Saison 3 1-2. Les Innocents / Exégèse (The Innocents /Exegesis) 3. Ceux qui survivront (Taotwawki) 5. Treize ans plus tard (Thirteen Years Later) 6. Ossements (Skull and Bones) 7. Recommencement (Through a Glass, Darkly) 12. Le Bruit de la mort (The Sound of Snow) 15. Forcer le destin (Forcing the End) 16. Jordan contre Lucas (Saturn Dreaming of Mercury) 17. L’Œil de Darwin (Darwin’s Eye) 18. Bardo Thodol (Bardo Thodol) 19. Sept ans de malheur (Seven and One) 21-22. Le Chemin de croix / La Fin d’un temps (Via Dolorosa / Goodbye to All) Après s’être centré durant la saison précédente sur les X-Files (virage crucial de la migration de Vancouver à Los Angeles, tournage de Fight the Future), Chris Carter va désormais pouvoir s’intéresser bien davantage à MillenniuM. Certes il nomme un superviseur, en la personne du scénariste Chip Johannessen, mais il demeure bien plus présent que lors de la période précédente. Contrariés par l’aspect ésotérique, parfois flou, des développements apportés par le duo Morgan & Wong, lui et son complice Frank Spotnitz vont s’attacher à redonner aux épisodes loners le ton et le lustre de la première saison. Concernant les mythologiques, notamment incité par la Fox, le choix est cependant fait, non d’un retour aux sources de MillenniuM, mais plutôt d’un sensible rapprochement avec le modèle des X-Files. Franck Black redevient membre du FBI et se voit doté d’une partenaire au solide bon sens, l’Agent Emma Hollis. L’action se déplace de Seattle à Washington et, en conflit désormais direct avec le Groupe Millennium, Frank lutte contre une conspiration développée dans les sphères gouvernementales, visant à guider l’Humanité à travers l’Apocalypse, pour ensuite la contrôler.
Cette option offre plusieurs moments des plus réussis (notamment grâce au toujours passionnât Peter Watts), mais présente l’inconvénient de susciter une troisième tonalité pour une série en mal de cohérence. L’Apocalypse change encore de nature, après la déshumanisation globale de nos sociétés, puis des évènements mystiques, elle provient de l’avidité de différentes mouvantes au sein de nos dirigeants. La mise en scène pâtit également de la baisse des budgets, condition de la poursuite de la série. Maquillages, effets spéciaux et décors, s’avèrent ainsi le plus souvent de moindre qualité. Fort heureusement, les compositions de Mark Snow demeurent splendides. Par ailleurs le public préfère souvent l’original à la copie et de nombreux observateurs considéreront désormais MillenniuM comme un X-Files de seconde classe, tandis que les fans de la première heure, se sentant dépossédés, quitteront le navire. Et pourtant Carter, maintient une spécificité de MillenniuM, même réduite. La relation de mentor à élève, renforcée d’une solide amitié, liant, avant des temps plus troublés, Frank à Emma n’aura rien à voir avec celle unissant Mulder et Scully. Le combat de l’Ombre et de la Lumière, approchant inexorablement de son heure la plus critique, instille toujours une intensité dramatique à la résonnance particulièrement évocatrice. Terry O’Quinn et Lance Henriksen continuent à conférer une aura unique à leurs personnages, avec une qualité de jeu rarement atteinte à la télévision. Mais l’érosion de l’audimat demeure sans appel et le miracle de la reconduction ne se renouvellera pas. Sans être parvenue au terme de son prodigieux décompte, c’est en laissant bien des mystères irrésolus que MillenniuM prend congé. Série profondément singulière et audacieuse, d’une rare force narratrice, elle laisse également une amère saveur d’inachevé, comme une occasion manquée laissant bien des regrets. Frank Black connaîtra une ultime aventure lors de l’épisode Millennium des X-Files (saison 7), une péripétie ne rendant justice ni au personnage, ni à sa série (un bon souvenir néanmoins, pour le fin duo des Affaires non Classées). On comprend sans peine que Lance Henriksen ne se soit jamais satisfait de cette conclusion et qu’il continue encore à espérer qu’un film vienne apporter sa pierre de touche à l’un des rôles les plus marquants de sa carrière. En Octobre 2012, le livre Back to Frank Black, captivante somme d’entretiens avec les principales figures de MillenniuM, ouvrira un captivant panorama sur cette aventure télévisuelle à part, fascinante exploration des différents visages revêtus par le Mal dans le monde contemporain. 1-2. LES INNOCENTS / EXÉGÈSE
Judicieusement, la première partie de ce pilote de saison prendre le temps de présenter les nouveaux venus, à commencer par Emma. Ainsi elle n’hésite pas à prolonger les dialogues tenus sur la scène du crash, sur plus de la moitié de sa durée ! Le pari est gagné, tant on se prend d’emblée de sympathie pour Emma. Bien davantage qu’une Dana Scully, l’Agent Hollis est un John Doggett au féminin, solide, professionnelle, policière jusqu’au tréfonds de l’âme mais c’est bien son honnête intellectuelle et son attachement à la vérité » qui l’incitent à ouvrir les yeux sur le Don et l’univers de Frank Black. Brillamment interprété par Kléa Scott, on apprécie vivement de la voir progressivement s’imposer auprès du solitaire de toujours qu’est Black, dont elle est une admiratrice mais jamais une groupie, bien au contraire. Il est très touchant de découvrir Black s’appuyer sur la conviction d’airain de sa partenaire, au moment où la vie l’a intimement blessé. Toutefois les deux autres personnages paraissent moins marquants. Le Directeur adjoint McClaren, certes efficace et bénéficiant de l’abattage de Stephen E. Miller ne s’extraie pas du répertoire si balisé du supérieur vieux complice du héros. Il ne fera pas d’ombre à Skinner ni ne fera oublier Giebelhouse. Surtout l’Agent Baldwin, ambitieux et détestable souffre d’un vrai manque d’envergure. Il ne manifeste en rien l’intelligence brillante et le charme maléfique de Brad Follmer, son équivalent des X-Files. Il faut bien avouer que, malgré les diverses précautions prises par les auteurs, cette première partie ressemble trop souvent à une copie conforme des X-Files, notamment d’Eve et de la Colonie, avec une Conspiration s’assimilant clairement à celle des meilleures heures de L’Homme à la Cigarette. L’ensemble demeure d’une évidente qualité (sublimes compositions de Snow), avec une parfaite adéquation du talent toujours si pénétrant de Frank, mais la série perd indéniablement en spécificité en se rapprochant des X-Files. Cependant on ne saurait nier un frétillement ressenti en découvrant Black déambuler dans les fameux couloirs du Hoover Building, en se disant que, quelques étages plus bas, un duo dynamique s’apprête à débuter sa sixième année d’aventures. La présence des paysages de Colombie britannique assure également une précieuse continuité à la série. Cette première partie si indicative quant au chemin qu’empruntera la saison s’achève sur cliffhanger classique mais efficient. L’enquête exploite avec talent les prémices jusque là découvertes mais n’atteint pas tout à fait l’intensité d’un E.B.E., à la structure narrative finalement assez similaire. Quelques moments forts se détachent néanmoins, comme la révélation ultime du dessin poursuivi par ce groupe de femmes aux yeux étranges, d’un bleu que l’on dit céruléen. L’inévitable confrontation avec Peter s’avère superbement interprété, mais l’on comprend sans peine que ses admirateurs aient été blessés de le voir décrit sous un jour aussi sombre et sans nuances. La scène d’action finale se montre palpitante à souhait. Baldwin nous fatigue déjà avec son numéro étriqué et répétitif. Le ressort principal, outre l’exposé du décor de la nouvelle saison, demeure le développement de la relation de mentor à élève s’établissant, non sans peine, entre Emme et Frank, un atout particulièrement prometteur pour le devenir de la saison. Black reste fascinant, le scénario de Johannessen mettant talentueusement en scène le cheminement supérieur de son esprit ainsi que ses impératifs moraux. Le pilote de saison décrit avec conviction la haine inexpiable l’opposant désormais au groupe, avec un Lance Henriksen toujours grandiose. MillenniuM s’avoisine désormais aux X-Files, mais la stature et l’humanité de Frank Black sont réaffirmées avec souffle.
3. CEUX QUI SURVIVRONT
Frank, Baldwin et Emma se rendent dans les environs de Seattle, où un atroce tuerie vient de se dérouler dans un collège. De nombreuses personnes ont été abattues par un tireur fou. Les enquêteurs suspectent rapidement le fils d’un riche et important informaticien, Chris Marmody. Mais quand ils se présentent pour l’interpeller, le jeune homme se sucide, en apparence. Malgré le scepticisme de Balwin, Frank et Emma, aidés par Giebelhouse, mettent un jour une terrible vérité. Rassemblés par Carmody, un groupe d’informaticiens, persuadés que le Bug de l’An 2000 signifiera la fin du Monde, est tombé dans une terreur paranoïaque les transformant en farouches survivalistes. Leurs craintes ont déteint sur le fis de Carmody, devenu psychopathe. Celui-ci a été abattu par son propre père, dans une tentative de maintenir le secret sur les activités du groupe. Black intervient à temps pour qu’u autre enfant ne soit pas sacrifié. Chris Carter et Frank Spotnitz reprennent ici la directement la plume et l’on perçoit clairement leur objectif : un retour aux sources de la première saison de la série. L’objectif s’avère pleinement atteint, avec cette histoire horrifique, explorant avec acuité plusieurs frayeurs et travers américains, avec un arrière fond apocalyptique parfaitement rendu. Quelques mois avant la tuerie de Columbine la scène d’ouverture, l’une des plus éprouvantes de la série, nous plonge en plein cœur du drame, avec un rare réalisme. L’impact s’en révèle encore plus marqué pour le spectateur de la fin 2012, alors que vient de survenir la meurtrière fusillade de Newton. Un inextinguible fléau. Sans jamais tomber dans le déclamatoire, le récit élargit par la suite sa dénonciation véhémente aux rapports consanguins établis par une partie de l’Amérique avec les armes à feu, omniprésentes dans l’imaginaire de survivalistes et ardemment refusées par Frank Black. L’évocation du Bug de l’An 2000 s’effectue aussi efficacement que sobrement, même si on peut regretter une certaine dramatisation des enjeux objectifs. Mais Carter et Spotnitz ont la finesse de ne pas y fixer le centre du récit ou de saturer celui-ci de jargon Cyber. L’enjeu est ailleurs sur le questionnement moral de personnes placées face à un problématique de catastrophe imminente, bien réelle de leur point de vue. Les auteurs opposent habilement les impératifs moraux de Black à la panique des informaticiens, oblitérant leur humanité dans leur obsession frénétique de survie. Des citations du Livre des Heures viennent ponctuer avec éloquence le propos, sans aucune similitude avec le fatras mystique de la saison précédente. Par ailleurs l’enquête policière se construit solidement, poursuivant l’installation du duo fort plaisant formé avec Emma. Baldwin demeure cependant trop caricatural, même si on apprécie de le voir remis à sa place par un Giebelhouse trop rare. Le grand talent de Robert Wisden renforce cette description particulièrement troublante de la chute morale induite par une vision du monde paranoïaque et violente.
Deux anciens militaires et leur amie commettent des massacres aléatoires, pour le simple plaisir de tuer. Emme se déclare volontaire pour diriger l’enquête et fait preuve d’une implication particulière qui intrigue Black. Celui-ci découvre que la sœur de sa partenaire a jadis été assassinée par un tueur désaxé, aux motivations demeurées mystérieuses. Ces investigations provoquent une crise dans le duo, finalement surmontée. Depuis le drame, Emma tente désespérément de comprendre ce type de criminel. Après l’arrestation fortuite de leur complice, les deux criminels, lourdement protégés, attaquent le poste de police. Il s’en suit un prise en otage d’Emma par Van Hurn, le leader. Elle finit cependant par en triompher, mais sans avoir obtenue de réponse à ses questions. En soi, consacrer l’essentiel d’un épisode à l’approfondissement du parcours et de la personnalité de l’Agent Emma Hollis ne représentait certes pas une mauvaise idée. Malheureusement le résultat ne convainc guère. Au moment où MillenniuM avait déjà accumulé de nombreuses convergences avec les X-Files, il était sans doute maladroit et redondant de susciter un trauma lié à la disparition de la sœur de la co protagoniste de la série. De plus le récit ne génère guère d’étincelles. Emma, et Frank, lui même très absent, ne font finalement que compter les points, les évènements clés de l’intrigue (arrestation de la femme, attaque du commissariat) se produisant sans qu’ils n’y prennent la moindre part, jusqu’au dénouement. Il reste tout de même étonnant de voir Frank énoncer à Emma que rien ne pourra expliciter le comportement de serial killers alors qu’il pratique l’inverse depuis le commencement de la série ! L’enquête de nos héros demeure statique et périphérique, entrecoupée de tueries au déroulement plus classique que l’ordinaire de MillenniuM. On note quelques maladresses, comme des gilets pare-balles réellement miraculeux. Les antagonistes du jour manquent singulièrement de substance et d’envergure. Closure brille uniquement par son jeu d’acteurs, en particulier avec Kléa Scott, de nouveau parfaite dans l’expression de cet aspect plus tourmenté d’Emma, mais aussi Garret Dillahunt, idéalement dans son emploi et parvenant à rendre intéressant don personnage de Redneck à la dérive.
5. TREIZE ANS PLUS TARD
Diffusé le 30 octobre 1998, cet épisode spécial d’Halloween constitue une succulente exploration du genre à la fois ultra codifié et joyeusement délirant qu’est le Slasher Movie. On pourra sans doute reprocher à l’auteur, Michael Perry, de s’être inspiré du succès de Scream, saga dont les deux premiers opus viennent de défrayer la chronique en 1996 et 1997. Mais la recette est reprise avec beaucoup de talent et de l’imagination, tout en l’adoptant avec un humour malicieux au format de MillenniuM. Tandis que histoire joue avec brio de divers niveaux de narration, les bonnes idées se multiplient, notamment l’opposition entre Franck, catastrophé de la faiblesse des approches psychologiques, et Emma, grande amatrice de ces films d’horreurs défoulatoires. Voir Frank Black tenter de réaliser le profiling de Freddy Krueger ou Jason Voorhees est énorme. La confrontation entre les serials killers tristement réels et les plus flamboyants du septième art s’avère passionnante de bout en bout. L’aspect à la Nuit américaine apporte également un appréciable effet de miroir, qui n’est pas sans préfigurer celui de l’épisode Hollywood. on a ainsi droit au bain mousseux glamour pour Emma ou au face à face hilarant entre Black et sa doublure à l’affiche, avec ses questions désarmantes. L’épisode représente également un hommage amusé à l’univers bigarré et improbable des Séries Z et autres Nanars horrifiques, avec leur défilé de personnalités hautes en couleurs (starlettes délurées et arrivistes, vieux chevaux de retour, réalisateurs improvisés, spécialistes en effets spéciaux fauchés...) et leur indéniable énergie, délivrée de concepts frustrants tels la crédibilité ou la finesse de jeu. On s’amuse beaucoup entre deux torrents d’hémoglobine, tandis que la mise en scène très inventive de Thomas J. Wight glisse avec fluidité du tournage à la réalité du fil, plaisamment graphique et à la saveur de Giallo. L’excellente distribution joue totalement le jeu, on se régale. La mémorable intervention des Kiss tombe à pic dans le cadre de cet épisode spécial. La révélation de la personnalité de l’assassin et du narrateur apporte une jolie pirouette finale à cet épisode gorissime, aussi référencé qu’irrésistiblement drôle.
6. OSSEMENTS
Skull and Bones vaut avant pour l'excellence de sa mise en scène et de sa photographie. Les perspectives choisies avec talent, comme subtil le jeu d'ombres et de lumières, composent une remarquable atmosphère de poésie funèbre, encore sublimée par les harmoniques de Mark Snow. De plus, avec le recul, l'accumulation de détails concernant les squelettes comme source d'informations pour la médecine légale confère à l'ensemble une saveur pré Bones assez divertissante. Malheureusement l'épisode pâtit grandement de son scénario. En effet celui-ci consacre la nouvelle mouture de la mythologie de MillenniuM comme copie quasi conforme de celle des X-Files, qui plus est sur un mode mineur. Tous les éléments développés par l'intrigue l'ont été durant la période Vancouver des X-Files, et son fameux conspirationnisme (y compris la multiplication des communications téléphoniques à la Mulder et Scully entre Frank et Emma). Le groupe devient ici un concept attrape-tout et sans guère de consistance. Il devient également unidimensionnel, perdant sa précieuse ambiguïté morale. MillenniuM perd, à peu de choses près, ce qui assurait sa spécificité pour devenir un condensé bien trop accéléré et flou de sa série mère. En contradiction avec les événements de La Main de Saint-Sébastien, Les flash-backs montrant Cheryl Andrews ne servent à rien et introduisent une dommageable rupture de ton avec l'esthétisme global de l'épisode. Néanmoins le talent de Terry O'Quinn lui permet de maintenir l'intérêt de Peter Watts, qui conserve intelligemment une part de sincérité dans ses convictions. L'épisode permet également à Emma d'achever d'entrer de plain pied dans l'univers tourmenté de Frank Black et d'établir un précieux contact avec Peter Watts, mais demeure trop superficiel et elliptique par ailleurs.
7. RECOMMENCEMENT
Après l'alignement bien trop marqué du précédent Skull and Bones sur les X-Files, Through a Glass, Darkly marque un retour bienvenu aux sources de MillenniuM. Il se confirme également que la véritable force de cette troisième saison réside bien davantage dans les épisodes loners que dans les mythologiques. On renoue ici avec les captivantes élucidations psychologiques aussi patiemment que brillamment menées par Franck Black. C'est à une progressive descente dans les ténèbres que nous assistons ici, avec l'étude très fine de deux psychés tourmentées et interconnectées, interprétées éloquemment par des comédiens pourtant peu connus. La découverte du prédateur ultime s'accompagne de twists retentissants, lui conférant plus de force encore. Il en va ainsi de la révélation de la véritable nature du lien de sujétion unissant les deux hommes ou de la remarquable audace d'un postulat inattendu : Frank Black s'est trompé, certes dans un premier temps, mais a été manipulé durant des années. Le moment où lui et max se pardonnent mutuellement est très émouvant. Un maître coup de la part du scénariste, qui manifeste par ailleurs d'autre excellentes intuitions, comme la mise à l'écart de l'appareil du FBI ou la relative mise en retrait d'Emma dans cette histoire centrée sur son mentor. Lance Henriksen se montre une nouvelle fois prodigieux dans son portrait d'un Black confronté à l'exercice inédit de l'autocritique. D'autres thèmes viennent encore enrichir une histoire très riche, qui n'hésite pas à limiter l'action ou le recours au Don, au profit de l'analyse : critique du dérèglement médiatique ou du préjugé populaire. Quelque soit la qualité des scénarios, plus variable cette saison que précédemment, la qualité technique de MillenniuM demeure toujours digne déloges, avec une nouvelle superbe photographie et une exploitation esthétique tout à fait réussie des paysages des forêts de Colombie britannique. Comme aux heures les riches (et les plus sombres) de la série, l'atmosphère est tendu parfois aux limites du supportable, dans les évocations si réalistes des tourments subis par les enfants. Through a Glass, Darkly s'avère difficilement regardable par moments et définitivement réservé à un public adulte. On regrette toutefois un happy end trop marqué et à contre courant.
8. DÉMONS INTÉRIEURS
Une cousine de l’Agent Hollis, vit à Vancouver et a sombré dans l’addiction à la drogue. Elle s’aperçoit qu’ne nouvelle substance en circulation entraine une étrange mutation chez une amie, avant que celle-ci ne soit assassinée. Elle envoie une lettre à Emma pour l’appeler au secours. Emma, rejointe par Frank, vont remonter la filière. Un chimiste d’une triade chinoise désire se venger de ses employeurs, après la mort de ses proches, en ajoutant une hormone à la drogue produite. Ces derniers anéantissent preuves et témoins, mais la cousine d’Emma est finalement sauvée. Episode souvent très décrié par les amateurs de la série, Human Essence accumule en effet les maladresses. Il ne s’insère que marginalement dans la série, en prenant davantage des allures de série noire, vaguement reliée à MillenniuM par quelques éléments scénaristiques maladroits, dont les propriétés « psychologiques » de la drogue. Le conspirationnisme rajouté en toute fin de parcours fait ainsi office de correction de trajectoire parfaitement gratuite. L’épisode se centre sur Emma Hollis, sans apporter aucun élément qui servira par la suite au développement du personnage. Frank s’enferme dans un rôle de gourou, une vision du protagoniste assez limitée, et semble curieusement indifférent aux tourments de la jeune droguée. De plus tout est excessif dans la poursuite de l’action, avec une mise en scène aux nombreux effets faciles, lestée de maquillages indigents, et une histoire accumulant invraisemblances et poncifs sur les mafias asiatiques, tout comme Hell Money a pu le faire chez les X-Files, avec ici un budget bien moindre. Reste l’occasion de mettre en avant le talent de Kléa Scott et de Lance Henriksen, et la découverte de quelques superbes sites de Vancouver, ville à laquelle les séries de Chris Carter doivent tant (Chinatown, Lions Gate, Stanley Park et ses totems).
En 1989 Eddie, un tueur de la mafia, est emmené dans une profonde forêt du Vermont, pour y être abattu par des collègues. Il est ressuscité par deux femmes ressemblant fort à des fées. Depuis il vit à leurs côté, accédant à la rédemption. Frank se rend dans la région, pour changer les idées de Jordan, que l’approche de Noël rend triste en l’absence de sa mère. Suite à une autre résurrection, le pot aux roses est découvert par Black. Les deux jeunes femmes et Eddie deviennent le centre d’un combat opposant le crime organisé au FBI. L’une des « fées » est d’ailleurs blessée par un tireur. Frank permet alors à Eddie de s’enfuir avec ses deux amies, pour regagner la sécurité des forêts. Diffusé le 18 décembre 1988, cet épisode revêt vite la forme d’un émouvant conte de Noël, tout à fait sensible, même s’il ne démontre pas tout à fait la même force narrative que les deux opus précédents du genre. On pourra lui reprocher de ne pas se situer dans les canons de la série, et il est vrai que son aspect purement Fantastique l’aurait plutôt rapproché de l’Agent Mulder, mais en l’occurrence il s’agit bien évidemment du cas spécial de l’épisode de Noël, largement répandu dans les séries américaines. De plus on observe une avalanche de facilités scénaristiques, comme Frank tombant miraculeusement sur la demeure des « fées » ou l’aisance avec laquelle Eddie s’enfuit avec ses amies. Mais qu’importe, il s’agit avant tout d’une fable, respectant parfaitement la symbolique du genre. Demeure une histoire dégageant une véritable émotion, avec la candeur des fées, la rédemption d’Eddie ou l’évocation de sa mère par Jordan, tout en ajoutant un humour volontiers malicieux, notamment autour de tueurs dignes des Sopranos. En évitant le piège de la mièvrerie, l’épisode déploie une vraie force d’évocation du mystère de la forêt et brasse plaisamment de grands thèmes : le pardon des offenses, la rédemption ou la présence de nos disparus. Un charmant mystère est savamment entretenu autour de la nature exacte de ces deux femmes. L’opus peut s’appuyer sur une excellente distribution, avec notamment un Jon Polito parfait pour incarner le pittoresque Eddie, la splendeur toujours renouvelée des forêts canadiennes et sur les nombreuses et sublimes mélodies originales de Mark Snow. Elle contribue puissamment à apporter un véritable cachet onirique au récit.
Cet authentique chef d’œuvre de la saison 3 dégage une fascinante atmosphère ne s’affranchit certes pas de l’influences prégnante des X-Files. Au scepticisme inébranlable d’une Emma n’ayant jamais autant ressemblé à Scully, répond l’ouverture d’esprit au surnaturel de Frank, digne d’un Fox Mulder. Les amateurs de l’excellente franchise Destination Finale, d’ailleurs lancée par le duo Morgan & Wong en 2000, pourront également s’amuser des évidentes convergences. Néanmoins Borrowed, développe une toute autre ambiance, entre étrange et sombre merveilleux, absolument cryptique et fascinante. Celle-ci doit beaucoup à l’étonnante composition de l’épatant Eric Mabius, à des éons du Tim de The L Word. Son passionnant et délectable Samiel s’avère captivant de bout en bout, entre vraie compassion et ironie cinglante. Les Anges de MillenniuM apparaissent toujours comme d’hermétiques Sphinx, très différents de ceux des Routes du paradis et autres séries chrétiennes, mais aussi des tueurs ailés délivrant le feu divin de Supernatural. La rareté de leurs apparitions les rend événementielles. La mise en scène use d’une efficace symbolique, avec le tic tac des montres dont s’entoure sans cesse Samiel, version moderne des sabliers de jadis. Le scénario très inventif de Chip Johanssen joue habilement de flashbacks et de lignes narratives juxtaposées, entres les événements du train et l’enquête désespérée menée par Frank. Cette structure originale peut déconcerter dans un premier temps, mais elles apportent un indéniable cachet au récit. La conclusion, mystérieuse et ouverte, est un maître coup. Les points de juxtaposition que constituent les confrontations entre Samiel et Black se montrent intenses, portées par deux grands comédiens et dépourvus d’effets ronflants. Lance Henriksen sort une nouvelle fois le très grand jeu, son appel à Dieu est bouleversant au possible. On n’avait jamais vu Frank Black craquer de la sorte. Cette dimension humaine ancre bien en définitive Borrowed Time chez MillenniuM plutôt que chez les X-Files. Malgré tout le fantastique environnant, c’est l’humain qui prime, non le surnaturel. Brittany Tiplady est également parfaite dans cet épisode mettant en avant son personnage. Le drame humain que représente la vie s’achevant de Jordan empêche le puzzle de figurer comme un simple exercice de style intellectuel ou mystique. Dwight Little filme chaque scène avec une infinie subtilité, notamment les regards échangés entre la petite fille du train et ce Mister Death issu des meilleurs moments de la Quatrième Dimension. La reconstitution de l’accident du train trahit néanmoins le faible budget de la série. La présence d’Amanda Tapping, dont le talent confère tout une aura supplémentaire à un rôle secondaire, représente encore un intérêt supplémentaire. Ce grand épisode de MillenniuM renoue pleinement avec les riches heures de la première saison.
11. LÉSIONS DE GUERRE
Collateral Damage n’est pas sans évoquer de loin l’épisode des X-Files Sleepless, mais n’en reste pas moins l’épisode mythologique de la saison 3 le plus solide découvert jusqu’ici. Il permet d’interpeller moralement Frank Black sur sa relation conflictuelle le avec le Groupe, et jusqu’où il est prêt à aller pour mener à bien cette lutte. Seulement entrevu jusqu’ici, il met aussi l’accent avec talent sur le dilemme moral vécu par Peter, écartelé entre d’une part sa fidélité au groupe et en ses idéaux affiché et d’autre part son amitié envers Frank et le souci de préserver sa famille. Le suspense brillamment orchestré des évènements se double ainsi d’une dimension psychologique en rehaussant encore l’impact. Le scénario sait exposer avec acuité les différents points de vue des acteurs du drame et les alterner. Il bénéficie également de la superbe composition de James Marsters, prouvant déjà qu’il n’est pas l’acteur d’un seul rôle, ce que la suite de sa superbe carrière achèvera de démontrer, de série en série. En version originale les amateurs de Buffy contre les Vampires pourront se divertir en le découvrant dépouillé de l’accent anglais caricatural de Spike. Le combat pour la vérité de Swan, allié à l’horreur de la méthode employée, synthétise parfaitement l’ambition du scénario et de l’écriture des personnages. De même Taylor s’avère un magistral contre pied à la figure usuelle de la Damsel in distress, si pratiquée durant les Sixties, amis aussi au-delà. Elle occupe une place active dans des débats qu’elle interrompt brusquement lors d’une scène saisissant à froid le spectateur, laissant Frank et Peter confrontés à leurs abîmes.
12. LE BRUIT DE LA MORT
Ce bouleversant épisode s’avère particulièrement riche, y compris selon les critères déjà fort élevés de MillenniuM. On y trouve ainsi une évocation particulièrement évocatrice du mystère de la musique, même subliminale. Cette évocation d’un son ouvrant une voie vers nos disparus n’est d’ailleurs pas sans évoquer ce pur chef d’œuvre du cinéma français que constitue Tous les matins du Monde (1991). Les dialogues entre Frank et Catherine se montrent d’ailleurs véritablement émouvants et sans pathos, presque aussi épurés qu’ont put l’être ceux entre Monsieur de Sainte-Colombe et son épouse. Le talent des comédiens et l’écrin parfait du décor naturel conviennent idéalement à ces intenses moments d’émotion. L’épisode représente d’ailleurs la coda de toute une trame narrative de la première moitié de saison s’attachant au souvenir de la disparue chez Frank et sa fille. Rasséréné, Black va désormais pouvoir poursuivre son chemin et nous ne reviendrons plus à Seattle, dans ces décors emblématiques des deux premières saisons, dont la mise en scène développe une superbe revue de détail (Seattle, maison jaune, cabane dans la forêt). D’une manière très symbolique Catherine et Giebelhouse réalisent ici leur ultime prestation. Cet épisode charnière comporte aussi l’immense mérite de combler les blancs frustrants perdurant jusqu’ici entre les saisons 2 et 3. Cette révélation à vif du drame vécu par Frank et Jordan durant la fatidique épidémie revêt également beaucoup de force, tout en répondant à la plupart des questions. L’image de la petite fille accourant seule au devant de secours touche le spectateur au cœur, avec de nouveau une superbe performance de Brittany Tiplady. La mise en scène se montre également à la hauteur, portée par la musique de Mark Snow. On peut d’ailleurs se demander si le titre original n’est pas un hommage à puissance d’évocation des compositions de ce contributeur majeur au succès des séries de Chris Carter. Les scènes d’hallucinations, particulièrement durant la remarquable et horrifique scène d’ouverture, dégage une troublante impression de réalisme mâtiné de cauchemar. Les personnages secondaire se voient également joliment croqués, James Lang et Megan Gallagher retrouvent leurs avec une palpable intensité leurs rôles. Les amateurs de Sanctuary pourront s’amuser de la fugitive apparition de Ryan Robbins, le futur interprète de l’excellent Henry. En serial killer troublante, dégageant un véritable mystère, Jessica Tuck (Grimm, True Blood) réalise une composition étonnamment éthérée et fascinante. Très marginalement, on regrettera les références à Nostradamus, plus à leur place dans la saison précédente.
Les deux premiers opus où apparaissait Lucy Butler s’étaient avérés particulièrement réussis. Par la nature primordiale du mal qu’elle incarnait et l’excellent fantastique qu’elle générait, Lucy avait véritablement imprimé sa marque à une série lui devant plusieurs moments particulièrement intenses. Malheureusement ce troisième épisode suscite une profonde déception, tout comme cela sera le cas pour le Dr. Charles Walker de Medium. Le récit de Carter et Spotnitz, particulièrement pompeux et dithyrambique, ne se compose que d’un patchwork d’idées reprises avec application dans nombre de films d’épouvante traitant de l’enfance, de La malédiction à Rosemary’s Baby, en passant par La main sur le berceau. Il manque singulièrement de nerf et d’à propos, se cantonnant tout du long dans un flou paresseux. On en ressort avec l’impression que le scénario a sans cesse échoué à trouver son véritable sujet. la principale victime en demeure Lucy elle même, à qui Antipas n’apporte aucun développement autre que mélodramatique, mais bien des redites sur un ton mineur. Le personnage se voit réduit à un démon caricatural, à l’occasion lesté d’un maquillage de troisième ordre. La mise en scène s’en tient à des effets aussi efficaces que passablement éculés, mais manifeste néanmoins un certain sens de sens esthétique, notamment lors des scènes dans le labyrinthe. Le principal atout d’Antipas demeure néanmoins la nouvelle grande prestation de Sarah-Jane Redmond, aussi possédée par son personnage que Lance Henriksen peut l’être par Frank Black. L’alchimie entre les deux acteurs permet d’ailleurs à leurs confrontations de surnager au-dessus du lot. On apprécie également le numéro de l’avocat de Lucy, parfait de crapulerie satisfaite et pédante, un régal.
L’épisode renoue avec bonheur avec les excellents épisodes des X-files se déroulant durant les Fifties (Travelers et The Unnatural). On y retrouve une fine stylisation de l’époque, encore magnifiée par un fort beau travail de photographie, apportant un ton sépia aux flash backs, bien longtemps avant la mode actuelle des séries rétro , à la suite de Mad Men. Ces réminiscences s’insèrent harmonieusement au récit principal, avec des transitions assurées avec fluidifié par la mise en scène. Si la seconde partie souffre d’une certaine naïveté dans cette version de Jekyll et Hyde due aux effets biologiques et psychologiques du rayonnement radioactif (on se croirait par moments dans un DC Comics de l’Age d’or), le dévoilement de l’intrigue s’effectue avec un vrai sens du mystère. On apprécie la conjugaison des talents de Frank et Emma, cette infatigable cheville ouvrière de l’enquête s’avérant toujours une alliée aussi précieuse. Au sein d’une distribution très relevée, Le guesting de Barbara Bain en membre historique et conscience morale du Groupe Millennium représente évidemment un maître coup, d’autant que l’actrice exprime aves éloquence les tournements de son personnage. De manière concomitante on retrouve d’ailleurs enfin cette dimension ambivalente qui bénéficiait tant à Peter Watts, trop manichéen durant la première partie de saison. De plus, le récit insère une intense confrontation avec Black, bien trop rares sur cette période. Le questionnement moral de Peter , ainsi que la manière insidieuse dont ce manipulateur subtil et charismatique s’assure d’une influence grandissante sur Emma titillent agréablement le spectateur et annoncent déjà les évènements de fin de saison. Terry O’Quinn est un immense acteur. Par contre la création du Groupe par Hoover apparaît quelque peu caricaturale et téléphonée, et vient surtout se surajouter aux multiples versions existantes de l’historique de l’organisation. Ce flou persistant demeure bien une faiblesse endémique de MillenniuM. La critique, énoncée par Peter, du Groupe remplissant l’esprit de fFranck d’Anges et de Démons au lieu de lui parler franchement résonne comme une critique acide du travail accompli par le duo Morgan & Wong en deuxième saison !
15. FORCER LE DESTIN
Malgré un rappel bienvenu eu thème millénariste de la série, l’épisode souffre particulièrement d’une partie bien trop étirée (près des deux tiers de sa durée) où l’enquête de Frank et Emma demeure essentiellement verbale et contemplative. L’action progresse à un rythme terriblement lent et les auteurs se voient d’ailleurs contraints de meubler, avec cette histoire d’infirmière quasi exogène au récit et en servant visiblement que de bouche trou. On grappille cependant ici où là quelques éléments culturels, aortiques ou ésotériques préchrétiens suscitant l’intérêt, même si restant annexes. Il en va ainsi de l’étonnant décor du repaire des terroristes, un ancien sauna transformé en temple juif fidèle aux descriptions de l’Ancien Testament. Le poteries et diverses représentations du double Ouroboros s’avèrent également superbes. Forcing the End ne trouve son véritable sujet qu’avec le tonitruant twist de l’apparition de Pater Watts auprès d’Emma, venu apporte une aide précieuse et en apparence désintéressée. D’un intérêt intrinsèque modéré, malgré l’étonnante composition d’une Juliet Landau aux antipodes de Dru, l’opus gagne en importance au sein d’un arc scénaristique majeur de cette seconde demi-saison : le parcours l’Agent Emma Hollis. Toujours fidèle, dans les faits, à Frank Black, on la voit ici évoluer d’une manière capitale, élevant pratiquement l’habile Peter Watts au rang de second mentor. Son scepticisme initial devient ici un suivisme quasi religieux, déjà digne d’un membre du Groupe, des éléments bibliques conduisant à une conclusion accélérée et inutilement spectaculaire. Emma apparaît ici comme au milieu du gué entre Black (qui n’a besoin d’aucune vérité révélé, grâce à sa propre sagesse) et Watts, un équilibre dont on pressent qu’il ne pourra qu’être temporaire.
16. JORDAN CONTRE LUCAS
Après Catherine dans Anamnèse, c’est autour de Jordan d’avoir un épisode centré sur elle. Cette configuration permet à la jeune Brittany Tiplady de donner toute la mesure de son si précoce talent. Le récit et la comédienne parviennent à la rendre touchante et pétrie de grâce enfantine, alors même que son désespoir se traduit par d’étonnantes scènes de violence. Outre se dimension fantastique, assez convenue, l’intrigue permet avant tout de porter l’attention sur l’amour unissant Frank à sa fille, l’un des moteurs narratifs essentiels de la série. Frank n’est finalement qu’accessoirement montré ici en tant qu’enquêteur, mais avant tout comme un père, une originalité bienvenue. Les liens s’établissant entre Emma et Jordan s’avèrent également touchants et novateurs.
17. L’ŒIL DE DARWIN
L’irritant point faible de Darwin’s Eye réside dans l’association de Balwin à Frank, de fait de la relative mise en retrait d’Emma. Baldwin, certes interprété avec talent par Peter Outerbridge, apparaît comme l’une des plus faibles créations de cette troisième saison. Il lasse rapidement par sa crétinerie avérée et arrogante et sa lourdeur pachydermique, une irritation croissant avec sa présence à l’écran. De plus les auteurs manquent ici l’occasion d’enfin le faire évoluer. Néanmoins ils développent un joli contrepied le dotant de réflexions cette fois couronnées de succès, notamment lors de la superbe scène de la révélation du gigantesque visage de cassie et de l’obsession narcissique de cette dernière (eh oui, elle est juste dingue). De même, développer un arrière plan conspirationniste se révélant une fausse piste totale représente une jolie audace, dans le cadre des productions Teen Thirteen. Le thème d’une progression à coups de hasards inexplicables, sans logique préconçue aucune, évoqué dès une introduction citant Darwin, se montre original et trouve un joli écho dans le déroulement de l’enquête. Il en va de même, d’une manière autrement sombre, dans le triste destin de l’infortuné Joe et la folie sans retour de Cassie. Cet épisode en trompe-l’œil ne se contente pas d’une décapante prise à rebrousse poil de nombreux clichés mais dégage aussi une vraie émotion, autour de l’effroyable dérive de Cassie (formidable Tracy Middendorf) et de sa romance avec Joe. Il en va pareillement de la tragédie vécue conjointement par le père d’Emma et celle-ci. La terrible maladie d’Alzheimer est évoquée avec pudeur et à-propos, tandis que le profil d’Emma ne cesse de s’enrichir.
18. BARDO THODOL
L’épisode revêt malheureusement les mêmes travers que Skull and Bones cette saison, en les magnifiant. On se retrouve avec une resucée schématique et floue d’attitudes, clichés et autres ressorts scénaristiques maintes fois utilisés, en nettement mieux, dans les X-Files. Tout n’est pas mauvais et la convergence établie entre la science et la magie, la biologie et une nouvelle alchimie aurait pu susciter un captivant scénario. Mais les auteurs s’éparpillent beaucoup trop, ne maîtrisant absolument pas leur sujet. La mise en scène se contente le plus souvent d’exploiter l’esthétique raffinée et colorée des rituels tibétains. Quelques jolis coups sont cependant réussis, comme la vision particulièrement glaçante de mains coupées. Ecouter disserter l’érudit Peter Watts reste toujours un plaisir, cette fois à propos de l’historique et de l’art des bols mortuaires japonais. On s’amuse également à reconnaître la plupart des acteurs asiatiques usuels des séries américaines de l’époque, d’ailleurs également souvent apparus dans les X-Files. Mais tout ceci demeure accessoire face à l’inconsistance profonde du récit, avec un ton elliptique ne servant que de cache misère.
19. SEPT ANS DE MALHEUR
La première partie de l’épisode s’avère particulièrement réussie. A l’occasion de leur dernier scénario écrit pour la série, Carter et Spotnitz introduisent subtilement tout un album d’images évoquant les moments phares de MillenniuM, notamment en première saison (le Polaroïd Man, Bletcher, etc.). La montée de la paranoïa chez Black apparaît également fort bien rendue. Surtout, Black est demeuré, pour une part non négligeable, un mystère tout au long de la série et ses créateurs s’efforcent de nous faire comprendre ce que ressent cet homme percevant les pulsions des criminels les plus abominables et à quel point cela peut le conduire à s’effondrer. Malheureusement les auteures veulent en faire beaucoup trop dans le cadre d’un seul épisode. Il reste pour lm moins étonnant de voir le Fbi se séparer aussi promptement de Frank Black (au nombre de succès inégalable), uniquement parce que l’organisation croit qu’il traverse une profonde dépression nerveuse. L’interprétation demeure brillante, mais le scénario accumule les concepts religieux moraux et ésotérique jusqu’à en donner le tournis et donner l’impression d’artificialité. La mise en scène donne aussi lieu à une surenchère de spectaculaire assez vaine, renonçant, hélas, au réalisme psychologique, au profit du grand guignol. D’autre part l’épisode renoue avec une des principales faiblesses de cette troisième saison, la trop grande convergence avec les X-Files. En effet que la nature de l’adversaire de Frank relève du Fantastique, et non de la Science-fiction, ne change rien au fait qu’il évoque trait pour trait le Bounty Hunter.
Entre un épisode mythologique clé mais trop ambitieux et le grand final, on apprécie vivement que MillenniuM prenne le temps d’une respiration et de nous offrir un ultime loner, de fort bonne cuvée qui plus est. On retrouve ici une solide enquête, certes très classique dans son ordonnancement, assez proche du ton de la première saison et s’appuyant sur des personnages marquants, écrits et interprétés avec talent. Si Emma demeure quelque peu périphérique dans le développement des évènements, il reste touchant d’observer les auteurs continuer à approfondir le portrait de la protagoniste et son arrière plan à la veille de la clôture de la série. On apprécie l’exploration de l’arrière cour d’une petite ville tranquille, dont apparence sereine dissimule bien des secrets et des turpitudes. Le pied coupé fait d’ailleurs joliment écho à l’oreille du Blue Velvet de David Lynch, très proche sur ce point. Le regard désenchante d’Emma accroît encore l’impact de cette révélation, tandis que sa complicité avec Frank se montre particulièrement communicative Il est également astucieux, pour ce dernier épisode, de s’intéresser au moment précis où nait un rueur en série, quand ses pulsions prennent le dessus sur son humanité, sans toutefois totalement l’oblitérer. Nelson reste sans doute l’assassin rencontré jusqu’ici désirant le plus ardemment être découvert. La compassion de Frank envers le coupable apporte une précieuse sensibilité au récit, loin du manichéisme habituel aux productions américaines. La mise en scène, toute en sensibilité, souligne avec finesse cet aspect. Ce type d’épisode, intelligent et maitrisé, à défaut d’être novateurs, complète efficacement une saison et laisse des regrets quant au potentiel toujours démontré par MillenniuM.
21-22. LE CHEMIN DE CROIX / LA FIN D’UN TEMPS
L’enquête menée en première partie se révèle un modèle du genre, permettant d’ailleurs d’encore compléter l’historique de Frank. Les différents acteras de l’action donnent le meilleur d’eux mêmes, y compris Baldwin. Le personnage se décide à évoluer quand survient la onzième heure, lors d’un rapprochement presque émouvant avec Frank. Les auteurs ne cèdent pas à la tentation de l’emballement et prennent le temps de développer une solide intrigue policière, voire scientifique. Le récit apparaît d’ailleurs plus high tech que la grand majorité du parcours de MillenniuM. Le profil de Barr, tueur posé et doté d’une prodigieuse confiance en soi, se montre haut en couleurs. Le père d’Emma continue à se montrer bouleversant, avec une maladie oblitérant jusqu’à son amour paternel, jusqu’au souvenir de sa propre fille. Grâce à Terry O’Quinn, Petee Watts se montre enthousiasmant en tentateur digne de Méphistophélès ! Après le spectaculaire cliffhanger, le récit passe à une vitesse encore supérieure, la traditionnelle chasse au serial killer s’élargissant magistralement à la mise à jour d’un sombre et formidable complot. Le final de la série réussit là où des épisodes comme Bardo Thödol ou Skull and Bones ont échoué, avec un récit s’assimilant cette fois aux meilleures heures des X-Files. L’intrigue se montre captivante et rythmée, parfaitement explicite et accumulant les rebondissements. Chaque protagoniste trouve sa vérité avant la fin, y compris Watts choisissant seq idéaux moraux et son amitié envers Frank à l’heure ultime. Le choix d’Emma laisse un goût amer mais se montre inéluctable, compte tenu de son parcours et de l’attachement porté à son père. La voir doublement condamnée, par ce dernier mais aussi par Frank, est réellement tragique. En ultime serial killer de la série, et premier artificiellement créé, Barr tient parfaitement la route. Il se révèle un excellent moteur pour l’intrigue, surdoué et macabre au dernier degré. Le choc terminal de ses deux personnalités se montre bouleversant. Ce chef d’œuvre qu’est Goodbye too all that rend en définitive un superbe hommage aux différentes facettes de MillenniuM, avec un Lance Henriksen toujours aussi impérial. La fuite éperdue de Frank et de Jordan revêt la forme d’une angoissante interrogation, tant le Groupe n’aura jamais paru aussi puissant et triomphant. Peter n’est plus là pour modérer et protéger, alors que l'échéance du millénaire se rapproche toujours davantage. Le mérite du médiocre Millennium des X-Files présentera au moins le mérite de nous rassurer quant au devenir de cette si attachante famille.
Images capturées par Estuaire44. |