Journal intime d'une call girl Saison 1 1. Le Partenaire idéal (Episode 1.1) 2. La vie est un roman (Episode 1.2) 5. Jamais deux sans trois (Episode 1.5) 6. Le Sens des valeurs (Episode 1.6) Scénario : Lucy Prebble, sur une idée de Paul Duane, d’après The Intimate Adventures of a London Call Girl de Belle de Jour (pseudonyme de Brooke Magnanti) Réalisation : Yann Demange I love London, I love its rudeness, its lack of community, its impatience, I even love its weather ; but most of all, I love the anonymity. The first thing you should know about me is that I'm a whore. Londres. Nous faisons la connaissance d’une jeune femme, Hannah, qui exerce avec plaisir et sans contrainte le métier de call-girl de luxe. Elle nous fait entrer dans un univers extrêmement codifié, non seulement par ses règles, mais aussi par la nécessité de séparer les deux êtres en elle : Belle la prostituée, Hannah la femme, ce qui la pousse à faire des sacrifices pour exercer son métier… La critique de Clément Diaz: Ce premier épisode parvient en un temps record à donner une vision complète et divertissante de la série : vision peu commune et glamour de la prostitution de luxe, érotisme et humour très présents, description rapide et efficace d’une héroïne au quotient sympathie déjà énorme, ton comique (voire déjanté), déclaration d’amour à la ville de Londres, volonté sociologique voire anthropologique sur la recherche de sa propre identité, et un arrière-fond plus grave annonçant de loin le pessimisme noir d’épisodes futurs. Ne disposant que de 22 minutes, Lucy Prebble décide sagement de laisser de côté son scénario pour se focaliser sur la présentation de la série. N’étant pas autre chose qu’un (long) prélude, le fil du récit résulte artificiel, c’est le prix à payer pour qu’elle réussisse à inclure toute la richesse de la série, qui nous prévient déjà qu’elle sera bien plus qu’une simple mise en images d’anecdotes croustillantes sur une escort-girl. Ce qui frappe le plus dans ce pilote est toutefois la mise en scène stupéfiante de beauté et d’imagination de Yann Demange, qui idéalise une réalisation à la base documentaire (genre The Office). Le style « docu » permet aussi une réjouissante composante de la série : les apostrophes directes de Belle face caméra au spectateur, brisant le Quatrième mur. Le traitement des scènes sexuelles se montre déjà varié et réussi. Les quelques lourdeurs sont pleinement compensés par un humour résolument décalé. Billie Piper explose d’entrée de sensualité, de sympathie, et d’humour. En 22 petites minutes, nous saisissons un croquant croquis de la belle Belle, passionnant sujet d'étude : elle exerce son métier aussi bien par plaisir que pour l’argent « facile », est consciente de son pouvoir de séduction mais l’utilisant seulement pour garder le contrôle sur ses rendez-vous (Belle ne sera jamais une dominatrice, on en reparlera dans l’épisode 4). Elle dégage immédiatement une aura empathique et souriante, avec deci delà quelques aspérités : paresse, orgueil, frivolité assumée... Son tempérament volontaire et déterminé renforce sa présence. Tout comme Belle « joue » avec ses clients, Belle joue avec le spectateur en le taquinant sur la vision de béotien qu’il a de son univers. L’énumération de ses règles d’hygiène, de vie, de sécurité, ainsi que quelques « trucs » du métier, évite un effet mécanique par leur application immédiate et souvent décalée à l’écran. L’on voit qu’être escort de luxe n’est pas à la portée des premier(e)s aspirant(e)s venu(e)s ! Son professionnalisme à satisfaire les moindres fantasmes de ses clients est également très apprécié, tout comme son regard critique sur l’hypersexualisation de la société touchant les jeunes comme leurs aînés. En présentant une femme faisant ce qu’elle veut de son corps et de son âme, ne s’autorisant aucun diktat si ce n’est celui de la discrétion, tout en demeurant crédible, la série insère bel et bien une tonalité féministe. La série réussit les scènes chaudes, les différenciant pour rappeler toute la diversité de la sexualité. Elle pare également au côté scabreux de la chose avec un humour massif. Ainsi, la scène de sexe avec le client qui fantasme sur les étables de chevaux est la première manifestation des tornades d’humour qui vont déferler sur la série. En contrepoint, le jeune et beau client timide qu’est Daniel va permettre à Belle d’exprimer les premières ombres de la série. Daniel est un client effrayé par la domination des escorts, et Belle comprend qu’il voudrait faire l’amour à une femme de tous les jours, à Hannah, et non à Belle. D’où une scène de sexe cette fois romantique et torride, et une belle acuité de la psychologie masculine, cherchant au fond d’elle-même une « princesse charmante » éloignée du maquillage et des tenues agressives des escorts. Mais cela révèle aussi de Belle une volonté farouche de séparer ses deux identités comme le dit sa conclusion amère. On avouera cependant que la scène de fellation et de masturbation (en suggéré) est un peu grasse, malgré l’amusant malaise de la situation. Billie Piper exprime à merveille toutes les facettes de son personnage. La critique d'Estuaire44 :
Sur un rythme davantage entraînant que rapide, ce pilote parvient à installer l’univers de la série et sa protagoniste, avec autant d’humour que d’efficacité. Si certains éléments n’apparaissent encore que superficiellement présentés, notamment Ben, toutes les composantes de la série répondent à l’appel. Ainsi le territoire de chasse de Belle est-il délimité dans l’Espace et dans le Temps : entre St-Paul et Mayfair, en ce début des années 2000 où la City rugit de sa prospérité financière apparemment sans bornes, et de l’exacerbation des plaisirs des puissants du jour. Nous nous immergeons dans le tourbillon du Londres d’avant l’éclatement de la Bulle, en 2008, avec son dynamisme, son brillant, mais aussi ses excès comme la folie immobilière, évoquée lors de la visite de la maison. Dès son entrée, le récit a également la bonne idée de pointer qu’il ne concernera qu’un type très restreint de prostitution, et avant tout un parcours individuel, sans discours à portée générale sur ce sujet souvent sordide. Surtout Secret Diary of a Call Girl nous propose un saisissant panorama de ses qualités. La mise en scène se montre aussi mobile que plaisamment sophistiquée, mettant aussi bien en valeur le ressenti des personnages que les magnifiques vues de Londres. La bande son est à l’avenant, somptueuse et contemporaine. L’humour crépite sans faiblir, à l’unisson du charme et de la jeunesse du duo vedette. A ses côtés, Stéphanie se voit déjà implantée en maîtresse femme, à la fois rude et d’un esprit redoutablement vif. Sa manière, sans avoir d’y toucher, d’inciter Belle à relever le gant témoigne déjà de la compréhension et de l’intérêt qu’elle porte à celle-ci. Cherie Lunghi est épatante. Malgré toute cette mise en place, effectuée au sein d’un format court, l’épisode parvient à narrer une intrigue certes très courte, mais précieuse car synthétisant le propos général de la série, comme lors de l’ouverture d’un opéra : les choix de Belle la condamnant in fine à la solitude. Le client parlant à l’oreille des chevaux (Equus n’est pas loin) apporte une excentricité très anglaise, tandis que les autres pratiques sexuelles présentées en cours de saison n’auront rien d’intrinsèquement britanniques. Mais la grande réussite de l’opus reste en définitive Hannah/Belle elle-même adorable, drôle et émouvante, d’une humanité transperçant l’écran. La fabuleuse Billie Piper aura su choisir le rôle idéal pour négocier l’après Rose Tyler, à la fois si proche (même caractère de battante et même origine sociale) et si différente. Le récit met particulièrement en exergue la spécificité de l’adresse au public via le Quatrième Mur, permettant à l’actrice de jouer de tous les ressorts de son beau talent. Les dialogues, tous finement ciselés, nous montrent déjà une Belle passionnante, en apparence ne celant rien mais ne soufflant mot de ses sentiments les plus intimes. Un épisode parfait, donnant infailliblement envie de découvrir la suite.
2. LA VIE EST UN ROMAN Scénario : Lucy Prebble Réalisation : Yann Demange l know that man from somewhere. Have to go through my mental Rolodex of everyone l’ve ever slept with… This could take a while. Belle est ravie de participer à une des plus prestigieuses soirées adultes du pays pour son rendez-vous avec un client. Mais elle déchante quand ce dernier lui interdit par contrat de flirter (et plus si affinités) avec quelqu’un d’autre, car il est excité à l’idée de voir hommes et femmes la désirer tout en ne pouvant la toucher. La déception est d’autant plus grande que Belle croise là-bas une de ses idoles, l’écrivain Jay Lorre… La critique de Clément Diaz: L’épisode souffre de se segmenter en deux parties distinctes n’ayant rien à voir l’une avec l’autre. La première partie recèle de bons moments d’humour par sa description pittoresque d’une soirée très privée, et du dilemme de Belle, piégée entre désirs personnels et professionnalisme exigé. Mais l’épisode préfère se promener dans le club plutôt que de développer l’humour de la situation initiale. Le virage de la seconde partie sert uniquement de prétexte à nous présenter (trop vite) la famille de Belle. On se console avec le talent décidément estomaquant de Yann Demange dont la caméra esthétise au plus haut point les décors. Et bien sûr Belle, Belle, Belle qui nous amuse en banalisant comiquement les situations les plus étranges, mais nous émeut aussi lorsque son visage s’empreint de gravité en pensant aux sacrifices de son métier. Le scénario très minimaliste de Lucy Prebble bride l’humour, Belle ne faisant que discuter sobrement avec son idole ou se promener d’un air morne dans les différentes salles. La description du club est divertissante mais reste à la surface. Alors que les scènes sexuelles ne seront jamais l’élément le plus important de la série, il est révélateur que ce sont les préliminaires muy caliente de la scène de triolisme qui resteront comme la scène ressortant le plus de l’épisode (avec toujours cette caméra à distance parfaite entre voyeurisme et pudeur). Depuis longtemps, la télévision a dépeint les artistes comme des tarés écorchés vifs aux obsessions délirantes – sexe compris – cela correspond à une image fantasmée (bien que pas tout à fait fausse) aujourd’hui de mise dans l’imaginaire collectif. On est donc pas étonné de trouver un écrivain sérieux dans un lieu chaud bouillant accompagné d’une belle blonde très « ouverte d’esprit ». Jay Lorre, incarné avec mystère et malice par Jamie Sives, donne un peu de piment à ses scènes avec Billie, par ailleurs franchement drôle avec sa perruque lui donnant un côté « vilaine fille » pas du tout crédible. Le rebondissement final est aussi drôle qu'ironique. La deuxième partie avec la famille de Belle souffre d’un contraste trop tranché avec le segment précédent. N’ayant aucun relief, papa, maman, soeurette, et neveu passent très vite, et on remarque seulement que la magie de l’épisode précédent entre Ben et Belle n’était pas un accident, notre duo se montrant joliment fusionnel. Avant une coda sereine, une ombre passe dans les grands yeux de Belle, lorsqu’elle contemple ce à quoi elle renonce : relation personnelle épanouie, maternité, solitude permanente, cachotteries à sa famille... Un regret à l’origine de sa quête de l’âme sœur et de la conciliation de sa double identité. La gamme d’émotions sur laquelle joue Billie Piper apparaît déjà grande, et elle aura l’occasion de montrer qu’elle est en réalité encore plus vaste. Et toujours cette caméra couvant amoureusement des yeux une Belle alanguie sur un siège de voiture… La critique d'Estuaire44 : Cet épisode vaut par la description vacharde d'une soirée profondément ennuyeuse, on l'on se rend finalement davantage par snobisme que par esprit égrillard. Le sexe aussi peut devenir terne quand il n'est que représentation. L’effet est accentué par la personnalité du client du jour, qui, sans être inquiétant ou agressif, ne constitue pas moins un facheux de la plus belle eau. On que cette série dans l'air du temps vilipende en définitive bien davantage le milieu branchouille que le cadre familial traditionnel, c'est assez audacieux vis à vis de ce que l'on pourrait considérer comme étant son public. Encore une formidable composition de Billie Piper, d'emblée très naturelle et crédible dans un personnage pourtant casse-gueule. Alors que Belle affirmait dans le pilote pourvoir tout gérer, on ressent dès maintenant qu'Hannah va être à la peine avec les tiraillements qu'implique la vie qu'elle s'est choisie. L’épisode aurait pu encore gagner en se montrant moins déséquilibré entre ses deux parties, la découverte de la party se délaye quelque peu, tandis que l’on aurait aimé approfondir la découverte de la famille. Le petit vaudeville avec l’écrivain semble certes amusant mais demeure assez gratuit.
3. L'OISEAU DE NUIT Scénario : Julie Gearey Réalisation : Yann Demange One orgasm down, ten hours to go. Belle a rendez-vous avec Ash, un de ses clients réguliers pour qui elle a une grande affection. Ce dernier aime la « girlfriend experience », dans laquelle l’escort, pendant toute la nuit, joue le rôle d’une petite amie parfaite et romantique (avec parties de jambes en l’air du même métal) ; ce qui est un des services favoris de Belle. Mais la nuit est longue, Ash s’endort rapidement, et Belle commence à s’ennuyer… La critique de Clément Diaz: Aussi (faussement) légère que peut être une série, chaque épisode doit contenir un enjeu et un suspense. L’épisode précédent souffrait d’une segmentation des intrigues mais instillait au moins un suspense quant au dilemme de Belle. Rien de tel ici dans un scénario sans tenants et aboutissants, avec en plus une nouvelle segmentation d’intrigues. L’épisode convainc par son toujours juste traitement de thèmes sexuels, et l’exposition de facettes moins sympathiques de Belle. Notre héroïne a ses défauts, mais a l’honnêteté de ne pas chercher à les masquer. La réalisation de Demange (un peu moins inspirée), et l’interprétation, demeurent, elles, au top niveau. De fait, l’ennui de Belle est ironiquement communicatif car une fois Ash endormi, l’épisode n’a déjà plus rien à raconter. Voir Belle en professeur d’université nous énumérer les sujets à ne pas mentionner pendant le rendez-vous arrache quelques sourires, mais c’est bien tout. L’incartade avec le client imprévu n’y change rien, aussi pauvre en humour qu’étirée en longueur. La coda est tout aussi pâle avec ces plans gratuitement voyeuristes de Belle prenant sa douche. Demange n’est pas au meilleur de sa forme lors des scènes sexuelles, qu’il filme plus académiquement (et grassement) ; mais il l’est dans les autres scènes, avec ces larges plans du Londres nocturne, et son apologie continuelle de la sensualité de Billie Piper, à faire hurler le loup de Tex Avery dans sa robe rouge. L’épisode trouve un second souffle par son exploration de la psyché sexuelle. Aussi obsédés les hommes soient-ils, ils ne souhaitent qu’au fond trouver une petite amie très romantique, avec qui le sexe serait un ravissement sensuel et ardent de chaque instant ; d’où cette idée d’une relation certes tarifée mais à l’apparence sentimentale, selon Belle, en plein boom. Ash, incarné avec beaucoup de sympathie par Ace Bhatti, en est l’incarnation. Le fait qu’il soit marié rappelle en passant que les prostituées n’ont pas à faire de jugements moraux sur leurs clients (faute de quoi, elles fermeraient boutique) mais aussi la peine que l’alchimie sentimentale et sexuelle des débuts se fane par le temps et la routine, lorsqu’un mariage ressemble de plus en plus à une colocation. Quant au deuxième client, il est élevé comme tant d’hommes dans le culte opprimant de la performance – à tous les sens du terme – Alpha male sûr de lui, il ne semble vivre que pour une autorité fatigante à maintenir. La série traitera un sujet similaire en saison 4. Belle gênée par ses directives, et par son endurance... inhabituelle ouvre un voile sur la psyché féminine, pas forcément friande des parties de jambes en l’air s’éternisant (cliché véhiculé entre autres par la pornographie). Belle devra d’ailleurs recourir à un désopilant tour dans son sac pour hâter la fin des (d)ébats. Pour la deuxième fois consécutive, Belle lance un coup de canif dans le contrat d’exclusivité avec son client juste parce qu’elle s’ennuie. Belle avoue d’elle-même est qu’elle est une mauvaise petite amie en temps normal, ce que Ben avait dit dans le pilote sans qu’elle s’en offusque. Sa vénalité prend plus d’importance, exprimant haut et fort son goût de l’argent facile et de la paresse. Dans son milieu où les relations sont corrompues par les billets, Belle est condamnée à être seule. Aussi une relation plus affective avec un client régulier lui tennant d'ersatz sentimental a-t-elle son importance pour elle – une clé de l'épisode 5. C'est là la Hannah emprisonnée dans sa solitude qui s'exprime derrière Belle... la voir passer de bons moments de complicité platonique avec le maître d’hôtel est dans le même registre. La série confirme sa maîtrise formelle et thématique, mais doit encore trouver ses marques narratives. Cela ne va heureusement plus tarder. La critique d'Estuaire44 : L’épisode continue à nous dévoiler les divers aspects du métier d’escort girl de haut vol, avec une Belle nous entraînant cette fois dans le « service de nuit » particulièrement rémunérateur, mais nous faisant aussi découvrir la relation (relativement) plus intime qu’à l’ordinaire existant avec un client régulier. Tout ceci présente un certain charme, grâce à un Ashok bien dessiné et interprété avec sensibilité par Ace Bhatti (le futur Haresh Chandra de The Sarah Jane Adventures, ce qui établit déjà un lien détourné mais amusant avec le Whoniverse). Toutefois, malgré une mise en scène une nouvelle fois raffinée, l’ensemble manque de surprise et d’intensité. L’impression d’une routine prédomine. Le va et vient avec le deuxième client apporte du piment (et un gag final bien corsé), mais l’épisode passe néanmoins à côté de son véritable sujet, la description du monde à part que constitue un place la nuit, avec ses aspects parfois étonnamment poétiques ou insolites. Cet aspect se voit abordé lors des scènes entre Belle et le réceptionniste, à l’agréable complicité, mais demeurant trop succinctes. Le récit manque également du moteur que représente le relationnel entre Belle et Ben, déjà si porteur en ce début de série.
4. FAIS-MOI MAL… Scénario : Lucy Prebble Réalisation : Yann Demange You don't mind, do you ? My slave is not allowed to clothes indoors. Oh, no, I'm used to it. Pour faire plaisir à son comptable qui a des fantasmes sadomasochistes, Belle fait la connaissance de Sirona, une dominatrice qui lui apprend quelques rudiments du métier. Belle s’occupe alors de préparer la séance, mais son esprit est troublé par le fait que Ben a attendu un mois et demi avant de lui annoncer ses fiançailles avec sa petite amie… La critique de Clément Diaz: En se focalisant sur une seule histoire, les auteurs gagnent en densité et en cohérence, dénotant une prise d’assurance par rapport aux épisodes précédents qui versaient trop dans l’anecdotique. Prebble a de plus l’idée inattendue de s’emparer d’un thème que l’on pourrait imaginer comique (apprentissage catastrophique des codes du S&M) et de l’utiliser pour décrire la psychologie tourmentée de Belle. Démarrant dans l’humour avec une description aussi juste que désopilante du S&M, aux règles très exotiques pour les béotiens, l’épisode finit par instiller le malaise dès lors que cette expérience met au jour ce qu’il révèle de Belle. L’épisode se focalise sur une vision certes simplifiée mais justement exacte de la relation dominant-dominé. Si le S&M et son implication d’une soumission vécue comme le plaisir fascine le succès de Cinquante nuances de Grey le confirme l’on est ici dans une vision radicalement différente de la vision fantasmagorique du grand public (et de miss E.L.James) : au contraire, le S&M est avant tout une relation psychologique. Le plaisir du dominé de lâcher prise, de cesser d’avoir le contrôle, est en soi plus fort que les humiliations qu’il consent (la série reprendra un thème similaire en saison 4). A l’inverse, le dominateur prend davantage plaisir à donner des ordres, à satisfaire son partenaire, que de lui donner des coups de cravache. Ce jeu sexuel demande toutefois un sérieux et une force morale spécifiques. Applaudissements pour Sally Dexter, qui délivre les répliques les plus directes et les plus émouvantes (si, si) avec entrain et sans hystérie. Elle fait transparaître la bonté de Sirona derrière son rôle. Toute la scène d’apprentissage est franchement comique, avec des instantanés aussi frappants que surréalistes, opposés à la violence du film emblématique du sadomasochisme : Maîtresse de Barbet Schroeder. Mais lorsque Belle se métamorphose en Maîtresse, tout se grippe. Elle reçoit de plein fouet la contradiction de sa double identité : si Belle est une « control freak » autoritaire, Hannah est quelqu’un de si sensible à la douleur celle de son âme divisée qu’elle a du mal à la pratiquer elle-même, même si consentie. Ainsi, son crescendo de malaise (ennui, perte d’inspiration, interruption du jeu, manque de confiance…) culmine lorsqu’elle laisse ses émotions personnelles prendre le dessus lors d’une explosion de violence laissant nos deux compères totalement sonnés : lui à cause de la douleur, elle parce qu’elle s’est avancée trop loin dans un rôle qui n’est pas le sien. Cette séquence est bien plus sombre que comique, et son ton est très audacieux. Le déchaînement de Belle vient de sa colère contre Ben qu’elle accuse d’avoir caché ses fiançailles, mais elle-même cache sa double vie. Si sa colère est compréhensible, Ben pointe son hypocrisie, sentant qu’elle lui cache bien des choses. Nouvelle contradiction issue de sa dualité : Hannah souhaite ne rien cacher à l’être qu’elle chérit le plus, mais Belle lui impose silence. Sa décision finale est ainsi une volonté de briser ce carcan. C’est une victoire pour la jeune femme, mais elle paiera le prix de ne pas avoir persisté dans cette direction, au lieu d’accorder trop de place à Belle au détriment d'Hannah. On peut se demander si Hannah est peinée à l’idée de « partager » plus Ben avec sa fiancée, de la crainte de perdre une amitié fusionnelle si vitale pour elle. Quoiqu’il en soit, une pointe d’amertume perturbe la réconciliation de fin. La critique d'Estuaire44 : L'un des grands épisodes de la saison 1, le SM aura rarement été abordé aussi crûment dans une série télé (Californication ou The L Word), on a parcouru du chemin depuis Emma Peel en Queen of Sins ! Le sujet est particulièrement risqué, mais l'épisode s'en tire bien grâce au personnage de la Maîtresse finalement très sympa, sonnant très juste et ne se limitant pas aux représentations. Grâce à l'humour aussi, le moment où Belle reste seule avec le soumis est l'un de ceux de la série m'ayant fait le plus rire. C'est un peu Spike se retrouvant seul avec Joyce en fin de saison 2 de Buffy, ces atroces moments de gêne où l'on ne trouve rien à dire. Belle est adorable jusque dans ses erreurs, c'est tellement évident pour nous que tout cet univers ne lui correspond pas du tout. Mais on aime Belle aussi pour sa recherche parfois maladroite du bonheur, cela trouve toujours un écho en nous. L'histoire indique aussi déjà une tension autour de Ben. Dans cette série où la protagoniste ne nous cache rien de rien de sa vie, où elle s'adresse souvent à nous directement, l'auteure parvient encore à placer un niveau de discours supplémentaire : Belle en exprimant souvent davantage précisément par ce qu'elle ne dit pas. C'est très fort.
5. JAMAIS DEUX SANS TROIS Scénario : Nicole Taylor Réalisation : Susan Tully (créditée comme « Sue Tully ») So Ashok. What's he like ? He's sweet, quite handsome, athletic, clever, kind of geeky, gentle, very polite, and he always smells nice. Hum, in fact, I was actually wondering whether he prefers anal or vanilla. Ash, le « régulier » de Belle (cf. épisode 3), souhaiterait une partie à trois. Belle fait donc au préalable la connaissance de Naomi, l’autre escort qui se joindra à eux. Hannah est cependant préoccupée par l’attitude distante de Ben depuis qu’elle lui a révélé sa double vie… La critique de Clément Diaz:
Avec cet épisode richement dialogué, la série trouve l’équilibre entre histoires principale et secondaire, comédie et drame. Nicole Taylor convainc autant dans le drame du mur de glace entre Belle et Ben que dans l’humour souriant du « threesome ». L’excellente Beth Cordingly campe une Naomi aussi sensuelle que haute en couleurs. Sa relation avec Belle instille une complicité que l’on pressent rare dans ce milieu, ce que l’héroïne apprécie. Cela ne rend que plus cruel le twist final. Sue Tully prend la succession du surdoué Yann Demange et sans égaler tout à fait sa maestria, se montre à la hauteur, filmant avec la même affection l’héroïne, et rendant excitant les scènes de lit. Plus extravertie que l’héroïne, Naomi offre un contrepoint pimenté à l’énergie tranquille de Belle. Leur duo scintille joyeusement entre conversations sexuelles amusantes, différences ludiques dans leurs « préparations », jeux de comparaisons… de fait, ces scènes prennent une teinte Sex and the city (ou Ally McBeal dans ses moments les plus allumés) dans cette vivante complicité entre femmes. On mentionne la dénonciation de l’hypocrisie de certains féministes, la série aimant à rappeler qu’une femme faisant ce qu’elle souhaite de son corps a la fibre féministe, escort-girls volontaires inclus. On apprécie fort ces scènes d’amitié où Belle brise le cadre étouffant de sa vie chargée. Le coup de poignard final fait a contrario ressortir la douleur de sa solitude, son besoin de repères et d’affection, choses que son rôle de « whore » lui interdit. Elle se situe à l’opposé de Naomi qui se protège d’une telle schizophrénie en ne se voyant que comme Naomi-la-prostituée là où Belle se présente à elle sous son vrai nom. Le méchant twist final fulmine contre la versatilité masculine, mais c'est la pitié qui l’emporte en voyant les rares repères d'Hannah anéantis par les aléas de sa vie de call-girl. C’est émouvant sans pathos. Les esthètes apprécieront la plus grande générosité des actrices qui nous dévoilent davantage leurs corps. Beth Cordingly s’impose comme une des guests les plus mémorables de la série. Que penseriez-vous si votre ex et meilleure amie vous révélait qu’elle est une prostituée ? C’est la situation de Ben, obligé de voir un repère important de sa vie sous un autre jour. Il doit faire face à l’épreuve difficile de l’amitié demandant d’accepter tous les côtés de l’ami. Plus que la colère ou la tristesse, c’est l’incompréhension qui domine Ben. Durant l’épisode, il cherche à concilier son attachement à Hannah à un métier que la morale actuelle stigmatise. L’épisode montre via un personnage pourtant très ouvert, le regard souvent condescendant jeté à celles pratiquant le plus vieux métier du monde. Un des buts de la série consiste d’ailleurs en une déculpabilisation de cette profession. Malgré la saveur amère de l’épisode, c’est pour une fois une coda lumineuse avec une Billie Piper et un Iddo Goldberg rayonnants, qui termine cette histoire très aboutie. La critique d'Estuaire44 : Il y a peut-être un petit côté Formula show / catalogue qui s'installe après le précédent opus, chacun étant dédié à un service spécial proposé par Belle. Mais c'est très efficacement contrebalancé par le fil rouge de la relation avec Ben. La tonalité de leur relation sonne très juste et apporte toute une dimension supplémentaire. La continuité de la gestion de la révélation par Ben apporte déjà une dimension feuilletonnante, que le programme saura par la suite parfaitement maîtriser. Le récit met davantage au second plan la prestation du jour qu’au cours des opus précédents, au profit du portrait de Belle, un choix judicieux. On aime également beaucoup celui-ci pour la bourrasque Naomi, une belle rencontre en image miroir même si fatalement fugace. On pressent d'emblée que le gratin du plus vieux métier du monde est un univers hyper concurrentiel, où les amitiés sont rares. Beth Cordingly marquait déjà l'écran dans l'hilarante et gorissime Dead Set. Naomi donne une idée de ce qu'aurait pu devenir Bambi, la future padawan de Belle : de l'audace, l'arrivisme à tout crin, et une approche ultra décontractée de son métier. Belle émotion lors de la réconciliation entre Ben et Hannah, ce qui est sans doute plus important pour Belle, et pour nous, que la cruelle déception du jour.
6. LE SENS DES VALEURS Scénario : Katie Douglas Réalisation : Sue Tully Believe it or not, working here isn't exactly my life's ambition. Well, I'm kind of between ambitions at the moment. Après une mauvaise critique d’un client et une confrontation avec un autre client potentiellement dangereux, Belle décide sur les conseils de Ben d’arrêter de travailler quelques jours et de rencontrer des « gens normaux ». Elle fait alors la connaissance d’un mystérieux inconnu… La critique de Clément Diaz: Évidemment, cet épisode vaut le coup d’œil pour le guesting étonnement prémonitoire de Matt Smith, le futur Onzième Docteur de Doctor Who, rencontrant celle qui fut Rose Tyler dans un univers parallèle (au sens propre ?). Cette collision spatio-tempoelle entre le passé et le futur de cette immortelle série de science-fiction a fait beaucoup parler d’elle depuis. Mais l’épisode est de lui-même intéressant à suivre pour sa description toujours plus sombre d’une société pressurisée, stressée, rongée par un temps fuyant à toute allure, pour une vision moins aseptisée du métier d’escort de luxe, et un dessin toujours plus dramatique d’Hannah, contaminée par l’hypersexualisation de son double. Tous ces sombres panoramas sont étudiés sous le prisme d’un humour souriant et léger, marque de fabrique des dramedies dont Secret Diary est un avatar. L’épisode pointe l'effacement de plus en plus prononcé d’Hannah par rapport à son double. La rencontre avec Tim (Matt Smith) vaut son pesant comique de cacahuètes lorsqu’il ne veut pas partir de chez Belle qui doit recourir à une ruse de sioux pour qu’il décampe (super numéro de Iddo Goldberg en dur à cuire). Les airs catastrophés de Belle et ceux décalés de Tim font rire immanquablement. Mais derrière se pointe une Hannah qui ne peut plus voir ses rapports avec les hommes que sexualisés. Qu’Hannah couche avec un inconnu quelques heures après l’avoir rencontré montre à quel point elle est incapable de sortir l’univers sexualisé dans lequel Belle évolue. On remarquera qu’à l’exception de ses petits amis, Tim restera le seul homme à avoir couché avec elle sans débourser un penny. Après coup, il est logique qu’un tel exploit soit le fait non d’un humain, mais d’un Timelord… Lorsque Belle revient dans « le monde réel », elle est confrontée à la course anxiogène et inhumaine de ses contemporains contre le temps, unique denrée échappant au contrôle des humains. Les saynètes sur ce thème font sourire individuellement, mais collectivement, elles dressent le portrait d’une société trop rapide pour le bien-être des hommes, exigeant d’eux une réussite et une efficacité parfaites en permanence, intolérante au repos et à l’échec. L’épisode appuie d’ailleurs sur ce thème en montrant les call-girls comme devant se montrer performantes sans exception : un seul client insatisfait, et votre clientèle volatile prend le large. La réaction de Stéphanie en profitant pour refourguer les clients les moins recommandables aux filles ayant « déçu » est glaçante. Ce faisant, l’épisode n’est pas sans évoquer les thèmes développés par ce chef-d’œuvre qu’est A stop at Willoughby de la Twilight Zone. L’on voit le glamour de la prostitution de luxe bien fêlé, où les agents peuvent délaisser la sécurité de leurs employées par profit et où des clients agressifs peuvent se glisser parmi l’ordinaire des filles. Lewis donne une menace d’autant plus forte que ses fantasmes ne sont pas révélés, laissant au spectateur le soin de se demander ce qu’il mijotait (excellent Kevin Doyle, futur Joseph Molesley de Downton Abbey). Cela nous vaut une belle flambée de révolte de Belle contre Stéphanie qui s’humanise lorsqu’elle se rend compte de sa dérive (fantastique Cherie Lunghi). Un épisode amusant, cachant à peine son permanent pessimisme. La critique d'Estuaire44 :
Avec le recul, la participation de Matt Smith revêt évidemment une étrangeté à la Twilight Zone. J'ai trouvé très surprenant la reconversion professionnelle de Rose dans son univers parallèle. Et puis Eleven la joue gros sournois sur ce coup-là, tout de même. Le meilleur reste les dialogues prenant aussi un amusant double sens (le Doc entre deux aventures, ou se plaignant des gadgets électroniques absurdes, présents par tiroirs entiers dans le TARDIS, etc.). Rose se désole de ce qu’elle a à offrir à Eleven comme petit déjeuner, mais avec les goûts culinaires particuliers de ce dernier, cela devrait bien se passer. L’arrivée de Ben, c’est carrément Rory : 1, Eleven : 0. Bon, bref, tout ce passage demeure étonnant, aurait-on voulu le faire exprès que l’on n’aurait pas fait mieux. Par ailleurs l’intrigue a le mérite d’introduire une mini crise rompant avec les allures de Formula Show que revêtait cette première saison. Le monde de Belle prend soudain une tonalité bien dure, entre l’individu inquiétant ou ces jugements sur les filles évoquant la foire à bestiaux, derrière la branchitude du site internet. Décidément la série ne dore pas autant la pilule sur la prostitution que ce qu’affirment ses contempteurs. On apprécie l’ironie de ces cotations de filles aussi soudainement haussières ou baissières que celles des valeurs sur les marchés (on n’ose dire les bourses) de la City. Le charme de l’Angleterre post Thatcherienne. J’ai adoré la force du portrait de Stéphanie, s’insérant parfaitement dans le contexte. On aime quand une série parvient à rendre à peu près sympathique un personnage ayant tout pour être antipathique, c’est à peu près le cas pour elle, malgré tout. Sa relation avec Belle reste l’une des forces du programme. Le récit se montre cinglant en montrant Belle s’enferrer dans son univers après sa simili tentative de s'en extirper. Derrière son énergie et ses sourires, elle est beaucoup plus désocialisée qu’elle ne veut bien l’admettre, c’est déjà inquiétant pour la suite. Son seul contact avec le monde extérieur demeure Ben (et non sa famille). Celui-ci résout la crise, non en la sortant du ruisseau comme le ferait traditionnellement le héros, mais en l’y replongeant par son message d’apparence sympathique mais qui sonne en fait comme une porte qui se referme. Une double nature rendant cette conclusion en fait très sombre.
7. ÉQUATION PARFAITE Scénario : Julie Gearey Réalisation : Sue Tully What do you think you bring to a client's expérience ? Twelve inches. Belle reçoit la demande de Kate et Liam, couple marié depuis 15 ans, qui souhaiterait une partie à quatre où chacun aurait une relation avec un escort du sexe opposé. Ben se porte volontaire pour assister Hannah, mais elle commence par refuser, car il n’est pas un « professionnel ». Elle finit toutefois par prendre le risque… La critique de Clément Diaz: Julie Gearey désacralise le fantasme de l’échangisme en professionnel par une succession de gags autour des codes à respecter, des préjugés des néophytes, et des aléas des rencontres. Elle fait coup triple en centrant l’épisode sur Ben, ce qui permet outre un développement du personnage, une autre exploration dramatique du fossé entre les mondes d’Hannah et de Belle, et une vision du monde de la série par un œil extérieur. Une tactique de scénariste toujours payante par le regard décapant qu’il offre alors sur cet univers. Depuis quelques épisodes, l’on sentait une crise entre Ben et sa fiancée, avec la préparation d’un mariage s’assimilant de plus en plus à une corvée. Que Ben cherche un dérivatif à l’angoisse par une parenthèse de liberté en dit long sur sa déroute actuelle. Il est tout aussi intéressant de voir Belle faire preuve d’un sérieux manque de professionnalisme en improvisant Ben escort boy, au risque de couler sa réputation. Toujours écartelée entre ses deux identités, l’on voit que Belle tente d’amener un peu du monde d’Hannah en y introduisant son élément le plus fort : l’ami fusionnel. Comme on s’y attendait, la vie d’escort boy convient aussi bien à Ben que le S&M à Belle. Un gros voyant rouge s’allume lorsque Belle est confrontée à la possibilité de franchir le Rubicon avec Ben. Le lapsus révélateur de ce dernier, persistant à ne voir qu’Hannah en son amie lui donne la force d’écarter la tentation, mais le malaise demeure à la fin : Belle aurait-elle pu succomber ? Coucher avec Ben lui permettrait-il de fusionner ces deux identités ? Le pouvoir souvent effrayant par sa démesure du sexe, aux conséquences imprévisibles, constitue l’une des caractéristiques de la série. A côté de cette alerte aiguë, l’épisode nous régale avec Belle en Pygmalion transformant Ben en toy boy : tenues, viagra, accessoires, règles de bienséance… tout y passe. Voir Ben ployer sous les poids de tous ces rudiments et paraître convaincant (gros blancs hilarants avec le couple client, qui lui-même a l’air de se demander ce qu’il fabrique là) renvoie un miroir à Belle regardant d’un œil effaré les codes du SM. Tout l’univers de la série passe à la moulinette alors que Ben (et le spectateur par extension) voit ses illusions tomber une à une : faire l'amour "en professionnel" demeure bien une technique longue et difficile à apprendre. L’auteure se montre joliment irrévérencieuse en s’attaquant au concept de virilité et de performance, Ben ne cessant de se demander s’il va être assez « mâle » pour assurer le spectacle, et surtout en dépeignant Belle et Kate comme étant vraiment celles dirigeant la séance. Outre que la scène est encore une fois filmée avec une science consommée de l’érotisme le plus brûlant (mille bravos à Sue Tully), elle contient un mémorable rebondissement, un des plus hilarants de la série. Une bouffée d’optimisme saisit aussi la scénariste par sa peinture tendre et lumineuse de ce couple qui malgré le temps et la routine, s’aime toujours aussi fortement (étreinte somptueusement filmée) et ressort de la soirée plus uni que jamais. Il est audacieux, même avec l’évolution des mœurs, de montrer que pimenter sa sexualité peut faire du bien à un couple du moment que la confiance est de mise on se situe dans le rigoureux inverse de Californication, série plus explicite mais paradoxalement plus prude au fond d’elle-même La morale finale termine cependant l’épisode sur une ombre, sur la différence entre technique sexuelle et intimité sexuelle. Un épisode qui réussit à suivre toutes ses pistes. La critique d'Estuaire44 : Après la crise (et la rencontre au frontières du réel) que développait l’épisode précédent, celui-ci renoue malheureusement avec la tonalité de Formula Show de cette saison, où chaque récit donne lieu à la mise en scène d’une pratique sexuelle différente, même si toujours pimentée. Le thème du jour sera donc l’échangisme, avec une mise en œuvre inégale. Le couple de clients est sympathique et résulte excellemment interprété, comme si souvent dans ce programme. Toutefois le fait qu’il préfère faire l’amour finalement ensemble détonne. Non seulement cela tombe trop à pic pour empêcher que la situation devienne incontrôlable entre Ben et Belle. Mais cela édulcore aussi sensiblement la présentation de la pratique, ce que à quoi la série ne nous avait pas habitué. Pour la première fois on reste avec la désagréable impression que Secret Diary n’assume pas totalement son propos (l’échangisme est rarement romantique), contrairement par exemple à l’épisode SM. L’épisode se rattrape amplement en développant de manière très aboutie la relation entre Ben et Hannah, le précieux fil rouge empêchant la saison de virer au catalogue London by Night 2007. On apprécie vivement que Ben ne se limite pas à la simple posture du confident ou plus généralement à sa relation avec Hannah. Le récit développe ses sentiments, écartelés entre son mariage et la nostalgie que lui inspire sa relation passée. L’épisode demeure ambivalent sur ce qui le pousse à mener combat pour obtenir le job (superbe scène de duel lors du simili entretien d’embauche) : s’agit-il vraiment de comprendre la vie de Belle, ou de s’offrir un voyage dans le temps, l’espace d’une soirée ? Sans doute se persuade-t-il que la première option est la véritable, avant de découvrir que la seconde prévaut, sans doute en s’en étonnant. Belle semble davantage se maîtriser, avec toujours une primauté entière de son travail, jusqu’à refuser ce à quoi elle aspire. Ben peut sembler plus faible vis-à-vis de ses désirs, mais au moins se débat-il contre le carcan dans lequel tous deux se sont enfermés. Sous l’apparence d’une soirée réussie et d’un lien amical affirmé, c’est bien l’amertume qui sourd chez Ben, tandis qu'Hannah se sacrifie une nouvelle fois à Belle. Les lendemains ne chantent guère. A côté de cette relation décidément contrariée, l’épisode apporte une nouvelle démonstration de la maîtrise technique et artistique de la série. La bande son apparaît parfaitement choisie, de même que la photographie est parfaitement travaillée. La mise en scène se montre comme souvent à la fois pudique et évocatrice, avec un superbe emploi du suggéré. L’humour se voit également utilisé avec finesse, déminant tout moment pouvant devenir scabreux (le sabre laser). Les auteurs savent ne pas en faire trop, en ne tirant pas sur la corde facile d’éventuelles gaffes d’un Ben débutant, qui aurait tiré l’opus vers un vaudeville hors sujet. Certains détails sonnent justes, comme Ben acceptant l’argent sans barguigner, ou Belle maîtrisant les débats avec un professionnalisme sans failles.
8. L’ART DE VIVRE Scénario : Lucy Prebble Réalisation : Sue Tully Asking your ex-boyfriend to take photos of you in your underwear so rich strangers can decide whether they want to pay to have sex with you... that's right, isn't it ? Grâce à Mitchell, un client multimillionnaire, Belle accède enfin à la catégorie ultime des escort-girls : les courtisanes. Belle est d’abord heureuse, mais le tableau idyllique de sa nouvelle situation commence peu à peu à se fissurer. Parallèlement, la relation entre Ben et Vanessa devient de plus en plus critique… La critique de Clément Diaz: Lucy Prebble instaure ce qui va être l’architecture de chacun des finales : une première moitié accumulant les gags, une deuxième moitié accumulant la noirceur. Ce contraste va donner à chaque finale un ton pessimiste après une dernière bouffée festive. A ce titre, on rit comme des bossus quand Belle rame pour se faire accepter du gratin du gratin de sa profession. Avec une force impressionnante, l’épisode décrit ensuite le revers cinglant de ce doux rêve s’achevant sur une coda qui se veut lumineuse mais qui ne dupe personne quant à son amertume. La première partie aligne les rires en continu avec le concours d’entrée à l’agence de Belle, un grand moment d’exécution publique où notre chère escort collectionne gaffes, bévues, et boulettes sous l’œil indissolublement inexpressif de ses examinatrices. Entre deux éclats, l’on se rend compte que davantage encore que celui des escorts de luxe, le milieu des courtisanes est encore plus select et rigide, et demande un ego surdimensionné (portrait au vitriol des trois examinatrices). Si Belle a de la « classe », elle est cependant distancée devant le credo de raffinement de ce métier où le sexe ne tient qu’une part mineure. Belle, par son isolement et son expérience, n’a jamais été qu’une femme qui vendait ses faveurs. Son acceptation tient donc du miracle, mais va se révéler être un cadeau empoisonné. On aime beaucoup la séance de photos où Belle nous expose les règles logiques des poses avec une précision si maniaque qu’on ne peut s’empêcher de se serrer les côtes. La démission joyeuse de Belle de l’agence de Stéphanie nous amuse aussi par la manière qu’a Stéphanie de conserver l’initiative : rien qu’avec un body language polaire, elle fait chuter l’euphorie de Belle à zéro. Cherie Lunghi maîtrise parfaitement son jeu, et l’on regrette vraiment qu’elle reste sous-employée. Les services des courtisanes sont utilisés pour marquer la réussite sociale de leurs fortunés clients. Le culte de la performance régulièrement éclaboussé d’acide dans la série l’orgueil d’être entouré de jolies femmes, est une réalité de tous les jours pour eux. Mais elles doivent la plupart du temps jouer un peu valorisant rôle de « Sois-belle et tais-toi ». Cette abdication (consentie !) du féminisme le plus élémentaire est montrée sans aucune pitié, tout comme le machisme ambiant des clients : Mitchell apprécie sincèrement Belle, mais la traite très mal. Par les compétences requises (polylinguisme, culture, distinction, physique...), on attend de ces femmes de jouer la petite amie modèle. Et l’héroïne se montre incapable de jouer ce rôle, son tempérament fougueux et sa soif d’indépendance butent contre la suppression de son autonomie. Simplement escort, Belle maintenait dominance et vie aventureuse ; elle ne récolte là que soumission et ennui. Rarement les rêves de luxe n’auront été aussi pervers. Ce pan de l’histoire bout d’une indicible fureur. Pendant ce temps, Ben s’enferre de plus en plus dans un mariage qu’il souhaite de moins en moins. A force de descendre dans les abysses, nos deux amis s’y croisent, et cela aboutit à ce déballage de printemps, douloureux, mais nécessaire pour qu’ils se réveillent. La coda célèbre certes le triomphe de leurs indépendances retrouvées, mais au prix de leurs rêves les plus chers. Mais surtout, il est visible que l’attachement entre Belle et Ben n’est platonique qu’en surface, tant l’on sent, par un geste affectueux, des regards troublants, qu’un sentiment plus profond est à l’œuvre, avec complications dramatiques à prévoir. L’on est donc pas dupe de ce faux happy end. Au terme de cette saison, Secret Diary a démontré une remarquable puissance dramatique pour un format court. Elle va par la suite gagner en puissance en osant des atours plus feuilletonnants, et un humour plus délirant. La critique d'Estuaire44 :
En à peine 25 minutes, ce finale parvient à brillamment remplir le contrat d'une ambitieuse conclusion de saison, élargissant l'univers de la série et questionnant le destin individuel des protagonistes. Un bel exploit, d'autant que la forme s'avère également performante grâce au recours à un humour incisif souvent irrésistible, évoquant les meilleurs moments de Sex and the City. La satire sociale se fait une nouvelle fois entendre, avec cette course au succès professionnel ne connaissant jamais de terme, véritable miroir aux alouettes contemporain de nos civilisations libérales et individualistes. On constate ainsi que même Belle a encore une étape à franchir et que celle-ci consiste ni plus ni moins qu'à accéder au statut traditionnel d'épouse, certes mieux payée mais plus facilement répudiable. Un joli retour à la case départ, la voyant devenir volontairement ce qu'elle a toujours refusé d’être, tout un triomphe. Le récit se montre joliment rosse envers sa sympathique protagoniste, toujours émouvante dans sa quête maladroite mais opiniâtre du bonheur. Après avoir passé au grill de l’entretien d’embauche ses collègues masculins lors de l’opus précédent, la voici passant sous les mêmes fourches caudines, devenues encore plus vachardes. Au total, un bide dont il faudra attendre l’ultime saison de Californication, et la mémorable séance de casting de Levon pour en dénicher l’équivalent. Il est caractéristique que Belle préfère s’enthousiasmer de son succès miracle, au lieu de ressasser l’entretien pour se demander si tout ceci correspond vraiment à sa personnalité et quelle est la part du succès revenant à son puissant protecteur. Celle qui reste certainement lucide là-dessus, mais qui se garde bien d’en souffler mot à une Belle qu’elle connaît par cœur, c’est bien Stéphanie, outre son flegme d’airain sur lequel vient se briser net la crânerie d’une jouvencelle encore trop friable pour se mesurer à son mentor. On apprend toujours mieux de ses erreurs, et Stéphanie saura toujours privilégier enseignement à la dure de sa padawan, car la profession l’est. On ne croit heureusement pas un seul instant que la série va renoncer à un personnage aussi enthousiasmant, mais la scène reste ciselée à la perfection. Il n’y a pas jusqu’à l’Écosse qui ne soit submergée par la gouaille en roue libre du récit, avec une pensée pour David Tennant. Billie Piper trouve un partenaire de choix avec Colin Salmon, aussi classieux que dans les 007, et parfait en incarnation du mâle protecteur, in fine dominateur. En définitive, il en ressort que, davantage encore que l’argent ou la reconnaissance sociale, c’est bien l’adrénaline et la sensation de liberté qui cadenassent Belle à son existence aventureuse, en marge de la société. On aime que Belle ait le sursaut de lucidité lui permettant de s’extraire de l’ornière du jour, mais seulement pour en revenir à la situation première (plus 40%). Les liens l’attachant à ce travail, qui se confond décidément dangereusement avec sa vie, résultent assez forts pour le faire échapper à un paradis artificiel, mais se perçoivent déjà comme un piège l’empêchant également de s’en sortir vers le haut. Ce que confirme hélas l'opportunité non saisie d’un Ben désormais lui aussi libéré de son mirage. Une conclusion brillantissime pour cette saison, à la mise en scène toujours aussi élégante, avec la méprise dramatiquement prometteuse d’une héroïne confondant liberté et retour à ses anciennes chaînes.
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Journal intime d'une call girl Saison 3 1. Amour, Gloire et Bonté (Episode 3.1) 2. La Clé du fantasme (Episode 3.2) Scénario : Chloe Moss Réalisation : Owen Harris If I'm going to write a second book, I'm going to have to do some serious whoring. Résumé : Belle assiste déguisée en serveuse au lancement de son livre sur sa vie aventureuse de call-girl. Le succès est rapidement fulgurant et son éditeur, un des seuls à connaître sa véritable identité, lui demande d’écrire un autre livre en trois mois plus axé sur sa psychologie, et celle de ses clients. Elle se met au travail… La critique de Clément Diaz: C’est un entraînant carnaval burlesque qui ouvre la saison 3, qui va en effet se distinguer par un humour azimuté et des personnages très excentriques, sans oublier son arrière-plan bien sombre. Mais ici, point d’introspection douloureuse : Chloe Moss balance toute noirceur à la pelleteuse et imagine cinq mini-histoires toutes reliées les unes aux autres par le fil rouge du livre de Belle : avec une telle densité d’écriture, la scénariste peut donc démultiplier gags et bonne humeur sans faiblir pendant 22 minutes - à un cliffhanger dramatique près - soit la recette des meilleures sitcoms. Cet épisode capte en effet tous les avantages du genre sans rien abdiquer de sa spécificité. Au final, un modèle de pilote de saison. Les auteurs tirent tout l’humour moins grâce aux situations qu’aux personnages, ce qui est toujours le meilleur parti à prendre. James d’Arcy réussit fort bien son entrée en scène en éditeur sensationnaliste, relayé par Ben crânant à mort, et surtout la séance d’humiliation publique avec une gourdasse blonde lisant toute vulgarité dehors le début du livre sous les yeux catastrophés d’une Belle soudain très ridicule en serveuse. Moss se permet même tout un méta-récit en se moquant des rumeurs sur le fait que Belle de Jour était en fait un homme avec Ben tentant de profiter de la situation avec une groupie. L’auteure fait coup double en ayant l’idée géniale de superposer les deux scènes de sexe entre Belle et Jesse d’un côté, et Ben et Camilla de l’autre : la première est glamour et torride, l’autre maladroite et plus puritaine. On se tient les côtes pendant que Camilla lance des cochonneries à un Ben totalement dépassé et que Belle et Jesse décollent vers le septième ciel en cabotinant comme il faut. De plus, Owen Harris confirme toute sa maîtrise en saturant la scène glamour de couleurs chaudes, et en filmant la scène avec Ben plus froidement. Et puis, avouons-le, la grossesse de Billie Piper nous avait privé pendant une saison de scènes de sexe bien excitantes, alors on les retrouve avec grand-plaisir. Jesse lui-même est un sympathique personnage, extraverti, bon vivant, à la bonne humeur contagieuse. Bon, la danse de Belle fait très publicité pour Contrex mon partenaire minceur, mais a le mérite de rappeler combien la BO est soigneusement travaillée dans la série. La deuxième partie de l’épisode ne relâche pas le tempo en captant les réactions amenés par le livre de Belle : on retiendra surtout celle de Stéphanie, copieusement dézinguée par son ancienne « fille » : la scène avec une Bambi décidément totalement nulle en matière de mensonges est une des plus hilarantes de la série : la combinaison du jeu frigide de Cherie Lunghi et celui déphasé d’Ashley Madekwe est explosive ! Surtout, à la demande de son éditeur décidément très excité par tout ça, Belle doit poursuivre ses investigations et frappe très fort avec un client d’un ennui mortel, dont la scène sexuelle vire dans le n’importe nawak (on s’attend presque à voir Hank Moody débarquer). L’épisode s’achève dans la joie en exaltant la jeunesse du trio central fêtant le succès de Belle dans une ambiance euphorique, arrêtée seulement par le cliffhanger final, qui instaure un nouvel arc feuilletonnant pour la saison. Un épisode totalement lumineux, et un des plus drôles de la série. La critique d'Estuaire44 : Secret Diary démarre sa troisième saison sur les chapeaux de roue, Belle nous entrainant d’emblée dans une torride scène d’amour, puis un trépidant plan séquence dans les couloirs du palace. Le spectateur est happé d’emblée alors que la série célèbre joyeusement le retour de son actrice libérée des contraintes de la grossesse et plus alerte que jamais. Tout au long de l’épisode elle va faire étalage avec dynamisme de sa liberté corporelle retrouvée. (Belle marche beaucoup (entre autres activités), Ce bonheur communicatif est visiblement partagé par une équipe technique n’ayant plus à gérer l’heureux évènement et délivrant une mise en scène pleine d’entrain. La bourrasque emporte également les plans de Londres jusqu’ici emblématiques de la série, mais ne séquençant plus l’action. Au-delà de la liesse des retrouvailles, l’opus représente un parfait pilote de saison, resituant le contexte des personnages et plantant le décor d’une nouvelle thématique. Tout comme Hank Moody explorait un univers différent à chaque saison de Californication, Belle découvre ici le monde de la littérature, ou plutôt celui des best-sellers médiatiques. L’occasion d’une satire sociale massivement jouissive, ironisant sur ce microcosme pour qui le le livre reste moins important que l’évènement qu’il constitue et auquel on s’émoustille de participer). Ben, grimé très à la Eleven, avec nœud papillon et sans cravate, lui, est appelé à la rescousse, avec son hilarante nuit d’amour bien plus factice, que celle, pourtant tarifée, de Belle. Le scénario n’hésite pas à jouer la carte du métarécit, tout comme The L Word avec le livre de Jenny en retraçant la saison 1. De manière irrésistible, Belle se voit confrontée à un double caricatural d’elle-même déclamant les premiers mots entendus de la série, ou son éditeur lui enjoignant d’écrire une suite fouillant la psychologie au-delà de l’amusement, c'est-à-dire que ce la saison 2 a apporté à la première. Les personnages secondaires ont tous droit à des scènes finement ciselées, avec un Ben désormais en liberté, une Bambi toujours drôle et touchante et une Stefanie hilarante de colère froide. Notre Queen of Evil préférée est à peu près tout sauf stupide et il apparaît évident qu’elle devine d’où vient le coup, ce qui promet pour la suite. Duncan effectue une entrée réussie et crédible, grâce au caméléon James d’Arcy, futur Jarvis d’Agent Carter et adversaire de David Tennant dans Broadchurch. Au terme de ce pilote de saison euphorisant et très riche, animé par une galvanisante Billie Piper, Belle et ses deux amis semblent avoir trouvé un équilibre et former un trio indissociable. La suite de la saison va bien évidemment balayer tout cela comme un château de cartes.
Anecdotes :
2. LA CLÉ DU FANTASME Scénario : Tim Price Réalisation : Owen Harris - No one will pay 350 quid an hour for you. - Why not ? - They want Stepford wives who can suck, no EastEnders who can fuck. Résumé : Séparée de son mari, Jackie, la sœur de Belle, vient squatter chez elle à son grand dam. Jackie découvrant un nombre impressionnant de jouets sexuels chez sa sœur, Belle tourne la situation en sa faveur en essayant de la « décoincer ». D’abord révoltée, Jackie accepte de se lâcher, mais pas de la manière que Belle attendait. Pendant son temps, Bambi a rendez-vous avec un client très excentrique… La critique de Clément Diaz:
On ne peut pas reprocher à Tim Price d’en faire trop peu : cet épisode est rempli à ras-bord de mini-intrigues brillamment enchevêtrées à la densité foisonnante, adornées par ailleurs de magnifiques thématiques sur le comportement sexuel humain et sur notre monde contemporain dont les règles prétendument « morales » se voient ici violemment dénoncées. La réussite n’est malheureusement pas complète, un des axes majeurs de l’intrigue - le vaudeville Belle-Jackie-Ben - tombant à plat par sa soudaineté absurde et sa gratuité pure et simple, révélateur du malaise des auteurs sur l’incorporation de la sœur de Belle dans la série. L’épisode enregistre cependant l’arrivée en fanfare d’un des plus réjouissants personnages de la série : le 100% excentrique, 100% romantique Byron, dont la particularité est son quasi mutisme : c’est que Byron s’exprime plus par actes qu’en paroles, et pendant toute la saison, il va nous régaler de ses apparitions lumineuses et adorables. La première moitié de l’épisode accumule à un tempo ultra rapide scènes et confrontations chocs. Après une cold open fascinante par son esthétique morbide, l’épisode juxtapose des contrastes aussi tranchés que rigolards. En la matière, on est catapultés directement à des hauteurs lysergiques lorsque Belle traîne sa soeurette puritaine dans un club sexuel hallucinatoire ! Le choc des cultures est aussi hilarant qu’explosif, enchaînant les tirs au bazooka entre les deux sœurs, puis entre Belle et Stéphanie ici en mode hardcore - jamais la série n’aura été plus proche de Californication. La description de cet antre du 3e type du plaisir s’effectue avec un respect mêlé de sympathie : les auteurs mettent un point d’honneur à ne pas juger des pratiques stigmatisées par ailleurs comme « déviantes ». Ici, le sexe est joyeux et délirant, à l’image de son irrésistible hôte. Les dialogues crépitent en continu et ont le mérite de ne pas être gratuits : on aime voir Belle prendre sa revanche sur son ancienne employée (comme elle démolira plus tard Duncan), mais Stéphanie n’hésite pas à dénoncer sa mesquinerie, ce que Belle, dans son nuage, ne relève pas. La même Stéphanie se montre d’un cynisme dévastateur lorsque Bambi la confronte au racisme latent des clients quant aux filles de couleur. On applaudit Bambi de tenir tête à sa maquerelle (un exploit que même Belle n’a jamais réussi) passive devant cette inégalité. L’on sent que Stéphanie n’est pas à l’aise, elle a accepté ces dérives à cause de sa connaissance du terrain, plus amer et sordide qu’il n’y paraît, et qui a déteint sur elle. Grâce à la parfaite Cherie Lunghi, l’on sent le ravage de son personnage derrière sa muraille cassante. Stéphanie représente bien l’antidote au vernis glamour de la série, qui ne trompe personne une fois qu’on s’y immerge pleinement. La série restant quand même comique, cette gravité est équilibrée par Ashley Madekwe, jouant habilement d’un jeu totalement faux et excessif à pleurer d’hilarité. Le conflit entre les deux sœurs s’avère aussi drôle que dramatique. Ainsi, alors qu’on est prêt à consoler Jackie, trahie par son mari infidèle, nous voyons en fait qu’elle est un véritable dragon femelle, infantilisant, castrateur, et engoncé dans son double carcan puritain et de son élevé rang social. Belle n’apparaît pas si sympathique non plus, se montrant tout aussi moralisatrice ; on applaudit la série de ne pas ménager ses héroïnes, cela les rend plus émouvantes dans leurs erreurs. Malgré les allures de vaudeville (irruptions de Bambi et Ben chez Belle), le fossé entre elles demeure profond. Jackie incarne une idée d’une société bourgeoise n’ayant que mépris pour la classe des « petites gens », à laquelle elle a échappé grâce à un mariage désastreux. Toutefois, l’épisode chute dans les clichés de la telenovela pour décrire comment Jackie se « décoince ». Le vaudeville Ben-Jackie arrive trop rapidement pour cette dernière. Voir Ben n'être que le jouet sexuel de Jackie apparaît aussi artificiel que vulgaire. Il aurait mieux valu que Jackie ait simplement accepté l’univers de Belle sans le juger plutôt que cette histoire sacrifiant trop au sensationnel. Reste que la fureur de Belle n'est pas sans nous intriguer, comme si elle manifestait une jalousie que Jackie "s'amuse" avec son meilleur ami. L’on regrette que Jackie reste trop unidimensionnelle (la performance percutante de Joanna Bobin n’y pallie pas vraiment), elle ne semble qu’être une petite peste, humanisée seulement par une sous-entendue frustration sexuelle qu’elle s’est imposée par ses propres règles (d’où une masturbation compensatrice) et fantasmant malgré elle sur une vie sexuelle plus pimentée. Par là, l'épisode souligne une société aussi schizophrène qu’elle, libérant sans réflexion les mœurs d’un côté, tout en s’en tenant à une sclérosante condamnation morale de l’autre. Nous touchons là sur une cause de l’insatisfaction sexuelle d’une grande part de l’humanité. Le rendez-vous de Belle s’avère moins enthousiasmant que de coutume, malgré une tenue spectaculairement sexy. Cette deuxième partie décevrait s’il n’y avait pas eu une des meilleures idées de cette troisième saison et de la série tout entière : l’entrée en scène de Byron. Le coup de cœur pour ce client bizarre est immédiat. Incarnation aboutie du dandy anglais rock’n’roll - comme un croisement entre John Steed et les Who - à l’excentricité pétillante, et au romantique débordant, son histoire avec Bambi débutant ici est une parenthèse euphorique rare dans la série. Sa mise en scène de leur rendez-vous est à la fois drôle par son décalage, impressionnante par sa démesure, et émouvante par son romantisme aveuglant. Byron et Bambi vont composer un des plus grands atouts de cette troisième saison tout en faisant évoluer la padawan de Belle. Il est clair qu’avec ses prétentions et ses airs de diva que Bambi suit le chemin de l’arriviste Naomi, et Byron apparaît comme celui qui l’en fera dévier vers un avenir bien plus radieux, incarnation de ces miracles qui peuvent arriver dans une vie, sans tomber dans le béat Hollywoodien. David Dawson, bien qu’en roue libre, retranscrit sans faiblir toutes les qualités de ce personnage électrique. La critique d'Estuaire44 : On reprochera à l’épisode de partiellement retomber dans les défauts de la première saison, avec ses épisodes aux thématiques trop explicitement soulignées. Ici on indique d’emblée que l’on va traiter du fantasme, tout comme on a eu jadis l’opus estampillé BDSM ou échangisme. Il reste dommage de reprendre aussi manifestement la main du spectateur, après une période aux contours davantage subtils, on se croirait dans la première saison de Sex and the City. Au moins ce parcours fléché prend-t-il son essor via une séquence somptueusement filmée, avec une ambiance de Série noire aussi torride qu’élégante, une vraie réussite. Le scénario retrouve des couleurs par son second degré, n’opposant pas le fantasme à la réalité, comme on le pratique si couramment, mais bien à l’illusion. En définitive nos héros se réfugient dans la fantaisie non tant pour échapper à un morne réel (comme a pu le faire, dans un univers voisin, une certaine jeune londonienne s’engouffrant dans une boite bleue magique) que pour échapper au piège d’un bonheur illusoire où ils se sont eux-mêmes cadenassés. L’aventure avec Ben permet à la sœur d’oublier son mariage, mais celui-ci n’était déjà qu’un mirage consensuel. De même, Ben tente d’oublier l’illusion déçue d’un possible bonheur avec Belle. La merveilleuse rencontre avec Byron permet à Bambi de connaître une alternative au pseudo bonheur matérialiste dans laquelle elle s’est enferrée. Cette magnifique séquence dépasse d’ailleurs en quelques minutes tout ce que qu’ont pu proposer en matière de romantisme les mornes rencontres entre Belle et Alex la saison précédente. Car, pour une fois, le miracle va survenir et le fantasme devenir réalité. Une magie existe en ce monde et Bambi vient de la découvrir. Belle elle-même se réfugie dans une réminiscence du mythe de Pygmalion et Galatée afin de dépasser cet opium du succès littéraire qui n’a jamais constitué qu’un pis aller à son vide intérieur, une rustine. Au total, le panorama de l’opus décrit l’humanité en troupeau aveugle, navigant d’un bonheur en trompe-l’œil à l’autre, car incapable d’appréhender sa vérité intrinsèque et de s’y confronter. .Sous son humour, le propos de la série rejoint un moralisme quasi nihiliste. D’ailleurs celle qui résout le mieux le dilemme existentiel reste notre Stefanie, par son adhésion au cynisme le plus absolu et revendiqué. On peut qu’admirer cette femme faisant face à toutes les situations, même les plus embarrassantes, avec lucidité et aplomb, sans jamais se payer de mots ni se bercer d’illusion (et il nous faut absolument l’adresse de ses bars). A côté de ce discours très riche, on regrettera quelques maladresses se traduisant par des scènes sonnant assez faussement. On a peine à croire que Belle emmène sa sœur dans une soirée SM aussi carabinée, autrement plus hardcore que la branchée de la première saison ou le jeu de rôles polisson de la deuxième. Ou alors c’est une mauvaise blague, mais s’il existe un personnage de série télévisée dépourvu de toute méchanceté, c’est bien Belle. Leur engueulade entre sœurs fait un peu cliché. On a peine à croire que Bambi tombe des nues à ce point quant à l’impact du racisme sur sa valeur marchande, pour reprendre le vocabulaire fleuri de ces dames. La question aurait du logiquement s’imposer bien plus tôt dans sa carrière. Malgré ces quelques faiblesses, on apprécie que l’épisode fasse la part belle aux épatants personnages secondaires de la série. Anecdotes :
3. L’ÉCUME DU SUBCONSCIENT Scénario : Richard Hurst Réalisation : Owen Harris - Are you sure you're ok with this ? You must get some real perverts. - If I'm lucky. Résumé : Belle continue de retranscrire ses rendez-vous avec ses clients. Celui du jour est un jeune homme timide qui aime que ses partenaires se comportent comme des animaux de ferme. Ben et Jackie continuent leur relation au grand dégoût de Belle que sa solitude oppresse de plus en plus. Malgré les avertissements de Belle, Bambi s’engage avec Byron dans une relation plus intime… La critique de Clément Diaz: La série continue d’enthousiasmer en osant un humour toujours plus frappadingue, alors que son regard sur les relations humaines est de plus en plus pessimiste. Les clients de Belle deviennent en effet des cas quasi psychiatriques, mais révèlent autant un délire comique qu’un poignant ravage intime. L’égoïsme fondamentalement présent dans le sentiment amoureux, les conséquences terribles des amours non partagées, la jalousie du bonheur d’autrui, l’angoisse de la solitude… l’épisode est décidément très chargé en noirceur ! Bambi et Byron permettent cependant à Richard Hurst d’introduire des parenthèses enchantées qui sont autant de respirations. On commence en fanfare par Duncan pointant les tordantes perles d’une Belle se noyant dans un fatras de descriptions techniques. Ce galimatias burlesque emporte tout sur son passage, culminant avec cette loufoque partie de Twister, une excellente idée de scénariste. Mais derrière l’humour, l’on voit une évocation du dur labeur de l’artiste qui doit effacer les ficelles de sa technique aux yeux d’un public ne demandant rien d’autre que des émotions. Une sorte de méta-récit se met en place, car Belle doit maintenant accorder large part à sa personnalité, et celles de ses clients. Or, la série va maintenant délaisser le côté catalogue des services de Belle pour se concentrer sur les clients eux-mêmes, un choix bien plus riche, drôle, et sombre. Démonstration immédiate avec le client du jour envoyant à l’autre bout de la galaxie les précédents de l’héroïne question folie. Son fantasme sur les animaux (écho au client du pilote ?) nous vaut une scène de sexe dont la franche crudité est parée par des répliques bourrines et des cris d’animaux totalement allumés. Les mines effondrées de Billie Piper sont un poème. Mais cette situation nous expose aussi une émouvante thématique : Belle ne se contente pas d’écarter les jambes, mais doit aussi interroger, et parfois insister pour découvrir comment satisfaire ses clients. Simon, emprisonné dans un carcan de règles bienséantes et la honte de ses fantasmes, est mal assuré, et il faut tout l’effort de l’héroïne pour le convaincre de se lâcher. Belle apporte bien plus qu’un réconfort sexuel à des hommes parfois frustrés, mais leur permet de réaffirmer une identité que les entraves sociales étouffent : l’on voit un homme brisé sentimentalement et sexuellement depuis qu’il fut rejeté à cause de ses fantasmes. La non-réalisation des fantasmes et de la libido entraînant leurs victimes sur une pente descendante (autodestruction, violence…), et ici exprimée sous forme d’une dévirilisation, est ainsi dramatiquement mise en scène. Toute la deuxième partie de l’épisode s’attache à traquer les effets collatéraux dévastateurs de l’amour, à la hauteur de sa sublime joie. Ben ne parvient pas à se libérer de son amour non partagé pour son amie, et se perd dans les bras de sa sœur : débraillé, mal peigné, passif, à la ramasse, il semble perdu dans une brume d’hébétude chagrine. Jackie, tout à sa joie, ne s’en aperçoit pas - toujours cet égoïsme du sentiment amoureux - tandis que la situation embarrasse trop Hannah pour qu’elle s’en rende compte. Ben a ainsi la pseudo-satisfaction de rester près de son élue, ce qui ne lui cause que du mal (masochisme du rejeté). L’épisode ménage des moments de détente avec les merveilleuses escapades de Bambi et Byron, pétillants d’euphorie. Les voir réaliser la profondeur de leurs sentiments - infinie tendresse des scènes de lit - est touchant. Mais ce faisant, Bambi rejette l’appel à l’aide d’une Hannah étouffée dans sa solitude pour rester avec son prétendant, là où Belle n’hésitait pas à tout laisser tomber pour l’aider. Cette ingratitude révèle décidément bien le caractère égoïste des plus beaux sentiments, mais qu’aurions-nous fait à sa place ? Belle continue son expansion : travail à la chaîne, écriture du livre, rendez-vous avec l’éditeur, condamnation de Bambi cédant à l’amour... C’est à ce moment qu’Hannah semble se réveiller pour crier sa souffrance d’être seule : sans famille, sans amoureux, sans amis (Ben semble bien loin), elle en est réduite à chercher compagnie auprès de… Duncan. Leur léger flirt suivi de l’hilarant monologue où Belle tente de le justifier à la caméra retrouve l’humour, mais va être la graine d’un terrible malentendu : jalousant Bambi et Byron (à raison) et Ben et Jackie (à tort), Hannah plaque toutes ses espérances en Duncan qui n’est qu’un choix par défaut. De plus, Hannah commet l’erreur fatale de mal interpréter leur lien : Duncan est fasciné par Belle-la-call-girl-de-luxe, mais on voit tout de suite qu’Hannah ne l’intéresse pas. Une nouvelle désillusion se profile déjà à l’horizon. Un chef-d’œuvre total d’humour et de noirceur. La critique d'Estuaire44 :
On discerne comme une saveur d’un film de Woody Allen dans cet épisode radieux et enlevé, gorgé d’humour comme de musique, nous parlant d’amour et, à sa manière, de littérature. Sur un mode joyeux, résolument positif et à la chaleur communicative, le récit nous narre comment l’amour se joue de toutes les rationalisations et autres enfermements de l’âme, emportant les résolutions de ceux et celles dont il s’empare comme à l’improviste. Il en va ainsi de l’histoire de Belle vis-à-vis de Duncan, ou de Bambi face à Byron, ces dames voyant leur petit monde professionnel, si solide en début de saison, en passe d’être pulvérisé par la passion, malgré leurs dénégations. Même si certains esprits rassis pourront taxer l’épisode d’utopique, on apprécie vivement que celui-ci apporte un contrepoint au précédent, considérablement pessimiste. Oui, pour cette humanité enferrée dans ses illusions de bonheur, il demeure encore un espoir de sublimer son existence. On regrettera simplement la relation entre Ben et la sœur d’Hannah, à laquelle on éprouve toujours du mal à croire. L’opus présente également le mérite d’aborder une relation finalement peu explorée ailleurs, celle unissant l’écrivain à son éditeur. Un sujet très riche, quand on sait à quel point de tels duos ont pu marquer la littérature. Une série comme Californication a pu aborder le rapport équivalent pouvant se nouer entre un auteur et son agent, mais sous un angle (vraiment) hors normes, cela reste un domaine à explorer. A travers l’histoire du sympathique client et de sa réécriture, l’épisode ouvre également une intéressante fenêtre, même si fatalement fugace, sur le mystère de l’écriture, sur ce que l’auteur y projette de lui-même, consciemment ou non. Sur ce passionnant sujet, on lira avec profit le roman La Part des Ténèbres, de Stephen King. L’opus démontre la qualité coutumière de la série, avec des acteurs en état de grâce, à commencer par une Billie Piper au formidable talent, et une mise en scène aussi élégante qu’inventive. Aussi variée que très anglaise (The Kinks), la bande son apporte également un précieux concours. Anecdotes :
Scénario : Rebecca Lenkiewicz Réalisation : Owen Harris - And then I saw Duncan. - You shagged him, didn't you? - Yep. It was just a quick… well, it wasn't quick. - I don't want to know ! Résumé : Alors qu’elle cherche un moyen de séduire Duncan, Belle trouve à sa demande un client excentrique : Des est un adepte du sploshing, soit un fantasme de faire l’amour avec de la nourriture déversée en grande quantité sur les vêtements et la peau. Sur les conseils de Belle, Bambi rompt avec Byron. Ben prend également la décision de rompre avec Jackie… La critique de Clément Diaz:
Alors que les histoires avec les clients commencent à partir massivement en vrille pour notre plus grand plaisir, les personnages continuent leur recherche désespérée du bonheur personnel : Bambi semble fermer la porte à un réel bonheur, Ben s’emberlificote dans une relation sans queue ni tête (sans jeu de mots) avec Jackie, et Belle persiste à vouloir séduire un homme qui ne peut que la décevoir. Alors que les deux premiers parviennent à surmonter leurs penchants autodestructeurs, Belle, personnage d’un tragique absolu, s’enfonce toujours davantage dans des décisions catastrophiques. La mise en scène luxueuse, habilement poussée jusqu’à la caricature, d’Owen Harris, met en évidence sa prison dorée qu’elle tente sans succès de briser. L’introduction excite immédiatement le rire par les fantasmagories de Belle s’imaginant en tenue sexy pour aguicher Duncan. Son regard-ras-la-honte qu’elle lance au spectateur est un excellent gag ! Une première apothéose surgit lors de la délirante scène de sploshing où Belle rame pour suivre son client jusqu’au bout de son fantasme. On se demande comment Billie Piper et Colin Michael Carmichael ont réussi à tourner cette scène sacrément physique et éprouvante, tout en notant la chaleureuse complicité qu’ils arrivent à installer dès la première seconde. Des noue un lien certes tarifé, mais pas sans une réelle affection avec Belle, qui fait plaisir. Voir les deux compères se balancer de la nourriture partout (et quand je dis partout, c’est… partout) restera comme une des images les plus folles de la série - American Pie est renvoyé loin derrière - déchaînant un rire continu, encore renforcé par les maladresses de Belle et le cabotinage sans retenue de Carmichael. Ben casse enfin la mascarade qu’il a construite avec Jackie, insuffisant pis-aller à son amour sans retour pour Belle. Blasée par ses malheureuses expériences, Belle croit bien faire en poussant Bambi à la rupture avec Byron ; ce faisant, elle l’invite à reproduire son même schéma destructeur : séparer à tout prix la femme et la prostituée. Les scènes de rupture Ben/Jackie et Bambi/Byron sonnent juste par leur grande retenue, typiquement anglaise, où chacun accuse le coup en silence. Cela n’empêche pas que la scène Bambi/Byron est à déchirer le cœur, où Bambi se montre plus dure qu’elle ne l’est en réalité, et Byron recevant une nouvelle qu’il ne pouvait décemment pas prévoir. David Dawson est subjuguant d’émotion, montrant une sensation d’écroulement tout en restant très intériorisé de jeu. L’émotion plus visuelle est assurée par une Ashley Madekwe parfaite, dans la dureté feinte comme dans la douleur à nu. Une démonstration particulièrement amère d’un épanouissement personnel vu comme incompatible dans notre société capitaliste à l’imposée course au progrès social, et aussi la manie de l’être humain à se résigner à des vies insatisfaisantes en refusant de prendre des décisions qui pourraient le rendre heureux, mais vues comme trop « folles ». Il faudra d’ailleurs un acte aussi romantique que dingo de Byron pour casser le mur de l’impasse dans lequel Bambi a tenté de les plonger tous deux. Une lueur d’optimisme toutefois contrebalancée par la solitude de Belle. Que le couple « secondaire » de la série soit plus fusionnel que le « principal » apparaît comme une cruelle ironie envers Belle. Cette dernière veut trouver son Byron à elle, qui lui assurerait un équilibre personnel. Malheureusement, dans sa hâte, elle mise sur un homme qui commence déjà à la décevoir. Malgré les avertissements de Ben qui lui rappelle qu’elle n’est qu’une « cash cow » pour Duncan, Belle choisit de ne pas voir que ce dernier n’a que faire de son réel soi, Hannah. La scène de séduction avec une Belle attaquant à mort notre éditeur tout surpris - les amateurs de Buffy trouveront des similitudes avec Faith et son « I want, I take, I have » - est juste grandiose. Et la scène hot qui s’ensuit est vraiment une des plus torrides de la série (ah, le fantasme de « baiser » sur le bureau au travail). Le réveil est bien moins folichon, avec un Duncan certes courtois, mais manquant de chaleur. Si Hannah s’en aperçoit, elle est prise au piège de la peur de la solitude affective, et cherche encore à y croire. On a mal pour elle, mais au moins elle lutte, à la différence de sa sœur retournant finalement auprès de son faible mari et reprenant la vie minable qu’elle avait délaissée l’espace d’un instant. Gardes-robes d’une suprême élégance, champagne, campagne ensoleillée, décors brillants… la mise en scène d’Owen Harris est plaquée or, soulignant la trompeuse artificialité dans laquelle se réfugie Belle, comme cette nouvelle échappatoire avec Des qui s’évanouira dès le rendez-vous terminé. La série a beau rayonner de vie, de drôlerie, et de bonne humeur, son pessimisme permanent ne cesse de s’accentuer. Secret diary of a call-girl demeure avant tout une somptueuse tragédie moderne. La critique d'Estuaire44 : L'épisode poursuit la peinture du cheminement sentimental malaisé des protagonistes. Si l’ensemble continue à intéresser, l’efficacité de la narration résulte cette fois intermittente. Le recours à une discussion préliminaire entre Belle et Duncan afin d’indiquer le sujet du jour menace de tourner au procédé. Par ailleurs on comprend mal la toquade de Belle pour un éditeur la percevant manifestement avant tout à travers le prisme professionnel, et non comme un Pygmalion considérant sa Galatée. Introduire un amant percevant de prime à bord la personnalité a d’Hannah et non de Belle, à l’inverse d’Alex la saison précédente, permet d’entrevoir un développement prometteur achevant de décrire le piège de solitude dans lequel sa profession et son identité duale enferment inexorablement l’héroïne. Tout ceci réside ici en germe, mais l’intensité de la rencontre intime de Belle et Duncan pâtit du manque d’intérêt réel de ce dernier et de son moindre investissement émotionnel. La narration demeure ici avant tout fonctionnelle, plantant ses jalons, mais la mise en scène la relaie sans défaillir, l’épisode s’avère une complète réussite visuelle, comme si souvent. On reste sceptique devant la séparation entre Ben et Jackie, passablement soudaine et menée manu militari. Le retour concomitant et si pratique du mari prodigue confirme qu’il s’agit avant tout de l’exfiltration menée sans trop de subtilité d’un personnage devenu inutile. Au moins l’épisode réussit-il un vrai moment d’émotion lors de la rupture elle-même, au sein d’un cadre romantique devenu soudain bien cruel. Même si elle donne lieu à une héroïque performance des comédiens, la description donnée du sploshing laisse également (paradoxalement) sur sa faim, car abordée de manière trop burlesque et trop uniquement positive, alors qu’il peut aussi s’accompagner de pratiques de domination avoisinant le sadomasochisme. La série n’apparaît jamais sous son meilleur jour quand elle édulcore son propos, même si elle a l’heureuse fortune d’être anglaise, ce qui permet d’assimiler sans trop de difficultés le sploshing à l’excentricité. D’une manière générale l’opus agglomère trop rapidement perversion et courage de vivre ses fantasmes, alors que la première peut aussi survenir quand on devient esclave des premiers. Mais le récit s’en sort vers le haut grâce à la romance toujours aussi irrésistible entre Bambi et Byron. Elle nous vaut clairement les moments les plus intenses de l’épisode, dans la détresse puis dans la joie. D’abord une trame secondaire, elle s’impose comme un moteur indispensable à cette saison. 5. L’ARGENT FAIT LE BONHEUR Scénario : Rebecca Lenkiewicz Réalisation : China Moo-Young Number one unwritten rule of being an escort : you only allowed one lover : money ! Résumé : Déçue par son expérience avec Duncan, Belle apprécie d’autant plus la visite d’Al, un client régulier pour lequel elle a beaucoup d’affection. Stéphanie vient cependant lui rappeler ses priorités en tant qu’escort. Belle décide néanmoins de parler avec Duncan de ce qui s’est passé. Bambi et Byron filent, eux, le parfait amour… La critique de Clément Diaz: Le succès de Secret Diary tient dans son récit sombre recouvert d’un vernis comique et glamour ; et depuis la saison 2, dans la gestion feuilletonnante des aventures amoureuses de ses héros à la dérive. Malheureusement, cet épisode ne fait fonctionner aucun des deux atouts : en délaissant l’humour et en surchargeant les dialogues, il bascule dans les eaux saumâtres du soap opera sérieux à l’excès sans l’épure émotionnelle des meilleurs canons du genre (tel Six feet Under). De plus, le feuilleton se dérègle en figeant les lignes narratives en cours : Bambi, Byron, et Ben font de la figuration, et Hannah patauge en essayant de garder Duncan, qui louvoie tant que cela en devient artificiel. Sur une petite saison de 8 épisodes, un épisode immobile ne pardonne pas. Heureusement, le retour de Stéphanie arrive à point pour illuminer cet épisode statique de sa misanthropie aussi cynique que percutante. Le client du jour dégage une pénible impression de déjà vu car le thème du client régulier a déjà été traité en saison 1 avec Ash. Certes, Al suscite immédiatement la sympathie - en dépit de son infidélité conjugale - pour sa relation gaie et décontractée avec Belle, mais ni l’humour ni le grain de folie coutumiers de ces vignettes ne sont présents. L’absence de tout thème sous-jacent appauvrit également ce pan de l’histoire. Duncan étant décrit comme un homme cynique et sans grande chaleur, l’alchimie avec la sensible Belle ne peut fonctionner (la comparaison avec Alex est fatale). Si cela est valable d’un point de vue strictement narratif, cela interdit cependant toute émotion. Duncan devient pénible à force de battre la campagne tandis qu’Hannah finit par crisper en se noyant dans des clichés de femme délaissée (ce qu’elle n’est absolument pas) qui diluent sa complexité. Se grisant d’une virtuosité vaine, les auteurs inversent les rôles en cours de route avec Duncan faisant un pas en avant, et Hannah dix en arrière, ou comment réduire d’excellents personnages à des marionnettes. Les voir enfin accepter une relation sérieuse dans la coda laisse espérer que ce passage à vide ne se prolongera pas. Cela dit, on admire comment Hannah, aveuglée par sa solitude, refuse de voir que si Duncan se montre conciliant avec le fait qu’elle couche avec d’autres hommes professionnellement, il ne veut pas comprendre son vrai soi, Hannah, d’où un retour de bâton encore plus cruel que le cas Alex commençant à prendre forme. A côté de ces intrigues plates et de ses personnages secondaires sacrifiés, l’épisode trouve un second souffle avec le come-back de Stéphanie qui apporte avec elle le véritable thème de l’épisode, énoncé déjà par la pétulante introduction : l’argent comme unique « amant fidèle » des prostitué(e)s. Businesswoman de fer à la vie sentimentale passée que l’on devine désastreuse, Stéphanie s’appuie sur la confiance qu’elle voue à l’argent, dont elle est seule responsable, à la différence d’un ménage aux déceptions inévitables. Mais cet amour de l’argent et son rejet de toute chaleur humaine l’a rendue glaciale, on peut y voir une triste fuite aux désillusions inhérentes aux relations humaines. Cherie Lunghi déborde de classe et d’énergie. Il paraît patent que ce personnage spirituel, mais au cœur cadenassé par ailleurs, est clairement dépeint comme le reflet de ce que deviendra Belle si elle continue d’étouffer Hannah. Cette dernière semble en avoir conscience, car sa fragile foi fabriquée de toutes pièces en l’argent qu’elle affiche durant la 1re moitié de l’épisode s’effondre vite vu ses efforts pour conquérir Duncan. Notre héroïne n’abandonne pas le combat, souhaitant réitérer l’exploit de Bambi, et émouvante dans ses multiples erreurs qu’elle commet pour rester sur le ring. La critique d'Estuaire44 : L’épisode met en opposition les deux forces antagonistes déchirant le cœur d’Hannah : son envie de connaître l’amour et l’attraction pour son métier particulier lui mettant, disons, bien des bâtons dans la roue. Mais le récit explicite son attachement au plus vieux métier uniquement via les gains assurés, mais cela semble réellement réducteur. Effectivement notre amie n’a jamais dissimulé son côté Material Girl, mais l’on sait bien qu’elle est encore davantage accroc au frisson de l’aventure et au fait d’être à part au sein de la société, profondément singulière. Se cantonner au seul veau d’Or limite l’intérêt du propos du jour, même s’il nous vaut des retrouvailles amusantes avec Stéphanie, la cynique et tranchante Reine des Abeilles figurant plus que jamais comme un futur possible, sinon, probable, pour Belle (et on adore toujours autant ses cafés d’élection, la grande classe). Par ailleurs, centré sur le questionnement intime de l’héroïne, l’opus néglige assez mécaniquement les personnages secondaires. Dépossédé de son aventure, mais aussi d’un relai au sein de l’action, (ce sera corrigé dès l’opus suivant) , ben se voit réduit au poncif du confident, tandis que l’on ne fait qu’entrapercevoir les charmants Byron et Bambi, celle-ci campant une alternative à Stéphanie déjà tristement improbable pour Belle, paraissant pour une fois une passablement acrimonieuse. Le sympathique habitué résulte fatalement plus effacé que l’excentrique amateur de Sploshing et la série recède à son tic toujours agaçant des peu crédibles manifestations d’absents durant l’acte. Heureusement Billie Piper démontre une nouvelle fois qu’elle a les épaules suffisamment larges pour supporter quasiment tout un épisode. Son talent et sa sensibilité se manifestent particulièrement durant la double scène centrale de l’appartement. Celle –ci s’avère cruelle pour Duncan : grâce à l’actrice, le spectateur perçoit clairement que l’on passé d’de belle à Hannah ce que l’éditeur n’a lui aucun moyen de comprendre (il n’est d’ailleurs pas le seul en cause). Même s’il arrache son prénom à Hannah, il continue à seulement percevoir Belle. De fait cette relation contrariée dès le départ continue à se montrer moins captivante que celle de la saison passée. Anecdotes :
Scénario : Richard Hurst Réalisation : China Moo-Young He spent as much time thinking about the detail of this as the average girl spends thinking about her wedding. Résumé : Après avoir reçu un client dont le fantasme est d’être James Bond dans un jeu de rôle sexuel, Belle passe une soirée à l’opéra avec Duncan, mais un enchaînement de circonstances va tout faire capoter… La critique de Clément Diaz: La série sort de son registre habituel de tragédie comique pour présenter une comédie de boulevard acide, dont l’efficacité tragi-comique continue d’inscrire cette saison comme une pente descendante pour Belle. Richard Hurst montre une éblouissante maîtrise de l’écriture de personnages : on admire comment il parvient à rendre sympathique son héroïne même lorsque cette dernière s’égare dans une sinistre condescendance, bien accompagnée par un petit ami bien pire qu’elle. Si Belle-Duncan est ici décrit comme un duo aux dehors sympathiques mais méprisant, le duo Ben-Byron est inversement écrit comme de nobles cœurs mais agissant en tant que pathétiques perturbateurs. Le tempo comique de l’épisode démarre en trombe et ne cesse d’accélérer alors même que la sidérante noirceur des situations s’accroît pareillement. Secret Diary continue de tenir en 22 minutes une impressionnante densité narrative et émotionnelle. Le jeu de rôle sexuel est une pratique plus grand public que la plupart des fantasmes plus « extrêmes » présentés dans la série, sans doute parce qu’il permet de révéler davantage ses propres psychés. Depuis sa création, James Bond a toujours incarné une idée d’un modèle masculin - surtout pour les hétérosexuels - et fut vendu judicieusement au public comme tel. Un des points les plus iconiques étant bien sûr son charme n’épargnant aucune femme, et une vie sexuelle enviée. À ce fantasme, rejoint celle de la femme dangereuse - espionne le plus souvent - à la sexualité (forcément) incendiaire derrière le mur de glace. Ces fantasmes sont finalement très masculins, ce qui limite la portée de la scène, malgré le rapport de domination exercé par Belle. Malgré cela, la séquence réussit son pari de nous plonger dans l’hilarité : « 007 » moins crédible tu meurs, accent russe à couper au couteau (on se croirait de nouveau dans les 60’s), erreurs de script, cabotinage à tous les étages de Billie Piper et Justin Edwards, scène sexuelle moins torride que loufoque… L’intérêt de l’épisode réside en ce que l’héroïne devient lorsqu’elle ne laisse aucune place à son vrai soi. Il en résulte une sombre métamorphose de notre héroïne finissant par renier ses liens à l’humanité et se vautrant dans une désagréable condescendance derrière les délices des soirées luxueuses. Elle y est encouragée par la suffisance de Duncan, toujours plus antipathique. Il est triste de voir Hannah se renier complètement en se casant avec un tel homme par peur de la solitude (et par jalousie envers Bambi), et accédant à une ascension sociale qui la défigure, elle la sympathique jeune femme de la petite bourgeoisie. Celui qui en est conscient, c’est bien Ben. On admire comment l’animosité entre lui et Duncan est mise en scène, avec seulement le jeu des acteurs et quelques gestes anodins en apparence (Duncan ne prenant pas sa monnaie, obséquiosité de Ben…). L’on est heureux de voir Byron soutenir Ben, prouvant une fois de plus qu’il n’a que faire de son sang noble, fraternisant avec un barman après s’être fiancé à une prostituée. Mais même Ben n’est pas innocent : toujours amoureux de son amie, c’est autant par jalousie que par lucidité qu’il s’oppose à Belle et Duncan. La scène de l’opéra, aussi amusante soit-elle, persifle aussi contre une haute société friande de l’endroit moins pour ses spectacles que pour le plaisir d’être vu dans un lieu classe, remontant au quotidien des maisons d’opéra du XVII et XVIIIe siècle avant que l’ère romantique ne redonne la primauté à l’art. Billie Piper et James d’Arcy rendent parfaitement cette acception de leurs personnages. Le vaudeville final se montre joyeusement endiablé avec l’intervention coup sur coup du client et de Byron/Ben totalement pochetrons. La démolition au pas de charge de Duncan - entamée par son comportement très patriarcal envers Belle lors de la confrontation avec le pauvre 007 - par le fin duo fait partie des plus grands moments comiques de la série. S’ils sont les seuls à avertir leur amie de ce qui l’attend si elle continue dans cette voie, ils cassent tout espoir de la convaincre de son erreur par leur comportement. La dispute finale creuse un terrible fossé entre Ben et Belle, et fait monter les enjeux pour le restant de saison : désormais, Belle est toute seule pour se rendre compte de son erreur. La série confirme ici que plus ses épisodes sont riches en humour, plus ils sont riches en noirceur. La critique d'Estuaire44 :
L’épisode débute par la souvent distrayante pratique du jeu de rôles polisson (sans D20 et classes d’armure, plutôt avec dessous chics et amusants détournements). On s’amuse d’autant plus que ce jeu est dépourvu de l’aspect morbide parfois revêtu par le sploshing précédemment abordé, et qu’il nous a valu de joyeux moments lors de The L Word (avec notamment Alice et Dana recréant La croisière s’amuse). De plus, les auteurs ont l’excellente idée de retenir James Bond comme sujet du jeu, soit le personnage le plus ritualisé qui soit, donc se prêtant idéalement à l’exercice (un excellent RPG 007 a d’ailleurs connu son heure de gloire durant les 80’s), tout en relayant le côté British de la série. Choisir les Avengers aurait été trop espérer, quant au Docteur et à son Compagnon le plus attachant, le monde n’était sans doute pas encore prêt. Justin Edwards se montre aussi plaisant dans l’interprétation du client que complice avec une Billie Piper particulièrement enforme et appréciant visiblement l’exercice. Comme toujours, la mise en scène demeure des plus élégantes et participe à éliminer tout ce que la situation pourrait présenter de scabreux. Mais ce grand opus atteint toute sa dimension en élargissant ensuite le point de vue. En effet cette pastille humoristique vraie à la cinglante ironie quand le récit dépeint une Belle s’adonnant elle-même à un jeu de rôles avec Duncan, sans même en prendre conscience. Elle se rêve en écrivaine vivant une passion avec son Pygmalion, alors que Duncan, outre ce plaisir qu’on dit charnel, ne s’intéresse que l’aspect ludique de la situation. Visiblement émoustillé par l’univers excitant et transgressif de la prostitution de haut vol, tel que décrit par Belle dans ses deux livres, il n’est attiré que par le côté le plus divertissant et paillettes de la vie de cette dernière, et en aucun cas par Hannah. Ces maladresses elles-aussi illustrent cette situation, c’est le frisson de cette fugue en dehors de son réel qui le capte avant tout. Cette facette de sa personnalité étant reléguée en périphérie par l’héroïne, par sa trop grande immersion dans le Jeu. Une situation qui ne peut que conduire dans le mur, tôt ou tard. Le drame s’accentue, cette acceptation de la négation d’Hannah conduisant l’héroïne à s’éloigner de ses amis ne la reconnaissant plus et se sentant dépossédés, comme le narre la séquence tragi-comique avec Ben et Byron (qu’il est bon d’évoquer en dehors de la relation avec Bambi), mais aussi la colère de Belle, s’enferrant dans l’aveuglement. Un épisode virtuose, à propos des dangers d’opter pour le fantasme jusqu’à s’y fondre, contrairement au sympathique client de Belle. Anecdotes :
7. RIEN QUE POUR LE PLAISIR Scénario : Chloé Moss & Tim Price Réalisation : China Moo-Young A male escort needs charm, patience, stamina, and a sizable asset. Résumé : Toujours dans le cadre de ses « recherches », Belle décide d’inverser les rôles et de solliciter les services de Connor, un escort boy. Forcée d’admettre qu’en tant que femme (et non comme prostituée), il s’agit du meilleur amant qu’elle ait eu, elle se sent prise de remords après coup tandis que Duncan a du mal à digérer la nouvelle. Mais Duncan prend soin par ailleurs de cacher à sa petite amie qu’il la trompe avec une call-girl… La critique de Clément Diaz: Le point faible de la série réside dans sa lutte difficile à raconter les riches histoires amoureuses de son héroïne dans un format très réduit. Lorsqu’il s’agit de commencer à baisser le rideau, la série se voit obligé d’accélérer et de tomber sur le premier prétexte venu pour clore le dossier (on se souvient d’Alex débarquant à l’improviste chez Belle « en plein travail »). Ici, l’infidélité de Duncan sera donc le moteur déclencheur, un procédé terriblement basique encore renforcé par l’hénaurme coïncidence qu’il choisisse Bambi. Les situations qui en découlent appartiennent vraiment au théâtre de boulevard bas de gamme, alors même que le vaudeville précédent était bien mieux amené. Cependant, cet épisode sans temps mort interroge avec une percutante provocation les concepts d’infidélité, la pression de la société patriarcale qui s’applique aussi aux hommes en les forçant à se conformer à un idéal viril absurde, tout en portant la double personnalité de l’héroïne à son paroxysme. La brillante idée voyant Belle en tant que « cliente » donne naissance à une double piste narrative séduisante : une véritable salsa burlesque lors du rendez-vous, puis une dérangeante réflexion sur l’infidélité dont l’épisode pointe audacieusement les contours flous de la définition. Ainsi, toute la scène chez l’escort se montre bidonnante en diable grâce au talent de Billie Piper de passer sans cesse du masque de la cliente timide et maladroite à la sévère critique professionnelle pointant toutes les erreurs de son confrère via le 4e mur… avant de connaître la meilleure séance sexuelle de sa vie. La voir confesser toute honteuse son véritable métier à un Connor ahuri et vexé est à pleurer de rire, tout en pointant ce que son stratagème a de reprochable. On aime aussi le premier compte-rendu de Belle du rendez-vous où les images contredisent a tempo tout son récit. Leon Ockenden se montre également très à l’aise en escort confiant et souriant qui compte bien s’amuser plus que de coutume avec une cliente plus jeune et jolie que son ordinaire. La scène ouvre également une fenêtre sur la prostitution masculine de luxe comparée à Belle : revenus moindres (l’appartement de Connor est bien plus spartiate que le luxe tapageur de celui de Belle), rapport aux clients plus direct, glamour moins présent, et accent plus mis sur la capacité de l’homme à mettre en confiance, à faire se sentir sa cliente attirante et libérée que sur le charme physique, en dépit de l’incontestable beauté de l’acteur jouant un escort pas forcément dans les canons habituels (géant musculeux). Les deux personnalités de Belle rentrent de nouveau en conflit sur un point crucial : pour la première fois en position de « receveuse », la call-girl doit admettre être tombée sur un homme qui l’a pleinement satisfaite (quelle femme ne cherche pas un homme maîtrisant l’excitation orale ?) : le fait qu’elle y ait pris plaisir implique-t-il qu’elle a trompé Duncan ? Payer pour coucher atténue-t-il la situation d’infidélité ? Les auteurs laissent au public la décision. Avec Connor, notre amie s’est certes mise en mode « Belle », mais son corps est aussi celui d’Hannah, un corps reconnaissant envers une étreinte charnelle qui l’a comblé, d’où une terrible confusion éthique. Sa double identité ne s’est jamais manifestée avec autant de force qu’ici, confirmant la voie sans issue dans laquelle Belle/Hannah erre depuis le début de la série. L’épisode brocarde également l’exigence de la performance et de l’hyper virilité demandée par la société patriarcale : Duncan ne supporte pas de ne pas être le meilleur amant de sa petite amie, et quand il essaye de se métamorphoser en Connor, il devient une caricature pathétique d’étalon dominateur. L’épisode va décidément très loin car brisant la croyance rassurante selon laquelle les relations sexuelles les plus réussies sont celles où il y a des sentiments. Même si le sexe ne peut combler à lui seul la vie affective d’un être humain, la « technique » semble bien supérieure aux « bons sentiments » au lit… Malheureusement, hormis sa scène sexuelle ratée avec Belle, l’histoire centrée sur Duncan restreint le succès de l’épisode. Avoir recours à l’infidélité, qui plus est avec Bambi (la probabilité d’un tel événement reste ridiculement basse), constitue un bien faible élément de résolution. Comme par hasard, Belle laisse échapper un « je t’aime » alors qu’il est au lit avec elle, le mélodrame outré dans toute sa gloire. Bambi se pointant à l’instant où Belle et Duncan allaient s’ébattre poursuit cette fois la veine du boulevard, mais vraiment forcé et schématique, même s’il introduit un beau dilemme pour elle entre son amitié pour son mentor et son devoir de confidentialité envers ses clients (on aurait bien aimé entendre Stéphanie sur la question). Ben, une nouvelle fois relégué à la marge du récit - ce n’est décidément pas sa saison - en est réduit à appeler continuellement Hannah qui érige un mur du silence, ce n’est pas vraiment comme ça qu’on a envie de le voir. A chaque saison, la série a toujours plus approfondi son humour et ses thématiques, mais son format restreint empêche ses arcs feuilletonnants de vraiment fonctionner. On en arrive déjà à la fin de la saison. La critique d'Estuaire44 : Dans un premier temps, l’épisode poursuit avec acuité son étude de la dérive vécue par le couple formé par Belle et Duncan, toujours plus fondé sur l’imposture. Duncan cède à son addiction pour le monde de la prostitution de luxe, jusqu’à perdre le contrôle face à Belle. Une évolution en soi pathétique, soulignée par l’excellent jeu de James D'Arcy, au ton toujours juste. Mais c’est bien Belle qui nous désespère, tant elle semble enferrée dans son rêve de bonheur virant toujours plus à l’illusion volontaire. La scène chez le gigolo où elle révèle avoir bien compris que Duncan n’est attiré que par Belle et non par la personnalité d’Hannah, puis oa fugace révolte quand son compagnon jette le masque montrent bien qu’elle a conscience de cette faille mais qu’elle pratique une fuite en avant Le récit permet d’explorer admirablement les sentiments de Belle/Hannah, souvent à l’écran et s’adresse à nous plus souvent qu’à l’accoutumée ces derniers temps. Comme toujours, elle se réfugie toutefois dans le non dit concernant sa brouille à Ben, car celui l’interpelle sur qa relation avec Duncan. Décidément le piège semble bien se refermer. Cette chronique douce amère, ponctuée de moments hilarants telle l’épique visite chez le collègue masculin de Belle (qui aurait pu servir d’accroche à une série dérivée), a mis du temps à pleinement installer son intérêt au fil de la saison. La série en paie ici le prix, les auteurs paraissant d’un coup s’apercevoir que le prochain épisode constitue déjà la fin de saison. Tout va terriblement vite dans Secret Diary of a Call Girl, encore davantage que dans un programme comme Californication et un défaut de maîtrise se fait jour. Au lieu de narrer une implosion progressive et logique, l’intrigue n’a d’autre recours que de précipiter les évènements, en recourant à l’un des artifices les plus éculés du vaudeville. Même s’il n’est pas absurde que Duncan, toujours plus enferré dans son addiction, finisse par croiser Bambi, la coïncidence demeure énorme en point d’en devenir embarrassante. Cette sortie de route présente également comme conséquence pernicieuse de rendre prévisible le final d’une saison menaçant d’échouer au port. Billie Piper assure néanmoins le spectacle, quasiment en roue libre durant la visite chez le gigolo et il suffit à Byron d’apparaître trente secondes pour redéfinir le concept si anglais de dandy excentrique. Anecdotes :
8. JE T'AIME MOI NON PLUS Scénario : Julie Gearey Réalisation : China Moo-Young - Thanks for thinking of me, it’s very kind of you. - Well, you know me, 60% heart, 40% commission. Résumé : C’est le jour du mariage de Bambi et Byron. L’embarras est palpable entre Belle et Ben, demoiselle et garçon d’honneur respectifs. Peu avant la cérémonie, Bambi prend la décision d’avouer l’infidélité de Duncan… La critique de Clément Diaz: Conscients que la résolution du feuilleton de la saison n’est pas satisfaisante (rupture, vengeance, nouveau départ et cliffhanger, ou cours de soap opera 1re année), toute l’équipe fait de faiblesse vertu et nous offre des scènes de caractère certes typées, mais remarquablement réalisées : mise en scène épurée, dialogues au rasoir, interprétations puissantes, notamment de Billie Piper, et toujours l’alliance comédie/tragédie faisant la fortune du show depuis ses premières heures. Ben prépare un retour en force, tandis que Bambi et Byron nous quittent sur des adieux hyperromantiques, à leur image. Devant boucler la saison, Julie Gearey réduit la séance du client du jour, qui échappe à l’anodin grâce au call-back du sympathique David (épisode 2.02), et de l’excellent Roger Barclay. Cependant, pressée par le temps, Gearey n’a pas le temps de développer le thème du travestissement, vu ici comme une simple fantaisie alors qu’il recoupe bien plus de sens, souvent très dramatiques (obsessions, malaise transgenre, quête d’identité…). Il aurait mieux valu que ce thème soit en première saison, à l’époque où la série dissertait sur tout un épisode sur le comportement amoureux et sexuel humain. À ceux que la question du travestissement et plus encore la question transgenre intéressent, je ne peux que conseiller l’épatante série Transparent. L’épisode tourne entièrement autour de la douloureuse désillusion de Belle, voyant sa bulle fantasmagorique crevée sans retour par la déception d’un homme insuffisant. On applaudit Bambi d’avoir le courage de briser le cœur de sa bridesmaid alors même qu’elle et Byron atteignent les sommets de la félicité au cours de scènes tout aussi adorables les unes que les autres (magnifiques vœux). Stéphanie reste en périphérie, mais nous éclate avec son éternel sens du business quelque soit le moment, sans dissimuler une affection bien réelle pour ses « filles » (énorme Cherie Lunghi). Cette conjonction entre bonheur éclatant et chagrin abyssal était terriblement casse-gueule, mais toute l’équipe, China Moo-Young en tête, trouve l’équilibre juste. Car le centre de l’épisode réside bien entendu dans la déclaration de rupture d’Hannah à Duncan, soit un des marronniers ultimes des drames sentimentaux. Heureusement, la réalisatrice et les dialoguistes s’en sortent sur la forme : un bouleversant et cuisant quasi monologue d’Hannah, campée par une Billie Piper tout en chagrin et en rage contenues, signant ici une de ses meilleures prestations (seule la scène finale de la série la surpassera). L’hébétude de Duncan est tout aussi révélatrice : le personnage est en fait moins méchant que totalement déconnecté de la réalité, incapable de comprendre les sentiments de ses semblables, un sociopathe en puissance en somme. Le jeu subtilement décalé de James d’Arcy s’inscrit bien dans cette optique. Par suite, quitte à être accusé de cruauté, on aime particulièrement la terrible vengeance d’Hannah, un modèle d’exécution publique. À notre grand soulagement, Ben regagne enfin ses galons de meilleur ami et confident, momentanément perdus lorsque l’héroïne s’était perdue dans un rôle fantasmagorique, le spectateur compatissant ne peut que lui accorder le pardon qu’elle lui implore, à l’unisson de Ben. Selon la tradition de la série, l’happy end, encore une fois, n’est pas franc, Belle retournant à la case départ, encore meurtrie. Mais elle a finalement sauvé son vrai soi, Hannah, à travers cette déception : un mal pour un bien en quelque sorte. Le cliffhanger final, purement psychologique, pose cependant des enjeux capitaux : l’on sent que la dernière saison va bien être la dernière chance de l’héroïne : Ben réussira-t-il où les autres ont échoué ? Une relation avec son meilleur ami peut elle sauver Belle de sa solitude et unir enfin ses deux personnalités ? Une incertitude qui donne à cette fin « triomphante » un goût frissonnant de prémonition… La critique d'Estuaire44 : Ce final de saison souffre d’être trop prévisible après les évènements de l’épisode précédent. Aucun rebondissement ou fait nouveau ne vient perturber une conclusion largement anticipée. Toutefois, les auteurs ont l’intelligence de quasiment tout miser sur la longue séquence du mariage devenue un carrefour des destins réunissant l’ensemble des personnages. Auparavant la séquence du chirurgien se justifie surtout par le respect d’un rituel de la série. En elle-même elle pétille moins que d’autres scènes du même genre vues cette saison (la meilleure demeurant sans doute celle de 007) et elle ne fait que souligner, de manière quelque peu superfétatoire, à quel point Belle, pourtant si habile à percevoir les souhaits de ces clients, s’est totalement aveuglée quant à ceux de Duncan. Le mariage s’avère parfaitement écrit et mise en scène, que Byron et Bambi choisissent un modus operandi traditionnel, pour eux il s’agit bien d ‘un engagement solennel. Le couple brille une dernière fois de son charme et de sa singularité. Que la famille de Byron ne soit pas venue laisse percevoir un volet de la situation guère développé par la saison mais note ami fait face avec son élégance habituelle, authentiquement aristocratique. On apprécie qu’aucun des personnages ne se voit négligé, avec le naturel de la réconciliation avec Ben ou l’apparition toujours aussi classieuse et piquante de Stéphanie (qui sait glisser à sa protégée un voyage tombant à pic pour lui changer les idées, la reine de glace a bien un cœur, en définitive). Mais le succès de l’épisode repose avant tout sur l’époustouflante prestation, toute en émotion et colère, de Billie Piper. Elle parvient à hisser une péripétie de vaudeville au rang de véritable épiphanie pour Hannah, apportant une force particulière à la scène de rupture. L’épisode introduit également directement la saison suivant avec un Ben abattant son jeu et une Belle dont la clairvoyance n’est que partiellement restaurée, ce qui la conduit à reporter toute la responsabilité du fiasco sur Duncan, alors qu’elle a elle aussi contribué à s’auto aveugler. Autant dire que malgré un radieux au-revoir, on subodore déjà que la London Call Girl n’est pas parvenue au terme de ses aventures et mésaventures. Trop longue à réellement se mettre en marche, cette saison apparaît légèrement en deçà des deux précédentes mais Secret Diary demeure une étude de caractères en clair-obscur passionnante à suivre, aussi hilarante qu’émouvante. Anecdotes :
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Journal intime d'une call girl Saison 2 1. Au cœur du scandale (Épisode 2.1) 2. Rendez-vous galant (Épisode 2.2) Scénario : Lucy Prebble - Oh, I came up with a name. I wanna be called Bambi. […] Un paparazzi harcèle Belle pour lui soutirer le récit d’une nuit avec un homme politique dans le but de le faire tomber. Belle rencontre Alex, un anesthésiste qu’elle séduit involontairement, mais doit s’occuper aussi de Bambi, une jeune femme délurée qui veut devenir escort de luxe et qui l’a contactée pour qu’elle soit son mentor. Belle doit dans le même temps se rendre au baptême de son neveu… La critique de Clément Diaz: Pour faire évoluer son show, Lucy Prebble bouleverse les composantes de sa série. Dans cet ouverture de saison, la créatrice court à perdre haleine pour introduire tout ce qu’il y’a de nouveau : dans les trois saisons qui restent, Hannah, dont le double menace de plus en plus de la détruire, va désormais chercher une relation stable en plus de son métier. C’est le rôle dévolu cette saison à Alex. Cela va faire monter en puissance le grand thème de la série (la double identité de l’héroïne) tout en instaurant à chaque saison un arc feuilletonnant en plus du « client de la semaine ». C’est le format le plus efficace (aussi le plus difficile) pour une série, en opposition avec le stand-alone un peu mécanique de la saison précédente. Elle va oser un humour plus délirant et massif, dans la lignée de Sex and the city, et introduit pour cela une tornade d’humour montée sur pattes : le personnage dingo de Bambi. Mais elle doit également soigner l’entrée d’Alex. Mais elle doit aussi écrire une intrigue indépendante. Conséquence : l’épisode forme un patchwork totalement décousu où l’on est ballotté sans transition d’une scène à l’autre. Cet effet de précipitation empêche chaque nouvel atout de se développer. L’on retrouve le même défaut du pilote de la série, mais en plus accentué, car ces innovations n’interagissent guère entre elles. Cependant, une fois passé ce début fourre-tout, la saison va s’appuyer sur ses atouts et offrir un spectacle plus abouti encore que la précédente. La méprise vaudevillesque initiale instaure une ambiance plus festive qu’à l’ordinaire, typique du nouveau pas franchi par la série sur l’humour. Tout comme Ben à ses débuts, Alex n’a pas encore sa personnalité, et ne vit que par son lien envers Belle. Cela dit, Callum Blue arbore immédiatement les atours maladroits mignons d’Alex, et son déphasage comique dans lequel on reconnaît le frappadingue Mason de Dead like me, avaleur diplômé de couleuvres les plus improbables. Les jeux totalement désynchronisés de Billie et Callum assurent la comédie. Toutefois, il faut avouer que l’arrivée fracassante de Bambi est bel et bien l’événement du jour. Incarnée par une gouleyante (et insoutenablement sexy) Ashley Madekwe prête à redéfinir la notion même de cabotinage délirant, la fraîche jeune femme s’approprie immédiatement l’écran entre gaffes, rires suraigus, insouciante joie de vivre, et énergie explosive (que Poppy n’égalera jamais). On s’amuse par avance du mentoring de Belle envers Bambi : remises au point, quiproquos en pagaille, et coups de gueule répétés sont à prévoir, et on ne va pas cracher dessus, loin de là ! La comédie irrigue aussi la cérémonie de baptême avec une description tendrement ironique de la famille de Belle, galerie de culs serrés (mention à la sœur) dont l’on se demande vraiment si notre héroïne en fait partie. La scène souffre cependant de s’étaler alors qu’il ne se passe rien. Cependant, Lucy Prebble dégaine une nouvelle arme comique : les délires imaginaires de Belle, ici s’imaginant avouer à sa famille sa véritable profession. Le résultat évoque les plus grandes embardées burlesques de J.D. le médecin lunaire de Scrubs aux délires imaginaires les plus saugrenus. Toutefois, cette succession enchaînée de gags ne masque pas l’absence d’un vrai scénario, donnant un aspect de film à sketches trop fragmenté pour convaincre. Prebble tente bien de compenser avec une touche plus sombre, grâce au chantage d’un odieux journaleux, affamé de scoops putassiers. Si Belle s’en sort en préservant son admirable discrétion professionnelle, ce segment est trop vite survolé. L’absence de tout arrière-plan sombre, pilier de la série donne à cet épisode un aspect Sex and the city : frais, joyeux, mais aseptisé et assez vide. Toutefois, il ne s’agit que d’un prélude certes prometteur, à la saison, qui va immédiatement trouver ses marques. Cela valait bien cette ouverture aussi amusante que dispersée. La critique d'Estuaire44 : La série a l’audace de s’offrir un véritable pilote de saison, introduisant deux nouveaux personnages, ce qui, en proportions, signifie un véritablement chamboulement de son micro univers. Qui trop embrasse mal étreint, on peut regretter que le récit développe trop de thèmes à la fois, même si Secret Diary fait toujours preuve de la même efficacité narrative. Par son humour, ses retrouvailles familiales insérant une continuité temporale entre les deux saisons (quelques mois d’écart) et les rêveries surréalistes à la Scrubs d’Hannah, le baptême s’avère très intéressant à suivre. C’est d’autant plus vrai qu’en filigrane il traduit bien la désocialisation de l’héroïne, toujours plus immergée dans son monde en marge. Son traitement aurait-sans doute nécessité un épisode entier, avec un rôle accru imparti à Ben (ici réduit à une séquence informative) et des vues plus prolongées de la délicieuse campagne anglaise, un sujet toujours apprécié des amateurs des Avengers, mais la séquence n’en demeure pas mois savoureuse. Billie Piper se montre toujours impeccable dans l’incarnation de Belle et nous gratifie d’un adorable message de bienvenue pour notre retour dan son journal. Un procédé astucieux, qui sera repris, sur un mode considérablement plus glacial, par Frank Underwood, dans le pilote de la deuxième saison d’House of Cards. L’épisode doit beaucoup à la parfaite entente installée d’emblée avec Callum Blue, lui aussi remarquable. On apprécie le retournement de point de vue d’avec le Mason de Dead Like Me : c’est ici lui qui incarne un personnage raisonnable en découvrant un autre apparaissant passablement allumé. La relation se met en place avec naturel et un humour pétillant, un sans fautes, très prometteur pour la suite. On reste légèrement plus circonspect avec Bambi, centre déjà tonique mais qui revêt ici une tonalité négative à la Naomi, quand elle pique un client à Belle. Le personnage se voit introduit sous un jour trompeur et trop expéditif. L’opus se montre aussi cinglant que prémonitoire envers les mœurs d’une certaine presse britannique ne respectant aucune vie privée, annonçant la scandale Murdoch éclatant peu de temps plus tard.
2. RENDEZ-VOUS GALANT Réalisation : Fraser MacDonald
Well, if you have a change of mind, my door is always open, as long as your legs are. Alors qu’elle songe à recourir à une opération de chirurgie esthétique, Hannah est encouragée par Bambi à donner une chance à Alex et tenter une relation normale. Elle ne sait toutefois pas que Bambi cherche ainsi à lui voler des clients. Mais ce faisant, Bambi subit un terrible retour de flamme… La critique de Clément Diaz:
Après la parenthèse de fantaisie comique du précédent épisode, la créatrice revient au mode tragi-comique. L’épisode s’axe sur pas moins de trois thématiques sombres : la course effrénée et inhumaine de la beauté et de la jeunesse dans un monde ne supportant pas le vieillissement, un constat implacable de la désocialisation d’Hannah, due à son double castrateur, et le viol dans le milieu de la prostitution. Si l’humour irrigue les deux premières thématiques, l’épisode se termine sur un ton glacial avec la funeste erreur de Bambi qui passe très près du désastre. Ce virage dramatique inédit au sein de la série, saisit par sa surprise et sa brutalité, laissant à l’épisode une trace de malaise qu’aucune coda ne peut apaiser. Si le début chez le chirurgien est assez poussif, il est en revanche effrayant par ses perspectives : Belle, superbe beauté de 24 ans, songe déjà à la chirurgie pour rendre son corps plus désirable (My body is my work assène-t-elle d’entrée). Au-delà de la mise en valeur de l’aspect concurrentiel et sans pitié de la prostitution, l’épisode développe tout un réquisitoire contre la tyrannie des apparences, notamment via le personnage très sympathique du chirurgien assumant de moins en moins un métier éloigné de son idéal de médecin « utile ». Son discours sur ce sujet fait écho à celui de son confrère de Clair de Lune (épisode Et l’homme créa la femme, saison 5). Roger Barclay apporte humanité et chaleur à son personnage, rare repère dans la vie borderline de Belle. La série ne se montre pas artificielle en alignant systématiquement des défaites d’Hannah face à Belle : l’on voit au contraire la jeune femme lutter au corps à corps avec son double pour défendre son soi réel, et sauver quelques victoires comme sa renonciation finale. Tout ce pan de l’histoire bénéficie de dialogues souvent drôles et savoureux, mais pas dupes. Hannah se défend aussi de Belle qui voudrait bien la voir renoncer à toute vie privée pour n’être qu’à son métier ; par une ironie sardonique, Hannah emporte le morceau, mais seulement grâce aux conseils de Bambi qui ainsi a le champ libre pour lui voler ses clients ! Si l’enfer est pavé de bonnes intentions, Bambi en aura dallé un bon bout de chemin ! Mais Prebble, au sommet de la subtilité scénaristique, ne fait pas de Bambi une Naomi bis. Son jeu opportuniste s’explique plus par sa candeur, croyant sincèrement « soulager » Belle de ses clients et lui faire prendre soin de sa vie privée. La farandole joyeuse et juvénile du jeu d’Ashley Madekwe est irrésistible. Elle fait un excellent numéro de petite fille gâtée lors de la mémorable confrontation avec Stéphanie, campée par une Cherie Lunghi une nouvelle fois impériale en dame de fer très humaine. Lors du rendez-vous galant avec Alex, Hannah prend conscience que Belle a sapé tous ses réflexes sociaux. Il est difficile de ne pas rire lorsqu’Hannah s’enfonce impitoyablement devant son prétendant (énorme gag de la moustache). Elle se replie donc dans le silence, laissant le volubile Alex parler pour deux. Malgré la comédie de la situation, assurée entre autres par un Callum Blue toujours décalé et souriant, nous voyons une Hannah s’apercevant avec horreur de sa déconnexion quasi-totale avec le monde réel, son monde. L’on sent qu’elle serait plus à l’aise à séduire charnellement Alex que lors des phases de flirt et de vie commune (n’a-t-elle pas fourré le Docteur dans son lit en moins de deux ?). Les griffes du drame à venir apparaissent déjà. Le twist terrible de Bambi punie de sa négligence insouciante frappe très fort. Dans la lignée du « client dangereux » de l’épisode 1.06, l’épisode montre sans fard que même les escorts de luxe ne sont pas immunisés contre des agresseurs sexuels. L’effondrement de Bambi dans les bras de Belle est un vrai choc, et l’antidote parfait aux contempteurs de la série qui lui reprochent de « glamouriser » à outrance le milieu. Un épisode aussi riche que sombre, audacieux dans son humour jaune comme dans son dramatisme. La critique d'Estuaire44 : Après l’effervescence du pilote de saison, la série en revient à un discours davantage coordonné, tout en renouvelant heureusement ses thématiques, au-delà du catalogue des prestations diverses et variées proposées par Belle. Sous une apparence humoristique (plusieurs scènes sont à pleurer de rire, dont le pilonnage d’artillerie entre Belle et Stéphanie), le récit interpelle belle sur son métier, décrit derechef sous un jour nettement moins flatteur que ne le pointent de nombreux blâmes adressés au programme. A côté de l’inquiétante péripétie vécue par Bambi, c’est bien la réification en marchandise du corps féminin qui se voit dénoncée avec force. Un propos que le discours du prospère médecin élargit d’ailleurs à notre société du paraître. La narration évite le piège de la caricature en rendant ce dernier sympathique Ses faux airs de Julian McMahon achèvent d’ailleurs de donner à l’opus un petit air bienvenu de Nip/Tuck. On aime que Belle choisisse de demeurer elle-même, une victoire sur ce métier qui la dévore, elles ne seront guère nombreuses. La grossesse rend Billie Piper particulièrement radieuse et épanouie. La mise en scène reste finement ajustée nous égale de toute la panoplie des astuces déployées pour dissimuler la grossesse d’une actrice : vêtements amples, angles de vue, postures, doublures, rien ne manque à l’appel. A montrer dans toutes les bonnes écoles de cinéma. L’épisode présente aussi le mérite d’installer définitivement Bambi dans la série. Elle se montre un tantinet désespérante quand elle continue à conjuguer crânerie et solution de facilité consistant à piquer les clients de Belle, mais au combien attachante par ailleurs. A l’instar de Billie Piper, Ashley Madekwe (actuellement dans Salem avec son mari Iddo Goldberg) sait à merveille conjuguer drôlerie et sentiment, notamment quand Belle, malgré une hilarant bouffée de colère au préalable, vole au secours de Bambi. La solidarité entre les deux femmes se montre émouvante, en contraste avec l’humour précédent, un joli moment dans la nuit de Londres, souligné par une pertinente musique de film noir. Tout n’est pas parfait, le placement de produit est trop visible (ordinateurs et téléphones), Ben nous manque, Bambi ne saurait se substituer à lui, et le déjeuner avec Alex n’apporte pas grande chose, en dehors du fait qu’il ait lieu et du gag des moustaches. Mais l’épisode démontre avec vigueur que la série n’a pas épuisé toutes ses cartouches lors de sa première saison.
3. MÉNAGE À TROIS Réalisation : Fraser MacDonald
Hannah. I really enjoyed breaking up with you. Can we do it again soon, please ? Belle reçoit une visite qu’elle aurait souhaité éviter : Helen, épouse de Matt, un de ses clients, a en effet découvert le pot-aux-roses. Encore étourdie par l’expérience, Hannah se demande si elle doit continuer à fréquenter Alex… La critique de Clément Diaz: Cet épisode très complet s’appuie sur divers thèmes avec efficacité. L’originalité de l’histoire est de questionner la moralité de l’univers de Belle, mais aussi de Belle elle-même en la confrontant au conjoint légitime d’un client. Évitant tant la culpabilisation que l’insouciance, l’entrevue entre les deux femmes s’avère bien écrite et émouvante. Plus que le ménage à trois du titre français, c’est le duel à trois entre Alex et Hannah d’un côté, et Belle de l’autre qui remporte l’adhésion, par son intensité, et sa résolution faussement triomphale. Julie Gearey relie astucieusement cette idée à la première, et, relayée par la mise en scène délicate et variée de Fraser MacDonald, d’une précision mirobolante, écrit un nouveau succès de plus. L’épisode expose une vision pessimiste du couple. Nos changements de personnalité au cours de nos vies faisant que l’autre ne nous comprend plus et vice-versa, les fatales routines brisant les mariages, les enfants ralentissant voire stoppant l’intimité sexuelle, le regret tardif d’avoir perdu l’excitation juvénile de la vie de jeune célibataire… le touchant personnage d’Helen, incarnée avec un talent inouï par Olivia Poulet, exprime avec une grande force cette femme trompée oscillant de la colère révoltée à la haine de soi de n'avoir pas su garder son homme, et malgré elle curieuse des connaissances de Belle en sexualité masculine. Le mari volage est aussi le symbole d’un homme craquant sous le poids d’une vie surchargée (maligne explication de texte de Belle), rejoignant la description toujours plus féroce de la série d’une société excessive et sans repos... Belle est ramenée à sa position de putain, honteux statut aux yeux de la société. Elle ne brise pas de mariage par elle-même, car ce sont ses clients qui en décident ainsi (toujours cette volonté de la série de déculpabiliser la prostitution), mais fait face à l’amoralité de la situation. Immensément humaine et sympathique, elle se démène pour réconforter l’épouse trahie. Mais entre crises de colère et de chagrin, et gros instants d’horrible malaise qu’aucune phrase ne peut dissiper, l’on voit que les clashs entre l’univers de Belle et le monde « réel » demeurent toujours douloureux. Gearey pousse son acidité très loin, jusqu’à impliquer que malgré le choc, Belle et Matt, continuent leur relation tarifée, tout en réaffirmant que Girlfriend Experience ou non, Belle ne pourra jamais, même si elle le désire, se lancer dans une relation plus humanisée avec un client. Les délires répétés de Belle ne sont drôles qu’en surface : Helen devient une projection d’Hannah qui hurle sa culpabilité, sabotant le travail de Belle. Jusque-là, Belle étouffait Hannah, mais l’auteure, par un joli retournement, fait intervenir Hannah au milieu du travail de Belle, accentuant encore sa schizophrénie identitaire. Cet épisode est décidément guère rose de ce côté. En passant, la discussion avec Bambi sur la nécessité de rester professionnel dans le milieu se révèle d'une ironie cinglante en regard de ce qui se passera avec Byron. Une telle alerte force évidemment Hannah à s’interroger sur une relation avec Alex, à qui elle cacherait un secret plus massif encore qu’une simple liaison. Une véritable lutte prend forme, au cours duquel Alex va s’acharner à sauver sa relation naissante avec Hannah pendant que Belle tente de pousser la rupture. Dialogué au cordeau, la confrontation est un modèle d’intensité dramatique. On admire comment Alex parvient petit à petit à casser les assauts de Belle, une belle leçon de PNL (réactions déphasées, affirmation des points positifs de leur relation actuelle, body language subtilement calculé, conservation de l’initiative…), que Callum Blue rend convaincante par son talent naturel. Ah, si Mason avait procédé de même avec Daisy… Mais ce faisant, Gearey fait éclater toute son ironie noire, car si Hannah-la-femme-amoureuse accepte enfin une relation, c’est au prix de l’accroissement de sa schizophrénie : sa relation est pervertie par le lourd secret qu’elle cache à Alex, et elle tombe dans le même piège que Matt. In fine, la victoire d’Hannah sur son double n’est qu’illusion. Le piège diabolique de cette coda est que si le téléspectateur applaudit la concrétisation Hannah/Alex, il n’est pas soulagé de la tension qui demeure. La critique d'Estuaire44 : La série décide avec une astuce diabolique de confronter brutalement Belle à la réalité de la vie de couple (un combat de chaque jour, où l’issue heureuse n’est jamais garantie) au moment précis où celle-ci se voit pour la première fois offrir l’opportunité de vivre une telle expérience. Outre ses moments tragi-comiques assez délectables, la péripétie revêt des allures d’ordalie pour Belle, confrontée avec rudesse au fait que sa propre vie paraît-elle difficilement conciliable avec cette évolution. Ceci dramatise efficacement les débats, tout en se montrant déjà crucial pour le développement ultérieur de la série, avec un joli suspense quant à la conduite que va tenir notre héroïne de cette rencontre. Plusieurs options s’offraient à notre épistolière : celle relevant du vitrail des églises consistant à renoncer à sa profession aventureuse pour embrasser le parfait amour, celle s’assimilant au saut dans l’inconnu consistant à avouer la vérité à son élu et découvrir alors sa réaction (seulement envisageable en cas d’optimisme similaire à celui de qui se rend au restaurant comptant sur la perle qu’iva découvrir dans une huitre pour régler le dîner) ou encore l’option réaliste, guère festive mais lucide, voyant Belle renoncer à l’opportunité pour s’en retourner à la rassurante cage dorée de son univers à part. Et bien entendu notre adorable Belle, toujours rivée à sa quête opiniâtre du bonheur, opte pour la quatrième voie, celle où elle ne renonce à rien, quitte à en payer le prix par le mensonge par omission. Dans cette City où notre amie se love et se meut, on appellerait cela une bulle spéculative, où Belle s’achète une prospérité à crédit et se déconnecte du réel. Évidemment l’issue s’en profile ipso facto, mais quel spectateur pourrait honnêtement assurer qu’il n’aurait pas lui aussi tenté sa chance, en s’en remettant à la providence des lendemains ? Un choix tout à fait en accord avec la psychologie de Belle et qui confère à l’opus le statut de carrefour de la saison, après lequel la narration s’accompagnera du cliquetis du compte à rebours de la machine infernale. SI le fond de l’épisode s’avère irréprochable, on éprouve des sentiments plus divers à propos de sa forme. On aime que la mise en scène opte totalement pour une forme ultra théâtralisée des confrontations entre Belle et chacun des époux, avec une triple unité autant respectée que possible. On se croirait vraiment devant une scène, école de la plupart des comédiens britanniques et dont sont issus Olivia Poulet et Adam James, particulièrement à leur affaire dans avec un jeu habilement démonstratif, légèrement théâtralisé lui-aussi. Il est enthousiasmant, et prophétique pour la suite de la carrière de Billie Piper, que celle–ci se hisse à leur niveau avec un confondant naturel. Les amateurs du Docteur s’amuseront de reconnaître en Adam James le policier malheureux de Planet of the Dead face à Lady de Souza, décidément les femmes ne lui réussissent guère ! L’effet se voit toutefois gâché par le recours aux apparitions de l’épouse durant les ébats, un procédé assez lourd et répétitif, destiné à provoquer un rire facile. Il aurait mieux fallu jouer pleinement la carte du talent de Bille Piper pour exprimer le trouble de l’héroïne. Ici on se situe véritablement dans le démonstratif. Par ailleurs La série avait su jusqu’ici conjuguer le portait de Belle avec celui des personnages secondaires, tel n’est plus le cas ici. Bambi et Ben, réapparu sans guère d’explications, se contentent de donner signe de vie et Alex n’exprime de nouveau pas grand-chose, la relation avec Hannah est considérée quasi exclusivement du point de vue de celle-ci. L’irruption de la forme feuilletonnesque a apporté une nouvelle dimension à la série, mais aussi centré les débats autour du parcours de la protagoniste, au détriment des autres rôles.
4. D'AMOUR ET D'EAU FRAÎCHE Scénario : Chloe Moss - What does your boyfriend do ? - I'll do everything but have sex. Engagée dans sa relation avec Alex, Belle n’arrive plus à assurer ses services avec ses clients. Pour ne rien arranger, elle organise un déjeuner avec Alex et Ben qui tourne rapidement au vinaigre… La critique de Clément Diaz: A partir de cet épisode, Secret Diary explore des terres voisines de Californication : d’abord dans un humour plus vert, ensuite par une scène de repas qui conformément à la pratique de sa consoeur américaine vire à l’explication de gravures. Cependant, la série n’abdique pas son identité british : le comique demeure riche en surréalisme, tandis que les auteurs dynamitent le déjeuner non pas par des répliques assassines ou de délirants personnages, mais par des sous-entendus subtils, où chacun des protagonistes s’exprime davantage par ce qu’il cache, et menant à une dramatique crise entre Belle et ses boys. On félicite Fraser MacDonald qui nous régale d’une mise en scène se jouant de la difficulté de cacher la grossesse de l’actrice alors même qu’il met en valeur toute sa beauté surtout lors de la scène de lit. Une performance. La séquence « client du jour » distille immédiatement un lien avec la série de Tom Kapinos avec ses dialogues plus crus qu’à l’habitude (pédagogique énumération de métaphores imagées de la menstruation), client sex, drugs and rock’n’roll totalement frappé, et préliminaires sexuels indissolublement hilarants entre les airs horrifiés de Belle et une Bambi n’hésitant pas à assurer le show jusqu’à la caricature explosive. Ashley Madekwe s’éclate décidément beaucoup dans le rôle d’une Bambi gaffeuse et adorablement candide. Par suite l’épisode se bat avec plus ou moins de difficulté contre des scènes assez bavardes. Ils ont cependant le mérite de mettre en valeur l’étendue de la crise à la fois professionnelle et personnelle de l’héroïne, dont la schizophrénie psychique s’accentue avec une irruption intrusive de la personnalité d’Hannah chez Belle, désormais culpabilisant de continuer son métier alors qu’elle est « casée » un point souligné d’ailleurs par la vraie Belle de Jour dans ses livres. Voir Hannah retrouver en s’en étonnant de l’alchimie magique de l’intimité sexuelle avec un homme qu’elle « aime un peu » (toujours cet art de la litote british) en dit long sur le chemin qu’elle doit parcourir pour se retrouver humainement. Évidemment, les fans de Doctor Who se tordent de rire lorsque Belle annonce stoïquement à Ben qu’elle sort avec un docteur, on frôle le crossover avec délices. Cet épisode marque le premier point culminant du conflit entre les deux personnalités de l’héroïne. Alex prend pour une absence de réciprocité les entraves sociales que Belle impose à Hannah, et désespère de l’investir davantage dans leur relation. Alors même qu’Hannah ne demande pas mieux. La situation semble bien sans issue, Hannah payant déjà sa décision de maintenir divisées ses deux vies. Devant le déni perpétuel de son amie, Ben se voit forcé de la secouer, ce que dans son orgueil, elle n’apprécie guère. La dualité de l’héroïne devient de plus en plus ouverte : avec le client, Hannah perturbait Belle, le lendemain, c’est Belle qui perturbe Hannah d’une manière à la fois terrible et subtile : en déréglant les charmantes aspérités d’Hannah et en jouant sur son asociabilité : sa franchise rafraîchissante balance des remarques blessantes, son côté provocateur tourne au persiflage, son amour du moindre effort la fait se servir de Ben comme simple atout de jeu. C’est seulement au pied du mur, avec l’émouvant monologue final d’Alex (superbe Callum Blue), qu’Hannah parvient à se ressaisir, et achever, fait rare, l’épisode sur un cliffhanger. L’épisode sous-entend aussi une certaine jalousie de Ben, qui sous couvert de lui « rendre service » tient peut-être à couler la relation d’Hannah en sachant bien que tout lui révéler n’aurait que peu de chances de préserver sa relation. Cela ajoute encore à la crise entre eux. La lutte intérieure de l’héroïne est magnifiquement rendue par le métier sans failles de Billie Piper, qui préserve l’immense sympathie de Belle/Hannah, dont les crises ne sont que l’expression de sa panique alors qu’elle s’enferre toujours plus dans une impasse. Au milieu de ce sinistre état des lieux, on goûte la respiration que propose Bambi, certes toujours abusant de la générosité de sa mentor, mais se montrant supportrice, chaleureuse, vraie, et joyeusement complice. Cette complexité dans le portrait de chaque personnage continue de forcer notre admiration au sein de cette série offrant décidément bien plus que ce qu’elle semblait proposer au départ. La critique d'Estuaire44 : Pour l’essentiel l’épisode développe les conséquences du choix réalisé précédemment par Hannah, concernant la nature de sa relation avec Alex. L’intrigue a le mérite de sonner juste (le plus souvent) et de demeurer cohérente, mais là réside aussi sa limite : ce qu’elle raconte était hautement prévisible et aucun élément nouveau ne vient alimenter le récit principal de la saison. Même la révélation de la force du sentiment les unissant reste davantage une surprise pour les protagonistes que pour le spectateur. Cela nous vaut néanmoins une émouvante scène de conclusion, permettant enfin à Callum Blue de véritablement déployer son talent. Pour le reste, on s’en tient au statu quo, l’histoire du jour n’étant qu’un relai entre le postulat et l’inévitable reconsidération de sa position que va devoir désormais envisager Belle. On est aussi un peu embarrassé par l’improvisation permanente et inefficace des mensonges de Belle, quelqu’un s’étant bâti avec succès une double vie depuis des années devait paraître plus rodé à l’exercice que cela (elle est à peine meilleure que la Jemma Simmons d’Agents of SHIELD). Du coup certaines scènes humoristiques en résultent légèrement fabriquées. La nature ayant horreur du vide, le fait que l’évolution de Belle occupe moins d’espace signifie mécaniquement une opportunité pour des personnages secondaires un tantinet négligés récemment. L’aventure vécue avec l’ingénérable Bambi génère cette fois un éclat de rire massif, entre histoire totalement surréaliste de l’éponge (dommage que l’on n’ait pas eu la réaction de Stefanie) et client du jour plus grand que la vie. Les amateurs du Docteur apprécieront de découvrir Billie Piper de nouveau voyager dans le temps, puisque la rencontre la fait basculer dans les rugissantes 70’s. On se croirait dans Life on Mars et c’est assez irrésistible, d’autant que le monsieur est finalement sympathique, tout concoure à l’amusement. La meilleure nouvelle de l’opus demeure que Ben a fini de seulement envoyer des cartes postale et reprend place dans l’action comme dans le panorama sentimental. Ses entretiens avec Belle, au café, puis au restaurant, composent les scènes les plus intenses de l’épisode. On aime que le déjeuner parte en vrille comme à la Californication, tout en restant très anglais et londonien. La mise en scène demeure élégante et dynamique, avec de jolies localisations de Londres, particulièrement nombreuses cette fois-ci. Le rendez-vous 70’s de Belle s’effectue près de Vauxhall Bridge, donc à proximité du SIS Building : on viendra nous dire après ça que 007 ne vit plus dans la Guerre Froide !
Réalisation : Peter Lydon
I've got another client now. The first one in 10 days. In whore terms, I'm practically a virgin. Belle reçoit un jeune client handicapé moteur dans son appartement. Malheureusement, c’est à ce moment qu’Alex décide de lui faire une visite surprise… La critique de Clément Diaz: Pour briser le statu quo qui menaçait de grever la relation Alex-Hannah, les auteurs ont la peu reluisante idée de recourir aux ficelles les plus éculées du boulevard : Alex entrant chez Belle au pire moment, rien que ça. Il s’agit du thème central de l’épisode, qui doit souffrir de cette solution de facilité et de son application littérale. Toute l’équipe se concentre alors pour maintenir l’intérêt : dialogues très justes, interprétation au cordeau, thème secondaire de l’assistanat sexuel, réalisation parfaite, BO à tomber… la réussite formelle est totale. Il est frustrant de voir toutes les qualités esthétiques de la série au plus haut niveau au service d’un rebondissement si décevant. La scénariste Nicole Taylor était trop lucide pour ne pas se rendre compte de la faiblesse de ce moment du feuilleton de la saison. Elle ajoute donc une ambiguïté sur le comportement de Belle (était-elle vraiment prête à tout lui dire, ou aurait-elle encore délayé ?), soigne le client du jour, compose une splendide aria pour Alex, et saisit toute la détresse de Belle en supprimant tout pathos inutile. L’épisode joue avec pudeur et retenue du thème litigieux des assistants sexuels, rôle ici assumé par Belle. Il s’agit là d’une acception réduite de ce métier le travail des assistants sexuels est plus psychologique que physique l’handicapé cherchant seulement un réconfort sexuel que sa condition ne lui permet pas d’assouvir en temps normal. Profession typiquement anglo-saxonne, et peu usitée ailleurs, c’est un sujet encore très récent dans les années 2000. Deux épisodes de Boston Justice ont traité ce sujet en 2006, et le film The Sessions avec Helen Hunt (2012) en fera son sujet central. Dans ce service, la relation entre les deux parties est plus intime que la normale, et l’on voit presque Belle s’effacer derrière Hannah, bien plus qu’avec un client régulier comme Ashok. On est admiratifs de la suprême délicatesse de cette scène : Hannah doit mettre en confiance son client, demeurer douce, calme, lente, agir tout à fait à l’inverse de son ordinaire. La relation avec Blake (excellent David Proud) est touchante, et pas sans aspérités, Blake demeurant frustré de devoir payer pour coucher, et rendant plus rugueux leurs échanges. A plus grande échelle, la misère sexuelle des personnes par blocage physique ou psychologique y est pointée du doigt. On apprécie aussi la retenue digne et respectueuse du père, Clive Russell apportant beaucoup d’émotion malgré un rôle quasi muet. La mise en scène de Peter Lydon est très romantique et chaleureuse, sans doute une des plus belles que l’on puisse rêver, tandis que Billie Piper déborde d’émotions. Malgré le gâchis de voir le feuilleton s’abandonner au mauvais boulevard lors de l’irruption catastrophique d’Alex, l’épisode enchaîne avec une remarquable explosion de fureur et de chagrin subtilement dialoguée. Callum Blue est stupéfiant d’intensité lorsque le voile se déchire. On apprécie aussi l’humanité impuissante prodiguée par Ben, tentant vainement de lui faire accepter la séparation des deux identités de l’héroïne. Mais il ne peut qu’y échouer car lui-même se leurre en voulant à tout prix y voir deux personnages différents : Belle est plus un miroir qu’une opposition d’Hannah (une configuration similaire à la Angel/Angelus pour les fans du Buffyverse) comme en témoignent ces incessants changements d’identité. L’on tient ici le germe de la graine fatale qui conduira au finale de la série. On se permettra d’être plus sceptique lorsque Alex lance une cinglante explication de texte à Ben sur ses réels sentiments envers son ex, cela casse le ton de la scène, et il est peu probable qu’Alex, dans l’état où il est, aurait pu penser à cela. La coda, irrésolue et sans lumière, relance les paris quant à la suite à donner à la saison. Au final, un épisode parvenant à dépasser sa faiblesse centrale grâce à sa brillance formelle. La critique d'Estuaire44 : L’épisode voit se concrétiser la menace latente suscitée par le choix de Belle de ne renoncer à rien, quitte à opter pour la fuite en avant. Evidemment l’issue fatale apparaissait inévitable et le récit évite le piège d’un happy end absurde. Toutefois, son traitement de l’évènement pèche par une recherche superfétatoire de sensationnalisme. Plutôt qu’une révélation assénée par un ressort de vaudeville, il aurait été bien ambitieux de décrire Belle oser l’épreuve de vérité puis en dépeindre les développements chez elle et Alex. Ici le scénario cède à une cératine facilité, d’autant plus dommageable qu’un surcroit de mélodrame se voit ajouté par le client handicapé du jour. En soi, la rencontre avec Belle résulte émouvante et sensible, mais elle aurait du faire l’objet d’un épisode à part, ici elle rajoute du lacrymal au lacrymal. Les auteurs perçoivent le danger et tentent d’y parer avec la personnalité plus humoristique et décalée du père, mais la greffe ne prend que médiocrement. La finesse de la mise en scène et le choix toujours idéal de la musique d’accompagnement évitent le désastre, mais c’est avant tout le talent des acteurs qui sauvent l’épisode. Callum Blue se sort réellement les tripes durant la confrontation avec Alex. Les dialogues se montrent à la fois cinglants et compréhensifs, l’espèce de concorde s’installant entre les deux soupirants d’Hannah permet enfin au récit de sortir des sentiers battus, tout en questionnant plus qu’à l’ordinaire le positionnement d’Alex. Le passage a aussi l’habileté de ne pas charger Alex d’une étiquette de petit bourgeois aux valeurs étriquées. Alors que les numéros silencieux s’imposent souvent comme les plus malaisés pour un acteur, Billie Piper nous bouleverse par sa composition d‘une Belle totalement anéantie, dans le taxi et chez elle. Découvrir le silence perdurer alors que l’occasion d’une face à face avec Alex se présente nous fait pleinement mesurer le désarroi de notre amie devant l’écroulement de son rêve. Reste l’impression d‘une intrigue se perdant en partie car sacrifiant au sensationnalisme, on se croirait chez Moffat.
6. PLUS DOUCE SERA LA CHUTE Réalisation : Peter Lydon
So glad I’m not Snow White. Fucked if I’m doing it with seven dwarfs. Stéphanie accepte de donner à Belle un job : avec Bambi, elles assisteront à une réception costumée pour adultes organisée par des diplomates. L’ambiance de conte de fées tourne rapidement au cauchemar. Choquée, Belle prend une décision qu’elle risque de regretter au lendemain… La critique de Clément Diaz: L’épisode précédent palliait à la faiblesse de son rebondissement sensationnaliste par un soin accordé aux autres aspects du script. Rien de tel ici où la saison dérègle son feuilleton par la surenchère, avec cette fois un rapprochement avec Ben à la regrettable facilité. De plus, la substance narrative de la première moitié de l’épisode se révèle terriblement mince, malgré le spectre du thème du viol des prostituées resurgissant après le 2e épisode de la saison. La mise en scène plaquée or de Peter Lydon, exaltant avec un talent fou costumes et décors, et interprétation high class sauvent les meubles, mais il est patent que la saison traverse un creux en ce moment. Le sous-entendu, outil scénaristique si british, parfume la brève introduction où Belle ne trompe personne (et surtout pas elle-même) en prétendant avoir tourné la page Alex et se remettre au travail. On goûte évidemment la discussion avec Stéphanie et son incomparable manière d’apporter son tough love à sa « fille » qu’elle estime sans doute le plus. Par suite, l’épisode épouse maladroitement le thème des fêtes adultes costumées, d’un kitsch plus outré tu meurs, où se télescopent personnages de contes de fées, gentes dames d’un siècle éloigné, héros de la culture populaire, le tout filmé avec faste par un Peter Lydon à la caméra généreuse et brillante. Le mélange est amusant, et les crossovers sont joyeusement bizarres, mais Rebecca Lenkiewicz oublie tout simplement de nous raconter par le menu cet autre aspect des services des escorts, comme c’est pourtant l’habitude de la série. Ce survol décevant du sujet s’accompagne de plus d’une dramatisation trop rapide et mécanique de l’intrigue, affadissant l’ordalie de Belle. Bon, Bambi a un beau moment badass quand elle pointe le flingue vers l’agresseur, mais l’épisode passe à côté de son sujet. On apprécie toutefois le lien fort entre les deux filles qui refusent de se laisser abattre après cette démonstration de la violence masculine, celle des puissants « intouchables » en particulier (cynique message vocal de Stéphanie). Ashley Madekwe embrase l'écran, et on l'aime comme ça. L’épisode montre bien peu d’espoir en dépeignant Hannah tellement ravagée par la rupture et par cette douche froide qu’elle perd tout contrôle. Si elle nous émeut (registre que Billie Piper connaît sur le bout des ongles), on sent trop que les scénaristes veulent à tout prix noircir sa situation, quitte à ce que les événements semblent artificiels. La montée de la tension sexuelle avec Ben, et sa concrétisation finale, sont des ficelles beaucoup trop lourdes pour une série d’ordinaire si subtile, on tombe dans un des plus vieux clichés du cinéma. Alors, parce qu’on adore l’alchimie entre Billie et Iddo Goldberg, on regarde, mais les facilités que la série accumule en ce moment déçoivent. On note quand même l’ironie voyant que Ben, symbole d’une porte de sortie à la schizophrénie psychique de Belle, soit ici le révélateur de son état lamentable. Que Ben succombe à la tentation est explicable : la saison ayant rappelé que Ben éprouve plus qu’une amitié fusionnelle pour Hannah, et se montrant clairement jaloux d’Alex. La critique d'Estuaire44 : Après l’abus de sensationnel et de claquements de porte précédent l’histoire du jour apporte une respiration bienvenue, évitant au fil rouge de la saison de subir une surchauffe. Une précieuse mi-temps dans la partie Alex/Hannah, qui a pour contrepartie que l’on ressent sans doute un peu trop qu’il ne s’agit que d’une parenthèse en marge. Pourtant, pour marginales qu’elles soient, les péripéties du jour ne signifient pas un quelconque ralentissement de l’action. Ainsi la party (fine) du jour va se révéler bien plus divertissante et animée que la soirée snobinarde découverte en début de première saison. Les amateurs des Avengers apprécieront de découvrir l’une de ces belles demeures adornant la campagne anglaise, ainsi que leur série adorée. Le côté ludique du jeu de rôle/cosplay coquin fonctionne à plein, par sa fantaisie comme par son aspect référencé. Les Whovians seront derechef à la fête dans Secret Diary, avec le clin d’œil au Bad Wolf, mais aussi parce qu’un invité arbore déjà un fez, c’est cool. Surtout la thématique du conte de fées confère à l’ensemble un aspect de parodie triple X de Once Upon A Time devenant vite irrésistible, puisque l’on retrouve plusieurs personnages clés de la série (Charming n’est plus guère intéressé par Blanche Neige, le Chaperon Rouge est toujours sexy…) Une fois que l’on est lancé là-dedans, c’est simple, on n’en sort plus, y compris avec le prolongement dans une forêt presque surréaliste. Le sketch 007 est lui aussi amusant, même s’il débouche sur un certain excès, avec les coups de feu et le Prince Charmant se muant en Divin Marquis. On enregistre avec plaisir le retour de Stefanie (ah tiens, Regina est là aussi, donc), toujours royale au sein de bars classieux. On regrette que l’engueulade prévisible soit expédiée par un message sur répondeur, mais les épisodes de Secret Diary s’assimilent toujours à une course éperdue contre le Temps. On aime beaucoup retrouver une Bambi ayant visiblement franchi un cap, braise ardente en Caperucita Roja et suffisamment intrépide pour voler au secours de Belle. Un numéro éblouissant d’Ashley Madekwe. Ben confirme bien être le véritable Prince Charmant et c’est avec lui que l’épisode gagne une nouvelle dimension, avec ce final sensible et émouvant. Comme souvent Belle tait ses sentiments les plus profonds et laisse chacun subodorer ce qui l’anime. Aléas ou bouleversement, ces retrouvailles apportent in extremis tout un enjeu à l’opus.
7. LA VOIE DE LA VERTU Réalisation : Peter Lydon
I thought it was Belle complicating things. It turns out it was me all along. Belle décide de quitter sa vie de prostituée pour reconquérir Alex, et prend un travail de bureau, mais Alex n’est pas prêt à lui refaire confiance. Hannah s’ennuie d’ailleurs fermement dans son nouveau job. La nuit passée avec Hannah a ravivé les sentiments de Ben, mais il déchante en voyant qu’elle n’y accorde pas d’importance et n’a d’yeux que pour son docteur… La critique de Clément Diaz:
Tim Price hérite d’une des meilleures parties du feuilleton de cette saison : l’autodestruction des trois côtés du triangle amoureux Belle-Alex-Ben. Désorientés, ils descendent de concert dans les ténèbres de leurs sentiments, jusqu’à rendre l’épisode sincèrement éprouvant pour le spectateur. La lueur d’espoir finale demeure tristement chimérique. L’irrésolue fin ouvre parfaitement la voie au finale de saison. Alex se montre sous un jour guère lumineux, révoquant toutes les tentatives d’amendement d’Hannah. Il serait odieux si on ne mesurait pas en même temps la plaie béante qu’elle lui a infligé. On ne peut prendre parti pour qui que ce soit, car chacun demande de l’autre un trop lourd changement : pardon pour Alex bien conscient de l’emprise de Belle, sacrifice d’une des deux vies de notre héroïne. Leurs dialogues au rasoir font très mal. Il est surtout triste de voir Hannah jouer la comédie des larmes, de recourir à des ficelles de vaudevilles, pour le retenir. C’est toute la souffrance d’une âme en peine qui s’exprime, s’humilie, jusqu’à supplier un déchirant « droit à l’erreur » que nous demandons tous, mais que nous avons du mal à accorder à l’autre (qu’Alex soit chirurgien n’aide pas). La réconciliation sur l’oreiller ne fait qu’illusion, Alex voyant encore Belle en son amante charnelle ; l’incertitude demeure. Le sexe détruisant les rapports humains renvoie aux moments les plus noirs de Californication. Hannah se voit acculée au sacrifice de Belle si elle veut garder Alex. Or, Belle est non une opposition d’Hannah, mais son acception exacerbée, brillante, tapageuse, elle est part d’elle-même, ce qu’Alex ne pourra jamais accepter, car demandant cette séparation. L’échec se profile à l’horizon. Cela est visible lors de la mémorable tentative du travail de bureau : chefaillon tyrannique, tâches minables, règles de travail accumulées jusqu’à l’absurde (le rendement d’efficacité poussé jusqu’à la caricature). La présence de Callum Blue/Alex, l’ancien Mason de Dead like me, invite d’ailleurs à voir l’entreprise comme une version sombre de Happy time, et où la lassitude ronchonne d’Hannah rappelle franchement la pince-sans-rire George Lass ! Qu’Hannah claque la porte sonne autant comme une victoire féministe (une femme n’a pas à s’abaisser professionnellement pour un homme)… que la consolidation de son impasse personnelle. Jointe à cette attaque de la déshumanisation du travail en entreprise, Tim Price atteint une abasourdissante densité en 22 minutes, on s’incline. Ben subit un des pires sentiments humains : l’amour non partagé, de plus voué à la personne qui vous est la plus chère au monde. Hannah se montre cruelle en mésestimant les sentiments de son ami chéri, et chassant bien rapidement leur nuit de sa tête. On ne peut vraiment l’accuser, car c’est bien involontairement qu’elle brise le cœur d’un ami qui s’est trop vite illusionné. Mais en ne prenant pas la peine de réfléchir aux conséquences, elle se montre d’une douloureuse légèreté ; sur le coup, elle est vraiment la « crappy friend » qu’accuse Ben, qu’elle objétise en nounours contre lequel se blottir quand elle a un gros chagrin. Cela bien sûr sans s’en rendre vraiment compte. La descente aux enfers de Ben (coup d’un soir, rupture, agression, alcool…) est d’une intensité coupante, jusqu’à exploser dans la scène finale où Iddo Goldberg nous arrache le cœur en épave, et ajoute malgré lui à l’état d’âme lamentable de Belle la culpabilité. Mais Ben non plus n’est pas exempt de reproche car ce faisant, il révèle ouvertement la mascarade qu’est devenue sa relation avec Vanessa. Sa rupture fait éclater le paravent qu’il avait mis sur ses sentiments pour Hannah. Bien qu’invisible, Vanessa doit elle aussi souffrir de tirer un trait sur celui qu’elle devait épouser il y a encore quelques mois. On atteint le tréfonds avec le dernier contresens de l’héroïne, accusant Hannah et non Belle d’être à l’origine de cette situation. Elle persiste elle aussi à voir ses entités séparées, mais cette fois en chargeant son soi le plus intime et vrai. Le finale de la série est déjà là, dans l’ombre. Les trois acteurs, en pur état de grâce, vont jusqu’au bout des émotions de leurs personnages, achevant un des épisodes les plus riches de la série. La critique d'Estuaire44 :
Après une respiration bien placée au sein de la saison, cet épisode marque une accélération nous propulsant vers un final déjà annoncé comme guère joyeux. Après un fatalisme désolé assez décourageant, Belle se décide enfin à relever le gant et à mener son combat pour Alex. Ce mouvement signifie d’emblée une montée en puissance dramatique, qui nous séduit par son alliage subtil d’émotion et de véracité. L’auteur évite le piège de camper belle en héroïne parfaite, la montrant d’une remarquable insensibilité quand elle foule aux pieds les espérances de Ben (au sentiment n’est plus égoïste que l’amour) ou d’une désarmante crédulité quand elle croit que simplement annoncer son évolution de carrière va faire revenir son élu. Mais cette crédibilité, même acerbe, du portait confère plus de force à l’admirable ténacité manifestée par notre amie se montrant aussi vaillante combattante que dans un certain univers alternatif avec une boite bleue. Certes le coup de pouce du destin paraît légèrement artificiel, mais on test touché de voir Belle saisir la balle au bond sans jamais renoncer. La séquence à la simili Brazil dans l’entreprise cauchemardesque apporte cet humour sans lequel Secret Diary ne saurait être tout à fait elle-même. Mais elle signifie un premier renoncement de Belle malgré tout son attachement à son combat. Chacun sait qu’il n’existe rien de plus difficile que de changer ce que l’on est et la péripétie inquiète déjà pour l’avenir. Il en va de même pour Alex, qui lui aussi, malgré la volonté sincèrement fichée, éprouve les pires difficultés à modifier son ressenti quant au parcours de Belle. On tient là une convergence en ciseau menaçant de trancher net la renaissances d’une relation. Si la narration s’effectue avec finesse, on regrettera simplement que la mise en scène opte de nouveau, après déjà les visions de Belle, pour une approche très littérale des sentiments d’Alex. Désormais à la dérive après avoir brûlé ses vaisseaux, Ben complète ce tableau à la fois magistral et déjà pratiquement désespéré, avec la bouleversante scène finale (génial Iddo Goldberg). La mise en scène bénéficie derechef de superbes localisations de Londres, comme Piccadilly Circus ou l’OXO Tower de South Bank.
8. LES MOTS POUR LE DIRE Scénario : Julie Gearey - You can stay if you want. My bed. Promise I won't touch you. Got the line down the middle. I won't cross it. Stéphanie propose à Belle un « dernier client », Belle refuse pour garder Alex, mais constate rapidement qu’aucun emploi n’est pour elle comparable à celui d’escort. Ben lui propose d’écrire un livre sur son métier, mais elle n’a pas d’inspiration. Refusant de choisir, le destin choisira pour elle… La critique de Clément Diaz: Le finale souffre de ne présenter que les conséquences de l’épisode précédent. N’apportant rien au niveau des personnages, l’impression de pâle copie demeure. Le twist final, trop largement préparé, était aisément devinable. Cependant, Julie Gearey trouve une planche de salut avec une splendide fin en deux temps, où seule l’émotion règne. Comme pour le finale de la saison 1, le soleil trompeur d’un faux happy end achève cette saison sur une note amère, pessimiste quant au devenir d’Hannah face à l’écrasante influence de son double. La scénariste doit liquider la relation Alex-Hannah ; pour cela, Hannah doit laisser Belle dominer sa personnalité, c’est-à-dire, revenir vers son métier. L’auteure choisit donc la solution la plus facile : tenter Belle par une offre alléchante. Que Stéphanie, personnage fin psychologue qui connaît sa « fille » peut-être mieux qu’elle-même, en soit chargée, apporte une saveur à cette facilité. On tombe toutefois dans la répétition lorsque Belle et Ben discutent d’emplois de substitution : le sujet a été débattu dans l’épisode précédent, cela n’apporte rien de nouveau. La scène chez MH Credit apparaît comme une ficelle voyante destinée à préparer trop ouvertement le twist final. On s’étonne que Ben fasse si vite son deuil d’Hannah après sa précédente plongée dans les abysses. Il faut aussi mettre en place la carrière d’écrivain que Ben propose à son amie. Cette fois le cliché prend la place de la facilité avec un clip assez pesant où Belle s’imagine avec Ashok qu’on a certes plaisir à retrouver et tapant son histoire en surimpression : elle n’écrit rien qu’on ne sait déjà et la scène n’a pas la moindre étincelle, érotisante ou émotionnelle. Pour préparer la fin, les auteurs s’ingénient à placer toutes leurs cartes sans subtilité le format de 22 minutes joue contre eux. Bambi, toujours splendidement incarnée, n’apporte pas grand-chose, ressassant la situation et n’agissant aucunement sur l’intrigue. On salue toutefois nos comédiens plus investis que jamais, et une BO à l’avenant. La deuxième partie de l’épisode se révèle a contrario de la plus belle eau. En configuration Belle, notre héroïne renoue avec la toujours appréciée complicité avec le public via le 4e mur. Surtout son choix final achève de dessiner l’écrasante influence de Belle sur Hannah : même au plus fort de ses possibilités (ou presque), l’être intime de l’héroïne ne peut rivaliser avec son excitant et brillant alter ego. La scène de rupture prend à contre-pied par son ton apaisé. Alex avait déjà compris que sa relation était vouée à l’échec et a pu se préparer à affronter l’épreuve ; pendant que Belle encaisse avec sa force coutumière sans rien cacher de son déchirement intérieur. Les dialogues, très simples (et on sait que la simplicité est ce qu’il y a de plus difficile pour un scénariste), sont chargées de l’émotion flamboyante instillée par Billie Piper et Callum Blue, réunis dans un jeu d’acteur à l’unisson l’un de l’autre. On apprécie qu’aucun ne cherche à blâmer l’autre, c’est digne, droit, beau. Avec une subtilité terrible, la phrase d’accroche de la série « The first thing you should know about me is that I’m a whore. » acquiert alors un autre sens : celui d’une femme se considérant désormais uniquement comme prostituée. Hannah n’est pas encore morte, mais elle va mettre du temps à récupérer de sa défaite encore plus écrasante que celle de la saison précédente. Le final clinquant et brillant ne dupe pas une seconde : sous les sourires et le succès de sa nouvelle carrière d’écrivain, se dessine en creux un constat d’échec cuisant pour la vie intime de la jeune femme, et une restriction de son existence à celle de « poule de luxe ». La critique d'Estuaire44 :
Au-delà de la description du drame vécu par Belle, le récit de cette superbe fin de saison s’élargit à une magistrale description du phénomène particulièrement pernicieux que constitue l’addiction. En effet, les différentes stations qu’emprunte le parcours d’une Hannah en manque de l’adrénaline suscitée par son travail résultent universelles : elles peuvent aussi bien concerner le tabac, les stupéfiants, les jeux vidéo, la boulimie, etc. De quoi solliciter directement bien des spectateurs. De la dénégation jusqu’aux mensonges adressés à soi-même, en passant par la colère impuissante et le refus de l’aide d’autrui, pour enfin s’abîmer dans l’embrasement des retrouvailles avec l’objet de son impérieuse passion, tout ce triste chemin se voit exprimé avec un talent infini par Billie Piper, qui délivre ici l’une de ses plus belles compositions de la série. On pardonnera le sensationnalisme éventé de l’apparition très prévisible d’Alex, car il autorise une idéale conclusion. L’acceptation de la situation par Belle se montre plus sonore que d’éventuelles dénégations. Elle ne cherche pas à nier, ni même à expliquer, car elle intègre sa défaite finale en une amère épiphanie, malgré la sincérité de son combat. Tout ceci sonne très juste. Le récit parachève de refermer en subjugation pour notre héroïne. Aucune potentielle porte de sortie ne lui est aménagée, ce qui dramatise avec une force particulière ce dénouement. Outre établir une passerelle avec la saison suivante, le livre n’apparaît en définitive que comme une béquille pour Belle, lui permettant de rebondir mais pour mieux prolonger le chapitre central de sa vie que constitue la prostitution. Malgré ce portait approfondi de la protagoniste, les personnages secondaire, toujours superbement interprétés, ne se voient pas pour autant négligés. Alex réussit parfaitement sa sortie. En le regardant sortir de la chambre d’hôtel, les amateurs du Docteur pourront y voir un écho de Martha quittant le TARDIS, préférant la maîtrise à la recherche illusoire du bonheur, en éternelle seconde position dans le cour de l’être aimé. Après la crise précédente, Ben reprend comme si de rien n’était son rôle de confident. On aimerait y percevoir de l’abnégation, mais l’on devine qu’une autre addiction est à l’œuvre, renforçant la thématique de l’opus. Si Bambi se montre toujours touchante, on retiendra avant tout un nouveau flamboyant discours de Stéphanie, plus cynique (mais honnête à sa manière) que jamais. La mise en scène se montre comme toujours élégance notamment lors de la séance d’écriture, avec une scène d’amour tournée avec un inventif raffinement visuel. Le télescopage du London Eye et de Canary Wharf dans les inserts, première et dernière étape des deux saisons de Rose, parlera également aux Whovians.
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Journal intime d'une call girl Saison 4 Scénario : Julie Gearey Réalisation : Alex Garcia Lopez & Wayne Yip Still, Poppy seems sweet ; you know, she's hardly the devil's spawn. Résumé : rois semaines après les événements de l’épisode précédent, Belle revient de son luxueux séjour à l’étranger avec un client fortuné. Hésitant à reprendre une relation amoureuse avec Ben, elle l'évite. Une bombe a éclaté entre-temps : Stéphanie a été arrêtée et est accusée de proxénétisme et de blanchiment d’argent. Stéphanie demande à Belle d’héberger pour quelque temps sa fille Poppy, dans l'ignorance de la véritable activité de sa mère. Belle accepte et regrette déjà son choix. Autre problème, Belle n’arrive pas à satisfaire Liam, un client impuissant depuis plusieurs mois… La critique de Clément Diaz : La 4e et dernière saison de la série, tout en restant passionnante, va malheureusement s’en révéler la plus faible, la faute à plusieurs choix narratifs et de casting malencontreux apparaissant dès ce pilote de saison. Heureusement, le trio Belle-Ben-Stéphanie reste à son zénith d'écriture, tandis que les clients de Belle continuent de ravir par leurs pures démences comiques. La série n'abdique pas sur son ambition de traiter avec pertinence de thématiques sexuelles, sociales, et psychologiques. Gearey se montre trop optimiste en voulant traiter pas moins de trois thèmes avec le client du jour ! L’impuissance (masculine), la routine sexuelle, et le fantasme du risque. Ce qui aurait pu donner une étude de cas intéressante est malheureusement minoré par cet encombrement et un trop grand espace à l’anecdote. On admire le professionnalisme de Belle, qui s’échine à satisfaire un client « en panne ». Ainsi, on éclate franchement de rire devant leurs foirades répétées lors de scènes sexuelles dynamitant tout érotisme torride par des tsunamis d’humour (soulignés par l'ouverture de Guillaume Tell de Rossini). Belle en avocate à perruque dominatrice (!) ne se montre pas moins comique. En avocat qui a toujours l’air de se demander ce qu’il fait là au juste, Adam Astill se montre aussi adorable que bouffon. Le sujet de l’impuissance est vu ici que comme un symptome secondaire d'un mal plus grand, tandis que le fantasme de la surprise est lui aussi survolé. Le focus ne s’axe donc que sur le deuxième thème : la routine sexuelle. Journal intime d’une call-girl a toujours exploré le sexe sous ses deux visages : lumineux par sa joie physique, sa vitalité, son côté ludique, mais aussi sombre par son potentiel de corruption, son addiction destructrice, ou comme ici… l’ennui. Le sexe mécanique est un fléau de bien des personnes (non asexuelles) commettant l’erreur de ne pas chercher à « innover », « pimenter » leurs vies sexuelles tout comme l’originalité permet à un couple de ne pas s’enliser alors qu’il est dans la nature humaine de chercher toujours la nouveauté. Cependant, l'auteure se montre plus ambitieuse en faisant de Liam un représentant de ces hommes et femmes n’ayant plus d’appétit sexuel davantage par incapacité à trouver les bonnes personnes correspondant à leur libido que par « va-et-vient » à répétition. Les belles rencontres comme remède plutôt que du sexe « épicé », voilà un beau distinguo de l’auteur. Dame de fer au cœur de fer adorné de velours, Stéphanie est une maîtresse femme, derrière une grille de barreaux ou non. Cherie Lunghi demeurera jusqu’au bout un joker de poids pour Secret Diary. Son emprisonnement nous vaut toutefois de la voir expliciter pour la première fois toute la confiance et l’affection qu’elle a pour son ancienne padawan ; un aveu si généreux de sa part qu'on a presque envie de sabler le champagne… quand tout dérape avec l’arrivée de Poppy. La série a toujours eu le nez creux pour ses castings. Aussi, l’on tombe de haut avec la jeune Lily James, à peine sortie de son école de théâtre. Elle arbore certes des atours sexy et joyeux, mais manque cruellement de finesse de jeu : ses mimiques excessives usent déjà les nerfs. À sa décharge, il était difficile, a fortiori pour une débutante, de tirer quelque chose de ce personnage de Londonienne contemporaine post-adolescente en mode parasite irritant. Poppy va bel et bien saboter la narration de la saison. Il est cependant doublement amusant de voir Poppy (dont le sac à main n’a rien à envier à celui de Mary Poppins) se prendre pour une princesse quatre ans avant que l’actrice devienne Cendrillon à Hollywood, et bien entendu pour le nouvel involontaire télescopage avec Doctor Who, l’actrice étant aujourd’hui fiancée à Matt Smith, le Onzième Docteur lui-même ! (et qui rappelons-le eut l’honneur de partager la couche de Belle sans payer un penny en saison 1). L’épisode réussit le mieux là où il était attendu : le duo Hannah/Ben, un des fils rouges de toute la série. Si le triomphe de la material girl qu’est Belle est total (lumineuse introduction), Hannah se perd dans une fuite en avant, verrouillée par sa peur de perdre le seul être comptant dans sa vie. La splendide coda, au romantisme intense, sonne comme une délivrance attendue depuis le pilote. Mais tout cela ne serait-il pas qu'un sursis ? La critique d'Estuaire44 : Le faible nombre et la brièveté des épisodes de la série suscitent un perpétuel casse-tête chinois pour des auteurs devant caser tout un scénario en une poignée de minutes. La série y parvient d’habitude fort convenablement, mais a ici les yeux plus grands que le ventre. À l’occasion du démarrage de la nouvelle saison, les changements se montrent trop nombreux pour un seul opus : nouveau décor central, accélération foudroyante de la relation avec Ben, après qu’elle soit restée à peu près fixe durant trois saisons, plan à la Affranchis entre Stéphanie et Belle, apparition de Poppy… L’épisode ne fait pas que frôler le trop plein d’où un manque total de subtilité dans l’insertion de ces évolutions brusquées, déroulant comme une liste de commissions, avec la circonstance aggravante d’une Belle totalement passive devant cette succession d’évènements. La litanie des changements s’avère également inégale. Changer le décor central représente un moyen souvent efficace de relancer une série, mais la maison d’Hannah apparaît très impersonnelle et froide, elle n’exprime pas sa personnalité, contrairement à son chaleureux appartement précédent. On adore que Stéphanie se montre aussi impériale en prison que dans ses cafés mondains et instituer Belle en remplaçante, sinon en héritière, est aussi émouvant que prometteur. Toutefois, Poppy se montre déjà totalement transparente, un simple ressort de vaudeville (même si Lily James s’avère irréprochable). On éprouve du mal à croire que Ben y aille autant à la hussarde, mais l’ultime scène de l’épisode se montre bouleversante, mais aussi prophétique vis-à-vis de la fin de la série : les vaisseaux sont brûlés. Les standards de qualité de Secret Diary demeurent toutefois aussi élevés qu’à l’accoutumée concernant la réalisation et l’épatante bande son. On apprécie de retrouver quelques plans de Londres et de la City, devenus très rares la saison précédente. Bille Piper, en grande forme et superbe garde-robe, assure toujours le spectacle, à l’instar de l’ensemble de la distribution. Le client du jour s’avère divertissant et sympathique. On s’amuse de contempler Billie Piper en (très particulière) tenue d’avocate anglaise, toute comme Freema Agyeman, la Martha Jones de Doctor Who, dans Law & Order UK, à la même époque. Anecdotes :
Scénario : Richard Hurst Réalisation : Alex Garcia Lopez & Wayne Yip Did you just follow me home? Not in a creepy way. Résumé : Remplaçant temporairement Stéphanie à la tête de son entreprise, Belle éprouve beaucoup de mal à asseoir son autorité, particulièrement auprès de la dominatrice Charlotte. Parallèlement, elle est désarçonnée par Tim, un client vierge qui est parti après les préliminaires sans explications. Plus chargée de travail que jamais, Hannah se débat pour conserver un peu de vie privée avec Ben. La critique de Clément Diaz : Richard Hurst atteint une brillante intensité dramatique en portant au paroxysme la schizophrénie psychique de Belle/Hannah. Son scénario est une éloquente démonstration d’une société toujours plus absurde dans sa course au progrès social et à la performance (à tous les sens du terme). Avec comme conséquence que cela hypothéque la santé d’une vie privée pourtant moteur indispensable de la vie des hommes. Selon la recette de la série, cette thématique sombre est traitée avec humour, Belle essuyant des revers clownesques dès lors qu’elle tente de reprendre le contrôle. Charlotte entre en scène, et va tout dynamiser par ses apparitions pêchues. Le combat vie professionnelle/vie privée est explicitement évoqué par les reports continuels du rendez-vous avec Ben, pour cause d'« obligations professionnelles ». Ben devient une respiration urgente à prendre pour Belle pour ne pas devenir une workaholic. En dominatrice persifleuse, Gemma Chan crève immédiatement l’écran, alors que les filles remportent la première manche face à leur nouvelle patronne pas assez ferme. Le vaudeville de Charlotte énonçant à Poppy la liste des jouets sexuels à commander est hilarante, on remercie les auteurs d’avoir réduit le temps de présence de Poppy pour elle. La meilleure scène de l’épisode restera sans doute les tirs de mortier entre Belle et Charlotte pour l'occupation du trône de fer, où les répliques fusent comme dans une screwball comedy. Si austère soit-elle, Stéphanie a toujours été très empathique envers ses filles, une qualité dont fait preuve Belle, mais non une Charlotte trop glaciale. C’est finalement plus grâce à Hannah qu’à Belle que cette dernière obtient la confiance de Stéphanie, une conclusion morale. Sans atteindre les cimes du dépucelage de Levon (avec une call-girl aussi sympa que Belle) dans Californication, on apprécie l’humour très vert du rendez-vous Belle/Tim. On est content qu’Hurst ne cède pas à la facilité avec des maladresses de Tim (subtil George Rainsford), mais plutôt un étonnement comique devant ce corps nu de femme qu’il touche et voit pour la première fois. Voir Tim déverser toute sa prose devant une Belle réduite à l’état de psychologue (une posture peu appréciée des call-girls) rajoute au délire ambiant, tout en pointant un effet incontrôlé de la libération sexuelle : le questionnement de sa propre sexualité. Depuis qu’Alfred Kinsey et plus tard Fritz Klein ont découvert qu’hommes et femmes ne sont pas tous uniformément homosexuels ou hétérosexuels (même pour ceux se revendiquant purement comme tels), mais peuvent être un « mélange inégal des deux », les gens et plus particulièrement les jeunes cherchent à définir avec précision leur sexualité, ce qui est le cas de Tim. Malgré l'angle comique, le questionnement de Tim rappelle que ce n’est pas un enjeu à prendre à la légère. L’émotion passe avec Ben encaissant les reports continuels du rendez-vous. La rencontre avec la mère, passage rituel dans toute série n’oubliant pas la comédie romantique, se montre aussi amusante que malaisée, Belle subissant la question qu’elle s’était jusqu’ici évitée de se poser par fuite : peut-elle être call-girl et petite amie de la personne qu’elle aime le plus au monde ? Qu’elle ne réponde pas à la question laisse un malaise que ne peut balayer la coda, l’un des moments les plus romantiques de Belle-Ben. Elle sonne également comme un hommage à Byron, auquel ce genre de « surprises » fait penser. Ben a tiré d’excellentes leçons de son amitié avec le cher aristo ! La critique d'Estuaire44 : Cet épisode particulièrement divertissant nous invite à découvrir une journée presque comme toutes les autres dans la vie de Belle, c'est-à-dire menée à une vitesse paroxystique (la belle aurait sans doute bien besoin d’un TARDIS en ce moment). Écartelée entre ses activités désormais dédoublées et sa vie personnelle toujours aussi compliquée, Hannah fait face à une succession de péripéties menées à train d’enfer, revêtant la forme de sketchs unis de manière assez lâche mais souvent hilarants. Outre l’élégance coutumière de la mise en scène, l’épisode remplit pleinement sa mission de divertissement vitaminé, grâce à une interprétation hors pair, notamment une tonique Billie Piper à qui la comédie déjantée convient décidément à merveille. Le récit utilise également comme carburant l’insertion de saynètes très cartoon et surtout de nouveaux personnages pas piqués des verts, comme le sympathique client gay découvrant les charmes féminins, l’irrésistible Charlotte, dominatrice totalement jetée et au culot d’acier. Pour ce dernier aspect, elle m’a par moments évoqué la Ling d’Ally McBeal, on connaît de pires références. Ses clients doivent vivre de mémorables moments, encore plus qu’avec sa collègue plus aimable et mature de la première saison. Introduire de nouveaux personnages aussi tardivement dans une série relève toujours de la gageure, ici Secret Diary y parvient haut la main. Tant mieux, car cela ne sera pas le cas lors du prochain opus. Mais l’épisode ne se contente pas de faire rire, car les tribulations de Belle remplaçant Stéphanie (toujours de superbes cafés) présenteront une résonance particulière pour les praticiens de la vie de bureau, tant elle accumule des erreurs en fait très similaires à celles souvent commises par des chefs nouvellement promus au sein de métiers davantage conventionnels. Se la jouer copain n’apporte que des déboires, les gens vous verront toujours comme le gradé, et prendre pour soi les corvées pour éviter de les attribuer à autrui sera perçu comme un signe de faiblesse. Heureusement notre Belle est futée et apprend vite, sa confrontation avec la Dominatrice (en latex ? Good Lord) remet les pendules à l’heure, Stéphanie a choisi judicieusement. La confrontation avec la mère de Ben apporte une dramatisation bienvenue car donnant du corps au récit. Face à la lancinante question de la dualité impossible entre son métier et une relation à long terme, Belle ne sait répondre encore et toujours que par la fuite en avant, espérant un improbable bonheur. C’est à la fois émouvant et déjà alarmant pour la suite. Félicitations à Ben pour ce final éminemment romantique, il a été à bonne école avec Byron. Anecdotes :
Scénario : Simeon Goulden Réalisation : Alex Garcia Lopez & Wayne Yip God! Can't a girl get some erotic photos without constant interruption? Résumé : Alors qu’elle commence juste à équilibrer vie professionnelle et personnelle, Belle rencontre le sergent détective Harry Keegan, connaissance de Stéphanie. Mystérieux et addict au risque, il flatte le côté extraverti de Belle et tente de l’éloigner de son côté « Hannah ». Poppy voit sa vie chamboulée en ouvrant un tiroir, tandis que les retrouvailles d’Hannah avec sa sœur sont pour le moins polaires… La critique de Clément Diaz : Depuis la saison 2, la série introduit comme feuilleton les amours de l’héroïne, mais le nombre réduit d’épisodes force la série à accélérer les événements en fin de parcours après avoir dû prendre le temps de présenter le nouveau couple. Ben étant installé depuis longtemps, la saison peut mieux gérer son temps et fêler l'harmonie Belle/Ben dès ce troisième épisode, tout en ajoutant l’émotion apportée par ce dernier. Cependant, les moyens employés résultent discutables. La survenue d’Harry-le-tentateur va apporter un sensationnalisme hors sujet au ton de la série. Le marbre de la relation entre Ben et Hannah est attaqué à coups de pioche via l'exacerbation du double de cette dernière. Belle apparaît aussi lorsqu'Hannah se perd dans les chimères de son métier, une réaction émouvante car dépendant seulement de ses choix. Aussi, faire apparaître une Belle au masculin, symbolisant à lui tout seul les plaisirs, les valeurs, les illusions de cette vie, et tentant l’héroïne comme le ferait le Diable, relève d’une métaphore franchement lourde. Une direction d'autant plus hasardeuse qu'Harry est un ripou imbuvable, prétentieux, dominateur jusqu’à la caricature. Belle, dans une position de soumise, créé avec lui une relation évoquant un futur best-seller : Christian-Anastasia de Cinquante nuances de Grey seulement dépouillé de son acception sadomasochiste soit l’un des plus grands bras d’honneur à la littérature érotique (voire la littérature tout court, l'auteur de ses lignes ayant saigné régulièrement des yeux devant cette prose). L'interminable jeu de piste et la scène de l’hôtel, par leur outrance et leur sulfure à trois sous, écrasent la thématique sexuelle du jour : le plaisir de coucher en pouvant être surpris à tout moment, et l’exhibitionnisme, ici expédiés en deux répliques. Billie Piper navigue à vue dans cette trahison de son personnage, mais s’en sort mieux que Paul Nicholls, qui ne fait rien pour nuancer son personnage boulet. L’épisode remplit son contrat en montrant que la vie d'Hannah peut éclater si elle se laisse trop aller à la complaisance envers son double, mais avec force outrances. Poppy ne redresse pas l’épisode : sa crise de larmes rendue pénible par le cabotinage d’une Lily James incapable de nuances irrite. Bourgeoise dans le plus mauvais sens du terme, Poppy infuse un ton réac certes dénoncé, mais trop vulgaire. Le reste du temps, l’énergie joyeuse de son interprète fait illusion, mais demeure superficiel. Si Goulden chausse de lourds sabots pour le drame, il sauve les apparences avec la comédie. Le trépidant vaudeville (idéalement accompagné par une mandoline décalée) avec la sœur de Belle avec portes et tiroirs qui claquent, répliques aux lance-missiles, et hilarants quiproquos, nous valent une rafale de bonne humeur irrésistible. Pour son ultime tour de piste dans la série, Joanna Bobin se dépasse en diva bobo blessée à pleurer de rire. On aime aussi les belles scènes de complicité entre Belle et Ben, cœur vivant de la série, et luttant pour maintenir leur couple à flot. Mais malgré une coda couronnant une première victoire d’Hannah sur Belle, la sensation que le ver est dans le fruit tient après le générique de fin. La critique d'Estuaire44 : Une séance photo particulièrement torride débute en fanfare cette nouvelle journée en Enfer pour Belle (Jack Bauer ne connaît pas sa chance). Evidemment, amasser autant tant d’évènements en aussi peu de temps participe autant d’une nécessité pour les scénaristes qu’à la réjouissante effervescence propre à la série. Pourtant l’attente du festival habituel ne se voit cette fois que partiellement satisfaite, avec cet épisode particulièrement segmenté et aux différentes phases manifestant un intérêt très inégal. Si l’épisode bénéficie du talent toujours aussi expressif de Billie Piper, on regrettera que Belle reste en définitive très passive tout au long de ce récit. Même si passablement gratuit, le retour de la sœur s’impose comme la partie la plus divertissante du lot. Le call back de personnages ayant séduit par le passé demeure une technique scénaristique souvent efficace pour peu qu’on lui en donne les moyens, et ce vaudeville assez vachard (la malheureuse refusant autant que possible de croire que Ben et Hannah soient de nouveau ensemble) se montre suffisamment piquant pour séduire. On reste plus circonspect quant à la découverte de la vérité par Poppy. Si Lily James se sort honorablement de la péripétie, l’événement demeure en lui-même très prévisible (l’introduction du personnage n’aurait pas eu de sens, sinon). Le plus attristant demeure l’absence totale d’imagination dans son processus, parfaitement quelconque. Secret Diary nous a habitués à davantage d’originalité et d’ambition. Mais ce qui achève de nuire à l’épisode est l’arrivée peu concluante d’Harry. Amener un nouveau personnage aussi tardivement dans une série, qui plus est feuilletonnante, s’apparente toujours à un exercice délicat, dont la concrétisation manque ici de finesse. On s’étonne ainsi de ce personnage-clé au sein de l’organisation de Stéphanie, dont Belle n’a curieusement jamais parlé jusqu’ici. Jouer sur l’attraction de cette dernière pour le frisson de l’aventure n’est pas inepte en soi, elle l’a souvent évoqué comme l’un des grands intérêts de ce métier qui la passionne. Mais cela provenait de la confrontation à l’inconnu que représentait chaque client. C’est antinomique par rapport à ce jeu de rôle qui se met en place, où au contraire tous les ressorts sont révélés et réitérés. Pour que l’ensemble fonctionne, il aurait fallu que manifestât une aura ténébreuse allant bien au-delà du jeu assez terne de Paul Nicholls. Au total cette entrée en matière résulte assez artificielle. Anecdotes :
Scénario : Laura Neal Réalisation : Alex Garcia Lopez & Wayne Yip Mum, l'm visiting you in prison. There's no need to make a fuss about it. Résumé : La vie de Belle commence à partir en surchauffe : chaperon d’une Poppy de plus en plus incontrôlable depuis qu’elle a appris son secret et celui de sa mère, client aux fétichismes imprévus, hésitation à accepter un voyage à New York pour superviser une adaptation de son livre, disputes avec Ben au sujet de son emploi du temps et de Poppy… la voilà au bord de la crise de nerfs… La critique de Clément Diaz : Après trois épisodes consacrés à planter le décor de cette nouvelle saison, il n’en reste que cinq pour développer et conclure les différents arcs. Aussi l’épisode va-t-il devoir, en seulement 22 minutes, entamer le développement en menant une crise crédible dans le couple Ben-Hannah, que l’on avait quittés plus soudés que jamais. La débutante Laura Neal y réussit en compressant l’emploi du temps de l’héroïne, multipliant déplacements et imprévus jusqu’à épuisement. Belle est alors dans l’état idoine pour provoquer une crise, c'est très fin ! L’humour n’en a pas moins bonne place, tandis que le client du jour alimente la thématique de la régression avec talent. Malheureusement, pour donner corps à sa crise, la scénariste se voit obliger d’accorder un temps démesuré à la pénible Poppy. Mené tambour battant (l’épisode est un des plus rythmés d’une série pourtant efficace en la matière), l’épisode passe de la lumière souriante des premières minutes à la tension rageuse de la coda via un dégradé saisissant. Material girl assumée, Hannah est devenue Belle pour s’assurer un mode de vie et un succès précoces. Dans son esprit, être adaptée outre-Atlantique correspond à une consécration, après qu’elle ait renoncé à être courtisane de luxe en fin de saison 1. Sa danse de la joie (aussi allumée que celle d’un Deathwok) regorge d’allégresse, Billie Piper se lâchant comme jamais… Mais notre héroïne n’est pas une tête brûlée, elle sait qu'accepter pourrait porter préjudice à ses affaires en cours, mais aussi à Ben, d’où un dilemme crédible. L’avalanche de péripéties va être un gouleyant moteur d’humour, en même temps qu’elle va transformer ses nerfs en pelote : on rit de ses malheurs qui vont pourtant l’amener à commettre plusieurs erreurs. On retient surtout l’explication de gravures Belle-Poppy-Stéphanie, virant très rapidement au tir de lance-roquettes. On apprécie de voir pour la première fois Stéphanie fendre son masque lorsque sa fille la confronte à ses manquements à son devoir de mère. Cherie Lunghi ne cesse jamais de nous surprendre par son métier au service d'un personnage qu’elle aurait pu rendre cabotin, quel brio ! À la mauvaise foi de Poppy et Stéphanie, Belle va également subir une de ses plus mémorables vacheries professionnelles de la part de l’impayable Charlotte (on se prosterne tous devant la craquante Gemma Chan). En passant, l’on apprécie que Belle affiche son féminisme à une Poppy dubitative, l’on croit entendre en filigrane Brooke Magnanti, la vraie Belle de Jour, qui dut plus d’une fois défendre son ancien mode de vie qu’elle avait elle-même choisi. Le client du jour (John Hopkins), très attachant, rejoint un des grands combats séculaires de la série : l’acharnement inhumain du capitalisme à transformer les hommes en machines à monter (ou pas) l’ascenseur social, une quête sans repos ni fin, les hauts placés subissant une pression sociale écrasante. La régression apparaît comme dès lors comme une échappatoire, recherche désespérée d'un réconfort donné par un ersatz de mère, figure restant liée à la douceur, le confort, la sécurité que tout enfant devrait connaître. Voir Belle improviser difficilement ce rôle assure un rire continu, mais renvoie aussi à son malaise quant au devenir de son couple, et à l’attitude à adopter face à Poppy, pour qui elle se sent obligée d’agir comme une mère de substitution. Les provocations d’une Poppy plus enfant gâtée que jamais, jointes à l'épuisement mental de Belle, provoquent la crise. C’est malheureusement à cause de Poppy, poids mort de la saison, que l’épisode n’atteint pas la perfection. On sature devant ce personnage rappelant les pires adolescentes télévisuelles, notamment la Dawn de Buffy (et encore, Michelle Trachtenberg manifestait un jeu autrement plus étudié qu'une Lily James brouillonne). Avec un personnage mieux écrit, l’indéniable énergie de l’actrice aurait pu faire des merveilles. Devant la coda tempestueuse, Neal laisse le spectateur prendre son parti : Poppy déraille certes, mais même si ses motivations sont compréhensibles, Belle ne se montre pas sous son meilleur jour en surprotectrice, agissant sous le coup de l’émotion, et s’en déchargeant finalement sur un pauvre Ben qui n’a rien demandé. Mais cela est raccord avec une série qui n’a jamais hésité à montrer son héroïne commettre des erreurs. Le talent de Billie Piper et l’impuissance blessée et émouvante d’Iddo Goldberg (dont on ne cessera jamais de dire à quel point il a tant apporté à la série) assurent la tension et préservent la sympathie de leurs personnages faillibles mais si attachants. Le cliffhanger lance excellement le tremplin vers l’épisode suivant. La critique d'Estuaire44 : On reprochera à l’épisode de manquer d’unité thématique, une méthode certes très balisée, mais qui, me semble-t-il, apportait une densité supérieure à nombre d’épisodes des saisons précédentes. Ici on assiste derechef à la suite de la chronique de la vie de Belle, certes ô combien remplie, mais saucissonnée à nouveau sur une journée, à la manière d’un film à sketchs. Assez inévitablement dans ce cas de figure, le résultat apparaît inégal. Parmi les regrets on trouvera une nouvelle scène de rêve peu concluante en ouverture d’épisode, car passablement déstructurée, à l’image de l’épisode lui-même. De ce point de vue on préfère clairement les immersions oniriques de Californication, série à laquelle on pense beaucoup au moment où se développe la carrière d’écrivain de Belle et où un tournage américain se profile. Par ailleurs, Belle reste une fois de plus trop passive d’événements où elle sert uniquement de simple observatrice, ses quelques décisions n’intervenant qu’en fin d’épisode (avec un suspense assez factice sur son départ ou non pour l’Amérique). Les personnages secondaires prennent donc le relais et là la série passe quelque peu de Charybde en Scylla : après un épisode plombé par le policier ténébreux et lourd, on trouve ici l’épisode plombé par le numéro mélodramatique jusqu’à la caricature de Poppy. On ne croit à aucune de ses scènes. La série devient ici totalement outrée et se rapproche des pires telenovelas, y compris dans le jeu dépourvu de finesse d’une Lily James manquant encore d’expérience. (plus tard bien meilleure dans Orgueil et Préjugés et Zombies).
Heureusement l’épisode retrouve des couleurs et demeure globalement divertissant grâce au reste de la galerie de portraits proposée. Charlotte s’épanouit en garce vicieuse et rivale très azimutée de Belle. On se régale sans restriction aucune, tandis que l’on retrouve avec plaisir Stéphanie, même si brièvement (quel dommage de l’avoir troquée contre Poppy). Le client du jour vaut aussi le détour, en matière d’excentricité on atteint ici un sommet, et la série parvient une nouvelle fois à éviter tout élément pouvant devenir scabreux. Le producteur de cinéma très excité par le jackpot à venir se montre également irrésistiblement cynique. Billie Piper brille toujours autant sur le registre de l’humour et rend Belle réellement hilarante par moments, même cantonnée à du passe-plat. Cet ensemble globalement joyeux apporte plus d’impact à la cruelle scène de ménage opposant avec d’autant plus de force Hannah à Ben qu’on ne l’avait pas vraiment vue venir. Cette scène, sans nul doute la plus forte de l’opus, doit aussi beaucoup à une mise en scène conservant ses qualités de pertinence et d’élégance. Cela nous vaut quelques beaux effets comme les jolies vues de Londres, cette fois à l’extérieur de la City, ou l’animation très réussie de l’affiche, très à la Neil Gaiman (Media dans American Gods ou la star défunte de l’antique Hollywood dans The Goldfish Pool and Other Stories). Anecdotes :
Scénario : Simeon Goulden Réalisation : Samuel Donovan (crédité comme « Sam Donovan ») You are a commodity, your services are a commodity that you sell for a price. And your price rises with experience, exclusivity, etc. But you also factor in risk, future earning capacity, asset value deterioration as you get older, perhaps put on weight, have kids, wrinkles, it all detracts from the value. Résumé : Belle arrive à New York en tant que consultante pour la future adaptation cinéma de son premier livre. Mais l’actrice principale et le réalisateur ont une idée bien à eux de l’adaptation, très éloignée de la sienne. Entre deux séances éprouvantes, Belle se détend dans la Grosse Pomme, mais finit par s’ennuyer. À Londres, électrisée par Charlotte, Poppy passe en mode allumeuse et tente de séduire Ben… La critique de Clément Diaz : Coincée dans des storylines exogènes à la série, la saison 4 de Secret Diary tente de se relancer par la diversion d’un voyage de l’héroïne. Malheureusement, l’escapade bute à nouveau contre le poison de la caricature. Lestée d’une Poppy franchissant un bond de plus dans la lourdeur et d'un scénario statique, les auteurs parviennent à donner un vrai récital à Billie Piper, dont le personnage parcourt plusieurs gammes émotionnelles avec la même belle énergie. Quelques observations malignes sur l’éphémère du métier d’escort, sur une Amérique schizophrène à propos du sexe, et sur les liens si spéciaux entre auteurs et réalisateurs permettent à l’épisode de surnager. Dans les séries américaines, les britanniques sont traditionnellement des fourbes, vilains, etc. Il est donc de bonne guerre que nos scénaristes s’amusent en dépeignant une galerie de ricains rivalisant de cuistrerie. Mais ils ont la main lourde : Barbie blonde étouffante, réalisateur obtus, producteurs obsédés, modiste gay excessif, client rivé à son pager… Dépeindre seulement l’aventure cinéma de Belle et renoncer aux intermèdes Londoniens et au client aurait sans doute été préférable, mais sans doute le cahier des charges de la série impose un client par épisode. L’épisode souffre de la comparaison avec la version effectuée plus tard par Californication dans 30 minutes or less (7.08). Cela dit, on peut trouver quelques pépites, comme la méthode Actor’s studio version très hard de la comédienne, qui n’est pas sans rappeler la méthode Eddie Nero, l’un des personnages les plus allumés (c’est pas peu dire) de la sus-citée Californication. Le plus intéressant est que Belle se reprend en pleine figure la vision dégradante des « braves gens » de son métier, a fortiori dans une Amérique pudibonde derrière sa vulgarité la traitant comme une honte de la société. Dans une Amérique schizophrène émoustillée par le sexe, mais dont le poids puritain le condamne en même temps, il n’est tout simplement pas possible aux yeux de l’intelligentsia du 7e art aux States d’être une femme complexe, brillante, saine d’esprit, joyeuse… en étant escort girl (ce n’est pas pour rien qu’HBO échoua à produire un remake de la série). Cela n’est pas une spécificité Outre-Atlantique : Duncan, en engageant une gourde vulgaire comme lectrice du livre de Belle, se comportait de la même manière, Belle a d’ailleurs la même réaction dégoûtée d'être réduite à un jouet sexuel de luxe. Si le client livre une pertinente explication de texte à Belle sur l’éphémère de son boulot, la scène se prolonge au-delà du raisonnable, le personnage étant bavard et colérique, tandis que la doublure poitrine de Billie Piper jure terriblement avec l’actrice. À travers les mages de Belle écumant les magasins de luxe de la capitale du monde, on voit qu’Hannah est de plus en plus écrasée par son double qu’elle ne contrôle visiblement plus. Ce panorama est malheureusement prétexte à des dialogues médiocres ou des réflexions assez pauvres sur le thème « On ne sait ce qu’on a que quand on ne l’a plus ». En cinq épisodes, Poppy a épuisé toutes nos réserves de patience. De casse-pieds, elle devient ignoble quand elle tente de séduire Ben. Le cabotinage de Lily James est un supplice, tandis que la série fonce vers un nouveau rebondissement de telenovela. Heureusement, la tonitruante Charlotte (toujours amatrice de tenues spectaculaires) nous régale d’une mémorable apparition où elle dévergonde Poppy. Gemma Chan restera comme l’atout sacrifié de cette saison. Elle apporte en une minute à la série bien plus que Poppy ne le fera jamais en huit épisodes. La critique d'Estuaire44 : L’épisode suscite une véritable déception tant le dépaysement de l’action dans la Jungle de béton apparaît comme une fausse bonne idée. La découverte de New York séduit initialement par la jolie perspective offerte lors de la séquence d’introduction, et de fait les inserts, toujours élégants, composeront le meilleur de l’expérience. Pour le reste, la série se laisse ici rattraper par les contraintes de son format court, le manque de temps l’empêchant de réellement tirer parti de cette originalité (qui peut aussi se percevoir comme une rustine de scénariste ne sachant plus vraiment quoi raconter à Londres). On aurait pu jouer sur les différences culturelles, par exemple en organisant une rencontre entre Belle et une collègue américaine. Ici on se limite à une discussion sentimentale, à du shopping, à un client assez ennuyeux… toutes choses qui pourraient advenir pareillement à Londres. On pourrait imaginer exactement la même histoire autour d’une adaptation théâtrale du livre au West End. Anecdotes :
Scénario : James Graham Réalisation : Sam Donovan When are you gonna get it? There is no Belle, and there is no Hannah. There's just you. lt's just you who won't stop fucking this up. It’s just you who doesn't know what you want. Résumé : Souhaitant blesser Hannah, Poppy piège Ben et fait croire à notre héroïne de retour de New York qu’elle a une liaison avec lui. Bouleversée, Belle se noie dans le travail, mais doit faire face à forte partie : sa rivalité professionnelle avec Charlotte atteint son pic. Leur duel sera sans merci… La critique de Clément Diaz : Engoncée dans des arcs pénibles (Poppy-la-peste), trop artificiels (montée en puissance de Belle par son addiction au luxe et au danger), ou tardant à éclore (crise Belle-Ben), la saison 4 maintient difficilement l’intérêt. Après la peu concluante diversion New Yorkaise, James Graham va avoir l’idée lumineuse de revenir (presque) au format de la saison 1 avec un épisode centré sur Belle en plein travail. Mais surtout, il déroule le tapis rouge pour la flamboyante Charlotte, plus que jamais la pompière de la saison, qui nous régale d’un irrépressible affrontement au sommet contre Belle. Graham ne peut toutefois éviter la désolante continuation des caprices de Poppy pour amener enfin la crise attendue entre Hannah et Ben. L’intensité de l'événement pallie à sa marche forcée. Poppy ne nous aura rien épargné : après la post-ado gâtée, la pleureuse de telenovela, le parasite nuisible, l’allumeuse indigne, voilà la manipulatrice en toc. Lily James réussit à être encore pire à chacune de ces configurations, une performance en soi. Si l’on comprend le choc émotionnel de son petit monde bourgeois mis en pièces, s’envoyer en l’air avec le premier venu, tenter de séduire Ben, ou de briser son ménage avec Hannah, ne provoque que des crispations irritées. Son rétropédalage final montre bien sa complète inanité. Alors, ne nous attardons pas et voyons plutôt la réaction d’Hannah. Nous savons que notre héroïne a le défaut de faire face à ses problèmes en les fuyant via son double faisant souvent office de rustine trompeuse. La parenté avec Californication est de nouveau visible, les héros de cette série se servant comme elle du sexe pour ignorer leurs problèmes au lieu de les résoudre, jusqu’à ce que ces derniers finissent par les broyer. Belle s’hypertrophie en réaction aux aléas sentimentaux d’Hannah, ce qui ne peut qu’être désastreux à terme. Pourtant, cette folle journée va bien être celle du rire pour nous tant l’épisode se trouve un des plus drôles de la série. Voir Belle retrouver difficilement ses réflexes de chef d’entreprise suscite déjà l’amusement, mais lorsque Charlotte devient son Iznogoud, l’épisode fait joyeusement voler tout sérieux à la corbeille. C’est que Charlotte constitue une opposition de choix pour Belle, qui ne lui arrivera jamais à la cheville sur son terrain (qu’on se rappelle son fiasco SM en saison 1). Les vannes fusent, tandis que l’épisode vire dans un délire à la Scrubs où les deux dames s’affrontent dans une parodie de Western spaghetti à tomber par terre (J.D. est demandé sur scène). Le niveau supérieur est atteint dans le pastiche de jeu vidéo avec David en arbitre dépassé. Le bougre ne s’attendait visiblement pas à voir deux des escorts les plus douées de Grande-Bretagne se crêper le chignon pour son plaisir (charnel). La tête d’ahuri affichée par Roger Barclay ajoute à l’hilarité de ce duel explosif. Le double strip-tease des deux femmes restera comme l’une des images les plus érotiques de la série. Si Billie Piper s’amuse comme jamais, elle se fait voler la vedette par une Gemma Chan totalement badass. L’épisode nous fait bien voir que le succès de Belle est dû à son professionnalisme, capable de passer de longues heures embarrassantes rien que pour satisfaire au mieux un client. La scène avec le japonais réussit l’exploit d’apparaître très décalée dans un show pourtant souvent pimpant de ce côté, tout en faisant du client un présage de ce qui attend l’héroïne si Belle triomphe d’Hannah : une vie routinière sans bonheur personnel, avec comme seuls expédients l’éphémère de rencontres sans lendemain. Charlotte, moins polyvalente, se focalise plus sur l’intensité du moment. Un fan de Buffy y trouvera comme une transposition (certes très particulière) des duels Buffy-Faith, les deux Tueuses. Leur armistice est vibrant de chaleur pétillante. La colère de Ben, fatigué de voir sa compagne accorder une importance démesurée à la « partie » qui ne lui revient pas, est impeccable de dramatisme. À deux épisodes de la fin, Hannah comprend enfin la source de son problème que dans son aveuglement elle refusait de voir : elle n’a qu’un seul vrai moi, comme tout humain. Maintenant elle est face à un dilemme : renoncer à Belle ou à Hannah. Un déchirement qui sera tout l’enjeu des épisodes finaux. La critique d'Estuaire44 : Les journées au tempo infernal se succèdent pour Belle, d’ailleurs de manière continue puisque les divers évènements de cette quatrième saison semblent bien se concentrer sur une unique semaine. Quelle santé ! Même s’il s’agit d’une fuite à terme désespérée dans le royaume de Belle afin d'échapper aux tourments d’Hannah, on apprécie vivement que l’héroïne cesse d’être passive et décide de réagir face aux complications de sa vie. Ce procédé s’avère d’autant plus réjouissant que les divers personnages rencontrés résultent souvent hilarants. Les collègues de Belle au cerveau de pois chiche pimentent ainsi son marathon téléphonique. Par ailleurs on aime que le sympathique client japonais emprunte à la culture de son pays, tout en s‘affranchissant des divers clichés coutumiers. Une nouvelle fois originale, l’excentricité du jour permet à Billie Piper de se mettre en avant, sans recourir à une doublure. L’épisode a également l’excellente idée de jouer pleinement la carte de l’irrésistible Charlotte, au shot de vodka plus dure que moi, tu meurs (à quand une série dérivée lui étant dédiée ?). La rivalité avec Belle atteint ici un paroxysme, avec l’astucieuse reprise des Westerns spaghettis. D’ailleurs avec Belle, Charlotte et le vendeur de rêves qu’est le chirurgien esthétique, on trouve effectivement ici la bonne, la brute et le truand. Après un affrontement particulièrement sexy, on débouche bien entendu sur un happy end amical, afin que la fête demeure entière.
Mais la magie finit toujours par s’estomper et la morne réalité par reprendre ses droits. La crise existentielle vécue par Hannah souffre certes d’un fait générateur immédiat réduit à une nouvelle navrante idiotie de Poppy. Il doit exister quelque part un comité chargé de lui trouver la pire idée de la semaine, du bon boulot. Il n’en reste pas moins que Ben, un tantinet réduit au rôle de juge cette saison, trouve les mots justes pour interpeller Hannah sur le dilemme dans lequel elle s’est désormais enfermée et qu’elle doit résoudre par un choix aussi difficile que cruel. De quoi entamer idéalement le final de la série. Anecdotes :
12 cl de jus d’ananas 0.75 cl de Bénédictine 3 cl de gin 1.5 cl de liqueur de cherry 0.75 cl de Cointreau (une liqueur triple sec angevine d’oranges douces et amères) 1 cl de grenadine 1.5 cl de jus de lime (fraîche) 1 larme d’angostura (concentré caribéen d’essences diverses pour cocktails)
Scénario : Daniel Sefton (crédité comme « Dan Sefton ») Réalisation : Sam Donovan He wasn't even 40. l mean, that's not even half a life. At least he got the best half. l mean, think about it : never have to see that first grey hair in the mirror, never have to get up in the middle of the night and pee. Résumé : Blessé que Belle prenne trop d’importance dans la vie d’Hannah, Ben demeure distant. Poppy en profite pour faire une nouvelle tentative de séduction. Belle s’occupe d’un client adepte de jeux de rôles, mais le rendez-vous tourne de manière catastrophique. Harry revient et tente de persuader Belle de renoncer complètement à Hannah et de ne vivre désormais plus que pour son métier… La critique de Clément Diaz : En cette saison 4, la série fut atteinte par deux mauvais arcs : le soap opera vaseux (écriture paresseuse de Ben/Hannah, Harry en clone masculin exogène de Belle), et le vaudeville lourd (Poppy). Malheureusement l’épisode va les pousser au paroxysme, débouchant sur le néant. Belle s’emberlificote dans une attraction/répulsion avec son alter ego masculin dans un développement sensationnaliste. Poppy réitère son numéro de séductrice à trois sous à un Ben bien trop tolérant en ce qui relève presque du harcèlement. Le bilan final est désastreux : dans une saison de 8 épisodes de 22 minutes, qui lutte sans cesse pour développer des histoires denses avec un temps riquiqui, ce 7e épisode est tout simplement inutile. Le client du jour commence par amuser, non seulement parce qu’il nous vaut un mémorable maquillage de Belle en scream queen période Hammer, mais aussi par sa satire hilarante des Fils de la Nuit, le tout sous les yeux d’un majordome au flegme à toute épreuve typiquement britannique ! Malheureusement, le rendez-vous bascule dans l'excès et le pathos qui ne se prête absolument pas à l’atmosphère de Secret Diary ; on y va à gros sabots. La thématique du jeu de rôles est ici rapidement expédiée, contrairement à l’épisode consacré à 007 la saison précédente. Imbu de lui-même jusqu’à la caricature, roulant des mécaniques, jouant de sa mâle assurance avec vulgarité, Harry est insupportable. Son acharnement sur Belle, en état de faiblesse, le fait comparer à un charognard fondant sur sa proie agonisante. Si au moins un lien s’était plus développé, on aurait pu l’envisager comme un Big Bad s’amusant à souffrir notre héroïne. Avec seulement deux épisodes de 22 minutes, il apparaît compliqué de lui donner une ampleur dont il est dépourvu. Paul Nicholls n’est pas à son avantage. Ses moyens de pousser Belle loin d’Hannah sont au pire malsains au mieux risibles avec des dialogues tournant en rond dans la trivialité. Belle ressasse son dilemme tout au long de sa promenade, qui aboutit sur du vent, tout ça pour ça… le fait qu’Hannah résiste encore nous traverse à peine l’esprit. Si la vision d’un Ben blasé refusant les tendres assauts (à tous les sens du terme) de sa petite amie en dit long sur leur crise, l’épisode échoue à développer leur conflit, délayant sur du vide, et revenant au point de départ comme si rien ne s’était passé. Les scénaristes persistent dans leurs erreurs en faisant de Poppy une marionnette tout entière soumise à un Ça capricieux et idiot, qui ne se définit jamais que comme trouble-fête (pour rester poli) du quotidien de Ben et Belle. L'extrême indulgence de Ben finit par ne plus être crédible. La seule consolation de ce coup dans l’eau est que le final ne peut pas faire autrement que de résoudre les crises de cette saison mais aussi celles de la série entière. Offrir un final répondant globalement aux attentes après un tel échec tient du miracle, c’est pourtant ce qui va se passer... La critique d'Estuaire44 : Idéalement, l’avant-dernier épisode d’une série doit servir à mettre en orbite le grand final, tant du point de vue des péripéties que de l’évolution des personnages. Force est de constater qu’ici c’est exactement le contraire qui se produit. Le récit ne fait que ressasser une situation déjà connue et présentée antérieurement, sans qu’aucun élément nouveau ne soit introduit. Ben supportant toujours plus difficilement de voir Belle toujours phagocyter davantage Hannah, Hannah résistant encore, mais davantage pour ne pas rompre avec Ben que par réelle inclination. L’opus aurait au moins pu broder avec talent dans son surplace, mais, circonstance aggravante, il l’effectue plutôt avec une rare pesanteur Avec Dan Sefton, on peut s’étonner que l’écriture d’un épisode aussi important ait été confié à un auteur n’ayant jusqu’ici jamais écrit pour la série et n’étant donc qu’imparfaitement imprégné de son esprit. Assez inévitablement le scénariste retrouve la tonalité des soap operas et des dramas médicaux par lesquels il s’est fait connaître (EastEnders, Holby City, Doctors...), avec leurs rebondissements visant davantage le mélodrame que la subtilité et la crédibilité. On abandonne ici ce qu’il subsistait de crédibilité et d’intérêt chez Poppy (comment a-t-elle pu suivre Ben alors qu’elle venait de partir en taxi ?) avec des scènes de roman-feuilleton à l’eau de rose. On ne supporte davantage Keegan que parce que le personnage résulte moins usé, car étant apparu moins souvent que Poppy. Mais ses scènes caricaturales et absurdes avec Belle suscitent la même incrédulité navrée. Jusqu’au bout Poppy et Keegan auront constitué autant de boulets pour une saison malheureusement quasiment privée de Stéphanie jusqu’ici. L’épisode peut néanmoins compter sur le talent et la complicité de Billie Piper et Iddo Goldberg pour insuffler de l’intensité aux retrouvailles de façade le concluant. L’événement se justifie toutefois par l’intermède des téléphones relevant du plus mauvais vaudeville, tout ceci manque terriblement de subtilité. Le seul moment réussi demeure l’intermède d’humour noir autour de l’infortuné Vampire, la série a la bonne idée de s’essayer à un style de comique qu’elle n’avait pas usité jusqu’ici, même si la finesse y évoque plutôt le Grand Guignol. Anecdotes :
Scénario : Nancy Harris Réalisation : Sam Donovan After all, every decision has consequences... and there’s always a day of reckoning. Résumé : Après avoir corrompu sexuellement le juge, Stéphanie est acquittée de ses charges. Elle se réconcilie avec sa fille et donne une grande fête pour célébrer sa libération, à laquelle Belle est conviée. Désespéré de voir Hannah ne plus contrôler sa double vie, Ben exige qu’elle choisisse entre une vie avec lui et sa vie d’escort girl. Harry encourage Belle à se défaire totalement d’Hannah pour vivre avec lui. Quel sera le choix final de Belle ?… La critique de Clément Diaz : Il est d’autant plus difficile de terminer une série lorsque les précédents épisodes n’augurent rien de bon. En arrivant au seuil du finale de Secret diary of a call-girl, le spectateur ne peut qu’être pessimiste : Poppy le boulet, Harry le bad boy lourd, le conflit trop abrupt Belle-Ben, voilà les trois arcs médiocres de la saison à clôturer en 22 minutes. Nancy Harris, surtout connue comme auteur de théâtre, doit déployer tout son métier pour parvenir à l’improbable : donner une fin satisfaisante. Elle parvient à limiter les dégâts de ses confrères, mais ne peut empêcher Harry de pénaliser la fin. Heureusement, la scénariste parvient à insuffler du suspense alors qu’Hannah se lève pour porter une ultime bataille contre son double. L’inoubliable coda, d’une émotion renversante, est la digne conclusion d’une série qui n’aura jamais cessé d’impressionner par sa qualité et ses audaces. Le duel Belle/Hannah, raison d’être de la série, est logiquement au centre de ce finale. La sourde introduction résonne déjà de l’imminence du drame à venir, dans un étonnant miroir à un autre adieu porté par Billie Piper qui fit chavirer tant de fans : celui de Rose Tyler dans les premières secondes d’Army of ghosts/Doomsday de Doctor Who : « This is the story of how I died » : le final de Secret Diary est en effet la chronique d’une mort, celle d’une des personnalités de l’héroïne. On félicite l’épisode de supprimer simplement Poppy de l’équation, réduite à 3 apparitions silencieuses, cela fait un boulet de moins. Stéphanie quitte la scène sous les fleurs et les vivats, fêtant sa victoire avec une nouba à son image : phénoménale, sexy, lumineuse. Stéphanie est l’incarnation du second rôle parfait : dynamique, originale, poursuivant des buts proches des premiers rôles mais avec sa voie bien à elle, et bénéficiant d’une interprète enthousiaste : Cherie Lunghi, qui aura tout donné à la série avec tant de talent. Avec le recul, on reste frustré du sous-emploi de Charlotte (surtout avec Poppy et Harry à côté), personnage destroy, explosif, qui a donné le meilleur épisode la saison. Son dernier pied-de-nez nous vaut une scène hilarante, mais sonne a posteriori comme d'une ironie terrible envers Hannah, tout comme l’était le mariage Bambi-Byron. Merci à Gemma Chan de nous avoir enchantés. On apprécie aussi le retour de l’avocat du season premiere désormais épanoui dans sa vie privée (merci qui ?), le caméo rigolo de Melanie Brown, oui oui, l’une des Spice girls (Stéphanie tient à assurer le standing), et à travers quelques brefs flashbacks, des personnages importants du show comme Alex et Duncan. Tout cela est fort bien, d’autant que le dernier client de la série, Lewis (très bon Iwan Rheon), surprend par sa complicité légère avec notre héroïne. Mais Lewis la questionne aussi sur son rapport à son métier et à sa vie personnelle : Hannah ne peut que mesurer l’échec de cette dernière, dû à sa volonté de se scinder en deux personnalités, et qui présage la scène finale. Cette bataille est métaphoriquement menée par les deux hommes de la vie de Belle : Ben, son amour raisonnable, et Harry, promesse de plaisirs et d’ivresses, dans un dilemme qui n’est pas sans rappeler le flamboyant Two lovers de James Gray. L’ultimatum désespéré de Ben saisit au cœur. Tout est en place pour un dernier tour de montagnes russes émotionnel, mais voilà Harry… Pesante allégorie des dilemmes de l’héroïne, ce monument de « sexytude » arrogante est exaspérant. Paul Nicholls caricature un personnage déjà empesé dont le côté « bad boy » revendiqué toutes les dix secondes lui ôte tout charme, alors même que Belle est sensée perdre pied face à lui. Qu’il puisse supporter la double vie de Belle mieux que Ben ne fait aucun doute, mais il est si détestable que le dilemme en devient faussé. Et puis, on déteste voir Belle à l’état de proie, ce n’est pas le personnage d’être impuissante face à la domination masculine (on connaît un éditeur Londonien qui s’en est mordu les doigts…). Dialogues navrants et monolithisme fanfaron occupent dès lors une majeure partie de l’épisode. Alors vient le miracle de la scène finale. Au son d’une des plus déchirantes chansons d’amour jamais composées (Someone like you d’Adèle), Hannah réalise qu’elle ne peut se détacher de Belle : quitter la prostitution de luxe reviendrait à nier sa vraie personnalité : Hannah n’est pas la « vraie femme » et Belle son « alter ego de luxe », c’est la même femme. Féministe revendiquée, Belle ne renoncera pas à elle-même, même pour son grand amour. D’où cette rupture, aussi logique que déchirante. De même on salue son refus de partir avec Harry : le personnage n’a jamais voulu faire dépendre son bonheur d’un homme. Pour une série renommée pour son comique, cette fin bouleversante de noirceur et de chagrin constitue bien une ultime transgression : pas de happy end Hollywoodien à la Pretty Woman ni une victoire de la morale incarnée par Ben, seulement un final logique et tragique. Mais ainsi, Hannah renonce au bonheur amoureux, et se condamne à une vie solitaire, semée de plaisirs éphémères, mais sans la joie réelle de l’amour. Lorsque la onzième heure sonne, Hannah meurt, et seule Belle survit. L’adieu ultime d’Hannah et Ben constitue bien l’une des plus bouleversantes fins jamais réalisées pour une série télévisée, portée à incandescence par Billie Piper et Iddo Goldberg, qui sortent le grand jeu des larmes et des regrets : un mélodrame fataliste de la plus belle eau, filmée avec la beauté crépusculaire de la mise en scène de Sam Donovan. Car ce n’est pas seulement l’amour que perdent nos héros, mais aussi cette magnifique amitié qui donnait tant de sens à leurs vies respectives. Ce lien chéri maintenant détruit se voit magnifiquement exprimé par le fondu au noir final, figurant symboliquement Belle entrant dans les ténèbres. Ainsi s’achève avec brio Journal intime d’une call-girl, après quatre saisons de comédie pimentée, de drame moral, et de regards compatissants sur une société piégée par les fléaux du capitalisme, du culte de la performance, de la schizophrénie humaine. Ayant dépassé avec réussite son statut de simple adaptation d’aventures sexuelles d’une call-girl réelle, la série marqua par la force émotionnelle du portrait de sa drôle, touchante, et duelle héroïne et son proche entourage. Malgré la perfection de la scène finale, on éprouve la vive envie qu’un (télé)film fasse suite à la série, comme cela a été envisagé, ne serait-ce que pour espérer un meilleur destin à la si adorable Belle… La critique d'Estuaire44 : On a vu souvent rejaillir le feu d'un ancien volcan qu'on croyait trop vieux. Il est, paraît-il, des terres brûlées donnant plus de blé qu'un meilleur avril. Après une saison hélas plus qu'en demi-teinte, où l’accumulation de choix malheureux aura fini par réellement impacter l'intérêt-même de la série, Secret Diary parvient à retrouver toutes ses couleurs pour ce final aussi enthousiasmant que dramatique. Dans son ensemble, le final opère un bilan tout à fait convaincant du parcours du Belle, conduisant inexorablement à une implacable conclusion. Les irrésistibles scènes du procès ou de la party chez Stéphanie nous permettent de totalement retrouver le pétillement des premières saisons, avec leur humour malicieux (Charlotte et Stéphanie superstars jusqu’au bout) accompagné d’une vraie étude de caractères. L’émotion a d’ailleurs aussi voix au chapitre, notamment avec une Poppy disposant enfin d’une scène sonnant vrai quand elle étreint sa mère, un précieux instant de sincérité en lieu et place de son mauvais théâtre habituel. Keegan demeure par contre trop artificiel pour intéresser, mais nous en avons désormais pris notre parti. L’épisode s’offre même le luxe d’un ultime client particulièrement passionnant, original non par son excentricité, mais par sa relation avec Hannah. L’occasion d’un joli moment intemporel d’introspection, habile préambule à la décision définitive de Belle. Secret Diary rattrape ici partiellement son avant-dernier épisode de la saison, à peu près vide. Après le Onzième Docteur, Belle s’offre une rencontre de choix (et contrastée) avec l’ami des bêtes Ramsay Bolton, ou plutôt son excellent interprète, Iwan Rheon, l’un des meilleurs talents de Game of Thrones. Ce moment de paix retrouvé s’impose avec une force singulière au sein d’une saison particulièrement chaotique (que cela soit de manière désirée ou subie). On y voit l’épiphanie voyant notre héroïne comprendre que Hannah peut subsister en tant qu’élément intégré de Belle, et non plus dans une dualité fatalement antagoniste. Subtilement souligné par la symbolique du Tower Bridge comme pont jeté entre deux rives, cet événement couronne l’intelligente narration nous ayant exposé en quoi la vie de Belle, aventureuse et festive, constitue un alcool trop capiteux pour que l’on y renonce (c’est dans le sang, comme l’énonce très justement Stéphanie). Dès lors qu’Hannah n’est non pas annihilée, mais placée sous le joug de Belle, la rupture avec Ben résulte de facto consommée, et Belle en tire immédiatement les conséquences, avec une lucidité que l’on peut estimer non exempte de brutalité. Portée par le bouleversant Someone Like You d’Adèle, la formidable scène finale refuse courageusement le happy ending, en parfaite cohérence avec le parcours de Belle, quoique sans doute davantage cruelle encore pour Ben. Une conclusion sans doute plus vraisemblable que l’envol de Californication. Jusqu’au bout cette épatante série aura su conserver son identité anglaise et non américaine. Anecdotes :
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