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Notre histoireTrop belle pour toi

Saga Bertrand Blier

Trop belle pour toi (1989)


TROP BELLE POUR TOI

classe 4

Résumé :

Un concessionnaire d'automobiles aisé, marié à une femme sublime que tous ses amis lui envient, la trompe avec sa secrétaire intérimaire, une femme au physique ingrat mais experte dans les jeux de l'amour.

unechance 7

Critique :

Avec Trop belle pour toi, on entre clairement dans la seconde partie de la carrière de Bertrand Blier, entrevue dans Notre Histoire, avant que le cinéaste revienne à son style des débuts dans l'excellent Tenue de Soirée.

Le changement dans la façon de filmer constitue le gros point faible du film. Autant la narration parfaitement linéaire des Blier grande époque me plaisait, autant ce mélange anarchique de scènes différentes, avec des retours en arrière et des personnages qui racontent leur propre histoire, me paraît incohérent et indigeste, surtout dans la première partie, la suite se montrant plus raisonnable.

Un exemple : il suffit que Florence, la femme de Bernard, suggère que la situation soit inversée, qu'elle devienne sa maîtresse, et que Colette Chevassu, la secrétaire, prenne la place de l'épouse,  pour que cette situation purement imaginaire se matérialise à l'écran pendant quelques minutes.

Si globalement, je n'apprécie guère, il faut admettre que certains effets de style s'avèrent somme toute assez plaisants. Je pense en particulier au raccord habile entre le passé, représenté par le mariage de Florence et Bernard, et le présent, c'est-à-dire le dîner entre amis. La liaison peut d'autant plus passer inaperçue pour un spectateur inattentif que Colette s'est invitée aux deux banquets. Remarquons l'aspect surréaliste, typique de l'univers « blierien », de la présence de Colette au mariage de son amant, qui a eu lieu des années avant qu’elle fasse sa rencontre...

Cette scène du dîner est d'ailleurs un des sommets du film, le moment-clé où Bernard se décide enfin à partir avec Colette, sur suggestion d'une Florence dépitée.

Autre changement notoire, l'aspect dramatique prend désormais le dessus sur l'aspect comédie, considérablement réduit par rapport aux films précédents. C'est un peu dommage, lorsqu'on se remémore les fous rires d'antan, mais un peu seulement car même dans un presque drame, Bertrand Blier glisse des moments de comédie irrésistibles.

Et l'on constate alors que cette histoire recèle suffisamment d'éléments caractéristiques du style unique de Blier pour demeurer séduisante.

ladoublure 3

Le thème, un homme qui préfère sa maîtresse au physique quelconque à sa femme superbe, est typique de l'univers parallèle inversé du cinéaste, toujours d'attaque pour prendre à contre-pied les évidences et les valeurs établies. On peut trouver quelque analogie avec le sujet du film Le Quart d'heure américain, avec Anémone pour personnage équivalent de Josiane Balasko, mais dans un registre différent.

Les dialogues réservent quelques bons, très bons et même excellents moments, avec entre autres une réplique d'anthologie de Depardieu :

« Une femme n'a pas besoin d'être belle pour être une femme, il suffit qu'elle soit une femme. »

Balasko fait un numéro en solo qui rappelle celui de Coluche dans La Femme de mon Pote, lorsqu'elle se demande à haute voix « Je ne vais tout de même pas lui dire, j'ai envie d'aller dans une chambre avec vous, ça ne se fait pas. Et pourquoi ça ne se fait pas ? Et si tout d'un coup, ça se faisait ? »

Dans le même registre de la comédie, une autre affirmation amusante fait d'autant plus mouche que les scènes comiques sont peu nombreuses. Colette, dans un train de banlieue, parle toute seule, et se met à répéter « J'ai pas envie de rentrer chez moi », ce à quoi une passagère répond « Ben, d'accord, on a compris, on est toutes dans le même cas, ma petite vieille ! »

Colette a le don de bien parler d'elle-même, de sa façon de séduire les hommes, ainsi lors de la rencontre avec Florence (un des temps forts du film), qui se déroule dans la chambre du motel où elle vient de s'envoyer en l'air avec Bernard :

« Il y en a pas mal qui sentent bien que je vaut le détour, mais la plupart n'osent pas, ils se disent, elle est trop tarte. Mais de temps en temps, il y en a un qui s'arrête... »

Et devant les amis de Bernard et Florence, éberlués : « Je suis la secrétaire intérimaire, Colette Chevassu, qu'aime bien qu'on lui monte dessus ! » En plus, elle sait faire des rimes... Elle sait aussi philosopher : « L'essentiel dans la vie, c'est de continuer à vivre. Je suis une femme qui vit. »

Lorsque Colette surgit à son mariage, Bernard lui trouve une ressemblance inattendue :

« Elle ressemble à ma sœur.

-Quelle sœur ?

-Celle que j'ai jamais eu ! » Du Blier pur jus !

En matière de répliques savoureuses, Florence ne donne pas sa part aux chiens. Lorsque Colette s'excuse d'avoir vomi sur la moquette, elle répond du tac au tac : « Je préfère changer de moquette et garder mon mari ! »

Alors que la mise en scène déconcertante a déjà été largement compensée par ces dialogues percutants, la qualité de l'interprétation va permettre au film de remporter définitivement l'adhésion.

Le trio d'acteurs principaux est remarquable. Pour une fois, on a affaire à deux femmes et un homme au lieu du traditionnel triptyque une femme-deux hommes. Gérard Depardieu s'adapte au scénario, et oriente donc plus son jeu vers la réflexion, la nostalgie, que vers la comédie, en se montrant sensible et émouvant. Voir sa façon magnifique et poignante de décrire à ses amis le pourquoi de sa liaison avec Colette.

Carole Bouquet réussit une composition difficile car il n'a pas du être évident pour elle de jouer une femme trompée, ridiculisée par une rivale sans attraits. Et pour jouer cette rivale, Josiane Balasko est véritablement époustouflante dans ce rôle de Colette Chevassu, la petite secrétaire qui ne paye pas de mine, mais sait tellement bien donner de l'amour aux hommes, se montrer une maîtresse exceptionnelle.

Des rôles secondaires, on ressortira François Cluzet, fort convaincant en écrivain et mari trompé de Colette, ainsi que Roland Blanche, très bon dans le rôle de l'ami fidèle de Bernard et Florence. Fidèle, si l'on veut, il est présenté ainsi par Bernard, mais va quand même consoler Florence lorsque Bernard l'aura quitté, avant de finir en couple avec Colette...

Il faut souligner les aspects psychologiques récurrents : tout comme dans Le Quart d'heure américain, le scénario joue sur le conflit intérieur qui travaille Bernard, irrésistiblement attiré par Colette tout en demeurant lucide sur le fait que son physique disgracieux devrait au contraire le repousser. Mais le flm du Splendid était bien sûr une pure comédie, alors que Bertrand Blier développe ici une comédie dramatique plus recherchée, pour un résultat tout aussi agréable et une fin prévisible où Bernard, à force d'hésitations et de volte-face, se retrouve seul.

Anecdotes :

  • Le film a été tourné à Marseille, notamment dans une concession BMW, dont Bernard est censé être le gérant.

  • Pas de bande musicale composée pour ce film, Francis Lai a simplement inséré une musique additionnelle parmi les multiples œuvres de Schubert qui accompagnent le spectateur tout au long de l'histoire. Après un film « Mozart » (Préparez vos mouchoirs), qui comprenait déjà un final Schubert, voici donc un film « Schubert ». Son fils devant faire un exposé scolaire sur le compositeur autrichien, Bernard se farcit du Schubert à longueur de journée, mais n'apprécie pas, il trouve cette musique trop triste.

  • Le nouveau style Blier était calibré pour plaire à la profession. Tout comme Notre Histoire, il réussit un carton plein aux César, obtenant entre autres celui du meilleur film, du meilleur réalisateur et du meilleur scénario. Fait rare, Carole Bouquet et Josiane Balasko étaient toutes deux en course pour la meilleure actrice. C'est Carole Bouquet qui l'a emporté. Malgré toutes les qualités de Bouquet, j'aurais choisi Balasko.

  • Sur la lancée de Tenue de Soirée, Trop belle pour toi franchit la barre des deux millions d'entrées, ce qui constitue la troisième meilleure performance de Bertrand Blier depuis le début de sa carrière.

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Le Bruit des glaçons
Si j'étais un espion

Saga Bertrand Blier

Classement Bertrand Blier de son pire film à son meilleur film


CLASSEMENT BERTRAND BLIER DE SON PIRE FILM À SON MEILLEUR FILM

17) Notre Histoire : Bertrand Blier inaugure ce qui deviendra son nouveau style à partir des années 90. Une mise en scène moins populaire et plus intellectuelle, avec des retours en arrière et des personnages qui racontent leur histoire aux spectateurs. Le début se laisse regarder grâce à la belle performance de Alain Delon, alors que Nathalie Baye a plus de mal pour entrer dans les délires particuliers du cinéma de Blier. Puis le film s'enfonce dans une succession de scènes sans grand intérêt, malgré de très bonnes performances d'acteurs, je pense en particulier à Michel Galabru. Le final est incompréhensible et m'a mis mal à l'aise.

16) Les Acteurs : Centrer un film sur les acteurs, c'est bien. Réunir autant de grands comédiens, de monstres sacrés, sur un même film, c'est encore mieux. Mais le résultat s'avère décevant, trop décousu, faute d'un réel scénario. Le meilleur est pour la fin, avec le moment d'émotion offert par Claude Brasseur et Bertrand Blier lui-même, en conversation téléphonique avec leurs papas respectifs depuis l'au-delà.

15) Merci la vie : OK, Anouk Grinberg est ravissante et bien mise en valeur, mais la mise en scène est irritante, tellement constellée de retours en arrière que l'on finit par ne plus rien comprendre. Voilà qui fait regretter la simplicité et la linéarité exemplaires des scénarios du Blier de la grande époque. Le début du film avait suscité des espoirs, avec l'odyssée amusante des deux amies, et le jeu très au point de Grinberg et de Charlotte Gainsbourg. Mais avec l'intrusion du cinéma, le film se perd dans la confusion et le n'importe quoi, à l'image de ce mélange indigeste entre des histoires de SIDA, de Gestapo et de SS sans queue ni tête. Et pourtant, que de très bons acteurs, Michel Blanc, Jean-Louis Trintignant et Jean Carmet en tête.

14) Un, deux, trois, soleil : Le premier quart-d'heure laisse présager une catastrophe avec ses multiples scènes d'école où l'on ne voit pas où Blier veut en venir. La suite est heureusement de meilleure qualité avec le sens habituel du retournement des valeurs établies représenté par le personnage incarné par le toujours excellentissime Jean-Pierre Marielle, et par instants des dialogues crus et innovants, dans le plus pur style du cinéaste, sans toutefois que l'on atteigne des sommets. En effet, Bertrand Blier a perdu son impertinence, son anticonformisme. J'aurais souhaité qu'il développe une vision originale des problèmes des banlieues, mais il se contente de relayer l'opinion dominante dans les médias et l'intelligentsia.

13) Les Côtelettes : Bien que je n'apprécie guère le style orienté vers la comédie sociale, ce film recèle quelques bons moments, notamment dans sa première partie. Le duo Philippe Noiret-Michel Bouquet s'avère excellent et Blier nous gratifie de trouvailles uniques en son genre, à l'image des digressions sur les excréments. Il est dommage que ces atouts soient gâchés par un final absurde, dans la lignée des délires exagérés de la seconde partie de Calmos.

12) Combien tu m'aimes ? : Quelques années après Mon Homme, Bertrand Blier aborde à nouveau la prostitution, un de ses sujets de prédilection, mais sous un angle plus grave, le jeu de la divine Monica Belluci étant plus orienté vers le drame que celui de l'ingénue Anouk Grinberg. C'est bien cette tonalité dramatique, caractéristique du Blier de seconde partie de carrière, qui empêche ce film d'accéder à la catégorie supérieure.

11) Mon homme : Sans doute le meilleur des trois films avec Anouk Grinberg, égérie du Blier des années 90. La belle est particulièrement sexy et envoûtante dans son rôle de prostituée bien dans sa peau. Gérard Lanvin est étonnant dans sa transformation subite de clochard en maquereau, et le message libertaire délivré par l'auteur très sympathique. On regrettera l'orientation de la seconde partie du scénario vers la comédie sociale douce-amère, genre dans le quel Bertrand Blier se montre généralement moins à l'aise.

10) Le Bruit des glaçons : Un scénario intéressant basé sur la personnification du cancer, et donc typique de l'univers du cinéaste, toujours de bons comédiens, avec un Albert Dupontel désopilant et une surprenante Myriam Boyer, et de jolis moments d'émotion grâce au traitement subtil de ce sujet délicat qu'est le cancer. L'ensemble de ces qualités est un peu gâché par un rythme lent. Si l'on ne s'accroche pas, le film devient vite ennuyeux.

9) Si j'étais un espion : Premier long-métrage de Blier, tourné bien avant les autres, dans les années soixante et dans un style classique, moins iconoclaste que les œuvres qui suivront, Si j'étais un espion ne manque néanmoins pas de qualités avec son univers étrange, à la fois typique des films d'espionnage et un rien différent, son scénario à tiroirs et le formidable Bernard Blier dans le rôle principal.

8) Trop belle pour toi : Bertrand Blier confirme sa prédilection pour les thèmes allant à contresens des valeurs établies. Un scénario solide sur lequel s'épanouissent le génial Gérard Depardieu et les deux actrices remarquables que sont Carole Bouquet et Josiane Balasko, cette dernière se montrant particulièrement en vue dans un rôle femme fatale qui ne paye pas de mine. Et toujours des dialogues au top niveau.

7) Beau-Père : Un sujet sulfureux encore une fois admirablement traité, un Patrick Dewaere égal à lui-même et la jeune Ariel Besse ingénue et rafraîchissante sont les meilleurs atouts de cette œuvre de qualité, malgré un commencement d'évolution du style de Blier qui ne va pas spécialement dans le bon sens, l'excès de personnages racontant leur propre histoire s'avérant vite pesant.

6) Calmos ! : Une première partie du même niveau que les très grands films de Blier, avec un Jean-Pierre Marielle comme toujours excellent, qui arrive à entrer sans états d'âme dans l'univers délirant de Bertrand Blier, et pour ce qui est de délires, on est particulièrement gâtés. Dommage que la seconde partie s'enlise justement dans un excès de délires qui, à la longue, ne sont même plus drôles. Mais la première demi-heure est vraiment à voir et revoir sans se lasser, ode à l'amitié virile, au bonheur de deux amis débarrassés de contingences féminines.

5) La Femme de mon pote : Encore un scénario inspiré et parfaitement linéaire, dans la lignée du Bertrand Blier de la grande époque, et toujours des comédiens exceptionnels. Coluche est hilarant à souhait dans un comique plus fin et recherché que son registre habituel, Isabelle Huppert joue la garce imperturbable mais gentille avec un naturel désarmant, et Thierry Lhermitte se montre digne successeur de Patrick Dewaere, initialement prévu pour le rôle. Encore une fois, on assiste à un festival des dialogues ciselés.

4) Les Valseuses : Faut-il que la filmographie de Bertrand Blier soit riche pour que cette petite merveille ne soit classée que quatrième ! Il est vrai que les numéros trois et quatre sont presque des deux bis tant les trois films de la trilogie se tiennent de près, tous d'une qualité irréprochable. Celui-ci est sans doute celui qui brise le plus de tabous, celui a le plus révolutionné les mœurs et le monde du cinéma, parce que c'est le premier, et parce qu'il incarne tellement bien les valeurs libertaires issues de mai 68. Le cinéaste inaugure ses fameux dialogues à la gouaille bien connue, qui deviendront une de ses marques de fabrique.

3) Tenue de soirée : Michel Blanc, Gérard Depardieu et Miou-Miou offrent un véritable festival, c'est un régal de voir de tels acteurs jouer avec tant de talent et de conviction le bijou de scénario concocté par un Blier au sommet de sa forme. Les dialogues atteignent des sommets inégalés de comique et de truculence, dans le style très rabelaisien qu'affectionne l'auteur. Encore un joli sujet remarquablement traité, avec à l'arrivée une des plus belles réussites cinématographiques françaises des années quatre-vingts, regorgeant de moments irrésistibles d'humour et d'impertinence.

2) Préparez vos mouchoirs : Le duo Depardieu-Dewaere est détonnant, Carole Laure merveilleuse, et la partition que leur offre Bertrand Blier magnifique. L'histoire est à la fois drôle et tendre, le sujet admirablement traité. La voilà la recette des grands films de Blier : un scénario ciselé et des dialogues d'anthologie au service d'acteurs d'exception. Le résultat arrive à surpasser Les Valseuses, qui était déjà un film parfait. On peut donc qualifier Préparez vos mouchoirs de film plus-que-parfait.

1) Buffet Froid : Un film unique, tant au cinéma que dans la carrière de son auteur, un véritable chef-d’œuvre d'humour noir, d'une drôlerie inégalée. C'est ici que Bertrand Blier développe le plus son penchant pour l'absurde, qui peut être diversement apprécié, mais que j'ai toujours trouvé remarquable. Un scénario limpide, logique et génial de simplicité. Des dialogues à faire pâlir de jalousie Michel Audiard. Et des acteurs exceptionnels : le trio principal donne sa pleine mesure et les acteurs de compléments sont au diapason.

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Les CôtelettesLe bruit des glaçons

Saga Bertrand Blier

Combien tu m'aimes ? (2005)


COMBIEN TU M'AIMES ?

classe 4

Résumé :

Un homme annonce à une prostituée qu'il vient de gagner plus de quatre millions d'euros au loto, et lui propose de vivre avec lui en échange de 100 000 euros par mois. Il ne se doute pas que le souteneur de la fille va tenter d'exploiter la situation.

unechance 7

Critique :

Bertrand Blier revient à un de ses thèmes de prédilection, la prostitution, mais vue sous un angle différent de celui développé dans Mon Homme. Ici, la tonalité est beaucoup moins joyeuse, et le jeu de la péripatéticienne vedette tranche avec le côté ingénu, femme-enfant, d'Anouk Grinberg.

Daniela est interprétée par la plantureuse Monica Bellucci, que l'on ne présente plus. Avec son physique parfait et sa grande classe, la belle Italienne interprète une Daniela mature et réfléchie.

Pour lui donner la réplique, l'inattendu Bernard Campan, l'humoriste justement bien connu des mal nommés Les Inconnus, interprète un François maladif, de tendance morose, nostalgique d'on ne sait quoi.

Aucune surprise dans la tonalité du film, dans la lignée du précédent. On reste beaucoup plus dans le domaine du drame que dans celui de la comédie légère.

Le sujet est intéressant, mais n'a pas été très développé. Il ne se passe pas grand-chose, l'impression de surplace arrive très vite, jusqu'à l'entrée en jeu tardive de Gérard Depardieu, qui arrive à point nommé pour relancer l'action.

ladoublure 3

Campan et Bellucci sont de bons comédiens, mais lorsque Depardieu intervient, c'est alors l'acteur exceptionnel, celui qui a quelque chose de plus, qui sublime son rôle.

Blier donne un bon coup de griffes au corps médical, toujours prompt à jouer les empêcheurs de tourner en rond. En bon toubib donneur de leçons, l'ami et médecin de François interprété par Jean-Pierre Darroussin est insupportable. Et qu'il ne faut pas manger ceci, et qu'il ne faut pas trop faire l'amour pour ménager son cœur défaillant...

En réalité, le docteur est tout simplement fasciné par Daniela, et c'est qui lui va passer l'arme à gauche, victime d'une attaque cardiaque à la vue des seins dénudés de la belle. Voilà qui est compréhensible, tellement Monica Bellucci est tout aussi magnifique nue qu'habillée, et tellement bien pourvue question poitrine avec ses deux obus arrogants.

En dehors de la prestation comme de coutume sensationnelle de Depardieu, très à l'aise dans le rôle de Charly, le maquereau cynique, le point fort du film est en effet la vision de ses belles interprètes féminines. Bien entendu, je ne parle pas de la quelconque Farida Rahouadj, mais évidemment de Bellucci, et aussi de la divine et rafraîchissante Sara Forestier, particulièrement sexy dans le rôle de Muguet, la prostituée qui entend prendre la place de Daniela auprès de François.

Un mauvais point pour la musique : comme beaucoup de mes semblables, je suis allergique à l'opéra, donc la musique constellée de chants d'opéras italiens m'est difficile à supporter. Bertrand Blier a sans doute choisi ce qu'il aime, mais peut-être devrait-il penser à ses spectateurs, dont les goûts peuvent être différents, et opter pour des musiques plus fédératrices.

On note aussi une anomalie évidente. L'histoire se déroule à Paris, le bar où François rencontre Daniela est situé dans le quartier Pigalle, mais ce genre d'établissements, où les filles sont complaisamment en attente devant la vitrine, on les trouve surtout en Belgique ou aux Pays-Bas. En France, lois répressives obligent, la prostitution organisée est beaucoup plus discrète, tout comme les entraîneuses de bars ou de boîtes de nuit. De plus, le quartier Pigalle n'est plus un haut lieu de prostitution depuis bien longtemps. Cependant, cette anomalie n'est guère gênante dans la mesure où les films de Blier son le plus souvent volontairement irréalistes.

Une surprise nous est réservée dans la seconde partie du film quant au loto de François, et c'est une vraie surprise car on ne l'avait pas vu venir. Il est regrettable que le moment-clé où, constatant sa perte d'amour pour Charly, Daniela retourne vivre chez François, intervienne aussi tôt dans le scénario. Cette séquence était calibrée pour servir de conclusion. En la plaçant plus avant dans son film, Blier en est réduit à meubler les vingt dernières minutes avec du n'importe quoi.

Le seul intérêt des scènes finales de fête avec les collègues de bureau dans l'appartement de François et Daniela est la belle composition de l'étonnant Edouard Baer en ami fasciné par la beauté de Daniela. Mais ces séquences à tonalité joyeuse sont très décalées par rapport à l'esprit du film, et ne parviennent pas à faire oublier que l'on est dans une comédie dramatique pas franchement réjouissante.

A l'arrivée, ce Combien tu m'aimes ? se laisse regarder, mais ne laissera pas un souvenir impérissable.

Anecdotes :

  • Bertrand Blier fait une apparition en caméo : il est le client que Muguet raccompagne à la sortie du bar.

  • Après l'échec retentissant de Les Côtelettes, Blier retrouve des eaux plus habituelles, et parvient même à franchir la barre des 500 000 spectateurs.

  • Farida Rahouadj, déjà vue dans Les Côtelettes, avait déjà à cette époque succédée à Anouk Grinberg comme compagne de Bertrand Blier.

lescotelettes 5

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Combien tu m'aimes ?Bertrand Blier du pire au meilleur

Saga Bertrand Blier

Le Bruit des glaçons (2010)


LE BRUIT DES GLAÇONS

classe 4

Résumé :

Charles Faulque, écrivain déchu, abandonné par sa femme et alcoolique, n'arrive pas à se consoler avec sa nouvelle compagne Evguenia, une jeune Russe surtout intéressée par son argent. Un jour, il reçoit la visite de son cancer...

unechance 7

Critique :

Et voilà un nouveau thème abordé par Bertrand Blier : le cancer. Un sujet guère réjouissant, pour rester dans la tonalité dramatique qui a complètement étouffé les aspects comédie dans ses derniers films.

Nouveau thème, mais recettes bien connues. Le cancer personnalisé, il fallait y penser, mais cela ressemble fort à « La Mort » vue dans Les Côtelettes. Pour le reste, c'est un Blier classique, avec son lot de délires et de scènes sexuelles habituelles, toujours aussi réjouissantes. La jeune Christa Théret est jolie et sexy dans le rôle de Evguenia, et le dépucelage du fils de Charles par la bonne inattendu mais bienvenu.

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Autres points positifs : un regard lucide sur cette terrible maladie qu'est le cancer, générateur de beaux moments d'émotion, et quelques dialogues dans la grande tradition « blierienne », à l'image de cette conversation entre Louisa, la bonne de Charles, et son cancer :

« Vous pourriez m'aider à porter les bagages.

-Un cancer n'est pas là pour porter les bagages. En général, un cancer porte la poisse. »

Mais aussi :

« C'est trop tard, la mammographie. Il diffuse, ton cancer, j'en suis aux poumons. »

Et cette réplique du cancer de Charles, mise en valeur par le jeu très au point de Albert Dupontel :

« Un cancer, ça lâche jamais la grappe, ça vous colle au « derrière »... 

Comme toujours avec Bertrand Blier, l'interprétation ne souffre d'aucun reproche. Le duo Dujardin-Dupontel fonctionne bien, avec un Jean Dujardin, surtout connu pour ses rôles comiques, totalement à contre-emploi face à un Albert Dupontel au contraire doté d'un personnage typique de son jeu d'acteur.

Du côté des femmes, mention pour Anne Alvaro (Louisa), et surtout pour Myriam Boyer, interprète désopilante du cancer de Louisa, et de nouveau excellente dans un film de Blier. Myriam Boyer, actrice méconnue, est probablement passée à côté d'une grande carrière.

Une nouvelle fois, ce qui gâte des qualités certaines, ce sont les multiples retours en arrière, qui ne s'imposaient absolument pas, une fin guère satisfaisante en forme de pirouette, et surtout un rythme bien trop lent, donc générateur de temps morts et d'ennui.

Anecdotes :

  • Adepte des décors méridionaux, Bertrand Blier a choisi cette fois le Languedoc, et installé ses caméras dans le Gard et l'Hérault.

  • Anne Alvaro a obtenu pour son rôle de Louisa le César de la meilleur actrice dans un second rôle.

  • Avec près de 750 000 spectateurs, Blier fait mieux que sur ses cinq films précédents, et un nombre d'entrées qu'il n'avait pas atteint depuis près de vingt ans.

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Les acteursCombien tu m'aimes?

Saga Bertrand Blier

Les Côtelettes (2003)


LES CÔTELETTES

classe 4

Résumé :

Deux sexagénaires, tristes et nostalgiques, tombent amoureux de la même personne, qui n'est autre que leur femme de ménage.

unechance 7

Critique :

L'énorme échec commercial de ce film apparaît injustifié dans la mesure où il n'est certes guère meilleur, mais en tous cas pas pire, que les autres œuvres du Blier de l'époque.

Pourtant, le cinéaste avait bétonné sa distribution en faisant appel à deux poids lourds confirmés pour les rôles principaux. L'âge n'a pas enlevé à Philippe Noiret sa verve légendaire, ni sa gouaille naturelle, et Michel Bouquet continue à faire du Michel Bouquet, avec sa façon de jouer et sa diction, inimitables.

Peut-être le public de l'époque avait-il besoin de renouvellement ? Ou bien avait-il été refroidi par la singularité du film précédent ?

On a affaire ici à un Blier typique, constellé de propos salaces et d'aspects surréalistes. On assiste même à un certain renouveau concernant les dialogues, qui suscitent nombre de sourires complices.

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L'entame est accrocheuse, avec son côté absurde dans le bon sens du terme, dont Blier a le secret. Léonce (Philippe Noiret), âgé de 64 ans, est un bourgeois qui se flatte de voter à gauche. A l’opposé, Michel Bouquet, le « Vieux » de 70 ans, se définit comme un « pauvre de droite ».

Léonce, touché par l'attitude humble de Nacifa, sa femme de ménage, se trouve pris de scrupules en raison de son mode de vie, qu'il commence à trouver indigne de ses idées progressistes : comme n'importe quel vulgaire riche de droite, il s'est mis en couple avec une beauté de 30 ans après son divorce.

Il fallait vraiment être Bertrand Blier pour inventer ces histoires d'excréments : Léonce explique que la différence entre un « imbécile » de gauche et un « imbécile » de droite, c'est que le premier nettoie les WC après avoir déféqué, alors que le second ne le fait pas car il paye des gens pour le faire à sa place ! Et il avoue que lui-même ne nettoie pas, en dépit de ses idées affichées.

On le voit, la politique est omniprésente, et oriente le film vers une comédie sociale, genre déjà abordé par Bertrand Blier et qui, à mon avis, n'est pas celui qui lui convient le mieux. Je préfère le Blier auteur de cinéma populaire des années 70 et 80 au Blier plus « bobo » des années 90 et 2000, et il semble que la majorité du public soit de mon avis, vu le flop du film.

Parti sur cette voie, le scénario s'enlise et le film se délite, ne confirmant pas les espoirs suscités au commencement. Pourtant, tout n'est pas à rejeter, loin de là. Il y a le donc un bon début, avec le « Vieux » qui débarque chez Léonce sans crier gare avec l'intention avouée de l'ennuyer. Puis l'idée originale de personnifier la Mort, que l'on retrouve sous les traits de Catherine Hiégel, idéale pour ce rôle.

« La Mort » arrive un jour chez Michel Bouquet, qui est prêt à la suivre, mais elle ne veut pas de lui, elle préfère les gens moins consentants, qui s'accrochent à la vie. Elle va resurgir un peu plus tard, d'abord pour faire du gringue au « Vieux », mais ce dernier ne se montre pas intéressé, ensuite pour tenter d'emmener Nacifa, atteinte d'un cancer. Du 100% Blier !

Tout ceci n'est pas dénué d'intérêt, et fait d'autant plus regretter le final décevant. Cette « sodomisation » de La Mort par Noiret et Bouquet, sous les regards d'un groupe de handicapés physiques qui, subitement, quittent leurs fauteuils roulants pour se mettre à danser, très peu pour moi. Voilà qui ne rime à rien, et n'est même pas drôle.

Cette fin ratée s'apparente à un écho de celle, tout aussi surréaliste, de Calmos, et confirme la difficulté de Bertrand Blier à bien terminer ses films.

Anecdotes :

  • Il s'agit de l'adaptation par Bertrand Blier de sa pièce du théâtre du même nom, jouée pour la première fois en 1997 au Théâtre de la Porte Saint-Matin, avec les deux mêmes acteurs dans les rôles principaux. Michel Bouquet avait remporté le Molière du comédien.

  • Très gros échec populaire pour ce film puisqu'il n'atteint même pas les 100 000 entrées. Blier retombe ainsi dans les mêmes eaux qu'à ses débuts, avec Si j'étais un espion.

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