Le Hobbit : la Désolation de Smaug (2013) Résumé : Poursuivant leur quête, les Nains et Bilbon croisent la route des Elfes Sylvains, affrontent moult dangers avant de parvenir enfin à Erebor. Mais, le plus grand des dangers y vit toujours et sa volonté de garder son trésor est grande, sa haine des Nains profonde. Critique : Avec ce deuxième volet, l’action ne cesse plus, la tension monte et c’est un crescendo magistralement réalisé que nous offre Peter Jackson. Peut-être plus encore mis en avant, Martin Freeman nous régale en montant en gamme avec, en chef-d’œuvre, sa confrontation avec Smaug. Le réalisateur sait nous faire patienter en retardant la survenue du monstre sans temps morts. La première scène passée (simple rappel pour les ceux qui auraient oublié le premier opus), le spectateur est tout de suite plongé dans l’action : les ouargues sont sur les chevilles de nos héros qui trouvent une chaumière disons accueillante. C’est à ce moment que le scénario opère une rupture majeure : Gandalf quitte la compagnie pour une autre mission. Résumons-la tout de suite car c’est un arc mineur du récit. Le magicien se rend à Dol Guldur pour y confronter l’abomination qui y réside. Cela nous donne l’occasion de revoir brièvement Radagast qui ne sert toujours pas à grand-chose mais Sylvester McCoy est tellement à l’aise avec son rôle que c’est un plaisir coupable que de revoir le magicien frappé. L’architecte de Dol Guldur devait être un dément mégalomaniaque doublé d’un dépressif suicidaire car l’on entre plus avant dans cet antre d’horreur. La répugnance suinte des murs et la lumière morte qui baigne des ruines qui ne le sont pas donne des frissons. La lutte de Gandalf contre le Nécromancien, lequel se présente sous forme de ténèbres mouvantes, est un moment effrayant et le cri final de Gandalf résonne encore. Ce passage, que le montage présente en courtes mais intenses pastilles, entre dans le projet de « prologue » au Seigneur des Anneaux. Il n’a pas une utilité immédiate mais, outre qu’il instille de vrais moments de terreur (jusqu’au réveil de Smaug évidemment), il est à la fois clin d’œil aux fans et préparation à la première trilogie en montrant les ressorts du plan patient du « Nécromancien ». Cette relative mise à l’écart de Sir Ian McKellen a pour vertu de donner plus de place à Martin Freeman qui devient résolument le héros de ce film. L’acteur accompagne l’évolution de son personnage avec talent. Bilbon n’est plus un casanier petit-bourgeois. Il a du courage mais, une brève scène quand il doit tuer un monstre, nous montre un visage qui s’est durci. Pourquoi ne pas avoir fui ? Parce que le monstre l’empêchait de récupérer l’Anneau. La traversée de la « Forêt Noire » (un nom un peu cliché) réserve son lot d’émotions ! Maléfique, la forêt ensorcelle ses visiteurs pour les perdre. Le rythme qui se ralentit et l’image qui devient grise donnent à voir les hallucinations qui piègent nos héros avant que ce ne soient des araignées géantes qui le fassent ! Et dire que Peter Jackson est arachnophobe ! Qu’est-ce que cela aurait donné s’il ne l’avait pas été !! C’est de l’horreur renforcée par les atroces bruits de claquements de pattes et de mâchoires et autres bruits de succions ! De quoi cauchemarder durant des nuits entières ! C’est aussi à ce moment que surviennent les Elfes Sylvains conduits par Legolas (Orlando Bloom retrouve son rôle avec classe et n’a rien perdu de son élégance) et Tauriel (entrée en scène très réussie d’Evangeline Lilly) qui capturent tout ce beau monde (sauf Bilbon devenu invisible). Notons avec humour que Le Hobbit c’est un peu un guide des geôles de la Terre du Milieu ! Grâce à l’habileté de Bilbon, les Nains pourront s’enfuir dans une séquence d’un grand comique pleine d’allant et avec de l’action sans arrêt et une certaine fantaisie. Le réalisateur joue avec habileté sur plusieurs gammes de sentiments pour enrichir ce passage. Il ajoute un brin de romance entre le Nain Kili et l’Elfe Tauriel rendu très convainquant et par le jeu tout en retenu des acteurs mais aussi Peter Jackson ajoute du drame avec cette blessure gravissime infligée au même Kili et qui poussera Tauriel à faire un choix. Une autre rencontre, celle de Bard, marchand maniant bien l’arc, permet aux Nains d’arriver à Lacville, sympathique cité lacustre non loin d’Erebor. A l’image de son Maître, auquel Stephen Fry prête ses traits, c’est une Venise de bois pourrissant, dont on a aucun mal à croire qu’elle sent le poisson et la vermine. En seigneur décati, méfiant, méprisant envers ses sujets, ventripotent, alcoolique et vénal ; bref, en barbon décadent, Stephen Fry est diablement convainquant ! Il opère un contraste très réussi avec Bard incarné par Luke Evans. Celui-ci est solaire, courageux, moral sinon droit. Lui voit clairement le péril si les Nains réussissent leur entreprise mais que peut la raison contre le discours plein de gloriole et d’espèces sonnantes et trébuchantes promises par Thorin qui a parfaitement saisi à qui il avait affaire. Schématique peut-être mais efficace. La recherche de la porte d’Erebor est le dernier moment d’émotion du film mais comment ne pas le ressentir devant ces réfugiés qui peuvent enfin rentrer chez eux même s’ils craignent que le tyran qui les en a chassé ne soit toujours là ? Bilbon est alors envoyé chercher l’Arken Stone (« pierre d’angle » soit pierre angulaire). Elle symbolise la clé de voûte (cf. la scène d’entrée dans Erebor). C’est la preuve de l’achèvement, du couronnement. La pierre taillée est symbole de connaissance. C’est aussi le cœur de la montagne et le cœur de Thorin « Roi sous la montagne ». Il y a un côté un peu absurde dans cette quête puisque Bilbon doit trouver « une grosse pierre banche » au milieu d’un trésor gigantesque ! La salle du trésor est presque un classique dans son architecture mais cela n’en reste pas moins époustouflant. Tout Erebor que nous parcourrons peu après est à la fois monumentale, superbe mais aussi, et c’est plus rare dans ces constructions fantasmagoriques, il est davantage possible d’imaginer que l’on ait pu y vivre et, mieux encore, que l’on puisse y vivre à nouveau. Un grand classique aussi du récit d’aventure : tout trésor a son gardien et, dans ce domaine, on n’a pas fait mieux qu’un dragon ! Smaug est absolument magnifique. C’est une des plus belles réalisations techniques que l’on ait pu faire. Le meilleur dans cette superbe horreur, c’est son visage qui exprime toute la malignité de la créature. En VF, le susurrement de la bête en rajoute dans l’impressionnant. Son discours est fielleux et ironique ; celui d’un être puissant qui a parfaitement conscience de sa force et ne doute ni d’elle ni du temps qu’il peut prendre car rien ne presse. La conversation entre Bilbon et Smaug est un moment surréaliste par la politesse courtoise qu’elle prend malgré le fait que l’apprenti voleur avoue crûment qu’il sait parfaitement qu’elle ne le sauvera pas. C’est typiquement la fausse conversation pendant laquelle chacun des interlocuteurs tente de doubler l’autre. On voit ainsi que les deux personnages ne cessent de bouger. L’action reprend ensuite ses droits avec une fascinante et pleine de tension partie de cache-cache entre les Nains venus rejoindre Bilbon et Smaug qui crache sa haine de Thorin et de son peuple. C’est une suite de séquences extrêmement dynamiques très variées et qui ne permettent pas de s’ennuyer. « Qui a vécu par le glaive périra par le glaive » proclamait l’Evangéliste Mathieu (Mt 26,52) et on a l’impression que Smaug va mourir de son exécrable soif de l’or (Auri sacra fames ! écrivait Virgile) mais c’eut été bien mal connaître le monstre ! Dès lors, c’est un épouvantable frisson glacé qui nous parcourt en entendant Smaug susurrer en volant vers Lacville : « Je suis le feu. Je suis la Mort ». Anecdotes :
|
Le Hobbit : La Bataille des Cinq Armées (2014) Résumé : Les Nains ont reconquis Erebor mais la montagne est une source de convoitise pour trop de monde. Critique : Troisième volet, ce film à la lourde charge de conclure le chapitre du « Hobbit » tout en laissant ouvert celui du « Seigneur des Anneaux ». S’il dispose de forts beaux moments de bravoure, il ne manque pas non plus de longueurs mais l’émotion qui est plus nettement présente ici ajoute une plus-value non négligeable. Avec ce volet, il apparaît clairement que « Le Hobbit » est une œuvre d’initiation : la légèreté de l’enfance pour le premier opus , les épreuves dans le second, la maturité dans le troisième. L’ouverture du film est la conclusion du précédent : Smaug, déverse sa colère et ses flammes sur Lacville. Tout ce passage est remarquablement équilibré puisqu’à la tragédie de la ville ruinée viennent faire contrepoids des saynètes mi- sérieuses mi- comiques (évasion de Bard et surtout la fuite et même la mort du Maître). La confrontation de Bard et de Smaug est un moment très fort car le silence concentré de l’homme qui fait appel à tout son courage répond aux persiflages sarcastiques et méchants du dragon. Benedict Cumberbach, qui donne son expression à Smaug, a réussi à donner une cruauté mauvaise à la bête, à la fois fascinante et répugnante. Bard parviendra à tuer le dragon (dont l’agonie est spectaculaire). Cette fois, il n’y a plus de dragon en Terre du Milieu. Le temps du merveilleux s’achève. Conquérir un royaume est une chose. Devenir roi en est une autre. On se souvient de la prédiction sinistre du dragon concernant Thorin. La bête est morte mais pas le venin ; sa malfaisance a imprégné le trésor d’Erebor et il est effrayant de constater la transformation de Thorin en tyran. Richard Armitage a le regard habité d’une froide lueur dorée. L’acteur donne magistralement à voir l’ivresse de puissance qui a saisi le Nain. Quand il parle du trésor, il a des accents qui font penser au dragon. Cette ivresse isole Thorin et met à mal la solidarité de la compagnie. Mais le pire reste à venir : contre toute humanité ou respect de la parole donnée, les portes d’Erebor restent closes quand les habitants de Lacville viennent demander de l’aide. Les hommes mais aussi les Elfes car Thranduil convoite des gemmes sous la montagne. La fierté ombrageuse de Thorin scelle l’alliance des Hommes et des Elfes. Tous sont sur le pied de guerre. La guerre est une maladie contagieuse. Voici qu’une armée naine vient aider Thorin ! Mais le pire c’est que le véritable ennemi, lui, ne tarde pas à se découvrir. Libéré de Dol Guldur par Elrond, Saroumane et Galadriel (qui semble très attachée au magicien) au terme d’une bataille très énergique contre les « Hommes mortels promis au trépas » selon les paroles du poème concernant les anneaux, Gandalf a averti Thranduil et Bard. Bilbon va essayer de sauver la situation en remettant l’Arken Stone à Bard pour qu’il la propose à Thorin contre la paix. En vain. De toute façon, une troisième armée arrive à Erebor ; les orques. Notons que les Nains s’alignent spontanément contre eux alors que les Elfes paraissent passifs. Ils vont pourtant se battre eux aussi. Peter Jackson réussit magistralement sa bataille, pas de doute là-dessus. Ce qui pêche cependant c’est sa longueur. Ce n’est pas parce que l’œil est sans cesse sollicité qu’il se passe réellement quelque chose. Erebor reste close mais, au terme d’une crise personnelle intense (rendue très vive par des effets tournoyants et par l’ombre du dragon sur le sol doré), Thorin jette sa couronne et reconquiert sa royauté. Le cor d’Erebor résonne ; les Nains se jettent dans la bataille. L’effet est héroïque par l’engagement des acteurs, filmés en frontal mais ce ne sont que treize Nains ! C’est néanmoins un moment décisif car Thorin vise Azog. Priver une armée de son chef a toujours été une bonne option. Surtout qu’une quatrième armée est sur le point de survenir ! Legolas et Tauriel sont venus (après quelques scènes sans intérêts) en avertir tout le monde. Ils seront plus utiles dans la bataille. Orlando Bloom est toujours impeccable dans son rôle. Engagé, l’acteur montre un Legolas plus sérieux qu’il ne le deviendra dans Le Seigneur des Anneaux. Globalement, l’humour n’est pas la caractéristique première des Elfes ! Physiquement, il donne de sa personne et assure avec crédibilité. Evangeline Lilly reste très convaincante. Cependant, le film commet un contre-sens avec elle. Alors que, dans l’opus précédent, elle nous a été présenté comme une indépendante courageuse et compétente, ici, elle doit deux fois sa survie à des hommes (plus exactement, un Nain et un Elfe) ! Bonjour le féminisme ! Pour le coup, Galadriel était plus efficace ! Autre souci ; la bataille (qui passe à cinq armées quand les aigles et les ours menés par Radagast se jettent dans la mêlée à leur tour) devient une série de duels. Cette personnification diminue l’intensité du combat et transforme la lutte stratégique en un règlement de comptes. Dommage même si Richard Armitage est plus que grandiose dans son interprétation. Là aussi, si le rythme ne faiblit pas, l’intérêt est plus difficile à maintenir. L’émotion prend heureusement le relais. A la guerre les gens meurent avait énoncé avec une froideur sinistre Thorin. Certes, mais ce n’est pas pour cela que chaque mort n’en est pas moins douloureuse. Une première séquence avait eu lieu quand Galadriel avait secouru Gandalf. A Dale, c’est Kili qui périt et Tauriel est désarçonnée par la violence de ce qu’elle ressent. Plus tôt dans le film, le Nain avait osé déclarer sa flamme à la belle Elfe. Qu’elle ait ressenti quelque chose est évident même en ne disant rien ; ses actes parlent pour elle et Evangeline Lilly donne une profondeur émotionnelle à son personnage. De même, la mort de Thorin dans les bras de Bilbon ne manque pas de panache. La détresse de Bilbon nous est pleinement communiquée par Martin Freeman. Un peu mis en retrait, l’acteur a su user de son talent dans chaque scène qu’il a eu à jouer. Le final joue sur plusieurs tableaux. L’émotion des adieux entre Bilbon et les Nains. La grande sympathie entre Bilbon et Gandalf accompagnée de la mise en garde de ce dernier concernant l’usage d’un « anneau de pouvoir ». L’humour quand Bilbon voit sa maison pillée pour une vente aux enchères puisqu’il est présumé mort ayant disparu depuis treize mois ! La toute dernière scène fait écho à la toute première du premier film et rejoint le début de La Communauté de l’anneau. La boucle est bouclée. Anecdotes :
|