Open menu

 saison 1 saison 3

The L Word (2004-2009)

SAISON 3

 


PRÉSENTATION

Cette saison voit l'entrée en lice de deux personnages, Angus, nouveau représentant des mâles hétérosexuels, succédant à Tim et Mark, et Moira/Max qui va  élargir le propos de la série à la communauté Trans. Mais, débutée six mois après Lacuna, cette période développe surtout un étonnant virage narratif, de nombreux personnages manifestant des caractères résolument opposés à ce qu’ils avaient démontré jusqu’ici.

Cet exercice de style apparaît maîtrisé mais sollicite parfois un public désorienté de ne pas reconnaître ses héroïnes préférées. Des tendances narratives lourdes se dessinent, alors que le changement s’étend à l’atmosphère même de la série, nettement plus sombre qu’auparavant, parfois jusqu’à en devenir éprouvante. C’est ainsi que la plupart des couples se fissurent jusqu’à la rupture, y compris celui de Bette et Tina, que la saison 2 avait pourtant laissées réconciliées.

Cette montée de la noirceur culmine avec le départ tragique d’un des personnages les plus attachants, Dana.

Par ces choix audacieux, The L Word parvient à se renouveler en évitant l’artificiel, tout en maintenant sa qualité d’écriture et d’interprétation, mais en maltraitant quelque peu ses fans !

Retour à l'index


1. LAISSÉE POUR COMPTE
(LABIA MAJORA)


La nouvelle saison débute comme la précédente, par une synthèse fort bien orchestrée des évènements écoulés, de quoi égrener agréablement quelques excellents souvenirs (Tina et la nouvelle discipline olympique du lancer de table). D’autant que The L Word nous rassure quant au maintien de son savoir-faire lors d’une de ces introductions 70’s dont elle a le secret : soin étonnant apporté aux décors, situations et dialogues totalement survoltés, pas de doute on est devant la bonne série.

À noter une petite nouveauté, avec la rencontre du jour donnant lieu à un graphique dans le style de la Toile d’Alice. Gadget ou jeu de piste tout au long de la saison, suspense !

Six mois plus tard à West Hollywood… La série n’hésite pas à accomplir un saut temporel nettement plus conséquent que la dernière fois, entraînant diverses conséquences. Tout d’abord une profusion capillaire généralisée, tout plein de cheveux partout, j’adore, en particulier pour Jenny qui renonce à la tonte monacale pour retrouver ses ailes de corbeau qui lui vont si bien. Mais l’essentiel de cet épisode, organisé dans la traditionnelle configuration d’exposition, va consister à détailler en quoi cette longue période a influé sur la vie de chacune des filles, levant ainsi le décor sur la nouvelle période.

La principale évolution concerne Dana et Alice, dont le couple a finalement volé en éclats durant l’intersaison du fait de l’irrésistible (encore et toujours) Lara. On pourrait demeurer frustré d’avoir été privé de ce passage, mais après tout l’on comprend que les auteurs n’aient pas voulu raconter une rupture  douloureuse pouvant apparaître comme un doublon de Bette/Tina.

Et du nouveau on en trouve effectivement, avec Alice. Tandis que Lara et Dana rayonnent sur leur petit nuage, Alice introduit de facto un ton original dans l’univers de la série, le tragi-comique. Jusqu’ici on avait des scènes dramatiques ou drôles, excellentes mais tranchées. Avec Alice les auteurs prennent le risque de mêler les deux, un pari audacieux mais gagné haut la main grâce au  génie humoristique avéré de Leisha Hailey. Celle-ci nous régale de diverses scènes hallucinantes qui auraient été tragiques chez toute autre mais qui ici font aussi éclater de rire (Mad Max à L.A., l’émission radio, le show au Planet et chez Tina/Bette…) Un vrai festival !

L’on est moins convaincu par le statut de bonne copine jailli de nulle part existant entre elle et Helena. On avait ressenti une réelle difficulté à faire participer la New-Yorkaise au Clan et la série semble utiliser la jointure entre les deux saisons pour passer outre, ce qui ressemble tout de même à une facilité scénaristique. Et puis cette histoire de lecture de cartes à la Solitaire, cela reste un peu puéril.

On remarque également que Mark semble s’être évaporé, on espère tout de même que la série accordera une scène de départ (comme pour Tim) à ce personnage ayant, lui aussi, contribué au succès de la saison précédente.

Jenny paraît avoir renoué avec sa bonne forme (houlà ! des scarifications même sur le ventre, il était vraiment temps), on apprécie de la revoir ainsi mais l’on regrette que le couple de ses parents verse à ce point dans la caricature. Les dialogues de leurs affrontements semblent quelque peu fabriqués et théâtraux. Ils nous valent cependant la joie de retrouver Margot Kidder, inoubliable Lois Lane, soit une nouvelle icône des 80’s dans une série qui va finir par en constituer un mémorial. Ah, la, la ! On découvre également un nouveau personnage, sa petite amie semblant elle aussi passablement tourmentée. Ce n’est pas forcément ce dont Jen a besoin et Moira ne montre par encore grand-chose pour l’instant, mais laissons faire le temps.

Nouvelles galères pour Tina et Bette, liées au chômage (Bette a du mal à recommencer plus bas) et  au manque d’appétit sexuel ; finalement elles seraient, pour partie, devenues « les ennuyeuses » que prédisaient les copines en première saison. Cela nous vaut une scène irrésistible chez la sexologue, on se réjouit de retrouver un registre humoristique avec ces deux-là, un élément pour le moins rare dernièrement. Tina et Bette sont aussi convaincantes pour nous divertir, le passage acidulé de la déléguée sociale en constitue d’ailleurs un parfait exemple (excellente Cynthia Stevenson, dont on est fan depuis Dead like Me).

Mais le meilleur reste le couple si épanoui  de Shane et Carmen. Les scénaristes ont la judicieuse idée de développer l’environnement de celle-ci et c’est pile ce dont elle avait besoin, elle qui n’avait été considérée jusqu’ici qu’à travers les histoires sentimentales de Shane et Jen. Le personnage gagne en profondeur, alors que The L Word se décide enfin à exploiter sa nature hispanique. On éprouve un vrai coup de cœur pour cette maison (décors une nouvelle fois soignés), en particulier la mère si généreuse, avec au passage des considérations assez justes sur la société hispanique. Et puis Shane en robe de communiante c’est juste psychédélique. Ah, on aurait pu juste éviter la Cucaracha au klaxon : ça, cela fait un peu cliché.

Au total, s’il ne comporte pas vraiment de scène majeure, l’épisode remplit parfaitement son contrat : la saison 3 se voit mise efficacement sur les rails pour chacune des filles. L’écriture évite que ce procédé paraisse un peu artificiel en entremêlant les scènes d’installation par des discussions hilarantes au Planet, notamment concernant les dénominations d’un certain endroit. The L Word est bien de retour !

Retour à l'index


2. LONG WEEK-END
(LOST WEEKEND)


Même si un peu papillonnant dans sa forme, avec une multitude de scènes courtes et souvent isolées les unes des autres, Lost Weekend apparaît comme un épisode très riche, particulièrement agréable à suivre.

Il apporte une très bonne nouvelle, pas encore tout à fait perceptible dans le précédent : l’association amicale Helena/Alice fonctionne en fait excellement. On retrouve des intonations à la Alice/Dana de la saison 1, avec une ribambelle de scènes hilarantes et touchantes (mention spéciale au « Lez Cleaning »venu d’Ailleurs). Si Alice demeure égale à elle-même, on observe une évolution positive chez Helena, plus humaine et chaleureuse (toujours snob).

Pour quelle raison Helena continue-t-elle à fréquenter un groupe l’ayant proprement rejetée la saison dernière ? Qu’est-ce qui provoque son évolution ? Pourquoi le Clan l’accepte-t-il finalement assez facilement, malgré un fugace froncement de sourcil de Bette (timide concession à la vraisemblance) ? Sauf révélation future, on n’en saura rien, du fait du trou noir si pratique de l’intersaison. Bah, qu’importe, The L Word  a trouvé un nouveau moteur humoristique, c’est le principal, d’autant que la sublime Rachel Shelley incarne à la perfection son personnage.

Mais le rire n’est certes pas une denrée rare dans cet épisode, grâce à un couple Shane/Carmen continuant à susciter bien des étincelles. Évidemment Lost Weekend n’apporte rien de bien nouveau concernant les deux brunes incendiaires, Shane y poursuivant son trip hétéro dans l’irrésistible famille latina de Carmencita. Más de lo mismo, mais les situations s’avèrent tellement irrésistibles que l’on en prend volontiers une seconde portion. Shane en escarpins ou en jeune femme modèle, on ne s’en lasse pas, d’autant que sa compagne ne laisse pas passer l’occasion de la titiller gentiment. Et puis bon…

Des scènes chaudes, il y en a déjà eu un nombre certain depuis le lancement de la série, mais, avec la danse incandescente de Sarah Shahi, on tient la numéro un sans problème, pour un bon moment. On vote massivement un blâme à Jenny pour n’avoir pas téléphoné deux minutes plus tard… Difficile de regarder Life après cela ! Après avoir récupéré ses esprits, on remarque que Mark a bien pris la tangente sans explication. So long, Mark ! Dommage, l’enregistrement aurait bien plu au producteur.

Lost Weekend lance toutefois une nouvelle piste, et pas des moindres, concernant Tina/Bette. L’épisode exacerbe les diverses difficultés du couple (chômage, inappétence sexuelle, adoption difficile…), jusqu’à montrer une Bette angoissée au point d’en perdre le sommeil (superbe Jenny B.) et d’en faire l’aveu à une Tina endormie. Ceci exprime éloquemment l’incommunicabilité s’étant instaurée entre elles. Cela suffirait déjà à alimenter une chronique intimiste et désenchantée sur une inéluctable divergence de deux êtres pourtant unis par l’amour (on songe au cinéma d’Antonioni).

Mais The L Word lance un vrai pavé  dans la mare avec la conclusion montrant une Tina attirée par le sexe proclamé fort, un vrai twist allant sans doute infléchir l’ensemble de la saison. Pourquoi pas, on va laisser le temps au temps d’en déterminer l’intérêt, mais, tout de même, la série donne l’impression de s’acharner contre la particulièrement appréciée Bette. Après deux saisons à accumuler des coups de Trafalgar divers et variés, maintenant ceci. Même si, après l’épisode Dinah Shore, on sait qu’il s’agit d’un retour aux sources pour Tina, on se demande ce qui va bien pouvoir encore survenir à Bette dans l’avenir.

Un enlèvement extra-terrestre ? Le Terminator va-t-il la confondre avec Sarah Connor ? Enfin, wait and see

Une autre évolution inquiétante semble également menacer Dana. Elle et Lara apparaissent une nouvelle fois totalement transparentes dans cet épisode, malgré de méritoires efforts moussants. On peut y voir une mise en retrait temporaire pour éviter le trop plein d’histoires à gérer, ce qui annoncerait un développement à venir, avec la fameuse grosseur en ligne de mire. Mauvais karma…

Cette absence permet cependant d’accorder de l’espace à ce qui constitue l’authentique spécificité de l’épisode, le road movie de Jen et Moira/Max. Calibrée pour faire connaissance avec la sympathique Moira, cette balade pourrait ressembler à un doublon de celle vécue par Jenny durant la première saison, mais s’avère très différente, non plus en apesanteur planante et continue mais ancrée dans le réel et segmentée en scènes autonomes. Cela paraît nettement plus conforme aux canons du genre, mais l’on apprécie vivement cette odyssée dans une Amérique profonde bis, à la fois rurale et gay, soit un univers rarement vu à l’écran. Entre Rednicks abrutis et Bal des Ours, on savoure ces tranches de vie cocasses, tendres ou violentes, loin de L.A., tandis que les deux filles achèvent de se trouver.

On éprouve un vrai coup de cœur pour Moira, qui a su préserver une belle âme malgré l’hostilité permanente. La voir conserver ses espérances à l’approche de la grande ville, malgré les avanies de l’existence, demeure très touchant. Elle apporte également à la série la participation d’un autre segment de la communauté lesbienne, car acceptant visiblement plus mal sa féminité que les Lipstick lesbians du Planet. On attend avec impatience son intégration au groupe.

Les seules authentiques déceptions proviennent des hommes. Le fils de Kit n’en finit plus de paraître arrogant et caricatural, jusqu’à l’excessif. L’on ne croit pas du tout à la scène hallucinante où on le voit détruire Bette et Tina devant le Dragon à Roulettes. Un refus de se prêter au jeu (c’est son droit), suivi d’un départ discret, aurait paru bien plus vraisemblable.

On n’apprécie pas du tout l’humour volontiers vulgaire et surtout satisfait de soi du crispant Bill, autre nouveau venu (Bette a tout bon). Son seul aspect amusant reste d’être incarné par Alan Cumming, soit le déjà grimaçant Boris de GoldenEye. Où va le Planet ? Enième mâle hétéro destiné à ne pas désespérer le marketing de Showtime, Angus fait bien pâle figure à côté de Tim et Mark. Ces deux-là développaient une personnalité que l’on appréciait ou pas, mais qui avait le mérite d’exister. Ici c’est juste le néant, le type sympa à la guitare. Super.

Au total, l’épisode (qui confirme la réjouissante énigme du jeu de piste des intros) se suit avec un plaisir des plus vifs et confirme le maintien de l’inspiration de la série à l’orée de la nouvelle saison.

Retour à l'index


3. LÉGER DÉCALAGE
(LOBSTERS)


Après une ouverture moins tonitruante que les précédentes (mais qui fait frémir en associant la bonne sœur si paisible à l’introduction précédente), Lobsters va vite apparaître comme un épisode aussi fort que particulier. En effet, il va jeter un regard nouveau sur l’ensemble du clan, nettement plus critique et négatif que de coutume, avec ce révélateur constitué par l’apparition en son sein de Moira.

Si on rajoute à cela une exacerbation toujours croissante des failles et des différents problèmes rencontrés depuis le début de la saison, tandis que l’humour se voit réduit à la portion congrue, c’est bien à une inflexion générale de l’atmosphère de la série à laquelle il semble que nos soyons ici confrontés.

À quelques exceptions près (l’éphémère boycott de Bette en cours de saison 2), le groupe du Planet nous a toujours semblé drôle, spirituel et particulièrement attachant. Généreux et ouvert également, puisque sachant faire une place à Jenny et, encore plus rapidement, à Carmen. Oui, mais nos deux amies, aussi différentes et particulières soient-elles, sont des jeunes femmes urbaines, sophistiquées, et très féminines, en un mot se situant parfaitement dans la mouvance du Planet. Elles font bien dans le décor.

Le vrai test quant à la générosité et à l’ouverture d’esprit survient quand se présente une fille ne répondant pas à ses critères, quoique développant bien d’autres qualités humaines. Et là nos héroïnes échouent clairement lors de cette épreuve, nous décevant assez franchement. L’évènement survient lors de ce qui apparaît comme le cœur de l’épisode, le long passage du dîner, impeccablement (et implacablement) écrit et interprété.

Les filles ne cessent d’accumuler les erreurs, comme  le choix de ce restaurant qui m’a réellement fait horreur par son côté guindé et snob (on espère sincèrement que ce n’est pas vers cela que Lara oriente sa carrière), mais aussi onéreux, excluant d’entrée la malheureuse Moira. Par la suite elles ne font que lui manifester au mieux une attention courtoise mais éphémère, soulignant que la vraie invitée est Jenny et que Moira n’est là qu’en extra.

Aucun accueil, aucun réel intérêt manifesté, uniquement une froide exclusion derrière la politesse de façade. Sans le dire ouvertement, les filles expriment clairement à quel point la pauvre n’est pas de leur monde. Moira qui, malgré son manque de culture, est largement aussi intelligente qu’elles (son histoire de homards est excellente), capte son rejet et, avec sa vive sensibilité introvertie, s’enfuit.

Le pire demeure qu’après son départ les Miss se révèlent incapables de toute autocritique, faisant porter le blâme à la nouvelle venue, considérée comme une malheureuse lubie supplémentaire de Jen. On peut être irrité de découvrir cette facette de leur personnalité, et ne pas apprécier le ton pris à cette occasion par la série, mais tout ceci apparaît finalement logique et inéluctable.

On apprécie que The L Word conserve à cette occasion crédibilité et force, ne transformant pas ses personnages en saintes de vitrail, ce qui les priverait de toute substance. Les filles sont des femmes comme les autres, avec aussi leurs lacunes et leurs erreurs, telle est l’identité de la série depuis son commencement. Shane s’en sort mieux puisque Shane, mais même elle ne s’implique pas vraiment pour établir un pont entre Moira et les autres, se contentant de manifester de la sympathie, tandis que l’on n’en veut pas à Jenny de n’avoir rien vu venir. Espérons que ces deux-là sauront recoudre ce qui a été décousu.

À l’inverse, deux bonnes copines vont se montrer davantage acerbes envers Moira. D’abord Alice, mais celle-ci vanne tout le monde, on apprécie sa langue souvent vipérine qui participe à sa vive drôlerie, donc ici Al fait du Al, rien de plus. Beaucoup plus mordante apparaît étonnamment la d’ordinaire si gentille Carmen, ici franchement hostile envers une Moira qu’elle achève proprement d’assassiner après son départ (Sarah Shahi montre ici l’éventail de son talent, comme un écho de son personnage très dur de Life). L’opposition manifestée par Carmen apparaît aussi frontale qu’immédiate, il faut dire que l’écart culturel entre les deux femmes (expression de la féminité, appartenance communautaire, expérience culturelle) résulte maximal et que Moira commet quelques erreurs.

Les cojones de taureau c’est rigolo mais maladroit et surtout elle calcule directement Shane comme étant le mâle et donc Carmen comme étant la petite chose fragile. Et se voir ainsi reléguée cela ne plait pas à une Latina Girl,  pas du tout ! Mais Moira semble si radieuse d’être le « mec » de Jen… Il faudrait un supplément de générosité d’âme à Carmen pour passer outre et cela lui fait défaut ici. Une pierre dans son jardin, mais encore une fois la série fait le choix de la lucidité, on aime cela.

En fait Carmen déteste peut-être par-dessus tout que Jenny l’ait remplacée comme compagne par une fille différant d’elle en tous points, ce qui pourrait presque apparaître comme un pied de nez, voire une punition. Les autres, sous l’aiguillon de Shane et Jenny vont avoir du chemin à accomplir, mais pour Carmen on part vraiment de loin !

À côté de cette dramaturgie courageuse et très aboutie de la part de la série, l’épisode comporte cependant plusieurs faiblesses. L’humour disparaît pratiquement, malgré le passage brillantissime d’Alice au Pays des Psychotropes (toujours ce ton tragi-comique original et délectable). Sa confrontation avec Dana est vraiment barbante et cliché, on préfère son jeu de piques assez bitchy envers Lara. Celle-ci  marque un peu le coup.

Par ailleurs, autant on trouve que The L Word trouve le ton juste autour de Moira, autant la série a la main bien trop lourde avec Bette, assez lamentable depuis le début de la saison, égocentrique, infatuée, quasi nulle comme ‘père’ de l’adorable Angélica. C’est trop, il n’est pas vraisemblable que Bette devienne minable à ce point (délirant qu’elle veuille payer la note du fatidique dîner). L’écriture paraît beaucoup trop appuyée ici, même si elle se résout in extremis à vendre ses gravures.

À côté de ça  Helena a droit à une promotion comme personnage super sympa, on apprécie moyen… Le train de vie de Jen apparaît toujours plus invraisemblable (quelle garde-robe !). Bill et Angus sont toujours aussi inintéressants, malgré le flirt de celui-ci avec Kit (que de platitudes et de mélo  à propos de la musique). Et surtout, vraiment, on n’apprécie pas du tout ce que laisse entrevoir l’histoire du sein de Dana, c’est peut-être audacieux comme pratique scénaristique, mais on n’aime pas, c’est tout. La voir rejeter Lara à cause de cela prend une tournure assez terrible.

Lobsters présente peut-être la faiblesse de sacrifier partiellement le reste de son propos à la confrontation de Moira avec le gang du Planet mais le résultat paraît le mériter, avec cette magnifique scène du dîner, mais aussi cette conclusion si émouvante de Moira en larmes, elle qui se faisait une telle fête de découvrir Los Angeles (image éloquente en arrière-plan).

L’épatante Daniela Sea restitue superbement la profonde souffrance d’un personnage au capital de sympathie plus élevé que jamais, à qui on souhaite réellement une seconde chance. Les filles sauront-elles rattraper le coup ?

Retour à l'index


4. LABORIEUX DILEMME
(LIGHT MY FIRE)


L’amusant et souvent inattendu voyage à travers le temps que proposent, cette saison, les introductions d’épisode se montre ici assez décevant. Hormis une provoc un peu gratuite, le passage ne vaut que par une reconstitution affûtée du look teenager des 80’s, qui n’aura pas été sans évoquer quelques souvenirs à Jennifer Beals…

C’est assez maigre et surtout annonciateur du manque de contenu de Light my Fire. En effet celui-ci appartient à cette catégorie, minoritaire, des épisodes de The L Word s’éparpillant en scènes dénuées de réel impact et essentiellement verbeuses.

On peine en effet à trouver des situations réellement fortes. Le couple Shane/Carmen qui, par son humour et son rayonnement, a beaucoup apporté à la série depuis le commencement de cette saison, en constitue la preuve la plus éclatante de par l’aspect totalement insignifiant de cette histoire de Carmen contrariée de ne pouvoir assister au lancement du salon de Shane. Déjà c’est du niveau d’Hélène et les Garçons (bon, sans les garçons), mais en plus cela se résout franchement dans le gnan-gnan total avec Carmencita qui arrive à concilier magiquement les deux soirées, avec au passage un numéro aussi affligeant de Russell Simmons que celui jadis de Snoop Dog. On en frémit de honte pour The L Word.

On a aussi droit à un passage mimi tout plein, avec Carmen en colère (cela lui va tellement bien…) quand les autres filles ne font pas leur part de boulot à la cuisine. Dommage que les caméras de Mark ne soient plus là, pour le coup on se croirait vraiment dans le Loft ou dans Secret Story. Sinon il se confirme que les créations capillaires perpétrées par Shane s’avèrent toujours aussi catastrophiques de saison en saison ; ici on s’aventure dans l’abominable. Les suggestions culinaires de Lara paraissent autrement convaincantes !

La même Lara et Dana (seule tenniswoman professionnelle à ne jamais participer à des tournois en dehors de chez elle) ne développent pas grand-chose non plus. Malgré quelques images bien tournées d’un match, on continue simplement à attendre la catastrophe annoncée d’épisode en épisode. Un de plus pour rien, même si l’on se réjouit de ce délai pour Dana qui semble marquer le coup physiquement, tout de même. La complicité des deux femmes continue à séduire mais apparaît déjà hors de sujet compte tenu de ce qui s’annonce, comme une survivance de ce qui ne sera bientôt plus. On se passionne malaisément pour ce sursis dans ces conditions.

Kit et Angus poursuivent leur flirt, toujours aussi convenu : après les considérations fumeuses sur la musique, on a maintenant droit au grand air rebattu de « Je t’aime mais notre amour est impossible », avec l’option « différence d’âge ». Difficile d’y voir autre chose qu’une tentative passablement pathétique de justifier la présence à l’écran d’Angus, la caution masculine hétéro de la saison. On regrette sincèrement les discussions échevelées et si marrantes de Mark avec les copines, autrement savoureuses que ce fade brouet sentimental. Encore quelques épisode et il en ira de même envers Tim le Looser. Si, si, Angus peut parvenir à cet exploit, on a confiance.

Un peu plus intéressant apparaît la découverte du monde transsexuel par Moira, grâce à Bill qui gagne, lui, ici, une vraie utilité en dehors de ses postures toujours crispantes. Le fait que Moira soit embarrassée et Jenny très à l’aise reste bien observé (Jenny a tout de même sacrément évolué depuis son arrivée à L.A. !). Les invités de Bill se montrent assez surprenants, parfois déstabilisants. Quelque chose me dit qu’avec Moira, The L Word va bientôt ressembler à Nip/Tuck

On apprécie également de voir Moira, se sentant paumée à Los Angeles, demander des conseils et un soutien à... Jenny ! Excellent, Jen est d’ailleurs la première à tiquer ! En même temps cette écrivaine au chômage chronique parvient à loger dans une  belle maison du très chic West Hollywood et à arborer régulièrement des tenues à plusieurs plaques, donc elle doit être fortiche, en fait. Moira ne baisse pas les bras et, pour Jen, tente de se rabibocher avec les filles en arborant une tenue plus classe.

Cela fonctionne et l’on pourrait y discerner une conclusion heureuse, mais voir tout changer du fait d’un costume souligne de nouveau une certaine artificialité doublée de snobisme chez nos amies. Tout cela paraît moins fort que lors de l’épisode précédent, mais au moins Moira et Jenny nous racontent quelque chose, elles.

Ceci dit, si l’épisode échappe à la vacuité c’est principalement à Alice et à Tina/Bette qu’il le doit. Les émissions d’Alice, pétillantes ou sensibles, toujours parfaitement écrites, continuent à représenter l’un des atouts de cette saison. Ce moment toujours à part dans un épisode nous vaut ici un gros délire (même à l’échelle d’Alice) concernant l’organe viril de Bush, une improvisation purement jubilatoire soulignée par l’irrésistible crise de nerfs de la productrice !

Le couple Tina/Bette continue à se disloquer, insidieusement mais sûrement. Il s’avère particulièrement éprouvant pour le spectateur  d’assister aux dérives des deux femmes. Tina devient limite mégère, plus directive encore que Bette à l’époque où c’est celle-ci qui faisait bouillir la marmite, et Bette continue à se réfugier dans ses chimères artistiques. Deux évolutions tristement divergentes mais fort bien conduites. Les scènes de Tina au travail convainquent (surtout grâce à une amusante Helena qui s’enflamme, prête de nouveau à ensevelir son élue sous les dollars).

Le meilleur de l’épisode reste la nouvelle odyssée de Bette sur la East Coast (une par saison !), l’exercice de style se montrant aussi riche à Washington  que lors des deux précédentes expéditions à New York. Cela fait chaud au cœur de voir Bette retrouver ses heures de gloire devant la commission sénatoriale, tandis que la rencontre, sensuelle et fine, avec la Sénatrice, impeccablement interprétée par Dana Delaney, élève considérablement la température.

Le coup de fil déchirant de Bette à Tina, comme une bouteille à la mer, renoue avec les passages si émotionnellement intenses qu’a connus le couple durant la saison 2 ! Jennifer Beals et Laurel Holloman sont vraiment fantastiques. Cela continue à se déliter entre leurs personnages, alors que Bette ignore encore les sessions très spéciales de Tina sur le Net…

Une fête nettement plus stéréotypée, car dépourvue de dialogues pertinents, de ce que l’on a connu par ailleurs, ainsi que le jeu de mise en scène assez vain du double brasero (en raccord avec le titre) viennent conclure dans la vacuité un épisode sonnant souvent creux. Pour parachever l’ensemble, le placement de produits est de retour…

Retour à l'index


5. LINDSEY76
(LIFELINE)


L’ouverture semble assez insignifiante, avec pour seule spécificité d’être totalement « Queer as folk », dans un épisode dont le titre constitue par ailleurs un clin d’œil à l’une des rares lesbiennes de cette série, Lindsey Peterson. On va dire que Showtime pratique la synergie… La bande-son déjà très fournie de la série s’enrichit également du standard absolu qu’est Feel like making love. Il ne faudrait pas se concentrer uniquement sur l’aspect rébus, en oubliant le contenu individuel de ces introductions !

A contrario,Lindsey76 va se révéler particulièrement riche. D’abord parce qu’il s’agit d’un point d’inflexion crucial pour la saison, la noirceur pointant dans Lobsters, puis un temps mise sous le boisseau par le relativement insignifiant Light my Fire, vient ici submerger l’ensemble de l’univers de The L Word, sans doute durablement. Ensuite parce qu’il s’agit clairement de l’épisode le plus chaud et explicite auquel l’on ait jamais assisté depuis le commencement ! Muy caliente, comme dirait notre Spice Latina.

Si la montée de l’ombre concerne l’ensemble des filles, le personnage sur lequel elle se focalise demeure bien entendu Dana. La chronique d’une catastrophe annoncée parvient à son terme, avec la fatidique révélation du cancer du sein et de la nécessaire ablation. L’épisode devient à cette occasion une véritable démonstration du talent d’Erin Daniels. Cette dernière restitue à merveille les vives émotions de son personnage.

Après le choc initial, Dana va progressivement faire ses adieux, sinon à la vie elle-même, du moins à celle qu’elle a connue jusqu’ici. Plusieurs stations, vibrantes d’émotion, ponctuent ce calvaire, avec un ton d’une grande justesse. Dana renonce ainsi à sa carrière qui comptait tant pour elle, lors d’une scène sentimentalement très forte où elle visionne son ultime match.

Mais l’apothéose demeure la poignante scène d’amour, empreinte de désespoir, l’unissant à Lara. C’est ici à la disparition prochaine de sa féminité qu’est confrontée Dana et la découvrir éclater en sanglots émouvrait une statue. On apprécie également de la voir garder ce fardeau pour elle et le celer aux amies, c’est tellement Dana, la pudeur de ne pas vouloir déranger.

On aime également beaucoup Lara, qui prouve ici qu’elle n’est pas qu’un radieux sourire et une assiette de gâteaux. Son constant soutien, intelligent et sensible, à Dana, paraît vraiment admirable. Et ce avec d’autant plus d’abnégation que ses efforts demeurent non payés de retour, avec une Dana se déchargeant, assez inévitablement, de son stress sur elle. C’est très noble, mais aussi très dur, et Lara semble émettre un léger appel au secours en insistant auprès de Dana pour qu’elle en parle au gang. Heureusement Alice, avec son légendaire radar, perçoit la chose, ce qui laisse entrevoir une possible réconciliation du trio.

Cette histoire dramatique, narrée avec tant d’éloquence par la série et ses interprètes, présentera un intérêt supplémentaire pour l’amateur des X-Files, par l’inévitable comparaison avec le cancer de Dana… Scully. À cette occasion le génie de chacune des deux séries s’exprime de manière bien différente. Mulder et Scully sont des personnages archétypaux, vivant dans un univers fantasmé qui n’est pas tout à fait le nôtre. Scully, hormis quelques poignants instants, subit l’épreuve avec un marmoréen courage. Et quand elle s’en ouvre, cela donne la magnifique introduction de Memento Mori (fabuleuse saison 4). On se situe constamment dans le sublime, le transcendant.

La Dana de West Hollywood montre plus de faiblesse, de fébrilité mais aussi de dureté et d’injustice envers sa compagne. Son désespoir est tourné uniquement vers elle-même, tandis que Scully trouve encore la force de penser à Mulder, qui « devra achever seul le voyage débuté ensemble ». Le propos de The L Word pourrait sembler inférieur, mais en fait pas du tout. Simplement ses personnages sont plus proches de nous, on ressent davantage d’empathie pour eux. C’est cette totale humanité des héroïnes qui nous séduit depuis le début, y compris dans leurs travers bien naturels. On retrouve cela ici, avec une force des plus rares.

Cette comparaison avec les X-Files conduit également à considérer avec pessimisme le devenir de Dana : on sait que pour elle il n’y aura pas de super méchant qui l’aime bien, en fait, venant à la rescousse avec son compère alien bourré de pouvoirs jusqu’à la gueule.

Si Dana subit le paroxysme de ce virage enténébré de la saison, les autres filles en vivent également le contrecoup. Moira connaît de nouvelles difficultés, cette fois professionnelles, dans son intégration à L.A.. Or les autres n'affrontent visiblement jamais ce genre de problèmes. La série illustre avec acuité le rejet particulier dont pâtit la communauté Trans (vers laquelle Moira/Max converge toujours davantage), en tout cas bien davantage que les lesbiennes si chics et féminines du Planet, tellement mieux acceptées socialement.

Par ailleurs on se demande si Jenny a bien pesé toutes les conséquences de son soutien au voyage intérieur de sa compagne. Jenny aime les femmes, si Moira devient totalement un garçon (y compris chirurgicalement), n’y aura-t-il pas comme un léger problème ? En même temps, avec Jen, qui peut savoir ?

Le couple si radieux de Shane/Carmen – la Morena de mi Copla déteste toujours Moira, pas joli joli, ça – se voit lui aussi rattrapé à son tour par la tourmente, car Lindey76  c’est aussi le retour de Chérie ! (Aparté personnel : hourra, Rosanna is back, hourra !, fin de l’aparté.) Dans un univers aussi délimité sexuellement, socio culturellement et géographiquement, il n’est guère étonnant de souvent tomber sur une ex, mais on éprouve un peu l’impression d’une redite de Dana/Lara/Alice.

Ce sentiment se voit vite effacé par la surprise, parce que l’on était persuadé que Shane ne répondrait pas aux avances de Chérie, d’ailleurs un peu gonflée après son largage du final de la saison 1. On croyait que c’était de l’ancien pour Shane et que ses sentiments pour Carmen étaient plus forts, elle est loin la scène « de la cuisine » ! Même si la convergence nocturne de Shane et Chérie est somptueusement filmée, on reste avec le sentiment d’une nouvelle fissure dans le petit monde de la série. Une grenade vient d’être dégoupillée, Carmen n’est pas Alice et Shane joue avec el fuego

C’est aussi bien écrit qu’éprouvant pour leur fan : Tina et Bette continuent à se désagréger en tant que couple, qu’il y ait désormais entre elles un édredon dans le lit vaut tous les discours. Les petites bouffées de complicité se raréfient dangereusement, alors que leur évolution individuelle ne prête pas non plus à l’optimisme. Tina maltraite Bette d’une manière bien pire que quand les situations étaient inversées et s’enferre dans le mensonge, avant un aveu douloureux et déstabilisateur (amusant de constater que, dès qu’elle vire hétéro, un séduisant jeune homme apparaît : le monde merveilleux de The L Word).

On retrouve les X-Files avec Bette mais cette fois avec le Bouddhisme caricaturé et le New Age bobo du calamiteux All Things, avec un résultat à peu près identique (plus bref, heureusement). On désespère du personnage et de son incapacité à prendre le réel à bras le corps cette saison. Tout cela est fort, lucide, mais on aimerait vraiment qu’elles se retrouvent et se souviennent qu’elles s’aiment, avant l’irréparable qui approche à grands pas.

Heureusement, tel un petit village gaulois résistant encore et toujours à l’envahisseur, un personnage lutte si vaillamment pour la survie de l’humour dans cette série que l’on a envie de  l’applaudir : Alice (tout ne doit pas mourir). Elle nous régale ici d’un de ses stand-up les plus réussis, avec des morceaux de choix comme l’hallucinant speed-dating bisexuel (sic), la découverte de la lesbienne gothico-vampire (re-sic, mais sympa et futée en fait) ou surtout le délire intégral à la Charmed concernant la vraie nature de la Fille des Ténèbres. C’est du non stop, tandis qu’Alice reçoit le soutien remarqué d’Héléna dans son combat pour le rire (toujours plus humaine et attachante, une des meilleures surprises de la saison, même si elle essaie encore de séduire Dylan par l’argent).

Tant mieux, car pour le reste cela fait pschitt. On n’en peut plus de l’humour lourdingue et des poses horripilantes de Bill et quand Kit et Angus s’essaient à la drôlerie, on vire au pathétique. Ce couple s’avère décidément incapable de sortir des clichés les plus éculés. Après « La musique c’est plus fort que toi, plus fort que l’univers », après « Je t’aime mais notre amour est impossible », on a droit à « Je vais te chanter ma passion avec ma guitare d’amour ». Tout cela se résume tellement à un alibi pour justifier la caution hétéro masculine de la saison, que cela en devient risible.

Hormis cette modification globalement fort réussie de la trajectoire initiale de la saison, Lindsey76, il faut bien le dire, c’est aussi un festival de sexe. Sans être prude, The L Word ne nous avait jamais délivré une telle profusion de scènes chaudes, excellemment filmées, du gentiment sexy (Bette et son haut) à l’absolument torride, avec Shane et Chérie. Sans être un père la pudeur, on peut se demander, si la série poursuivait dans cette voie, si elle ne finirait pas par donner des arguments à ceux l’accusant de voyeurisme de racolage. Trois scènes se détachent de cet arrière-fond. Lara/Dana, là rien à dire, c’est l’une des plus belles et chargées de sens de l’épisode.

On tique un peu plus devant la violences des ébats entre Chérie et Shane, mais l’on a peut-être voulu exprimer ainsi la force du désir chez Shane. Mouais, bon, limite mais d’accord, mais c’est hard tout de même. Par contre le jeu de rôle SM/vampire était hilarant en soi, les seins complaisamment dénudés de Al ne se justifient donc en rien, même s’ils confirment, si besoin en était, la grande beauté de Leisha Hailey.

Au total, un mouvement d’ensemble certes non déplaisant ponctuellement (litote), mais à terme potentiellement dommageable pour la série (oui, j’ai eu envie de m’étendre sur le sujet).

Retour à l'index


6. LYMPHOME
(LIFESIZE)


The L Word explore le Temps nous situe de nouveau en plein cœur des rugissantes années 80, ce qui ne… Ah mais, ah mais… Qui est donc cette superbe jeune femme à l’ondulante et opulente chevelure brune ? À l’évidence resplendissante d’intelligence, de finesse d’esprit et de passion pour l’art ? Arborant également ce haut découvrant une épaule, soit précisément la grande mode lancée par Flashdance ? Ne serait-ce pas ? Mais oui, l’apparition du fragment de Toile nous confirme qu’il s’agit bien de notre Bette !

C’est donc elle qui remporte cette chasse au trésor, la faisant du coup basculer dans une autre période, où nous découvrirons le passé d’autres personnages. Cela paraît particulièrement prometteur, d’autant que l’introduction du jour se montre drôle et percutante.

Cette mise en bouche concorde également avec la suite de l’épisode, car Mama B. semble enfin reprendre du poil de la Bette (inévitable, celle-ci), et renoncer, au moins temporairement, à ses calembredaines pseudo bouddhiques pour affronter la pénible réalité. On apprécie beaucoup de voir notre personnage préféré (disons les choses) retrouver sa combativité légendaire pour mettre Tina  en demeure de faire ses choix, alors même que la jolie blonde, passablement aigrie, l’avait rudement poussée dans les cordes au cours des épisodes précédents.

Mettre Tina au pied du mur concernant son retour de flamme hétéro peut sembler bien risqué, mais Bette a la lucidité de percevoir que le marasme actuel ne peut se poursuivre indéfiniment sans finir par détériorer profondément leur relation, déjà devenue massivement invivable. Elle prend donc la responsabilité de provoquer une crise, d’où peut sortir le pire comme le meilleur, introduisant un suspense bienvenu dans cette saison. D’un côté on n’imagine pas The L Word sans Tina/Bette mais, comme la tendance profonde de la période vire à l’obscur… Les jeux sont ouverts quant à la résolution finale de la situation, même si Tina va quasi inévitablement sauter le pas avec son bellâtre de producteur. Et puis Jennifer Beals apparaît aussi impériale dans la colère froide qu’éruptive…

Dans le sillage de Tina et de Bette se déroule un petit évènement : pour la première fois une scène d’Angus/Kit nous amuse véritablement. Les voir gênés comme des collégiens de s’être faits pincer en flagrant délit reste tendre et divertissant. Le couple Pam Grier/Dallas Roberts semble avoir trouvé son bon tempo, décidément plus performant dans la comédie que la bluette sentencieuse. Le passage nous vaut aussi le plaisir de retrouver brièvement la Bette et la Tina de toujours, entre fausse colère et édiction de règles d’une part et vibrant élan du cœur chez l’autre. Un vrai rayon de soleil dans le marasme actuel.

Pas grand-chose du côté de Helena, qui poursuit cahin-caha sa relation avec Dylan, toujours parasitée par les questions de dépendance à l’argent. On se demande à quel jeu joue réellement Dylan… La seule véritable surprise demeure l’apparition choc de Callum Keith Reinie ! C’était lui le fameux compagnon invisible de Dylan.

J’avais complètement zappé qu’il avait aussi participé à The L Word, quel étonnant parcours que le sien, sautant de série en série (excellents choix de carrière), on attend Shattered avec impatience... Malheureusement, une fois dissipé le saisissement, on s’aperçoit que son personnage, quasi transparent, ne dégage que peu de choses. C.K.R. est à l’évidence sous-employé avec ce pâle Danny, à des années-lumière du flamboyant Lew de Californication (il boit de l’eau, pour commencer).

Le monde merveilleux de The L Word se manifeste une nouvelle fois, avec notre Jenny qui décroche une éditrice particulièrement enthousiaste, qui traverse tout le pays pour la rencontrer dans un café et lui remettre un chèque mahousse costaud, comme ça, sans même s’assurer que l'écrivain ait reçu ou non son message. À part un passage à l’humour un peu téléphoné avec un Bill devant la remplacer au pied levé comme « serveuse » cela ne débouche pas sur grand-chose pour l’instant, à part quelques mimiques  assez craquantes de Mia Kirshner (pléonasme).

Plus troublante se montre  le début de relation entre Bill et Moira/Max dont il faut bien avouer que cela pourrait se dérouler en orbite autour de Tau Ceti en ce qui nous concerne. On respecte les sentiments mais on atteint là un degré d’étrangeté inusitée qui fait que l’on a du mal à bien appréhender le ressenti des personnages. Par contre on n’aime pas du tout cette histoire d’hormones prises sans suivi médical, mais, au-delà des paillettes et des rires, la série fait ici éloquemment ressortir les nombreuses difficultés rencontrées par la communauté Trans.

Carmen connaît bien sa Shane qui ne peut pas faire grand-chose d’autre que d’avouer sa torride foucade avec sa Chérie (en même temps, Rosanna Arquette dans la lumière bleue d’une piscine, cela produit toujours son effet). On aime beaucoup Carmen, particulièrement émouvante dans cet épisode, tout comme le talent de Sarah Shahi. Après avoir éclaté d’une colère toute latine, elle paraît faire contre mauvaise fortune bon cœur en manifestant un humour acidulé (l’extincteur), d’ailleurs Alice pointe le bout de son nez, généralement le signe annonciateur d’une intense rigolade.

Et pourtant elle finit par éclater en sanglots quand Shane, qui avait semblé prendre la chose jusque-là  avec sa désinvolture proverbiale, lui promet de faire de son mieux pour ne pas remettre la même erreur. Carmen est vraiment totalement amoureuse de la brune androgyne et on ne peut que lui souhaiter bonne chance car vivre en couple avec Shane, c’est vraiment chevaucher le Dragon. Le fait de savoir si Shane va ou non supporter le carcan que représente fatalement une relation monogame à un moment ou à un autre introduit un nouvel élément de suspense bienvenu dans cette saison.

Mais, et cela va sans doute demeurer en l’état jusqu’à la fin de la saison, le la reste donné par l’évolution toujours plus dramatique de la maladie de Dana. Outre le drame humain vécu par l’héroïne et sa compagne, la série revêt ici son ton intelligemment militant, dénonçant sans emphase l’injustice faite aux couples lesbiens non reconnus par la loi, empêchant Lara (formidable Lauren Lee Smith) de disposer des informations concernant sa compagne, mais aussi militant sur le drame que constitue le cancer du sein (mise en scène très froide et clinique, hyper réaliste).

À quelque chose malheur est bon, ces obstacles obligeant Lara à contacter Alice et à lui révéler le pot aux roses. Les parents se révèlent un tantinet brutaux, mais on peut comprendre le réflexe protecteur et de repli sur le cocon familial, on n’a pas vraiment envie non plus de leur en vouloir alors que le ciel leur tombe pareillement sur la tête. La série nous offre un beau moment d’humanité avec la réconciliation de Lara et d’Alice devant le drame vécu par leur amour commun.

Alice, bien plus forte que ce que l’on pourrait croire au premier coup d’œil, prend doucement le relais d’une Lara visiblement fort éprouvée et fait enfin intervenir l’ensemble de la tribu. Cela vaut à l’épisode une superbe conclusion, particulièrement émouvante, mais qui commence à laisser entrevoir clairement vers où nous nous dirigeons…

Lifesize n’innove que modérément, se contentant pour l’essentiel de creuser les sillons inaugurés par Lifeline (on pourrait presque parler de double épisode de milieu de saison, dans une autre série…) mais il le fait avec un talent et une sensibilité de chaque instant qui continuent encore et toujours à accrocher l’attention du spectateur. The L Word reste décidément toujours aussi addictif.

Retour à l'index


7. LUEUR
(LONE STAR)


La connexion des introductions avec les personnages de la série tient toutes ses promesses, lors du meilleur opus à ce jour. Ce moment très intense entre Alice et Bette, porté par la sublime musique du célèbre Duo des Fleurs de l’opéra français Lakmé (1880), permet de découvrir le fameux vieux dossier entre Alice et Bette, évoqué lors de l’épisode Dinah Shore, ressurgi avec acrimonie au cours de la saison 2  puis  avec facétie au cours du présent épisode.

C’est toujours un plaisir que d’assister à comment les personnages d’une série télé que l’on apprécie se sont rencontrés, avec d’autant plus d’impact ici que nous retrouvons les filles  égales à elles-mêmes, Alice drôle et surexcitée, Bette sublime, forcément sublime, et, bien entendu, aux commandes. Outre la splendeur visuelle et auditive, cette scène d’opéra très particulière vaut aussi par son humour malicieux, les paroles du livret recoupant de manière décalée l’action en cours « Sous l’épais dôme, descendons ensemble, sous l’épais dôme de jasmin où s’entrecroisent les roses. Etc. »

Et il apparaît d'autant plus appréciable que cette  scène initiale se montre aussi divertissante que chatoyante car ensuite l'épisode vire carrément au pot-au-noir. C'est vraiment la fête à la sinistrose à tous les étages, peut-être jusqu'au trop plein.

Après la crise Chérie (comme un nom que l'on donne à un cyclone), Shane et Carmen tentent de redémarrer comme si de rien n'était et d'offrir une nouvelle chance à leur couple en recourant à la vieille recette des tatouages réalisés en commun (assez moches, par ailleurs). L'aspect ludique et juvénile de la chose fait un temps illusion et les belles rayonnent temporairement de leur complicité retrouvée. Mais bien vite, à l'occasion d'une scène amoureuse avortée, la vérité s'impose : le malaise persiste, voire s'intensifie. Shane a renoué avec les vertigineux plaisirs de la liberté et angoisse à l'idée d'une vie en compagnie de la seule Carmen (ce qui satisferait tout de même le commun des mortels).

Le plus grave demeure l'incommunicabilité s'étant instaurée dans le couple : avec ces tatouages, on a l'impression d'en être à la scène finale de Never Again, des X-Files. Il y a définitivement quelque chose de pourri au royaume du Danemark et on se demande si Chérie n'a pas été plutôt un révélateur qu'un coup de tonnerre (et du tonnerre). En tout cas c'est une seconde moitié de saison joyeuse qui se profile aussi pour Carmen. Et ça, ce n'est que le début du feu d'artifices de Lone Star.

Par ailleurs Jenny demeure la lesbienne ravie de voir son amie devenir toujours plus un homme (penser à long terme n'est pas trop son truc) et trouvant très excitant de lui injecter des doses massives d'hormones à l'origine douteuse à l'aide d'aiguilles énormes. Bienvenue dans le Jennyland, mais au moins cela vaut mieux que la scène assez indigeste autour de son livre. L'éditrice n'a visiblement rien compris à celui-ci, ni à Jenny, d'où un dialogue caricatural et assez peu crédible.

On retrouve l'atmosphère des cours de Fac la saison passée, décidément dès que The L Word s'aventure dans le domaine littéraire cela devient creux et pompeux, comme hors sujet. On préfère nettement la scène prise sur le vif voyant Shane et Carmen effarées devant les révélations de Moira. C'est assez amusant de constater comment, saison après saison, l'ancienne résidence de Tim est vraiment devenue la Maison de l'Embrouille. Reste à Smallville, Tim ! Mais le plus important demeure la scène d'amour entre Moira et Bill (très émouvant ici, il nous quitte lors de son meilleur épisode). Bon, il faut avouer que l'évènement nous reste extérieur, comme dans un monde dont on n'aurait pas la clé.

Mais, homo, hétéro ou trans, la fidélité reste la fidélité, et le mensonge, le mensonge. Peut-être stimulée par les hormones, Moira/Max éprouve toujours moins de difficultés à se comporter comme un macho volage auprès de Jen, d'où une jolie bombe à retardement qui devrait nous exploser à la figure d'ici la fin de saison, histoire que la joie règne bien sans partage.

Ayant reçu la bénédiction, lucide à défaut d'enthousiaste, de Bette, Tina passe à l'acte avec Josh. Et en mode vamp, attention ! jupe fendue et échancrée aux bons endroits, stiletto heels à 400 $, rentre-dedans massif et intégral, après huit ans et demi de vie de couple, notre Tina part à la chasse au mâle avec une impressionnante ardeur. Et comme la saison 3 fait, elle, la chasse aux instants de bonheur, même fugaces, cela part totalement en eau de boudin. Mais cela ne suffit pas, les Instances Supérieures (Ilène Chaiken) ayant visiblement décrété que tout devait désormais devenir aussi sordide que possible (voire plus), Tina s'insurge méchamment devant les maladresses que lui débite Josh et va jusqu'à lui balancer qu'elle est la patronne et lui l'employé... Faire de Tina une garce toujours davantage odieuse, c'est très saison 3, mais on n'aime pas du tout, on déteste, en fait.

On préfère nettement découvrir Bette à mi-chemin entre l'agacement et l'amer amer de voir ses prédictions réalisées. Et, lors du concert des toujours remuants The B-52s (excellents guests) arborer ce haut vert lui allant à merveille et qu'elle avait promis de rendre avec fracas. Ah, ah, ah, sacrée Bette, celle qui ne lâche jamais sur rien, ça on adore, par contre. Il est désormais clair que nos deux héroïnes s'installent dans la séparation, du bonheur encore et toujours cette saison.

Mais la veine principale de la noirceur irriguant l'ensemble de Lone Star demeure comme il se doit le cancer de Dana. Et ici ce The L Word nouvelle version se sublime. On comprend la volonté militante de la série de bien faire passer le message de la dangerosité du cancer du sein et de la nécessité de la prévention, mais on peut également considérer que ces images glaciales d'hôpital ou de ces produits circulant dans les veines de Dana font plus qu'atteindre leur objectif. L'ensemble est filmé avec un grand sens de l'image, mais ce ton sinistre, se surajoutant à l'ensemble de l'épisode, s'avère bien difficile à regarder.

Vient encore se rajouter la dérive psychologique d'une Dana de plus en plus désespérée au fur et à mesure que son corps se détériore, et sans doute autant perturbée par sa chimiothérapie que Moira l'est par ses doses massives d'hormones. Cela nous vaut des passages aussi forts que durs (à part l'intermède un peu vain de la pause Zen de Bette, on croirait Scully dans sa barque mais Dana est encore bien vivante, merci), culminant avec l'insoutenable scène de rupture avec Lara, l'une des plus déchirantes de la série (avec la fin de la saison 1).

Et là on tique un peu car, si on comprend que Dana compense son stress par l'agressivité, on se demande bien pourquoi Lara est quasi la seule à subir son ire, alors qu'elle est tout de même assez formidable (bon, le gâteau de chimio ce n'est pas l'idée du siècle). On a tout de même l'impression que les Instances Supérieures ont estimé que la fin de saison serait plus intense avec Alice et que donc exit Lara, que l'on envoie d'ailleurs jusqu'à Paris, histoire qu'elle ne fasse pas d'ombre. On trouve cela bien injuste pour ce beau personnage (et pour la fabuleuse Lauren Lee Smith), que l'on espère retrouver plus loin dans la série.

En tout cas Alice, plus solide, plus mature aussi, s'insère parfaitement et ses confrontations avec Dana apportent un ton différent, c'est vrai. La conséquence malheureuse reste que son humour s'éteint, comme le montre sa poursuite de la représentation de Dana. À un autre moment cela nous aurait sans doute valu d'hilarantes tribulations, ici on a une espèce de mini road-movie à la Jarmusch, limite Art et Essai, splendide mais tellement triste. Et comme absolument tout doit devenir le plus désespéré possible, la parenthèse joyeuse du concert part totalement dans le décor du fait de l'énorme bourde de Carmencita. Mais comme Dana s'enfuyant en larmes du Planet et errant  seule  dans la rue, non, non, ce n'est pas encore assez, on fait carrément enterrer l'effigie, et sous les ordures, bien entendu. Là, stop ! la sinistrose on n'en peut plus.

Finalement les seules lumières demeurant sont d'une part les enfants (Angelica et les petits d'Helena sont épatants) et Angus, que l'on trouve décidément bien plus amusant et intéressant en observateur amical – et parfois interloqué – de ce petit monde, qu'en amoureux transi. Mais tout cela reste accessoire et The L Word, dont on adorait l'équilibre si finement dosé entre comédie et drame, rompt définitivement ce dernier pour devenir la chronique la plus enténébrée que l'on puisse imaginer.

Alors oui, c'est superbement écrit et dialogué, oui la mise en scène est parfaitement efficace (Ah, le vrai Vancouver !), oui, les comédiennes sont vraiment extraordinaires, oui,  la série se situe toujours dix coudées au-dessus de la plupart des dramas équivalents, mais à un moment, on sature, purement et simplement. On se fatigue de broyer du noir et d'assister au délitement progressif de l'univers et de personnages que l'on aime bien.

Encore cinq épisodes, en espérant que la saison 4 aère un peu l'atmosphère...

Retour à l'index


8. LABEL INDÉPENDANT
(LATECOMER)


Toujours plus loin dans le sinistre, avec un acharnement menaçant par moments de confiner au ridicule. Tel est le sentiment très négatif que laisse cet épisode, sans doute le plus faible de la série jusqu’ici. Non seulement la surenchère perpétuelle dans la sinistrose finit par déboucher sur des évènements où la crédibilité n’est plus qu’un lointain souvenir, mais l’on y observe également beaucoup de déchets dans les dialogues et de scènes tombant à plat.

La précédente introduction nous avait apporté une bouffée d’oxygène, il aurait été parfaitement extravagant de croire que le miracle continua. Histoire de bien se mettre d’entrée dans l’ambiance nous avons droit à la scène de rupture entre Alice et Dana, survenue au cours de l’intersaison.

Alors oui, Erin Daniels et Leisha Hailey sont fabuleuses et fonctionnent toujours aussi bien ensemble, dans le drame comme dans la comédie, oui la scène, brut de décoffrage, ressort particulièrement forte, tout en explicitant les psychotropes d’Al en début de saison.

Mais on sature déjà quelque peu au niveau de la désespérance, on se dit que l’épisode va bien bétonner là-dessus. Et puis on y trouve déjà une maladresse, avec cette voisine interprétant au piano une chanson bien larmoyante, le détail excessif qui déséquilibre la scène.

Pourtant l’épisode débute avec une excellente scène, où Bette vire proprement Tina de « son » lit, après son escapade à Vancouver. On y trouve beaucoup d’amertume et de tristesse des deux côtés, face à une rupture toujours plus proche, que toutes les deux vivent avec souffrance mais aussi avec impuissance. Laurel Holloman et Jennifer Beals se montrent toujours magiques, saison après saison, mais tout cela vole en éclats quand Bette déclare à Tina que cette dernière a perdu les privilèges dont elle disposait étant sa compagne, et par conséquent elle lui interdisait d’aller voir Kit et les autres au studio.

Hein ? C’est quoi ce délire ? À force de surenchère dans le délétère, cette fois on fait devenir Bette carrément maboul, du genre Tim durant la fatidique « lune de miel » avec Jen. C’est effectivement tout juste si elle ne lui intime pas de prendre une douche. Cette hystérie de Bette n’est pas crédible, surtout au moment où le couple doit au moins sauver les apparences pour l’adoption en cours (le dragon à roulettes fait d’ailleurs une réapparition passablement prêcheuse).  Non seulement on ne voit plus beaucoup Bette, du fait de la grossesse toujours plus évidente de Jenny Beals, mais en plus on la fait virer cinglée.

On atteint un summum avec son espèce de retraite spirituelle ressemblant beaucoup à des taulardes faisant la promenade en cercle dans la cour de la prison. Ce concours permanent de qui sera la plus odieuse envers l’autre ressemble beaucoup à du sabotage autodestructeur d’un des principaux axes de la série, on en a assez maintenant, surtout si cela devient maladroit.

On continue dans la maladresse insigne avec cette histoire totalement ridicule de Carmen rêvant de Chérie et Shane et rendant cette dernière responsable comme si ces évènements s’étaient réellement déroulés. On voit bien que les auteurs veulent exprimer la persistance de la souffrance chez Carmen, mais le procédé détonne par sa naïveté, d’autant qu’il se voit ressassé tout au long de l’épisode, avec un comique de répétition assez lourd. Et Alice qui déclare avant cela : « Ah, les latino américaines ! », pour une fois la vanne tombe à plat…

Si un nouveau livre de Jenny décrivant sa vision du petit monde de la série s’avère une excellente idée, très prometteuse (un filon pour les intros de la saison 4 ?), la réaction de Max (puisque Max, désormais) stupéfie. Jenny n’a visiblement pas bien intégré comment ces injections massives de testostérone peuvent influer sur le comportement, ni, surtout, à quel point sa compagne est aussi torturée intérieurement qu’elle-même. Et voilà un autre couple dont les divergences s’accentuent implacablement.

Si Héléna paraît toujours aussi amusante (cela fait du bien), rayonnante et sympathique avec cette histoire de voyage en jet,  on n'apprécie pas trop sa scène d’amour avec Dylan, artificielle à force de recherche esthétique. On retrouve un peu l’ambiance de film érotisante qu’il y avait sur son balcon avec Tina, la saison précédente.

On a par ailleurs la joie de retrouver les Betty, toujours aussi pétillantes et naturelles, accompagnées cette fois de Nona Hendryx. La déception est à la hauteur des attentes, car, en guise de moment musical, nous avons seulement droit à une version très abrégée de Transformation, entre Nona Hendryx et Pam Grier  (le revival 70’s dans toute sa splendeur), très loin du sublime Some Kind of Wonderful la dernière saison.

Pour le reste on assiste à des session d’enregistrement bavardes et ennuyeuses, avec un Angus assez macho dans sa volonté d’imposer sa vision des choses. C’est assez téléphoné, avec en exergue une énième scène de déclaration d’amour  (mal jouée, en plus), Kit butant aussi une énième fois sur la différence d’âge. Et les copines entendent tout cela et interviennent en médiatrice. C’est gentil tout plein et surtout très gnangnan, ou quand The L Word devient un soap comme tant d’autres.

Et cela alors que l’on avait eu une scène d’entrée très amusante avec Anus et Kit en « Sons of Anarchy ». Étonnant cet acharnement à jouer la carte de la bluette pralinée au lieu de l’humour, visiblement le terrain le plus porteur pour ce couple. Mais cette saison, l’humour c’est le Mal.

Le cœur de l’épisode, de la saison en fait, demeure le cancer toujours plus effroyable de Dana. Le départ de Lara permet, c’est vrai de renouer avec la relation très forte entre elle et Alice (avec une Dana « miraculeusement » rassérénée depuis le départ de la rousse flamboyante pour Paris). Malheureusement ce segment va alterner le pire et le meilleur. La scène des perruques s’avère réellement poignante, évoquant d’ailleurs la Samantha de Sex and The City, sur un mode nettement plus fort et dramatique. Il en va de même pour la révélation de la terrible cicatrice, hélas polluée par un parallèle assez pesant avec la scène d’amour d’Héléna et Dylan, jusqu’à la difficulté d’ôter son soutien-gorge, très classe.

La calvitie de Dana se révèle assez insoutenable (très THX 1138), ce qui est sans doute le but de cette dénonciation vibrante des périls du cancer du sein. C’est sans doute très subjectif mais je trouve que l’humour et la détente recherchés par les coupes  punks de Shane et Alice ne fonctionnent pas, en tout cas pour le téléspectateur chez qui elles ne font que renforcer le malaise (idem pour les jeux vidéo), en soulignant par contraste l’énormité de ce qui survient à Dana. Après le choc initial au Planet on apprécie la simplicité et l’émotion de la rencontre entre Dana et Max, dans des situations paradoxalement assez proches.

Malheureusement la suraccumulation de drames en tous genres, jusqu’à satiété, prive d’une grande partie de sa force le touchant aveu de Max concernant sa tentative de suicide à l’âge de dix ans. C’est un peu la goutte d’eau. Et connaissant la pudeur naturelle de Dana, on n’arrive pas à croire que ses amies lui aient fait un coup pareil au stade, même si le nouveau lien forgé avec Max lui permet de surmonter l’épreuve avec panache. Erin Daniels et Daniela Sea crèvent l’écran, même quand The L Word se perd en route, l’on se régale toujours du beau jeu de ses interprètes.

Au total, l’épisode démontre un essoufflement certain de la saison, ou la recherche perpétuelle du drame le plus exacerbé possible conduit à de flagrantes erreurs d’écriture. The L Word ne nous avait pas accoutumés à cela. On ne peut que souhaiter un retour à son équilibre naturel durant la saison à venir.

 
Retour à l'index


9. LITIGIEUSE PROPOSITION
(LEAD, FOLLOW OR GET OUT OF THE WAY)


Voici l’épisode que l’on attendait, sans plus trop y croire. Lead, Follow or Get Out of the Way, au moins dans sa première partie, renoue avec la vie et l’humour qui caractérisaient la série, avant que cette saison ne vire au noir intégral. Alors certes, le drame demeure encore présent, mais c’est cela aussi la marque de The L Word, et la parenthèse se referme en fin de récit, conduisant même à une accélération que l’on devine funeste du récit. Mais, entre-temps, comme une bouffée d’oxygène avant de replonger en eau profonde, l’épisode nous aura fait un bien fou.

Une originalité dans les introductions de cette saison : ici on suit directement la précédente, avec cette fois Dana retrouvant Lara après l’éprouvante scène de rupture avec Alice. Malgré la pianiste de nouveau incongrue, la confrontation apparaît de nouveau très percutante, avec quelques vérités assez cruelles : Dana quitte Al avant tout car elle estime que leur couple ne fonctionne pas. Lara ne serait qu’un choix de substitution.

Voici qui explicite peut-être la future dureté de Dana envers Lara, lui demandant encore et toujours pourquoi elle reste avec elle. La toujours très positive Lara accepte cet état de fait, en ajoutant qu’elles ont tout le temps du monde pour former un vrai couple. Ce qui plaira aux amateurs de James Bond mais qui revêt présentement une ironie des plus cinglantes.

Bette paraît totalement marginalisée dans cet épisode, sans doute du fait de la grossesse toujours plus imposante de Jennifer Beals. La production tente de faire perdurer le personnage jusqu’à la fin du tournage (on ne va pas envoyer un psycho, persuadé d’avoir des Aliens à sa poursuite, enlever Bette) mais ce genre de mise à l’écart devient inévitable. Par contre on aimerait bien savoir ce que pensent les vrais Bouddhistes de la représentation de leur philosophie, la fameuse retraite se résumant, si on comprend bien, à tourner autour d’un autel dans le plus complet silence durant 10 jours, puis à écouter la leader prononcer cérémonieusement quelques phrases passe-partout…

Preuve que cela ne sert à rien : plus notre Bette y a recours, et plus elle va mal, en fait. Tout ce passage est ridicule mais parfois amusant, comme lors de la réaction de Bette la snob devant les douches communes… Ceci dit Jennifer Beals nous régale d’une belle scène où Bette appelle à la maison, désespérée, pour crier son désir de retrouver la vie d’avant le marasme. Mais elle est trop fière pour appeler Tina, et fait comme si elle appelait Angélica, autant pour le stage spirituel… De toutes façons il n’y a personne au téléphone car…

Et voilà, c’est arrivé, Tina a trouvé son élu. On pourrait être désespéré de cet ultime coup de canif porté à la relation la plus durable de la série, mais en fait non, c’est un soulagement. La situation était devenue si insoutenable que toute évolution se perçoit positivement. Tina s’épanouit et retrouve le sourire, avec au passage une très belle scène d’amour où elle redécouvre le corps masculin. C’est triste à dire mais Tina et Bette sont mieux séparées en ce moment, en attendant, comme l’envisageait Bette, que cette passade s’achève. Le problème reste qu’elle risque de durer, Henry se montrant sympathique, honnête et attachant, tout ce qu’Héléna ne fut jamais durant la saison précédente.

La situation évolue, Tina et Bette disposent désormais d’une opportunité de sortir de cette fosse empoisonnée où elle s’enfonçaient toujours davantage, mais, pour l’heure, le retour de Bette risque d’être chaud bouillant. Une nouvelle histoire se dessine, à suivre sans doute durant la saison 4. Tina/Bette reste vraiment un passionnant et inépuisable feuilleton dans le feuilleton, quel récit au long cours !

Après cette baisse de tension (peut-être temporaire, mais c'est bon à prendre en ce moment), on trouve un deuxième rayon de soleil avec la fête de soutien à Max, avec l’excellente idée de la bâtir comme un revival 80’s, domaine où The L Word excelle depuis ses débuts. Les filles jouent le jeu, oublient un moment leurs drames personnels et  s’amusent beaucoup. Elles nous entraînent  dans ce « bal de fin de promo » parfaitement divertissant où l’on aime à retrouver de nombreuses références à des icônes des années 80 ainsi qu’au style très… particulier de cette grande époque. La palme revient sans doute à Carmen la Madonna de Holiday, tandis que’Alice nous ressort Like a Virgin ! C’est si loin tout ça…

De toutes manières depuis les 80’s, Madonna c’est de la soupe. Tina en Debbie Gibson, c’est juste génial. À noter que la VF insère des références hexagonales très amusantes, comme l’inévitable « Il est libre, Max », bien joué ! La séance de photos s’impose comme un délire joyeux et rayonnant, la série ressuscite ! La fête est cependant en partie gâchée en fin de parcours par un Max toujours plus perturbé, macho et violent. Jenny le supporte de moins en moins. Une crise se profile, ce voyage débuté à deux, Max devra sans doute l’achever seul. Un regret : autant Daniela Sea se montrait aussi convaincante qu’émouvante en Moira, autant on la trouve un peu empruntée dans la violence imbécile de Max, pas facile de jouer un macho abruti quand on reste une femme.

On retrouve le même mouvement d’envol suivi d’une rechute pour Shane/Carmen. Certes leurs divers problèmes persistent, mais l’on retrouve la chaleur et la générosité de la famille latina de Carmen. Au passage on remarque une référence à Benny Moré, la grande figure de la chanson populaire cubaine, chantre du Son Montuno et autres rythmes, ce qui suffirait à illuminer l’ensemble de l’épisode. Évidemment cela ne dure pas, car Carmen, sur un coup de tête, réalise son coming-out sans doute de la pire des manières possibles.

On aime beaucoup la subtilité d’écriture concernant ce couple plus complexe qu’il n’y paraît, où s’opposent deux égoïsmes, Carmen désirant Shane pour elle seule, quitte à blesser publiquement sa mère, et Shane passant outre la souffrances de sa compagne dans son désir toujours aussi désespéré d’avoir une famille. Et notre Carmen au sang chaud a décidément la boulette facile…Les lignes de faille s’emberlificotent et s’enveniment toujours davantage dans la Maison de l’Embrouille.

Beaucoup plus simple ressort le cas d’Héléna, victime des faisans que sont Dylan et son ami, ce que la série avait laissé entrevoir (flou persistant de Dylan, étonnante facilité d’adaptation à une nouvelle sexualité, expertise même…). Maman ne va pas être contente, à New York…

Cette fenêtre bienvenue avant le grand pot au noir final s’incarne bien entendu avec une force particulière chez Dana. Celle-ci jouit visiblement d’une rémission passagère, de même qu’elle n’exhibe plus sa calvitie ou l’atroce meurtrissure de son corps, ce qui atténue également le discours sur sa décrépitude physique. Durant un lumineux moment, on la voit retrouver avec Alice la complicité amicale de la première, mais aussi de la deuxième saison.

Le duo nous amuse et rayonne, avec une Dana qui retrouve son humour et sa joie de vivre, lors des scènes les plus chaleureuses de l’épisode. Elle manifeste même la force de plaisanter avec un Trans à propos de l’ablation des seins. C’est un peu dur pour Lara de constater à quel point tout va mieux depuis qu’elle a dû s’éclipser, mais la priorité va forcément à Dana. Alice et Dana auraient-elles pu redémarrer leur histoire et sublimer leur amitié en amour et est-ce vraiment nécessaire, au fond ? On ne le saura sans doute jamais car la parenthèse enchantée se referme brusquement, avec une brutale dégradation de la santé de la malade, victime d’une infection soudaine laissant entrevoir plus que jamais un final de saison absolument dramatique, sous peine de décrédibiliser la série.

La mise en scène rend bien la force de ce basculement tandis que Erin et Leisha (décidément aussi épatante dans le drame que la comédie) ne cessent de nous impressionner. Alice et Dana c’était vraiment formidable et l’on sent déjà la nostalgie nous étreindre…

Retour à l'index


10. LOIN DE VOUS
(LOSING THE LIGHT)


Le voyage à travers les décennies et la Toile d’Alice, débuté au début des années 70, s’achève  logiquement quand il rattrape le temps de la série. Et c’est à Lara qu’échoie le redoutable honneur de conclure ce périple, car, bien évidemment, elle n’a pas le cœur à la bagatelle. La scène se déroule dans le site original du Hammam de la grande Mosquée de Paris, ce qui permet certes d’admirer l’irréprochable plastique de l’interprète ainsi que de placer un dialogue aigre-doux sur les stigmates du cancer du sein.

Mais l’essentiel demeure l’appel de Lara à Dana, particulièrement touchant (et interprété avec une émotion à fleur de peau) car malgré toutes les avanies subies, la belle rousse ne renonce pas à la vie commune. Hélas, personne ne répond, la résidence de Dana étant visiblement désertée. Avec un pressentiment glacé on pense au fabuleux générique des 4 400, représentant pareillement les effets de la disparition des personnages. Ajouté au titre et à l’apparition fatidique d'un compte à rebours, on devine hélas ce que nous réserve Losing The Light.

Mais avant d’en arriver au drame, l’épisode ne délaisse pas les autres personnages. On avoue un vrai coup de cœur pour Bette attendant le bus après sa fuite salutaire hors de la « retraite ». Le passage, débuté par des hurlements défoulatoires assez hilarants (sacrée Jenny B. !), se poursuit par un dialogue original entre elle et deux personnages apparus d’un peu nulle part au milieu de cette forêt. En discutant avec eux, Bette fait bien plus le point sur sa vie que lors de son expérience avortée !

L’ensemble de la scène plane comme hors du temps et du monde. Un amateur de Fantastique et de La Quatrième Dimension, dont cette étrange rencontre épouse plusieurs caractéristiques intéressantes, ne peut s’empêcher de se demander qui sont au juste ces personnes veillant sur Bette  et énonçant des sentences sur la vie au détour de dialogues apparemment quelconques. Ou alors ce n’est définitivement pas une bonne idée de regarder The L Word après trois épisodes bien tassés de LOST.

On remarque que Bette conserve le silence sur son homosexualité, la série rappelant ainsi la difficulté sociale que cela représente toujours en dehors de paradis bien délimités comme West Hollywood. Par ailleurs Bette semble anxieuse à l’idée des retrouvailles avec Tina, en quoi elle a bien raison car, en son absence, le rideau a été tiré sur la pièce. Avec une rapidité proprement  fulgurante, Henry et Tina forment désormais un couple, au point de rencontrer l’ex de celui-ci dans un dîner assez anodin. On n’est pas certain d’aimer qu’Henry soit à ce point ouvert d’esprit, sympathique et sans défaut… La rupture s’avère bel et bien consommée, mais la série reste loin d’être finie… On attendra.

Kit et Angus, au bagout décidément constant, nous offrent une scène amusante, mais encore une fois peu substantielle, une bulle de savon aux jolies couleurs. On apprécie moins la section Shane/Carmen, même si cette dernière se montre particulièrement en beauté. Cette histoire de tromperie sortant de derrière les fagots sent le fabriqué et le manque d’imagination. Elle se situe également totalement à contre-courant de ce que la saison nous a raconté jusqu’ici.

De plus on n’aime pas trop Shane faisant son Max pour qui il existe deux poids deux mesures. Devant les difficultés s’accumulant, les filles décident arbitrairement de recommencer à zéro, tout en utilisant l’amour physique pour oublier le malaise de leur couple. Pas sûr que cela suffise. Quoiqu’il en soit on les a connues plus intenses et intéressantes cette saison.

De même la séance de conciliation entre Héléna et Dylan ne s’élève pas au-dessus du commun des séries judiciaires. On a assisté cent fois à ce genre de scène très codifiée, la spécificité lesbienne en moins, mais celle-ci reste finalement assez marginale ici. Le seul intérêt, anecdotique, réside dans le guesting  du toujours impeccable Peter Wingfield  et du retour de l’épatante Mrs. Peabody.

The L Word ne comptera décidément pas dans les moments forts de la carrière de Callum Keith Rennie. La nouvelle Héléna aura immensément apporté à la saison 3 par son humour et sa sympathie, mais pas par l’arc narratif de Dylan, peu captivant.

Losing The Light se signale aussi par le retour passager de deux personnages ayant marqué la série, un procédé toujours bienvenu. On trouve Tonya bien moins désagréable que par le passé, même si toujours particulière. Le fait qu’elle ne fasse plus barrage à Alice doit y contribuer ! La discussion avec Al ressort comme une respiration ensoleillée et gaie, ce qui fait du bien.

On remarque néanmoins une formidable incohérence : Tonya ne serait pas au courant de ce qui arrive à Dana, alors même que cela a été tout à fait médiatisé ? Difficile à croire. Au passage Alice se garde bien de lui révéler la vérité, on ne la changera pas, absolument formidable mais possessive…

À l’inverse le retour de Tim se révèle une catastrophe absolue, ce qui était prévisible mais finalement pas du fait de la personne que l’on attendait. Max est dans un bon jour (très Moira  en fait) et se montre amical, voire complice avec la charmante épouse de Tim. Alors bien entendu celui-ci bloque devant Max – déjà être remplacé par une  lesbienne  il avait du mal, alors un Trans, on imagine son opinion. Il est clair qu’il aurait pu éviter la putasserie sur le berger allemand, mais il le dit à sa femme, pas à la face de Max ou Jen.

Au contraire il prend sur lui pour que le repas soit au moins civilisé et c’est positif de sa part  car rien ne l’obligeait à venir après tout.  Non, c’est Jenny qui nous semble déraper au cours d’une de ces colères froides ultra violentes dont elle a le secret. Malgré ce qu’elle affirme, elle prend ombrage du bonheur de Tim et surtout de son épouse (jolie scène de projection) et sa colère  s’exprime avec beaucoup d’injustice.

On n’imagine pas un seul instant que Tim ait désiré que Jen s’automutile ou soit en institution durant des mois. Surtout, oui, durant la saison 1,  Tim a  été dépassé, pathétique, volontiers réac et parfois odieux, mais on ne voit pas son ultime scène d’amour comme une vengeance. Tim est totalement perdu à ce moment-là et on perçoit cela plutôt comme un adieu à son grand amour. Jenny a décidément une part d’elle-même ténébreuse et glaciale, ressurgissant pour la première fois cette saison. Espérons que le diable jailli de sa boîte y retourne bien vite. Tim ne reviendra sans doute plus et on le comprend.

Mais voici que le compte à rebours arrive à son terme, avec une magnifique vue d’ensemble des différents personnages. Leur vie se poursuit mais celle de Dana s’achève. Cela nous vaut une grandiose prestation de Leisha Hailey au moment où Alice découvre l’atroce vérité. Bien entendu, dans le style de cette saison, Dana meurt seule, malgré la veille constante de Al et des filles… On se pose une angoissante question, quand, pour ses ultimes paroles, Dana déclare à Alice qu’elle l’aime, ne se sent-elle pas déjà partir et n’est-elle pas en train de dire adieu à son amie sans que celle-ci ne s’en aperçoive ?

Une interrogation qui risque de poursuivre longtemps Alice. Comme à chaque mort d’un personnage essentiel dans une série, même si le moment est très fort, on se demande si le jeu en valait vraiment la chandelle. On pense bien entendu aux Bandits Solitaires, dont l’humour aura été un constant rayon de soleil dans les ténèbres des X-Files, soit exactement l’équivalent de Dana (le plus souvent) pour The L Word. Encore le trio n’a-t-il tiré sa révérence qu’en fin de série,  trois saisons sans Dana, cela va paraître bien long…

Au total l’épisode parvient à exprimer avec une grande justesse de ton ce moment difficile entre tous. La chanson de conclusion semble ainsi formidablement choisie : You are my sunshine, my only sunshine, you make me happy when skyes are grey, c’est tellement Dana... La vie aura apporté à celle-ci un talent, des amies fantastiques et de partager la vie de deux femmes merveilleuses, mais on trouve l’addition bien lourde et cruelle.

On regrette cependant une faute de goût : les marques (bonbons, boissons etc.) jusque dans sa chambre d’hôpital. Pour l’occasion la série aurait pu suspendre le placement continuel et sans finesse de produits qui la caractérise aussi, il faut bien le dire.

Retour à l'index


11. LARMES
(LAST DANCE)


Ce superbe hommage à Dana Fairbanks constitue certainement l’épisode le plus réussi de cette saison 3 (en attendant le final), mais aussi l’un des joyaux de la série toute entière, à la hauteur de l’épisode Dinah Shore ou du final de la saison 1. En effet, à travers des moments particulièrement forts, on y discerne des retrouvailles ferventes avec la quintessence du style The L Word : ce mélange parfait d’émotion et d’humour, porté par de superbes décors et une mise en scène finement ciselée, mais avant tout par de merveilleuses comédiennes démontrant ici toute l’étendue de leur talent. On y va ?

Alors que la Toile d’Alice aura atteint son terme durant l’épisode précédent, Last Dance débute par quelques images fortes de la vie de Dana, en forme de flashback au moment où elle rend l’âme. Sont-ce ses dernières pensées ? Cela nous vaut en tout cas un joli bouquet de souvenirs, avant que, dans une image esthétiquement superbe, Dana ne semble planer au-dessus de Los Angeles. One for The Angels, effectivement.

Le tout s’accompagne de la musique du générique interprétée sur un ton plus suave et pénétré que de coutume. On éprouve de la gratitude envers les auteurs pour avoir perçu que le générique habituel, festif et coloré, était hors de propos ici (il aurait pu en aller de même lors de l’opus précédent, mais ne chipotons pas).

Dans son sillon principal, l’épisode va nous narrer les doubles funérailles de Dana, les officielles et les véritables. Comme il devait survenir, les parents de Dana (particulièrement le père) commanditent une cérémonie dans la grande tradition du genre, reléguant les amies de leur fille à l’arrière-plan, comme faisant tache. On a pas vraiment envie d’accabler des parents qui perdent leur enfant, après tout ils enterrent leur fille et le gang l’une des leurs, il ne s’agit pas vraiment de la même personne. Malgré cela, le procédé demeure bien rude, comme le souligne éloquemment le désespoir d’Howie, très touchant.

La scène est émotionnellement très forte, avec des réactions empreintes d’élégance chez les filles, jusqu’au bouleversant cri du cœur d’Alice. Seul regret, le prêche du pasteur paraît tout de même démonstratif et peu crédible, surtout quand l’on sait que Dana était aussi très connue pour son coming out. Ou alors ces gens sont d’une abyssale crétinerie, ce qui reste possible, après tout.

Mais le tournant survient quand l’incroyable Alice dérobe une partie des cendres dans un gobelet ! « Tu es mon héroïne », s’exclame Shane, jusque-là totalement murée dans sa douleur. On peut gager qu’à ce moment Alice est, plus que jamais, celle des spectateurs. D’ailleurs, c’est désormais officiel, cette saison est définitivement la sienne, et celle de Dana. Au fil des épisodes Alice a revêtu une importance bien plus marquée que lors des débuts de la série, une conséquence logique du potentiel du personnage et de la révélation de l’étonnant talent d’actrice de Leisha Hailey.

Après un passage éloquemment muet où on la découvre se conserver une petite partie des cendres, comme pour un nouvel autel à Dana, cette fois sensible et digne au lieu de délirant, l’on en arrive au cœur de l’épisode, les véritables au revoir du clan à Dana.

Ce formidable passage prend l’aspect d’un pèlerinage au camp scout où Dana a vécu le premier amour, ce qui nous vaut une immersion visuellement sublime et impeccablement filmée dans les vastes forêts de Vancouver, un plaisir dont on ne se lasse pas. Dana a droit à une magnifique veillée funéraire, où, comme il se doit, l’on évoque avec chaleur et même amusement le souvenir de la personne défunte, la faisant une ultime fois se tenir parmi nous. Une dernière danse avec Dana, comme l’évoque le très beau titre original. Au cours d’un vrai florilège de scènes exceptionnelles on retrouve un écho de l’atmosphère de l’épisode Dinah Shore, où nous plongions dans le passé des personnages, jusqu’à leur rencontre, un moment toujours particulièrement appréciable dans une série.

C’est une véritable émotion que de retrouver également le beau talent d’Erin Daniels, alors que nous ne l’espérions plus. Elle apporte une nouvelle fois tout son humours et sa sensibilité à son personnage, rendant irrésistible cette évocation de moments incroyables : la première rencontre, détonante avec Alice, la fête de l’an 2000 (« Ilene is there » écrit la fille dans son cube) où on retrouve l’hilarant Harrison, son trip à l’acide avec Shane etc. On se régale, purement et simplement.

Un très léger regret : Shane brise momentanément l’atmosphère en évoquant ses histoires avec Carmen, alors que l’heure devrait être entièrement consacrée à Dana. Même Bette et Tina mettent leurs soucis de côté à cette occasion, et Dieu sait qu’il se passe du lourd en ce moment. Mais cet instant embarrassant passe vite.

La coda de ce mouvement survient lors de l’épandage des cendres dans une cascade absolument magique. Un esprit un peu chagrin pourrait juger que la série sort les grands violons, mais la force de conviction des actrices, totalement dans leur personnage, permet de passer largement  outre cette opposition. Leur talent, sublimé ici, donne une force incroyable à l’ensemble, on éprouve d’ailleurs réellement l’impression d’être à leurs côtés à cet ultime moment. L’écriture de la scène demeure aussi subtile que d’habitude, chacune des filles montrant une réaction propre et conforme à son caractère.

Bette, comme souvent quand le clan est réuni, revêt ce l’on peut nommer peu ou prou un leadership, et prend avec naturel le rôle de l’officiante. Le moment le plus insoutenable de l’épisode provient quand Shane, certainement la plus profondément éprouvée avec Alice, craque totalement et s’enfuit, du très grand Kate Moennig. On apprécie également de voir Max s’effacer pour laisser passer les dames, tandis qu’il s’impose face à Bette pour la lecture de la carte, mais avec gentillesse et sans forfanterie. C’est bien, il fait des efforts. Alice, l’âme sœur, a elle droit à une vision de Dana comme esprit de cette cascade où elle va désormais reposer. C’est étrange dans le cadre de cette série mais tellement superbe.

Il en va de même pour la conclusion de cette épopée, avec la rencontre entre Alice et Lara, attendant avec une admirable abnégation devant la porte de Lara, sans savoir ce qu’il se passe mais le devinant sans doute. Leur passage à l’acte peut surprendre mais il s’agit d’une communion autour de l’absente, c’est humainement très beau et cela sonne tout à fait juste. Par contre l’on n’aime pas trop cette histoire peu crédible de téléphone empêchant de la joindre et de la faire participer à la cérémonie. Clairement les Instances Supérieures ne veulent pas que Lara s’intègre dans le groupe, ce qui signifie sans doute son départ prochain. Gasp !

Cet épisode particulièrement riche ne délaisse pas les autres fils de l’intrigue. Shane demande à Carmen de l’épouser, mais visiblement plus pour exorciser sa souffrance et les difficultés de leur couple qu’autre chose. Carmen finit par accepter, mais elle pour apporter du réconfort à sa compagne, totalement bouleversée. Il n’est pas certain que ce mariage ait été décidé pour de bonnes raisons, de quoi laisser craindre pour sa validité dans l’avenir.

Dylan vient à résipiscence et abandonne tout à Helena, de même qu’un enregistrement exprimant ses remords. La scène, esthétiquement exemplaire, vaut aussi pour la douleur exprimée par Helena (ces coupures de son quand cela devient trop fort…), illustrant bien à quel point notre amie s’est humanisée en tous domaines. Au crédit de Dylan on pourra dire qu’elle a un excellent goût en matière de voiture ! Comme c’était, hélas ! prévisible, Jen reste sur la lancée du retour de son côté obscur. Alors que Max doit faire face à tant de difficultés, ce travail représente une aubaine formidable pour lui, et voici que Jen veut qu’il détruise tout pour l’article qu’elle compte écrire (bonjour l’égocentrisme) et on ne sait quelle croisade qu’elle a lancée contre les hommes depuis la rencontre catastrophique avec Tim. Elle ne perçoit pas le soulagement que ne plus vivre à ses crochets représente pour l’homme qu’est Max. Comme le souligne très bien Max, en profondeur Jenny n’a toujours pas intégré que lui se perçoit totalement comme un homme. La détérioration se poursuit (grand numéro ici aussi, bien glacial, de Mia Kirshner).

Mais si tout ces histoires, aussi fortes soient-elles, paraissent falotes en regard de l’action principale, il n’en va pas de même du drame se nouant entre Tina et Bette, preuve supplémentaire de l’intensité particulière de ce couple, en toutes situations. Bette reçoit un vrai coup de poignard avec cette scène de la photo, où elle perçoit clairement le fait qu’Angelica appartient désormais à une autre famille. Jennifer Beals restitue admirablement la douleur de son personnage mais aussi sa révolte, ce que ne perçoit pas Tina. Celle-ci a le tact de paraître embarrassée sur la photo mais laisse la chose se perpétrer.

De plus, elle ne propose visiblement que par courtoisie à Bette de les accompagner, tandis qu’il reste incroyable qu’Henry soit le seul à féliciter celle-ci pour son nouveau poste. Visiblement aucune des deux n’a vraiment envie de lutter pour leur couple, comment a-t-on pu en arriver là ? Bette reste une battante mais se lance dans un combat purement insensé,  la garde exclusive d’Angelica pour des raisons sociales assez douteuses (visiblement il s’agit d’une stratégie désespérée plus que d’une conviction). La voir balayer d’un revers de la main la souffrance que cela pourrait occasionner chez Tina paraphe la mort clinique de leur couple.

Un mantra : il reste trois saisons, trois saisons, il reste trois saisons. On y croit encore mais c’est très froid, là. Cette situation bien glauque, qui promet un  clash bien déchirant pour le final, permet cependant de retrouver l’épatante avocate incarnée avec panache par Jane Lynch. C’est amusant, on la trouve beaucoup plus sympathique depuis qu’elle se situe du côté de Bette…

Last Dance constitue l’un des plus beaux hommages qu’une série ait jamais rendu à l’un de ses personnages phares, et pourrait presque nous faire admettre le bien-fondé de la mort de Dana. Presque.

Retour à l'index


12. LUNE DE FIEL
(LEFT HAND OF THE GODDESS)


Après le chef-d’œuvre représenté par Last Dance, qui aurait pu idéalement achever la saison, l’on se demande initialement à quoi va bien pouvoir servir Left Hand of The Goddess. Très clairement à faire en sorte que les personnages en bavent encore un peu plus (pour la route) et à clôturer cette histoire de mariage entre Shane et Carmen, sinon plus…

D’un point de vue fonctionnel, il lance également quelques pistes narratives laissant entrevoir ce que nous promet la section 4. S’il ressort globalement réussi, il ne constitue cependant pas le moment particulièrement excitant que doit représenter une conclusion de saison, souffrant de plus terriblement de la comparaison avec l’épisode précédent. On a plus l’impression, renforcée par sa localisation géographique particulière, qu’il s’agit d’un récit à part, intercalé entre deux saisons entre lesquelles il bâtit un pont, mais pas d’un final.

Six semaines se sont déroulées depuis la cérémonie mortuaire, le temps pour les filles de reprendre leur vie. Enfin ce n’est pas le cas pour Alice, visiblement incapable de sortir de ce chagrin qui la mine. Elle se remet aux psychotropes, tente de percer la bulle l’environnant par une recherche désespérée de sensations toujours plus accentuées avec Lara. Une grande peur du sentiment amoureux (et de la souffrance qu’il véhicule parfois) semble l’avoir saisie. Rien ne fonctionne. Et pourtant la rencontre bien providentielle avec la « préposée aux mariages gays » (sic)  la pousse à ouvrir son cœur à Lara mais là, c’est Lara qui soudain a quelque chose à lui dire.

L’épisode s’amuse à ne pas nous révéler de quoi il s’agit, mais cela semble assez vain et inutile. Il paraît évident que Lara décide, elle, de poursuivre sa vie et qu’elle va donc quitter la série. Un cliffhanger en forme de pétard mouillé. Une bonne nouvelle tout de même : Alice, contre toute vraisemblance, a conservé son émission radio. La saison prochaine nous réserve certainement d’excellents moments autour de ce qui représenta l’une des rares sources d’humour souvent irrésistible de celle qui s’achève.

À côté d’un essayage de robes de mariées effervescent et joyeux, mais pas d’une originalité folle, on suit Shane à la découverte de son père. Ce segment-ci de l’épisode apparaît, lui, parfaitement réussi et intense. D’abord parce qu’en nous faisant pénétrer dans une Amérique profonde  et modeste, il nous ouvre d’autres horizons que celui de West Hollywood, que l’on adore mais qui risque de devenir répétitif. Avec Last Dance on a pris goût à la liberté et à voir les filles s’extirper de leur cocon californien.

Le déplacement au Canada ira d’ailleurs également dans ce sens. Surtout, Kate Moennig apporte toute son expressivité à ces moments intenses que vit Shane, notamment lors des retrouvailles et de la révélation de son homosexualité.

On découvre aussi un double guesting d’enfer, apportant, lui, quelque peu l’impression d’un final. En effet le père de Shane n’est autre que… Eric Roberts (excellent). Une nouvelle figure des 80’s (pas seulement) dans la série, et bien connu des amateurs de séries SF pour avoir interprété le Maître, l’archi-ennemi du Docteur. De plus il se voit accompagné de Sarah-Jane Redmond, la méchante de Shizogeny (The X-Files), mais aussi Lucy Butler, l’adversaire récurrente de Frank Black dans MillenniuM, entre autres nombreux rôles dans des séries fantastiques. Autant dire que l’on est à la fête !

Par la suite l’intrigue de l’épisode connaît une  certaine maladresse. La grande interrogation que sous-tend cette histoire reste bien entendu si Shane va aller jusqu’au bout. Or avant d’en arriver là, une fois passée la découverte du merveilleux paysage, il nous faut subir une longue plage figée, assez bavarde, lors de l’interminable journée précédant l’évènement. Or, à une exception près, il ne s’y passe pas grand-chose de neuf. On se promène beaucoup de couloirs en couloirs, on fait minutieusement le tour des attractions offertes par la station, genre dépliant touristique.

On conclue cette histoire de toile d’une manière un peu gadget et inutile. On s’ennuie légèrement, en regrettant la verve des Bronzés font du ski (on rigole bien quand Bette et Helena se retrouvent coincées sur le télésiège, Étoiles des neiges…).  Dana, avec Alice, aurait tellement dynamisé tout ceci.

Jenny apparaît de plus en plus imbuvable, prenant tout de haut comme une vraie rebelle (de pacotille). Sa pulsion négative se poursuit, dont Max fait malheureusement les frais, il faut voir avec quelle précision elle démolit ses espérances d’être un jour un homme « comme les autres » au dancing, un vrai crève-cœur. Le Monde Merveilleux de The L Word frappe un grand coup : Jen est assise à côté d’une femme, et voici que l’on découvre successivement qu’elle est très belle, journaliste, lesbienne etc., autrement dit l’idéal de l’actuelle Jenny. Elle n’est pas belle la vie ?

Cela nous vaut une scène d’amour sensuelle et très belle esthétiquement, mais Élodie Bouchez, qui poursuit son aventure américaine après Alias, ne force pas son talent. Et puis l’on retrouve ses discours pseudo littéraires plombant régulièrement les dialogues. Visiblement Max n’attire plus Jen, qui semble découvrir qu’elle aime uniquement les femmes. Bien la peine de lui injecter des hormones. Tout ceci n’est guère passionnant, on souhaite bonne chance à Max car le couple ne va visiblement pas aller beaucoup plus loin la saison prochaine.

 Helena ne fait pas grand-chose, hormis la mécène, cherchant toujours à acheter l’affection, quoique sur un mode bien plus chaleureux et sympathique que précédemment. La voir K.O. debout quand sa mère lui coupe les vivres reste l’un des moments les plus drôles de l’épisode, tout en annonçant une excellente idée narrative pour la prochaine saison. Autre point fort, la soirée d’enterrement de vie de jeune fille de Shane, assez émouvante avec le discours d’Alice, plus réussi que celui de Jenny. Malheureusement ce beau moment se voit en partie saboté par la prestation calamiteuse de deux rappeuses. Straight or gay, le rap ne passera pas par moi.

Le plus irritant demeure à quel point Carmencita apparaît marginalisée dans cet épisode racontant tout de même son mariage. Après l’essayage et une réconciliation attendrissante sinon crédible avec sa famille, avec l’excuse bien pratique des traditions, zou, Carmen disparaît totalement jusqu’à la cérémonie. On adore Shane, mais que l’épisode soit à ce point déséquilibré entre elle et sa compagne lui reste préjudiciable. Cela annonce également une conclusion se voulant choc. Et puis ce brusque retournement du père envoyant balader d’un coup toute sa vie paraît artificiel, en tout cas insuffisamment explicité.

Quant à Shane estimant que, par mimétisme, elle va fatalement  détruire son mariage, c’est très puéril et fabriqué, on n’y croit pas du tout. Pour expliquer cette faillite des noces il aurait été nettement plus judicieux d’en rechercher les causes parmi les failles existant  dans le couple, plutôt qu’une intervention externe peu concluante. Au total Shane sabote tout, et sans doute sa relation avec Carmen. Celle-ci déclarant vouloir retourner dans sa famille augure mal de l’avenir, voici une bien mauvaise nouvelle que nous apporte cet épisode. Le pire réside dans le fait que Shane ne vient même pas l’annoncer elle-même, se contentant d’envoyer Alice au charbon, elle qui a dû déjà essuyer son comptant de galères cette saison. Par contre Sarah Shani est réellement bouleversante au moment où tout s’écroule autour de son personnage.

Heureusement, quand tout le reste semble un peu terne, il nous reste Tina et Bette. Alors que l’on croyait tout perdu et que Bette, telle une Diabolical Mastermind des Avengers, continuait à tramer sa conspiration de la vengeance qui tue contre Tina (hou ! pas bien !) voici que la générosité et l’amitié de Shane leur offre une nouvelle chance d’au moins améliorer leur relation.

Mais finalement, tel un boomerang, son complot rattrape Bette qui ne peut arrêter la mécanique infernale (Bette et l’avocate auraient tout de même pu attendre le retour du mariage pour lancer la machine). Et voici que Tina devient folle de rage à son tour et qu’en représailles elle veut stopper l’adoption d’Angelica ! Alors ça, c’est du feuilleton, les amis, avec de grandes actrices et sur le grand air de la tragédie classique (le destin balaie la volonté des humains). Et pourtant, on peut y voir une espérance car c’est l’occasion pour Henri de dévoiler son vrai visage, odieux.

En substance il passe  royalement l’éponge sur le passé gay de Tina, mais toute trace doit en disparaître, comme le lien entre Bette et Angelica. Comme l’affirmait Tina au Dragon à roulettes, il ne dirait pas du tout la même chose d’une famille hétéro recomposée. Mais c’est très bien, il semble triompher, mais il montre sa personnalité, bien plus réac et petite que ce que l’on supposait. Ce qui signifie que cela ne va pas durer la saison prochaine  avec Tina, à qui l’on fait tout de même confiance là-dessus (et puis il ne faut pas désespérer les bataillons de fans lesbiennes de la série). Ce qu’il y a de fascinant avec Tina et Bette cette saison c’est qu’à chaque nouvel épisode on pense avoir atteint le fond, mais elles s’activent avec des pioches pour creuser toujours plus profond.

Avec Last dance on pensait avoir touché le granit, mais non, elles sortent la dynamite pour fracasser la roche et poursuivre. Et c’est ainsi que l’on se retrouve avec Bette fuyant dans la nuit après avoir enlevé Angelica. Grâce à elle Left Hand of The Goddess bénéfice au moins d’un vrai cliffhanger, concluant avec intensité cette saison et lançant la nouvelle avec suspense.

On espère que Joyce ou les copines vont calmer nos deux lionnes avant que tout cela ne tourne au vrai drame, mais en même temps on compte sur elles pour continuer à produire autant d’étincelles !

Retour à l'index

Crédits photo : FPE.

Images capturées par Estuaire44.