnes idées se multiplient, notamment l’opposition entre Franck, catastrophé de la faiblesse des approches psychologiques, et Emma, grande amatrice de ces films d’horreurs défoulatoires. Voir Frank Black tenter de réaliser le profiling de Freddy Krueger ou Jason Voorhees est énorme. La confrontation entre les serials killers tristement réels et les plus flamboyants du septième art s’avère passionnante de bout en bout. L’aspect à la Nuit américaine apporte également un appréciable effet de miroir, qui n’est pas sans préfigurer celui de l’épisode Hollywood. on a ainsi droit au bain mousseux glamour pour Emma ou au face à face hilarant entre Black et sa doublure à l’affiche, avec ses questions désarmantes. L’épisode représente également un hommage amusé à l’univers bigarré et improbable des Séries Z et autres Nanars horrifiques, avec leur défilé de personnalités hautes en couleurs (starlettes délurées et arrivistes, vieux chevaux de retour, réalisateurs improvisés, spécialistes en effets spéciaux fauchés...) et leur indéniable énergie, délivrée de concepts frustrants tels la crédibilité ou la finesse de jeu. On s’amuse beaucoup entre deux torrents d’hémoglobine, tandis que la mise en scène très inventive de Thomas J. Wight glisse avec fluidité du tournage à la réalité du fil, plaisamment graphique et à la saveur de Giallo. L’excellente distribution joue totalement le jeu, on se régale. La mémorable intervention des Kiss tombe à pic dans le cadre de cet épisode spécial. La révélation de la personnalité de l’assassin et du narrateur apporte une jolie pirouette finale à cet épisode gorissime, aussi référencé qu’irrésistiblement drôle.
6. OSSEMENTS
Skull and Bones vaut avant pour l'excellence de sa mise en scène et de sa photographie. Les perspectives choisies avec talent, comme subtil le jeu d'ombres et de lumières, composent une remarquable atmosphère de poésie funèbre, encore sublimée par les harmoniques de Mark Snow. De plus, avec le recul, l'accumulation de détails concernant les squelettes comme source d'informations pour la médecine légale confère à l'ensemble une saveur pré Bones assez divertissante. Malheureusement l'épisode pâtit grandement de son scénario. En effet celui-ci consacre la nouvelle mouture de la mythologie de MillenniuM comme copie quasi conforme de celle des X-Files, qui plus est sur un mode mineur. Tous les éléments développés par l'intrigue l'ont été durant la période Vancouver des X-Files, et son fameux conspirationnisme (y compris la multiplication des communications téléphoniques à la Mulder et Scully entre Frank et Emma). Le groupe devient ici un concept attrape-tout et sans guère de consistance. Il devient également unidimensionnel, perdant sa précieuse ambiguïté morale. MillenniuM perd, à peu de choses près, ce qui assurait sa spécificité pour devenir un condensé bien trop accéléré et flou de sa série mère. En contradiction avec les événements de La Main de Saint-Sébastien, Les flash-backs montrant Cheryl Andrews ne servent à rien et introduisent une dommageable rupture de ton avec l'esthétisme global de l'épisode. Néanmoins le talent de Terry O'Quinn lui permet de maintenir l'intérêt de Peter Watts, qui conserve intelligemment une part de sincérité dans ses convictions. L'épisode permet également à Emma d'achever d'entrer de plain pied dans l'univers tourmenté de Frank Black et d'établir un précieux contact avec Peter Watts, mais demeure trop superficiel et elliptique par ailleurs.
7. RECOMMENCEMENT
Après l'alignement bien trop marqué du précédent Skull and Bones sur les X-Files, Through a Glass, Darkly marque un retour bienvenu aux sources de MillenniuM. Il se confirme également que la véritable force de cette troisième saison réside bien davantage dans les épisodes loners que dans les mythologiques. On renoue ici avec les captivantes élucidations psychologiques aussi patiemment que brillamment menées par Franck Black. C'est à une progressive descente dans les ténèbres que nous assistons ici, avec l'étude très fine de deux psychés tourmentées et interconnectées, interprétées éloquemment par des comédiens pourtant peu connus. La découverte du prédateur ultime s'accompagne de twists retentissants, lui conférant plus de force encore. Il en va ainsi de la révélation de la véritable nature du lien de sujétion unissant les deux hommes ou de la remarquable audace d'un postulat inattendu : Frank Black s'est trompé, certes dans un premier temps, mais a été manipulé durant des années. Le moment où lui et max se pardonnent mutuellement est très émouvant. Un maître coup de la part du scénariste, qui manifeste par ailleurs d'autre excellentes intuitions, comme la mise à l'écart de l'appareil du FBI ou la relative mise en retrait d'Emma dans cette histoire centrée sur son mentor. Lance Henriksen se montre une nouvelle fois prodigieux dans son portrait d'un Black confronté à l'exercice inédit de l'autocritique. D'autres thèmes viennent encore enrichir une histoire très riche, qui n'hésite pas à limiter l'action ou le recours au Don, au profit de l'analyse : critique du dérèglement médiatique ou du préjugé populaire. Quelque soit la qualité des scénarios, plus variable cette saison que précédemment, la qualité technique de MillenniuM demeure toujours digne déloges, avec une nouvelle superbe photographie et une exploitation esthétique tout à fait réussie des paysages des forêts de Colombie britannique. Comme aux heures les riches (et les plus sombres) de la série, l'atmosphère est tendu parfois aux limites du supportable, dans les évocations si réalistes des tourments subis par les enfants. Through a Glass, Darkly s'avère difficilement regardable par moments et définitivement réservé à un public adulte. On regrette toutefois un happy end trop marqué et à contre courant.
8. DÉMONS INTÉRIEURS
Une cousine de l’Agent Hollis, vit à Vancouver et a sombré dans l’addiction à la drogue. Elle s’aperçoit qu’ne nouvelle substance en circulation entraine une étrange mutation chez une amie, avant que celle-ci ne soit assassinée. Elle envoie une lettre à Emma pour l’appeler au secours. Emma, rejointe par Frank, vont remonter la filière. Un chimiste d’une triade chinoise désire se venger de ses employeurs, après la mort de ses proches, en ajoutant une hormone à la drogue produite. Ces derniers anéantissent preuves et témoins, mais la cousine d’Emma est finalement sauvée. Episode souvent très décrié par les amateurs de la série, Human Essence accumule en effet les maladresses. Il ne s’insère que marginalement dans la série, en prenant davantage des allures de série noire, vaguement reliée à MillenniuM par quelques éléments scénaristiques maladroits, dont les propriétés « psychologiques » de la drogue. Le conspirationnisme rajouté en toute fin de parcours fait ainsi office de correction de trajectoire parfaitement gratuite. L’épisode se centre sur Emma Hollis, sans apporter aucun élément qui servira par la suite au développement du personnage. Frank s’enferme dans un rôle de gourou, une vision du protagoniste assez limitée, et semble curieusement indifférent aux tourments de la jeune droguée. De plus tout est excessif dans la poursuite de l’action, avec une mise en scène aux nombreux effets faciles, lestée de maquillages indigents, et une histoire accumulant invraisemblances et poncifs sur les mafias asiatiques, tout comme Hell Money a pu le faire chez les X-Files, avec ici un budget bien moindre. Reste l’occasion de mettre en avant le talent de Kléa Scott et de Lance Henriksen, et la découverte de quelques superbes sites de Vancouver, ville à laquelle les séries de Chris Carter doivent tant (Chinatown, Lions Gate, Stanley Park et ses totems).
En 1989 Eddie, un tueur de la mafia, est emmené dans une profonde forêt du Vermont, pour y être abattu par des collègues. Il est ressuscité par deux femmes ressemblant fort à des fées. Depuis il vit à leurs côté, accédant à la rédemption. Frank se rend dans la région, pour changer les idées de Jordan, que l’approche de Noël rend triste en l’absence de sa mère. Suite à une autre résurrection, le pot aux roses est découvert par Black. Les deux jeunes femmes et Eddie deviennent le centre d’un combat opposant le crime organisé au FBI. L’une des « fées » est d’ailleurs blessée par un tireur. Frank permet alors à Eddie de s’enfuir avec ses deux amies, pour regagner la sécurité des forêts. Diffusé le 18 décembre 1988, cet épisode revêt vite la forme d’un émouvant conte de Noël, tout à fait sensible, même s’il ne démontre pas tout à fait la même force narrative que les deux opus précédents du genre. On pourra lui reprocher de ne pas se situer dans les canons de la série, et il est vrai que son aspect purement Fantastique l’aurait plutôt rapproché de l’Agent Mulder, mais en l’occurrence il s’agit bien évidemment du cas spécial de l’épisode de Noël, largement répandu dans les séries américaines. De plus on observe une avalanche de facilités scénaristiques, comme Frank tombant miraculeusement sur la demeure des « fées » ou l’aisance avec laquelle Eddie s’enfuit avec ses amies. Mais qu’importe, il s’agit avant tout d’une fable, respectant parfaitement la symbolique du genre. Demeure une histoire dégageant une véritable émotion, avec la candeur des fées, la rédemption d’Eddie ou l’évocation de sa mère par Jordan, tout en ajoutant un humour volontiers malicieux, notamment autour de tueurs dignes des Sopranos. En évitant le piège de la mièvrerie, l’épisode déploie une vraie force d’évocation du mystère de la forêt et brasse plaisamment de grands thèmes : le pardon des offenses, la rédemption ou la présence de nos disparus. Un charmant mystère est savamment entretenu autour de la nature exacte de ces deux femmes. L’opus peut s’appuyer sur une excellente distribution, avec notamment un Jon Polito parfait pour incarner le pittoresque Eddie, la splendeur toujours renouvelée des forêts canadiennes et sur les nombreuses et sublimes mélodies originales de Mark Snow. Elle contribue puissamment à apporter un véritable cachet onirique au récit.
Cet authentique chef d’œuvre de la saison 3 dégage une fascinante atmosphère ne s’affranchit certes pas de l’influences prégnante des X-Files. Au scepticisme inébranlable d’une Emma n’ayant jamais autant ressemblé à Scully, répond l’ouverture d’esprit au surnaturel de Frank, digne d’un Fox Mulder. Les amateurs de l’excellente franchise Destination Finale, d’ailleurs lancée par le duo Morgan & Wong en 2000, pourront également s’amuser des évidentes convergences. Néanmoins Borrowed, développe une toute autre ambiance, entre étrange et sombre merveilleux, absolument cryptique et fascinante. Celle-ci doit beaucoup à l’étonnante composition de l’épatant Eric Mabius, à des éons du Tim de The L Word. Son passionnant et délectable Samiel s’avère captivant de bout en bout, entre vraie compassion et ironie cinglante. Les Anges de MillenniuM apparaissent toujours comme d’hermétiques Sphinx, très différents de ceux des Routes du paradis et autres séries chrétiennes, mais aussi des tueurs ailés délivrant le feu divin de Supernatural. La rareté de leurs apparitions les rend événementielles. La mise en scène use d’une efficace symbolique, avec le tic tac des montres dont s’entoure sans cesse Samiel, version moderne des sabliers de jadis. Le scénario très inventif de Chip Johanssen joue habilement de flashbacks et de lignes narratives juxtaposées, entres les événements du train et l’enquête désespérée menée par Frank. Cette structure originale peut déconcerter dans un premier temps, mais elles apportent un indéniable cachet au récit. La conclusion, mystérieuse et ouverte, est un maître coup. Les points de juxtaposition que constituent les confrontations entre Samiel et Black se montrent intenses, portées par deux grands comédiens et dépourvus d’effets ronflants. Lance Henriksen sort une nouvelle fois le très grand jeu, son appel à Dieu est bouleversant au possible. On n’avait jamais vu Frank Black craquer de la sorte. Cette dimension humaine ancre bien en définitive Borrowed Time chez MillenniuM plutôt que chez les X-Files. Malgré tout le fantastique environnant, c’est l’humain qui prime, non le surnaturel. Brittany Tiplady est également parfaite dans cet épisode mettant en avant son personnage. Le drame humain que représente la vie s’achevant de Jordan empêche le puzzle de figurer comme un simple exercice de style intellectuel ou mystique. Dwight Little filme chaque scène avec une infinie subtilité, notamment les regards échangés entre la petite fille du train et ce Mister Death issu des meilleurs moments de la Quatrième Dimension. La reconstitution de l’accident du train trahit néanmoins le faible budget de la série. La présence d’Amanda Tapping, dont le talent confère tout une aura supplémentaire à un rôle secondaire, représente encore un intérêt supplémentaire. Ce grand épisode de MillenniuM renoue pleinement avec les riches heures de la première saison.
11. LÉSIONS DE GUERRE
Collateral Damage n’est pas sans évoquer de loin l’épisode des X-Files Sleepless, mais n’en reste pas moins l’épisode mythologique de la saison 3 le plus solide découvert jusqu’ici. Il permet d’interpeller moralement Frank Black sur sa relation conflictuelle le avec le Groupe, et jusqu’où il est prêt à aller pour mener à bien cette lutte. Seulement entrevu jusqu’ici, il met aussi l’accent avec talent sur le dilemme moral vécu par Peter, écartelé entre d’une part sa fidélité au groupe et en ses idéaux affiché et d’autre part son amitié envers Frank et le souci de préserver sa famille. Le suspense brillamment orchestré des évènements se double ainsi d’une dimension psychologique en rehaussant encore l’impact. Le scénario sait exposer avec acuité les différents points de vue des acteurs du drame et les alterner. Il bénéficie également de la superbe composition de James Marsters, prouvant déjà qu’il n’est pas l’acteur d’un seul rôle, ce que la suite de sa superbe carrière achèvera de démontrer, de série en série. En version originale les amateurs de Buffy contre les Vampires pourront se divertir en le découvrant dépouillé de l’accent anglais caricatural de Spike. Le combat pour la vérité de Swan, allié à l’horreur de la méthode employée, synthétise parfaitement l’ambition du scénario et de l’écriture des personnages. De même Taylor s’avère un magistral contre pied à la figure usuelle de la Damsel in distress, si pratiquée durant les Sixties, amis aussi au-delà. Elle occupe une place active dans des débats qu’elle interrompt brusquement lors d’une scène saisissant à froid le spectateur, laissant Frank et Peter confrontés à leurs abîmes.
12. LE BRUIT DE LA MORT
Ce bouleversant épisode s’avère particulièrement riche, y compris selon les critères déjà fort élevés de MillenniuM. On y trouve ainsi une évocation particulièrement évocatrice du mystère de la musique, même subliminale. Cette évocation d’un son ouvrant une voie vers nos disparus n’est d’ailleurs pas sans évoquer ce pur chef d’œuvre du cinéma français que constitue Tous les matins du Monde (1991). Les dialogues entre Frank et Catherine se montrent d’ailleurs véritablement émouvants et sans pathos, presque aussi épurés qu’ont put l’être ceux entre Monsieur de Sainte-Colombe et son épouse. Le talent des comédiens et l’écrin parfait du décor naturel conviennent idéalement à ces intenses moments d’émotion. L’épisode représente d’ailleurs la coda de toute une trame narrative de la première moitié de saison s’attachant au souvenir de la disparue chez Frank et sa fille. Rasséréné, Black va désormais pouvoir poursuivre son chemin et nous ne reviendrons plus à Seattle, dans ces décors emblématiques des deux premières saisons, dont la mise en scène développe une superbe revue de détail (Seattle, maison jaune, cabane dans la forêt). D’une manière très symbolique Catherine et Giebelhouse réalisent ici leur ultime prestation. Cet épisode charnière comporte aussi l’immense mérite de combler les blancs frustrants perdurant jusqu’ici entre les saisons 2 et 3. Cette révélation à vif du drame vécu par Frank et Jordan durant la fatidique épidémie revêt également beaucoup de force, tout en répondant à la plupart des questions. L’image de la petite fille accourant seule au devant de secours touche le spectateur au cœur, avec de nouveau une superbe performance de Brittany Tiplady. La mise en scène se montre également à la hauteur, portée par la musique de Mark Snow. On peut d’ailleurs se demander si le titre original n’est pas un hommage à puissance d’évocation des compositions de ce contributeur majeur au succès des séries de Chris Carter. Les scènes d’hallucinations, particulièrement durant la remarquable et horrifique scène d’ouverture, dégage une troublante impression de réalisme mâtiné de cauchemar. Les personnages secondaire se voient également joliment croqués, James Lang et Megan Gallagher retrouvent leurs avec une palpable intensité leurs rôles. Les amateurs de Sanctuary pourront s’amuser de la fugitive apparition de Ryan Robbins, le futur interprète de l’excellent Henry. En serial killer troublante, dégageant un véritable mystère, Jessica Tuck (Grimm, True Blood) réalise une composition étonnamment éthérée et fascinante. Très marginalement, on regrettera les références à Nostradamus, plus à leur place dans la saison précédente.
Les deux premiers opus où apparaissait Lucy Butler s’étaient avérés particulièrement réussis. Par la nature primordiale du mal qu’elle incarnait et l’excellent fantastique qu’elle générait, Lucy avait véritablement imprimé sa marque à une série lui devant plusieurs moments particulièrement intenses. Malheureusement ce troisième épisode suscite une profonde déception, tout comme cela sera le cas pour le Dr. Charles Walker de Medium. Le récit de Carter et Spotnitz, particulièrement pompeux et dithyrambique, ne se compose que d’un patchwork d’idées reprises avec application dans nombre de films d’épouvante traitant de l’enfance, de La malédiction à Rosemary’s Baby, en passant par La main sur le berceau. Il manque singulièrement de nerf et d’à propos, se cantonnant tout du long dans un flou paresseux. On en ressort avec l’impression que le scénario a sans cesse échoué à trouver son véritable sujet. la principale victime en demeure Lucy elle même, à qui Antipas n’apporte aucun développement autre que mélodramatique, mais bien des redites sur un ton mineur. Le personnage se voit réduit à un démon caricatural, à l’occasion lesté d’un maquillage de troisième ordre. La mise en scène s’en tient à des effets aussi efficaces que passablement éculés, mais manifeste néanmoins un certain sens de sens esthétique, notamment lors des scènes dans le labyrinthe. Le principal atout d’Antipas demeure néanmoins la nouvelle grande prestation de Sarah-Jane Redmond, aussi possédée par son personnage que Lance Henriksen peut l’être par Frank Black. L’alchimie entre les deux acteurs permet d’ailleurs à leurs confrontations de surnager au-dessus du lot. On apprécie également le numéro de l’avocat de Lucy, parfait de crapulerie satisfaite et pédante, un régal.
L’épisode renoue avec bonheur avec les excellents épisodes des X-files se déroulant durant les Fifties (Travelers et The Unnatural). On y retrouve une fine stylisation de l’époque, encore magnifiée par un fort beau travail de photographie, apportant un ton sépia aux flash backs, bien longtemps avant la mode actuelle des séries rétro , à la suite de Mad Men. Ces réminiscences s’insèrent harmonieusement au récit principal, avec des transitions assurées avec fluidifié par la mise en scène. Si la seconde partie souffre d’une certaine naïveté dans cette version de Jekyll et Hyde due aux effets biologiques et psychologiques du rayonnement radioactif (on se croirait par moments dans un DC Comics de l’Age d’or), le dévoilement de l’intrigue s’effectue avec un vrai sens du mystère. On apprécie la conjugaison des talents de Frank et Emma, cette infatigable cheville ouvrière de l’enquête s’avérant toujours une alliée aussi précieuse. Au sein d’une distribution très relevée, Le guesting de Barbara Bain en membre historique et conscience morale du Groupe Millennium représente évidemment un maître coup, d’autant que l’actrice exprime aves éloquence les tournements de son personnage. De manière concomitante on retrouve d’ailleurs enfin cette dimension ambivalente qui bénéficiait tant à Peter Watts, trop manichéen durant la première partie de saison. De plus, le récit insère une intense confrontation avec Black, bien trop rares sur cette période. Le questionnement moral de Peter , ainsi que la manière insidieuse dont ce manipulateur subtil et charismatique s’assure d’une influence grandissante sur Emma titillent agréablement le spectateur et annoncent déjà les évènements de fin de saison. Terry O’Quinn est un immense acteur. Par contre la création du Groupe par Hoover apparaît quelque peu caricaturale et téléphonée, et vient surtout se surajouter aux multiples versions existantes de l’historique de l’organisation. Ce flou persistant demeure bien une faiblesse endémique de MillenniuM. La critique, énoncée par Peter, du Groupe remplissant l’esprit de fFranck d’Anges et de Démons au lieu de lui parler franchement résonne comme une critique acide du travail accompli par le duo Morgan & Wong en deuxième saison !
15. FORCER LE DESTIN
Malgré un rappel bienvenu eu thème millénariste de la série, l’épisode souffre particulièrement d’une partie bien trop étirée (près des deux tiers de sa durée) où l’enquête de Frank et Emma demeure essentiellement verbale et contemplative. L’action progresse à un rythme terriblement lent et les auteurs se voient d’ailleurs contraints de meubler, avec cette histoire d’infirmière quasi exogène au récit et en servant visiblement que de bouche trou. On grappille cependant ici où là quelques éléments culturels, aortiques ou ésotériques préchrétiens suscitant l’intérêt, même si restant annexes. Il en va ainsi de l’étonnant décor du repaire des terroristes, un ancien sauna transformé en temple juif fidèle aux descriptions de l’Ancien Testament. Le poteries et diverses représentations du double Ouroboros s’avèrent également superbes. Forcing the End ne trouve son véritable sujet qu’avec le tonitruant twist de l’apparition de Pater Watts auprès d’Emma, venu apporte une aide précieuse et en apparence désintéressée. D’un intérêt intrinsèque modéré, malgré l’étonnante composition d’une Juliet Landau aux antipodes de Dru, l’opus gagne en importance au sein d’un arc scénaristique majeur de cette seconde demi-saison : le parcours l’Agent Emma Hollis. Toujours fidèle, dans les faits, à Frank Black, on la voit ici évoluer d’une manière capitale, élevant pratiquement l’habile Peter Watts au rang de second mentor. Son scepticisme initial devient ici un suivisme quasi religieux, déjà digne d’un membre du Groupe, des éléments bibliques conduisant à une conclusion accélérée et inutilement spectaculaire. Emma apparaît ici comme au milieu du gué entre Black (qui n’a besoin d’aucune vérité révélé, grâce à sa propre sagesse) et Watts, un équilibre dont on pressent qu’il ne pourra qu’être temporaire.
16. JORDAN CONTRE LUCAS
Après Catherine dans Anamnèse, c’est autour de Jordan d’avoir un épisode centré sur elle. Cette configuration permet à la jeune Brittany Tiplady de donner toute la mesure de son si précoce talent. Le récit et la comédienne parviennent à la rendre touchante et pétrie de grâce enfantine, alors même que son désespoir se traduit par d’étonnantes scènes de violence. Outre se dimension fantastique, assez convenue, l’intrigue permet avant tout de porter l’attention sur l’amour unissant Frank à sa fille, l’un des moteurs narratifs essentiels de la série. Frank n’est finalement qu’accessoirement montré ici en tant qu’enquêteur, mais avant tout comme un père, une originalité bienvenue. Les liens s’établissant entre Emma et Jordan s’avèrent également touchants et novateurs.
17. L’ŒIL DE DARWIN
L’irritant point faible de Darwin’s Eye réside dans l’association de Balwin à Frank, de fait de la relative mise en retrait d’Emma. Baldwin, certes interprété avec talent par Peter Outerbridge, apparaît comme l’une des plus faibles créations de cette troisième saison. Il lasse rapidement par sa crétinerie avérée et arrogante et sa lourdeur pachydermique, une irritation croissant avec sa présence à l’écran. De plus les auteurs manquent ici l’occasion d’enfin le faire évoluer. Néanmoins ils développent un joli contrepied le dotant de réflexions cette fois couronnées de succès, notamment lors de la superbe scène de la révélation du gigantesque visage de cassie et de l’obsession narcissique de cette dernière (eh oui, elle est juste dingue). De même, développer un arrière plan conspirationniste se révélant une fausse piste totale représente une jolie audace, dans le cadre des productions Teen Thirteen. Le thème d’une progression à coups de hasards inexplicables, sans logique préconçue aucune, évoqué dès une introduction citant Darwin, se montre original et trouve un joli écho dans le déroulement de l’enquête. Il en va de même, d’une manière autrement sombre, dans le triste destin de l’infortuné Joe et la folie sans retour de Cassie. Cet épisode en trompe-l’œil ne se contente pas d’une décapante prise à rebrousse poil de nombreux clichés mais dégage aussi une vraie émotion, autour de l’effroyable dérive de Cassie (formidable Tracy Middendorf) et de sa romance avec Joe. Il en va pareillement de la tragédie vécue conjointement par le père d’Emma et celle-ci. La terrible maladie d’Alzheimer est évoquée avec pudeur et à-propos, tandis que le profil d’Emma ne cesse de s’enrichir.
18. BARDO THODOL
L’épisode revêt malheureusement les mêmes travers que Skull and Bones cette saison, en les magnifiant. On se retrouve avec une resucée schématique et floue d’attitudes, clichés et autres ressorts scénaristiques maintes fois utilisés, en nettement mieux, dans les X-Files. Tout n’est pas mauvais et la convergence établie entre la science et la magie, la biologie et une nouvelle alchimie aurait pu susciter un captivant scénario. Mais les auteurs s’éparpillent beaucoup trop, ne maîtrisant absolument pas leur sujet. La mise en scène se contente le plus souvent d’exploiter l’esthétique raffinée et colorée des rituels tibétains. Quelques jolis coups sont cependant réussis, comme la vision particulièrement glaçante de mains coupées. Ecouter disserter l’érudit Peter Watts reste toujours un plaisir, cette fois à propos de l’historique et de l’art des bols mortuaires japonais. On s’amuse également à reconnaître la plupart des acteurs asiatiques usuels des séries américaines de l’époque, d’ailleurs également souvent apparus dans les X-Files. Mais tout ceci demeure accessoire face à l’inconsistance profonde du récit, avec un ton elliptique ne servant que de cache misère.
19. SEPT ANS DE MALHEUR
La première partie de l’épisode s’avère particulièrement réussie. A l’occasion de leur dernier scénario écrit pour la série, Carter et Spotnitz introduisent subtilement tout un album d’images évoquant les moments phares de MillenniuM, notamment en première saison (le Polaroïd Man, Bletcher, etc.). La montée de la paranoïa chez Black apparaît également fort bien rendue. Surtout, Black est demeuré, pour une part non négligeable, un mystère tout au long de la série et ses créateurs s’efforcent de nous faire comprendre ce que ressent cet homme percevant les pulsions des criminels les plus abominables et à quel point cela peut le conduire à s’effondrer. Malheureusement les auteures veulent en faire beaucoup trop dans le cadre d’un seul épisode. Il reste pour lm moins étonnant de voir le Fbi se séparer aussi promptement de Frank Black (au nombre de succès inégalable), uniquement parce que l’organisation croit qu’il traverse une profonde dépression nerveuse. L’interprétation demeure brillante, mais le scénario accumule les concepts religieux moraux et ésotérique jusqu’à en donner le tournis et donner l’impression d’artificialité. La mise en scène donne aussi lieu à une surenchère de spectaculaire assez vaine, renonçant, hélas, au réalisme psychologique, au profit du grand guignol. D’autre part l’épisode renoue avec une des principales faiblesses de cette troisième saison, la trop grande convergence avec les X-Files. En effet que la nature de l’adversaire de Frank relève du Fantastique, et non de la Science-fiction, ne change rien au fait qu’il évoque trait pour trait le Bounty Hunter.
Entre un épisode mythologique clé mais trop ambitieux et le grand final, on apprécie vivement que MillenniuM prenne le temps d’une respiration et de nous offrir un ultime loner, de fort bonne cuvée qui plus est. On retrouve ici une solide enquête, certes très classique dans son ordonnancement, assez proche du ton de la première saison et s’appuyant sur des personnages marquants, écrits et interprétés avec talent. Si Emma demeure quelque peu périphérique dans le développement des évènements, il reste touchant d’observer les auteurs continuer à approfondir le portrait de la protagoniste et son arrière plan à la veille de la clôture de la série. On apprécie l’exploration de l’arrière cour d’une petite ville tranquille, dont apparence sereine dissimule bien des secrets et des turpitudes. Le pied coupé fait d’ailleurs joliment écho à l’oreille du Blue Velvet de David Lynch, très proche sur ce point. Le regard désenchante d’Emma accroît encore l’impact de cette révélation, tandis que sa complicité avec Frank se montre particulièrement communicative Il est également astucieux, pour ce dernier épisode, de s’intéresser au moment précis où nait un rueur en série, quand ses pulsions prennent le dessus sur son humanité, sans toutefois totalement l’oblitérer. Nelson reste sans doute l’assassin rencontré jusqu’ici désirant le plus ardemment être découvert. La compassion de Frank envers le coupable apporte une précieuse sensibilité au récit, loin du manichéisme habituel aux productions américaines. La mise en scène, toute en sensibilité, souligne avec finesse cet aspect. Ce type d’épisode, intelligent et maitrisé, à défaut d’être novateurs, complète efficacement une saison et laisse des regrets quant au potentiel toujours démontré par MillenniuM.
21-22. LE CHEMIN DE CROIX / LA FIN D’UN TEMPS
L’enquête menée en première partie se révèle un modèle du genre, permettant d’ailleurs d’encore compléter l’historique de Frank. Les différents acteras de l’action donnent le meilleur d’eux mêmes, y compris Baldwin. Le personnage se décide à évoluer quand survient la onzième heure, lors d’un rapprochement presque émouvant avec Frank. Les auteurs ne cèdent pas à la tentation de l’emballement et prennent le temps de développer une solide intrigue policière, voire scientifique. Le récit apparaît d’ailleurs plus high tech que la grand majorité du parcours de MillenniuM. Le profil de Barr, tueur posé et doté d’une prodigieuse confiance en soi, se montre haut en couleurs. Le père d’Emma continue à se montrer bouleversant, avec une maladie oblitérant jusqu’à son amour paternel, jusqu’au souvenir de sa propre fille. Grâce à Terry O’Quinn, Petee Watts se montre enthousiasmant en tentateur digne de Méphistophélès ! Après le spectaculaire cliffhanger, le récit passe à une vitesse encore supérieure, la traditionnelle chasse au serial killer s’élargissant magistralement à la mise à jour d’un sombre et formidable complot. Le final de la série réussit là où des épisodes comme Bardo Thödol ou Skull and Bones ont échoué, avec un récit s’assimilant cette fois aux meilleures heures des X-Files. L’intrigue se montre captivante et rythmée, parfaitement explicite et accumulant les rebondissements. Chaque protagoniste trouve sa vérité avant la fin, y compris Watts choisissant seq idéaux moraux et son amitié envers Frank à l’heure ultime. Le choix d’Emma laisse un goût amer mais se montre inéluctable, compte tenu de son parcours et de l’attachement porté à son père. La voir doublement condamnée, par ce dernier mais aussi par Frank, est réellement tragique. En ultime serial killer de la série, et premier artificiellement créé, Barr tient parfaitement la route. Il se révèle un excellent moteur pour l’intrigue, surdoué et macabre au dernier degré. Le choc terminal de ses deux personnalités se montre bouleversant. Ce chef d’œuvre qu’est Goodbye too all that rend en définitive un superbe hommage aux différentes facettes de MillenniuM, avec un Lance Henriksen toujours aussi impérial. La fuite éperdue de Frank et de Jordan revêt la forme d’une angoissante interrogation, tant le Groupe n’aura jamais paru aussi puissant et triomphant. Peter n’est plus là pour modérer et protéger, alors que l'échéance du millénaire se rapproche toujours davantage. Le mérite du médiocre Millennium des X-Files présentera au moins le mérite de nous rassurer quant au devenir de cette si attachante famille.
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Présentation
Frank Black (incarné par Lance Henriksen) fut le meilleur profiler du FBI, ses étonnantes capacités d’empathie avec les pires serial killers lui permettant de voir les crimes vus par les yeux des assassins. Ces facultés paranormales permirent à Frank de devenir une légende du Bureau, après de nombreux et retentissants succès. Mais sa proximité avec l’horreur l’ébranla progressivement, jusqu’à ce qu’une affaire encore plus insoutenable que les précédentes l’amène à quitter ce travail. De plus, il prend peur pour sa femme Catherine et leur fille Jordan, quand des photos anonymes représentant sa famille sont envoyées à son domicile. Il quitte donc Washington pour s’installer à Seattle, espérant mener une vie tranquille. Mais des amis de la police locale ne tardent pas à l’appeler à l’aide, car la proximité du passage au prochain Millénaire semble exacerber les pulsions des différents maniaques homicides et multiplier les meurtres. Frank accepte alors de reprendre le collier, tout en recevant l’aide d’un ensemble d’experts et de vétérans du FBI ,et d’autres services de police, désormais à la retraite, connu sous l’appellation de Groupe Millennium. Son émissaire devient l’énigmatique Peter Watts. Au fil des affaires, Frank va progressivement s’interroger sur la véritable nature de l’évènement millénariste, mais aussi sur les buts ultimes poursuivis par le Groupe. En 1996, Chris Carter lance sa seconde grande série, auréolé par le succès des X-Files, dont on aborde alors la quatrième saison. Quoique se déroulant dans le même univers, MillenniuM demeure très différente de son ainée. Quelques points communs demeurent, comme un sublime indicatif de Mark Snow ou plusieurs visages connus. The X-Files et MillenniuM conservent la même structure d’enquêtes policières mais, tandis que l’une s’en sert pour édifier un vaste panorama des divers thèmes du Fantastique et de la Science Fiction, l’autre va davantage s’intéresser aux différentes visions du millénarisme et à l’horreur, celle résidant dans les déviances de l’être humain et de la société. On trouvera nettement moins d’épisodes décalés et d’humour dans MillenniuM. Sa tonalité funèbre et apocalyptique s’impose avec une rare force, dans le cadre parfait de Vancouver. Les abominations perpétrées par les divers illuminés iront d’ailleurs souvent plus loin dans l’épouvante explicite que les diverses créatures des X-Files. Si Mulder et Scully se constituent en duo, Black, malgré les fortes relations avec sa famille, demeure toujours dans son travail un fascinant solitaire introverti, lui même passablement énigmatique. Son amitié ambivalente avec Peter Watts apportera cependant un précieux contrepoint, tandis que Lance Henriksen et Terry O’Quinn se montreront toujours souverains, au sein d’une excellente distribution. Le conspirationnisme des X-Files se montre gouvernemental et contemporain, tandis que la définition de celui de MillenniuM s’avère nettement plus fluctuante. Après une première saison, particulièrement relevée, où ce sujet apparaît encore en sourdine car dédiée à la mise en place du héros et de sa lutte contre les serials killers, Carter décide de se centrer sur les X-Files, au moment où le départ de Vancouver et Fight the Future requièrent toute son attention. Il délègue alors la direction de la série au duo Morgan & Wong, à qui les X-Files doivent plusieurs coups d’éclat. Toutefois, ceux-ci fonctionnent en autonomie, comme cela avait le cas sur le tournage des X-Files, et vont impulser leur propre vision, plus fantastique, de la mythologie de la série. Celle-ci s’inspire dès lors de la tradition centenaire des loges mystiques du genre Rose-croix et autres Illuminati, évoqués par Umberto Eco dans son fascinant Le Pendule de Foucault, n’hésitant pas à doter le groupe d’origines remontant au haut Moyen âge européen. Le thème du Groupe revêtit également trop d’importance, phagocytant les enquêtes séparées. Revenu aux affaires, Carter va équilibrer ces deux aspects mais aussi s’orienter vers une vision plus proche de celle développée dans les X-Files. Il suscite d’ailleurs tardivement un duo, avec le personnage plus « sceptique » de l’Agent Emma Hollis, un déplacement de l’action à Washington et une confrontation directe entre le Groupe et Frank. D’où un manque constant de cohérence, qui va s’avérer fatal à une série dont le public finit par décrocher. La série paie également son pessimisme foncier, sa violence et sa noirceur extrêmes, mais aussi ses profondes interrogations morales, rebutant les spectateurs habitués à plus d’allant et de happy ending. Ulcéré par l’annulation de la production, de même que par sa très décevante conclusion au sein d’un épisode des X-Files (MillenniuM, 7-04) Lance Henriksen, rejoint par Carter, tentera vainement de lui susciter un prolongement au cinéma, pour l’heure en vain. MillenniuM n’en demeure pas moins une série de haut vol, dont l’éclat ténébreux suscite toujours la même fascination quand on la redécouvre aujourd’hui. Conjointement avec la simultanée Profiler (1996-2000, davantage orientée vers le policier que sur le paranormal) elle aura contribué, sur le modèle de Seven (1995), à lancer une vogue de nouvelles séries policières. Ses divers protagonistes bénéficieront d’un don particulier les séparant du commun des enquêteurs. Cette tendance, flirtant ou non avec le Fantastique et abordant volontiers des tueurs hors normes, perdure toujours aujourd’hui. |
Saison 1
2. Le Visage de la Bête (Gehenna) 3. L'Empreinte de la mort (Dead Letters) 5. Le Complexe de Dieu (522666) 7. Parenté sanglante (Blood Relatives) 8. Un verrou sur le cœur (The Well-Worn Lock) 9. Meurtres sans effraction (Wide Open) 12. Amour immaculé (Loin Like a Hunting Flame) 13. Force majeure (Force Majeure) 14. Les Blessures du passé (The Thin White Line) 17. Les Jumeaux diaboliques (Walkabout) 18. Lamentation - 1re partie (Lamentation - Part 1) 19. Les Principes de la domination (Powers, Principalities, Thrones and Dominions - Part 2) 20. Un monde brisé (Broken World) 22. La Colombe de papier - 1re partie (The Paper Dove - Part 1) Intéressante particularité ou défaut permanent, chacune des trois saisons de MillenniuM développera une vision différente de la série. Ce premier segment reste celui où la Mythologie, incarnée par le Groupe Milllennium et ses relations avec Frank Black, demeure le plus en retrait. Peter Watts reste encore essentiellement un collaborateur, certes à l’évident charisme. La saison semble se constituer essentiellement d’enquêtes indépendantes de Frank (au modèle relativement répétitif), mais installe déjà en arrière fond le thème transversal de MillenniuM, qui, lui, perdurera. A l’horizon du Millenium, allégorie et paroxysme des travers et abîmes de nos sociétés, le Mal connait une inexorable montée en puissance. Devant l'ascension des Ténèbres, seuls quelques individus d’exception ont le courage et la lucidité de faire front, en un combat à l’issue bien incertaine. A l’orée du nouveau millénaire c’est une Apocalypse au moins morale qui se dessine. La nature exacte de cet évènement (chute de la civilisation, périls écologiques, guerriers, bibliques, épidémiques…) sera par contre débattue au cours d’une série brassant avec succès les grandes angoisses de notre temps. A Seattle, assisté des valeureux policiers locaux et des différents experts du Groupe, mais surtout de son expérience et de son Don, Frank Black se confronte à la manifestation la plus abominable et immédiate de ce virage périlleux dans lequel s’engouffre le monde : la multiplication des serial killers et autres illuminés homicides de toutes obédiences, que le millénarisme semble faire surgir du sol. Malgré son contact si intime avec l’horreur, Frank combat également pour conserver son intégrité morale et son humanité, sans lesquelles la lutte serait d’ores et déjà vaine. Frank n’a rien d’un optimiste croyant aux lendemains qui chantent, mais apparaît au contraire convaincu de la prégnance du mal au cœur des individus, ce qui ne l’incite pas à capituler, bien au contraire. Il puise un réconfort vital auprès de sa famille, qu’il entend préserver autant que possible en l’installant dans cette radieuse Maison Jaune devenue l’un des emblèmes de MillenniuM. Cette saison est celle de l’apogée de la série, à la fois concrétisation directe de la vision du seul Carter (sans interférences, contrairement à la saison 2) mais aussi moment où celui-ci dessine une voie originale, avant que le faible accueil d’un public réfrigéré par la noirceur de cet univers, alors inédite à la télévision, ne le conduise à un certain rapprochement avec le modèle conspirationniste des X-Files (saison 3). Après des épisodes très policiers, la seconde partie de la saison verra un développement plus mystique, se rapprochant du Livre de l’Apocalypse. Plus classiquement, les différentes figures de la série se voient mises en place. La mise en scène prend d’emblée l’option d’une suggestion crue et morbide des différents meurtres et tortures, rendant certains passages particulièrement éprouvants. L’éventail, étonnamment varié, des pratiques développées par les différents tueurs relève du pur cauchemar. Les humains se révèlent bien plus abominables encore que les créatures des X-Files, ce qui paraît hélas au combien convaincant. Au-delà des quelques excursions, encore relativement limitées, dans le Fantastique (la bataille d’Armageddon s’annonce) et des abominations montrées, c’est bien le réalisme de la relation qui frappe, tant les faits divers réels rejoignent régulièrement la fiction. Les auteurs auront toujours soin de n'utiliser la violence que comme révélation de l’horreur psychologique qui la sous-tend, bien plus effroyable encore. L’abîme réside encore davantage dans l’âme humaine que dans les actions en résultant. Les décorateurs réalisent également de sombres merveilles, concevant de nombreux lieux d’un sinistre rarement égalé. L’impact des citations, souvent bibliques, inaugurant rituellement les épisodes, de même que la musique inspirée de Snow ou l’étonnante qualité de l’interprétation parachèvent l’ensemble. A l’issue de la saison, l’espoir en l’humanité et en son devenir vacille plus que jamais, mais perdure encore, grâce à Frank Black. Mais lui même menace à son tour de tomber dans l’ombre, quand sa famille est attaquée par le plus effroyable et machiavélique des déments criminels. Le fatidique compte à rebours vers le Millennium poursuit son cours. Ancien profiler du haut vol du FBI, spécialisé dans la lutte contre les serial killers, Frank Black démissionne, ne supportant plus l’accumulation des horreurs. En effet il dispose d’un don lui permettant de percevoir l’esprit des criminels. De plus, effrayé par des photographies anonymes de sa famille, son épouse Catherine et sa fille Jordan, il quitte Washington pour s’installer à Seattle. Cependant il se décide rapidement à mettre son expertise au service de la police locale, dont le lieutenant Bletcher est un vieil ami. Celui-ci a en effet bien du mal à lutter contre un tueur en série particulièrement insaisissable, surnommé le Frenchman, ou le Poète, du fait de messages énigmatiques tirés de Nostradamus. Frank s’est également associé au groupe Millennium, regroupant des retraités et experts du FBI et de divers services fédéraux. Ils vont mettre leurs importants moyens à sa disposition, via leur envoyé, Peter Watts. Frank élucide l’affaire après bien des rebondissements, établissant que le fou a entrepris de sauver l’humanité face à l’apocalypse, annoncé, par le prochain passage au nouveau millénaire, en la nettoyant de la souillure représentée par les personnes atteintes de maladies sexuellement transmissible. Il est en effet certain que le SIDA va détruire le monde et supplicie puis exécute de diverses atroces façons les contaminés. Le forcené tente de tuer Frank, quand il est abattu par Bletcher. Avec une force ne connaissant que bien peu d’équivalents, le pilote de MillenniuM frappe d’emblée les esprits par la fulgurance funèbre de sa mise en scène et le caractère passablement absolu de la pathologie du Frenchman. Ceci éclate dès la formidable scène d’introduction, qui nous plongea d’emblée au cœur de la démence de ce dernier, nous faisant littéralement voir par ses yeux et ressentir son déséquilibre intérieur. Le talent de David Nutter, grand spécialiste des pilotes, fait merveille dans ces images entremêlant la mort, le sang, le sexe et une vision totalement dévoyée des valeurs morales. Un véritable coup de poing. C’est d’ailleurs à juste titre que le Frenchman occupe une place similaire auprès des amateurs de MillenniuM à celle d’Eugène Tooms pour ceux des X-Files car, porté par la prestation troublante de conviction du formidable Paul Dillon, il annonce avec une même force les adversaires à venir de Frank Black. En effet, à l’instar de bien d’autres serial killers qu’affrontera Frank, le plus abominable ne réside pas dans les tortures insoutenables et les meurtres totalement sordides qu’inflige le Frenchman, soulignés avec un réalisme sans fard par la réalisation, mais bien dans son absolue conviction qu’il accomplit de la sorte le Bien. Cet abîme là apparaît proprement vertigineux. Mais, aussi abyssal qu’il soit, ce n’est pas le Frenchman qui capte le plus intensément le regard du spectateur. En effet ce pilote demeure avant l’occasion d’une rencontre parfaitement aboutie avec Frank Black. L’intrigue, rondement menée et encore essentiellement policière, restitue à merveille la puissance à double tranchant de son Don, mais aussi son talent et son expérience face à ces cas définitivement à part. Mais, dans une image inversée superbement construite du tueur, ce n’est pas tant par ces capacités, certes hors normes, que Frank s’impose d’emblée, mais par son opiniâtreté à maintenir son humanité face à l’abime, tout comme celle d’autrui. La nécessité de se détacher des événements pour se préserver n’éteint jamais cette flamme. Certaines scènes apparemment mineures émeuvent ainsi par l’infinie pudeur qu’il manifeste face aux dépouilles des victimes, ou durant son interrogatoire respectueux et sensible de la strip-teaseuse. Lence Henriksen, comédien chevronné et charismatique (et plus profond qu’un Duchovny, disons-le) campe admirablement cet homme ayant vu en face l’enfer et décidant, malgré tout, d’y retourner pour le bien commun. La composition tout en présence et en intériorité de l’acteur lui vaut de représenter l’atout ultime de MillenniuM, une évidence s’imposant dès ce pilote. Des personnages dits secondaires viennent compléter le tableau, avec notamment la solide équipe des policiers de Seattle, chez qui, fort judicieusement, les méthodes et la personnalité de Black sont loin de s’imposer d’entrée. Catherine et Jordan, incarnées avec beaucoup de naturel par Megan Gallagher (resplendissante) et Brittany Tiplady, s’imposent comme crucial soutien pour Frank (mais aussi comme source d’inquiétude). Le toujours excellent Terry O’Quinn impressionne déjà par l’intensité d’un Peter Watts posant les jalons de la coopération puis de l’amitié future avec Frank. Vancouver s’érige instannément en écrin parfait pour l’univers de MillenniuM. Son atmosphère froide et enténébrée, bien connue des amateurs des X-Files, se voit ici sublimée par la musique de Snow (mais aussi une bande son externe choisie avec pertinence). Il en va de même pour une photographie maniée avec un art consommé. Celle-cibénéficie également à la célèbre Maison jaune, qui ne se détache qu’avec plus de force de décors savamment sordides et grisâtres (couloirs, parkings, peep show etc.). Les dialogues sonnent également justes, se distinguant par une absence totale d’humour, audacieuse mais cohérente. La découverte crue des atrocités perpétrées par le tueur s’inclue dans la description des méandres de l’esprit malade du Frenchman et non pas, malgré sa force inédite, comme un spectacle voyeuriste et malsain. La description psychologique des protagonistes manifeste d’ailleurs un impact encore supérieur à ces passages, même si Nutter s’y montre redoutable d’efficacité. Un trépidant dénouement parachève la mémorable réussite de ce pilote particulièrement riche, fusionnant ses divers éléments sans la moindre artificialité. il parvient, succès rare, à concilier une intrigue forte et captivante à une efficace mise en place de l’univers de Frank Black. En tant que série dérivée, MillenniuM devait également justifier son existence en se détachant des X-Files. Mission accomplie également sur ce point crucial : accent mis sur l’horreur résidant dans l’esprit humain et non dans des créatures surnaturelles, noirceur que les X-Files n’égaleront que ponctuellement et stature de figure centrale et solitaire revêtue par un Frank Black prenant d’emblée toute sa dimension. Black se montre également d’un âge plus avancé que Mulder et déjà installé en famille, ce qui s’avère bien entendu tout à fait distinctif. L’on ne pouvait rêver lancement plus abouti et prometteur pour MillenniuM.
2. LE VISAGE DE LA BÊTE Peter Watts sollicite l'intervention de Black quand d'importantes quantités de cendres humaines sont découvertes dans un parc de San-Francisco. Arrivé sur les lieux, Frank perçoit que les victimes ont été jetées vivantes dans un gigantesque four crématoire. Les analyses scientifiques d'un autre membre du Groupe, Jim Penseyres, permet d'identifier une victime. Les parents de ce jeune tchétchène naturalisé expliquent à Frank et Peter que leur fils avait récemment trouvé un travail promettant de fortes rémunérations et qu'il était très lié à ses nouveaux collègues. Puis il a totalement rompu avec sa famille. Frank finit par découvrir que l'entreprise, sous une couverture de télémarketing, est en fait une secte apocalyptique (Gehenna). Son chef, Ricardo Clement, en fait brûler vifs les membres les moins performants. La secte préparait un attentat majeur, mais est désarticulée par Frank. Il également sauve in extremis un enquêteur du Groupe du four industriel utilisé par l'organisation, même si celui-ci est grièvement brûlé. Black estime que le leader était peut être sous l'influence d'une entité supérieure, Parallèlement, le Groupe échoue à identifier l'auteur des photographies anonymes de la famille de Frank. Quoique déplaçant, partiellement, l’action de Seattle à San Francisco, Le Visage de la Bête s’insère fort harmonieusement après un pilote dont il développe agréablement les différents apports. Nous en apprenons ainsi davantage quant au passé de Frank, ses traumatismes, l’affaire des photographies ou encore sa rencontre avec le groupe Millennium et les méthodes de ce dernier. On découvre également l’un des endroits clés de la série, le bureau au sous-sol, connecté à l’Internet, où, bien à l’écart de sa famille, Frank élucide les plus sombres énigmes. Un élargissement fort bienvenu, se complétant par une mise en avant des piliers de la série que seront Catherine et Peter. A sa manière Catherine se montre toujours aussi forte et radieuse face à l’épreuve et sa relation avec Frank, pour établie qu’elle soit, s’avère particulièrement sensible et émouvante. Dans cet épisode particulièrement riche en émotions diverses, une belle amitié s’instaure entre elle et Bletcher. Peter se définit déjà en irremplaçable auxiliaire et interlocuteur de Frank, mais le génie du grand Terry O’Quinn permet de lui conférer une stature et densité bien supérieure à la somme de ses actes, nous laissant déjà entrevoir le mystère que constitue sa véritable nature. Du grand art. L’épisode permet également de moduler de manière assez ludique le positionnement de MillenniuM vis-à-vis des X-Files, en affirmant sa différence globale tout en rejoignant le rituel du meurtre d’avant générique (ce n’était pas le cas lors du pilote), une fort percutante séquence, ainsi que celui de la citation suivant le générique. Mais au lieu d’une phrase (quasi) immuable comme l’emblématique La Vérité est ailleurs, MillenniuM va au contraire jouer la carte de la diversité, avec à chaque fois une nouvelle énigmatique citation. Et puis l’on en peut s’empêcher de penser qu’après les fameuses théories, toujours erronées, de Scully autour des fameuses sectes sataniques, inaugurer MillenniuM par... Et bien une secte satanique archétypale, c’est simplement royal. Si l’atmosphère de l’affaire eu jour se révèle légèrement moins sombre (tout est relatif) et la psychologie de l’adversaire du jour, du sadisme à l’état pur, moins torturée et complexe que celle du Frenchman, l’enquête de Frank captive néanmoins par l’absolue véracité qui s’en dégage. Les amateurs de séries policières classiques pourront trouver leur compte dans ce premier segment de MillenniuM, car les recherches s’y déroulent de manière réaliste et structurée, c’est ici particulièrement évident. Le recours aux technologies enrichir le récit, sans en devenir l’alpha et l’oméga, comme on a pu depuis le constater sur nos écrans. Le parfait alliage réalisé entre ce versant de l’affaire et les élucidations mystiques développe une atmosphère originale mas tout à fait pertinente. L’épisode contribue également à affiner la définition du Don de Frank, ainsi que le tempo de son insertion au sein de recherches qu’il doit stimuler, mais non par trop faciliter. La série achève ici de trouver la parfaite formule sur ce point. L’impact de la conviction du récit se remarque également dans sa critique du phénomène sectaire, aussi implacable qu’argumentée. Les différents ressorts, hélas souvent retrouvés dans les témoignages réels des rescapés, de la dépersonnalisation des individus fragiles s’y trouvent décrits avec finesse, mais aussi une force évitant le piège du déclamatoire. Les dialogues se montrent à cet égard tout à fait remarquables, notamment durant l’interrogatoire du membre de Géhenna. Le Visage de la Bête manifeste d’autant plus de pertinence qu’il évoque directement l’actualité lors de sa diffusion initiale, l’effroyable attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo se déroulant l’année précédente. Le parallèle entre la secte japonaise et Géhenna s’élabore d’ailleurs avec une effrayante clarté. La réalisation de David Nutter, toujours efficace et étonnamment élaborée pour une série télévisée, bénéficie visiblement d’amples moyens. Elle nous vaut notamment une scène magistrale, à la fois absurde et grinçante sur ces démarcheurs téléphoniques (pour shampoings !), eux même soumis à un lavage de cerveau permanent. On se croirait dans une allée particulièrement enténébrée du Village. Ce thème des technologies modernes de communication permettant une plus grande présence du mal s’avère très présent chez Chris Carter. Ce dernier l’illustre notamment dans divers opus souvent particulièrement réussis des X-Files, comme Folie à deux ou Mauvais Sang. Toutefois, dans le présent épisode, l’auteur s’attache plus généralement à l’une de ces problématiques centrales, la nature de l’origine du Mal. A travers notamment des discussions entre Frank et Catherine, irriguées de citations des Saintes Ecritures (une spécificité américaine menée ici de main de maître), Carter oppose une source endogène à l’humanité à une autre exogène, provenant d’une source indicible. S’il laisse au spectateur le soin de se forger sa propre opinion, l’auteur martèle néanmoins que le Mal, quelque soit son origine, ne saurait être vaincu décisivement. Bien au contraire il ne cesse de gagner de terrain en cette fin de millénaire où l’Humanité ne cesse de toujours davantage avilir le meilleur d’elle-même et de céder à ses plus sombres pulsions. Une conclusion glaçante, mais imposant définitivement MillenniuM comme une série résolument adulte.
3. L'EMPREINTE DE LA MORT Un corps féminin démembré est découvert à Portland. Malgré l'absence de preuves physiques, Frank pressent que le tueur a voulu laisser un message et qu'il va frapper à nouveau. Il fait équipe avec Jim Horn, un détective prometteur que le Groupe envisage d'intégrer dans ses réseaux. La collaboration s'effectue difficilement, Jim s'avérant doué, mais perturbé par un douloureux divorce. Des nouveaux débris humains sont découverts, cette fois accompagné de messages énigmatiques. Frank détermine que le Tueur se sent rejeté par la société, jusqu'à ressentir une négation de son existence et que les assassinats représentent pour lui une tentative désespérée d'attirer l'attention. Alors que Jim commence à craquer sous la pression suscitée par de nouveaux meurtres, Frank remarque une arrogance nouvelle et euphorique chez le serial killer. Il décide de le pousser à la faute en le décrivant publiquement comme un dégénéré. Un piège est tendu mais échoue du fait de Jim, qui agresse un innocent et sombre dans la paranoïa, voyant partout le Tueur et le van où celui-ci débite ses victimes. Frank tend une nouvelle souricière, cette fois concluante. Mais Jim manque de battre à mort le fou et de détruire les preuves matérielles. Le Groupe le rejette, malgré la compréhension de Frank. La scène d’introduction s’affranchit du sempiternel meurtre pour nous plonger au cœur d’un cauchemar de Jordan. Ces images se révèlent se révèlent d’autant plus terrifiantes qu’elles proviennent d’une charmante petite fille et que l’horreur se répand aussi progressivement qu’inexorablement, jusqu’à devenir insupportable pour la rêveuse. L’esthétique onirique (cauchemardesque) se montre des plus réussies, jusqu’à manifester un certain rapprochement avec les fulgurances de Lynch. Un sentiment que l’on retrouvera avec ses apparitions cliniques du Tueur sur son sinistre atelier, ponctuant soudainement l’action. La mise en scène de Thomas J. Wright s’impose d’ailleurs d’emblée comme parfaitement maîtrisée. Mais l’atout majeur de Dead Letters réside néanmoins dans la finesse et l’ambition caractérisant le talent du duo Morgan/Wong lors de l’écriture psychologique de leurs personnages. Par une cruelle ironie, le Tueur, si désespérément désireux de laisser une trace de sone existence, se voit dénié le simple droit à un nom et demeure désigné par cette anonyme appellation. S’il demeure silencieux, l’intrigue permet à son subtil interprète de pouvoir exprimer sa dimension tragique, non dissimulée par le caractère absolument abominable de ses tueries. La continue coexistence de ces deux dimensions rend son portrait absolument troublant. L’effroyable atelier d’équarrissage que contient son véhicule apporte une nouvelle épreuve de l’art consommé de l’équipe artistique de MillenniuM, toujours si féconde en matière de réalisme sordide. Le duo d’auteurs ne se limite pas à ce portrait bien croqué mais l’érige en parabole du caractère aliénant que revêt notre société basée sur le paraître. Ce mouvement trouve un écho fort bien trouvé chez Jim Horn. Lui aussi, mis à mal dans sa vie personnelle, nié dans son rôle de père, va toujours plus éperdument chercher une échappatoire dans son action et la reconnaissance d’autrui. Que ses tentatives d’élucidations de la psychologie du dément, pour aussi brillantes qu’elles paraissent au premier abord, soient toujours balayées du revers de la main par les fulgurances et l’intelligence supérieure de Black accentue encore son désarroi, dans une mécanique réellement implacable. Les tensions en résultant finissent par le rapprocher de son adversaire, dans un parallélisme aussi effrayant que magistral. Leur confrontation finale résonne davantage par la violence sauvage du combat que par le choc des deux désespoirs qu’il véhicule. James Morrison se montre impressionnant d’expressivité et restitue parfaitement le progressif délabrement moral de Jim, son face à face avec Lance Henriksen demeure mémorable. Sans tout à fait le reléguer à la périphérie, cette traque destructrice minore quelque peu la part prise habituellement par Frank Black dans le récit. On peut y déceler à bon droit une nouvelle expression de la tendance de Morgan/Wong à travailler en autonomie dans le développement de leurs conceptions (on en reparlera ultérieurement). De fait l’action se centre clairement davantage sur les personnages du jour, plutôt que sur le héros et moteur principal de la série, ce qui pourrait devenir frustrant. Cet aspect se voit néanmoins minoré par la qualité du discours général de l’épisode, d’autant que le fait que Frank s’intéresse en définitive davantage à la résolution de l’affaire qu’aux tourments de Jim sonne juste. Même s’il a tenté de l’aider par son expérience personnelle, il ressort d ‘ailleurs clairement que Frank ne se fendra pas d’un appel à Peter Wattspour tenter de sauver la situation de Jim, d’ailleurs dans l’intérêt même de ce dernier. L’absence de Peter, résultant également du choix des auteurs, se note également, quel dommage que de se priver de Terry O’Quinn. Le seul vrai regret de cet opus reste la caractère caricatural de la manifestation d la névrose de Jim, voyant le Tueur et son van partout, cette outrance jure avec la subtilité du reste de l’intrigue.
A Seattle, une femme reçoit un colis contenant une langue humaine. Ces envois de morceaux de corps humains se déroulent depuis quatre ans, sans la police puisse en élucider l’origine. Elle fait alors appel à Frank. Celui-ci, aidé par divers spécialistes du Groupe, détermine qu’un individu manipule des esprits simples et violents récemment sortis de prison, afin de rendre une version particulièrement dévoyée de la justice. Le Juge identifie ce qu’il estime être des délits et envoie ses tueurs prélever sur les « coupables » les et membre correspondant à une monstrueuse Loi du Talion, qu’il transmet ensuite aux « victimes ». Identifié par Frank et Bletcher, le Juge parvient à s’en sortir grâce à sa vive intelligence et à sa connaissance du système judiciaire. Cependant son dernier disciple lui applique sa propre loi et l’exécute, avant de jeter sa dépoile aux porcs. Le scénario de Le Juge se révèle une redoutable mécanique de mort, à l’image de l’antagoniste du jour. Sans apparaître fulgurant d’originalité les étapes successives de l’enquête se succèdent avec pertinence : choc initial de la découverte macabre, réunion des pièces du puzzle par Black en parallèle avec la découverte progressive du modus operandi du Juge, confrontation finale… L’intrigue purement policière dose savamment ses effets car, si tout converge évidemment vers la confrontation entre le Juge et Franck, elle se montre suffisamment robuste pour parer à toute impression d’artificialité. Le face à face tant attendu tient toutes ses promesses la morgue suffisante et plastronnant du Juge s’opposant à merveille avec la retenue de Frank. Lui succédant très rapidement, la conclusion s’avère une merveille d’humour noir (morbide) quand le Juge se voit pris à son propre piège et exécuté par son disciple. La palabre survenant entre ce dernier et Frank, d’autant plus percutante qu’elle est ressort cette fois totalement inattendue, baigne dans une atmosphère de folie froide absolument étonnante. L’on rapprochera simplement à ce sublime scénario une opposition trop systématisée des policiers devant les théories de Frank et un certain flou quant à l’origine des informations dont dispose le Juge à propos du Groupe. Le Juge demeure également une fort belle étude de caractère, en premier lieu au tour du rôle titre. Haleur, mégalomane, d’une épouvantable hypocrisie, amis aussi d’une intelligence supérieure, le Juge constitue un adversaire de choix pour Frank. Mais à son côté dominateur et monolithique on préférera encore les fêlures si profondes de son disciple, et sa désespérée quête de sens à donner à sa vie. Le personnage se montre véritablement abyssal et le contraste entre son apparence un peu minable et la violence qu’il recèle fonctionne pleinement, d’ailleurs c’est tout à fait logiquement que le Juge, habituellement si pénétrant, s’y laisse pendre ! Le récit permet également à Franck de briller de nouveau par son humanité et son professionnalisme, tandis que sa relation avec son épouse s’installe décidément au cœur de la série. Pour la première fois, Catherine apporte d’ailleurs sa contribution à l’enquête, une excellente initiative. Bletcher impose également sa solidité, mais se voit voler la vedette par l’entrée en scène réussie de Cheryl Andrews, à qui CCH Pounder, qui lui confère immédiatement une indéniable présence. Ces autopsies très particulières ne sont pas sans évoquer celles de Dana Scully, mais le caractère entièrement humain de l’affaire en rehausse encore l’horreur. La réalisation, totalement funèbre, emporte l’adhésion. La photographie se montre remarquable et la caméra accompagne à la perfection le jeu des comédiens. Certains lieux, comme le bar ou l’auge des porcs sont filmés avec un sens consommé de l’abominable. Mais ce sont les artistes de la série qui s’avèrent le plus performants. La reconstitution des divers membres découpés, à divers stades de putréfaction, achève de dessiner le cauchemar. Quelques excellentes idées de mise en scène parsèment agréablement l’ensemble, comme le masque du Juge soulignant l’aspect grotesque de l’individu, le thème transversal du porc (nourriture, citation biblique, animaux voraces…), ainsi que des visions de Frank particulièrement suggestives.
5. LE COMPLEXE DE DIEU A Washington, Raymond Dees commet des attentats à l’explosif particulièrement meurtriers. Atteint par le Complexe de Dieu il voit les explosions qu’ils suscitent comme de véritables créations artistiques bouleversant le Destin. Avide de gloire médiatique ; il intervient ensuite en sauveteur sur le lieu du drame, tâchant de capter le regard des caméras. Il envisage ses futures explosions avec tant de précision que ses visions rejoignent celles, postérieures, de Black. Une traque acharnée débute entre ce surdoué, féru d’électronique, et Frank, assisté des puissants moyens du FBI et du Groupe. Les deux hommes s’affrontent également lors de conversations téléphoniques tournant vite au duel. Dees est finalement identifié par Frank, mais il force les policiers à l’abattre pour éviter une explosion supposée tuer celui-ci. Il part ainsi en pleine gloire, comme il l’avait planifié depuis le début, constate amèrement Frank. 522666 captive de bout en bout le spectateur par l’implacable duel de haut vol opposant Frank au particulièrement redoutable Dees. L’intensité du combat ressort avec force à travers les nombreux rebondissements dont le flux ne diminue jamais, ainsi que par la partie mortelle voyant deux esprits supérieurs s’affronter sur l’échiquier de la capitale fédérale. L’intrique se montre suffisamment variée dans ses effets pour maintenir l’attention. De plus elle incorpore à merveille une forte dimension technologique, sans pour autant noyer la dimension psychologique de l’affrontement. Les seconds rôles soutiennent à merveille le combat de Frank et se montrent remarquablement intenses, la qualité de l’écriture de l’épisode se dénote aussi à l’absence de toute scène inutile. Megan Gallagher et Terry O’Quinn brillent comme à l’accoutumée mais c’est le toujours formidable Sam Anderson qui accapare l’attention par un charisme n’étant pas sans invoquer l’inoubliable Holland Manners d’Angel. L’immédiateté avec laquelle le haut gradé du FBI laisse le commandement effectif de l’opération à Frank assoit encore le prestige et l’aura de note héros. La mise en scène de David Nutter se montre remarquablement alerte et mobile, accompagnant efficacement le récit si nerveux de Morgan & Wong. Elle tire également le meilleur parti de l’environnement nocturne et urbain. Les images dantesques des explosions s’imposent à l’esprit avec une force d’autant plus accrue sur ce décor de béton froid et de société si ordonnancée. On n’échappe pas au poncif de la communication téléphonique coupé trop tôt pour permettre une localisation, mais la stratégie développée par Frank pour river le déséquilibrer à l’appareil se montre réellement brillante L’atmosphère si anxiogène de cette course effrénée pour éviter la prochaine catastrophe, les capacités d’improvisation et de lucidité de Frank, ce déferlement technologique et de puissance fédérale font irrésistiblement penser à un 24h Chrono avant l’heure, tout en respectant la tonalité MillenniuM et la primauté accordée à la psychologie du déséquilibré. Dees fascine par sa folie à la fois structurée et chaotique. La progressive découverte du puzzle complexe que forme sa psychologie tourmentée s’effectue parallèlement aux péripéties de l’affrontement, accroissant ainsi l’impact de ce voyage au bout de la nuit, dépourvu de tiout paranormal. L’excellente idée de ces visions se substituant à celles de Frank, ici absentes pour la première fois, renforce également cette convergence si particulière et troublante entre le héros de MillenniuM et ses antagonistes. On pourra reprocher à l’acteur Joe Chrest d’apparaître quelque peu fade et effacé. En effet on se situe ici loin du flamboiement d’un Incendiaire ou d’un Pousseur, dans des circonstances similaires. Mais cet aspect s’inscrit fort judicieusement dans la nature même de MilleniuM. Le adversaires n’y sont fondamentalement pas de pittoresques Diabolical Masterminds, mais des esprits en souffrance, souvent introvertis. Cet épisode captivant pointe également le rôle ambivalent des médias dans nos société, comme facteur prépondérant de l'accomplissement social. Sa responsabilité s’entremêle à celle de Dees, comme annoncé par la citation de Sartre. Sa qualité d’écriture et de mise en scène situe 522666 parmi les grands succès de cette première saison.
Gallen Calloway, chrétien convaincu, a perdu sa femme et sa fille dans un terrible incendie. Rendu fou par la colère et la souffrance, il entreprend de détruire la foi en tuant un à un les différents hommes d’église qu’il a connu, en reproduisant les supplices de l’Inquisition médiévale. Alors que Jordan est elle aussi confrontée à la mort via le décès brutal d’un oiseau, Frank parvient progressivement à identifier le tueur. Celui-ci tente de perpétrer un massacre durant un baptême mais Frank se confronte à lui et lui montre qu’il n’a jusqu’ici tenté que de détruire sa propre foi, en vain. Effondré, Calloway tente de se suicider pour s’offrir en sacrifice à Dieu, mais en est empêché par les forces d’intervention. Cette saison très relevée marque ici une pause, à l’occasion d’un épisode quelque peu en deçà. A l’occasion de son premier scénario écrit pour la série, le coproducteur Jorge Zamacona commet une erreur fort préjudiciable en dosant mal les effets de son intrigue. En effet, très rapidement, et plus grave encore, bien avant Frank Black lui–même, le spectateur comprend l’essentiel des motivations du serial killer du jour, ainsi que son modus operandi. Il ne reste plus alors qu’à suivre passivement une enquête tout à fait classique et dépourvue de tout rebondissement, jusqu’à une confrontation finale effectivement réussie. Frank n’est pas ici notre guide au cours d’une progressive découverte d’une abyssale folie, l’absence de ce moteur essentiel à MillenniuM prive Kingdom Come d’une réelle saveur. Ce ressenti s’accentue encore du fait d’une mise en scène passablement édulcorée, du moins selon les critères coutumiers de la série. Hormis le premier meurtre, tout à fait effrayant, les autres ne sont tout simplement pas montrés, l’action se limitant à leurs préambules. les visions de Frank ne viennent que partiellement suppléer à cette autocensure rendant l’immersion plus relative qu’à l’accoutumée. Par ailleurs, si les seconds rôles, notamment les figures traditionnelles du policier local et du membre du Groupe, sont interprétés par des comédiens chevronnés et talentueux, Lindsay Crouse et Tom McBeath, leur écriture demeure banale, manquant de saillant à l’image de l’ensemble de l’épisode. En fait il ressort de façon trop marquée et mécanique que l’épopée sanglante de Calloway n’est que prétexte à des dissertations de Frank, d’ailleurs souvent non dénuées d’intérêt, autour de la foi comme irremplaçable appui face à l’horreur du monde et à la perspective de la mort. Les répliques sonnent souvent justes, notamment grâce à un Lance Henriksen de nouveau grandiose mais les autres personnages lui servent trop visiblement de simples confidents. L’épisode développe néanmoins un distinguo subtil entre la foi en Dieu et celle en l’Humanité, tandis que la mésaventure de Jordan s’intègre avec fluidité au discours général sur les diverses origines que peut revêtir le Mal, une thématique chère à Carter. MillenniuM prouve ici que même l'un de ses épisodes quelque peu mineur suscite l’intérêt par un discours absolument adulte.
7. PARENTÉ SANGLANTE Sur l’intervention de Catherine, Frank enquête sur le meurtre d’une mère de famille, survenu durant la veillée funèbre de son propre fils. Frank détermine qu’un jeune homme, orphelin déstructuré vivant en foyer, se rend d’enterrement en enterrement afin de retrouver une ambiance familiale de substitution. Il semble avoir basculé dans la violence, ce que confirment des éléments matériels découverts lors d’un autre meurtre. La police de Seattle arrête un dénommé James Dickerson, après qu’il ait été identifié par Frank. Mais ce dernier réalise alors que le compagnon de chambrée de James est le véritable coupable. Habité par une délirante obsession de possession, il suit James dans ses expéditions et exécute les personnes avec lesquelles le jeune homme a sympathisé. Frank parvient in extremis à l’empêcher d’assassiner la propre mère de James. Blood Relatives prend l’exact contrepoint de l’opus précédent, en développant une intrigue parfaitement minutée. Nous découvrons pas à pas en compagnie de Frank un immense drame humain aussi abominable dans ses conséquences qu’émouvant dans la souffrance ressentie par James. La convergence de l’enquête traditionnelle et de l’étude psychologique menée par Frank s’effectue à merveille, non sans savoureux grincements de dents de la part des rudes policiers de Seattle, blanchis sous le harnais. Le récit s’offre quelques audaces réussies, comme l’efficace collaboration entre Frank et Catherine ou le refus du happy end facile de la réconciliation entre la mère repentie et le fils. La mise en scène de Jim Charleston parvient également à dégager une véritable ambiance trouble et lors de scène étonnamment dérangeantes comme le meurtre initial détournant une image classique du film d’épouvante ou l’attaque des molosses, parfaitement effrayants. Le second meurtre se détache également par sa véracité sordide, mais aussi par le contraste induit par la mise en scène ente l’horreur survenant et la lumineuse beauté du décor naturel, l’un de ces somptueux lacs dont Vancouver a le secret. Mais, fort opportunément, la scène la plus dure demeure dépourvue de toute agressivité physique, pour se situer au plan émotif. Voir Connor nourrir James comme on alimente un chien fidèle se révèle terrible de violence et tout à fait révélateur de l’aspect perversement possessif de cette prétendue amitié. Sean Six (James) s’y avère impressionnant de conviction, apportant immensément à Blood Relatives, à l’image d’une excellente distribution. L’épisode comporte en particulier une magnifique composition de l’épatante Megan Gallagher, qui impose toute sa sensibilité à l’occasion de cette montée au premier plan de Catherine. La relation avec Frank sort encore renforcée de cette enquête menée en commun. Le twist final sur l’identité réelle du tueur est subtilement mené, même si pas tout à fait imprévisible. Mais il reste avant tout remarquable que Catherine, écoutant son cœur, parvienne plus rapidement à un résultat similaire à celui obtenue par el brillant esprit analytique de Frank, assisté par son Don. Un fait soulignant éloquemment l’humanité des divers protagonistes de cette histoire évoquant avec sensibilité le drame de la solitude et la déstructuration de la cellule familiale dans nos sociétés. Face à ces familles en charpie, celle, si harmonieuse, de Frank s’inscrit en contrepoint révélateur. Il en va pareillement pour la chaleur humaine et la solidarité se dégageant de ces veillées funèbres, admirablement filmées. Mais, comme toujours avec MillenniuM, les ténèbres envahissent la lumière : Blood Relatives centre ces passages autour de divers objets funéraires mis en avant avec un art consommé. Il résulte logique que l’auteur et producteur Chip Johannessen ait été ultérieurement retenu par Chris Carter pour écrire la suite de l’histoire du Fétichiste (Orison, X-Files, 7-07), tant l’on retrouve ici comme un écho de Irresistible. Blood Relatives apparaît comme un opus particulièrement riche en émotions diverses, structuré autour d’un scénario astucieux. On pourra certes regrette la brièveté de l’exposition des motivations du véritable assassin, mais il existe des lil=mites à ce que que peut narrer un épisode d’une cinquantaine de minutes.
8. UN VERROU SUR LE CŒUR Connie, 32 ans, vient se confier à Catherine Black, assistante sociale : durant des années elle a subi des agressions incestueuses permanent » de la part de son père, avec le silence complice de sa mère. Elle affirme se décider à parler car elle découvre aujourd’hui que sa jeune sœur est sur le point de subir le même calvaire. Catherine émue, découvre une vérité épouvantable, notamment que la très jeune fille est en fait la fille de Connie, violée par son père. Elle parvient à entraîner la procureure dans un combat difficile, le père étant un notable très respectable. D’abord arrogant celui-ci prend peur et s’enfuit avec l’enfant. Rattrapé grâce à l’intervention de Frank, il est finalement condamné en justice, tandis que Connie finit par surmonter ses traumatismes. En abordant le thème douloureux de l’inceste, The Well-Worn Lock constitue un agréable renouvellement de la série, succédant après de brillantes traques de serial killers au schéma inévitablement légèrement répétitif. Ce changement se prolonge dans la structure narrative elle-même, le coupable étant connu dès le départ et le récit se centrant sur la victime et non sur le monstre. Ici la victime, que l’on ne se hasardera pas à qualifier de chanceuse compte tenu de l’horreur subie, peut ici s’exprimer, l’occasion d’une introspection aussi éloquente et éprouvante qu’à l’accoutumée, mais vue de l’autre côté du miroir obscur. Par ailleurs The Well-Worn Lock accentue considérablement la montée en puissance de Catherine de l’intrigue, déjà observée dans Blood Relatives. On assiste ici purement et simplement à une inversion des rôles, Frank devant le confident et le soutien tandis que Son épouse impulse l’affaire du jour. Ses méthodes, plus classique, diffèrent, ce qui accroît encore l’impression de d’agréable variété. Encore que Catherine n’hésite pas à mobiliser ses amitiéss au sein de la police de Seattle ! Mrs Black manifeste la même opiniâtreté que son mari et s’impose en personnage indispensable à la série, d’autant que Megan Gallagher sait s’imposer parmi d’excellents comédiens. Ce mouvement impulsé par Chris Carter en personne connaît cependant quelques limites. L’intervention de Frank pour capturer le fugitif ne s’imposait pas réellement et, pour ponctuelle qu’elle demeure, s’en vient minorer l’originalité du récit. On a l’impression que l’auteur tient à placer une manifestation du Don de Black, craignant une insatisfaction du public de manière quelque peu pessimiste. On peut aussi regretter qu’après une première partie absolument captivante, où l’on s’immerge dans les abominables secrets de cette famille, l’intrigue débouche sur un segment davantage classique, autour du procès. Quoique supérieurement écrit et interprété, ce passage s’insère néanmoins dans les poncifs si balisés de la série judiciaire. On attend davantage de Chris Carter. Ce dernier réussit un magistral portrait psychologie en la personne de Connie (formidable Michelle Joyner). Après subtilité et clairvoyance il expose les diverse conséquences destructrice de l’inceste et des diverses pressions psychologiques subies par les victimes. Une violence en définitive aussi insoutenable que celle des tueurs, qu’un happy end joliment symbolique ne vient que partiellement dissiper. Les différents personnages secondaires, en particulier la mère, sonnent également tout à fait justes. Un récit aussi noir que dérangeant, d’autant que les faits divers nous rappellent régulièrement l’existence de telles abominations. Episode original au sein de la série, The Well-Worn Lock en trouve néanmoins toute l’intensité et la qualité, tout en achevant de bâtir le portrait de Catherine, l’autre pilier de MillenniuM.
9. MEURTRES SANS EFFRACTION Un tueur en série sévit en répétant toujours le même rituel : il s'introduit dans une maison en vente en se faisant passer pour un acheteur, se dissimule jusqu'au soir et, ayant ainsi contourné le système d'alarme, massacre alors les propriétaires. Il laisse vivre une petite fille, espérant que la police, par ses questions, la forcera à revivre douloureusement ce traumatisme. Catherine s'oppose vigoureusement à cet in interrogatoire, soutenue par Frank, malgré les arguments de Bletcher. Frank finit par deviner le pot aux roses ainsi que par identifier le coupable, celui-ci s'amusant à laisser des indices pour défier les forces de l'ordre. Le tueur est appréhendé lors d'une ultime attaque, le chien défendant la maison se révélant un allié providentiel pour Frank. Le meilleur de Wide Open réside dans son idée de départ. Cette vision d'un maniaque homicide jaillissant soudainement au sein de l'intimité et de la protection apportées par le foyer se révèle absolument terrifiante. Comme le souligne Chris Carter au travers de Black, on rejoint ici une grande peur universelle, plus intense que jamais de nos jours : l'agression de la cellule familiale, vulnérable derrière les prétendues protection apportées par la technologie. L'épisode compte également à son actif quelques réussites connexes, comme l'humanité de Bletcher, le décor sinistre et empreint de folie de l'appartement du serial killer ou la musique si évocatrice de Mark Snow. Les amateurs des X-Files s'amuseront des ironiques messages numériques rappelant Blood, comme du « X » laissé par le tueur comme indice de son passage. Malheureusement, si l'enquête de Frank reste solidement construite, l'intrigue commet quelques erreurs passablement pénalisantes. Le dément criminel, interprété avec minimalisme, manque singulièrement de présence et d'intensité. On regrette également que la confrontation avec Frank se résume à un simple affrontement physique, jouant davantage la carte du sensationnalisme que celle de la psychologie. De plus le thème du la perpétuation d'un traumatisme subi durant l'enfance a déjà été abordé dans Blood Relatives. Par ailleurs le scénario commet une erreur en situant la ligne de démarcation entre Bletcher d'une part et Frank et Catherine d'autre part, à propos de l'éventuel interrogatoire de la petite fille. La partie apparaît bien trop déséquilibrée pour laisser place à un quelconque suspense et il aurait été dramatiquement bien plus intense d'affronter Frank et Catherine sur ce point. Par ailleurs l'épisode a trop souvent recours au poncif du dessin d'enfant contenant un indice sur l'assassin, d'où un pénible effet de répétition alors même que la jeune actrice s'avère inexpressive. Sans susciter l'ennui, l'épisode se positionne comme relativement mineur.
10. ANGEL
La mère de la jeune Maddie vit avec un certain Jim Galroy, ancien serial killer vivant dissimulé pour échapper à la police. Sa violence pervertit néanmoins leur union. Après le suicide de sa compagne, il tente de violer Maddie, mais est assommé par Bobby, le petit ami de la jeune fille. Celle-ci a eu un bébé, Angel, que Galroy a vendu pour s’acheter une télévision. Débute alors un voyage durant lequel le couple torture Galroy, pour le forcer à révéler où se trouve Angel, avant de le laisser pour mort, tandis que Bobby s‘enfonce dans une violence homicide et accumule les meurtres. Initialement sur les traces de Galroy, Frank perçoit la réalité et intervient au moment où Bobby et Maddie découvrent Angel. Bobby veut se servir du bébé comme otage et est alors abattu par Maddie, qui préfère renoncer totalement à son fils afin de lui laisser la chance de grandir dans la famille aisée et aimante l’ayant adopté. Tout comme les X-Files avec l’excellent Drive de Vince Gilligan, MillenniuM s’essaie ici au genre si américain du Road Movie. Tandis que la réalisation inspirée de Wright tire le meilleur parti des paysages et du climat canadiens, La règle fondamentale de ce type de récit s’y voit admirablement respectée, puisque le voyage intérieur des protagonistes se découvre parallèlement au parcours accompli. C’est particulièrement net en ce qui concerne Bobby, le récit de Jorge Zamacona nous décrivant avec un terrifiant réalisme l’inexorable dérive vers la domination violente exercée sur sa compagne, ainsi que la chute morale au fil des meurtres. Initialement un sauveur, bobby devient progressivement semblable au serial killer dont il avait initialement préservé la jeune femme, un glissement aussi terrifiant que convaincant. Si Maddie demeure davantage figée dans son chagrin et sa quête désespérée d’Angel, jusqu’au sursaut final, la lecture de ses lettres puis ce l’on découvre progressivement constituer un entretien postérieur avec Frank, scande éloquemment le récit, conférant une indéniable sensibilité à cette virée en enfer. Ce portrait d’une jeune femme confrontée à la violence pathologique de plusieurs hommes pourrait dangereusement avoisiner le misérabilisme, mais la finesse de l’écriture, ainsi que la conviction à fleur de peau de Jeffrey Donovan et de la formidable Heather McComb permettent d’éviter ce piège. Le mélange d’émotion et d’horreur se révèle intense et fécond. La scène de fin voyant elle et Frank sympathiser s’avère absolument bouleversante. Que le serial killer basique que représente Galroy sorte rapidement de scène souligne bien la spécificité de l’épisode. Outre sa qualité intrinsèque, ce choix du Road Movie présente en effet l’intérêt de rompre la succession des serial killers coutumiers, menaçant à terme de devenir mécanique. Le revers de la médaille réside néanmoins dans une fusion avec l’univers de la série ne s’effectuant qu’imparfaitement. En effet toute l’enquête, captivante en soie t menée de main de maître par Frank et Peter n’interagit absolument pas sur l’action principale, servant uniquement à l’exposition de celle-ci. En définitive Frank n’empêche strictement rien et le lien avec Maddie ne dispose que de quelques minutes pour s’exprimer, ce qui suscite une certaine frustration. La césure entre les deux segments du récit demeure trop prononcée, sans interaction véritable.
Un serial killer sème la terreur dans une banlieue aisée et sécurisé. Il enlève les jeunes garçons et, se croyant doté d’une mission divine, leur fait payer les péchés de leurs pères par divers supplices. Si le père n’avoue pas rapidement sa faute (adultère, accident de la route mortel…) il exécute alors l’adolescent, resituant le cadavre avec un indice lié au reproche initial. Tandis que l’angoisse et la paranoïa montent sans cesse en puissance, Frank entame une difficile enquête, d’autant que certains peinent à révéler leurs secrets. Le coupable se révèle être un membre éminent de la communauté, que l’hypocrisie de ses pairs a fait plonger dans une profonde dépression. Porté par une composition une nouvelle fois étonnamment intense de Lance Henriksen, Weeds donne lieu à une enquête remarquablement articulée et captivante de bout en bout. Frank, assisté de la toujours percutante Cheryl Andrews, utilise le moindre bout d’indice mis à sa disposition et son édification progressive du profil psychologique du tueur s’avère magistrale. Le Don apporte sa pierre à l’édifice lors de quelques scènes chocs, mais l’intrigue met judicieusement l’accent sur l’intelligence et l’expérience du profiler. Cette petite communauté se croyant à l’abri derrière ses murs devient un échiquier sur lequel Frank et le serial killer joue une partie subtile, toutes en chausse-trapes, énigmes et défis. On regrettera par contre que la résolution de l’ensemble repose sur un indice sonore trivial et tout de même miraculeusement identifié par Frank, mais l’impact en demeure modéré. Malgré les tortures oscillant entre abominable et sordide, la personnalité du justicier autoproclamé reste subtilement ambivalente. C’est d’autant plus vrai qu’il se montre parfois cruellement lucide et reste l’un des rares adversaires de Frank à, parfois, épargner ses victimes. L’interprétation de l’ensemble de la distribution paraît également admirable, évitant au maximum tout effet démonstratif possible. A l’unisson la mise en scène se montre froidement clinique, soulignant avec précisons le délabrement du lien communautaire sous la panique et la suspicion, de même qu’elle accompagne efficacement le jeu bien mené de l’exposition de différents suspects potentiels. Comme si souvent dans cette série, les décors se révèlent parfaitement évocateurs d’un atmosphère, notamment cette piscine, d’abord ensoleillée et joyeuse, plus réceptacle confiné de l’horreur : une parfaite parabole de cette petite cité où de nombreux sombres secrets se dissimulent derrière une apparence aimable. Weeds, nouvelle preuve de la finesse d’écritures de Franck Spotnitz, revêtira une saveur particulière pour l’amateur des X-Files. En effet, dans son sujet comme dans son environnement, un suburb cossu, il préfigure largement le classique de cette série que constitue Arcadia (6-15), diffusé deux ans plus tard. Examiner les différences entre ces deux opus revient plaisamment à comparer les séries elle mêmes. L’humour, si présent dans Arcadia, n’a bien entendu absolument pas le droit de cité ici, comme dans l’ensemble de cette première saison. D’ailleurs Mulder et Black se seront rarement montrés aussi frontalement différents, ce dernier ne prenant jamais une affaire à la rigolade, ce n’est pas dans son ADN. Le recours au surnaturel n’a pas encore lieu d’être, au contraire MillenniuM veille à s’insérer au plus près du réel (même si le fantastique se manifestera bientôt, mais d’une manière moins prégnante). Parallèlement Arcadia se livre à une satire au vitriol de l’Amérique vivant dans ces cités proprettes et retranchées, cette dimension existe mais en nettement moins prononcé dans Weeds, où chaque individu, bourreau, hypocrite ou victime conserve finalement sa fragile humanité. Dans les X-Files la vérité est ailleurs, dans MillenniuM elle se situe définitivement parmi nous, sans apparaître plus rassurante pour autant, il s’en faut de beaucoup.
12. AMOUR IMMACULÉ Un pharmacien nommé Nesbitt souffre de graves problèmes sexuels. Il n’a ainsi toujours pas pu consommer son mariage, après 18 ans. Il se rêve une sexualité idéale en appâtant de jeunes couples en leur proposant des drogues puis en leur demandant de faire l’amour devant lui. Puis les empoisonne et dispose leurs cadavres nus selon des positions artistiques, pour parachever son ouvre. Il pense ainsi mettre fin à leur vie au moment parfait. Frank mène l’enquête avec l’aide de Maureen Murphy, membre du Groupe. Malgré l’hostilité initiale du Lieutenant Thomas, ils parviennent à identifier Nesbitt et à intervenir avant qu’il ne tue sa femme après avoir enfin réussi son passage à l’acte, mais ne réussissent pas à empêcher son suicide. La réussite de Loin Like a Hunting Flame apparaît moindre qu’à l’ordinaire au sein de cette enthousiasmante première saison. La mise en scène se montre atone, en dehors de l’utilisation réussi du jardin biologique de Vancouver, un lieu rappelant effectivement étonnamment le jardin d’Eden, également aperçu dans diverses séries (Supernatural, Stargate SG-1…). Les vues de la boite de nuit ou des parties fines organisées par Nesbitt n’apportent rien de significatif par la suite. De fait l’épisode ne suscite pas la tension dramatique coutumière, Nesbitt, quoique correctement interprété, paraissant plus misérable que réellement effrayant. L’auteur se sent obligé de citer explicitement la morale du jour par Frank (la montée d’une sexualité perverse et sans amour dans nos sociétés), échouant à la faire ressentir en cours de récit. L’enquête abuse quelques peu de la faculté particulière de Frank, au lieu de bâtir solidement la quête et l’exploitation des indices. Le trio débusque singulièrement vite Nesbitt, tandis que le temps ainsi libéré se voit majoritairement aux discussions diverses entre Black et Thomas. Malgré l’indéniable abattage de William Lucking (Piney dans Sons of Anarchy), ces dialogues, aussi plaisants que prévisibles, relèvent de la digression, n’apportant rien que périphérique à l’affaire en cours. On a l’impression que l’épisode s’attache presqu’autant à décrire Thomas que Nesbitt, ce qui s’avère contre-productif au possible. L’épisode bénéficie cependant d’une distribution impeccable, comportant de nombreux comédiens admirés dans les X-Files, entre autres Hrothgar Mathews et Harriet Sansom Harris, impeccable mais au rôle trop effacé.
13. FORCE MAJEURE Une brillante étudiante s’immole par le feu sans raison apparente. Frank s’intéresse à cette affaire, quand une autre jeune fille se suicide. L apparaît qu’elle la jumelle de la première, bien que plusieurs années les séparent. Elles sont toutes les deux adoptées et présentes plusieurs mêmes singularités physiques. Dennis Hoffman, un mystique anciennement refusé par le Groupe, indique à Frank que tout converge vers un alignement planétaire devant survenir le 5 mai 2000 et censément provoquer une Apocalypse gravitationnelle. Peter et Frank vont découvrir qu’un homme à cloné ces jeunes filles pour en faire de parfaites reproductrices, surdouées et aptes à repeupler le monde après la catastrophe. Les suicidées ont été poussées au désespoir par l’imminence de la catastrophe, refusant leur destin. Plusieurs facteurs contribuent à situer Force majeur comme l’une des grandes réussites de cette première saison. L’énigme proposée paraît ainsi de qualité, agréablement troublante, horrifique et énigmatique. L’écheveau démêle efficacement, notamment grâce à une synergie finement tissée entre les talents divers de Frank, Peter et Dennis. L’intrigue présente également le mérite de replacer l’Apocalypse au cœur de la série, après une succession de serial killers. On note d’ailleurs l’absence totale de meurtres, une audacieuse originalité au sein de MillenniuM. La Fin des Temps se présente ici dans une version alliant prophéties mystiques et déterminisme physique, un ensemble résultant agréablement paranoïaque. L’excellent scénario de Force Majeure consacre également la plus grande attention à ses personnages secondaires, évitant intelligemment de capitaliser sur le seul Frank, même si celui-ci se montre une nouvelle fois remarquable, par ses dons comme par son humanité. Peter fait étalage de sa vive intelligence et de sa capacité d’organisation, Dans le même temps, contrairement à Frank, il se crispe pour la première fois devant la présence insistante de Dennis. Il s’avère déjà patent que le Groupe n’apprécie guère ni les gêneurs, ni les électrons libres ! Par son érudition et ses intuitions fulgurantes Dennis introduit une bouffée de fantastique au sein de la série, même si la cause de l’Apocalypse demeure naturelle. Il bénéficie de la présence toujours marquante de Brad Dourif, même si sa prestation demeure plus classique que le paroxysme du formidable Beyond the Sea des X-Files. La Patriarche sollicite le spectateur par son ambivalence, entre démiurge peu soucieux de déontologie et Noé moderne soucieux de préserver l’Humanité du désastre. Il préfigure joliment le Groupe lui-même, car entre guider cette dernière à travers les écueils et s’arroger le pouvoir, la différence devient rapidement ténue. Mais, favorisé par une mise en scène talentueusement sinistre et enténébrée, Force majeure se caractérise avant tout par son atmosphère des plus dérangeantes. L’horreur de certaines scènes (l’immolation le suicide sordide, le grotesque poumon artificiel du leader…) s’agrège efficacement à de grandes peurs contemporaines, comme le millénarisme mais aussi le clonage humain, un thème alors en vogue. L’image même de ces silencieuses et identiques jeunes femmes déstabilise le spectateur par sa bizarrerie. Difficile de ne pas songer à la Colonie des X-Files, mais la présence d’être humains, et non d’Aliens hybrides, en accroît une nouvelle fois l’impact. Cet épisode de haut vol, impeccablement dialogué, constitue un jalon : pour la première fois l’ombre de l’Apocalypse envahit la scène, avec une palpable intensité. Un tournant parfaitement exprimé par l’ultime image du récit, montrant un Black lui même troublé, cette fois impuissant face à l’imminente montée des périls. Au-delà de la succession des terrifiants serials killers, MillenniuM aborde désormais de nouveaux rivages, ô combien prometteurs.
14. LES BLESSURES DU PASSÉ Une série d’assassinats sans liens apparents évoquent pour Frank à ceux commis il y a plusieurs années par Hance, le « Tueur à la Carte ». Cet esprit pervers aimait à commettre deux meurtres à intervalle rapproché, déposant auprès des victimes les moitiés d’une même carte. Il leur infligeait également une profonde entaille à la paume, les marquant ainsi comme du bétail. Or Frank a contribué à l’arrêté voici plusieurs années, durant une action où lui même fut ainsi blessé, un choc l’ayant longtemps traumatisé. Il s'interroge douloureusement, se demandant si avoir abattu froidement Hance au lieu de l'arrêter n'aurait pas sauvé des vies innocentes, en empêchant le serial killer de contaminer un autre esprit. Il devine en effet qu’un copycat est à l’œuvre et se confronte à Hance pour en savoir plus. Frank ne peut éviter que l’imitateur soit tué durant l’assaut de la police Brillant exercice de style que The Thin White Line, dont la problématique peut se synthétiser en une interrogation : comme rendre captivante une intrigue aussi simple et rebattue (un serial killer de plus), dont le suspense tombe tout à fait rapidement, et par ailleurs tout à fait prévisible puisque fortement inspirée du Silence des Agneaux (1991)? La réponse réside dans l’art de la narration et de la mise en scène. Le duo Morgan/Wong compense en effet une certaine linéarité du scénario en surprenant le récit par un rythme asymétrique du récit, prenant systématiquement le spectateur à contrepied. Les scènes les plus diverses se télescopent (longueurs variées, atmosphères, accélérations brusques des évènements), dynamisant ainsi l’ensemble . Morgan/Wong ne tentent pas de dissimuler le fait que son histoire sert avant tout de justification au duel psychologique opposant Frank et Hance, en en composant les dialogues avec un soin particulier et n’hésitant pas à accélérer les cours ultérieur du récit, comme simple résultante. Un choix astucieux et finalement logique, d’autant que, si Hance n’est évidemment pas le Lecter d’Anthony Hopkins, Roberts lui apporte une indéniable présence, dépourvue d’outrance. Les auteurs s’entendent toujours à exprimer la psychologie de leurs personnages et le gaillard fait froid dans le dos. Cela devient d’autant plus perceptible que d’autant que, sans jamais élever la voix, il rend palpable la menace physique pesant sur Frank. La mise en scène joue pleinement son rôle, avec un subtil usage du cham-contre champ et du montage. Les artistes de la série jouent pleinement leur rôle, entre l’enfer froid de béton et néons de la prison, ou les autres respectifs des sérials-killers, sordides et menaçants à souhait. TheThin White Line joue également la carte de la personnalisation du ressenti du héros, de par le traumatisme d’une affaire marquante de son passé. Cette technique scénaristique ne représente certes pas une originalité (Cf. notamment le moins percutant Young at Heart des X-Files), mais se voit ici portée par un toujours magistral Lance Henriksen, parvenant à exprimer simultanément le côté introverti de son personnage et la violence de ses émotions. Frank s’humanise encore davantage et utiliser son passé comme un arme lors d’une de ces péripéties si astucieuses et mémorables qu’affectionne le duo d’auteurs. Et puis, pour l’amateur des X-Files, cela constituera un intérêt supplémentaire de découvrir Black en G-Man du FBI. L’épisode se montre plus fort et intense qu Young at Hart, qui ne constitue qu’une affaire de plus pour Mulder (pour qui l’important est ailleurs), tandis que l’évènement se définit comme structurant pour Franck, le poussant à une interrogation morale de son action Le récit, par fois prévisible, se pimente agréablement de bulles de pure démence, où l’on assiste de l’intérieur comme le totalement délirant copycat recompose le réel et les réactions d’autrui. La résolution du décalage, le plus souvent sanguinaire, conduit à des scènes choquantes et déroutantes, notamment lors d’une introduction parfaitement déstabilisante. Pour un peu on croirait que MillenniuM s’essaie à l’humour, morbide, forcément morbide. Morgan/Wrong apprécient décidément d’apposer leur marque sur leurs brillants scénarios. La séquence onirique ou Frank revit son affrontement précédent avec Hance se montre également mémorable.
Frank assiste au baptême de son neveu, quand sa belle-sœur disparaît soudainement, un évènement annoncé par Jordan. Alors que la police de Seattle refuse son aide, craignant que so implication personnelle fausse son jugement et apporte des difficultés juridiques, Frank mène une difficile enquête, où l’aide apportée par Peter Watts s’avère cruciale. Son frère Tom, effondré et furieux devant le secret instauré par Frank pour le protéger des horreurs qu’il devine, lui complique également la tâche. Frank finit par établir que le coupable est un psychopathe sexuel récemment libé d’un hôpital psychiatrique, particulièrement sadique et persuadé d’obéir à Satan. Les enquêteurs interviennent à temps pour sauver la jeune femme, emmurée vivante au domicile des parents du fou. Pour sa deuxième participation directe à l’écriture de MillenniuM, après Weeds, Franck Spotnitz nous gratifie d’un épisode solide et consistant, toutefois dépourvu de l’attrait supplémentaire que l’on aurait pu espérer d’un tel évènement. Le déroulement de l’affaire se suit avec un réel intérêt, mais sans se démarquer suffisamment de la succession précédente de serial killers. La composante horrifique se montre néanmoins percutante, avec ces angoissantes visions nocturnes de la forêt canadienne où les reconstituions de cadavres suppliciés. Le meilleur demeure cependant la remarquable composition de Dylan Haggerty en dément sadique, préfigurant son effarante prestation des X-Files (4–D) face à l’épatante Monica Reyes (avec cette fois un pouvoir paranormal en sus, nous sommes dans les X-Files). Il n’en reste pas moins que Sacrament pêche par son pendant policer, trop artificiel. On peine à croire que Bletcher et les amis de Frank dans la police de Seattle refusent ainsi son aide et mettent si nettement en cause son jugement. Surtout il s’avère étonnant de les voir craindre des démêlés avec le Procureur et le procès à venir, alors que la priorité semble tout de même être de retrouver la victime, alors que chaque heure compte (l’épisode présente un petit côté à la FBI : Portés disparus). Même si on connaît l’intelligence et le professionnalisme de l’individu, les interventions de Peter apparaissent également bien providentielles, servant trop mécaniquement à articuler l’enquête. O n’échappe pas à certains poncifs éculés, comme cette plante trouvée si à propos dans la voiture volé et ne poussant bien entendu que dans un seul secteur de la région. C’était déjà caricatural avec Sherlock Holmes, on préfère les fines analyses psychologiques de Frank, évoquant parfois de loin Poirot. Toutefois le statut de Spotnitz l’autorise à faire bouger les lignes de l’univers de MillenniuM, et l’auteur ne s’en prive heureusement pas. La révélation expresse du Don chez Jordan constitue une idée potentiellement très riche. MillenniuM abandonne toujours plus son ambivalence entre policier et fantastique, pour relever davantage du second genre, contrairement à Profiler. Par ailleurs l’immersion de Frank apporte enfin une spécificité à l’efficace Sacrament, notamment au cours d’âpres confrontations entre lui et son frère, également impeccablement interprété, tandis que l’épisode accorde également une bel espace à Catherine. Spotnitz réalise de jolis coups, comme de nous montrer enfin le protagoniste de MillenniuM enfin sourire, lors de la cérémonie, ou un rappel bienvenu de la menace du Polaroïd Man. Il nous régale aussi d’un joli clin d’œil, quand Frank affirme à son frère que toute vérité n’est pas bonne à dire. Les oreilles de quelqu’un ont du siffler à l’autre bout du pays.
Un policier avoue le meurtre de sa famille, dans des conditions particulièrement abominables. Toutes les constatations effectuées confirment un massacre perpétré au couteau de menuisier. Sûr de son fait et désireux d’obtenir du jury la peine de mort, le procureur fait appel à Frank pour dresser le portrait psychologique du tueur. En effet le mobile demeure encore peu clair. Or Frank va rapidement constater plusieurs incohérences. Avec l’aide d’une jeune médecin légiste, il va progressivement reconstituer un puzzle complexe. Il s’heurte au courroux du procureur comme à la volonté de l’accusé, mais finit par démontrer que c’est la mère qui a assassiné ses enfants, avant de se suicider. Obsédée par les anges, elle a voulu que ces enfants en restent, pour l’éternité. Le mari s’accuse, se sentant coupable, et a utilisé son expérience pour accumuler les preuves le condamnant. L’habile intrigue à suspense de Covenant permet d’agréablement renouveler la série. En effet l’on s’intéresse finalement assez peu à la folie mortifère de la dame, révélée uniquement en toute fin de parcours. De fait le récit prend bien davantage la forme d’une pure énigme, entremêlant à la perfection éléments matériels classiques et déductions psychologiques de Frank. Le profil bien particulier du policier, interprété avec une grande justesse par John Finn, ne constitue ainsi qu’une piste parmi d’autre, et non plus un thème central. De fait, plus que tout autre épisode de la saison, Covenant prend des allures à la X-Files, l’élément fantastique en moins. L’amateur appréciera ainsi de retrouver Black reconstituer un crime en simplement visitant une pièce, multipliant les découvertes d’indices ayant échappé à la police, ainsi que les théories. Une importance cruciale se voit également accordée à une autopsie aussi technique que peu ragoutante, ainsi qu’à l’apport global de la courageuse assistante médicolégale, obligeant sans cesse Frank à la rigueur. Elle préfigure déjà les futures associées féminines de Black, en particulier, l’Agent Emma Hollis, si proche parfois de Dana Scully. Cette originalité des composantes et de la structure narrative du récit en définissent l’intérêt mais aussi les limites, Covenant apparaissant comme une parenthèse au sein d’un tout. D’une manière caractéristique, les autres personnages récurrents disparaissent quasiment, laissant Frank dans une posture originale. Il présente cependant l’intérêt intrinsèque de conserver l’intensité propre aux meilleures séries judicaires, sans s’alourdir de la mécanique rebattue des prétoires. D’une manière particulièrement affirmée, il pose également sans détour la question de la peine de mort. Frank s’oppose à la vindicte exprimée par un procureur volontiers populiste. toutefois, dans une traiton très américaine, il accepte de fait le châtiment suprême, pourvu qu’il soit administré à coup sûr et dans le respect de la justice. Covenant échappe de la sorte au piège du manichéisme. L’impeccable mécanique de l’épisode, portée par de percutants dialogues, débouche sur une fin ouverte, Frank ne pouvant que laisser à un témoin, complice de la dissimulation, le choix de révéler la vérité avent l’exécution. Un choix audacieux, interpellant le spectateur car celui-ci devient en dernier ressort le juge ultime de la destinée du condamné.
17. LES JUMEAUX DIABOLIQUES Frank disparaît brusquement, alors qu’il s’occupait d’une affaire demeurée mystérieuse. Pater Watts mène l’enquête, quand Frank réapparaît, hagard et ayant perdu tout souvenir de la période. Bien que Peter soit vivement contrarié que Black ait pris des initiatives sans en référer au Groupe, les deux hommes vont ensemble remonter le fil des événements. Il s’avère que Frank, inquiet de la présence du Don chez Jordan, a voulu en savoir plus sur ce dernier. Miller, médecin douteux mais spécialiste des hallucinations lui a proposé d’expérimenter une drogue permettant de le contrebalancer, le Proloft. Mais le test a été manipulé par un autre biologiste, Ingram, désireux de mettre au point une drogue transformant les humains en bêtes féroces. Il souhaite la répandre, afin d’attirer l’attention sur la dépendance à ce type de médicaments. Malgré plusieurs meurtres destinés à dissimuler sa trace, Peter et Frank parviennent à l’arrêter. A l’instar de Covenant, On saura gré à l’épisode d’avoir voulu renouveler son intrigue, au-delà de la posture classique de traque de déments criminels. L’implication personnelle de Frank constituait une bonne idée mais a mise en œuvre suscite en définitive considérablement moins d’intérêt que lors de l’opus précédent. La faute en revient à un déroulement assez laborieux de l’enquête, entre dialogues sans relief et allées et venues répétitives au possible entre le domicile de Miller ou la clinique. D’embarrassantes zones de flou sur les relations liant les deux médecins et le déroulement du complot, rendant l’ensemble passablement artificiel. Plus embarrassant encore, une fois la surprise initiale dissipée, l’astuce de l’amnésie de Frank ne débouche sur rien de bien intéressant, tant il remet vite sur pied, tandis que les indices sur la période concernée surgissent comme à point nommé. La péripétie ne se révèle pas aussi troublante qu’elle devrait le devenir pour assurer la spécificité de l’épisode. Sur ce point l’avantage revient sur ce point aux X-Files, dont l’épisode Demons, dans des circonstances passablement similaires, ne craignait pas de déstabiliser bien davantage Mulder (tout en demeurant pareillement médiocre par ailleurs). On peut également préférer le très réussi John Doe, avec cette fois John Doggett en protagoniste. Walkabout contient cependant quelques bonnes idées, comme la première crise opposant Peter et Frank, quoique vite résolue et renforçant en définitive leur amitié, ou l’immersion dans l’étrange société des cobayes professionnels. La dénonciation de l’abus d’antidépresseurs sonne juste, même si elle manque de souffle. On se félicitera également de l’excellent casting du jour, Zeljko Ivanek et Gregory Itzin se montrant admirablement convaincants, comme à l’accoutumée, avec la petite curiosité supplémentaire de découvrir ensemble deux acteurs marquants de 24h Chrono. La folie froide d’Ingram nous vaut aussi quelques scènes bien goûteuses. l’épisode n’en demeure pas moins mineur, au sein d’une saison particulièrement relevée.
Le docteur Ephraim Fabricant, serial killer particulièrement effroyable et d'une intelligence hors normes, a été capturé par le FBI, grâce à Frank Black. Quelques années plus tard, hospitalisé, Fabricant s'évade avec la complicité d'une mystérieuse infirmière. Le Bureau, en pleine crise, rappelle Black à Quantico. Son attention se porte sur Lucy Butler, la troublante et vénéneuse épouse du tueur, sans pouvoir prouver ses soupçons. En fait il se révèle progressivement que celle-ci utilise son conjoint pour atteindre Frank, notamment via sa famille. Après avoir torturé à mort Fabricant (extraction d'un rein sans anesthésie), elle finit par pénétrer dans le domicile des Black, tout en revêtant diverses apparences, y compris démoniaque. Elle assassine Bletcher après que celui-ci soit intervenu à temps pour évacuer Catherine et Jordan, puis disparaît. Bouleversé et impuissant, Frank pressent qu'une indicible puissance vient de lui signifier un avertissement. Chris Carter prend la plume pour ce qui va sans doute devenir l'opus le plus mémorable de MillenniuM. Comme sans doute lui seul pouvait l'accomplir, le scénariste va secouer les codes de sa série et achever de précipiter celle-ci dans une nouvelle direction, à l'issue d'un récit de haut vol. Carter, auteur surdoué, va en effet magistralement agencer ce glissement. La situation initiale apparaît trompeusement similaire au quotidien de la série, quoique déjà sublimé par un serial killer particulièrement marquant, auquel Alex Diakun apporte tout son talent. Il parvient à susciter une aura perceptible tout en demeurant cloué sur un lit d'hôpital, une authentique performance. Les scènes à Quantico manifestent une indéniable intensité, tandis que Carter ne laisse pas passer l'occasion de faire se croiser Frank et le duo dynamique des Affaires Non Classées Mais l'intrusion de Lucy Butler va tout bouleverser. Le personnage, interprété avec une trouble présence par la subtile et superbe Sarah Jane Redmond, va se révéler absolument fascinant, alternant de multiples facettes. Elle se montre ainsi d'une cruauté folle, durant le supplice de Fabricant, mais sans que jamais Carter ne commette la maladresse de le positionner en victime. Le face en face clinique de ces deux hautes figures du Mal s'avère aussi vertigineux qu'abominable. Par la suite, melliflue et finement ironique, elle se livre à un patelin et délectable jeu du chat et de la souris avec Frank au cours de confrontations admirablement dialoguées. Le spectateur se sent réellement déstabilisé en découvrant Frank impuissant à découvrir une faille chez son adversaire et demeurer inopérant, tandis que Peter Watts est lui aussi battu en rase compagne. C'est aussi la toute première fois que Frank se voit ainsi confronté à une femme et l'ensemble se nimbe d'une sexualité aussi diffuse que prégnante. Durant ces scènes finement ciselées, la mise en scène, la photographie et le décor de son appartement soulignent habilement à quel point Lucy et désaxée, à quel point quelque chose d’indiciblement étrange l’habite. Ces affrontements, mais aussi les diverges exactions commises par Butler (y compris le recours aux polaroïds) font sans cesse monter la pression jusqu’à déboucher sur la longue et éprouvante scène de son raid au foyer des Black, véritable épisode dans l’épisode. Jointes à la toujours si évocatrice musique de Snow, plusieurs moments forts font basculer l’ensemble dans l’horreur et la folie, à l’instar des meilleurs moments du cinéma d’épouvante : découverte du rein de Fabricant dans les aliments du frigo (notre Lucy aura toujours son humour bien à elle), cadre supplicié de Bletcher, lumière surnaturelle baignant les étranges métamorphoses de la visiteuse du soir, formidable composition de Megan Gallagher, impeccablement mise en valeur par la caméra... Ce sommet de la série commotionne d’autant plus un spectateur déjà bien éprouvé que le démiurge Carter abat d’un coup d’un seul plusieurs fondements de l’univers de MillenniuM, par la disparition de ce pilier qu’était Bletcher ou de l’ambivalence entre fantastique et policier, définitivement emportée mais plus encore par le viol du sanctuaire familial jusqu’ici représentée par la maison jaune, si fondamental pour Black. L’effet est total, tandis que MillenniuM s’affirme commune série ambitieuse, où tout peut arriver et sollicitant en permanence son public. Comme l’énonce en conclusion Frank à Jordan, seules les montagnes sont immuables. Par l’irruption du Démon, MillenniuM, qui se situe ici à son zénith, sans aucune leçon à prendre des X-Files, confère une enthousiasmante valeur de symbole au combat de Frank, au sein de la lutte plus vaste opposant le Bien et le Mal. A l’approche de l’heure fatidique, l’on ressent avec plus d’intensité que jamais qu’un affrontement crucial se joue sous nos yeux, au moment où l’Ombre vient indiscutablement de remporter une manche.
19. LES PRINCIPES DE LA DOMINATION Frank, dévasté par la mort de Bletcher, ne se sent pas prêt à reprendre le travail. Il se résout cependant à aider Peter quand un crime est commis, relevant du satanisme. L’affaire apparaît déstabilisante, avec un accusé s’accusant du meurtre de Fletcher, des preuves disparaissent sans explication, d’étranges appels déstabilisant le Groupe etc. Un mystérieux jeune homme observe les évènements. L’avocat de l’accusé (qui finit par s’ouvrir la gorge) multiplie les approches, voire les menaces, pour profiter du trouble suscité chez Frank et lui proposer de travailler à ses côtés. Frank perçoit qu’il s’agit d’un être similaire à Lucy Butler, quand celui-ci est abattu par l’inconnu. Ce dernier, sans doute un Ange, a fait appel à la puiissance céleste, mais signifie à Frank que son combat diverge du sien et qu’il ne peut s’attarder. Powers, Principalities, Thrones and Dominions constitue de fait un double épisode avec Lamentation, par la succession quasi immédiate des péripéties mais aussi par un habile diptyque, l’entrée en lice de la partie angélique répondant à celle de la démoniaque. Et pourtant ces deux parties d’un tout s’avèrent tout à différentes. Si la première constituait sans doute l’épisode la plus effrayante de la saison, la seconde en représente l’élément le plus insaisissable et étrange, voire mystique. Derrière une succession d’évènements chocs, la subtile intrigue sait parfaitement nous laisser percevoir (et percevoir seulement à qu’un complot est en cours, mettant en œuvre des puissances dont nous ne pourrons jamais percevoir que bien partiellement la nature et les objectifs. L’effet se révèle bien plus sensible qu’avec histoire davantage démonstratrice et concrète. Le spectateur s’identifie pleinement à Frank menaçant d’être submergée mais s’arcboutant sur ses certitudes morales, jusqu’à l’intervention angélique salvatrice. Mais nous nous situons dans le ténébreux univers de MillenniuM et cette survenue s’avère autant ambivalente que modérément optimiste. Audacieusement, il apparaît que le Démon accorde en définitive plus d’importance à Frank et à son combat que l’ange, un renversement assez magistral. Après ce passage fugace, il demeure clair que Frank se retrouve seul pour luter contre l’abîme, seulement aidé par son Don et, pour l’heure, par le Groupe. Plus que jamais, L’avenir s’annonce bien sombre. Loin des grandes orgues classiques, mais aussi du non sens très britannique des Bons Présages de Neil Gaiman ou de l’épopée décalée et savoureusement country de Supernatural, MillenniuM peaufine ici sa relecture éminemment personnelle de l’Apocalypse judéo-chrétienne, froide et clinique. Quoique désormais franchement propulsée vers le fantastique, la série parvient toujours à profondément enchâsser ce dernier dans le réel, sa marque de fabrique. Le surprenant passage montrant alternativement l’ange foudroyer le Démon e parfaitement explicite à cet égard. assassiner son enveloppe d’un coup de révolver s’avère parfaitement explicite à cet égard. L’ensemble se voit servi par une distribution une nouvelle fois parfaite, tandis que cet avocat diabolique fera agréablement songer les fans d’Angel au Loup, au Bélier et au Cerf !
20. UN MONDE BRISÉ Un tueur en série particulier sévit au Dakota, puisqu’il ne tue que des juments. Cependant, Frank en déduit qu’il s’agit d’un pervers sexuel, qui finira immanquablement par s’en prendre aux femmes. Il se rend sur place et mène l’enquête avec l’aide du shérif local, initialement sceptique ? et d’une vétérinaire grande amie des chevaux. Le désaxé commence effectivement à tuer et à mutiler des femmes, reconstituant le processus de démembrement des chevaux tel que pratiqué en boucherie. Frank accumule les déductions psychologiques et matérielles, établissant également un contact téléphonique avec le fou. Il intercepte le serial killer dans l’abattoir où celui-ci travaille, au moment où il s’apprête à supplicier la vétérinaire. Mais on adversaire finit piétiné par les chevaux. La sexualité qu’éveille chez les chevaux chez certains esprits est un phénomène avéré, notamment évoqué dans la pièce Equus, de Peter Schaffer (dont l’épisode pourrait constituer une adaptation version MillenniuM) ou le célèbre tableau de Füssli (Le Cauchemar) en passant par le tout premier client de Belle/Hannah (Secret Diary). Broken World présente l’intérêt d’habilement surfer ce thème particulier, avec des plans souvent subtilement inquiétants des bêtes, ou au contraire exprimant la beauté des paysages naturels ou l’atmosphère country dans laquelle se déroulent les évènements. Le fait que, cette fois, Frank tente désespérément de prévenir la catastrophe apporte une nouveauté supplémentaire. Il n’en demeure pas moins que le déroulement des diverses péripéties et des déductions de Black autours de la psychologie torturée de son antagoniste en reviennent aux épisodes classiques de serial killer, si fréquents cette saison. L’essai n’apparaît donc pas comme totalement transformé, d’autant que le récit a recours à quelques poncifs, comme le shérif d’abord sceptique devant les théories passablement déstabilisantes (voire scandaleuses) de Black, une situation bien connue des amateurs des X-Files ! L’ensemble demeure néanmoins solide et de qualité, avec comme points forts les sensibles scènes de complicité entre notre héros et la vétérinaire. L’épisode bénéficie également d’un final absolument dantesque et terrifiant, au sein des carcasses de chevaux de l’abattoir, couronné par le déchainement animal châtiant le criminel. Broken World aurait sans doute été davantage apprécié si situé plus en amont dans la saison, mais aussi avant les bouleversements apportés par le double opus précédent, avec un Frank ici au meilleur de sa forme, tout traumatisme oublié. Aussi réussi soit-il, il ne peut dès lors apparaîre que comme un retour en arrière.
Un tueur sème la terreur parmi la communauté russe installée aux Etats-Unis Un officier moscovite, Yura Surova, assiste Frank durant cette enquête se déroulant notamment dans le milieu du marché noir es icônes orthodoxes. Il apparaît que les victimes avaient survécu à Tchernobyl. L’assassin serait un criminel légendaire, Yaponchik, ayant provoqué la catastrophe. Yaponchik, qui dispose de réseaux à l’ambassade russe, serait l’Antéchrist. Surova, tente de le tuer, mais, fasciné par ses pouvoir, se rallie à lui. Il permet à Yaponchik de s’enfuir, avant d’être convaincu par Frank de retrouver le droit chemin. Il sera dit que même cette saison aussi hors normes que fut la première de MillenniuM allit comporter son navet. Apporter un codicille orthodoxe au double épisode précédent constituait une excellente idée, car cette approche apparaît finalement très rarement au sein des productions télévisées mais aussi en littérature, la Science-fiction et le Fantastique russes étant longtemps demeurés périphériques durant l’époque soviétique. Utiliser Tchernobyl comme facteur apocalyptique se justifie également, d’autant que le drame était alors encore récent. Malheureusement l’épisode ne tient absolument pas ses promesses, du fait d’un traitement extrêmement poseur et emphatique, au rythme des plus empesés. La subtilité costumière de la série disparait, au profit d’un récit démonstratif et souvent bien naïf. La posture de Yaponchik, tout comme ses dialogues, paraît curieusement antédiluviens, dignes du Fantômas de Souvestre et Allain. Le pire demeure l’accumulation des scènes de meurtres, dépourvues de toute imagination et définitivement coulés par le jeu figé de Levan Uchaneishvili (dans le rôle de Surova, Boris Krutonog sen sort mieux). Plusieurs scènes frisant le ridicule, comme la reconstitution fauchée de l’explosion du réacteur ou Black énonçant d’un ton pénétré les âneries pseudo mystiques au tour de tchernobyl. Lui même, tout comme Peter Watts, développe une action toute mécanique. Il en ressort bien vite que cette histoire a été plaquée artificiellement sur l’univers de la série, d’où une impression constante d’artificialité. Le scénario accumule trop d’éléments disparates pour ne pas apparaître boursoufflé. De nombreux éléments demeurent obscurs, sans pour autant parler à l’imagination, à l’inverse d’s Principes de la Domination. Yaponchik, s’avère d’ailleurs considérablement moins troublant que Lucy Butler. L’épisode nous permet cependant d’admirer quelques magnifiques icônes, ces « fenêtres ouvertes sur le royaume de Dieu », comme les désigne joliment le pope. On ne peut cependant s’empêcher d’estimer qu’un épisode des X-Files trait d’une figure du folklore slave (comme Baba Yaga) aurait été plus porteur.
22. LA COLOMBE DE PAPIER Frank et sa famille se rendent chez les parents de Catherine, pour quelques jours de vacances. Le père de celle-ci demande à Frank d’intervenir auprès d’un de ses vieux amis. Celui-ci, mourant, refuse de revoir son fils, incarcéré pour avoir atrocement assassiné son épouse. Black rouvre le dossier et découvre que le véritable tueur est un serial killer connu sous le nom d’« Homme des bois ». Celui-ci (Henry Dion), un gigantesque infirmier, tue des femmes pour s’en faire des confidentes silencieuses (avant de les achever il les mutile pour les rendre muettes). Il est en effet écrasé par une mère possessive et volubile. Or, un temps passif, il vient de se réactiver, sous l’impulsion du Polaroïd Man, son mentor. Ce dernier le pousse à enlever Catherine mais Dion est intercepté par Frank avant de pouvoir agir. Le Polaroïd Man enlève alors Catherine lui même, à l’aéroport de Seattle. Ce final de saison tient toutes ses promesses, en parvenant à remporter plusieurs paris. Le duo de Serial Killers, (toujours par deux ils vont, le Maître et l’Apprenti) apporte une agréable nouveauté, avec plusieurs face à faces ponctuant toujours à point nommé le récit. Outre cette vertigineuse rencontre de deux abyssales folies, l’ensemble démontre une diabolique habileté, la mise en scène laissant planer le doute sur la nature réelle de l’évènement, avec une porte ouverte sur une possible hallucination de Dion. Le traitement diverge également totalement entre nos deux compères. Le Polaroïd Man, silhouette tapie dans l’ombre, conserve en définitive son mystère, sa révélation annoncée présageant un grand évènement pour le lancement de la saison suivante. A l’inverse, Dion se voit l’objet d’une étude particulièrement approfondie, car l’intrigue, bien davantage que pour n’importe lequel des serial killers rencontrés depuis le début de la série (hormis sans doute le Frenchman) nous fait découvrir l’action vue par ses propres yeux. Il ne représente pas une énigme que Frank va élucider pas à pas devant nous mais l’objet principal du récit, à l’instar de l’épisode Hungry des X-Files. Un procédé terriblement efficace, alors que Dion, géant faussement débonnaire, s’aventure particulièrement loin dans les troubles domaines de la folie, même à l’aune de MillenniuM. Ses divers rituels et sa façon de converser avec les dépouilles suppliciées de ses victimes, au cœur d’une nuit en forêt, glace véritablement le sang. Les auteurs ont d’ailleurs la grande idée de le rendre authentiquement bienveillant envers autrui quand il vient de soliloquer avec l’un de ses trophées. Le malaise s’avère particulièrement insidieux d’autant que Mike Starr nous délivre une formidable prestation en serial killer intellectuellement limité. L’intrigue soigne particulièrement ses réflexes, gratifiant chaque second rôle d’une superbe scène d’exposition. C’est notamment le cas de la mère de Dion, totalement démente, ses discussions avec son monstre de fils prenant des allures de pastiche grinçant de soap opera. Audacieusement, le scénario ne se montre pas linéaire, mais fait converger les trajectoires de Frank et Dion, occasionnant ainsi interrogations et indéniable suspense. Frank n’est d’ailleurs pas oublié, subtilement décalé au sein des retrouvailles familiales, (Henriksen est décidément un acteur extraordinaire). Un dialogue avec les deux Agents de Quantico permet également à Frank de tirer comme un bilan de cette saison et de sa collaboration avec le groupe Millennium, constatant l’avancée des périls. Le cliffhanger de rigueur se montre dévastateur par son immédiateté et sa simplicité, lançant la saison 2 sous les meilleurs auspices, tout en annonçant un mémorable affrontement.
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