Journal intime d'une call girl Saison 1 1. Le Partenaire idéal (Episode 1.1) 2. La vie est un roman (Episode 1.2) 5. Jamais deux sans trois (Episode 1.5) 6. Le Sens des valeurs (Episode 1.6) Scénario : Lucy Prebble, sur une idée de Paul Duane, d’après The Intimate Adventures of a London Call Girl de Belle de Jour (pseudonyme de Brooke Magnanti) Réalisation : Yann Demange I love London, I love its rudeness, its lack of community, its impatience, I even love its weather ; but most of all, I love the anonymity. The first thing you should know about me is that I'm a whore. Londres. Nous faisons la connaissance d’une jeune femme, Hannah, qui exerce avec plaisir et sans contrainte le métier de call-girl de luxe. Elle nous fait entrer dans un univers extrêmement codifié, non seulement par ses règles, mais aussi par la nécessité de séparer les deux êtres en elle : Belle la prostituée, Hannah la femme, ce qui la pousse à faire des sacrifices pour exercer son métier… La critique de Clément Diaz: Ce premier épisode parvient en un temps record à donner une vision complète et divertissante de la série : vision peu commune et glamour de la prostitution de luxe, érotisme et humour très présents, description rapide et efficace d’une héroïne au quotient sympathie déjà énorme, ton comique (voire déjanté), déclaration d’amour à la ville de Londres, volonté sociologique voire anthropologique sur la recherche de sa propre identité, et un arrière-fond plus grave annonçant de loin le pessimisme noir d’épisodes futurs. Ne disposant que de 22 minutes, Lucy Prebble décide sagement de laisser de côté son scénario pour se focaliser sur la présentation de la série. N’étant pas autre chose qu’un (long) prélude, le fil du récit résulte artificiel, c’est le prix à payer pour qu’elle réussisse à inclure toute la richesse de la série, qui nous prévient déjà qu’elle sera bien plus qu’une simple mise en images d’anecdotes croustillantes sur une escort-girl. Ce qui frappe le plus dans ce pilote est toutefois la mise en scène stupéfiante de beauté et d’imagination de Yann Demange, qui idéalise une réalisation à la base documentaire (genre The Office). Le style « docu » permet aussi une réjouissante composante de la série : les apostrophes directes de Belle face caméra au spectateur, brisant le Quatrième mur. Le traitement des scènes sexuelles se montre déjà varié et réussi. Les quelques lourdeurs sont pleinement compensés par un humour résolument décalé. Billie Piper explose d’entrée de sensualité, de sympathie, et d’humour. En 22 petites minutes, nous saisissons un croquant croquis de la belle Belle, passionnant sujet d'étude : elle exerce son métier aussi bien par plaisir que pour l’argent « facile », est consciente de son pouvoir de séduction mais l’utilisant seulement pour garder le contrôle sur ses rendez-vous (Belle ne sera jamais une dominatrice, on en reparlera dans l’épisode 4). Elle dégage immédiatement une aura empathique et souriante, avec deci delà quelques aspérités : paresse, orgueil, frivolité assumée... Son tempérament volontaire et déterminé renforce sa présence. Tout comme Belle « joue » avec ses clients, Belle joue avec le spectateur en le taquinant sur la vision de béotien qu’il a de son univers. L’énumération de ses règles d’hygiène, de vie, de sécurité, ainsi que quelques « trucs » du métier, évite un effet mécanique par leur application immédiate et souvent décalée à l’écran. L’on voit qu’être escort de luxe n’est pas à la portée des premier(e)s aspirant(e)s venu(e)s ! Son professionnalisme à satisfaire les moindres fantasmes de ses clients est également très apprécié, tout comme son regard critique sur l’hypersexualisation de la société touchant les jeunes comme leurs aînés. En présentant une femme faisant ce qu’elle veut de son corps et de son âme, ne s’autorisant aucun diktat si ce n’est celui de la discrétion, tout en demeurant crédible, la série insère bel et bien une tonalité féministe. La série réussit les scènes chaudes, les différenciant pour rappeler toute la diversité de la sexualité. Elle pare également au côté scabreux de la chose avec un humour massif. Ainsi, la scène de sexe avec le client qui fantasme sur les étables de chevaux est la première manifestation des tornades d’humour qui vont déferler sur la série. En contrepoint, le jeune et beau client timide qu’est Daniel va permettre à Belle d’exprimer les premières ombres de la série. Daniel est un client effrayé par la domination des escorts, et Belle comprend qu’il voudrait faire l’amour à une femme de tous les jours, à Hannah, et non à Belle. D’où une scène de sexe cette fois romantique et torride, et une belle acuité de la psychologie masculine, cherchant au fond d’elle-même une « princesse charmante » éloignée du maquillage et des tenues agressives des escorts. Mais cela révèle aussi de Belle une volonté farouche de séparer ses deux identités comme le dit sa conclusion amère. On avouera cependant que la scène de fellation et de masturbation (en suggéré) est un peu grasse, malgré l’amusant malaise de la situation. Billie Piper exprime à merveille toutes les facettes de son personnage. La critique d'Estuaire44 :
Sur un rythme davantage entraînant que rapide, ce pilote parvient à installer l’univers de la série et sa protagoniste, avec autant d’humour que d’efficacité. Si certains éléments n’apparaissent encore que superficiellement présentés, notamment Ben, toutes les composantes de la série répondent à l’appel. Ainsi le territoire de chasse de Belle est-il délimité dans l’Espace et dans le Temps : entre St-Paul et Mayfair, en ce début des années 2000 où la City rugit de sa prospérité financière apparemment sans bornes, et de l’exacerbation des plaisirs des puissants du jour. Nous nous immergeons dans le tourbillon du Londres d’avant l’éclatement de la Bulle, en 2008, avec son dynamisme, son brillant, mais aussi ses excès comme la folie immobilière, évoquée lors de la visite de la maison. Dès son entrée, le récit a également la bonne idée de pointer qu’il ne concernera qu’un type très restreint de prostitution, et avant tout un parcours individuel, sans discours à portée générale sur ce sujet souvent sordide. Surtout Secret Diary of a Call Girl nous propose un saisissant panorama de ses qualités. La mise en scène se montre aussi mobile que plaisamment sophistiquée, mettant aussi bien en valeur le ressenti des personnages que les magnifiques vues de Londres. La bande son est à l’avenant, somptueuse et contemporaine. L’humour crépite sans faiblir, à l’unisson du charme et de la jeunesse du duo vedette. A ses côtés, Stéphanie se voit déjà implantée en maîtresse femme, à la fois rude et d’un esprit redoutablement vif. Sa manière, sans avoir d’y toucher, d’inciter Belle à relever le gant témoigne déjà de la compréhension et de l’intérêt qu’elle porte à celle-ci. Cherie Lunghi est épatante. Malgré toute cette mise en place, effectuée au sein d’un format court, l’épisode parvient à narrer une intrigue certes très courte, mais précieuse car synthétisant le propos général de la série, comme lors de l’ouverture d’un opéra : les choix de Belle la condamnant in fine à la solitude. Le client parlant à l’oreille des chevaux (Equus n’est pas loin) apporte une excentricité très anglaise, tandis que les autres pratiques sexuelles présentées en cours de saison n’auront rien d’intrinsèquement britanniques. Mais la grande réussite de l’opus reste en définitive Hannah/Belle elle-même adorable, drôle et émouvante, d’une humanité transperçant l’écran. La fabuleuse Billie Piper aura su choisir le rôle idéal pour négocier l’après Rose Tyler, à la fois si proche (même caractère de battante et même origine sociale) et si différente. Le récit met particulièrement en exergue la spécificité de l’adresse au public via le Quatrième Mur, permettant à l’actrice de jouer de tous les ressorts de son beau talent. Les dialogues, tous finement ciselés, nous montrent déjà une Belle passionnante, en apparence ne celant rien mais ne soufflant mot de ses sentiments les plus intimes. Un épisode parfait, donnant infailliblement envie de découvrir la suite.
2. LA VIE EST UN ROMAN Scénario : Lucy Prebble Réalisation : Yann Demange l know that man from somewhere. Have to go through my mental Rolodex of everyone l’ve ever slept with… This could take a while. Belle est ravie de participer à une des plus prestigieuses soirées adultes du pays pour son rendez-vous avec un client. Mais elle déchante quand ce dernier lui interdit par contrat de flirter (et plus si affinités) avec quelqu’un d’autre, car il est excité à l’idée de voir hommes et femmes la désirer tout en ne pouvant la toucher. La déception est d’autant plus grande que Belle croise là-bas une de ses idoles, l’écrivain Jay Lorre… La critique de Clément Diaz: L’épisode souffre de se segmenter en deux parties distinctes n’ayant rien à voir l’une avec l’autre. La première partie recèle de bons moments d’humour par sa description pittoresque d’une soirée très privée, et du dilemme de Belle, piégée entre désirs personnels et professionnalisme exigé. Mais l’épisode préfère se promener dans le club plutôt que de développer l’humour de la situation initiale. Le virage de la seconde partie sert uniquement de prétexte à nous présenter (trop vite) la famille de Belle. On se console avec le talent décidément estomaquant de Yann Demange dont la caméra esthétise au plus haut point les décors. Et bien sûr Belle, Belle, Belle qui nous amuse en banalisant comiquement les situations les plus étranges, mais nous émeut aussi lorsque son visage s’empreint de gravité en pensant aux sacrifices de son métier. Le scénario très minimaliste de Lucy Prebble bride l’humour, Belle ne faisant que discuter sobrement avec son idole ou se promener d’un air morne dans les différentes salles. La description du club est divertissante mais reste à la surface. Alors que les scènes sexuelles ne seront jamais l’élément le plus important de la série, il est révélateur que ce sont les préliminaires muy caliente de la scène de triolisme qui resteront comme la scène ressortant le plus de l’épisode (avec toujours cette caméra à distance parfaite entre voyeurisme et pudeur). Depuis longtemps, la télévision a dépeint les artistes comme des tarés écorchés vifs aux obsessions délirantes – sexe compris – cela correspond à une image fantasmée (bien que pas tout à fait fausse) aujourd’hui de mise dans l’imaginaire collectif. On est donc pas étonné de trouver un écrivain sérieux dans un lieu chaud bouillant accompagné d’une belle blonde très « ouverte d’esprit ». Jay Lorre, incarné avec mystère et malice par Jamie Sives, donne un peu de piment à ses scènes avec Billie, par ailleurs franchement drôle avec sa perruque lui donnant un côté « vilaine fille » pas du tout crédible. Le rebondissement final est aussi drôle qu'ironique. La deuxième partie avec la famille de Belle souffre d’un contraste trop tranché avec le segment précédent. N’ayant aucun relief, papa, maman, soeurette, et neveu passent très vite, et on remarque seulement que la magie de l’épisode précédent entre Ben et Belle n’était pas un accident, notre duo se montrant joliment fusionnel. Avant une coda sereine, une ombre passe dans les grands yeux de Belle, lorsqu’elle contemple ce à quoi elle renonce : relation personnelle épanouie, maternité, solitude permanente, cachotteries à sa famille... Un regret à l’origine de sa quête de l’âme sœur et de la conciliation de sa double identité. La gamme d’émotions sur laquelle joue Billie Piper apparaît déjà grande, et elle aura l’occasion de montrer qu’elle est en réalité encore plus vaste. Et toujours cette caméra couvant amoureusement des yeux une Belle alanguie sur un siège de voiture… La critique d'Estuaire44 : Cet épisode vaut par la description vacharde d'une soirée profondément ennuyeuse, on l'on se rend finalement davantage par snobisme que par esprit égrillard. Le sexe aussi peut devenir terne quand il n'est que représentation. L’effet est accentué par la personnalité du client du jour, qui, sans être inquiétant ou agressif, ne constitue pas moins un facheux de la plus belle eau. On que cette série dans l'air du temps vilipende en définitive bien davantage le milieu branchouille que le cadre familial traditionnel, c'est assez audacieux vis à vis de ce que l'on pourrait considérer comme étant son public. Encore une formidable composition de Billie Piper, d'emblée très naturelle et crédible dans un personnage pourtant casse-gueule. Alors que Belle affirmait dans le pilote pourvoir tout gérer, on ressent dès maintenant qu'Hannah va être à la peine avec les tiraillements qu'implique la vie qu'elle s'est choisie. L’épisode aurait pu encore gagner en se montrant moins déséquilibré entre ses deux parties, la découverte de la party se délaye quelque peu, tandis que l’on aurait aimé approfondir la découverte de la famille. Le petit vaudeville avec l’écrivain semble certes amusant mais demeure assez gratuit.
3. L'OISEAU DE NUIT Scénario : Julie Gearey Réalisation : Yann Demange One orgasm down, ten hours to go. Belle a rendez-vous avec Ash, un de ses clients réguliers pour qui elle a une grande affection. Ce dernier aime la « girlfriend experience », dans laquelle l’escort, pendant toute la nuit, joue le rôle d’une petite amie parfaite et romantique (avec parties de jambes en l’air du même métal) ; ce qui est un des services favoris de Belle. Mais la nuit est longue, Ash s’endort rapidement, et Belle commence à s’ennuyer… La critique de Clément Diaz: Aussi (faussement) légère que peut être une série, chaque épisode doit contenir un enjeu et un suspense. L’épisode précédent souffrait d’une segmentation des intrigues mais instillait au moins un suspense quant au dilemme de Belle. Rien de tel ici dans un scénario sans tenants et aboutissants, avec en plus une nouvelle segmentation d’intrigues. L’épisode convainc par son toujours juste traitement de thèmes sexuels, et l’exposition de facettes moins sympathiques de Belle. Notre héroïne a ses défauts, mais a l’honnêteté de ne pas chercher à les masquer. La réalisation de Demange (un peu moins inspirée), et l’interprétation, demeurent, elles, au top niveau. De fait, l’ennui de Belle est ironiquement communicatif car une fois Ash endormi, l’épisode n’a déjà plus rien à raconter. Voir Belle en professeur d’université nous énumérer les sujets à ne pas mentionner pendant le rendez-vous arrache quelques sourires, mais c’est bien tout. L’incartade avec le client imprévu n’y change rien, aussi pauvre en humour qu’étirée en longueur. La coda est tout aussi pâle avec ces plans gratuitement voyeuristes de Belle prenant sa douche. Demange n’est pas au meilleur de sa forme lors des scènes sexuelles, qu’il filme plus académiquement (et grassement) ; mais il l’est dans les autres scènes, avec ces larges plans du Londres nocturne, et son apologie continuelle de la sensualité de Billie Piper, à faire hurler le loup de Tex Avery dans sa robe rouge. L’épisode trouve un second souffle par son exploration de la psyché sexuelle. Aussi obsédés les hommes soient-ils, ils ne souhaitent qu’au fond trouver une petite amie très romantique, avec qui le sexe serait un ravissement sensuel et ardent de chaque instant ; d’où cette idée d’une relation certes tarifée mais à l’apparence sentimentale, selon Belle, en plein boom. Ash, incarné avec beaucoup de sympathie par Ace Bhatti, en est l’incarnation. Le fait qu’il soit marié rappelle en passant que les prostituées n’ont pas à faire de jugements moraux sur leurs clients (faute de quoi, elles fermeraient boutique) mais aussi la peine que l’alchimie sentimentale et sexuelle des débuts se fane par le temps et la routine, lorsqu’un mariage ressemble de plus en plus à une colocation. Quant au deuxième client, il est élevé comme tant d’hommes dans le culte opprimant de la performance – à tous les sens du terme – Alpha male sûr de lui, il ne semble vivre que pour une autorité fatigante à maintenir. La série traitera un sujet similaire en saison 4. Belle gênée par ses directives, et par son endurance... inhabituelle ouvre un voile sur la psyché féminine, pas forcément friande des parties de jambes en l’air s’éternisant (cliché véhiculé entre autres par la pornographie). Belle devra d’ailleurs recourir à un désopilant tour dans son sac pour hâter la fin des (d)ébats. Pour la deuxième fois consécutive, Belle lance un coup de canif dans le contrat d’exclusivité avec son client juste parce qu’elle s’ennuie. Belle avoue d’elle-même est qu’elle est une mauvaise petite amie en temps normal, ce que Ben avait dit dans le pilote sans qu’elle s’en offusque. Sa vénalité prend plus d’importance, exprimant haut et fort son goût de l’argent facile et de la paresse. Dans son milieu où les relations sont corrompues par les billets, Belle est condamnée à être seule. Aussi une relation plus affective avec un client régulier lui tennant d'ersatz sentimental a-t-elle son importance pour elle – une clé de l'épisode 5. C'est là la Hannah emprisonnée dans sa solitude qui s'exprime derrière Belle... la voir passer de bons moments de complicité platonique avec le maître d’hôtel est dans le même registre. La série confirme sa maîtrise formelle et thématique, mais doit encore trouver ses marques narratives. Cela ne va heureusement plus tarder. La critique d'Estuaire44 : L’épisode continue à nous dévoiler les divers aspects du métier d’escort girl de haut vol, avec une Belle nous entraînant cette fois dans le « service de nuit » particulièrement rémunérateur, mais nous faisant aussi découvrir la relation (relativement) plus intime qu’à l’ordinaire existant avec un client régulier. Tout ceci présente un certain charme, grâce à un Ashok bien dessiné et interprété avec sensibilité par Ace Bhatti (le futur Haresh Chandra de The Sarah Jane Adventures, ce qui établit déjà un lien détourné mais amusant avec le Whoniverse). Toutefois, malgré une mise en scène une nouvelle fois raffinée, l’ensemble manque de surprise et d’intensité. L’impression d’une routine prédomine. Le va et vient avec le deuxième client apporte du piment (et un gag final bien corsé), mais l’épisode passe néanmoins à côté de son véritable sujet, la description du monde à part que constitue un place la nuit, avec ses aspects parfois étonnamment poétiques ou insolites. Cet aspect se voit abordé lors des scènes entre Belle et le réceptionniste, à l’agréable complicité, mais demeurant trop succinctes. Le récit manque également du moteur que représente le relationnel entre Belle et Ben, déjà si porteur en ce début de série.
4. FAIS-MOI MAL… Scénario : Lucy Prebble Réalisation : Yann Demange You don't mind, do you ? My slave is not allowed to clothes indoors. Oh, no, I'm used to it. Pour faire plaisir à son comptable qui a des fantasmes sadomasochistes, Belle fait la connaissance de Sirona, une dominatrice qui lui apprend quelques rudiments du métier. Belle s’occupe alors de préparer la séance, mais son esprit est troublé par le fait que Ben a attendu un mois et demi avant de lui annoncer ses fiançailles avec sa petite amie… La critique de Clément Diaz: En se focalisant sur une seule histoire, les auteurs gagnent en densité et en cohérence, dénotant une prise d’assurance par rapport aux épisodes précédents qui versaient trop dans l’anecdotique. Prebble a de plus l’idée inattendue de s’emparer d’un thème que l’on pourrait imaginer comique (apprentissage catastrophique des codes du S&M) et de l’utiliser pour décrire la psychologie tourmentée de Belle. Démarrant dans l’humour avec une description aussi juste que désopilante du S&M, aux règles très exotiques pour les béotiens, l’épisode finit par instiller le malaise dès lors que cette expérience met au jour ce qu’il révèle de Belle. L’épisode se focalise sur une vision certes simplifiée mais justement exacte de la relation dominant-dominé. Si le S&M et son implication d’une soumission vécue comme le plaisir fascine le succès de Cinquante nuances de Grey le confirme l’on est ici dans une vision radicalement différente de la vision fantasmagorique du grand public (et de miss E.L.James) : au contraire, le S&M est avant tout une relation psychologique. Le plaisir du dominé de lâcher prise, de cesser d’avoir le contrôle, est en soi plus fort que les humiliations qu’il consent (la série reprendra un thème similaire en saison 4). A l’inverse, le dominateur prend davantage plaisir à donner des ordres, à satisfaire son partenaire, que de lui donner des coups de cravache. Ce jeu sexuel demande toutefois un sérieux et une force morale spécifiques. Applaudissements pour Sally Dexter, qui délivre les répliques les plus directes et les plus émouvantes (si, si) avec entrain et sans hystérie. Elle fait transparaître la bonté de Sirona derrière son rôle. Toute la scène d’apprentissage est franchement comique, avec des instantanés aussi frappants que surréalistes, opposés à la violence du film emblématique du sadomasochisme : Maîtresse de Barbet Schroeder. Mais lorsque Belle se métamorphose en Maîtresse, tout se grippe. Elle reçoit de plein fouet la contradiction de sa double identité : si Belle est une « control freak » autoritaire, Hannah est quelqu’un de si sensible à la douleur celle de son âme divisée qu’elle a du mal à la pratiquer elle-même, même si consentie. Ainsi, son crescendo de malaise (ennui, perte d’inspiration, interruption du jeu, manque de confiance…) culmine lorsqu’elle laisse ses émotions personnelles prendre le dessus lors d’une explosion de violence laissant nos deux compères totalement sonnés : lui à cause de la douleur, elle parce qu’elle s’est avancée trop loin dans un rôle qui n’est pas le sien. Cette séquence est bien plus sombre que comique, et son ton est très audacieux. Le déchaînement de Belle vient de sa colère contre Ben qu’elle accuse d’avoir caché ses fiançailles, mais elle-même cache sa double vie. Si sa colère est compréhensible, Ben pointe son hypocrisie, sentant qu’elle lui cache bien des choses. Nouvelle contradiction issue de sa dualité : Hannah souhaite ne rien cacher à l’être qu’elle chérit le plus, mais Belle lui impose silence. Sa décision finale est ainsi une volonté de briser ce carcan. C’est une victoire pour la jeune femme, mais elle paiera le prix de ne pas avoir persisté dans cette direction, au lieu d’accorder trop de place à Belle au détriment d'Hannah. On peut se demander si Hannah est peinée à l’idée de « partager » plus Ben avec sa fiancée, de la crainte de perdre une amitié fusionnelle si vitale pour elle. Quoiqu’il en soit, une pointe d’amertume perturbe la réconciliation de fin. La critique d'Estuaire44 : L'un des grands épisodes de la saison 1, le SM aura rarement été abordé aussi crûment dans une série télé (Californication ou The L Word), on a parcouru du chemin depuis Emma Peel en Queen of Sins ! Le sujet est particulièrement risqué, mais l'épisode s'en tire bien grâce au personnage de la Maîtresse finalement très sympa, sonnant très juste et ne se limitant pas aux représentations. Grâce à l'humour aussi, le moment où Belle reste seule avec le soumis est l'un de ceux de la série m'ayant fait le plus rire. C'est un peu Spike se retrouvant seul avec Joyce en fin de saison 2 de Buffy, ces atroces moments de gêne où l'on ne trouve rien à dire. Belle est adorable jusque dans ses erreurs, c'est tellement évident pour nous que tout cet univers ne lui correspond pas du tout. Mais on aime Belle aussi pour sa recherche parfois maladroite du bonheur, cela trouve toujours un écho en nous. L'histoire indique aussi déjà une tension autour de Ben. Dans cette série où la protagoniste ne nous cache rien de rien de sa vie, où elle s'adresse souvent à nous directement, l'auteure parvient encore à placer un niveau de discours supplémentaire : Belle en exprimant souvent davantage précisément par ce qu'elle ne dit pas. C'est très fort.
5. JAMAIS DEUX SANS TROIS Scénario : Nicole Taylor Réalisation : Susan Tully (créditée comme « Sue Tully ») So Ashok. What's he like ? He's sweet, quite handsome, athletic, clever, kind of geeky, gentle, very polite, and he always smells nice. Hum, in fact, I was actually wondering whether he prefers anal or vanilla. Ash, le « régulier » de Belle (cf. épisode 3), souhaiterait une partie à trois. Belle fait donc au préalable la connaissance de Naomi, l’autre escort qui se joindra à eux. Hannah est cependant préoccupée par l’attitude distante de Ben depuis qu’elle lui a révélé sa double vie… La critique de Clément Diaz:
Avec cet épisode richement dialogué, la série trouve l’équilibre entre histoires principale et secondaire, comédie et drame. Nicole Taylor convainc autant dans le drame du mur de glace entre Belle et Ben que dans l’humour souriant du « threesome ». L’excellente Beth Cordingly campe une Naomi aussi sensuelle que haute en couleurs. Sa relation avec Belle instille une complicité que l’on pressent rare dans ce milieu, ce que l’héroïne apprécie. Cela ne rend que plus cruel le twist final. Sue Tully prend la succession du surdoué Yann Demange et sans égaler tout à fait sa maestria, se montre à la hauteur, filmant avec la même affection l’héroïne, et rendant excitant les scènes de lit. Plus extravertie que l’héroïne, Naomi offre un contrepoint pimenté à l’énergie tranquille de Belle. Leur duo scintille joyeusement entre conversations sexuelles amusantes, différences ludiques dans leurs « préparations », jeux de comparaisons… de fait, ces scènes prennent une teinte Sex and the city (ou Ally McBeal dans ses moments les plus allumés) dans cette vivante complicité entre femmes. On mentionne la dénonciation de l’hypocrisie de certains féministes, la série aimant à rappeler qu’une femme faisant ce qu’elle souhaite de son corps a la fibre féministe, escort-girls volontaires inclus. On apprécie fort ces scènes d’amitié où Belle brise le cadre étouffant de sa vie chargée. Le coup de poignard final fait a contrario ressortir la douleur de sa solitude, son besoin de repères et d’affection, choses que son rôle de « whore » lui interdit. Elle se situe à l’opposé de Naomi qui se protège d’une telle schizophrénie en ne se voyant que comme Naomi-la-prostituée là où Belle se présente à elle sous son vrai nom. Le méchant twist final fulmine contre la versatilité masculine, mais c'est la pitié qui l’emporte en voyant les rares repères d'Hannah anéantis par les aléas de sa vie de call-girl. C’est émouvant sans pathos. Les esthètes apprécieront la plus grande générosité des actrices qui nous dévoilent davantage leurs corps. Beth Cordingly s’impose comme une des guests les plus mémorables de la série. Que penseriez-vous si votre ex et meilleure amie vous révélait qu’elle est une prostituée ? C’est la situation de Ben, obligé de voir un repère important de sa vie sous un autre jour. Il doit faire face à l’épreuve difficile de l’amitié demandant d’accepter tous les côtés de l’ami. Plus que la colère ou la tristesse, c’est l’incompréhension qui domine Ben. Durant l’épisode, il cherche à concilier son attachement à Hannah à un métier que la morale actuelle stigmatise. L’épisode montre via un personnage pourtant très ouvert, le regard souvent condescendant jeté à celles pratiquant le plus vieux métier du monde. Un des buts de la série consiste d’ailleurs en une déculpabilisation de cette profession. Malgré la saveur amère de l’épisode, c’est pour une fois une coda lumineuse avec une Billie Piper et un Iddo Goldberg rayonnants, qui termine cette histoire très aboutie. La critique d'Estuaire44 : Il y a peut-être un petit côté Formula show / catalogue qui s'installe après le précédent opus, chacun étant dédié à un service spécial proposé par Belle. Mais c'est très efficacement contrebalancé par le fil rouge de la relation avec Ben. La tonalité de leur relation sonne très juste et apporte toute une dimension supplémentaire. La continuité de la gestion de la révélation par Ben apporte déjà une dimension feuilletonnante, que le programme saura par la suite parfaitement maîtriser. Le récit met davantage au second plan la prestation du jour qu’au cours des opus précédents, au profit du portrait de Belle, un choix judicieux. On aime également beaucoup celui-ci pour la bourrasque Naomi, une belle rencontre en image miroir même si fatalement fugace. On pressent d'emblée que le gratin du plus vieux métier du monde est un univers hyper concurrentiel, où les amitiés sont rares. Beth Cordingly marquait déjà l'écran dans l'hilarante et gorissime Dead Set. Naomi donne une idée de ce qu'aurait pu devenir Bambi, la future padawan de Belle : de l'audace, l'arrivisme à tout crin, et une approche ultra décontractée de son métier. Belle émotion lors de la réconciliation entre Ben et Hannah, ce qui est sans doute plus important pour Belle, et pour nous, que la cruelle déception du jour.
6. LE SENS DES VALEURS Scénario : Katie Douglas Réalisation : Sue Tully Believe it or not, working here isn't exactly my life's ambition. Well, I'm kind of between ambitions at the moment. Après une mauvaise critique d’un client et une confrontation avec un autre client potentiellement dangereux, Belle décide sur les conseils de Ben d’arrêter de travailler quelques jours et de rencontrer des « gens normaux ». Elle fait alors la connaissance d’un mystérieux inconnu… La critique de Clément Diaz: Évidemment, cet épisode vaut le coup d’œil pour le guesting étonnement prémonitoire de Matt Smith, le futur Onzième Docteur de Doctor Who, rencontrant celle qui fut Rose Tyler dans un univers parallèle (au sens propre ?). Cette collision spatio-tempoelle entre le passé et le futur de cette immortelle série de science-fiction a fait beaucoup parler d’elle depuis. Mais l’épisode est de lui-même intéressant à suivre pour sa description toujours plus sombre d’une société pressurisée, stressée, rongée par un temps fuyant à toute allure, pour une vision moins aseptisée du métier d’escort de luxe, et un dessin toujours plus dramatique d’Hannah, contaminée par l’hypersexualisation de son double. Tous ces sombres panoramas sont étudiés sous le prisme d’un humour souriant et léger, marque de fabrique des dramedies dont Secret Diary est un avatar. L’épisode pointe l'effacement de plus en plus prononcé d’Hannah par rapport à son double. La rencontre avec Tim (Matt Smith) vaut son pesant comique de cacahuètes lorsqu’il ne veut pas partir de chez Belle qui doit recourir à une ruse de sioux pour qu’il décampe (super numéro de Iddo Goldberg en dur à cuire). Les airs catastrophés de Belle et ceux décalés de Tim font rire immanquablement. Mais derrière se pointe une Hannah qui ne peut plus voir ses rapports avec les hommes que sexualisés. Qu’Hannah couche avec un inconnu quelques heures après l’avoir rencontré montre à quel point elle est incapable de sortir l’univers sexualisé dans lequel Belle évolue. On remarquera qu’à l’exception de ses petits amis, Tim restera le seul homme à avoir couché avec elle sans débourser un penny. Après coup, il est logique qu’un tel exploit soit le fait non d’un humain, mais d’un Timelord… Lorsque Belle revient dans « le monde réel », elle est confrontée à la course anxiogène et inhumaine de ses contemporains contre le temps, unique denrée échappant au contrôle des humains. Les saynètes sur ce thème font sourire individuellement, mais collectivement, elles dressent le portrait d’une société trop rapide pour le bien-être des hommes, exigeant d’eux une réussite et une efficacité parfaites en permanence, intolérante au repos et à l’échec. L’épisode appuie d’ailleurs sur ce thème en montrant les call-girls comme devant se montrer performantes sans exception : un seul client insatisfait, et votre clientèle volatile prend le large. La réaction de Stéphanie en profitant pour refourguer les clients les moins recommandables aux filles ayant « déçu » est glaçante. Ce faisant, l’épisode n’est pas sans évoquer les thèmes développés par ce chef-d’œuvre qu’est A stop at Willoughby de la Twilight Zone. L’on voit le glamour de la prostitution de luxe bien fêlé, où les agents peuvent délaisser la sécurité de leurs employées par profit et où des clients agressifs peuvent se glisser parmi l’ordinaire des filles. Lewis donne une menace d’autant plus forte que ses fantasmes ne sont pas révélés, laissant au spectateur le soin de se demander ce qu’il mijotait (excellent Kevin Doyle, futur Joseph Molesley de Downton Abbey). Cela nous vaut une belle flambée de révolte de Belle contre Stéphanie qui s’humanise lorsqu’elle se rend compte de sa dérive (fantastique Cherie Lunghi). Un épisode amusant, cachant à peine son permanent pessimisme. La critique d'Estuaire44 :
Avec le recul, la participation de Matt Smith revêt évidemment une étrangeté à la Twilight Zone. J'ai trouvé très surprenant la reconversion professionnelle de Rose dans son univers parallèle. Et puis Eleven la joue gros sournois sur ce coup-là, tout de même. Le meilleur reste les dialogues prenant aussi un amusant double sens (le Doc entre deux aventures, ou se plaignant des gadgets électroniques absurdes, présents par tiroirs entiers dans le TARDIS, etc.). Rose se désole de ce qu’elle a à offrir à Eleven comme petit déjeuner, mais avec les goûts culinaires particuliers de ce dernier, cela devrait bien se passer. L’arrivée de Ben, c’est carrément Rory : 1, Eleven : 0. Bon, bref, tout ce passage demeure étonnant, aurait-on voulu le faire exprès que l’on n’aurait pas fait mieux. Par ailleurs l’intrigue a le mérite d’introduire une mini crise rompant avec les allures de Formula Show que revêtait cette première saison. Le monde de Belle prend soudain une tonalité bien dure, entre l’individu inquiétant ou ces jugements sur les filles évoquant la foire à bestiaux, derrière la branchitude du site internet. Décidément la série ne dore pas autant la pilule sur la prostitution que ce qu’affirment ses contempteurs. On apprécie l’ironie de ces cotations de filles aussi soudainement haussières ou baissières que celles des valeurs sur les marchés (on n’ose dire les bourses) de la City. Le charme de l’Angleterre post Thatcherienne. J’ai adoré la force du portrait de Stéphanie, s’insérant parfaitement dans le contexte. On aime quand une série parvient à rendre à peu près sympathique un personnage ayant tout pour être antipathique, c’est à peu près le cas pour elle, malgré tout. Sa relation avec Belle reste l’une des forces du programme. Le récit se montre cinglant en montrant Belle s’enferrer dans son univers après sa simili tentative de s'en extirper. Derrière son énergie et ses sourires, elle est beaucoup plus désocialisée qu’elle ne veut bien l’admettre, c’est déjà inquiétant pour la suite. Son seul contact avec le monde extérieur demeure Ben (et non sa famille). Celui-ci résout la crise, non en la sortant du ruisseau comme le ferait traditionnellement le héros, mais en l’y replongeant par son message d’apparence sympathique mais qui sonne en fait comme une porte qui se referme. Une double nature rendant cette conclusion en fait très sombre.
7. ÉQUATION PARFAITE Scénario : Julie Gearey Réalisation : Sue Tully What do you think you bring to a client's expérience ? Twelve inches. Belle reçoit la demande de Kate et Liam, couple marié depuis 15 ans, qui souhaiterait une partie à quatre où chacun aurait une relation avec un escort du sexe opposé. Ben se porte volontaire pour assister Hannah, mais elle commence par refuser, car il n’est pas un « professionnel ». Elle finit toutefois par prendre le risque… La critique de Clément Diaz: Julie Gearey désacralise le fantasme de l’échangisme en professionnel par une succession de gags autour des codes à respecter, des préjugés des néophytes, et des aléas des rencontres. Elle fait coup triple en centrant l’épisode sur Ben, ce qui permet outre un développement du personnage, une autre exploration dramatique du fossé entre les mondes d’Hannah et de Belle, et une vision du monde de la série par un œil extérieur. Une tactique de scénariste toujours payante par le regard décapant qu’il offre alors sur cet univers. Depuis quelques épisodes, l’on sentait une crise entre Ben et sa fiancée, avec la préparation d’un mariage s’assimilant de plus en plus à une corvée. Que Ben cherche un dérivatif à l’angoisse par une parenthèse de liberté en dit long sur sa déroute actuelle. Il est tout aussi intéressant de voir Belle faire preuve d’un sérieux manque de professionnalisme en improvisant Ben escort boy, au risque de couler sa réputation. Toujours écartelée entre ses deux identités, l’on voit que Belle tente d’amener un peu du monde d’Hannah en y introduisant son élément le plus fort : l’ami fusionnel. Comme on s’y attendait, la vie d’escort boy convient aussi bien à Ben que le S&M à Belle. Un gros voyant rouge s’allume lorsque Belle est confrontée à la possibilité de franchir le Rubicon avec Ben. Le lapsus révélateur de ce dernier, persistant à ne voir qu’Hannah en son amie lui donne la force d’écarter la tentation, mais le malaise demeure à la fin : Belle aurait-elle pu succomber ? Coucher avec Ben lui permettrait-il de fusionner ces deux identités ? Le pouvoir souvent effrayant par sa démesure du sexe, aux conséquences imprévisibles, constitue l’une des caractéristiques de la série. A côté de cette alerte aiguë, l’épisode nous régale avec Belle en Pygmalion transformant Ben en toy boy : tenues, viagra, accessoires, règles de bienséance… tout y passe. Voir Ben ployer sous les poids de tous ces rudiments et paraître convaincant (gros blancs hilarants avec le couple client, qui lui-même a l’air de se demander ce qu’il fabrique là) renvoie un miroir à Belle regardant d’un œil effaré les codes du SM. Tout l’univers de la série passe à la moulinette alors que Ben (et le spectateur par extension) voit ses illusions tomber une à une : faire l'amour "en professionnel" demeure bien une technique longue et difficile à apprendre. L’auteure se montre joliment irrévérencieuse en s’attaquant au concept de virilité et de performance, Ben ne cessant de se demander s’il va être assez « mâle » pour assurer le spectacle, et surtout en dépeignant Belle et Kate comme étant vraiment celles dirigeant la séance. Outre que la scène est encore une fois filmée avec une science consommée de l’érotisme le plus brûlant (mille bravos à Sue Tully), elle contient un mémorable rebondissement, un des plus hilarants de la série. Une bouffée d’optimisme saisit aussi la scénariste par sa peinture tendre et lumineuse de ce couple qui malgré le temps et la routine, s’aime toujours aussi fortement (étreinte somptueusement filmée) et ressort de la soirée plus uni que jamais. Il est audacieux, même avec l’évolution des mœurs, de montrer que pimenter sa sexualité peut faire du bien à un couple du moment que la confiance est de mise on se situe dans le rigoureux inverse de Californication, série plus explicite mais paradoxalement plus prude au fond d’elle-même La morale finale termine cependant l’épisode sur une ombre, sur la différence entre technique sexuelle et intimité sexuelle. Un épisode qui réussit à suivre toutes ses pistes. La critique d'Estuaire44 : Après la crise (et la rencontre au frontières du réel) que développait l’épisode précédent, celui-ci renoue malheureusement avec la tonalité de Formula Show de cette saison, où chaque récit donne lieu à la mise en scène d’une pratique sexuelle différente, même si toujours pimentée. Le thème du jour sera donc l’échangisme, avec une mise en œuvre inégale. Le couple de clients est sympathique et résulte excellemment interprété, comme si souvent dans ce programme. Toutefois le fait qu’il préfère faire l’amour finalement ensemble détonne. Non seulement cela tombe trop à pic pour empêcher que la situation devienne incontrôlable entre Ben et Belle. Mais cela édulcore aussi sensiblement la présentation de la pratique, ce que à quoi la série ne nous avait pas habitué. Pour la première fois on reste avec la désagréable impression que Secret Diary n’assume pas totalement son propos (l’échangisme est rarement romantique), contrairement par exemple à l’épisode SM. L’épisode se rattrape amplement en développant de manière très aboutie la relation entre Ben et Hannah, le précieux fil rouge empêchant la saison de virer au catalogue London by Night 2007. On apprécie vivement que Ben ne se limite pas à la simple posture du confident ou plus généralement à sa relation avec Hannah. Le récit développe ses sentiments, écartelés entre son mariage et la nostalgie que lui inspire sa relation passée. L’épisode demeure ambivalent sur ce qui le pousse à mener combat pour obtenir le job (superbe scène de duel lors du simili entretien d’embauche) : s’agit-il vraiment de comprendre la vie de Belle, ou de s’offrir un voyage dans le temps, l’espace d’une soirée ? Sans doute se persuade-t-il que la première option est la véritable, avant de découvrir que la seconde prévaut, sans doute en s’en étonnant. Belle semble davantage se maîtriser, avec toujours une primauté entière de son travail, jusqu’à refuser ce à quoi elle aspire. Ben peut sembler plus faible vis-à-vis de ses désirs, mais au moins se débat-il contre le carcan dans lequel tous deux se sont enfermés. Sous l’apparence d’une soirée réussie et d’un lien amical affirmé, c’est bien l’amertume qui sourd chez Ben, tandis qu'Hannah se sacrifie une nouvelle fois à Belle. Les lendemains ne chantent guère. A côté de cette relation décidément contrariée, l’épisode apporte une nouvelle démonstration de la maîtrise technique et artistique de la série. La bande son apparaît parfaitement choisie, de même que la photographie est parfaitement travaillée. La mise en scène se montre comme souvent à la fois pudique et évocatrice, avec un superbe emploi du suggéré. L’humour se voit également utilisé avec finesse, déminant tout moment pouvant devenir scabreux (le sabre laser). Les auteurs savent ne pas en faire trop, en ne tirant pas sur la corde facile d’éventuelles gaffes d’un Ben débutant, qui aurait tiré l’opus vers un vaudeville hors sujet. Certains détails sonnent justes, comme Ben acceptant l’argent sans barguigner, ou Belle maîtrisant les débats avec un professionnalisme sans failles.
8. L’ART DE VIVRE Scénario : Lucy Prebble Réalisation : Sue Tully Asking your ex-boyfriend to take photos of you in your underwear so rich strangers can decide whether they want to pay to have sex with you... that's right, isn't it ? Grâce à Mitchell, un client multimillionnaire, Belle accède enfin à la catégorie ultime des escort-girls : les courtisanes. Belle est d’abord heureuse, mais le tableau idyllique de sa nouvelle situation commence peu à peu à se fissurer. Parallèlement, la relation entre Ben et Vanessa devient de plus en plus critique… La critique de Clément Diaz: Lucy Prebble instaure ce qui va être l’architecture de chacun des finales : une première moitié accumulant les gags, une deuxième moitié accumulant la noirceur. Ce contraste va donner à chaque finale un ton pessimiste après une dernière bouffée festive. A ce titre, on rit comme des bossus quand Belle rame pour se faire accepter du gratin du gratin de sa profession. Avec une force impressionnante, l’épisode décrit ensuite le revers cinglant de ce doux rêve s’achevant sur une coda qui se veut lumineuse mais qui ne dupe personne quant à son amertume. La première partie aligne les rires en continu avec le concours d’entrée à l’agence de Belle, un grand moment d’exécution publique où notre chère escort collectionne gaffes, bévues, et boulettes sous l’œil indissolublement inexpressif de ses examinatrices. Entre deux éclats, l’on se rend compte que davantage encore que celui des escorts de luxe, le milieu des courtisanes est encore plus select et rigide, et demande un ego surdimensionné (portrait au vitriol des trois examinatrices). Si Belle a de la « classe », elle est cependant distancée devant le credo de raffinement de ce métier où le sexe ne tient qu’une part mineure. Belle, par son isolement et son expérience, n’a jamais été qu’une femme qui vendait ses faveurs. Son acceptation tient donc du miracle, mais va se révéler être un cadeau empoisonné. On aime beaucoup la séance de photos où Belle nous expose les règles logiques des poses avec une précision si maniaque qu’on ne peut s’empêcher de se serrer les côtes. La démission joyeuse de Belle de l’agence de Stéphanie nous amuse aussi par la manière qu’a Stéphanie de conserver l’initiative : rien qu’avec un body language polaire, elle fait chuter l’euphorie de Belle à zéro. Cherie Lunghi maîtrise parfaitement son jeu, et l’on regrette vraiment qu’elle reste sous-employée. Les services des courtisanes sont utilisés pour marquer la réussite sociale de leurs fortunés clients. Le culte de la performance régulièrement éclaboussé d’acide dans la série l’orgueil d’être entouré de jolies femmes, est une réalité de tous les jours pour eux. Mais elles doivent la plupart du temps jouer un peu valorisant rôle de « Sois-belle et tais-toi ». Cette abdication (consentie !) du féminisme le plus élémentaire est montrée sans aucune pitié, tout comme le machisme ambiant des clients : Mitchell apprécie sincèrement Belle, mais la traite très mal. Par les compétences requises (polylinguisme, culture, distinction, physique...), on attend de ces femmes de jouer la petite amie modèle. Et l’héroïne se montre incapable de jouer ce rôle, son tempérament fougueux et sa soif d’indépendance butent contre la suppression de son autonomie. Simplement escort, Belle maintenait dominance et vie aventureuse ; elle ne récolte là que soumission et ennui. Rarement les rêves de luxe n’auront été aussi pervers. Ce pan de l’histoire bout d’une indicible fureur. Pendant ce temps, Ben s’enferre de plus en plus dans un mariage qu’il souhaite de moins en moins. A force de descendre dans les abysses, nos deux amis s’y croisent, et cela aboutit à ce déballage de printemps, douloureux, mais nécessaire pour qu’ils se réveillent. La coda célèbre certes le triomphe de leurs indépendances retrouvées, mais au prix de leurs rêves les plus chers. Mais surtout, il est visible que l’attachement entre Belle et Ben n’est platonique qu’en surface, tant l’on sent, par un geste affectueux, des regards troublants, qu’un sentiment plus profond est à l’œuvre, avec complications dramatiques à prévoir. L’on est donc pas dupe de ce faux happy end. Au terme de cette saison, Secret Diary a démontré une remarquable puissance dramatique pour un format court. Elle va par la suite gagner en puissance en osant des atours plus feuilletonnants, et un humour plus délirant. La critique d'Estuaire44 :
En à peine 25 minutes, ce finale parvient à brillamment remplir le contrat d'une ambitieuse conclusion de saison, élargissant l'univers de la série et questionnant le destin individuel des protagonistes. Un bel exploit, d'autant que la forme s'avère également performante grâce au recours à un humour incisif souvent irrésistible, évoquant les meilleurs moments de Sex and the City. La satire sociale se fait une nouvelle fois entendre, avec cette course au succès professionnel ne connaissant jamais de terme, véritable miroir aux alouettes contemporain de nos civilisations libérales et individualistes. On constate ainsi que même Belle a encore une étape à franchir et que celle-ci consiste ni plus ni moins qu'à accéder au statut traditionnel d'épouse, certes mieux payée mais plus facilement répudiable. Un joli retour à la case départ, la voyant devenir volontairement ce qu'elle a toujours refusé d’être, tout un triomphe. Le récit se montre joliment rosse envers sa sympathique protagoniste, toujours émouvante dans sa quête maladroite mais opiniâtre du bonheur. Après avoir passé au grill de l’entretien d’embauche ses collègues masculins lors de l’opus précédent, la voici passant sous les mêmes fourches caudines, devenues encore plus vachardes. Au total, un bide dont il faudra attendre l’ultime saison de Californication, et la mémorable séance de casting de Levon pour en dénicher l’équivalent. Il est caractéristique que Belle préfère s’enthousiasmer de son succès miracle, au lieu de ressasser l’entretien pour se demander si tout ceci correspond vraiment à sa personnalité et quelle est la part du succès revenant à son puissant protecteur. Celle qui reste certainement lucide là-dessus, mais qui se garde bien d’en souffler mot à une Belle qu’elle connaît par cœur, c’est bien Stéphanie, outre son flegme d’airain sur lequel vient se briser net la crânerie d’une jouvencelle encore trop friable pour se mesurer à son mentor. On apprend toujours mieux de ses erreurs, et Stéphanie saura toujours privilégier enseignement à la dure de sa padawan, car la profession l’est. On ne croit heureusement pas un seul instant que la série va renoncer à un personnage aussi enthousiasmant, mais la scène reste ciselée à la perfection. Il n’y a pas jusqu’à l’Écosse qui ne soit submergée par la gouaille en roue libre du récit, avec une pensée pour David Tennant. Billie Piper trouve un partenaire de choix avec Colin Salmon, aussi classieux que dans les 007, et parfait en incarnation du mâle protecteur, in fine dominateur. En définitive, il en ressort que, davantage encore que l’argent ou la reconnaissance sociale, c’est bien l’adrénaline et la sensation de liberté qui cadenassent Belle à son existence aventureuse, en marge de la société. On aime que Belle ait le sursaut de lucidité lui permettant de s’extraire de l’ornière du jour, mais seulement pour en revenir à la situation première (plus 40%). Les liens l’attachant à ce travail, qui se confond décidément dangereusement avec sa vie, résultent assez forts pour le faire échapper à un paradis artificiel, mais se perçoivent déjà comme un piège l’empêchant également de s’en sortir vers le haut. Ce que confirme hélas l'opportunité non saisie d’un Ben désormais lui aussi libéré de son mirage. Une conclusion brillantissime pour cette saison, à la mise en scène toujours aussi élégante, avec la méprise dramatiquement prometteuse d’une héroïne confondant liberté et retour à ses anciennes chaînes.
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