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 saison 8 saison 10

Hercule Poirot

Saison 9

 

  
 
 

1. CINQ PETITS COCHONS
(FIVE LITTLE PIGS)

Cinq petits cochons


 

La jeune Lucy Crale demande à Poirot de faire la lumière sur une tragédie survenue il y a quatorze ans. Carolyn, la mère de Lucy, a été pendue pour le meurtre de son mari, Amyas. Elle n’aurait pas supporté qu’il la quitte au profit de son modèle d’alors, la belle et très décidée Elsa. Poirot va demander aux cinq témoins principaux de raconter leur version du drame, afin de découvrir la vérité en étudiant la psychologie de chacun.

L’épisode ouvre une nouvelle période pour la série, se caractérisant par un Poirot davantage solitaire et murissant, ainsi que par une tonalité assombrie vis-à-vis des premières saisons. Même l’emblématique thème de Poirot disparaît, à quelques fugitives notes près. Mais la nouvelle acception de la série n’induit pas une baisse de qualité, comme le démontre le chef d’œuvre que constitue Five Little Pigs, certainement l’un de ses sommets. Le récit représente ce que l’on nommerait aujourd’hui un Cold Case, mais se démarque totalement de l’ordinaire des séries policières. Certes  Poirot mène une enquête également factuelle, mais la grande idée du récit est de baser sa démarche sur l’approche psychologique. De fait Poirot passe l’essentiel de l’épisode à écouter les témoignages, afin de comprendre les rouages de chacun des suspects et de mettre le doigt là où une discordance se fait jour. Le récit prend la forme de cinq passionnantes, parfois bouleversantes, immersions dans les traumas suscités par le drame.

Le procédé fonctionne grâce à plusieurs atouts. Les personnalités rencontrées s’avèrent aussi riches que torturées, magnifiquement interprétées par quelques uns des meilleurs comédiens britanniques (mention spéciale à Toby Stephens  et à Marc Warren). La mise en scène, tout en élégance, onirique photographie sépia et savant usage du quatrième mur, sait nous faire ressentir que nous voyons les évènements à travers les yeux de l’âme. La caméra passe avec talent en mode subjectif, pour accentuer l’assimilation aux narrateurs. L’histoire gagne encore en dimension avec une plongée accentuée dans le passé et, surtout, le portrait se dessinant en filigrane d’une femme absolument remarquable, Carolyn, au cœur de l’existence de chacun. Rachael Stirling (fille de Diana Rigg) nous offre une restitution  virtuose des différentes facettes de cette énigme vivante, dont la progressive compréhension par Poirot révélera en définitive davantage la vérité que l’étude de l’ordonnancement des évènements. Un opus aussi ambitieux que captivant, rendant justice aux méthodes spécifiques de Poirot. On ne regrettera que l’emploi parfois sensationnaliste d’une scène de pendaison absente du roman.

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2. JE NE SUIS PAS COUPABLE
(SAD CYPRESS)

Je ne suis pas coupable


Elinor Carlisle est condamnée à la pendaison pour le meurtre par empoisonnement de Mary Gerrard. Cette rivale lui avait pris son fiancé et menaçait de capter l'héritage de sa richissime tante, agonisante. Tout accuse Mary, qui avait sérieusement envisagé de passer à l'acte. Mais le médecin de famille, qui lui est très attaché, demeure persuadé de son innocence. Il fait alors appel à un ami, le célèbre détective Hercule Poirot.

Après l’épisode hors normes que constituait Five Little Pigs, Syd Cypress signifie un retour à un certain classicisme de la série, avec un whodunit parfaitement maîtrisé autour des jeux testamentaires  bien connus, établissant à qui profite le crime. Le récit se distingue néanmoins par une longue première partie consacrée à une brillante étude psychologique d’Elinor Carlisle, évoquant avec une précision d’orfèvre le cheminement pouvant conduire un esprit honnête aux confins du crime passionnel. Un cheminement d’une grande force et fort inquiétant, se renforçant d’un vrai suspense quant à sa conclusion. S’y ajoute un impitoyable duel féminin, aussi féroce qu’il demeure feutré et policé. Cet aspect résulte davantage décevant, du fait du focus porté sur la seule Elinor. Mary demeure essentiellement une énigme, avec une histoire restant au milieu du gué, développant le personnage suffisamment pour susciter des frustrations, au lieu de la cantonner à un simple prétexte. Elégante, la mise en scène se détourne de l’Art déco pour nous replonger dans l’Angleterre traditionnelle et sa société strictement compartimentée, comme un crochet chez Miss Marple. La musique comme si souvent dans cette série, installe toute une ambiance.

 L’enquête de Poirot, pour limitée qu’elle soit dans le temps, apparaît rondement menée, nous révélant un modus operandi astucieux et un esprit diabolique grand train, au cynisme rare. Le découpage en trois de la traditionnelle scène de révélation induit une certaine théâtralité mais suscite de jolies confrontations, jusqu’à une ultime partie de poker. Le happy ending si cher à Agatha émeut réellement, grâce à une distribution de qualité, ponctuée de visage reonnaissables. Bien connu des amateurs de Doctor Who pour avoir campé le Huitième Docteur, Paul McGann reste un comédien sensible et raffiné, d’une vraie stature. Que son personnage soit le Docteur Lord reste amusant. Elisabeth Dermot Walsh imprime sa marque à l’opus avec une Elinor toute en faiblesse humaine, mais franchissant l’épreuve avec succès. Kelly Reilly (la Madame Watson des Sherlock Holmes de Guy Ritchie) apporte  une vraie présence à Mary, de même que Phyllis Logan (la Mrs Hughes de Downton Abbey) à l’infirmière Hopkins. David Suchet brille comme toujours en Poirot, ce dernier se voyant ici confronté avec humour à sa pire Némésis : le cuisine anglaise. Sa scène de détestation des sandwichs au poisson reste un classique (I had failed to take into account the madness of the English palette !). 

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3. MORT SUR LE NIL
(DEATH ON THE NILE)

Mort sur le nil


Hercule Poirot participe à une croisière sur le Nil. Il fait la connaissance de Simon Doyle et de sa richissime épouse, Linet, un jeune couple en lune de miel. Mais l'ex fiancée de Simon, Jacqueline de Beaufort, s'invite sur le navire et se montre particulièrement hostile. Quand Linett est découverte assassinée, Jacqueline est rapidement suspectée. Mais Hercule Poirot va établir que plusieurs autres suspects se trouvent à bord.

Comme à l’occasion d’Evil Under The Sun, la question se pose obligatoirement de la comparaison avec le film comportant Peter Ustinov en tête d’affiche (1978). Toutefois l’écart entre les deux versions paraît ici à relativiser, du fait d’une localisation cette fois identique. De plus le navire servant de décor aux évènements est le même, tandis que le budget de l’opus dépasse très largement la moyenne de la série (avec près de deux millions de Livres), permettant d’approcher quelque peu la qualité de production du cinéma. Comme toujours la production fait l’objet d’un grand soin. De fait l’épisode apparait davantage comme un remake du film que comme une version différente du roman. On continue cependant à préférer l’incarnation de Poirot donnée par Suchet, sensible et savoureuse, si fidèle à la vision d’Agatha Christie, à la brillante performance très personnelle d’Ustinov, créant un Poirot trop aisément sarcastique.


Tout résulte comme si Death On The Nile avait parfaitement retenu la leçon des errements de Murder in Mesopotamia, précédente aventure exotique de Poirot. Le parcours le long du Nil (on songe parfois à L’espion qui m’aimait) autorise un dépaysement bien davantage marqué et renouvelé que l’enfermement de l’action dans un site archéologique. La mise en scène, aidée par une musique évocatrice, réussit de forts jolis panoramas. L’intrigue atteint des sommets bien supérieurs de complexité et de roublardise diabolique, tout en développant des fausses pistes davantage convaincantes. Les personnages acquièrent une densité supplémentaire, tout en divertissant pleinement le spectateur, le scénario peuplant la croisière d’excentriques hauts en couleurs. On remarque d’ailleurs qu’Agatha se montre à l’occasion volontiers rosse envers les femmes, on rit souvent. Outre quelques jeunes actrices talentueuses, la distribution brille par la présence d’une Judy Parfitt très tonique et d’un étonnant David Soul, méconnaissable et remarquablement convaincant. Parfaitement dans son emploi, le vétéran James Fox compose un Colonel Race plaisamment britannique, un agréable substitut à Hastings. 

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4. LE VALLON
(THE HOLLOW)

Le vallon


Hercule Poirot séjourne à la campagne, quand il est invité au Vallon, la grande résidence de son voisin, Sir Henry Angkatell. Celui-ci y reçoit  les membres de sa famille.. Un autre convive, John Christow, est assassiné. Les suspects apparaissent nombreux, Christow ayant multiplié les ressentiments au sein de la famille. Poirot éprouve de grandes difficultés à progresser dans son enquête, aucun coupable potentiel ne se détachant particulièrement.

Même s’il s’agit d’une pratique inévitable concernant la transposition d’un texte à l’écran, on pourra reprocher au scénario d’avoir opéré des coupes marquées vis-à-vis de l’imposant et foisonnant roman qu’est Le Vallon (notamment autour de Midge et Edward). Autre preuve d’un cadrage dans le moule de la série, Hercule Poirot figure ici dès la première image, alors que son entrée en scène demeurait particulièrement tardive dans l’œuvre d’Agatha Christie. On remarque au passage que les irrésistibles mimiques et autres fantaisies du Belge ont désormais quasiment disparu, confirmant l’évolution de la sa série vers davantage de gravité, au risque d’une certaine solennité. Outre une scène inutilement explicite, on peut aussi regretter l’absence de notre cher inspecteur Japp (certes absent du roman), son remplaçant cynique et goguenard représentant un substitut moins pertinent que le Colonel Race pour Hastings, lors de l’opus précédent.

Toutefois on reconnaîtra au scénario d’avoir su conserver intacts les atouts du texte originel. Un dénouement original vient ainsi habilement renouveler ce qui aurait pu constituer un Mystery Manor supplémentaire. Surtout la mise en scène rend un superbe hommage à cet authentique personnage central du roman qu’est le Vallon, résidence admirée par Agatha Christie et propriété d’amis à qui elle dédia le livre. Les différents plans, parfois un brin théâtraux, nous font agréablement visiter cette élégante demeure, auxquels s’ajoutent de superbes jardins. La musique, comme toujours, accompagne idéalement l’ensemble. Une photographie raffinée nous vaut également d’admirables vues de la campagne anglaise environnante.

Au total on trouve ici l’écrin parfait pour une évocation réussie, parfois gentiment sarcastique, d’un art de vivre britannique très à la Downton Abbey, entre excentricités des maîtres et fidélité des serviteurs. Au sein d’une remarquable distribution accompagnant un David Suchet toujours souverain, on distinguera particulièrement un parfait Edward Fox, idéal en un maître d’hôtel proche cousin de Carson, tandis que les amateurs de Sherlock Holmes auront le plaisir de retrouver le regretté Edward Hardwicke en noble provincial savoureusement archétypal. Comme souvent au cours de la série, l’opus s’adorne de plusieurs jeunes actrices aussi belles que talentueuses. En particulier, Megan Dodds accomplit une prestation d’une grande justesse dans le rôle particulièrement riche qu’est Henrietta Savernake. Ses confrontations avec Poirot constituent le clou du spectacle.

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Images capturées par Estuaire44.

 

L'Entraide

 saison 9 saison 11

Hercule Poirot

Saison 10

 

  
 
 

1. LE TRAIN BLEU
(THE MYSTERY OF THE BLUE TRAIN)

Cinq petits cochons


 

Hercule Poirot rencontre  l’industriel américain Rufus Van Alden et sa fille Ruth ,lors d’un voyage par le Train Bleu (ligne Calais-Nice). Or Ruth est assassinée peu de temps avant l’arrivée, son rubis étant dérobé. Ruth était en instance de divorce, or son amant et son mari se trouvaient dans le train. Mais la jeune fille avait échangé son compartiment avec celui de la sympathique et fortunée Katherine Grey, pour laquelle Poirot se prend d’affection.

The Mystery of the Blue Train s’appuie sur un merveilleux travail de production. Localiser la tournage sur la Riviera française, Nice et Menton, introduit toute une atmosphère, parfaitement relayée par le soin extrême porté à la reconstitution d’époque. La mise en scène nous régale de somptueux panoramas de la Côte d’Azur, tandis que l’on retrouve tout un art de vivre, que le spectateur de 2014 aura récemment découvert dans le récent très beau film de Woody Allen, Magic on the Moonlight. La bande son participe avec goût à l’entreprise, avec différents airs emblématique des 30’s, dont le si jazzy Indigo Moon de Duke Ellington. Au-delà de la belle évocation de la légende du Train Bleu (qui va officiellement s‘achever en 2007), l’opus propose un bel éclairage de l’attraction traditionnellement exercée par la Côte d’Azur sur la haute société britannique, pour sa beauté, sa douceur et la plus grande liberté de mœurs autorisée que dans la très corsetée Angleterre. Une magnifique distribution vient encore embellir le spectacle, avec derechef ces superbes et talentueuses actrices que la série se plait à accueillir.

 

Malheureusement le scénario du jour ne se montre pas à la hauteur, assez logiquement à propos d’un roman envers lequel la propre Agatha Christie n’aura jamais manifesté d’estime.  Afin, sans doute, de dynamiser un récit plus éclaté qu’à l’ordinaire, l’intrigue centralise les personnages au sein du Train Bleu et de la Villa, même quand ceux-ci n’y ont jamais mis les pieds, un exercice se révélant tout à fait gratuit in fine. Quelques éléments inutilement mélodramatiques se voient également ajoutés, concernant notamment la destinée ultime de l’esprit criminel, avec en sus l’une de ces poursuites finales inutiles auxquelles la série a parfois recours. Le déplacement de l’action dans les années 30 se montre par contre judicieux. L’essentiel des menées de Poirot et des éléments découverts concerne des fausses pistes et des faits secondaires. On passe trop directement du crime à la traditionnelle scène de révélation, sans que la réflexion du spectateur ait été suffisamment nourrie. Surtout Katherine aurait constitué une parfaite partenaire contre le crime pour Poirot, la convergence complice observée en première partie d’épisode ne conduisant toutefois pas à une enquête menée en commun, ce qui s’avère frustrant.

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2. CARTES SUR TABLE
(CARDS ON THE TABLE)

Je ne suis pas coupable


L’intrigant et richissime M. Shaitana convie huit personnes à un dîner très particulier. Quatre d’entre eux sont des enquêteurs de haute volée, dont le propre Hercule Poirot, mais aussi l’écrivaine Miss Ariadne Oliver, les quatre autres sont de potentiels assassins. Shaitana est tué au cours de la soirée. Poirot va tâcher de déterminer qui est le coupable, en compagnie de ses trois acolytes. Mais peut-être l’un d’entre eux a-t-il aussi quelque chose à cacher ?

L’opus commence par pleinement convaincre lors de la restitution de la soirée fatidique, élément d’autant plus crucial qu’il détermine une bonne part de la spécificité du récit. L’appartement de Shaitana se voit recréé avec faste et talent, tandis que l’excellent Alexander Siddig apporte présence et magnétisme à l’hôte des lieux. Comme si souvent, la distribution s’avère de qualité, autour d’un Suchet toujours impeccable. Les scénaristes  ont la bonne idée de conserver les éléments les plus ludiques du roman originel : les petites questions d’Hercule Poirot et sa subtile lecture psychologique du comptage de points de la partie de Bridge, révélant la psychologie de chacun.

Hélas, la suite des évènements résulte très décevante. Adapter un roman implique d’inévitable modifications et simplifications, mais l’on ne peut réellement modifier sa substance que si cela se justifie par le résultat obtenu. Or ici les auteurs modifient totalement la personnalité et les motivations des personnages, jusqu’à parfois inverser coupable et victime, sans que cela apporte grand chose. Par ailleurs le thème de l’homosexualité figure bien dans le roman d’Agatha Christie, mais uniquement autour de Shaitana, et de manière très diffuse. On peut très bien traiter ce sujet, y compris dans les années 30 anglaises, comme le démontre le superbe et bouleversant Maurice de James Ivory. Mais le situer au cœur des débats et transformer explicitement nombre de personnages sous cette optique reste hors sujet, sans plus-value aucune. De plus le récit accumule d’autres maladresses. Les coéquipiers masculins de Poirot paraissent très lisses et faire suspecter l’un d’entre eux fait perdre de sa spécificité à l’histoire (encore une modification n’apportant rien). Le rythme reste très lent et la traditionnelle scène finale manque de saveur. Poirot se contente d’annoncer « ce n’est pas vous » aux différents suspects !

Le travail de production et la reconstitution d’époque demeurent toutefois de qualité. Par ailleurs on portera au crédit de l’opus l’arrivée de Miss Ariadne Oliver. Elle va devenir une précieuse et irrésistible partenaire contre le crime pour Poirot, avec son caractère pittoresque et son solide bon sens derrière sa fantaisie d’écrivaine. Zoë Wanamaker (la Cassandra de Doctor Who) n’hésite pas à quelque peu surjouer ce personnage cher à Agatha Christie, ce qui correspond enfin à une traduction judicieuse à l’écran. Son humour et son abattage s’avéreront précieux au cours de six épisodes, dans une phase de la série voyant Poirot toujours davantage renoncer aux facéties des premières saisons.

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3. LES INDISCRÉTIONS D'HERCULE POIROT
(AFTER THE FUNERAL)

Mort sur le nil


L’avoué Gilbert Entwhistle sollicite Hercule Poirot à propos d’une étrange affaire. Richard Abernethie a modifié son testament juste avant de mourir brusquement. Il a déshérité son unique bénéficiaire, George, au profit des différents membres de sa famille. De plus, l’une des héritières, Cora, a été retrouvée assassinée, peu de temps après les funérailles de Richard. Poirot va tâcher de déterminer si, oui ou non, ces deux morts sont reliées au testament.

Après deux épisodes en demi-teinte, After The Funeral tombe à point nommé pour remonter le niveau de cette dixième saison. S’ils ne résultent pas toujours indispensables, les quelques changements apportés à l’histoire initiale demeurent cette fois d’une amplitude tout à fait acceptable. La redoutable astuce d’une intrigue parvenant à relier des éléments en apparence absolument disparates reste conservée et parfaitement explicitée par un scénario maîtrisant l’art difficile du dévoilement des évènements. Des indices idéalement dosés se voient semés tout au long de l’intrigue, rendant celle-ci absolument ludique et à la portée d’un spectateur attentif. S’il s’agit d’un Mystery Manor classique, développant des thèmes chers à Agatha Christie (cruauté des rapports sociaux, peinture acide de la haute société, puissance du sentiment amoureux), le récit se caractérise néanmoins par un tempo élevé, du fait de la multiplication des évènements et des rebondissements.

 

L’irréprochable  qualité de la production demeure décidément la marque de fabrique de la série, avec une splendide reconstitution d’époque, véhicules et costumes se disputant la palme de l’élégance. Une mise en scène sachant soigner ses effets sait rendre justice à de superbes extérieurs et à la magnifique résidence de Rotherfield Park, nouvelle impressionnante résidence servant d’écrin aux déductions de Poirot. Les panoramas de ce bâtiment classé remontant à 1815 et de ses jardins apportent une indéniable valeur ajoutée à l’épisode. La réalisation parvient également à passer outre l’habituel piège des maquillages, évidemment  davantage visibles à l’écran qu’au sein de la narration littéraire. Même si l’on peut regretter la part désormais minime consacrée à l’humour, David Suchet se montre toujours aussi suprêmement convaincant dans cette nouvelle acception du Belge, murissant de concert avec son personnage. Comme à l’ordinaire, il s‘entoure d’une distribution  de grande qualité. Les amateurs de Doctor Who reconnaitront avec émotion William Russel (Ian Chesterton, l’un de tous premiers Compagnons), en parfaite incarnation d’un maître d’hôtel emblématique. Monica Dolan s’avère parfaite en Miss Gilchrist, l’opus lui doit immensément.

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4. LE FLUX ET LE REFLUX
(TAKEN AT THE FLOOD)

Le vallon


Une explosion de gaz a tué le riche Gideon Cloade. Soutenue par son frère, la veuve Rosaleen, une jeune actrice, refuse de partager l’héritage avec le reste de la famille. Parmi les lésés, court le bruit selon lequel Rosaleen aurait été bigame, ce qui annulerait son mariage avec Cloade. Ils demandent à Poirot de prouver que son premier mari, disparu jadis dans la jungle, n’est en fait pas mort. Mais le détective va mettre à jour une situation pour le moins étonnante.

Taken at the Flood souffre sans doute de succéder immédiatement à After The Funeral, un autre Mystery Manor dont il partage nombre d’aspects, sans tout à fait atteindre la perfection. La comparaison ne résulte en effet pas à son avantage, à cause d’un rythme plus lent et d’une ambition sociétale moindre, du fait des motivations vénales et personnelles du ou de la coupable. La mise en scène résulte moins imaginative, même si elle s’appuie derechef sur une de ces superbes demeures dont la campagne anglaise a le secret, Englefield House, dans le Berkshire. La beauté et les dimensions du bâtiment l’ont déjà fait figurer dans de nombreuses productions, il fut ainsi le décor principal de la divertissante série Hex (2004-2005). Ce chef-d’œuvre de l’architecture élisabéthaine (1558) apporte toute une dimension supplémentaire à une reconstitution d’époque déjà exquise. Situer l’action dans les années 30 suscite quelques contorsions scénaristiques vis-à-vis de l’œuvre originelle, notamment lors du final. Mais il en va de la cohérence de la série et la superbe esthétique de l’époque incite à l’indulgence.

 

Ce solide opus vaut également par son intrigue savamment complexe et entrecroisée, à la solution sans doute introuvable mais rendant la traditionnelle scène d’explications par Hercule Poirot particulièrement prenante. Comme de coutume, la distribution sait restituer une véracité particulièrement précieuse dans le cadre d’un récit ne reculant devant aucun rebondissement. L’ensemble demeure dominé par un David Suchet toujours aussi impérial et prenant un plaisir manifeste à renouer avec quelques intonations humoristiques, notamment quand Poirot se voit confronté à la cuisine britannique, son cauchemar intime (hormis pour les petits-déjeuners !). A ce propos, la série enregistre ici une précieuse recrue, avec l’entrée en scène de George, le digne et impeccable valet du détective (sous les traits de l’excellent David Yelland). Ses réactions face aux maniaqueries de son patron nous valent plusieurs scènes de comédie finement ciselées, à Whitehaven Mansions.

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L'Entraide

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Hercule Poirot

Saison 11

 

  
 
 

1. MME MCGINTY EST MORTE 
 (MRS MCGINTY'S DEAD)

Cinq petits cochons


  

James Bentley est condamné à la pendaison pour le meurtre de sa logeuse, Abigail McGinty. Tout semble l’accuser, mais le policier ayant dirigé l’enquête sent que quelque chose est resté dissimulé. Il demande à Hercule Poirot d’intervenir. Le Belge s’installe dans le village où le drame a eu lieu et s’aperçoit que son amie Miss Ariadne Oliver est également sur place. Deux vieilles photographies vont mettre le détective sur la voie de la vérité.

Après une saison 10 marquée par des errements prononcés et souvent guère judicieux vis à vis des romans d’Agatha Christie, Mrs Ginty’s Dead marque le retour à une vraie fidélité. L’intrigue apparaît en effet quasi inaltérée, hormis quelques inévitables coupes. La conspiration ourdie se montre dès lors ingénieusement complexe, tournant autour de l’élément des plus ludiques constitué par le mystère des deux photographies, jusqu’à un dénouement réellement surprenant. Les motivations des personnages ne sortent pas des sentiers battus mais la situation se montre suffisamment originale pour maintenir l’intérêt. C’est d’autant plus vrai qu’elle se voit relayée par quelques péripéties marquantes, dont la révélation à sensation des photographies, orchestrée par Poirot, ainsi que la tentative directe de meurtre visant ce dernier, un événement des plus rares. Au-delà d’une reconstitution d’époque comme toujours particulièrement soignée, la mise en scène se montre élégante et inventive, portée également par un montage plus nerveux qu’à l’accoutumée et par une superbe photographie. Elle parvient aussi à susciter une ambiance de menace, latente mais bien présente.

Le récit demeure l’occasion d’une vue en coupe très aboutie de la province anglaise, entre petits villages immuables et entichement pour l’Art Déco des plus aisés. Cet heureux mélange se retrouve dans la tonalité de la narration. Sur une idée initiale proche de celle de Sad Cypress, on assiste cette fois à un retour en force de l’humour, venant contrebalancer la tonalité toujours très grave caractérisant cette période de la série. Plusieurs personnages secondaires se montrent ainsi amusants (inénarrable logeuse de Poirot), mais l’apport d’Ariadne Oliver résulte déterminant, avec son franc parler pittoresque, ses fantaisies et son opiniâtreté à défendre le détective finlandais héros de ses romans, qui l’embarrasse pourtant fort. Un joli clin d’œil à la propre Agatha Christie, volontiers auto-parodique dans ses ouvrages grâce à cet épatant alter-ego. La distribution, de qualité même si moins marquante qu’à l’ordinaire, demeure dominée par un Suchet toujours aussi enthousiasmant.

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2. LE CHAT ET LES PIGEONS 
(CAT AMONG THE PIGEONS)

Je ne suis pas coupable


Quand une révolution éclate dans son pays, le Ramat, la Princesse Shaista est mise à l’abri à Meadowbank, une digne école anglaise pour jeunes filles. Hercule Poirot est invité par la directrice, Miss Bulstrode, afin de prononcer le discours inaugural de l’année scolaire. Or deux enseignantes sont assassinées coup sur coup, tandis que la Princessedisparait. Le scandale menace d’emporter l’établissement, mais Poirot intervient.

Cette visite d’une institution scolaire britannique et de son cérémonial de début d’année revêtira un agréable aspect de déjà-vu pour les amateurs d’Harry Potter. On y retrouve la même saveur, à la fois digne et intemporelle, qu’à Poudlard, tandis qu’il est impossible de ne pas songer à Minerva McGonagall face à l’épatante Miss Bulstrode (impeccable Harriet Walter), une  belle rencontre pour cet Auror redoutable que constitue Poirot. A côté du petit monde des Professeurs, une élève intelligente et décidée participe également à l’action de son côté, comme il se doit. Une réminiscence parachevée par la présence de Katie Leung par les jeunes filles, la Cho Chang des films. La réalisation, toujours aussi soignée et élégante, bénéficie également d’une nouvelle sublime résidence britannique, digne alter ego de Poudlard. Joyce Grove Mansion (1908) représente un remarquable exemple de l’architecture jacobéenne. Il a servi de décor à de nombreuses productions, y compris autour de Ian Fleming, dont elle fut longtemps la propriété familiale et où il a passé son enfance.

L’épisode marque également l’entrée de Mark Gatiss parmi les auteurs de la série.  Cette plume importante de Sherlock et de Doctor Who met son énergie créatrice au service de ce qui demeure une intrigue d’Agatha Christie moins passionnément complexe qu’à l’ordinaire, avec un huis-clos davantage relativisé. Tout en respectant l’essence du roman, il n’hésite pas à en accentuer l’humour et l’aspect de récit d’aventures, allant jusqu’à inclure une scène de fusillade ou un meurtre au javelot. Gatiss sait également développer les très nombreux personnages de l’histoire. De fait l’opus s’apprécie avant tout pour son atmosphère et ses péripéties, davantage que pour les rouages de son scénario, moins ambitieux que celui de Mrs McGinty's Dead. Tandis que Suchet continue à démontrer qu’il peut parfaitement tenir la série, même dépourvu de ses complices de naguère, la distribution s’embellit de ces jeunes et talentueuses actrices tant appréciées par la série. On y reconnaît d’ailleurs nombre de visages découverts dans d’autres productions. On apprécie en particulier l’accent français joyeusement caricatural de Mademoiselle Blanche, incarnée par Miranda Raison, l’Yseult du Merlin de la BBC.

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3. LA TROISIEME FILLE 
(THIRD GIRL)

Mort sur le nil


La jeune Norma Restarik déclare à Hercule Poirot qu’elle a sans doute tué quelqu’un. Avec deux colocataires, elle  est une voisine d’Ariadne Oliver, qui lui a conseillé d’aller raconter son étonnante histoire au détective. Marquée par la mort brutale de sa mère, Norma a un esprit confus et est persuadée d’avoir tué son ancienne nounou, sans s’en souvenir. Poirot va révéler la vérité sur une affaire bien plus complexe qu’il n’y paraît de prime abord.

Le roman originel fait certes l’objet d’une considérable réécriture, mais à bon escient. Cet ouvrage relativement mineur d’Agatha Christie se voit ainsi expurgé d’une certaine accumulation de coïncidences, qui aurait été préjudiciable au scénario. Par ailleurs, la transposition systématique des intrigues au sein des années 30 porte ici tous ses fruits, tant les années 60 ne convenaient guère à Poirot. On peut par contre regretter l’excès de révélations en dernière partie du récit, y compris des élucidations menés par Poirot et non révélées avant la scène finale. Mais cet élément demeure mineur, car le véritable atout de l’opus ne réside par des les ressorts de l’intrigue proprement dits. Au contraire, on retrouvera ici des allures de récit hitchcockien (tendance Pas de printemps pour Marnie), avec un suspense psychologique autour des traumas passés de Norma. Cela vous valant des plongées marquantes dans le passé, dont la scène du bain, un moment purement horrifique, ainsi qu’une bouleversante rencontre avec un Poirot salvateur et compassionnel (David Suchet toujours exceptionnel).

Jemima Rooper soutient parfaitement cet axe majeur de l’épisode, apportant crédibilité et émotion à Norma, jusqu’à son rayonnant sourire final. Les auteurs savent contrebalancer ce qui aurait pu devenir trop mélodramatique par l’énergie et l’humour de l’irremplaçable Ariadne Oliver. Celle-ci prend judicieusement une part plus importante qu’à l’accoutumée dans la résolution de l’énigme, devenant à part entière une partenaire contre le crime pour un Poirot parfois pris à rebrousse-poil de manière hilarante. Comme toujours Zoë Wanamaker campe toujours avec tonus et conviction ce grand atout des épisodes tardifs de la série. Le reste de la distribution résulte irréprochable, les amateurs des Avengers goûtant particulièrement la présence d’un Peter Bowles toujours gaillard dans le rôle de Sir Roderick. La production maintient toujours ses standards élevés de qualité, avec une magnifique reconstitution d’époque, costumes et véhicules. Comme c’est souvent devenu le cas depuis le passage au format téléfilm, une grande demeure se voit mise en vedette, avec ici Wrotham Park (1754), super exemple du Palladianisme, situé dans l’Hertfordshire.

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4. RENDEZ-VOUS AVEC LA MORT 
(APPOINTMENT WITH DEATH)

Le vallon


En Syrie, Poirot visite l’expédition archéologique dirigée par Lord Boynton. Les travaux, financés par la richissime épouse de ce dernier, visent à découvrir la dépouille de St Jean le Baptiste. Les trois enfants adoptifs de Lady Boynton sont également présents, subissant le caractère particulièrement odieux de la dame. Quand celle-ci est soudainement poignardée. Poirot doit mener à une enquête difficile, face à de nombreux suspects.

Après trois opus fidèles aux ouvrages de la Duchesse de la Mort, ou bien finement adaptés, cette saison s'achève malheureusement en retombant dans l’ornière d’excès en tous genres. Changement de localisation (de Pétra à la Syrie), de noms et de motivations des personnages, y compris pour le ou la coupable, ajout de rôles s’avérant en définitive peu porteurs (la nonne caricaturale) ou importance accrue d’autres figures (Lord Boynton), jusqu’à bouleverser totalement l’optique de la narration : le roman d’Agatha Christie devient ici totalement méconnaissable, sans que cela signifie le moins du monde une amélioration. De fait, l’essentiel des changements apportés vise au sensationnel, jusqu’à un final outré jusqu’au ridicule (complexité du meurtre, accumulation des morts). La dimension religieuse de la personnalité de Poirot s’affirme, ce qui semble devoir davantage au parcours personnel de Suchet qu’à la vision de l’écrivaine. Il en va pareillement pour l’insertion de St-Jean le Baptiste.

Appointment With Death retrouve également les travers de Murder in Mesopotamia, voyant une mise en place déjà lente être encore lestée par l’insertion de panoramas certes superbes, mais dont la surabondance finit par tourner à la carte postale. Que la mise en scène désire rentabiliser une onéreuse délocalisation au Maroc se comprend, mais cela s’effectue ici de manière très statique. La beauté de l’environnement, sites naturels ou sublime hôtel, s’accompagne néanmoins joliment d’une musique parfaitement adaptée. La distribution demeure une valeur forte de la série, avec un Suchet toujours aussi pénétré par son rôle, mais aussi quelques surprenants invités. Tim Curry cabotine jusqu’à plus soif, sortant totalement du cadre des personnages d’Agatha Christie, ce qui renforce l’impact de l’irruption de Lord Boynton au sein du récit. On applaudit toute de même la performance, l’abatage du protagoniste du Rocky Horror Show demeurant intact. On apprécie également la savoureuse prestation de Mark Gatiss, cette fois dans son costume de comédien, et derechef la présence de talentueuses actrices.

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 saison 11 saison 13

Hercule Poirot

Saison 12

 

  
 
 

1. DRAME EN TROIS ACTES
 (THREE ACT TRAGEDY)

Cinq petits cochons


  

Le meurtre d’un pasteur par poison survient au cours d’un dîner organisé chez le célèbre acteur Sir Charles Cartwright, auquel participe Hercule Poirot. Un médecin, ami  de longue date du comédien, est par la suite pareillement empoisonné. Hercule Poirot et Sir Charles vont mener l’enquête de concert, avec l’aide de la charmante Egg, fiancée de ce dernier. Les soupçons s’orientent vers un majordome ayant soudainement disparu.

La saison débute somptueusement avec l’un des tous meilleurs opus proposés par la série. Three Act Tragedy demeure fidèle au roman originel, hormis quelques inévitables simplifications (disparition de M. Satterthwaite). Surtout, il pousse plus que jamais l’immersion du récit dans le monde merveilleux du théâtre, convenant si idéalement à Agatha Christie. On sait que de nombreux écrits de la Duchesse de la Mort furent portés sur scène, la scénographie convenant idéalement aux œuvres de l’écrivaine. La mise en scène joue pleinement sur ce croisement fertile, empruntant d’excellentes idées au théâtre filmé (final sur les planches, générique, excellente gestion des maquillages évitant toute révélation malencontreuse, etc.). Elle conserve par ailleurs ses qualités intrinsèques, avec une magnifique reconstitution d’époque et des décors particulièrement soignés, que cela concerne l’Art Déco (St Anne’s Court, dans le Surrey) ou les grandes demeures anglaises traditionnelles (Knebworth House, dans le Hertfordshire).

 

Il en va pareillement pour le scénario, prenant le temps d’un dramatis personæ dans les règles de l’art, avant d’enchainer déplacements et rebondissements. Surtout les auteurs ont la clairvoyance d’accorder tout l’espace requis au grand atout du récit : la personnalité hors normes de Sir Charles, acteur extraordinaire et plus grand que la vie, incarnant toute cette lisière atténuée entre réel et imaginaire qu’autorise le théâtre. La démesure et la sensibilité  de cette fascinante figure se voient parfaitement exprimées par Martin Shaw, un parfait casting bien connu des amateurs des New Avengers (Obsession) et des Professionnels. Ici au sommet de son art. il va jusqu’à parfois voler la vedette à David Suchet, un cas unique dans la série. Poirot brille néanmoins comme à l’accoutumée, au cours de cette excellente intrigue ne renâclant pas à l’humour et s’avérant d’une difficulté idéalement dosée. Le reste de la distribution s’avère également de qualité, à commencer par une rayonnante et expressive Kimberley Nixon, parfaite dans le rôle d’Egg. Elle apporte de la crédibilité à un couple très disparate. 

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2. LE CRIME D'HALLOWEEN
(HALLOWE'EN PARTY)

Je ne suis pas coupable


Dans le petit village de Woodleigh Common, Miss Ariadne Oliver assiste à une traditionnelle fête d’Halloween. Une jeune fille, Joyce Reynolds, y fait sensation en déclarant avoir assisté à un meurtre, des années auparavant. Ces propos sont entendus par tous les membres de la vaste assistance et, peu de temps après, Joyce est retrouvée morte. A la demande de son amie Ariadne, Hercule Poirot intervient pour découvrir la vérité que l’on a tenté de dissimuler.

Agatha Christie’s Poirot s’offre un épisode spécial d’Halloween, un passage obligé chéri par les séries anglo-saxonnes et ne cédant qu’à celui dédié à Noël. L’épisode saisit pleinement cette opportunité, nous proposant dans un premier temps de découvrir le déroulement très anglais d’une fête traditionnelle d’Halloween, tout comme l’avait effectué le savoureux The Theft of the Royal Ruby, à propos de Noël. On bascule ensuite dans un récit relevant judicieusement de l’horrifique, du fait de la véritable hécatombe suscitée par le dérèglement pervers d’un esprit criminel. Le point d’orgue de cet épisode particulièrement sombre demeure bien entendu le meurtre d’un enfant, une rareté chez la Duchesse de la Mort. Ce basculement s’effectue de manière tonique, grâce à un scénario porté par la plume d’un Mark Gatiss toujours en verve. Tout en demeurant fidèle au roman (notamment dans le maintien du caractère diffus d’une relation lesbienne effectivement évoquée en pointillés dans le texte), l’audacieux auteur n’hésite à dynamiser un ensemble passablement statique, en faisant se déplacer bien davantage Poirot que lors de longs entretiens. Sans tout à fait briller par son originalité, l’intrigue se montre agréablement ludique.

 

La réalisation se montre au diapason, la richesse des décors et costumes, relayés par une belle photographie, restituant à merveille la fête d’Halloween, puis un environnement devenu réellement inquiétant. iI en va de même pour une musique particulièrement évocatrice et très présente. Comme souvent la localisation du tournage apporte immensément à l’opus. En particulier, le grandiose jardin, élément clé du roman et décor des péripéties insérées par Gatiss, se voit magnifiquement illustré par celui de Beckley Park, dans l’Oxfordshire. Ce spectaculaire assemblage de sculptures végétales (1920), classé monument historique, a aussi servi de décor à Harry Potter et la Coupe de Feu (2005). David Suchet mûrit avec son personnage et continue à lui conférer une impressionnante présence. Il se situe naturellement au cœur d’une distribution une nouvelle fois de haute volée. Pour son seul rôle répertorié, la jeune Mary Higgins s’impose dans le rôle délicat de la « nymphe » Miranda. Après Lord Edgware Dies, on retrouve avec plaisir Fenella Woolgar (Miss Whittaker), après qu’elle ait incarné Agatha Christie dans Doctor Who (2008). Placée en marge de l’histoire du fait de son alitement, l’épatante Ariadne Oliver n’en parvient pas moins à délivrer un humour bienvenu, Zoë Wanamaker se montrant toujours aussi énergique et pittoresque.

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3. LE CRIME DE L'ORIENT-EXPRESS
(MURDER ON THE ORIENT EXPRESS)

Mort sur le nil


Parti d’Istanbul, Poirot regagne l’Angleterre à bord du célèbre Orient Express. Le très riche et désagréable Ratchett l’enjoint de travailler pour lui, ce que Poirot refuse. Alors que le train est bloqué par la neige, Ratchett est trouvé assassiné par de multiples coups de couteau. A la demande de la direction du train, Poirot prend en charge l’enquête. Il va découvrir que plusieurs passagers avaient eu maille à partir avec la victime.

L’adaptation de ce qui demeure sans conteste le roman le plus fameux d’Agatha Christie constituait bien entendu un rendez-vous aussi incontournable que périlleux pour la série, réclamé des années durant par ses nombreux amateurs. L’épisode séduit par une approche risquée et originale, loin du succès grand public du film de 1974, à la facture éminent classique. Bien davantage que les rouages de l’enquête ou du Whodunit coutumier (au résultat évidemment connu de tous les spectateurs), les auteurs tentent le pari gagnant de se centrer sur les motivations des personnages, autant chez les protagonistes que chez Poirot. Alors que les déductions du Belge s’effectuent à marche forcée, près d’une moitié de l’épisode se voit dédiée  à un trouble existentiel s’installant chez lui avant même le crime. Poirot à à défendre, sinon à remettre en cause, ses vues à propos de la justice, tant celle des hommes que celle de Dieu, un débat rendu poignant grâce au talent d’un David Suchet absolument sublime. De fait, on lui pardonne volontiers d’avoir sans doute introduit une dimension religieuse plus marquée que chez Christie, tant son Poirot nous bouleverse.

 

Les motivations et les souffrances morales des uns et des autres sont également dépeintes avec finesse et éloquence par le reste de la distribution, on touche là au cœur du récit, et non plus à un simple prétexte scénaristique, comme lors du film d’Albert Finney, insuffisamment cruel comparativement au roman de Christie. Contrairement à ce standard,  l’épisode ne comporte par de stars internationales, mais des acteurs convenant idéalement aux personnages. Dans le rôle toujours difficile d’une dépouille, Toby Jones se montre également remarquablement expressif. Avec ambition et maîtrise, le récit, volontairement lugubre, s’élargit à une controverse sur la conduite à tenir face à l’insoutenable. Il interpelle directement le spectateur et le laisse formuler son propre jugement, y compris sur la décision finale de Poirot lui-même. Avec une théâtralisation intelligente, la mise en scène tire le meilleur parti de l’huis-clos, afin de révéler les âmes. La production demeure irréprochable, notamment grâce aux décors intérieurs tournés aux studios de Pinewood et  aux images de synthèse convaincantes. Aux antipodes des premiers épisodes légers et humoristiques de la série, Le Crime de l'Orient-Express compose bien le chef-d’œuvre ténébreux que l’on espérait.

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4. LES PENDULES 
(THE CLOCKS)

Le vallon


 A Douvres, un cadavre est découvert par la jeune Sheila Webb au domicile d’une dame aveugle. Le défunt est mystérieusement entouré par plusieurs horloges. Épouvantée, Sheila s’enfuit, pour tomber dans les bras de Colin Race, officier du contre-espionnage menant une enquête sur un réseau allemand. Race fait appel à Poirot, qui va découvrir que les deux affaires prennent racine chez les habitants du joli lotissement de Wilbraham Crescent.

L’intrigue sait conserver l’atmosphère particulière du roman d’Agatha Christie, avec son Whodunit s’élargissant aux récits d’espionnage et aux romans populaires. On y retrouve ainsi les rebondissements spectaculaires, les improbables coïncidences et les divers effets sensationnalistes constituant le sel d’un genre auquel la Duchesse de la Mort rend hommage en rendant Poirot amateur de John Dickson Carr et, bien évidemment, de Gaston Leroux (mais aussi de Conan Doyle…). Porté par une mise en scène animée, l’épisode bénéficie pleinement des atouts rocambolesques et ludiques de ce type de littérature, tout en conservant les caractéristiques principales d’une histoire à la Poirot. La production accompagne idéalement le mouvement, à l’aide d’une reconstitution d’époque toujours aussi impeccable et somptueuse, mais aussi en démultipliant les lieux de tournage, du Château de Douvres à St Margaret-at-Cliffe, en passant par diverses localisations délicieusement britanniques.

 

Evidemment tout ceci demeure léger et récréatif, loin des questionnements moraux du Crime de l’Orient-Express, mais, au sortir d’une saison aussi relevée qu’éprouvante, on prend plaisir à se laisser porter par ce récit distrayant, dont Agatha Christie s’entend à entremêler les divers fils de manière astucieuse. Les divers habitants de Wilbraham Crescent forment d’amusants portraits, dissimulant toutefois leurs lots de secrets. David Suchet s’adapte décidément à merveille aux différents états d’esprit d’un Poirot ayant ici retrouvé tout son allant et son humour. Le duo formé avec le pittoresque inspecteur Hardcastle s’avère souvent hilarant. Suchet s’entoure d’une excellente distribution, où brille particulièrement Jaime Winstone (Sheila Webb), l’une de ces jeunes et talentueuses actrices figurant dans nombre d’épisodes, conformément à une écrivaine mettent davantage en valeur ses personnages féminins que nombre de ses confrères. Tom Burke (Colin Race) se montre également convaincant. L’idylle vécue par les deux personnages se montre charmante, même si légèrement fleur bleue.

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Images capturées par Estuaire44.

 

L'Entraide