Le Petit Monde de Don Camillo (1952) Résumé : Au nord de l’Italie de l’immédiat après-guerre, les Communistes viennent de remporter les élections municipales dans le petit village de Brescello. Dès lors, la vie de la communauté est scandée par l’opposition perpétuelle entre le maire, Peppone, et le curé, Don Camillo, qui dialogue régulièrement avec un Jésus tentant de modérer sa fougue politique. Chaque péripétie locale devient l’occasion d’une escarmouche entre les deux hommes. Toutefois une forte amitié remontant aux maquis antifascistes les unit et ils parviennent à œuvrer ensemble pour le bien commun, quand le besoin s’en fait sentir. Après une énième échauffourée, l’Evêque décide toutefois d’envoyer Don Camillo prendre du repos, en lui confiant une paroisse montagnarde. Critique : Près de soixante-cinq ans plus tard, le premier intérêt du Petit Monde de Don Camillo est à l’évidence historique. Paru alors que Staline était encore aux commandes de l’URSS, il évoquera auprès du spectateur contemporain un monde enseveli par les sables de l’Histoire. Celui de la confrontation mondiale entre deux blocs et deux superpuissances totalement antagonistes, durant une guerre froide mais aussi chaude. A l’affiche en 1952, le film apparaît ainsi contemporain de la Guerre de Corée (1950-1953). Le propos se centre évidemment sur l’Italie, Giovannino Guareschi ayant eu la même géniale idée que celle qu’exprimera René Goscinny en 1959, avec son Astérix : synthétiser le portrait d’une nation à travers l’existence d’un petit village. L’opposition entre Peppone et Don Camillo et la chronique de Bruscello retranscrivent de manière malicieusement humoristique la confrontation mise en place après-guerre entre le Parti Communiste Italien et la Démocrate-chrétienne. Tous comme les deux protagonistes du film, ces rivaux politiques s’avérèrent d’ailleurs capables de compromis historique, afin de permettre au système de fonctionner pour le bien commun et d’organiser la reconstruction. Au rebours de son ressenti actuel, le film fut donc d’une brûlant modernité lors de sa sortie en salles, en Italie comme en France, où il connut alors des critiques politisées d’une virulence que l’on imagine mal aujourd’hui. Le public français pouvait trouver bien des convergences avec la relation existant entre Communistes et Gaullistes après la Libération et la lutte commune contre l’occupant. La société hexagonale demeurait également bien davantage agricole qu’elle ne l’est revenue depuis, avec l’exode rural et le remembrement. De fait, le film véhicule une remarquable sociologie des années cinquante, sinon européennes et urbaines, du moins latines et agricoles. Une autre qualité du film, cette fois intemporelle, se distingue dans la qualité de sa transposition d’une œuvre littéraire à l’écran. Julien Duvivier sait conserver la nature composite du livre original, un recueil de nombreuses brèves nouvelles, en y incorporant des fils rouges (Roméo et Juliette, la Maison du Peuple) suffisamment présents pour apporter une nécessaire continuité, sans pour autant empiéter sur le feu d’artifice de contes savoureux. Les histoires retenues comptent infailliblement parmi les meilleures et savent se montrer variées, entre enjeux personnels ou sociaux, romantiques ou très terre à terre. La lecture du livre montre d’ailleurs que Duvivier ne respecte pas la chronologie des évènements, afin d’optimiser leur impact et de composer un ensemble stimulant l’intérêt du spectateur. On peut y discerner la patte de Barjavel, dont la méfiance pour le progrès technologique, alors exprimée avec force dans son terrible chef d’œuvre, Ravage, se mêle idéalement à cette évocation positive de la vie rustique. Mais Julien Duvivier, le cinéaste de La belle équipe et de Sous le ciel de Paris, se consacre avant tout à sa prédilection pour les portraits psychologiques, avec la matière très riche en personnages qu’assure la multiplicité des histoires. Le film rend communicatif le vif amour de ses auteurs pour ses diverses figures, toujours considérées avec humanisme. Si le film se voit évidemment dominé par la rivalité des chefs de faction, il délivre ainsi de nombreux inoubliables seconds rôles, tels les savoureux lieutenants de Peppone, l’attendrissante Mme Christina, les farouches grands-pères ou le sagace Evêque, entre bien d’autres. Des critiques français ont pointé du doigt la dimension supposément réactionnaire du film. Pourtant son propos ne condamne jamais les idéaux généreux et sincères de Peppone, il ne devient jamais manichéen. Si Don Camillo, domine souvent, le Maire sait rendre coup pour coup. En réalité le seul élément fustigé sans restriction demeure l’égoïsme forcené des propriétaires terriens, l’humanisme et le souci du bien commun permettant toujours à Don Camillo et à Peppone de se retrouver aux heures sombres. De fait, ceci ajoute une touche de mélancolie à la vision de ce film aussi drôle qu’émouvant, car, en définitive, qui a réellement remporté la bataille en 2016 ? Le Communisme solidaire de Peppone, le Catholicisme social de Don Camillo, ou bien la toute-puissance du Capitalisme désinhibé ? Poser la question, c’est y répondre. Cet ancien temps se retrouve également avec plaisir dans l’humour parfois suranné du film, témoignage sensible d’une époque où l’on préférait rire avec les personnages, plutôt que de rire d’eux. La tendresse et l’émotion s’y entremêlent toujours, dans un ensemble identifiable par le public français, puisque la Provence de Pagnol ou des Lettres de mon Moulin n’est certes pas loin. On pourrait taxer cela de naïveté, mais, subtilement filmé par Duvivier, le film dégage une étonnante véracité. Duvivier peut également s’appuyer sur son formidable duo vedette, un impayable Gino Cervi et un Fernandel idéalement choisi pour incarner cette dualité de drôlerie et de tendresse caractérisant Le Petit Monde de Don Camillo. Son merveilleux aussi, lors des précieux dialogues entre le protagoniste et Jésus sur sa croix, contemplant l’humanité avec un amour et une bienveillance jamais désespérés. Au-delà de son intérêt historique ou cinématographique, c’est bien cette foi en l’homme, en sa capacité inaltérée à trouver en lui le chemin menant à la solidarité et à la paix (magnifique séquence finale), qui assure l’indémodable succès du Petit monde de Don Camillo, film sincère et généreux, formidablement euphorisant. Anecdotes :
Séquences cultes : Ici je peux ? Des pierres qui brûlent ! Confession Les visiteurs du soir Partie de football Entrevues chez l'évêque La procession Au revoir Don Camillo ! |
Le Retour de Don Camillo (1953) Résumé : L’Evêque rappelle Don Camillo dans sa paroisse de Brescello, à la demande du maire Peppone. Les deux hommes renouent avec plaisir leur rivalité politique, mais aussi leur amitié. Peppone compte sur l’influence de Don Camillo pour contraindre les propriétaires terriens à financer l’édification d’une digue protégeant le village du Pô. Unis pour le bien commun, les deux hommes parviennent à construire l’édifice, mais la crue emporte tout et les eaux submergent Brescello. Tandis que Peppone organise l’évacuation de la population, Don Camillo demeure dans le village afin de « garder la maison », après un mémorable sermon insufflant du courage à ses paroissiens. Critique : Tourné très rapidement après la sortie premier opus de la saga, sous l’aiguillon de l’immense succès populaire alors rencontré, Le retour de Don Camillo doit d’entrée faire face à l’accusation de composer une simple exploitation commerciale. La plupart des critiques d’alors portent d’ailleurs sur ce point, alors qu’auparavant elles fustigeaient l’orientation politique du Petit Monde de Don Camillo. De fait, une convergence très forte, autant dans le fonds que dans la forme, existent entre ces deux films se succédant d’ailleurs dans une parfaite continuité de l’action, ce qui n’est finalement guère si fréquent au sein d’une saga cinématographique. L’équipe originelle demeure en place et le tandem Duvivier/Barjavel puise pareillement avec bonheur parmi les nouvelles de Giovannino Guareschi, suscitant derechef une moissonnée de scénettes et de personnages aussi drôles qu’attachants. La similitude des deux narrations résulte si poussée que l’on peut considérer Le retour de Don Camillo comme une prolongation du Petit Monde de Don Camillo, et non pas comme sa suite. Mais il serait erroné de croire que le film sombre pour autant dans la facilité. En effet Duvivier maintient la même implication et le même souci apporté au profil psychologique des personnages que précédemment. Cela nous vaut de grands moments d’émotion, tels Don Camillo terrassant enfin son orgueil en son exil montagnard, les retrouvailles des deux adversaires autour d’un plat de spaghettis, ou encore l’évocation sensible de la pureté de l’enfance, lors de la balade de Don Camillo et du fils de Peppone. Toujours dans la meilleure tradition méridionale française, soit un pont vers l’Italie, le récit se montre particulièrement animé et amusant, comme lors du fracassant retour de Don Camillo sur le ring (au sens propre), de la prise de bec avec Peppone devant la fanfare municipale, ou de la mémorable séquence de l’huile de foie de morue. Outre un talent toujours aussi manifeste dans l’écriture, Duvivier se montre également très en verve derrière la caméra. Le film s’impose comme visuellement magnifique, grâce à des scènes toujours finement ciselées, d’une patine délicieusement surannée. On apprécie également un excellent travail de photographie, accompagnant idéalement un Noir et blanc de grande qualité. Alors que les inoubliables mélodies du compositeur vétéran Alessandro Cicognini scandent l’action, Le retour de Don Camillo bénéficie également de toute la puissante machinerie de Cinecittà, dans laquelle Duvivier se coule parfaitement. La distribution se montre aussi brillante et enthousiasmante qu’au premier jour. Fernandel et Gino cervi en tête. L’apport d’Edouard Delmont s’avère également précieux. Il nous offre l’un des personnages les plus savoureux de la saga et établit un lien direct avec le cinéma humaniste et généreux de Marcel Pagnol. Par ailleurs, si Le retour de Don Camillo a su pleinement maintenir le remarquable niveau de qualité du premier opus de la saga, il finit également par faire entendre sa propre musique. Cela se perçoit à travers une part nettement plus importante impartie, sinon au Fantastique, du moins au réalisme merveilleux. Jésus, aux silences parfois plus sonores que les mots, voit son rôle accru. A travers le pseudo pacte méphistophélique ou ses fausses morts successives. Le Dr. Spiletti insuffle une fantaisie évoquant les fables d’Alphonse Daudet. L’excellent conte des deux horloges achève de situer le film aux confins d’un surréalisme pimentant le récit. Surtout, avec l’épisode tragique de la crue historique du Pô (survenue en 1951), le film gagne une intensité supplémentaire. Le soleil méridional lasse place à un environnement autrement plus hostile et menaçant. Les évènements dramatisent avec éloquence la dimension politique de l’œuvre. C’est notamment le cas d’une opposition finalement superficielle du Communisme de Peppone et du Catholicisme de Don Camillo, pour peu que les deux doctrines véhiculent le même humanisme et le même souci du bien commun. La proximité de la catastrophe à venir fustige également avec une force particulière l’égoïsme des propriétaires terriens. Tout ceci débouche sur ce qui compose sans doute la scène la plus marquante de la saga, le sermon de Don Camillo célébrant la grandeur de la solidarité révélée dans l’épreuve. Ce grand moment de cinéma, porté par un magnifique Fernandel, consacre la réussite de ce second volet parvenant à encore rehausser les qualités du premier. Anecdotes :
Séquences cultes : Un retour mouvementé Chez le barbier Il faut sauver Gertrude ! Peppone, maire et père Le sermon de la crue du Pô |
Don Camillo Monseigneur (1961) Résumé : Les années ont passé, Don Camillo est désormais devenu Monsignore au Vatican et Peppone, sénateur du Parti communiste. A Rome tous deux ne se voient plus et se languissent de Bruscello. Un affrontement entre la municipalité et l’église à propos de la construction d’un logement communal à proximité d’une chapelle va leur fournir l’occasion d’y retourner officiellement. Les deux vieux amis ne tardent pas à reprendre leurs joyeuses chamailleries, d’autant que Peppone envisage que son fils se marie civilement avec sa charmante fiancée. Critique : Alors que les trois premiers volets avaient succédés à marche forcée, un laps de six années sépare Don Camillo Monseigneur de son prédécesseur, La grande bagarre de Don Camillo. La progression des deux protagonistes dans leur carrière romaine permet d’intégrer d’astucieusement le temps écoulé. Par contre cette occasion de renouveler la saga se voit en grande partie gâchée par un scénario maladroit. Il aurait pu être intéressant de prolonger la l’éternelle querelle entre Don Camillo, à Rome et au sein des institutions de la République romaine, c’est à dire d’opérer le cheminement inverse de l’opération consistant à synthétiser le roman national dans le petit village de Brescello. Hélas, les auteurs en reviennent à la situation costumière, ce qui nous vaut un début de film assez laborieux, afin de justifier le retour concomitant des deux frères ennemis dans leur cher village. Cette situation relevant du vaudeville se verra ensuite relayée par l’artifice du départ pour Rome sans cesse repoussé, ce qui servira de seule réelle ossature au récit. De fait, les sauteurs s’arrêtent au mitan du gué : au lieu d’assumer pleinement l’ouverture sur l’extérieur de l’opposition entre Peppone et Don Camillo, ils cantonnent Rome à la périphérie de l’action. Puis ils se contentent d’insérer des références plus fréquentes qu’à l’accoutumée à la politique nationale ou internationale. Tout ceci résulte passablement artificiel, jusqu’à finir par donner l’impression d’une série de film se poursuivant uniquement avant tout du fait de son succès Par ailleurs cette trame très distendue prive la succession habituelle de scénettes d’un ressort dramatique, au rebours de ce que l’élection avait pu apporter lors de l’opus précédent. Cela tombe d’autant plus mal qu’un relatif assèchement de la verve de la saga, déjà quelque peu entamé lors de La grande bagarre de Don Camilo, se confirme clairement ici. Décidément les meilleurs récits de Guareschi semblent avoir été utilisés par les scénaristes. Si la narration demeure distrayante et peut s’appuyer sur la sympathie dégagée par les personnages, l’ensemble apparaît bien inégal. La séquence des obsèques suscite réellement l’émotion, et celles de la chapelle et du Totocalcio, l’amusement, plusieurs autres chapitres se montrent moins savoureux. Il en va ainsi de cette histoire du fondement d’une militante communiste peint par vengeance, après l’anecdote déjà peu relevée de la soutane de Don Camillo dérobée alors qu’il se baignait dans la rivière. Tout ceci relève de la farce, avec quelques relents misogynes exprimant que la place d’une épouse consiste davantage à s’occuper de son mari que de politique. Toute la séquence du mariage civil du fils de Peppone intéresse également moins, même si l’on devine ce qu’elle pouvait présenter de scandaleux à l’époque. Demeure la cocasserie de quelques situations et quelques jolies répliques encore insérées par un René Barjavel toujours fidèle à l’écriture des dialogues français lui. Malgré la présence initiale de magnifiques vues aériennes de Rome, la mise en scène de Carmine Gallone s’avère également une déception. Si elle continue heureusement à mettre en valeur le travail et le talent des comédiens, la caméra semble moins tonique que lors de l’opus précédent, déjà du même réalisateur. Gallone se contente ici de passer les plats et n’apporte plus un supplément de dynamisme à l’ensemble. L’identité italienne des portraits et des panoramas reste malgré tout inentamée. Le film put toutefois s’appuyer sur une distribution de qualité. On apprécie de retrouver quelques visages connus, notamment les épatants lieutenants si pittoresques de Peppone, tandis que les cinéphiles apprécieront de retrouver Valeria Ciangottini si peu de temps après la Paola de La dolce vita. Même s’il ne va pas en rajeunissant et semble parfois légèrement essoufflé, le duo vedette assure toujours une irréprochable prestation, toujours aussi gourmande et picaresque. Si tout le reste souffre d’une lassitude, le duo Peppone/Don Camillo demeure une valeur sûre, Don Camillo Monseigneur ne constitue pas un mauvais film mais il apparaît clairement en deçà des précédents opus, ne pouvant dissimuler un affadissement lié à un rallongement de la saga sans raison substantielle.. Il continuera à divertir les amateurs convaincus. Anecdotes :
Séquences cultes : Don Camillo au Vatican La chapelle Du petit plomb pour les enfants moineaux Don Camillo en détresse Peppone et le Totocalcio Retour à Rome |
La Grande Bagarre de Don Camillo (1955) Résumé : Un nouvel affrontement politique oppose Don Camillo à Peppone, lorsque ce dernier se présente aux élections législatives. Don Camillo est fermement décidé à empêcher une victoire communiste, tout en ne pouvnat se résoudre à voir son ami quitter Brescello. Aussi se jette-t-il à corps perdu dans la bagarre, malgré les conseils apaisants de Jésus. Les escarmouches se multiplient, mais Don Camillo aide Peppone à obtenir le nécessaire certificat d’études. Peppone est élu député, mais refuse finalement d’abandonner son mandat de maire… et Brescello ! Critique : Une notable continuité d’écriture se voit assurée entre ce nouveau vole de la saga et les deux précédents, du fait du support préserve de l’œuvre littéraire de Guareschi (d’ailleurs toujours présent parmi les scénaristes), mais aussi le maintien du grand René Barjavel à la rédaction du volet français. Toutefois La grande bagarre de Don Camillo demeure marquée par le départ de Julien Duvivier, qui avait tellement imprimé sa marque sur Le Petit Monde de Don Camillo et sur Le retour de Don Camillo. Une grande inquiétude pouvait dès lors se ressentir quant au maintien de la remarquable qualité artistique des deux premiers volets. De fait une certaine dépréciation se dénote ici, même si heureusement encore relative. En effet, Olivier Ravanello, nouveau venu au long parcours, ne manifeste ni le sens aigu de l’image caractérisant Duvivier, ni les ambitions de ce dernier en termes de composition sophistiquée d’une scène. Mais Ravanello dispose d’un indéniable métier, acquis depuis les années, et il sait apporter une vraie truculence à cette comédie picaresque en définitive très enlevée que représente La grande bagarre de Don Camillo. Sa mise en scène contribue à rendre ce film parfaitement distrayant encore aujourd’hui. Au niveau de sa trame narrative, La grande bagarre de Don Camillo renoue avec bonheur avec les successions de scénettes précédentes, son lot coutumier de moments mémorables, tels l’apparition du char, la confrontation sur le pont, ou la fameuse séquence du certificat d’études, sans doute le clou du spectacle toutefois cet aréopage semble légèrement moins fourni que précédemment, se peut parce que les meilleures histoires de Guareschi ont déjà été utilisées. Surtout, le nouveau film renonce partiellement à cet alliage d’émotion et d’humour constituant la spécificité des deux premiers volets, en privilégiant clairement l’aspect humoristique. Du moins le comique est-il pleinement au rendez-vous, avec un opus se percevant comme l’un des plus drôles de la saga. D’ailleurs le fil rouge de l’élection résulte davantage prégnant et structurant que ses prédécesseurs, d’où un effet davantage contradictoire la multiplicité des scénettes dispersant l’action. Paradoxalement, l’élection ne contribue pas à enrichir le discours politique du film, l’opposition entre Communisme et Catholicisme virant ici davantage à l’affrontement d’homme à homme. La mise en scène de Ravanello contribue d’ailleurs pleinement à encore centrer la narration sur le duo vedette, davantage que sur la chronique d’un village. Il est vrai que le réalisateur peut s’appuyer sur un Fernandel et un Gino Cervi une nouvelle fois impériaux. L’élection présente également un intérêt historique, car elle nous expose le déroulement d’une campagne en ces temps que l’évolution technologique a rendu très lointains, avec parfois d’étonnantes persistances (le scandale des poules, la question du non cumul des mandats). Elle évoque également l’émergence du rôle des femmes en politique, y compris avec humour, pointant le machisme des supposés progressistes. On peut toutefois regretter que la seule femme jouant un rôle politique se voit cantonnée à une romance avec Peppone. Pour le coup, cela date un film subissant fort bien par ailleurs le passage des années. L’émotion de la scène d’adieux entre les deux amis et l’humour de leur retour en bicyclette permet au film de s’achever en renouant avec le meilleur de la saga mais aussi avec la symbolique du bien commun s’imposant au-dessus des rivalités politiques. Une belle conclusion pour ce film souvent drôle et truculent, légèrement en retrait des deux premiers volets, mais toujours divertissant. Anecdotes :
Séquences cultes : Nouvelle élection en vue Problème de mathématiques La rédaction Un discours tonitruant Conversation avec Jésus Le char d'assaut |
Don Camillo en Russie (1965) Résumé : Peppone annonce que Brescello va se jumeler avec une petite ville russe, Brochwyl, située elle aussi aux abords d'un grand fleuve, le Don. Furieux, Don Camillo parvient à s'inviter dans la délégation conduite par Peppone et se rendant en Russie pour parachever l'accord. Les deux compagnons vont tous les deux découvrir un pays très différent de ce qu'ils imaginaient, au cours de nombreuses péripéties. Le séjour est également marqué par la chute de Nikita Khrouchtchev, mais les Italiens parviennent à revenir sans encombre dans leur pays, même si Peppone doit être hospitalisé après une mémorable beuverie l’ayant opposé au maire de Brochwyl. Critique : Après la tentative vite avortée par Don Camillo Monseigneur de renouveler la saga en exportant brièvement l’action à Rome, Don Camillo en Russie se décide à passer au niveau supérieur, en se centrant sur la lointaine Union soviétique. L’opération s’effectue avec davantage d’intelligence. En effet, les amateurs de Brescello ont ainsi droit à toute une première partie rondement menée en Italie et qui, outre l’humour des situations et une ambiance désormais agréablement Sixties, insère déjà le thème central du film : l’URSS et sa perception asymétrique par Don Camillo et Peppone. Mais le corpus central du film correspond bien au séjour soviétique de nos héros et celui-ci séduit réellement par son abord finalement non manichéen du sujet. En effet nous ne nous trouvons pas ici dans le passablement fantasmé Tintin au pays des Soviets. Si la persécution religieuse, les mœurs politiques, ou l’immixtion dans la vie privée se voient justement pointés du doigt, cela s’opère toujours avec l’humour bon enfant caractéristique de la saga. Surtout, le récit sait différencier la population russe, présentée avant tout comme chaleureux et amical, de l’appareil d’état et de la propagande soviétiques. En définitive le message de film ne consiste pas tant en une dénonciation de l’URSS qu’en un rappel de la fraternité des peuples existant perdurant au-delà des rivalités politiques. Pour le reste, la trame scénaristique se contente de suivre les grandes étapes d’une célébration de jumelage, à peu près interchangeables quelque soient les pays concernées, et de les assaisonner de l’humour désormais parfaitement identifiable de la saga. L’ensemble pourrait résulter mécanique et prévisible, mais la complicité du duo vedette, même légèrement vieillissant, apporte toujours beaucoup d’allant aux scénettes divertissantes. Pour leur ultime aventure sous les traits de Gino Cervi et de Fernandel, on s’amusera davantage en compagnie de Peppone que d’un Don Camillo en permanence remonté et agressif, malgré la présence toujours apaisante de Jésus. Le registre d’arroseur arrosé et de paranoïa au sein du Paradis des travailleurs vaut au maire de Brescello de se positionner en véritable ressort comique du film (sans même parler de sa mémorable cuite !). Outre le fait qu’il permet de dater précisément les évènements, une circonstance toujours appréciable, la chute de Nikita Khrouchtchev permet de relancer une narration menaçant malgré tout de ronronner. Cette dramatisation soudainement impulsée aux évènements s’adjoint efficacement à celle induite par la découverte du pope. Celui-ci se voit joué de manière pittoresque par l’acteur suisse Paul Müller, qui accomplit effectivement l’essentiel de sa carrière en Italie. On regrettera toutefois le caractère artificiellement russe de décors italiens à peine retravaillés, ainsi que la réalisation très passe-partout de Luigi Comencini. Rituel incontournable des Don Camillo, l’amourette du jour semble également particulièrement improbable et artificielle, malgré le charme des jeunes comédiens (à commencer par la très belle Graziella Granata, figure du film de genre italien des années 60). La critique de l’Union soviétique apparaissait comme la plus immédiate et aisée, et l’on avouera une certaine frustration à ne finalement pas découvrir la revanche de Peppone aux Etats-Unis. L’approche irrévérencieuse du Bouclier du Monde Libre autoriserait en effet des scènes croquignolettes, tout comme le propose la même année Le Gendarme à New York dans ses meilleurs moments. Tel quel, Don Camillo en Russie constitue néanmoins une digne conclusion pour la saga classique des Don Camillo. Anecdotes :
Séquences cultes : Le tracteur soviétique Les réfugiés Le chantage L'arrivée en Russie Une annulation inattendue Peppone et Don Camillo nous quittent |