Une histoire vraie (1999) Résumé : Alvin Straight sait qu’il n’a plus longtemps à vivre. Quand il apprend que son frère Lyle a été victime d’une crise cardiaque, il décide d’aller lui rendre une dernière visite. Mais Alvin ne sait pas conduire. Il décide de prendre la route coûte que coûte, à bord de sa tondeuse à gazon. Critique : Un film de David Lynch distribué par les studios Disney, qui l’eut cru ? Pourtant, Une histoire vraie a toute sa place dans la filmographie de David Lynch. Le film est relié, d’une part, à Elephant Man et Dune. Comme pour ces deux autres films, la photographie est signée Freddie Francis, célèbre chef opérateur et réalisateurs de classiques fantastiques pour la Hammer dans les années 60 et 70. Freddie Francis donne à Elephant Man, Dune et Une histoire vraie une force classique au cinéma de Lynch. Avec Une histoire vraie, le duo Lynch-Francis lorgne du côté de John Ford, par l’élégante simplicité du cadrage et les décors de campagne américaine envahis par le ciel. Une histoire vraie occupe aussi une place dans l’évolution thématique des films de Lynch. Aux premiers films dont l’objet était externalisé (le bébé de Eraserhead, la monstruosité physique de Elephant Man, la forme du film d’enquête de Blue Velvet), Lynch préfère depuis Fire walk with me pénétrer l’esprit de ses personnages. La série Twin Peaks fut probablement ce lieu de passage entre les deux périodes de sa filmographie. Les combats sont désormais intérieurs chez Lynch. Dans Une histoire vraie, tout se joue dans l’esprit du vieil homme Alvin Straight : s’il prend sa tondeuse pour traverser l’Etat, c’est pour régler une culpabilité qui le ronge de l’intérieur. Pour autant, le monde intime est toujours relié au cosmique. Une histoire vraie s’ouvre sur un plan d’étoiles (un des leitmotivs visuels du cinéma de Lynch depuis l’introduction de son premier film Eraserhead, celle de Dune, la conclusion d’Elephant Man…). Sur ce plan des étoiles, la musique d’Angelo Badalamenti est « cosmique » : une nappe basse laisse place à quelques notes aigues, très simples et bouleversantes, réminiscences du thème de Laura Palmer de Twin Peaks. Du grand tout, on passe à des étendues de blé, puis à un petit village, puis à une maison, puis à une fenêtre. La musique « cosmique » d’Angelo Badalamenti laisse place au silence : le bruit des arbres, du vent, à peine audibles, et une simple note basse très sourde. Le jardin est éclairé comme un tableau de Edward Hopper. Alors, derrière cette fenêtre, un homme tombe. C’est Alvin Straight. Sa mort pourrait passer inaperçue. Mais, nous sommes dans un petit village. Et dans ce petit village, l’absence d’Alvin au rendez-vous au troquet perturbe son meilleur ami, qui décide d’aller vérifier ce qu’il fait. Ainsi, Alvin est trouvé au sol, sain et sauf. Avec Une histoire vraie, David Lynch rend hommage aux petits villages dont il avait montré la face sombre dans Blue Velvet et Twin Peaks. Le médecin d’Alvin cherche une explication extérieure à son problème, à l’aide d’une batterie de scanners et d’analyses. Mais Alvin est simplement « vieux », et refuse toute aide. Une histoire vraie n’aura de cesse d’accepter la nature, telle qu’elle est. Quand un chevreuil est écrasé, et que la conductrice devient folle de rage et de peine, Alvin ne dit rien… Le chevreuil est mort, alors il est fait pour être mangé. Alvin en fera une brochette. La forme du road-movie du film permet une multitude de saynètes, dont certaines sont consacrées à la simple contemplation de la nature. Lynch est un cinéaste obsédé par les atmosphères, par les « mondes » qu’il va filmer. Une scène du film montre simplement Alvin se réfugier de la pluie sous une grange. Mais cette grange dégage une atmosphère picturale puissante, et suffit à justifier la scène où il ne se passe rien. Film le plus sobre du cinéaste, Une histoire vraie multiplie pourtant les images Lynch-éennes, mais jouées sur le mode mineur. Bel exemple que la scène de l’orage, au début du film : les sons de l’orage et l’alternance de flashs lumineux et d’obscurité qu’il provoque rappellent nombre de scènes horrifiques du cinéma de Lynch. C’est la nature elle-même qui joue les effets de Lynch. Et dans cette même scène, le téléphone sonne, annonçant la nouvelle de la crise cardiaque du frère d’Alvin. La quête commence : Alvin partira voir son frère, à bord de sa tondeuse. Plus tard, une autre image renvoie à Blue Velvet. C’est Rose, la fille d’Alvin, qui contemple l’arrosage automatique de la pelouse, et un enfant qui joue avec un ballon. La nostalgie d’une époque paisible était déjà présente dans Blue Velvet, et dans Twin Peaks. Dans Une histoire vraie, elle est multipliée par le poids des années, et des regrets – on apprendra plus tard que Rose a perdu ses quatre enfants dans un incendie… La même image de pelouse et de jouets d’enfants était convoquée dans Lost Highway, le précédent film de Lynch, avec ce même regard rétrospectif sur lui-même du cinéaste. Les incendies, le feu, sont aussi convoqués, comme toujours chez Lynch. Une très belle scène montre la rencontre d’Alvin et d’une autostoppeuse n’ayant trouvé de chauffeur. Les deux partagent à manger autour d’un feu de bois. Le feu est filmé avec insistance. Il évoque, peut-être, les désirs d’Alvin qui ne sont plus que de vieux souvenirs. Peut-être cette jeune femme lui rappelle l’une de ses premières petites copines. Puis, le feu prend une autre symbolique, quand Alvin devine que la jeune femme est enceinte et qu’elle fugue de chez ses parents. Un hibou hulule aussi à cet instant… (les hiboux, qui ne sont pas ce que l’on croit, dans Twin Peaks). Le vieil homme se rappelle alors de l’incendie qui a tué ses petits-fils. Alvin convainc la jeune femme de ne pas rompre avec ses proches, évoquant l’image des brindilles, cassables quand elles sont seules, incassables quand elles sont regroupées. Le lendemain, la jeune femme laissera un paquet de brindilles nouées pour le vieil homme. Chaque scène d’Une histoire vraie est comme un poème, une ode à la vie, à la simplicité, mais toujours teinté du regard mystique que porte Lynch sur la vie. Le film s’inscrit dans la tradition des grands écrivains américains, à la Heminghway, et reste pourtant un film de Lynch. Un film de Lynch apaisé, ralenti – à l’image de ces plans sur les bandes jaunes de l’autoroute, qui défilaient à 100 km/h dans Sailor & Lula et Lost Highway, et dont l’image est reprise dans Une histoire vraie à 10 km/h ! Une forme d’humour que l’on retrouve souvent dans le film, notamment quand la caméra monte vers le ciel comme pour signifier une ellipse de quelques heures… et, quand elle redescend, Alvin n’a parcouru que quelques mètres ! L’humour est aussi présent par petites touches à la Jacques Tati, cinéaste fétiche de David Lynch, avec des personnages décalés dans les villages croisés tout au long du film. Caissière, vendeurs, tenanciers, sont présentés de manière légèrement décalée, tout comme dans Twin Peaks. On retrouve d’ailleurs l’un des membres du casting de la série dans un rôle très similaire, Everet McGill, passé de garagiste pour voitures dans la série à garagiste pour tondeuses dans Une histoire vraie. Les autres villageois aperçus sont toujours parfaitement incarnés. Ils sont à la fois légèrement grotesques, et pour autant réalistes. Sissy Spacek est également brillante en Rose, la fille d’Alvin, atteinte d’un léger retard mental. Et, bien sûr, Richard Farnsworth en Alvin Straight est touchant de bout en bout, absolument crédible dans son rôle de grand-père issu d’un milieu modeste et de la campagne profonde, participant de la réussite du film. A cette douceur et cette lenteur viennent contraster des moments de panique, de rapidité, d’emballement. Principalement, cette scène où la tondeuse lâche dans une pente et fonce sur une maison en feu. Il y aussi, précédemment, l’étrange scène où Alvin se fait dépasser par une foule de cyclistes. L’image montre la rapidité des cyclistes, mais le son – presque muet, avec une note de musique éthérée – créé une étrangeté. Comme si Alvin se sentait dépassé, ou fantôme dans un monde qui bouge sans lui. La figure du fantôme est présente tout au long du film. Alvin, bien des fois, semble au bord de l’autre monde. Le film débute d’ailleurs sur une mort évitée, et l’on pense souvent à cette menace. Une scène montre le passage d’Alvin sur un pont, au-dessus du Mississippi. Une étape attendue dans son voyage, synonyme de l’approche de la maison de son frère. Mais, lors de cette traversée, Alvin se sent mal. La musique devient inquiétante. Le Mississippi devient alors un Styx symbolique. Alvin n’a probablement plus que quelques jours devant lui. Fondu enchaîné, et la scène suivante montre des pierres tombales, la nuit, dans un cimetière près d’une église tout droit sorti d’un film d’épouvante. Alvin est bien en vie, il discute avec un Prêtre, mais le montage a créé d’autres associations d’idées. La mort flotte donc, tout au long de ce film en apparence très lumineux. C’est aussi la mort du frère, Lyle. Alvin n’a que sa tondeuse pour parcourir les routes : Lyle sera-t-il toujours en vie à son arrivée ? Ne voyage-t-il que pour rendre visite à un mort ? Seront-ils morts tous deux au terme du voyage ? La mort est partout, elle est dans ce chevreuil écrasé, elle est aussi dans les morts évoquées dans des récits : les enfants de Rose morts dans un incendie, l’épouse d’Alvin morte en 1981… Une longue scène est consacrée à une discussion entre Alvin et un ancien combattant de la seconde guerre mondiale, croisé lors de son périple. Filmés simplement en gros plans l’un et l’autre, ils évoquent ces fantômes de leurs camarades, qui les hantent tous deux depuis 1945. Comme son titre français l’intrigue (le titre anglais aussi, mais avec en plus un jeu de mot sur le nom de famille du héros, Straight, c’est-à-dire droit dans ses bottes), le film est donc basé d’une histoire vraie. Et là encore, l’histoire d’un être déjà mort : le véritable Alvin Straight est mort en 1996, et le film sort en 1999. Son film suivant, Mulholland drive, est dédié à une jeune femme morte d’un accident de voiture après le tournage, mais dont la vie semble ressembler à celle du personnage. Le récit des derniers jours de Marylin Monroe fut le projet initial des recherches de Mark Frost et Lynch à la création de Twin Peaks. Lynch semble chercher à re-convoquer la présence d’êtres disparus grâce au cinéma, et à se replonger dans leur esprit lors de leurs derniers jours sur terre. Anecdotes : |
Inland Empire (2006) Résumé : Nikki Grace, actrice à Hollywood, attend le résultat d’une audition. Son étrange voisine vient lui rendre visite et lui prédit qu’elle aura le rôle. Le lendemain, c’est effectivement le cas. Progressivement, la réalité de Nikki et celle de son personnage Sue vont venir à se confondre, surtout quand elle tombe amoureuse de Devon, le comédien interprétant son amant dans le film. Critique : « Cette chanson a battu les records de longévité sur les ondes. Ce soir, dans toutes les régions Baltes, Un jour gris d’hiver dans un vieil hôtel ». Inland Empire s’ouvre sur cette voix de speaker radiophonique, et sur une image de vinyle qui tourne. Cette image de vinyle, répétée de manière lancinante à travers tout le film, évoque, comme la route serpentine de Mulholland drive, un éternel recommencement. Elle fait écho, aussi, au Jitterbug introductif de Mulholland drive, et au club de jazz de Lost Highway. Trois films miroirs qui semblent se répondre entre eux. David Lynch tourne Inland Empire aux alentours de l’année 2005, avec une production réduite – essentiellement basée sur ses propres ressources financières, avec l’aide de son épouse productrice Mary Sweeney. Le film est tourné sans scénario complet, et avec une petite caméra mini-DV. Lynch avoue (dans des interviews, et dans le documentaire autour du tournage du film) « ne pas savoir où aller » plusieurs fois lors de la création du film. Un processus totalement libre, très artisanal et qui boucle la boucle avec le premier film fauché du cinéaste, Eraserhead. Le résultat : un film dans lequel on avance par associations d’images, associations de sons, et associations d’idées, comme un poème surréaliste d’écriture automatique… L’introduction du film en est un bel exemple : nous commençons sur des images de prostitution en Pologne, floutées. Une femme regarde ces images sur un écran, et voit soudain un sitcom avec des lapins en costume. Les images se rembobinent (ou avancent ?), et nous voyons une vieille dame marcher vers une maison. Nous retrouvons cette vieille dame, qui nous mène chez sa voisine, Laura Dern alias Nikki Grace. La conclusion du film fonctionnera sur le même mode d’associations libres, et, entre les deux, un film en poupées russes : film dans le film dans le film, rêve dans le rêve dans le rêve… David Lynch a totalement suivi son instinct lors de ce tournage, et demande au spectateur de faire de même. En suivant cet instinct, une histoire apparaîtra tout de même. Elle sera différente, bien sûr, en fonction de chaque spectateur. On peut y voir, par exemple, la véritable histoire d’une femme (la brune, devant son téléviseur), probablement Polonaise, qui trompe son mari et souffre de cette culpabilité écrasante. Peut-être, d’ailleurs, s’est-elle livrée à la prostitution. Elle apprend qu’elle est enceinte. L’annonce à son mari. Or, celui-ci est stérile. La jeune femme vit alors un cauchemar, dans lequel ses interrogations refont surface : faut-il tuer le mari ? tuer le bébé ? se tuer ? Cette histoire semble être enfouie dans le scénario joué par une actrice Hollywoodienne, Niki Grace. Elle interprète Sue, une femme qui trompe son mari. Et, dans la réalité, Nikki – l’interprète – est est-elle aussi tenté de le faire, avec Devon le comédien qui interprète son amant (Justin Theroux). Le film qu’ils tournent, Quelque part dans les lendemains bleus, est en fait le remake d’un film maudit, jamais terminé, sur lequel les deux interprètes ont été assassinés. Comment ces deux histoires sont-elles reliées ? Il semble que Nikki, l’actrice hollywoodienne, devienne son personnage dans un long rêve. Et, dans ce rêve, elle rejoint la jeune femme Polonaise. Un rêve en commun. Un motif qui réécrit l’histoire de Mulholland drive, mais aussi celle (véridique) de la relation entre l’actrice Sheryl Lee et son personnage Laura Palmer sur le tournage de Fire walk with me. Inland Empire utilise, comme Mulholland drive, la figure de la mise en abyme. Mais, cette fois, puissance mille. Cherchant moins à dénoncer l’illusion du rêve américain que dans le film précédent, Lynch cherche surtout à créer un vertige sans fin. Le spectateur se demande en permanence si ce qu’il voit est une scène du film dans le film, ou bien une scène réelle. Lynch utilise avec malice le format DV, évoquant ces images de making-of, de bonus, que nous sommes habitués à voir depuis l’apparition des DVD à l’aube des années 2000. Ce choix du DV donne un sentiment de documentaire à ce film totalement surréaliste. Le DV est aussi parfaitement choisi pour la deuxième partie de l’histoire, celle se déroulant en Pologne : ces images sales évoquent les documentaires sulfureux sur la prostitution, et Lynch réutilise même l’effet de flou des visages au début de son film. Pris dans sa recherche de compréhension de l’intrigue, le spectateur s’engouffre dans le monde sensoriel du film. Lynch nous piège comme un hypnotiseur (et un hypnotiseur va et vient dans le film). La voisine, dans l’une des premières scènes du film, semble déjà hypnotiser Nikki. Jeremy Irons, qui incarne le réalisateur du film dans le film, parle de son film comme d’un « monde dans lequel nous allons plonger ». Dans toute la première partie, cette plongée s’effectue, tandis que le personnage de Nikki devient progressivement son personnage Sue. La plongée est une expérience, éventuellement traumatisante. Jamais les sons de Lynch n’ont autant fait sursauter. On en vient à se demander si le film ne va pas « sortir de ses gonds », voir sortir de l’écran. Peur incarnée par une scène fascinante où Laura Dern contemple son image dans un cinéma, puis voit ce même cinéma dans l’écran. Parfois, le cinéaste nous permet une courte décompression par l’humour : c’est tantôt le sitcom des lapins, tantôt un talk show parodique de ceux qui existent sur les chaînes américaines. Petit à petit, Nikki devient Sue. Sans cesse, dans la première heure du film, une scène que l’on croit réelle s’avère une scène du tournage. Petit à petit, l’esprit vacille : Nikki s’arrête de tourner, et s’adresse à son équipe « on dirait une réplique de notre film ! ». Que se passe-t-il ? lance quelqu’un de l’équipe. Oui, que se passe-t-il ? Qui est cette autre femme qui apparaît, dans un commissariat, un tournevis planté dans le ventre ? S’agit-il de la première interprète de Sue, celle qui est morte sur le précédent tournage ? La frontière entre Nikki et son personnage s’abolit définitivement au bout d’une heure, quand elle s’enferme dans la maison de carton-pâte du studio, et que celle-ci devient réelle. Le studio de tournage se transforme en jardin. Puis, une lampe émet des flashs lumineux violent, et nous voilà téléporté en Pologne. Transformations, téléportations, disparitions… Le cinéma de Lynch est rempli de Magie, de prestidigitation, et Inland Empire ne déroge pas à la règle. La voisine nous avait prévenu et avait prévenu Nikki : « … et puis, il y a… la magie ! ». Le film semble être lui-même un miroir. Après la plongée, la remontée, qui mène progressivement à la fin du film. Nikki refait surface progressivement. Elle tente de rentrer chez elle, à Hollywood : là, la femme brune a pris sa place, et tout le monde la chasse, y compris Devon son collègue comédien. Niki/Sue ne peut émerger du cauchemar, et se retrouve prostituée sur les trottoirs de Los Angeles – à même le Walk of Fame. Dans la scène mythique du film, elle se tue d’un coup de tournevis, et fini là son voyage aux côtés de clochards (encore l’écho de Mulholland drive, dont le film semble être une version double). Mais tout n’est qu’un film, et Nikki se réveille enfin. Pour une fois, la mort n’est pas la dernière solution dans le cinéma de Lynch. Et si Inland Empire était son film le plus positif ? Malgré toute la noirceur de l’expérience, Nikki se relève et retrouve la jeune Polonaise. Elles s’embrassent, et retournent chacune à leur réalité. Peut-être, par le pouvoir du cinéma, Nikki fait-elle revivre la jeune femme ? Les dernières images montrent celle-ci retrouver son mari, accompagné d’un enfant. Tout semble être résolu, et pardonné. A nouveau, les plans s’associent entre eux, et la vieille voisine réapparaît. Et si c’était-elle, Sue ? Venue rendre visite à celle qui interprète son histoire, des années après ? La présence obsédante du vinyle, objet d’une autre époque, pourrait l’indiquer. Le film se termine par des images de danse au son de Sinnerman de Nina Simone, dans une villa de Los Angeles. C’est toute la beauté de Inland Empire de ne laisser derrière lui que des « et si ? ». Jamais le film ne ferme totalement les portes de l’interprétation. Si bien qu’il peut être très difficile d’accès lors d’une première vision. On peut, à première vue, se dire que Lynch se moque de nous. Mais il n’en est rien : Inland Empire raconte une histoire, émouvante, effroyable, fascinante. A chacun de la reconstituer selon ses projections, mais elle est là, sous-jacente aux images du film. Si le film ne rencontra pas le même retentissement que Mulholland drive, il semble être, au fil des visions, un film non moins important. Sa durée de 2H50, son image artisanale en DV, en font une expérience radicale. Radicale mais envoûtante, grâce à la maîtrise d’illusionniste de Lynch, et émouvante, grâce au casting de haut vol (Laura Dern, encore une fois, est sidérante de bout en bout ; les rôles secondaires sont tous aussi parfaits, mention spéciale à Harry Dean Stanton et Grace Zabriskie). Anecdotes :
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