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 saison 1 saison 3

The L Word (2004-2009)

SAISON 4

 


PRÉSENTATION

The L Word parvient de nouveau à maintenir son intérêt, malgré la disparition de figures centrales durant la saison 3. Après  les traumatismes de la période précédente la série opte en effet pour un changement de ton, désormais plus léger et davantage orienté vers la comédie. Nos héroïnes s’attachent à reconstruire  leur vie après l’orage d’où  un renouvellement global de ce petit monde, orchestré avec réussite par les auteurs. Ce changement s’avère d’abord professionnel pour les filles du Planet : l’université, l’internet, les studios de cinéma, voire le poker, vont devenir les nouveaux environnements de leurs aventures.

Les protagonistes retrouvent également leurs traits de caractère des débuts de la série, tout en faisant de nouvelles rencontres. De très nombreux personnages sont en effet introduits, souvent avec bonheur (à commencer par la Phyllis de Cybill Shepherd), mais emplissant la narration parfois presque jusqu’à saturation. Inévitablement certains d’entre eux se révèlent en dessous, mais ils demeurent rares. Ce ton humoristique et la multiplication des aventures divertissantes induisent également une raréfaction des couples fusionnels et intenses.

Les choses évoluent en seconde partie de saison avec la sortie du lot de Tasha/Alice. Bette et Tina ajoutent également de nouvelles lignes au passionnant roman de leur relation, apparaissant comme une survivance du premier temps de la série. En dehors des couples The L Word continue à exalter l’amitié existant au sein de ce groupe de femmes formant une vraie famille.

À l’issue de cette saison, la série aura largement montré un nouveau visage (parfois très communautaire), mais conserve sa qualité d’écriture et une certaine audace de la mise en scène, ainsi qu’une superbe bande-son. Et les comédiennes se montrent toujours aussi enthousiasmantes.

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1. LÉGENDE EN FABRICATION
(LEGEND IN MAKING)


Nous renouons avec un rituel de la série avec le désormais traditionnel bilan en images de la saison écoulée. Toujours parfaitement agencé, celui-ci nous permet de nous remémorer l’essentiel de cette période… à de majeures exceptions près.  En effet Dana apparaît tout bonnement omise ! C’est assez Tabula Rasa comme ambiance...

Il en va pareillement pour Lara tandis que Carmen se voit vraiment réduite au minimum (l’autel). Le générique le confirme, ces deux-là sont descendues du navire, sans même une petite scène pour prendre congé. Le départ de Lara se montre particulièrement expéditif et moins crédible que celui de Carmen.

 On peut se demander si une série est capable de se permettre une hémorragie continuelle de superbes personnages, saison après saison, sans à un moment ou à un autre perdre de son intérêt. Du fait de son champ narratif particulier, (feuilleton essentiellement basé sur le relationnel), The L Word est certes perpétuellement confronté à la problématique du renouvellement. Tout le monde ne va pas avoir une liaison avec tout le monde. Mais user des sorties de personnages à cette fin, c’est y aller à la hache. Et reste à voir si la relève sera cette fois à la hauteur… Je trouve également le terme d'incestueux vraiment fort concernant Lara/Alice, on a l'impression que la série se renie. Enfin bref, je suis assez fumasse.

L’épisode proprement dit débute par l’étrange image de Shane semblant inanimée, en immersion  dans l’océan. Enfin étrange, hein, c’est à voir. Ce n’est pas à un vieux fan des X-Files que l’on va apprendre à faire la grimace. Cette scène-là est proprement pompée sur son équivalent de Triangle. Mulder dérivait entre deux univers ; Shane, en ce moment, c’est entre deux cuites, à chacun son style.

Le générique connaît donc quelques modifications visuelles. Alice est désormais seule sur la moto. Cette séquence aurait pu être remplacée par une autre, l’effet n’est pas très heureux. On remarque deux des nouvelles filles, mais vues de dos car pas encore entrées sur scène. L’idée est amusante, très ludique.

Mais la meilleure nouvelle reste de retrouver Bette en costume de femme d’affaires, rayonnante sur un épais fauteuil directorial. Cela semble indiquer que la Bette dépressive, amère, langue de vipère, sujette à des accès de n’importe quoi de la saison écoulée laisserait sa place à la « vraie », celle des saisons 1 et 2. On croise les doigts. Quand Bette va…

Nous retrouvons le superbe palace canadien, une splendeur. Ici également The L Word veille à varier ses effets : la saison 2 débutait après un fossé de quelques semaines, la 3 de six mois, et la 4 dans la continuité, une bonne idée. La nouvelle intervention (après celle pour les « ennuyeuses » Bette et Tina) ouvre excellemment les débats, avec les filles oscillant entre les pôles de la raison (Alice) et de l’extrémisme (Jenny, who else ?) et la mémorable colère de Tina. 

Seul petit souci, huit mois séparent en temps réel les deux saisons, et le look de certains personnages a évolué, c’est un peu bizarre quand on regarde les deux épisodes en continu. Tina a perdu ses dernières rondeurs de grossesse, Al est plus glamour, Angelica a doublé de taille etc.

Un vaste mouvement de retour aux personnalités habituelles des personnages se dessine, à commencer par Alice. Celle-ci, au terme du chemin parcouru dernièrement, déclare vouloir poursuivre sa vie et même multiplier les « expériences ». Tant mieux pour elle, mais aussi pour nous, on retrouve la Alice espiègle que l’on adore. Pour l’instant sa première expérience est d’être la coach de vie de la nouvelle Hélèna (la fauchée). Celle-ci est complètement déphasée, cela nous vaut plusieurs scènes très divertissantes. On reste assez impressionné de voir avec quelle méthode la mère ratiboise la fille. Brrr, Mrs Peabody peut être inexorable quand elle le désire...

On doit cependant remarquer l'absence très étrange de toute référence aux enfants d'Hélèna. Leur mère, qui ne prend plus l'avion chaque semaine, ne devrait-elle pas vouloir se rapprocher d'eux ? Cet effacement s'assimile à une  coupable approximation d'écriture.

 Comme on l'a vu durant les saisons écoulées, le placement de produits demeure une constante de la série, d'autant qu'il se montre rarement discret. Mais Légende en construction  frappe fort avec l'utilisation du récit pour vanter les mérites du site communautaire lancé dans la vraie vie du monde vrai par les Instances Supérieures. Comme un petit spot publicitaire inséré en plein épisode, on se pince pour y croire. Mais reconnaissons que le site a l'air convivial, quoique je préférais le look très Cyber de la première Toile informatique à ce système de constellations, sans doute plus adapté au grand nombre.

Comme la série se montre toujours astucieuse, cette péripétie est en outre utilisée pour introduire la mystérieuse Papi (sans doute la fameuse « Légende »), de manière assez titillante et amusante, c'est bien joué. On attend la confrontation des deux serial lovers en chef, tandis que le duo Hélèna/Alice semble bien parti pour représenter le moteur comique d'une saison renouant enfin avec l'humour, d'autant que, à la surprise générale, Alice a conservé son émission radio !

L'épisode signifie également un virage chez Moira/Max. Une discussion franche met fin au pathos de leur relation agonisante. Les situer désormais sur le plan de l'amitié et de la colocation paraît aussi logique que judicieux. Un nouveau départ, une nouvelle fois synonyme de retour aux fondamentaux. Jenny prenant dans la face les critiques littéraires, cela va être rigolo. Par contre le fait que le patron de Max invite celui-ci à sortir avec sa fille paraît un peu gros. Tout dépendra du traitement de l'action.

Mais le grand événement survenant dans le secteur demeure bien entendu le retour, hélas express, de Marina. Ah, la, la ! Marina... Toujours aussi féline, classe, tellement brillante (un peu trop fardée). Évidemment on ressent instantanément un grand coup de nostalgie pour l'incroyable première saison de la série ! Mais Marina demeure également égale à elle-même, mystérieuse et soufflant le chaud et froid comme elle seule sait le faire. Elle se montre ainsi tout sourires envers Jenny, mais se débrouille pour lui saboter son entrée en scène (voir Jen pétrifiée sur place est hilarant).

Bien sûr on compare avec la visite similaire de Tim et le résultat s'avère en apparence différent. Avec Tim tout s'exprimait en dialogues, cartes sur tables, même si avec hypocrisie parfois. Entre les deux femmes tout se déroule dans le non-dit et le regard, à part des salutations convenues. C'est assez  indéfinissable, j'éprouve quelques peines à définir les sentiments de Jenny (tristesse, souvenirs, refus) mais c'est très troublant, un moment fort de l'épisode en tout cas. En définitive, même si cette rencontre se passe mieux (en même temps cela pouvait difficilement être pire), Jen ferme autant la porte à l'un qu'à l'autre, mais on sent ici comme un regret... Sinon Marina semble lui piquer Claude (ah, la réputation des Françaises...), on ne va pas pleurer car Élodie Bouchez n'apportait pas grand-chose à la série.

Petit aparté dans un domaine où je ne connais rien de rien. On observe  une certaine tendance de la série à considérer la bisexualité comme un état transitoire, ou moins identitaire que l'appartenance aux Gays ou aux Straights. Tous les personnages de la série se définissant comme Bi, tôt ou tard glissent vers le lesbianisme. C'était déjà le cas d'Alice, qui apparaît désormais entièrement lesbienne, et voici que Jen se déclare très nettement. La série semble assez binaire sur ce point. À chacun son opinion là-dessus, personnellement je trouve cela extrêmement prometteur pour Tina/Bette...

Le mouvement général de bascule intervient également dans le passionnant roman fleuve que constitue l'histoire de Tina et Bette. La narration a cependant l'habileté de poursuivre quelque peu le psychodrame pour éviter l'impression d'artificialité. Tina est en pleine crise, ce qui semble bien naturel. On aime bien Henri, qui lui susurre d'alerter la police, histoire de bien tout briser définitivement entre les deux femmes. Toujours aussi sympa le Monsieur. Mais Tina résiste là-dessus, est-ce que quelque part elle tiendrait encore à Bette ? (Oui, bon, on se rassure comme on peut.)  Bette complètement décalée dans la cafétéria un peu prolo, c'est à la fois drôle et touchant.

On est un peu surpris de découvrir Kit débouler comme ça de nulle part. Aurait-elle un super pouvoir ? Ceci-dit on se doute que, les Instances Supérieures n'ayant que 12 épisodes pour raconter leur histoire, tous les raccourcis possibles et imaginables sont les bienvenus. On va dire que les deux sœurs s'étaient appelées.

Les retrouvailles des ex, d'abord houleuses puis plus raisonnables, constituent le meilleur moment de l'épisode, impeccablement écrit et interprété (Jennifer Beals voyant s'éloigner Angelica est absolument bouleversante). C'est l'heure de gloire de Joyce, qui jusqu'ici (pas seulement professionnellement...) avait plutôt contribué à envenimer les choses. Là elle envoie un grand seau d'eau froide au visage des deux furies, de manière rude et malicieuse à la fois. On se régale ! Tina et Bette semblent en revenir au stand-by antérieur à la crise et à plus de raison, première étape du rapprochement que la saison devrait nous raconter (ou alors je passe à Derrick).

Bon, cela pourra toujours faire dire aux esprits chagrins que Bette sort gagnante d'avoir enlevé Angelica, mais passons. Par contre je n'ai pas trop compris la  scène de Kit à la clinique : je pensais qu'il s'agissait d'une militante à la Fae Buckley, mais il semble qu'elle soit envoyée par l'établissement lui-même, ce qui serait juste fou et passablement criminel. J'aimerais bien savoir si de tels agissements existent vraiment.

Sinon du côté de Shane, ça va, tranquille, tout baigne. Comme dirait Mylène, c'est une belle journée. Une fois sortie de l'onde telle Mark Harris, on découvre qu'elle a rejoint Chérie (le personnage de série à l'orthographe la plus mystérieuse), ce qui est une excellente idée. C'est assez naturel, et puis retrouver Rosanna Arquette de saison en saison demeure un formidable cadeau que nous offre The L Word. Par contre l'évolution et la dilution de son personnage dans les fêtes et les rails nous inquiètent, même si assez logiques (liberté sur le tard, argent, grands appétits de tous ordres), on espère qu'elle va se reprendre. Kate Moennig interprète avec une rare force de conviction le désespoir nihiliste de son personnage, puis sa volonté de réparer (c'est mort).

On remarque également une superbe mise en scène : vision de la party selon le ressenti de Shane, séquence automobile assez explosive (merci pour Chérie), belles images et musiques superbement associées etc. De la belle ouvrage, d'autant que, pour la séquence Shane, la production a fourni l'effort, comme parfois, de venir à L.A..

Cette réalisation tranche visuellement avec le reste de l'épisode, ce qui exprime judicieusement à quel point Shane est pour l'heure séparée du groupe. Comme pour le patron de Max, le rebondissement de l'arrivée du demi-frère est un peu excessif, limite Telenovela. Mais leurs rapports futurs ouvrent une trame narrative intéressante, toutefois attention au mélo ! Sa course finale est très drôle (dans son genre), c'est un peu le point d'orgue de cette journée bien remplie et fructueuse.

Au total cet épisode peut parfois donner l'impression d'une action encore un peu inconsistante et fragmentée, puisque toujours dans ses prémisses. Mais c'est la loi du genre concernant les ouvertures de saison. Celle-ci introduit efficacement les changements de problématiques, ceux-ci s'inscrivant clairement dans un retour aux sources de la série, ce qui semble positif. Il s'autorise également quelques passages intenses ou spectaculaires, ce qui ne gâche rien. Du fait de la continuité temporelle, on reste avec l'impression d'un double épisode à la X-Files, établissant un pont entre deux saisons, mais encore à part.

The L Word quatrième version débutera sans doute au prochain épisode. Avec le développement des différentes histoires naissantes, et l'entrée en scène des petites nouvelles (bon courage pour remplacer Dana, Lara et Carmen), on y verra sans doute plus clair sur ce que l'on va nous raconter.

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2. LA VIDA LOCA
(LIVIN’ LA VIDA LOCA)


On pourra reprocher à l'épisode, principalement dans sa première partie, de trop abuser de dialogues  statiques. Si on trouve cela parfois assez verbeux, La Vida Loca recèle cependant plusieurs excellents passages. Il a le mérite de véritablement lancer cette quatrième saison, marquée par le grand retour de l’humour. On découvre enfin deux des nouveaux personnages avec, comme on va le voir, des résultats extrêmement contrastés.

Dans un premier temps, alors que l'on renoue avec le must que sont les petits déjeuners collectifs du Planet, les dernières séquelles de la transition entre saisons se voient emportées. En effet on expédie rapidement l'avortement de Kit et on assiste au retour au bercail de Tina et Shane (aux facultés de récupération assez prodigieuses). Dans le rôle de l'amphitryon, Alice leur décerne une jolie volée de piques amicales mais bien ajustées et acidulées. On s'amuse beaucoup, d'autant que l'une des meilleures nouvelles de ce début de saison reste que notre Alice est toujours au top...

Cette scène établit cependant un distingo très net, allant sans doute donner le La durant quelques temps. Shane est finalement accueillie à bras ouverts dans sa famille, sans aucune réelle mise en cause  (bon, Hélèna fait un tout petit peu la grimace, on peut comprendre). Par contre on sent comme une vraie réserve envers Tina, vivant toujours à « Hétéroville ».

Bien entendu le rejet n'est ni tranché ni définitif, ce qui serait tout à fait excessif, mais une césure et comme un diffus malaise se sont installés envers celle qui aurait choisi de « jouir des privilèges de l'hétérosexualité ». C'est sans doute réaliste, on peut aussi se demander si les Instances Supérieures ne veulent pas délibérément souligner l'aspect communautaire de The L Word, ce qui peut constituer un message à double tranchant.

On ressent presque la même atmosphère que lors du dîner avec Max, tandis que Tina elle-même semble parfois exprimer une mauvaise conscience et vouloir se justifer. Tina et Alice se livrent aussi à un petit ping-pong verbal à propos de leur bisexualité, l'emblématique Alice se réjouissant d'avoir laissé cela derrière elle. Décidément les bi ne sont pas non plus à la fête à West Hollywood.

De manière caractéristique l'épisode accorde d’ailleurs des espaces totalement disproportionnés à Bette et à Tina. Celle-ci se voit vraiment réduite à la portion congrue, n'apparaissant, outre une participation testimoniale à la crise finale, que pour introduire un nouveau second rôle, Aaron (Brian Markinson : X-Files, Dark Angel, Caprica …).

Ce producteur brutal et vénal, à l'ego surdéveloppé et devant aller voir sur Google qui est Satyajit Ray, introduit une plaisante ambiance à la The Player de Robert Altman. On se dit que développer une vision au vitriol d'Hollywood pourrait représenter un bon filon pour la série (même si déjà un peu fait avec Shane), d'autant que « punir » Tina en réduisant son rôle serait vraiment un contresens.

À l'opposé, l'une des caractéristiques majeures de La Vida Loca consiste à marquer le retour en majesté de Mighty Bette et ça, c'est juste formidable. Quelle heureuse rencontre de la voir ainsi déambuler dans le campus, irradiant la confiance en soi et la compétence, les tracas personnels laissés loin derrière. C'est d'autant plus vrai que Jennifer Beals se montre incomparable de beauté et de rayonnement... Quelle belle résurrection d'un personnage retrouvant son élément et sa personnalité de toujours. Ah, il est loin le temps du marasme ! (heu, 48 heures en fait...) Toutes ces scènes sonnent juste, comme ce brillant passage où elle harangue ses futurs assistants. On se délecte d'admirer cet alliage d'exquise féminité, d'autorité et de charisme. On dira ce que l'on voudra de Bette et de ses défauts avérés, mais, tout de même, elle en jette.

On continue à halluciner quand on s'aperçoit que le sympathique James est de retour ! Ayons une petite pensée pour lui, tôt ou tard il va déguster, c'est inévitable. Mais en même temps il a ressigné pour, donc il aime ça. Bon, les Instances Supérieures n'y vont pas par quatre chemins pour nous signifier que Queen B. is Back mais en même temps il demeure classique et assez fréquent qu'un nouveau dirigeant s'installe avec son staff. Et puis y associer Franklin malgré le passé, c'est très pro en même temps que subtilement revanchard...

De manière assez étonnante, avec ce segment universitaire, on se retrouve dans une situation assez similaire à la saison 3 de Californication, telle qu'elle se présente, même si Hank Moody n’y sera que professeur. Certes Bette n'est pas Hanky (elle picole moins, déjà), mais on a vu au cours de la saison 2 (New York et Planet) qu'elle n'avait qu'à claquer des doigts pour que ça tombe, et visiblement c'est destiné à durer. Tina partie, on commence à vaguement imaginer des safaris sur le campus quand se présente une Mia au petit pied en la personne  de la très blonde et effectivement très présomptueuse Nadia.

La jolie jeune femme apparaît globalement insignifiante, même si apprécier ce joyau onirique qu'est Little Nemo in Slumberland est une immense qualité. Toutefois elle installe un suspense quant à savoir si l'espèce de nébuleuse très chaude déjà instaurée avec Bette va se concrétiser ou non. Connaissant l'aptitude de Madame la Doyenne à résister à ses pulsions (Cf. saison 1), on se dit que l'affaire est bien partie, même si Nadia n'est en rien troublante et forte comme Candace. Surtout on doit indirectement à Blondie la meilleure scène de l'épisode, avec Bette en train de se tâter les biceps, tout un symbole et un sacré numéro de comédienne.

Le 14 mai 1989 Maddie Hayes et David Addison fermèrent définitivement les portes de l’agence Clair de Lune et s’éclipsèrent dans une église afin de convoler en justes noces (ou alors ils furent juste virés, on ne sait pas trop). Par la suite Maddie, érudite, travailleuse acharnée, aussi diplomate qu’à l’occasion autoritaire juste ce qu’il faut, sut se tailler une belle carrière au sein de la prestigieuse Université de Californie.

Hélas le cours des années fut moins clément envers David. Il se rasa la tête, fit de la gonflette et se la péta grave toujours davantage avec des aventures du style «Je suis enfermé dans un immeuble avec trente terroristes mais je me les fais à la paluche » ou bien « C’est la fin du monde, mais la météorite je vais la chercher avec les dents ». Bref, Le séducteur spirituel et plein d’humour devint un gros bourrin, jusqu’à écœurer Maddie à propos du concept même de virilité. Celle-ci commença à se remémorer toujours plus fréquemment certaines amitiés particulières de sa jeunesse ou la relation très complice l’unissant jadis à Miss Topisto. Une indéniable vérité se fit jour, la laissant fort désorientée. Aussi, quand l’occasion se présenta d’embaucher la célèbre Bette Porter… Euh, non. Apparemment tout ceci se déroule sur un autre plan astral.

Depuis son commencement on apprécie vivement la tendance de The L Word à piocher dans la pop culture des années 80. Autant dire qu’avec l’entrée en lice de Cybill Shepherd, on atteint un sommet en la matière. La contempler partager l’écran avec Jenny B constitue un jouissif voyage dans le temps et nous console de ne jamais avoir eu de scène entre cette dernière et Rosanna Arquette. Elle campe fort éloquemment ce personnage étonnant et riche en potentialités.

La complicité entre les comédiennes paraît immédiate et on se réjouit de voir Bette sembler devenir la coach en saphisme de Phyllis, tout comme Alice est celle de vie pour Hélèna. Le personnage s’inscrit clairement dans la volonté de la série de décrire le plus large spectre de types de lesbiennes possible. Pour la première fois nous découvrons une femme se trouvant sur le tard. Voir Bette lui déclarer, comme elle seule sait le faire, qu’il n’est jamais trop tard, apparaît formidablement émouvant. On préfère nettement ce militantisme-là, positif et dans l’espérance, à ce qui semble s’exprimer autour de Tina. Bette était déjà grandiose, mais maintenant ce versant universitaire s’annonce vraiment comme la Rolls-Royce de la saison.

Alors, par contre, Papi cela ne va pas le faire, mais alors pas du tout. Premièrement son segment est l’occasion d’une consternante avalanche de clichés sur les Latinos. Si Papi était  française, elle serait entourée de gars en béret et de danseuses de French Cancan. On se situe à ce niveau. Carmen et sa famille véhiculaient également quelques poncifs mais leur humanité le compensait plus que largement.

Or c’est précisément la faiblesse de Papi que de ne pas être un vrai personnage mais plutôt un simple concept, à base de frime intense, d’appétit sexuel débridé et d’une allure caillera, histoire de faire bon poids. Rien à voir avec Shane. De plus le jeu de la splendide Janina Gavankar apparaît quelque peu rugueux. Quand on se confronte à des actrices du talent de celles de la série, il faut mieux être à la hauteur sinon cela ne pardonne pas. Certes l’on s’amuse beaucoup, mais, quand on y regarde de plus près, cela provient essentiellement des autres.

Papi ne signifie pas vraiment « papa », comme le traduit approximativement la VF, mais est le diminutif de « Papi Chulo », terme latino désignant un garçon rebelle et, comment le formuler, disons très viril.  Aussi quand Alice s’aventure dans des boîtes pour le moins variées, demandant un « Papi », on débouche fatalement sur des situations cocasses… Leisha Hailey nous régale d’un nouveau grand récital, avec en apothéose la première scène chaude de la saison, où elle parvient à entremêler l’humour avec le sexuel, aussi bien qu’avec le tragique en début de saison 3. C’est formidable.

L’expression « résoudre la quadrature du cercle » n’aura plus le même sens pour nous. De même on s’amuse beaucoup quand Hélèna en rajoute, mais on s’inquiète de l’intérêt à long terme de Ghetto Barbie. Papi n’est pas Carmen et Janina Gavankar n’est pas Sarah Shahi. À moins de se prénommer Cybill, cela va être difficile pour les nouvelles, cette saison…

Comme prévu, Jenny et son ego encaissant les critiques à leur manière s’avère hilarant, lors du show de Mia Kirshner avec le demi-frère de Shane, ou au journal. Par contre on remarque ici un nouveau placement de produit assez incroyable, la rédaction en question étant celle de Curve, vrai magazine lesbien ayant d’ailleurs consacré pas mal de couvertures à The L Word. Un joli business entre amies ! Tiens, le numéro actuel de Curve titre sur The Real L Word

Tout comme Leisha, Mia apparaît particulièrement en beauté, qu’est-ce que cela sera quand Jen renoncera à sa garde-robe provenant d’un musée des horreurs. Max poursuit sa périlleuse entreprise de séduction. Il est touchant, après qu’il en ait tant bavé, de le voir vivre son rêve et l’on comprend que la série ait voulu exprimer les difficultés rencontrées par les Trans. Mais tout de même, il entraîne cette jeune fille dans ce qui s’assimile à une duperie. J’ai eu comme une impression de déjà-vu, en fait Max se retrouve dans une situation assez similaire à celle d’Eddy dans le Small Potatoes des X-Files. Ce n’est pas très différent, moralement parlant. Pour rester aux frontières du réel, ma main à couper que la maison de son patron est celle de Wilczek  dans Ghost in the Machine. La Vancouver Touch… Espérons que Max saura gérer, il joue à un jeu dangereux, et pas seulement pour lui.

Shane éprouve des difficultés à intégrer pleinement son demi-frère dans sa vie, ainsi que les responsabilités inhérentes. Avec son profil, c’est assez logique, on reste tout de même assez effondré de la voir refuser de s’occuper de le mettre à l’école. Tout de même, Shane… Mais c’est Shay le plus intéressant dans cette histoire. Le voir ne pas être pris en considération par des adultes pensant l’occuper (s’en débarrasser) avec un défilé de frites et de sucreries ressort vraiment poignant. Le jeune comédien exprime pleinement le désespoir silencieux de son personnage, qui touche nettement plus que le pathos et les grands violons de la scène entre Kit et Bette, un vrai boulet pour l’épisode. 

Après une fugue logique (et une assistante de Shane à pleurer de rire), la grande crise finale se montre paradoxalement très divertissante, avec les filles en quête d’un jeune garçon dans l’immensité de L.A. Bette (qui sait flinguer) et Tina s’ignorent superbement, mais on y trouve un joli moment de complicité entre Alice et Bette, c’est aussi tout un roman ces deux-là. On se dit que l’on aimerait bien visionner un épisode décalé sur leur couple de jadis…

La conclusion, avec le routier sympa, paraît par contre un peu cousue de fil blanc, on sait bien que The L Word ne va pas basculer dans une horreur abjecte. Elle a au moins le mérite de servir de prise de conscience à Shane, la découvrir en grande sœur attentionnée promet beaucoup… À suivre !

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3. LES LOIS DE LA GRAVITÉ
(LASSOED)


Les lois de la gravité (ces titres VF, grands dieux...) poursuit la tendance au retour à l'humour et à un renouvellement des situations qu'exprime ce début de saison. Effectivement on s'amuse beaucoup durant cet épisode particulièrement drôle (à une considérable exception près), présentant de plus l'intérêt d'apparaître choral. Une longue première partie montre en effet le clan réuni, de manière très amusante là aussi.

On retrouve l'atmosphère légère et pétillante de la première saison lors de la parfaitement divertissante scène initiale entre Jen, Al et Hélèna. On adore ces réunions parcellaires du groupe, ne mettant en scène que quelques protagonistes. Elles autorisent des combinaisons originales et chacune des héroïnes jouit d'un espace suffisant pour pleinement s'exprimer. Il n'en va pas de même quand tout le monde est présent, du fait de ce nombre impressionnant de personnages.

Chacune des filles navigue dans son petit délire personnel, Jenny et son ego hypertrophié, Alice l’Indiana Jones du sexe et son aventure latine ainsi que Hélèna et l'exténuante galère de la recherche d'emploi (welcome in real life). L'ensemble, dialogué avec malice, s'avère du pain béni pour des actrices se régalant visiblement avec leur personnage.

On sursaute quand on s'aperçoit que la séquence pré-générique, que l'on croyait un rêve, s'inscrit en fait dans réalité vraie du monde vrai.  Ah, ah, sacrée Jenny, avec l'amélioration de la dernière saison on pensait que désormais elle était simplement excentrique (et récemment égocentrique), mais finalement elle est toujours aussi dingue de chez dingue père et fils.

Le meilleur de cette excellente scène demeure cependant l'explication de gravure d'Alice à Hélèna, avec une colère d'autant plus perceptible qu'elle paraît feutrée. Encore et toujours on se régale avec Alice, on reconnaît les grands personnages de série télé à cette faculté de toujours sublimer les scènes auxquelles ils participent. Et puis Hélèna et ses draps de soie, vraiment...

On trouve une autre pépite avec la conversation téléphonique entre Tina et Bette. Outre la perfection du jeu de Jennifer Beals (à qui le chignon va à ravir) on adore ce que l'entretien exprime   sur l'état de leur relation. C'est toujours tendu et on lève les yeux quand Bette profère qu'il n'y a plus de motifs de fâcherie mais... La communication  recommence a passer, on voit bien que Tina est toujours importante pour elle et pas seulement à travers Angelica.

D'ailleurs on se doute bien qu'elle n'a aucune envie d'assister au spectacle de la petite famille, et Tina proclame qu'elle se réjouit de son absence, mais, bien évidemment, quelle surprise, Bette finit par se pointer. Et là on retrouve un peu de l'ambiance de l'hôtel de la toute fin de la saison 3, des regards, des attitudes, des souvenirs... C'est encore très fugace mais on ressent comme l'ombre du début du commencement de ce rapprochement que l'on n'imagine même pas qu'il ne finisse pas par se produire un jour.

Outre ce début de relation normalisée, même si encore crispée (long is the road), on espérait beaucoup du dîner-rencontre organisé par Tina avec sincérité mais maladresse, à l'échec programmé genre Cuisine et dépendances à Los Angeles. Hélas, à ce moment précis l’épisode dérape totalement en nous présentant une caricature à l’effrayant premier degré des hétérosexuels. Certes, de tels individus existent, et je veux bien qu’ils soient nombreux. Mais peut-on vraiment résumer, sans aucune exception, le monde « Straight » à ces bourrins homophobes et vulgaires ? Je ne le pense pas.

Il est bien entendu tout à fait louable de fustiger les clichés dont sont victimes les lesbiennes, mais il est tout à fait contre-productif d’user pour cela de clichés pareillement pesants concernant l’autre bord, l’efficacité de l’ensemble du discours s’en trouve gravement compromise. La question des relations futures entre Angélica et Marcus n’est pas ridicule, elle peut très bien se poser un jour, qu’on le veuille ou non.

Et puis tout dépend des proportions, s’il y avait eu un peu d’humour là-dedans, comme par le passé pour le portrait d’autres mâles hétéros, l’ensemble passerait beaucoup mieux, de même si l’un d’entre eux avait été un tout tantinet plus ouvert que les autres. Mais ici le manichéisme est absolu, jusqu’à utiliser des arguments démonstratifs et faciles comme les femmes moins belles et brillantes que nos amies, ou un certain déclassement culturel.

Bien entendu tout ceci constitue un ressenti qui sera certainement différent parmi le noyau lesbien du public de la série, c‘est certain. Mais une série s’adresse à tous ses publics. Pour demeurer juste, ce passage nous vaut tout de même des moments amusants comme le baiser sibérien de Bette à Henry, ou Alice – parce que Alice – se démenant pour sauver la situation. Surtout on y décèle deux magnifiques tirades de Bette, impériale, et d’Angus, très malicieux.

Mais le jeu paraît tellement truqué que leur efficacité s’émousse. Pour appuyer encore davantage le trait, la mise en scène fait succéder l’effervescence festive des mythiques jeudis du Planet à l’ambiance de plomb  régnant chez cette pauvre Tina, dont on partage l’abattement. Ce qui permet à Alice de s’exclamer, en substance, quelle joie c’est de se retrouver entre lesbiennes. Waouh, bonjour le repli communautaire ! Pour vivre heureux, vivons entre nous, on a déjà entendu cela ailleurs. Bon, après cette douche froide, on se remobilise car la suite de l’épisode en revient à un excellent humour.

Cette fête du Planet regorge de moments hilarants, même si la galère de Marcus paraît trop excentrée dans le récit pour que l’on s’y intéresse vraiment. Se détache l’arrivée toute timide de Phyllis qui va par la suite totalement s'éclater. Cybill Shepherd, avec son sens de la fantaisie, était vraiment le choix idéal pour incarner Phyllis, qui s’installe avec le groupe après une panique absolument irrésistible de Bette.

La confrontation entre Shane (vraiment classe dans sa sobre tenue noire) et Papi donne lieu à une satire de Sergi Leone très amusante (on se croirait dans la Rubrique à Brac), on raffole de ces petits moments de folie insérés dans la série. Plus fort encore demeure la manière dont la provoc infantile de Papi fait pschitt face à la royale cool attitude  de Shane. On se tape sur les cuisses, d’autant que Shane 1, Papi 0, honnêtement cela fait plaisir. Et puis Kate Moennig est une nouvelle fois formidable. Le fiasco d’Hélèna en standardiste est aussi à pleurer de rire. Mais soyons honnêtes, face à ce boulot de dingue, livrés à nous-mêmes dès le premier jour, aurions-nous fait beaucoup mieux ?

Une excellente nouvelle de Lassoed reste d’ailleurs qu’après avoir plaqué Carmen devant l’autel, dérivé avec Chérie et négligé l’éducation de Shay, on peut désormais de nouveau aimer Shane sans réserves. La voir se battre, contre la routine administrative mais aussi et surtout contre elle-même, pour permettre à celui-ci d’aller à l’école est particulièrement émouvant. Une belle histoire se dessine où Shane devrait beaucoup apprendre elle aussi.

On apprécie particulièrement que tout ceci se narre sobrement, sans effet facile. Le passage de Shay avec Max est également touchant et sympathique (pas glorieux de la part de Tina de ne pas l’avoir invité). Par ailleurs Max poursuit toujours plus loin son aventure, mais les périls s’accroissent, l’heure de vérité s’approche sans doute… Jenny poursuit sa cavalcade sur les luxuriants chemins de la folie avec cette embrouille pas possible visant à prendre en défaut la petite amie de la journaliste. Pour l’instant cela reste trop flou mais représente un intéressant  point d’interrogation pour l’avenir. Avec cette histoire on peut basculer dans absolument n’importe quoi, le comique, le tragique, le thriller… C’est du grand Jenny Shecter, ses œuvres, ses fringues, prochainement son cabanon.

Le meilleur se déroule néanmoins dans l’enceinte de l’université, où l’on pressentait la dernière fois qu’il allait vite survenir du spécial. D’abord, à la surprise générale, après à peine deux épisodes, Madame la Doyenne et Nadia concluent. Tiens, dans une voiture, comme avec Candace… Le récit ne se montre pas tendre avec Nadia mais l’on ressent de l’indulgence envers elle. Elle est jeune, ne paraît pas arriviste mais sincèrement accrochée à Bette… On se réjouit vivement pour Bette rompant sa solitude, plus rayonnante que jamais. Jenny B. rend délectable les émois de son personnage charmé et déstabilisé, et oubliant un peu la déontologie…

La scène de concrétisation s’avère aussi habilement amenée que filmée. Le meilleur, et sans doute ce que l’on a vu de plus drôle depuis le début de cette pourtant très humoristique saison, réside dans cette géniale idée de scénariste consistant à brancher Phyllis et Alice, toujours dans son plan de multiplication des rencontres. Parfaitement écrits et interprétés, la malice d’Alice,  la semi panique et l’ébahissement de Bette, l’entrain de Phyliis constituent autant de joyaux. On apprécie particulièrement la seconde scène, avec la mâchoire décrochée de Bette (toujours marrante quand elle perd le contrôle) et la rosserie d’Alice qui en biche un maximum. On attend impatiemment la suite de ce twist totalement inattendu !

Lassoed, hormis son discours communautaire manquant par trop de nuances, s’impose comme un épisode irrésistiblement drôle, avant tout parce qu’il  laisse la part belle à Bette et Alice, dont les multiples interventions sont toutes irrésistibles. Il ne s’agit pas vraiment d’une surprise car ces deux-là constituent le moteur principal  (mais pas unique) de la vague d’humour emportant ce début de saison. Qui plus est, Shane se décide enfin à se secouer et à revenir dans le peloton de tête. La bande-son se montre toujours aussi soignée et ce générique évolutif selon les apparitions des personnages est divertissant.  

Rendue à son quart, la saison convainc. Mais l’on regrette la disparition des axes scénaristiques des saisons écoulées (découverte par Jenny et quête de l’enfant chez B et T, combat de B pour son couple et triangle infernal chez les voisines, délitement inexorable du couple central et tragédie de Dana), au profit d’une explosion en tous sens de nombreuses histoires irrésistibles mais constituant plutôt des arcs narratifs de quelques épisodes.

Si l’impact comique répond présent, la profondeur et l’intensité du récit pourraient s’en ressentir à terme. Il est donc temps de dégager une tendance narrative, par exemple, totalement au hasard, la réconciliation de vous savez qui.

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4. LA LÈCHE
(LAYUP)


Layup pousse au plus haut point la recherche de situations originales et l’humour grand crû qui, pour l’heure, animent cette saison 4. Alors que les scènes hilarantes s’alignent toujours sans faiblir,  le binôme Bette/Alice continue à fournir la majeure partie du carburant de cette cylindrée surpuissante. L’émotion n’est pas oubliée, notamment grâce à Max et à Shane. Parmi les difficultés évoquées précédemment, l’absence d’un axe narratif semble en passe de se résoudre, même s’il ne s’agit pas de celui que l’on espérait. Reste le durcissement du discours communautaire, particulièrement marqué autour de Tina.

Parce que les mots sont parfois inopérants, l’on ne s’étendra pas sur la performance accomplie par Leisha Hailey au cours de la séquence pré-générique. L’on se contentera de dire que si celle-ci n’est pas la plus drôle et la plus gonflée que l’on ait vue depuis le lancement de la série, c’est que l’on a dû rater un épisode (en fait, non). Phyllis aura su choisir sa « première », reconnaissons qu’il est plus aisé de pénétrer dans ce nouvel univers en compagnie d’Alice que de Marina… L’Évènement va susciter une succession d’excellentes scènes de pure comédie, comme l’arrivée dans son université d’une Phyllis en apesanteur (dans Ally McBeal elle marcherait à deux mètres du sol) puis son annonce malicieuse des faits à une Bette KO debout devant la concrétisation de ses pires cauchemars.

Cybill continue d'insuffler brillamment vie et humour à son personnage, tandis que le duo amical Bette/Alice apparaît toujours en état de grâce. Leur conversation autour de la piscine exploite à merveille tous les aspects de la situation, d’autant qu’elle est portée par une Bette et une Leisha entre qui le courant passe à merveille. On adore cette association, on dirait deux sœurs, l’une plus espiègle, l’autre plus cérébrale, mais la première dotée d’un solide bon sens, tandis que l’autre parfois en vrille d’une manière assez spectaculaire. Vraiment une excellente locomotive pour la série.

L’Université d’État de Californie commence même à influer directement sur les autres segments de la narration, grâce à l’opportunité de travail saisie au vol par Alice pour son amie Hélèna, toujours à quai.  Cela donne lieu à un hilarant ping-pong entre les deux filles, mais aussi promet  pour l’épisode suivant car Miss Peabody en traiteur, éventuellement face à des gens de la haute qu’elle connaît peut-être, on demande à voir. Surtout l’introduction de Jodi semble marquer un tournant et signifier enfin la création d’une ligne narrative directive pour la saison, avec l’instauration d’un couple important et durable.

L’intérêt réel du personnage, l’espace accordé à sa description, le fait qu’il s’agisse d’un parfait alter ego pour Bette, que leur relation débute par la proverbiale opposition, que l’entrée en lice de Marlee Matlin représente une guest majeure pour la série et même que cette dernière soit une amie de longue date de Jennifer Beals militent en ce sens.

Et puis, surtout, merveilleuse coïncidence, Bette vient tout juste d’éjecter prestement Nadia. On s’était efforcé d’être indulgent mais c’est vrai qu’avec son numéro durant le cours de Bette (toujours d’intéressants artistes découverts), cela devient insoutenable. Si Nadia évoque Tonya en pire, par contre Bette Porter n’est pas, mais alors pas du tout, l’adorable Dana ayant du mal à trancher et à faire souffrir le moment venu. Là, on a la foudre tombant du Mont Olympe, c’est assez dur, mais on sait depuis longtemps à quel point Bette peut l’être, cela participe à sa crédibilité. So long, Nadia !

Tant mieux, ce Bette/Jodi comblerait un manque que l’on commence à ressentir. Jodi doit cependant composer avec une épée de Damoclès, dès que, tôt ou tard, cela va se réchauffer entre Bette et Tina (parce que bon, hein) elle va fatalement apparaître comme l’obstacle à abattre, à l’instar jadis d’Hélèna. Mais cela sera  pour plus tard, la saison prenant visiblement son temps là-dessus (hem…) et l’apparition de ce personnage résulte très positive.

Décidément, cette saison, The L Word cultive l’art de la surprise, notamment en multipliant les nouveaux personnages car Layup correspond à l’entrée en scène de Paige, interprétée par la magnifique et sculpturale Kristanna Loken (et accessoirement lesbienne proclamée). On  ose dire que l’on se montre guère enthousiaste à propos de cette relation future que l’on voit pointer avec Shane. Loken, qui excelle dans les rôles très physiques, connotés SF ou Fantastique (Terminator, Painkiller, BloodRayne), ne semble pas vraiment dans son élément avec The L Word, et son personnage se montre, pour l’instant, lisse et sans saveur.

Plus profondément, les liaisons de Shane, on en a déjà connues un certain nombre depuis la saison 1 (litote) et, à une énième supplémentaire,  on préfère vraiment en ce moment sa belle histoire avec Shay. Cette Shane plus mature  et responsable nous séduit. Le coup du dessin, les blasés pourront toujours trouver cela téléphoné ou naïf,  mais il va droit au cœur grâce au talent de Kate.

En fait, avec Paige, on touche du doigt une difficulté afférente à cette saison. Du fait de l’émiettement du récit et de son orientation, peut-être d’une certaine usure, aucun des couples installés ou en devenir (à la possible précieuse exception de Jodi/Bette) ne présente la force ou l’intensité des grandes histoires des trois premières saisons. Marina/Jen, Carmen/Shane, ou Lara/Dana/Alice n’ont absolument aucun équivalent ici. C’est un choix, une nouvelle direction impulsée à la série. Le bilan de ce pari se tirera le moment venu.

Fort heureusement, The Couple of The Série, lui, est toujours là, mais en suspension. Il finira bien par se réactiver un jour… Central depuis le début de la narration, Tina/Bette, le dernier survivant, va devenir plus crucial que jamais. Bon, ça vient, là ?

Les segments de Max et de la Vengeresse paraissent forts réussis mais quelques peu secondaires face aux aventures de la Dream Team de la saison (jusqu’à présent), Alice/Bette/Shane. On ne peut que porter au crédit de Max d’avoir voulu rompre le mensonge (avait-il le choix ?), mais le désastre prévu est au rendez-vous. La jeune fille, qu’on aime bien, a une phrase terrible, mais il faut aussi tenir compte de la colère d’avoir été dupée, et de la force de la révélation. La triste vérité c’est que les chances d’un(e) Trans d’établir une relation avec un(e) Hétéro avoisinent le néant. Max poursuit son apprentissage de la réalité, l’enjeu va être de savoir s’il tient le choc ou non (sans compter qu’il peut aller pointer).

L’absurde croisade de Jen se montre toujours très amusante, même si le destin de ce pauvre chien attriste (servir de cheval de Troie à une machination tordue). On se dit cependant qu’il est temps d’arrêter tout ceci avant que cela ne tourne au vinaigre. Mais bon, le sens de la mesure, le raisonnable, la prise en compte d’autrui et Jenny, hein… Ceci-dit Mia a parfaitement intégré la nouvelle version de son personnage (peut-être exigé par les fans) et se montre vraiment épatante.  Honnêtement, Angus et Kit, on zappe, on n’arrive pas à s’y intéresser malgré le signal d’alarme du rentre-dedans de Hazel, très à la Californication. On éprouve l’impression qu’Angus n’a plus grand-chose à apporter à la série.

Ah mais dites-donc,  on a oublié Papi. Ça alors, comment est-ce possible ? Effectivement elle finit par se pointer au Planet, où elle a une discussion totalement dépourvue d’intérêt avec Alice, où elle exhibe son palmarès, sa frime etc. Bon, elle porte bien le chapeau, c’est vrai. Voilà, voilà. Ah si, cet intense entretien a le mérite de lancer ce qui va devenir le sommet de l’épisode, l’incroyable match de basket entre la Team Papi et les Bobo Girls (allez, une bonne vanne pour Papi, à ne pas confondre avec les Coco girls).

Toute la construction de l’équipe par une Alice  surexcitée nous vaut déjà toute une salve d’excellents moments de comédie. On adore ces épisodes spéciaux où le gang du Planet s’aventure hors de son cocon (Dinah Shore, Love Boat, voire funérailles de Dana etc.) et on en retrouve la stimulante originalité au cours de cette partie. Porté par une excellente musique funky, l’ensemble du match est un immense éclat de rire, en même temps qu’un vrai moment de bravoure.

Impeccablement filmé, l’affrontement excelle aussi par sa scénarisation, chacune des filles exprimant sa personnalité d’une manière hilarante. L’arrivée de Bobo Girls, totalement décalées en ce lieu, est ainsi spectaculaire. Par la suite on a une succession de prises de bec rigolotes avec la Team Papi, l’agressivité juvénile d’Alice, la cool attitude proverbiale d’une Shane davantage préoccupée par son frère, la joie communicative d’Hélèna d’être enfin bonne à quelque chose et Papi qui a de bons moments !

On apprécie particulièrement la capitaine Bette, shootée au boulot jusqu’au dernier moment et montrant une gagne féroce jusqu’à décontenancer Papi elle-même, d’autant plus que la veille elle chipotait sur la partie ! Mais la reine reste Jenny, à son meilleur ici, n’en ayant strictement rien à cirer du match (le collectif ce n’est pas son truc en ce moment) ou en panique totale devant le ballon ou la hargne de Bette. Et la référence à Dana est également bien trouvée. Vraiment, tout ce passage est génial.

Seul vrai point noir, le traitement assez honteux réservé à Tina. D’abord, on se pince pour y croire, elle n’apparaît qu’ici, et pour quelques instants. Les Instances Supérieures ont bel et bien mis Tina en semi-exil durant sa période Henry ! On n’apprécie vraiment pas ce durcissement identitaire exprimé depuis le début de la saison. Durant les trois premières, habilement, par l’exemple, The L Word exposait avec éloquence que les lesbiennes sont des femmes au même titre que les autres, tout en donnant une image positive, et c’était très bien ainsi.

L’inflexion présente se montre négative au possible. Il est tout de même paradoxal d’appeler à la tolérance quand on se montre soi-même intolérantes. Et puis ce discours hostile et ce rejet par ses amies (hormis Shane et Hélèna, je crois)… Si on aurait aimé plus de soutien de la part de Bette (conserver le silence c’est vraiment le minimum vital), la plus mauvaise demeure Jenny (et ses baskets aux couleurs de l’arc-en-ciel LGBT…), dont la propension à juger tout le monde du haut de sa splendeur devient insupportable.

Cet épisode particulièrement drôle et abouti, en dehors de cette navrante péripétie, s’achève sur l’étonnante séance photo de Shane. Certes tout cela se montre parfaitement esthétique et même amusant, Kate Moennig est aussi magnifique qu’expressive, cela souligne sa prise de responsabilités.

Mais l’ensemble représente avant tout une nouvelle insertion  de marque au sein même de l’action. Depuis le début de la saison, on en trouve pratiquement un par épisode (Ourchart, Curve). Décidément The L Word reste hors normes également de ce point de vue.

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5. LEZ GIRLS
(LEZ GIRLS)


Lez Girls marque un certain ralentissement du tempo jusque-là frénétique de la saison, du fait, assez inévitablement, d’un moindre flux de nouveautés, même si l’épisode introduit (encore !) un nouveau personnage, Tasha. Celle-ci se montre ombrageuse et mystérieuse comme on aime et une nouvelle fois originale au sein de la série.

L’épisode prolonge également plusieurs situations qui avaient vocation à divertir sur quelques épisodes, mais qui commencent à s’effilocher ou à perdre de leur intérêt (les galères d’Hélèna, le complot de Jenny, Papi). Fort heureusement l’on continue à beaucoup s’amuser, Alice et Bette continuent à nous divertir, d’autant que la relation avec Jodi tient ses promesses, il faut bien l’avouer.

L’infiltration de Jenny se poursuit et nous vaut encore quelques bons moments, comme sa description de la journaliste, écrite avec  une délectable ironie par les Instances Supérieures : « Elle est devenue une putain de connasse, qui n’arrête pas de pondre des pages et des pages de merde sans nom. Et elle pense que cela justifie son attitude d’égoïste et de maniaque ». Bien visé Jenny, il faut juste réorienter le tir de 180°. Néanmoins l’étirement de cette histoire à partir d’un point de départ aussi anodin paraît quelque peu artificiel. De plus, il ne paraît guère crédible que la vétérinaire confie ainsi toute sa vie intime à une inconnue fraichement rencontrée, même après le décès du pauvre chien, et même si elle est sous le charme de Jenny (qui ne le serait pas ?).

On ressent comme du procédé ici, tout comme avec ce quiproquo digne  du boulevard le plus éculé, voyant les deux compagnes parler de Jenny comme de deux personnes différentes. C’est gros. Et puis cela vire au glauque cette espèce de machination à la Choderlos de Laclos, on se doute bien que la charmante vétérinaire va en faire les frais et on n’a pas vraiment envie de voir ça. Et dire que Jen accusait Tim d’avoir voulu prendre une « revanche sexuelle »…

Bien plus intéressante se révèle la seconde histoire organisée autour de Jenny et de « Lez Girls ». Avec le prestigieux The New Yorker (Jen a vraiment le vent en poupe !), on trouve la quatrième insertion de marque dans l’action en cinq épisodes, mais qu’importe ici. On donnerait cher pour lire ce feuilleton, dont les quelques extraits entendus sont vraiment hilarants (les descriptions d’Alice et de Tina sont des modèles de pure vacherie), ainsi  que le coup des nouveaux noms. Karina pour Marina, of course… L’idée d’une relecture de la passionnante première saison par l’esprit disjoncté de Jen se montre vraiment excitante.

Les réactions de copines comptent aussi comme autant de moments d’intense drôlerie, on adore quand les filles du Planet se chamaillent un peu. Le duel des deux professionnelles de la plume est vraiment brillamment dialogué et interprété, le retour à l’envoyeuse de Monet assurant la victoire d’Alice aux points. On frétille de la poursuite probable de l’exploitation sans scrupules de leur vie commune par Jenny la Diabolique, pourvu que la saison en fasse un axe construit.  On attend en particulier la confrontation avec Bette. Une autre chanson se chantera à ce moment-là…  Jenny et son ego virent vraiment mal, l’écrivaine devient réellement le personnage que l’on aime détester. Énoncer qu’elle campe désormais la méchante récurrente de la saison serait exagéré, mais on s’en rapproche. Et Mia Kirshner apparaît vraiment à son meilleur.

Encore un épisode pour rien pour Papi, dont la perpétuelle guéguerre infantile et inepte envers Shane commence vraiment à lasser. Elle ne parvient pas à passer du statut de concept amusant sur deux épisodes à celui de personnage à part entière, son immobilisme désespère. Il en va de même pour le surnom ironique de Vanilla attribué à Shane, on a bien ri la première fois, à la cinquième ou sixième, on fatigue. Papi : une cause perdue pour la saison 4. Tout juste sert-elle d’utilité afin d’introduire le personnage autrement mystérieux et intéressant de Tasha. Celle-ci représente une nouvelle originalité dans le panorama de la série, et pas seulement parce qu’elle compose (sauf erreur de ma part) la première noire de l’équipe depuis Candace.

On apprécie sa solidité et son austérité, rendant plus lumineux encore ses sourires occasionnels, particulièrement chaleureux. Le générique évolutif nous apprend qu’elle est militaire, ce qui ouvre un riche nouveau domaine à la série. On découvre aussi qu’Alice n’est plus seule sur sa moto... Ce duo c’est un peu l’alliance de la carpe et du lapin, mais justement cela devrait devenir intéressant et nouveau.

 C'est-à-dire totalement à l’inverse de ce que démontrent Shane et Paige, dont la scène se révèle assez consternante de platitude et de lieux commun. Tout ceci manque terriblement de saveur et de piquant. Même si spectaculairement mise en valeur par une vertigineuse transparence, la somptueuse Kristanna Loken n’apparaît pas vraiment dans son emploi, on peut se demander si les Instances Supérieures n’ont pas simplement désiré enregistrer la participation de cette icône lesbienne, sans trop se soucier de lui donner quelque chose d’ambitieux à raconter. C’est assez froid entre elle et Kate et puis… Comment le dire ? Apparaître aux côtés de la Terminatrice donne à Shane comme une apparence de gamin sous-alimenté. Le pire demeure que tout cela étouffe la relation autrement intéressante entre Shay et Shane, passée ici au second plan.

Bonne surprise pour Max, la fille de son patron n’a pas violé son secret. On s’en réjouit, cela confirme la bonne impression que l’on conservait d’elle et la rédime des propos tenus sous l’effet d’une colère blessée. Toutefois, si l’on y regarde bien, Max n’apparaît qu’à peine mieux loti que Tina. Il n’a quasiment plus aucun contact avec le groupe, vit son histoire totalement en marge et a droit à une, ou deux scènes par épisode, point-barre. Dans la troublante scène d'introduction, il reste également seul.  L’élément Trans se voit marginalisé, même si avec plus de douceur et de respect que la traîtresse hétéro. La série devient mono-lesbienne en même temps qu’elle rend plus agressif son message…

Et c’est vrai que Tina apparaît ici encore réduite à la portion congrue, servant principalement de courroie de transmission dans l’affaire Hazel/Angus, elle-même cliché au possible. Et si elle a effectivement droit à une très belle scène, c’est uniquement en fonction de sa relation passée (et future, pas de blague) avec Bette et certainement pas de l’actuelle avec Henry, cette abomination perverse. On ne sait rien  de ce que traverse ce couple, ni comment Tina vit sa réinsertion dans Hétéro-ville, sujet pourtant passionnant. Et il en sera vraisemblablement de même jusqu’à ce qu’elle en vienne à résipiscence et ne se rase la tête avant de quémander humblement son pardon.

Ceci dit cette rencontre entre et Tina et Bette s’avère un régal et une authentique fête pour leurs admirateurs. On adore la lumière dans les yeux de Bette, s'obscurcissant quand elle comprend que c’est de Kit et d'Angus dont veut parler Tina. Hé, hé, elle n’est pas finie, l’histoire… Par la suite l’entretien accumule les bonnes idées, comme ces gestes accomplis à l’unisson.  Les deux femmes s’accordent  naturellement, un  joli clin d’œil pour les fans en lévitation.  L’alchimie entre Jennifer Beals et Laurel Holloman se montre toujours aussi palpable.  Sur le fond Bette a raison, il faut évidemment réfléchir un peu avant d’anéantir Kit par cette nouvelle.

L’ensemble donne également une photographie de l’état de leur relation, qui se réchauffe doucement mais sûrement. Bon, cela se crispe vite, mais tout de même, elles se parlent toujours plus facilement. Il s’agit toutefois de leur scène la plus cordiale que l’on ait vue depuis… longtemps. Les lignes bougent et l’intensité de ce couple historique de la série (même disjoint) tranche vraiment sur ceux développés cette saison.  À une considérable exception près…

En effet il est précieux pour les amateurs de Tina/Bette qu’ils aient disposé de cette bouffée d’oxygène car par ailleurs on assiste à une montée des périls. La rencontre Bette/Jodi se montre aussi stimulante que prévu, d’autant que Bette, personnage authentiquement  riche, se montre également une redoutable séductrice. Sa manière d’aborder Jodi, à la fois classieuse et suggestive au dernier degré, est un modèle du genre, Marina n’aurait pas fait mieux. La scène se révèle une parfaite réussite, d’autant que Jodi a du répondant.

Esprits libres et audacieux, charme absolu, passion partagée pour l’Art,  dialogues ciselés avec panache, drôlerie de Bette s’encanaillant à fumer un pétard (c’est de la bonne, visiblement), Bette et Jodi concordent à merveille. L’échange de fumées, c’est vraiment chaud. Jennifer et Marlee, très proches dans la vie, s’entendent visiblement d’entrée. Elles nous proposent un couple assez irrésistible, le seul capable de pouvoir introduire avec crédibilité  du suspense à propos de la réconciliation avec Tina. Il ne s’agit pas à proprement parler d’une remise en cause de celle-ci mais plutôt de la perspective d’un cheminement prometteur et non fabriqué comme il aurait pu l’être. Par ailleurs on remarque que l’interprète de Jodi, excellent lui aussi, est gay. Quelle surprise, on va finir par penser que cette série met à l’honneur la communauté homosexuelle. Sinon les invités hétéros sont bien entendu ou porcins ou ridicules. Bah oui, c’est la saison quatre.

Le couple Alice/Phyllis connaît une issue assez logique, quoique bien dure pour cette dernière. Alice a trop bien joué son rôle d’initiatrice à ce nouveau monde. Phyllis va devoir tracer son propre chemin, pas forcément aussi facile qu’il a été jusqu’ici. En commençant par mettre ses affaires au clair avec son mari, déjà. On a l’excellente surprise de découvrir Léonard interprété par le savoureux  vétéran Bruce Davison, un excellent guest pour The L Word. La série, y compris en cette saison, évite heureusement de le rendre antipathique, même si un tantinet satisfait de soi-même, on évite l’écueil du manichéisme.

Cybill restitue parfaitement la souffrance et le désarroi de son personnage repoussé par une Alice excédée. Au contraire des scènes amusantes l’ayant annoncée cette rupture est un moment réellement douloureux. Jenny B s’impose une nouvelle fois avec une Bette dégrisée, effondrée pour Phylis, mais aussi préoccupée pour elle-même… Le vent tourne.

Ce banquet demeure également l’occasion d’assister à un énième échec pour Hélèna. Certes le passage amuse, d’autant que la très belle Rachel Shelley est vraiment extraordinaire. Mais ce ressort comique commence à se distordre. Assister à un nombre toujours croissant de galères devient répétitif et donc lassant. Et puis Miss Peabody a vraiment remonté ses manches et s’est donné du mal, on trouve davantage cruel que drôle de la voir se planter malgré tout, malgré une négligence finale  assez humainement compréhensible.

On en ressort avec l’impression que la série commence à s’acharner sur elle, avec comme possible résultante d’atteindre le contraire de l’effet recherché et de transformer cette histoire en drame. On l’aime beaucoup, Hélèna, on en a assez de la voir souffrir et on aimerait que tout ceci devienne un peu plus positif.


6. LIGNE DE CHANCE
(LUCK BE A LADY)


Alors qu’elle parvient à son mitan, cette saison 4 divertissante et enlevée va frapper un grand coup lors de la première moitié des aventures du jour, totalement originale et maîtrisée. Malheureusement la réussite de l’épisode se verra en partie compromise par une seconde moitié en demi-teinte.

Après une introduction déjà décapante, montrant Shane effondrée d’être devenue l’égérie ultra médiatisée (et avec quel look) de la prochaine campagne de son sponsor, Luck Be a Lady nous projette dans un ébouriffant tourbillon d’images, absolument exceptionnel. En effet, durant un plan considérablement long (neuf minutes !), une succession de split screen  nous donne à suivre  en temps réel une conversation téléphonique menée à tambour battant par la plupart des héroïnes, rivées à leur portable et parfois proches de la crise de nerf. L’ensemble s’impose comme hilarant mais également spectaculaire.

Effectivement on pourra y trouver une méthode similaire à celle déployée avec le succès que l’on sait par 24h Chrono (y compris avec une certaine Mia Kirshner), mais ici The L Word passe la vitesse supérieure, avec une multiplication des personnages et un brio extrême. Outre la performance des actrices, ce charivari demeure également l’occasion d’une concentration maîtrisée de toutes les intrigues en cours, permettant de les électriser, tout en offrant un panorama presque complet de cette saison allant basculer dans sa seconde moitié. L’effet se ressent comme particulièrement réussi.

La mise en scène accentue efficacement le joyeux vertige du public, en utilisant des emplacements très différents pour des filles elles-mêmes parfois en mouvement, et s’autorisant tout un jeu autour des transmissions des communications. De cette prouesse on détachera Shane qui nous régale d’une de ses rares colères, d’autant que la voir enjoindre à Alice de ne pas faire sa commère autour du gala puis, évidemment, apprendre deux minutes plus tard qu’elle bat le rappel dans la moitié de Los Angeles est irrésistible. Alice elle-même paraît à son aise, on sent que le portable est comme une extension de son être...

Mais le summum concerne Bette, qui, outre ce chaos, doit affronter un défilé incessant de visiteurs (même Jodi s’y met) et une Phyllis lui pourrissant littéralement la vie et lui mettant bien la pression concernant Alice. Le stress atteint des proportions inhumaines, jusqu’aux limites mêmes de Super Bette, un fait absolument inimaginable jusqu’ici. L’entendre déclamer à Kit qu’elle pense « sérieusement » au suicide est vraiment hilarant.

Mais pour la pauvrette (et son malheureux assistant, James le Valeureux), les réjouissances ne font que commencer. En effet, à l’issue de la furie téléphonique, on a à peine le temps de ricaner en constatant que les seuls absents en étaient les exclus de la saison, Max et Tina, que voici que celle-ci surgit à son tour, lassée de tomber sur un téléphone occupé. Les deux lionnes étant déjà bien échauffées la discussion part vite en vrille, devenant l’un des moments les plus drôles de toute la saison (rien à voir avec les drames de jadis). Jennifer et Laurel savent y aller à fond. Cette scène prouve aussi à quel point Bette/Tina est un couple à part au sein de la série, quoi que Jodi puisse exprimer par ailleurs.

On ne m’enlèvera pas de l’idée que Tina s’est quelque peu réjouie de cette prise de bec, mais, pour percevoir son ressenti, il faudrait appréhender ses sentiments actuels et de cela il n’en est évidemment pas question. Au bout de ces 95s de bonheur, les Instances supérieures décident que c’est bien assez pour la félonne, et, zou, Tina disparaît définitivement de l’épisode ! C’est incroyable. Mais le plus amusant demeure ce pauvre James mort de frousse à l’idée de déranger encore une fois la patronne et y allant tout de même, en bon soldat. Effectivement il se fait royalement fulminer par Bette, c’est assez génial. On peut parier que James s’en souviendra, de Bette Porter.

Après cette première partie vraiment festive, l’épisode en revient à une narration classique, inévitablement plus anodine comparativement.

Avec, c’est vrai, un peu plus de présence que de coutume, Max poursuit son périple désormais  totalement solitaire. Ses aventures pourraient se dérouler à des milliers de kilomètres de West Hollywood que l’on ne verrait pas la différence, c’est fort de café ça aussi. Lui qui était si soulagé de ne pas être découvert et qui s’opposait la saison dernière à la croisade revendicative de Jenny, révèle le pot aux roses parce qu’une fille discriminée a le courage de porter le débat en place public.

C’est beau, c’est grand, c’est noble et ce n’est pas crédible une seconde. Si au moins cela aidait la fille, mais ce n’est même pas le cas. Mais il faut bien que quelque chose se passe dans son segment, et le pauvre est seul à l’animer, d’où le basculement dans la facilité parce que l’on ne sait pas faire autrement. Logiquement le patron devrait l’avoir à la pogne, on verra bien si cette période difficile qui s’annonce suscite de la solidarité et des échanges chez les Bobo Girls, sinon c’est à désespérer.

Autant Shane et son interprète divertissent durant la soirée de gala (et ses stewarts en caleçon), autant on continue à s’ennuyer ferme avec Paige. Kristanna Loken paraît trop mécanique dans son jeu et son personnage lisse et trop standard (quelqu’un aurait-il un canon plasma ou un lance-flammes ?). On ne saisit toujours pas l’intérêt profond de l’apparition de Paige, ou son apport concret à la narration. Peut-être, avec cette histoire d’amitié, qui durera ce qu’elle durera, désire-t-on illustrer à quel point Shane a évolué et  pris le sens des responsabilités depuis la venue de Shay ? Un dispositif bien lourd et occupant inutilement de l’espace. Et pendant ce temps on attend toujours l’apparition de Sarah Connor au Planet.

Sinon Papi est aussi championne de Poker (Papi est championne en tout, toujours), d’où une séance  de tapage de carton chez Alice, assez amusante. Bon,  Papi, son harem, la blonde inscrite plus tard en fin d’épisode, ses tenues vestimentaires, on n‘arrive à s’y passionner, même si le passage demeure plaisant avec cette bagarre rigolote. Heureusement que l’on est dans The L Word sinon l’on pourrait hurler au cliché… Tiens, la fille au teeshirt vert est celle avec laquelle Alice avait échangé quelques horions durant le match, mais rien ne survient de ce côté.  Grâce au gnon providentiel Alice et la très belle Tasha, dont on apprécie toujours autant la solidité et l’économie de mots, se rapprochent enfin. Les opposés s’attirent et une belle aventure débute, avec ce passage à l’émotion finement dosée.

La référence à l’Irak sert essentiellement à exprimer l’antagonisme existant entre les deux sur bien des points, une difficulté que le couple aura à gérer au quotidien. C’est original et bienvenu, The L Word ayant privilégié jusqu’ici les couples fusionnels. L’intervention de Phylis se montre  contrariante de ce point de vue. Il va falloir qu’Alice mette bien les points sur les i cette fois-ci (ça tombe bien, elle a l’air fumasse) car Phyllis présente un intérêt potentiel bien supérieur à celui d’une groupie maladive d’Alice, il faut désormais qu’il s’exprime. Sorry, Bette. Lesiha nous offre également un numéro hilarant quand Alice passe sous le feu des photographes.

Jenny achève de franchir la ligne blanche en menant jusqu’à son terme son complot, passant du coup du comique au tragique. Malgré ses larmes, on ne croit malheureusement pas que cette expérience va véritablement influer sur son caractère, tel qu’il est devenu. Outre la grande prévisibilité d’un récit trop étiré sur différents épisodes, on regrette ici une certaine maladresse d’écriture. La véto devient vraiment caricaturale dans sa perfection, on sent la ficelle pour affliger Jen.

Et puis l’arrivée pile au bon moment de sa copine dans cette chambre d’hôtel, cela fait de nouveau terriblement boulevard, après le quiproquo de la dernière fois. Ce huis-clos tourné en plan séquence paraît aussi bien long et démonstratif. Un point positif existe, Jenny va pouvoir se consacrer pleinement à Lez Girls, qui nous intéresse bien davantage que cette embrouille.

Autre déception, on trouve que la série a décidément la main trop lourde avec Hélèna. Après une énième déception, la voici aux mains d’une joueuse passablement perverse, semblant plus ravagée que Jenny ne le sera jamais (enfin, bon, faut voir). On pénètre franchement dans l’acharnement, les interminables malheurs d’Hélèna ne font plus rire. Si la Hélèna d’avant la saison 3 ne s’est sans doute guère suscité d’amis, on s’étonne qu’aucun malin parmi ses connaissances d’alors ne dépanne financièrement celle qui demeure l’héritière Peabody, et qui un jour en gèrera les fonds.

Surtout l’absence de ses enfants devient vraiment assourdissante. On éprouve furieusement l’impression que, parce qu’ils compliquaient la décision  de Mrs Peabody et son application, ils ont été rayés de la carte en silence. On appelle cela une écriture scénaristique désinvolte.

Alors ça, ce n’est pas bien. Bette et Jodi n’ont pas le droit de nous régaler d‘une scène aussi belle et sensible que celle de la cristallisation de leur relation. Les comédiennes s’y montrent magnifiques et Jennifer Beals aggrave son cas en insufflant une conviction débordante aux larmes d’une Bette bouleversée d’avoir retrouvé une compagne. L’intensité de l’évènement paraît assez pénible, on nous façonne un couple superbe et captivant, digne des grandes figures du passé de la série. C’est écœurant. Le seul point d’ombre (ah, ah !) de ce passage demeure l’assemblage réalisé par Jodi, que je trouve juste abominable, mais je n’ai jamais rien compris à l’art contemporain. J’aurais besoin de cours de Bette Porter, en fait...

En attendant, la « chose » sert à dissimuler la majeure partie des ébats entre les deux tourterelles. Depuis la séance motorisée Alice/Papi, on ressent que la poussée identitaire de la série s’accompagne d’un certain renoncement aux scènes chaudes. Les deux perfides se fendent même d’une petite crise existentielle au sein de leur couple, afin que tout ceci ne fasse pas trop artificiel.  Et deux superbes scènes de plus, allez.

Histoire de rendre leur relation plus rayonnante encore, on supprime l’omniprésence du pourtant spirituel (et gay) Tom, avec à la clef une manifestation massive du Monde Merveilleux de The L Word : il lui suffit de vaguement visionner un site pour que Mighty Bette apprenne le langage des signes. Si ce n’est pas piper une compétition, ça… Hélas, cela devrait néanmoins apparaître convaincant, Jenny B. connaissant ce code depuis des années du fait justement de son amitié avec Marlee Matlin. Machiavélique, puisqu’on vous le dit.

Ah oui, malgré tout ce qui lui arrive ces temps-ci, Super Bette trouve tout de même le temps de régler à la perfection la crise Angus, sans chantage, mais simplement en conversant. La voir boucher les oreilles d’Angélica lorsqu’elle évoque l’adultère est vraiment adorable. Plus tard le fautif confirme qu’il est revenu sur le chemin de l’honneur et de la vertu.  Une séquence joliment ciselée, qui devrait  plaire à ceux pour qui Angus présente le moindre intérêt.

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7. LEÇON N° 1
(LESSON NUMBER ONE)


D’une manière très intéressante du point de vue scénaristique, Lesson Number One marque un reboot à peu près complet de la saison 4, résolvant nombre des problèmes observés récemment. La saison 4.2 se caractérise ainsi par le retour dans la partie de Max et Tina, au moment où leur quasi-absence devenait insoutenable. L’opération se mène d’ailleurs de manière plutôt astucieuse. Par ailleurs, la narration, qui auparavant donnait souvent l’impression de papillonner va désormais organiser  deux axes forts, Alice/Tesha et, davantage encore, Bette/Jodi (et oui… Jodi).

L’avènement de Lez Girl va propulser la nouvelle Jenny (aka la garce mégalo) au premier plan du récit, après une aventure très périphérique. Hélèna en termine avec ses malheurs répétitifs pour débuter un nouveau segment en compagnie de la trouble Catherine. Angus et Kit entrent dans une zone orageuse, tandis que Shane et son T-X tentent vaillamment elles aussi de nous raconter quelque chose.

Via le toujours cynique et amusant Aaron, la série développe l’excellente idée d’un portage de Lez Girls au cinéma. Ceci nous autorise à espérer une satire réjouissante  du milieu  du cinéma, comme nous en avions déjà connue une autour de Shane, cette fois en plus développée. On se réjouit également de peut-être assister à une relecture déviée et mordante des évènements et des protagonistes par une Jenny toujours plus en roue libre. On observe déjà comme de l’ironie car la fabuleuse success story de Jenny se déroule quand la femme complexe, tourmentée et passionnante que nous connaissions se mue en une garce égocentrique passablement absolue. De là à penser que le métier comme le public préfèrent une auteure vacharde  et à l’humour immédiat à une littérature plus élevée, il n’y a pas loin. Et puis Jen apparaît en grande forme, jouant les mijaurées devant la proposition de Tina mais n’hésitant à la planter pour organiser des enchères avec des producteurs plus importants.

Oui, le succès de ses histoires se doit à un pompage intense de la vie de ses amies, mais pas question de faire bénéficier  l’une d’entre elles du moindre avantage. Tout juste, dans sa mansuétude, accepte-t-telle que Tina participe à la compétition, c’est juste royal. Et puis il faut la contempler rembarrer Max ou considérer avec gourmandise les stars censées la représenter… Jenny devient décidément la Princesse des Ténèbres évoquée par Kit, l’éternelle observatrice du clan. Si la nouvelle Jenny a perdu en consistance et en originalité, il faut reconnaître que le portrait en demeure joliment tracé. Et puis Mia Kirshner reste définitivement sa meilleure interprète possible ! Le duo entre Queen Jen et une Tina devant accomplir les quatre volontés de la donzelle promet beaucoup.

L’intérêt de Lez Girls ne se limite pas à cela, puis qu’il permet à Tina de s’échapper du semi-exil où elle paraissait confinée jusqu’ici. Il était grand temps. L’évènement survient au cours d’une de ces discussions percutantes dont le cynique mais amusant Aaron a le secret. La scène est dialoguée avec beaucoup d’humour, « C’est vrai que ton ex t’as trompée avec une petite plombière ?» «  C’était une charpentière ! Et c’est de la fiction ! » .

À sa façon de broyer une carotte symbolique, on se dit qu’Aaron a bien énervé Tina sur ce coup-là. Assister à la manière dont Tina se la joue carpette hypocrite devant la star constitue un autre grand moment. Mais le retour de Tina au Planet provoque aussi un beau concours de bourdes avec Kit. C’est gentil de la part de Kit de déclarer à Tina qu’elle peut toujours venir quand elle le veut, mais Tina avait l’air de tenir cela pour évident (et nous aussi).

Le summum survient néanmoins quand Tina lâche la bombe à propos d’Angus. Prochainement cela devrait donner, disons, du piment à l’histoire Angus/Kit, d’autant que Pam Grier est visiblement en forme. Mais quelque chose ne fonctionne pas ici, on ne conçoit pas que l’hyper organisée Bette n’ait pas tenu Tina au courant de son action (à moins qu’elle n’ait eu la tête ailleurs, et si tout ça c’était de la faute de Jodi ?).

Les circonstances de la gaffe paraissent assez mal s’emboîter. On observe également que la levée de l’embargo n’est que partielle, car ne concernant que la Tina professionnelle. La Tina privée, celle qui partage la vie d’Henry, demeure soigneusement ignorée…

Max connaît une nouvelle fois un passage solitaire et totalement décalé, mais les choses changent aussi pour lui. Lui confier le site en pleine expansion de Ourchart (encore un petit placement pour la route) concilie astucieusement sa réintégration dans le groupe, ainsi que la nécessité de lui trouver un rôle à tenir. Son expérience dans le monde de l’entreprise touche sans doute prochainement à sa fin, il faut dire que l’on en a fait à peu près le tour.

De manière sans doute involontaire mais particulièrement divertissante, la musique accompagnant sa balade à travers les bureaux ressemble beaucoup à celles volontairement ringardes des « messages à caractères informatifs », ces films d’entreprise seventies soigneusement détournés par Canal. C’était vraiment très intéressant. Une nouvelle référence 70’s pour The L Word ? Max pleinement de retour dans la série, et en interaction avec les autres personnages, voici une très bonne nouvelle.

Hélèna paraît interrompre sa scoumoune à force répétitive, d’ailleurs, très symboliquement, c’est finalement elle qui remporte la partie de cartes l’opposant à Catherine. L’esthétique et la narration de cette scène font assez film érotique, non dépourvu d’ailleurs d’un voyeurisme un peu gratuit. Entre raffinement et perversité, Catherine laisse une impression mêlée. On la trouve d’une part assez artificielle et décalée dans la série, mais Sandrine Holt réalise une belle performance, lui apportant un charme vénéneux et un vrai charisme.

C’est de circonstance, on dira que les jeux sont ouverts. La scène où Hélèna essaie ses robes se montre tonique et amusante, même si pas follement originale. Celle des conseils des copines est un vrai bijou.

Paige et Shane à l’école permet de bien illustrer une évolution positive du discours de la série. On préfère très nettement ce militantisme à celui exprimé jusqu’ici autour de Tina. Le rôle finalement sympathique du proviseur interrompt la succession de caricatures volontiers massives des hétérosexuels. Évidemment le Monde Merveilleux de The L Word répond une nouvelle fois à l’appel car dans la vraie vie du monde vrai, la réunion se serait difficilement déroulée de manière aussi édifiante, allant jusqu’à se conclure par une invitation des enfants au Wax. Et un goûter aussi, peut-être ? Mais Kate a tout de même l’occasion de délivrer une vraie émotion autour de la confession de Shane. Avec Shay, la saison 4 aura réussi à exprimer une histoire prenante et renouvelant l’héroïne.

Peut-être parce qu’elle se sent particulièrement concernée par le sujet, Kristanna Loken transmet enfin un peu de flamme à son personnage. C’est amusant, dès qu’elle est en colère Paige prend des expressions à la T-X, c’est toujours ça de pris. Bon, comme prévu, le plan «  on reste amies », ça ne tient même pas un épisode. Si la scène ne dégage pas autre chose qu’une vive énergie, cela fait tout de même plaisir de retrouver totalement Shane, comme anesthésiée là-dessus depuis le traumatisme canadien. 

Cybill nous régale d’une scène très à la Clair de Lune, avec beaucoup de fantaisie. On aime bien ses raidissements à la Maddie quand elle sent qu’on la néglige une seconde. Contraint de remiser  sa fascination pour Alice, le personnage présente désormais  un vrai potentiel, suivre ses aventures devrait être divertissant. Il faut dire que Al n’a pas dû y aller de main morte, si on en croit son expression à la fin de l’épisode précédent.

Fort heureusement les yeux sensibles seront épargnés. Cette cassure permet également à Alice de poursuivre son intéressante relation avec Tasha. L’odyssée d’Alice chez les militaires, outre son humour malicieux (jolie image de sa proverbiale Mini bleue entrant dans le camp sous une musique martiale), constitue un exemple éloquent du choc de leurs deux cultures, l’un des éléments originaux et intéressants du couple. La balade en hélicoptère représente un beau moment, tendre et chaleureux, y compris avec les autres filles.

On apprécie de plus en plus Leisha, dont l’aspect singulier au sein de la série est parfaitement exploité, sans caricature. Sa dureté apparente se fissure immanquablement  sous le charme d’une Alice dont la fantaisie espiègle ne cesse de la charmer et de l’amuser. On ne se lasse pas de son magnifique sourire qui surgit alors immanquablement. Rose Williams apporte véracité et force à Leisha, tandis que l’on apprécie son expressivité au cours de l’introduction. Au total, sans compter parmi les plus grands couples de la série, Alice/Tasha convainc et devrait demeurer l’un des points forts de la saison 4.

Tasha a aussi le mérite d’humaniser Papi. Celle-ci s’extraie alors de ses irritantes postures permanentes et intéresse davantage. Il reste amusant  de la voir critiquer Alice à propos de l’ostracisme subi par Tina, alors que la série elle-même n’agit guère différemment.

Voilà, voilà, je pense qu’on a bien fait le tour de l’épisode, là. Vivement la suite !

Ah, oui, bon. Le réveil de Bette sous les yeux de sa Jodi resplendit comme un lumineux instant de sensualité et d’émotion. On en est à se demander où va cette série. Les deux comédiennes sont vraiment splendides et habitées par leur rôle, on retrouve vraiment la magie des grands couples des premières saisons. Étonnamment, le passage parvient à paraître à la fois torride et pudique, avec une indéniable alchimie entre Jennifer Beals et Marlee Matlin. La mise en scène développe une esthétique vraiment remarquable. Le coup du dessin est un peu pompé sur Titanic, mais pas illogique compte tenu du profil de Jodi.

Du fait certainement de mon imperméabilité à l’art contemporain, j’en trouve le résultat peu concluant. Surcotée, la Jodi. Ceci dit, Bette considère pouvoir tomber amoureuse d’elle, ce qui semble indiquer la persistance d’une certaine réserve. On peut se demander si, outre l’angoisse devant l’engagement, la persistance du souvenir d’une certaine blonde  n’agit ici sur Bette. Ladite blonde fait d’ailleurs bien de revenir car il y a le feu dans la maison Tina. La complicité de Bette et Jodi demeure également forte quand l’on se déplace vers la comédie, comme lors de cette discussion autour des coming out évoquant le fabuleux épisode Dinah Shore. On y regrettait l’absence de Bette, cette lacune est désormais comblée.

 Fort heureusement, Jodi, esprit libre, a le chic pour larguer une bombe sous ses propres pieds à chaque épisode. Après le déjà sympathique « Je n’aime pas les enfants »,  on trouve ici le fort joli « Je ne serai jamais monogame », bien vu ! Bravo Jodi, c’est formidable ça, l’honnêteté et le refus de l’hypocrisie, c’est très grand. Comme on l’aime beaucoup, si, si, vraiment beaucoup, on va lui faciliter le travail pour les prochains épisodes. Pour le 4-08 cela pourra être « En fait, l’art, c’est surtout pour le pognon », pour le 4-09 « J’ai installé un poster de W. en face de mon lit, je l’aime trop» et pour le 4-10 «Je ne peux nier que Franklin soit un fabuleux amant, tellement fougueux !».

Pour la suite on verra si c’est encore nécessaire… Hélas non, avec l’échange final de mail, l’artiste retourne la situation avec émotion et élégance. La décision de Bette ne fait guère de doute, c’est désespérant. De fait le couple Bette/Jodi confirme sa merveilleuse réussite, dont l’éclat et l’intensité ne cessent de surprendre d’épisode en épisode. Il apparaît désormais comme évident que, dès que Tina en aura fini avec la période Henry, la question du choix  de Bette deviendra la problématique majeure de The L Word, pour ce qu’il reste de la saison ou, plus probablement, durant la suivante.

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8. LINGE SALE
(LEXINGTON & CONCORD)


Lexington & Concord, outre démontrer une nouvelle fois la supériorité des titres originaux sur les français, accentue les lignes narratives lancées par l'épisode précédent. La confession de Tina et le crépuscule de sa relation avec Henry viennent dynamiser le jeu autour de Bette, tandis que le projet Lez Girls et l'insupportable mégalomanie de Jenny fleurissent de pair. La convergence des ces deux  axes les propulse définitivement comme cœur vivant du récit, et, probablement, structure le décor de cette saison 5 se rapprochant à grands pas.

Si Alice/Tasha continue à charmer et à capter l'attention, la conséquence de cette émergence demeure néanmoins une mise en retrait des autres histoires, paraissant désormais secondaires.

Entre Lassie, chien fidèle et Carrie, le rêve passablement grotesque de Jenny (synonymes en ce moment) comporte peut-être un clin d'œil psychanalytique, les griffures occasionnées par Zombie Sounder évoquant les scarifications qu'elle s'infligeait jadis. La série essaierait-elle de nous signifier que la vraie Jenny existe toujours quelque part sous la peste insupportable, et qu'elle finira par ressusciter un  jour ? En tout cas prochainement, le voyage intérieur de Jenny dans les contrées du narcissisme psychotique finit en effet par nous valoir un vrai show dans le show.

C'est un vrai élément de suspense qui se voit introduit dans la série, savoir si à chaque fois Jenny va parvenir à se montrer plus imbuvable, plus tête à claques que la fois précédente. Et pour l'instant, la réponse reste oui, bigrement oui. La grande soirée de Jen débute par une matérialisation  aux côtés de Tina et Bette, genre Dracula Prince des ténèbres. L'effet paraît très amusant, même si on l'aurait souhaité plus tardif...

Il se confirme ensuite que Tina devra quémander les faveurs de la déesse au même titre que les autres producteurs, et ce pour une histoire dont, avec les autres, elle fournit le matériau de base et où elle subit une critique particulièrement mordante. Jen ne lui fera aucune faveur, ne serait-ce que d'un a priori favorable. Niente, nada, malgré l'intervention de Bette. Ella va avoir à dépasser le « Tu devrais leur parler  si tu as envie d'avoir ce contrat ».

Honnêtement on aurait envie que les filles lui lâchent Joyce aux fesses pour atteinte à la vie privée, elle apprendrait un peu la vie. Mais cela compromettrait l'emploi de Tina. Par la suite on apprécie son expression ennuyée quand l'un des agents parle d'art, donc d'autre chose que de Jenny Shecter, durant 30 secondes, et son air ironique puis dépité quand Bette se fait l'avocate de Tina. En fait on a bien l'impression que Jen, plus que les arguments, apprécie la vénération et le léchage de pompes, et que l'intervention royale de Bette lui gâche le plaisir. Jen aura du mal à accentuer sa performance la semaine prochaine mais on sent qu'elle a encore du potentiel. À son crédit une expression très amusante quand l'un des agents (très hétéro saison 4) drague pesamment Alice et Tasha. Il n'a jamais lu Lez Girls celui-là ?

Comment cela, Bette prendre la défense de Tina contre Darkness’ Princess ? En effet, dès son commencement, Linge sale  devient sous nos yeux écarquillés le tout premier épisode Tina/Bette de la saison. Celle-ci avait habilement préparé cet évènement majeur en indiquant un réchauffement progressif de leur relation (l’engueulade à propos de la maternelle restant un amusant défoulement). La grande bascule survient lors d’une visite de Tina venue pour la toujours plus craquante Angélica.

Un motif particulièrement transparent…Tina vient en fait exprimer son mal-être, le déclin de sa relation avec Henry (sans détail bien entendu, on ne parle pas de l’abomination) et surtout son amer regret de sa vie antérieure. Le dialogue utilise un vocabulaire aux confins de la poésie, parvenant à dégager une émotion irrésistible, d’autant que Laurel Holloman fait corps avec son personnage. La scène, déjà d’une puissance tranchant avec le commun de cette saison, atteint un nouveau sommet quand Bette accueille sa future ex-compagne les bras ouverts.

Les deux femmes scellent intimement une paix jusqu’ici seulement décrétée dans le bureau de Joyce. L’émotion est si palpable qu’on se dit que tout ça devrait nous valoir un grand twist  dès cet épisode.

Mais voici que surgit Jodi, furieusement comme un cheveu sur la soupe, pile au moment où on a bien l'impression que... Là survient un curieux événement, Jennifer Beals se lève et embrasse la mauvaise femme. On s'étonne que personne sur le plateau ne lui indique son erreur. Attendez, on me signale que, non, c'est dans le script.

Il faut vraiment que je consulte mes fiches. Quoi qu'il en soit, de manière caractéristique, la scène devient moins intense y compris si le retour de boomerang de la photo de famille est assez cruel pour Tina. Même si les scénaristes sont parvenus à susciter une alternative paraissant crédible avec Jodi, on sent bien que la force des deux histoires n'est pas équivalente. D'abord par un aspect quantitatif évident, alors que tous les autres couples ne  comptent qu'une poignée d'épisodes, Tina/Bette est, au fil des saisons, devenu le vrai fil rouge d'une série particulièrement évolutive. Et puis l'immédiateté du couple, son évidence reste si palpable, les dialogues si forts, les personnages et les actrices si fusionnels, que The L Word se sublime à chaque rencontre, de manière particulièrement nette.

On ne se situe pas dans un triangle Tina/Bette/Jodi mais bien toujours dans Tina/Bette, avec Jodi en élément perturbateur, temporaire ou durable. On en a une autre preuve avec la discussion entre Bette et Jodi, parfaitement écrite et interprétée, mais tournant à vide. Quand elle s'achève on se demande surtout à quoi elle a bien pu servir.

L'émerveillement suscité par cette nouvelle rencontre de Bette et Tina se poursuit durant la soirée au Planet, où Bette apparaît d'ailleurs plus sublime que jamais, ce qui n'est pas peu dire. Il reste amusant de constater que Tina évoque le regard amoureux de Bette envers Jodi, alors que notre Doyenne la regarde exactement ainsi à ce moment-là. Les actions de la Jodi subissent une sévère décote. Par la suite on assiste de manière vraiment touchante à la reconstitution du couple version saison 1, quand Bette se porte en avant pour se faire l'avocate de Tina.

L'acceptation de ce fait par Tina peut surprendre mais elle traverse vraiment une mauvaise passe (il faut voir ce qu'elle descend comme alcool), de plus en pleine période de nostalgie, donc cela paraît naturel finalement. Ceci dit, si Bette et Tina ont su retrouver une superbe amitié, pleine de tendresse, il demeure que l'épisode ne prend aucun engagement sur un développement futur, c'est exact. La série dégage toujours un affriolant suspense sur ce point, c'est sans doute parti pour durer. On ne gâche pas un sujet pareil, on le savoure. Ceci dit l'absence de Jodi, partie pour une obscure soirée avec d'autres artistes surcôtés, prouve que The L Word n'a nul besoin d'elle pour générer de grands moments. Elle ne manque pas.

La soirée au Planet consacre l'intronisation de Tasha au sein de la famille élargie. Décidément le premier contact avec le groupe se révèle douloureux pour les impétrantes. S'il n'y a pas de rejet implicite et froid comme avec Moira, cette avalanche de vannes désarçonne et se montre très malheureuse en la circonstance. Il ne s'agit pas de renier ses convictions, mais de les mettre en sourdine le temps d'une soirée, par respect et amitié pour la personne présente. On se demande si ce manque de tact est dû à une ignorance du métier de Tasha, à une espèce de bizutage ou juste à de la désinvolture.

Mais Tasha, même tourmentée, tient bon et ne fait pas de scène. On l'apprécie de plus en plus, de même durant la discussion agitée et conclue de la meilleure façon possible avec Alice. Cette opposition de culture et de perception du monde (alors que leurs points de vue sont plus complémentaires que contradictoires, en fait) apporte toujours un vrai intérêt au couple. Et puis, disons-le, elles sont touchantes, toutes les deux sur leur moto. L'une des réussites de cette saison.

Les autres fils narratifs accrochent moins le regard, autant par leur intérêt intrinsèque qu'en comparaison avec ce qui précède. Paige et Shane continuent leur histoire solidement lestée de clichés. C'est vraiment binaire pour Shane cette saison, selon que son épisode soit plutôt Paige ou Shay. Le retour surprise de son père indique pour le prochain un thème familial. Hum, un épisode sans Paige, après un sans Jodi, elle s'organise bien cette saison. Angus/Kit gagne en intérêt, mais principalement pour la superbe composition de Pam Grier, car tout cela reste banal à pleurer. Le faux suspense de savoir si elle va sauter le pas avec Papi est assez bidon, on n'y croit pas dès le départ (et puis Papi ne sera jamais Ivan).

Étonnant que Papi ne réagisse pas quand Kit s'imprègne d'alcool, même si elle ignore sans doute son passé. À croire qu'elle est plus en plan drague qu'à son écoute. «  Je ne serai même pas sur cette [censuré] de Toile », excellente réplique. Catherine et Hélèna c'est trop pervers pour que l'on s'y intéresse vraiment. On pressent trop vivement une catastrophe à venir pour vraiment s'attacher à ce couple. On aurait envie qu'elle prenne ses enfants (miraculeusement ressurgis) et qu'elle quitte cette suite avec Alice. Mais Hélèna accorde trop de prix à son standing retrouvé pour cela. C'est désespérant, elle n'a rien appris.

On en écarquille les yeux : parvenue à son dernier tiers, la saison nous propose encore un nouveau personnage, c'est l'Arche de Noé, là. Grace est charmante et adorable avec Max. On l'aime bien, mais en fait elle signifie le prolongement, certes plus relatif et subtil désormais, de la mise à l'écart de Max. On a l'impression qu'on lui tricote une interlocutrice pour qu'il n'ait pas à interférer avec le groupe.

 
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9. LEITMOTIV LASCIF
(LACY LILTING LYRICS)


Peut-être pour ménager une respiration avant le final de la saison, Leitmotiv lascif souffre d’un surplace dans l’évolution de l’action et de quelques scènes passablement verbeuses. Jodi/Bette semble connaître une stérile répétition de situations vécues auparavant, tandis que la plupart des autres filles et relations ne connaissent aucune notable évolution. Shane et Max constituent des exceptions, mais le développement que connaît ce dernier est simplement annoncé.

À ce manque de substance narrative l’épisode ne pallie que partiellement par des effets de style, dont les deux fils rouges de la session dans le lit d’Alice et des aventures de Jenny et Tina sous le soleil de l’égotisme forcené.

La relation Jodi/Bette semble réellement bégayer. Non seulement nous voici replongés pour le troisième épisode dans la problématique du refus de la monogamie par Jodi, mais de plus le modus operandi n’évolue pas d’un iota. Perception du problème par Bette, crise, résolution par discussion donnant lieu à scène fusionnelle, tout est oublié, c’est merveilleux, on s’aime comme avant.

Statu quo sur le fond, statu quo sur la forme, tout ceci ne titille guère, même si demeurant excellemment interprété. On remarque cependant que Bette  veut présenter Jodi à ses amies, étant donné l’accueil reçu par Moira et Tasha, on se dit qu’il y a là comme un enjeu, mais sans trop d’inquiétude. L’épisode se ressent également de l’absence de toute scène Tina/Bette.

Tasha et Alice rayonnent toujours sur leur petit nuage, tant mieux pour elles, mais ici également rien ne survient. Après leur scène d’amour très tendre lors de l’épisode précédent, elles se fendent d’une nouvelle image torride, mais prenant trop la pose. D’Hélèna on perçoit qu’elle devient toujours plus la bonniche, mais sans doute aussi la souffre-douleur d’une Catherine gardant la haute main sur le grisbi. La voir accepter de telles compromissions pour conserver l’accès à son luxe chéri demeure affligeant, mais la contempler nier la vérité jusqu’à l’absurde devient franchement divertissant.

Kit et Papi, on n’y accroche toujours pas, l’incrédulité reste toujours totale. Encore du surplace ici, à part un laïus moralisateur de Kit aussi léger que le plomb. Je ne sais pas si l’on rend vraiment sympathique le personnage de Papi en le montrant tenter de se placer à la faveur de la crise d’un couple.

Le drame du brusque décès de la mort de la mère de Max nous vaut une nouvelle scène très sensible et expressive de la part de Daniela Sea mais le développement réel de ce segment reste encore à venir, il ne s'agit que d'une amorce. On apprécie la dénonciation du sectarisme et des méthodes employées par l'entreprise mais il ne faudrait pas prolonger indéfiniment ce segment, d'autant que l'étape suivante (le site d'Alice) paraît de plus en plus évidente.

Comme on pouvait facilement l'anticiper, la charmante et ouverte d'esprit Grace occupe le rôle de confidente pour Max. Cela nous vaut des scènes chaleureuses, et Grace laisse bien Max en avant de l'action. Mais on continue à mettre celui-ci à l'écart du courant principal de la série. Espérons plus d'interactions quand il s'occupera exclusivement de la Toile.

L'épisode prend le pari de développer deux fils rouges assez originaux, mais ceux-ci, même réussis, ne parviennent pas à équivaloir les récits denses connus jusqu'ici.

L'espèce d'impromptu se déroulant chez Alice se montre divertissant, tout en nous permettant de revisiter ce décor que l'on aime beaucoup et qui se voit souvent moins exploité que les maisons jumelles (au passage, peu de scènes Jenny-Shane cette saison...). En même temps l'on se situe un peu dans l'anodin, quand le passage rebondit avec l'entrée en lice de Léonard. S'ensuit un dialogue intéressant où l'on apprécie que la série prenne en compte cette situation particulière, sans trop de caricature. Bruce Davison apporte beaucoup d'humanité à Léonard, sur le registre toujours particulièrement délicat du tragi-comique.

Les esprits chagrins pourront trouver ce mari vaguement ridicule, il accomplit néanmoins ce que Tim n'avait pas même essayé au cours de la saison 1 : tenter de comprendre ce qu'il advient à son épouse. Au jeu des questions réponses, on trouve Tasha nettement plus convaincante et diplomate que les autres, elle constitue vraiment une bonne surprise permanente de cette saison. La séquence permet également d'apporter une vraie fin positive à Alice/Phyllis, on attend maintenant que la série réserve une vraie place au devenir de celle-ci.

Jenny a finalement accordé les droits sur son ouvrage à Tina, peut-être du fait de la prestation de Bette, peut-être aussi parce qu'elle a senti qu'une autre décision risquerait de provoquer une vraie cassure. Il n'est pas certain pour autant que Tina (particulièrement élégante) s'en réjouisse... Jen devient si imbuvable, si égocentrique et capricieuse, si profondément, intrinsèquement stupide que son personnage verse définitivement dans la comédie. À ce jeu Mia Kirshner se montre redoutable, on la sent d'ailleurs comme emballée de pouvoir interpréter une nouvelle version de son personnage.

Cet aspect humoristique désormais prégnant va s'accentuer par la structure de film à sketch que revêt l'épopée de la recherche d'un réalisateur, où Jenny va porter à des niveaux inexplorés l'expression du concept d'adulation de soi et Tina  de la nécessité de gagner sa croûte (il faut la voir subir les paroles vachardes de Jen sur « Nina »). La drôlerie des situations peut se trouver minorée par la difficulté du public français à reconnaître les prestigieux réalisateurs se prêtant au jeu avec gourmandise. Découvrir la dinde débiner de manière grotesque Pretty Woman devant Garry Marshall, c'est juste énormissime.

Les malheureux metteurs en scène ne comprennent visiblement pas qu'il doivent filmer Jenny Schecter vue par Jenny Schecter, en interférant le moins possible. Le couronnement demeure l'apparition de la toujours irrésistiblement énigmatique Marina, avec son musical étonnant mais finalement réussi. On suppose qu'elle veut signifier à  Jen que tout ceci ne l'impressionne pas assez pour l'irriter, mais l'amuse simplement (contrairement aux Planet Girls, qui l'ont saumâtre). On apprécie également de retrouver comme un écho de la Jenny de jadis à travers ces échanges de regards  dont les deux femmes ont le secret.

Ces apparitions quasi muettes de Marina (en dehors du numéro incroyable de Karina Lombard sur scène, le Cirque du Ferrer !) deviennent néanmoins frustrantes par leur brièveté. Qu'elle revienne franchement et secoue Jenny par la peau du cou, cela fera du bien à tout le monde.

Ces scènes composent de plaisants confettis mais ne structurent pas véritablement un épisode. La section la plus intense de l'épisode demeure les aux-revoir de Shane à Shay, dont l'arc narratif fut une complète réussite. L'écriture de ce passage se montre efficace, insufflant de l'émotion mais sans mélo pesant ou trop démonstratif. Outre le drame de la séparation, la narration ne laisse pas s'échapper l'occasion de poursuivre la confrontation père/fille et on découvre avec plaisir Shane désormais se rebeller contre les parallèles établis par Gabriel. Mais aussi avec consternation, il est bien temps, maintenant...

Kate Moennig se montre une nouvelle fois admirable, notamment quand Shane laisse libre cours à sa douleur une fois seule, mais Éric Roberts campe lui aussi fort justement le vieux loup, ténébreux mais animé d'un vrai charisme. Paige, intervenant avec fracas et sans y être invitée dans une affaire ne la regardant en rien, irrite plus qu'autre chose, visiblement Shane n'apprécie guère non plus. La mauvaise nouvelle reste d'ailleurs que l'on va désormais avoir du Shane/Paige non stop jusqu'à la conclusion de la période...

En attendant ces scènes certainement captivantes et survoltées, Shane et Alice, l'amie secouriste des mauvais jours, nous régalent d'un final festif et gonflé, très divertissant. Un beau moment d'amitié venant idéalement conclure cet épisode un peu conceptuel,  certes agréable à découvrir mais constituant une pause parfois frustrante dans le cours des évènements, alors que s'avance la fin de saison.

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10. LIPPÉE
(LITTLE BOY BLUE)


Ouch ! Lippée ("gueuleton" en vieux François) se révèle l’épisode le plus indigeste de cette saison 4, dont il semble confirmer une inquiétante baisse de régime. Les auteurs insèrent deux importantes scènes de groupes au sein du récit, ce qui s’avère souvent une excellente idée. Hélas la première, au champ de courses, se révèle un vaste pétard mouillé, tandis que le fameux banquet intervient trop tardivement.

Entre-temps les histoires individuelles se seront montrées particulièrement vaines et bavardes, à la considérable exception de celle de Max.  La saison va-t-elle échouer au port ?

Le manque de consistance des arcs individuels détonne totalement au cours de l’épisode. Du côté de Kit, rien de nouveau, elle continue à s’imbiber et coule comme le Titanic, à force d’incorporer du liquide. Certes Pam Grier sait se montrer expressive mais ce marasme immobile dure trop, on a vraiment envie que Kit décide si oui ou non l’histoire se termine. À force de ressembler à Sue Ellen, elle fait ressembler The L Word à Dallas. De plus Angus est une nouvelle fois réduit à une simple silhouette, hop ! une apparition et puis s’en va.

La saison aura nettement moins développé la figure d'Angus que la précédente, on peut aussi y voir une conséquence d’un trop plein de personnages. La série aura été très gourmande là-dessus récemment et « Qui trop embrasse mal étreint ». Quant à Papi, de sensation humoristique et sexuelle de la saison elle se voit passée au rang de confidente de Kit, et se borne à émettre quelques platitudes. Cela aurait été rendre service au personnage de l’insérer au sein d’un arc drôle et tonique de quelques épisodes (comme le vampire d’Alice), au lieu de le prolonger sur toute une saison, sans qu’il en ait l’étoffe.

Adonc Paige et son chapeau synonyme de bon goût et d’élégance frappent à porte de Shane. S’ensuit une conversion assez mièvre, d’où il ressort qu’elle fait sécher la classe à son gamin pour dragouiller sa copine, le genre de détail qui pose un personnage. Du côté de Shane, on ne note pas grand-chose non plus, elle paraît éteinte ici, en même temps c’est difficile de toujours sauver les scènes. Cette fois Shane est comme nous, elle en a un peu ras la casquette et décide que non, elle ne fera pas d’étincelles et laisse les clés du camion à la Paige. Paige nous conduit ainsi à l’édifiante scène de la glace. Alors, il existe plusieurs écoles concernant  les personnages féminins et la manière d’en manger une.

Il y a celles qui instillent de la fantaisie et de la complicité avec leur partenaire (comme Dana Scully dans The Unnatural), ou celles qui dégagent un érotisme torride, agrémenté de la petite touche d’humour qui va bien (comme Surfer Girl dans Californication). Et puis il y a celles qui se bâfrent juste une glace, quoi, comme Paige Sobel dans The L Word. Là on se dit qu’il est vraiment temps que la série tourne la Paige (oui, bon, on s’ennuie).

Par ailleurs Tina et Jenny finissent par trouver la perle rare en la personne de Kate Arden, incarnée par la divine Annabella Sciorra (tiens, encore un nouveau personnage, quelle surprise). Sa présence confirme la prédilection fort agréable de la série pour les actrices au long cours, de même qu’elle se montre des plus prometteuses car Annabella vient d’enflammer l’écran par son rôle de la sulfureuse Gloria dans The Sopranos.

Hélas on déchante bien vite, car Kate ne dégage par grand-chose par elle-même, hormis un début de flirt avec Tina, dont on sent bien qu’il n’ira pas beaucoup plus loin que cela. Tina est charmée mais pas vraiment accrochée. Surtout Kate demeure l’occasion d’un déluge entrecroisé de flagorneries  qui va concerner également Tina, puis plus tard Jodi. Cette accumulation de superlatifs se veut peut-être ironique mais devient vite irritante et achève des dialogues déjà moins percutants qu’à l’accoutumée. De plus la seule justification que pourrait présenter la nouvelle Jenny est de faire rire.

Or elle apparaît ici en deçà de ses numéros grand train des épisodes antérieurs, se contentant de s’agacer en silence de l’attention portée par Kate à Tina plutôt qu’à elle-même, ou de demeurer de marbre durant la course. Tout ceci demeure relativement anodin, et l’on s’aperçoit alors que, si dépourvue de son humour basé sur la surenchère permanente, Jenny n’apporte alors plus grand-chose.

Ces différentes histoires coïncident une première fois lors de la session du champ de course. Cette séquence déçoit par la relative inanité des dialogues. Le passage ressort extrêmement bavard mais l’on a du mal à y discerner les répliques électriques faisant de coutume le charme de ces réunions.  La mise en scène échoue partiellement à reconstituer la fièvre du lieu et a de plus recours à quelques poncifs, comme les chevaux filmés au ralenti. Tasha/Alice connaît ici sa seule scène vraiment importante, avec l’évocation de l’interdit ("Don't ask, don't tell") alors encore en vigueur dans l’armée américaine concernant l’homosexualité. Il apparaît logique que le débat existant alors sur cette question (et tranché uniquement par l’élection d’Obama) soit relayé dans The L Word.

Mais il ne s’agit que d’une accroche, avant, sans doute, des développements futurs. La séquence se montre surtout dominée par Catherine/Hélèna, mais ce couple manifeste toujours les mêmes travers (épate à tout crin, sentiment de danger pour Hélèna) empêchant que l’on adhère vraiment. La recherche de l’effet peut conduire à l’excès, Catherine et Hélèna folâtrant  au vu et au su de tous, c’est un peu gros.

Le fameux dîner de Bette apporte une certaine relance de l’épisode, notamment par des dialogues enfin crépitants et amusants. N’intervenant que dans le dernier tiers du récit, il se voit cependant précédé par une trop longue phase de préparation, soulignant par trop une énième question à résoudre pour Jodi/Bette, le dirigisme de cette dernière. Vraiment cette valse hésitation permanente nous épuise par la réitération perpétuelle du même modèle problème/crise/solution. Que le problème provienne cette fois de Bette au lieu de Jodi ne change rien à l’affaire, décidément le couple déçoit après des débuts prometteurs.

De plus cette minutie dans l’exposé de la préparation de la « lippée » se montre assez fastidieuse, on se croirait par moments dans un numéro laborieux de Un dîner presque parfait. La seule vraie respiration interrompant ce pensum demeure la visite de Tina, nous valant des réactions de Tina aussi divertissantes qu’éloquentes à propos d’une bonne fortune possible avec Kate.

 La coda de l’épisode survient avec la terrible confrontation Bette/Jodi, qui donne un authentique coup de poing au spectateur par son côté inattendu, sa violence et le flamboiement du jeu des actrices. Sur le fond on se range plutôt de côté de Bette : c’est normal qu’elle réagisse en voyant sa sœur se détruire à nouveau, elle ne va pas dire « C’est ton choix, je le respecte ». Elle s’est sans doute montrée maladroite avec ses traductions, mais croire qu’elle a choisi délibérément ce que Jodi devait entendre ou pas semble un peu parano. Il est plus vraisemblable qu’elle ait traduit tout ce qu’elle a pu et que des choses lui ont effectivement échappé. 

Quant à la réaction de Bette vis-à-vis de Tina elle est purement émotionnelle, et non préméditée. Au lieu de jouer les martyrs, Jodi devrait réfléchir à ce que cela sous-entend et en tirer les conséquences ! L’épisode se conclue sur une porte claquée qui peut indiquer soit un stade terminal, ou soit que l’on se situe toujours sur le cycle crise/réconciliation propre à Jodi/Bette mais amplifié et développé sur plusieurs épisodes, comme arc de fin de saison. Mais deux épisodes semblent bien brefs pour retenir la première option…

La partie la plus relevée de l’épisode revient cependant à Max dont le retour aux sources s’avère un beau moment d’émotion. On apprécie la vraisemblance de la conclusion, différente d’un happy end sirupeux. Le père, admirablement incarné par le vétéran Winston Rekert, rompt en partie la succession de figures paternelles souvent sombres ou en opposition avec les héroïnes, mais ne va pas plus loin que ce qui lui demeure culturellement admissible. Que Max comprenne cela et ne désire provoquer un esclandre pour affirmer sa personnalité en dit long sur la sagesse acquise depuis les débuts tourmentés de sa transition.

Cette histoire très humaine vaut aussi par son évocation d’une certaine réalité sociale et par le portrait de deux sœurs antagonistes, dont l’une serait très copine avec Fae Buckley. Max bénéficie du jeu toujours très sensible de Daniela Sea, ainsi que d’une jolie complicité avec Grace, mais sa marginalisation au sein de la série apparaît toujours plus criante. On n’a pas souvenir d’un personnage décrivant une trajectoire aussi durablement disjointe des autres protagonistes de sa série.

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11. LARGUEZ LES AMARRES
(LITERARY LICENSE TO KILL)


La saison récupère son tonus à l’occasion de Literary License to Kill. Les situations et les dialogues se montrent derechef parfaitement divertissants. Par ailleurs les différents développements de l’action mettent en place le décor du final de la saison, en introduisant plusieurs éléments de suspense.

Max apparaît à l’heure du choix, après avoir mis fin à son expérience professionnelle devenue un calvaire. Que la jeune fille qu’il avait aidée en tire cyniquement profit ajoute une touche amère à l’ensemble, mais assez réaliste. Après son échec dans le monde hétérosexuel, il se réfugie dans sa communauté et ce repli semble l’inciter à aller plus loin encore, chirurgicalement, dans sa transition.

Daniela Sea se montre toujours aussi expressive, mais il faut dire que ce versant de sa personnalité nous demeure très étranger. Sa scène d’amour également particulière avec Grace semble lui faire hésiter là-dessus. Le fait de savoir si Max continuera toujours à aller plus loin ou s’il finira enfin par s’accepter tel qu’il est constituera une sensible interrogation psychologique pour le final de la saison.

Hélèna semble enfin se révolter contre la vie insensée que lui fait subir Catherine, dans ce couple toujours plus déséquilibré. Sa manière de tenter de sauver la face auprès de ses amies reste toujours aussi divertissante, notamment lors de l’excellente scène de la boutique, particulièrement pétillante. Si elle sera enfin capable de briser le joug et de tirer parti de ses expériences (l’apprentissage est l’un des grands thèmes transversaux de cette saison) trouvera, on l’espère, une réponse positive. Hélèna nous aura divertis durant cette saison, même si l’on estime que les Instances Supérieures ont eu la main trop lourde sur ses malheurs.

Le couple Alice/Tasha connaît sa première vraie passe difficile autour de l’engament militaire de Tasha. Cette dimension, finalement relativement peu exploitée jusqu’ici, explose avec force en cette fin de saison, ce qui laisse entrevoir des développements pour la suivante. Même si le segment est mis efficacement en scène et interprété avec sensibilité par Rose Rollins, le coup du trauma de guerre demeure néanmoins passablement cliché.

On trouve nettement plus porteur le développement sur l’intégration de l’homosexualité dans l’armée, l’épisode évitant de camper l’officier supérieur de manière caricaturale. Le risque d’un départ pour l’Irak fait un peu trop ficelle de cliffhanger de fin de saison, mais cela reste efficace. Il faut sauver le soldat Williams !

Que c’est mignon tout plein la fête anniversaire tout à fait surprise et inattendue organisée par Shane ? On n’a jamais vu ça ailleurs, et cela se montre d’une force émotionnelle rare. Dire que l’on croyait à un moment que la série allait nous raconter quelque chose comme Shane reportant son affection sur le fils de Paige, et par suite un malaise chez celle-ci. Non, non, c’était la surprise. Au moins c’est rigolo, on se dit que non, cela ne peut pas être ça, et puis si, et là, forcément, on rigole. Kristanna Loken n’aura sans doute pas défrayé la chronique mais il faut reconnaître que les auteurs ne l’auront pas beaucoup aidée non plus. Des scènes intéressantes pour Shane en saison 5 ?

Papi et Kit sont maintenant fixées, tant mieux : elles vont pouvoir passer à autre chose et nous aussi. Kit commence à se rapprocher d’Angus et à prendre conscience de sa dérive, bah oui, le final approche. Bon.

L’épisode nous vaut également une nouvelle apparition de Léonard, même si moins originale que l’agora du lit d’Alice. Il a beau essayer, cela ne passe pas, en même temps cela demanderait une abnégation assez formidable. Cybill Shepherd et Bruce Davison se montrent toujours aussi épatants dans le registre tragi-comique, avec une alternance de moments drôles et émouvants, très convaincants de la part des deux bords. On en redemande. L’apparition de la fille de Cybill étonne tant la ressemblance est forte, mais, si elle démontre du tempérament, son jeu reste encore très démonstratif. Cette seconde scène convainc moins que le dialogue précédent.

Mauvais temps pour les couples hétéros, (on a un peu la revanche de la fin de la saison 3), cela se termine entre Henry et Tina, concluant sur une scène forte. On découvre leur intérieur, légèrement tardivement… Bon, comme avec Léonard, le message reste très appuyé : que les hommes sont mortellement ennuyeux, mais c’est la saison 4, on en a pris son parti. Tina revient au bercail et peut poursuivre son léger flirt avec Kate. Rien de bien consistant sur ce point, malgré le charme des interprètes.

L’intérêt en réside dans son versant humoristique percutant, à propos du ras le bol exprimé autour du show Jenny Schecter. On ne nous montre pas de scène entre l’auteur et la réalisatrice, mais laisser travailler l’imagination du spectateur là-dessus est astucieux. Mine de rien, sur un mode léger, l’épopée Lez Girls prend des aspects de micro documentaire sur les différentes étapes de la création d’un film, c’est intéressant à suivre.

Jenny, dont il est beaucoup question au cours de cet épisode, joue l’Arlésienne et n’apparaît que très tardivement, alors que l’on renoue avec la tradition des invitées musicales au Planet (Goldfrapp, tonique et agréable, mais, encore une fois inconnue au bataillon…). Au sein de cette scène sachant mettre en valeur les différents protagonistes, Jenny se montre à la hauteur de sa nouvelle réputation en quasi ordonnant à Kate de retenir la chanteuse pour l’interpréter. Cela s’appelle clouer son cercueil, et de savoir si Kate/Tina va réussir à éradiquer le fléau constitue un joli suspense pour l’épisode final.

En attendant Lez Girls nous aura fait couler des larmes de rire avec Bette découvrant son portrait. Ces différentes scènes sont toutes hilarantes, d’autant qu’elles mettent James plus en avant que de coutume, ce que l’on aime bien. Le contraste entre la furie de Bette et ses affirmations initiales sur la beauté de la création littéraire est vraiment tordant. On adore le coup de fil comminatoire à Tina, qui n’en a pas fini d’écoper avec ce film. Vivement la retraite. Jennifer Beals sera vraiment parvenue à interpréter des scènes à la tonalité totalement différente tout au long de la saison, et particulièrement dans  cet épisode, toujours avec le même incroyable talent.

Mais encore une fois, de la scène absolument formidable la partie la plus relevée du récit se centre autour de Tina/Bette, avec l'enthousiasmante scène de la piscine, où chacune se livre comme jamais, à travers une complicité totalement retrouvée. La saison 3 si éprouvante paraît s’être déroulée il y a des siècles. Laurel Holloman et Jennifer Beals n’apparaissent décidément jamais autant incandescentes que quand elles sont ensemble.

Évidemment, après cette rencontre qui, malgré toute l’émotion dégagée, demeure sur un plan amical, la messe est dite cette saison en ce qui concerne une éventuelle reconstitution du couple. Mais le chemin parcouru autorise tous les espoirs pour la suivante, même si Bette continue pour l’heure  à s’enticher de Jodi.

 Entre persistance de la non communicabilité, départ précipité de Jodi, histoire composée d’une succession de confrontations, antagonisme de caractères entiers, et tandis qu’un rapprochement fort s’opère avec Tina, on se demande si Bette ne refuse pas avant tout l’idée de l’échec, en particulier avec une artiste. Il y a une part de snobisme et de narcissisme entrecroisés chez Jodi/Bette.

Dans la même veine d’humour involontaire que lors de l’anniversaire de Paige, l’atelier des étudiants de Jodi ressemble puissamment à un décor de film d’horreur de série Z, entre pénombre, roues dentées, assemblages métalliques divers. On en a vu de semblables dans bon nombre de nanars.


12. LONGUE SERA L’ATTENTE
(LONG TIME COMING UP)


Surprises, humour, sentiment, rebondissements… Cet ultime épisode répond à toutes les attentes et se montre étonnamment rempli pour ses cinquante minutes. De nombreuses scènes se vivent comme des morceaux de bravoure mais l’ensemble ne donne pas l’impression d’une accumulation forcenée.

Au contraire le récit demeure savamment coordonné et se conclue par une vaste scène d’ensemble en forme de bilan pour la majorité des personnages, une formule convenant finalement mieux à The L Word que le traditionnel cliffhanger. À noter également une superbe bande-son, avec de superbes chansons de l’étonnante Toshi Reagon, un régal.

Papi n’est plus la fille irritante et frimeuse des débuts de saison. Mais si elle paraît davantage sympathique, le problème demeure que son ancienne personnalité n’a pas été remplacée par autre chose, le personnage devient vraiment transparent et Janina Gavankar demeure à la traîne vis-à-vis des fabuleuses actrices de la série. On apprend enfin son vrai nom, mais cela marque beaucoup moins que concernant Big dans SatC

Kit commence à apercevoir la sortie du tunnel, tant du point de vue de l’alcool que de sa relation avec Angus, qui se réchauffe. On s’en réjouit pour elle mais tout cela reste  néanmoins anodin, surtout en regard de ce qui se déroule ailleurs dans la série. Kit/Papi/Angus ne constitue vraiment pas le point fort de cette saison. De même que Paige/Shane, qui continue à enfiler les perles. Les discussions avec le gamin sont cousues de fil blanc au possible, et le couple paraît aussi peu électrisant que de coutume. Cette histoire de vivre ensemble laisse vraiment sceptique, ce ne serait plus Shane… Bonne chance à tout ce petit monde pour la saison 5 !

La conclusion de la saison se déroule sans rebondissement majeur pour Tasha/Alice, dont l’arc se termine sur une vraie interrogation concernant le maintien de Tasha dans la série. On espère que les auteurs vont trouver une solution sur cette question, tant on s’est attaché à elle au fil des épisodes. Son départ prochain, et la préparation de la fête, permettent de nous offrir un nouveau point de vue sur l’étonnant talent de Leisha Hailey, dont la colère désespérée se montre parfaitement éloquente. Le moment le plus renversant demeure néanmoins l’apparition surprise de Dana, qui signe tout de même à cette occasion le retour ultime d’un personnage dans la série !

La scène se déroule sur modus operandi similaire aux apparitions de ce looser de Billy à Ally McBeal ou de Lew  à Hank à la fin de la seconde saison de Californication.  Le procédé  apparaît toujours aussi efficace, grâce à une mise en scène intelligemment dépouillée, des dialogues finement ciselés à défaut d’originaux, et à des actrices possédant leur rôle sur le bout des doigts, sachant intensément retrouver la complicité de jadis. L’impression de véracité est si forte qu’elle ne pourra que finir par titiller les amateurs de série fantastiques, qui s’interrogeront fugacement sur ce qu’ils sont en train de regarder. Difficile de ne pas songer au pur chef d’œuvre que constitue Dead Like Me. Le revers de la médaille reste que ce passage nous envoie à la figure à quel point Dana manque à la série. Et c’est violent.

Cette conclusion est la croisée des chemins pour notre Jenny, qui, d’une particulièrement cinglante, se voit présenter l’addition pour son délire mégalomaniaque exprimé avec son style particulier tout au long de la saison. Jenny a montré bien des visages depuis son arrivée à West Hollywood mais n’a au grand jamais été idiote, aussi déjoue-t-elle facilement le petit complot de Tina et Kate, mais la personnalité intégralement grotesque qu’elle a désormais  revêtue se retourne contre elle.

C’est à un drame que l’on assiste mais la prise de bec avec Tina s’avère vraiment hilarante, tandis que l’on aime bien comme Annabella Sciorra exprime l’effarement amusé de Kate. On prendrait bien Jen en commisération, mais elle commet ici l’irréparable. Sous nos yeux exorbités d’horreur, le chien immonde qu’elle a acheté pour ressusciter Sounder se révèle le sosie du funeste Queequeg des X-Files.

Mais qui sont ces monstres poilus hantant nos séries télévisées ? Donc plus de pitié pour la Jenny, fini, terminé. Bon, en vérité on trouve très dure la scène implacable et remarquablement construite où Kate et la journaliste revenue du diable Vauvert cisaillent l’écrivaine. Jen a certainement des torts mais la cruauté délibérée et glaciale de Kate fait vraiment froid dans le dos. On plaint la pauvrette, en espérant qu’elle sortira de cette aventure sans séquelles. Enfin, on la plaindrait sans le clebs de l’enfer.

La même Kate, plutôt discrète et gentiment séductrice jusqu’ici, se révèle réellement dans cet ultime épisode, en nous offrant une description très fine de l’état actuel de la relation Bette/Tina. Et effectivement Kate n’a pas grand-chose à espérer tant notre valeureuse Tina est accrochée à sa Bette. Le retour de la Tina que l’on aimait, sensible et généreuse, aura été l’une des meilleures surprises de cette saison, et l’on ne peut que regretter de ne pas l’avoir vue davantage.

Elle pousse ici le tact et la délicatesse jusqu’au péril mais, en définitive, une reconstitution du couple à l’issue d’une saison aussi mal débutée aurait pu paraître trop expéditive. Et puis, comme il s’agit du fil narratif le plus captivant de la série, autant prendre son temps. La saison 5 aura tout loisir de nous relater la chute de la Jodi, tout en tâchant de nous intéresser à ses assemblages abscons et passablement prétentieux (on positive comme on peut, hein).

Malgré tout on s’attriste devant l’ampleur de l’erreur de jugement commise par Bette, au terme d’une saison dont elle aura été l’incomparable locomotive (avec en partie Alice). Cet aveuglement se manifeste ici  avec  des effets contrastés. Le final semble trop appuyé et emphatique, avec cette apparition peu crédible de Bette juchée  sur son tracteur et une mise en scène volontiers pompière. Mais le talent des comédiens, Jennifer Beals en tête, lui conserve de l’impact. Finalement on retrouve simplement le binôme crise/réconciliation si classique chez Bette/Jody, une fois de plus…

À l’opposé, la recherche du cadeau de réconciliation nous vaut l’exceptionnel passage que constitue le raid sur cette enseigne effectivement très design. Depuis le commencement  on apprécie ces réunions parcellaires du groupe, autorisant des combinaisons inédites. De plus avec Bette, Alice et Shane, on dispose tout de même ici de la Dream Team de la série. Tout ce passage est un éclat de rire permanent, mettant parfaitement en valeur les psychologies des personnages. La crise de nerfs d’Alice hurlant à Bette de s’enfuir pour sauver sa vie, c’est franchement irrésistible. Du grand The L Word pour le final de saison !

Le seul regret de ce passage tient à son démarrage. On y découvre Max expliquant aux trois femmes  ses hésitations avant de prendre une décision l’engageant pour la vie entière, et on a un peu l’impression qu’elles ne sont que médiocrement intéressées. Même quand il a enfin une scène en commun avec les autres personnages, Max demeure isolé, c’est assez irritant. Et, bien entendu, Max ne sera pas de la fête finale, alors que rien ne l’empêcherait vraiment dans le scénario si sa présence était désirée.

À l’inverse le clin d’œil de Phyllis et de la toujours tonique Joyce est fort bien trouvé. C’est astucieux et, en définitive, crédible. On tient sans doute là le couple lesbien le plus hype de Los Angeles. Ayons une pensée pour ce pauvre Léonard…

Cette soirée organisée par Tasha conclue l’épisode et la saison d’excellente manière. Elle permet de mesurer le chemin parcouru par chacun des personnages, alors que la période avait débuté par une réunion similaire du clan au Canada. La mise en scène se montre volontiers esthétique et navigue avec aisance d’un groupe à l’autre, tandis que les dialogues efficacement ramassés permettent de prendre de parlants clichés de la situation. Hélèna finit par acquérir son indépendance mais d'une manière bien dangereuse pour la suite. L’image de Tasha et Alice, tendrement enlacées, contemplant le lever de soleil au seuil de leur séparation, c’est peut être cliché mais cela émeut tout de même.

À l’opposé on trouve l’image aux frontières du grotesque de Jenny en train de contempler également le paysage, l’immonde chien à la main. Il faut dire que Jen la Paria se distinguera jusqu’au bout. Cela débute par une conversation touchante avec Shane, qui par ricochet nous fait ressentir à quel point il y a peu eu de contact entre les deux filles cette saison ; cela n’est sans doute pas sans rapport avec l’évolution négative de Jenny, Shane étant celle qui est déjà allé la chercher au fond du trou, antérieurement.

On ne sait pas quoi penser de cette image de Jenny  dérivant dans son esquif, un symbole appuyé, une volonté poétique ? On reste dans l’expectative, en espérant retrouver la vraie Jenny la saison prochaine.

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Crédits photo : FPE.

Images capturées par Estuaire44.