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Journal intime d'une call girl

Présentation 


Journal intime d’une call-girl (Secret diary of a call-girl en VO) est une dramedy britannique en 4 saisons et 32 épisodes de 22 minutes. Créée en 2007 par Lucy Prebble sur une idée de Paul Duane, et librement adaptée des livres de l’escort-girl Belle de Jour. Elle fut diffusée sur le réseau ITV2 jusqu’en 2011, date de son annulation.

La série raconte le quotidien d’Hannah Baxter (Billie Piper), jeune londonienne qui gagne sa vie en tant que call-girl de luxe, sous le pseudonyme de Belle de Jour. Elle a une maquerelle, elle-même ancienne prostituée, du nom de Stephanie (Cherie Lunghi). Stephanie dirige d’une main de fer dans un gant de velours une entreprise de « filles » dont Belle fait partie. Elles sont les seules à savoir ce qu’elle fait, car Belle a caché à sa famille et à son entourage son métier, prétextant être « assistante juridique ». La personne qu’elle aime le plus au monde est Ben, son ex et meilleur ami (Iddo Goldberg). Bien qu’épanouie dans son métier, la jeune femme tente non sans mal de garder séparés sa double identité : Hannah la femme, Belle l’escort-girl.

Contrairement aux apparences, cette série aux accents érotiques est bien loin de se résumer à des histoires sexuelles racontées sur un ton comique. Ce n’est d’ailleurs que son prétexte, son vrai sujet est une étude de la psyché humaine, tant dans le domaine sexuel que social et psychique via le portrait d’une héroïne à la double identité ; ainsi qu’une description peu commune de la prostitution de luxe, basée sur les mémoires d’une ancienne escort-girl. Pour nous préparer à cette série, avatar réussi de l’art de la dramedy (série humoristique en surface mais dramatique en-dessous), nous allons étudier quelle est son origine, quelle est sa position vis-à-vis de l’historique en matière de sexualité à la télévision, et ses différents niveaux de lecture.

I. A l’origine…

II. Le sexe dans les séries

            a) Premières tentatives

            b) Érotisation dans les années 70 et 80

            c) Le tournant des années 90 : le sexe comme élément moteur de séries

            d) La sexualité dans les séries contemporaines

III. Présentation de la série

            1) Premiers niveaux de lecture

            2) Sexe et humour : un mélange explosif

            3) Une modernisation de la tragédie antique Hellénique

            4) Une étude sombre de la société contemporaine

            5) Controverses…

            6) Pour conclure

I. A l’origine…

2003 : Une doctorante anglaise de 28 ans d’origine américaine commence à écrire sa thèse de science forensique. Née dans une famille très modeste, elle doit trouver du travail pour financer elle-même ses études. Mais ce qu’elle trouve est assez mal payé, et ne résout pas ses difficultés matérielles.

Un jour, par l’intermédiaire d’un ami, elle rencontre un couple avec qui elle sympathise. Ce couple mène une sexualité très libre, et demande parfois à des partenaires de les rejoindre pendant leurs ébats. La jeune femme accepte de rentrer dans leurs jeux sexuels, tout en se faisant payer. C’est le déclic, elle décide de travailler en tant que call-girl à Londres, métier rémunérateur qui lui permettrait de se concentrer sans trop de soucis sur sa thèse. Elle prend le pseudonyme de Belle de Jour, d’après le célèbre film de Luis Buñuel de 1967 avec Catherine Deneuve. Elle dissimulera sa véritable identité six années durant.

Fascinée par ce milieu, et amusée de certaines rencontres, elle décide de raconter à partir du mois d’octobre de la même année ses expériences avec ses clients sur un blog : Belle de Jour : Diary of a London call girl. Sa plume enlevée et vive, ses récits crus parfumés à un humour irrésistible, et aux fulgurances poétiques, lui valent un succès rapide et considérable sur la Toile. Elle transforme l’essai en 2005 et 2006 en écrivant trois livres plus détaillés sur sa vie aventureuse qui sont des best-sellers immédiats. Devant le succès, beaucoup de personnes cherchent à savoir qui est cette mystérieuse femme. Son expérience dura 14 mois.

Bien sûr, toute réputation qui se construit suscite obligatoirement des controverses. Le ton léger de ses écrits fit qu’on l’accusa de rendre glamour le milieu de la prostitution. Ce à quoi elle répondit que contrairement à certains collègues, elle a eu de la chance avec ses clients, et n’eut jamais d’expérience traumatisante. Elle déclara ouvertement aimer le sexe, et qu’elle n’avait pas honte de cette parenthèse dans sa vie, un choix tout à fait conscient de sa part. Son souci le plus lourd à porter fut de cacher ses « occupations » à ses proches et à sa famille.

15 novembre 2009 : Coup de théâtre. La scientifique Brooke Magnanti dévoile au Sunday Times qu’elle est Belle de Jour. Elle explique qu’à peine ouvert son blog, un de ses amis perça à jour son identité, mais garda le secret. Mais en 2009, des journalistes devinèrent le pot-aux-roses grâce à un client indiscret. L’ami devina leurs intentions et prévint Belle qui décida de prendre les devants. Malgré le voile désormais levé sur son mystère, Brooke Magnanti continue de jouir d’une certaine réputation. Elle est respectée en tant que scientifique, et est mariée.

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Brooke Magnanti, la véritable Belle de Jour

II. Le sexe dans les séries

N.B. Cette longue partie est une tentative d'historique de la représentation de la sexualité à la télévision. Assez longue, elle n'est pas indispensable pour comprendre la série. L'on peut passer directement à la 3e partie, consacrée à la série elle-même.

Le sexe est un sujet qui mit énormément de temps à être accepté sur le petit écran, il est lié à la représentation de la femme. Les premières séries étant destinées à un public familial (et cela est toujours le cas dans certains pays comme la France), le sexe est un sujet tabou, de surcroît dans la société corsetée des baby-boomers.

a) Premières tentatives

En 1963, Sydney Newman, co-créateur de Chapeau melon et bottes de cuir, doit faire face au départ d’un de ses deux acteurs principaux. Il a alors l’idée révolutionnaire d’engager pour nouveau partenaire de John Steed une femme qui serait le prototype de la femme moderne : libre, indépendante des hommes, qui soit son égale (voire même supérieure) sur le plan intellectuel, et qui n’aurait avec lui que des rapports strictement professionnels. Honor Blackman sera l’heureuse interprète du Dr.Catherine Gale, une pionnière du mouvement féministe qui va agiter le monde des années 60. Ses tenues de cuir très moulantes, son tempérament dominateur, et une tension sexuelle frétillante avec son partenaire masculin, donnent un sous-texte relevant du fétichisme sexuel ; osé pour l’époque. Cette audace paye et fera décoller la popularité de la série. Essai transformé par Emma Peel - notamment dans le cultissime Club de l’Enfer.

La tentative des Avengers demeure toutefois isolée à propos du sexe, mais aura de grandes conséquences : les années 60 vont désormais faire intervenir des femmes au fort sex appeal dans des tenues légères ; à ce moment-là, le sommet de l’érotisme.

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John Steed (Patrick Macnee) et Cathy Gale (Honor Blackman) : Leather is sexy

La société évolue, la libération sexuelle emporte tout sur son passage, mais la télévision reste en arrière. En la matière, la France restera bloquée à cet étage, trop soucieuse du « public familial ». Heureusement, tempora mutantur, le succès - bien que modeste - de la percutante Hard de Cathy Verney, sur une veuve héritant d’une entreprise pornographique, est on l’espère annonciatrice d’un sursaut.

b) Érotisation dans les années 1970 et 1980

Si la sitcom révolutionnaire The Mary Tyler Moore show au début des années 70 frappa le public américain par certains thèmes dans la vie privée d’une femme (oui une femme peut être plus active, plus frivole qu’un homme, et choisit de coucher pour coucher, d’avoir une relation à long terme, ou quelque chose entre les deux), un nouveau bond se fait en 1976 quand Ivan Goff et Ben Roberts créent Drôles de Dames, première série à centrer son intérêt sur la plastique avantageuse de ses héroïnes. Le succès de cette entreprise va inciter les producteurs à injecter plus d’érotisation dans leurs séries. Avec raison : Alerte à Malibu sera ainsi la série la plus regardée de tous les temps.

Un big bang se produit en 1987. Après trois années d’une tension sexuelle explosive et frénétique encore inégalée à ce jour, Maddie Hayes (Cybill Shepherd) et David Addison (Bruce Willis), héros de la série Clair de Lune, s’abandonnent à leur passion physique. Alors que la série est pourtant cotée tous publics, le créateur Glenn Gordon Caron a l’idée géniale d’imaginer une scène passionnée pulvérisant tout sur son passage, à rebours des représentations soft des timides tentatives précédentes. Bien qu’aucune partie taboue ne soit montrée, c’est le déclic. Désormais, les séries futures seront peu scrupuleuses à insérer des scènes d’amour plus ou moins réalistes, comblant peu à peu le retard pris sur le cinéma.

c) Le tournant des années 90 : le sexe comme élément moteur de séries

Les années 90 constituent la matrice des séries qui cette fois parlent du sexe. En particulier les séries pour adolescents, qui en font un élément non négligeable (Dawson, Hartley cœur à vif…), l’éveil de la sexualité étant une étape-clé dans cette période de la vie. Cependant, six séries vont vraiment révolutionner le genre. Aussi curieux que cela puisse paraître, ce sont en majorité des sitcoms, genre jusqu’alors familial et tous publics. Mais la révolution de l’écriture télévisuelle des années 80 va totalement changer la donne. Les sitcoms, genre qui trouve aussi son intérêt comme une description de la société (américaine ici) et de l’évolution des mœurs, vont être le porte-flambeau d’une nouvelle approche, plus libérée, de la sexualité. Certains épisodes sur le sujet sont même devenu cultes comme le célébrissime The Contest écrit par Larry David ; cet épisode de la sitcom Seinfeld sur le thème de l’onanisme tant masculin que féminin fut un tel succès qu’il est aujourd’hui un classique de la télévision américaine à lui tout seul.

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L’épisode The Contest écrit par Larry David (photo), est souvent crédité
pour avoir permis de parler plus librement de sexualité à la télévision.

La première est la punchy Mariés, deux enfants de Ron Leavitt et Michael G. Moye (1987) qui parle très franchement de sexe, de ses pratiques, alors même qu’il s’agit d’une sitcom « familiale » (quoique la valeur « famille » est dans cette série régulièrement ventilée façon puzzle). Sans être son axe principal, une grande partie de son humour repose sur ses dialogues souvent verts.

La deuxième est la percutante Roseanne, créée par Matt Williams en 1988. Durant neuf saisons, la sitcom va grâce à son succès se permettre de parler de tout, mais absolument de tous les sujets les plus polémiques qui soient, et le sexe tient bonne place : homosexualité tant masculine que féminine (Roseanne fut une série-phare pour les homosexuels, surtout les lesbiennes), bisexualité, mariage gay et adoption, recherche de l’identité sexuelle, menstruations, contraception, avortement, masturbation, sexualité adolescente, féminisme (bien sûr !)… Avec un tel programme, cette série a fait énormément pour l’évolution des mœurs sexuelles. De même, le couple lesbien Willow-Tara de Buffy contre les vampires a également incité plusieurs personnes auparavant honteuses à faire leur coming-out.

La troisième est l’insolente Dream on (1990), créée par Marta Kauffman et David Crane (créateurs 4 ans plus tard de Friends). Son héros ne peut s’empêcher de courir derrière chaque jupon. Les aventures allumées de Martin Tupper, et une représentation visuelle plus osée de la sexualité (première série à oser des scènes de nu) sont très novateurs, tout comme l’usage plus important de vocabulaire grossier. La réponse du côté féminin a lieu en 1995 grâce à la sitcom Cybill (1995) créée par Chuck Lorre. Cybill Shepherd, six ans après Clair de Lune, mène cette série culottée dont l’un des points forts est une description suggérée mais sans tabou de la sexualité féminine. Prouvant entre parenthèses que l’actrice a décidément beaucoup fait pour la représentation de la sexualité à la télévision ! CBS sera même tellement embarrassé par le ton très libre de la série qu’elle l’annulera abruptement sur un cliffhanger.

Sex and the city, créée par Darren Star en 1998, est une nouvelle étape :  la sexualité est pour la première fois l’axe principal d’une série. Le quatuor central de jeunes femmes représentant chacune une facette de la femme moderne (la fleur bleue, la croqueuse, la cynique, l’idéaliste) connaît des aventures sexuelles racontées sur un ton léger, n’excluant pas quelques moments plus dramatiques. Formellement, son ton frais et souriant est un succès. Sur le fond, c’est un échec, elle n’ouvre aucune fenêtre sur la sexualité et le désir, et rate totalement son ambition. Elle eut toutefois le mérite d’influencer bien des séries ultérieures sur la représentation de la sexualité, en particulier la très acide Girls de Lena Dunham qui en reprend certains thèmes en les mâtinant d’un féminisme plus militant et exacerbé (quoique souvent lourd).

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Les quatre héroïnes de Sex and the city, première série centrée sur la sexualité.

Cependant, la première série à faire de la sexualité un sujet central tout en en parlant avec pertinence et réalisme (et avec un humour brillamment virtuose) est britannique : il s’agit de la sitcom Six Sexy (Coupling en VO), créée en 2000 par le génial Steven Moffat qui se révèle être fin observateur des comportements amoureux et sexuels humains ; un point que l’on retrouve bien qu’avec plus de dramatisme dans Secret Diary of a call-girl. Nous parlons bien sûr de la série originale et non de son calamiteux remake américain.

d) La sexualité dans les séries contemporaines

Au début du XXIe siècle, on assiste à une véritable floraison du genre. De nouvelles séries explorent différentes manières d’inclure le sexe :

- Il peut être un pamphlet : la trashissime Nip/tuck de Ryan Murphy se sert entre autres du sexe pour traquer les pulsions les moins avouables des hommes. L’amoralité provocante des scènes sexuelles crûment filmées (échangisme, transsexualité…) est une vraie secousse sismique. Californication de Tom Kapinos est à ranger aussi dans cette catégorie : dialogues sur orbite, scènes explicites, le sexe est joyeux et délirant, mais est aussi une addiction broyant ses personnages. Certainement la série « sexuelle » la plus déjantée.

- L’exploration d’une communauté, comme les LGBT. La série anglaise Queer as folk de Russell T.Davies (futur créateur du reboot de Doctor Who) plus tard adaptée en Amérique, se penche sur une jeune communauté de gays. Elle est assez dérangeante de par ses thèmes abordés et son regard décapant. La version lesbienne, plus soft, sera The L Word d’Ilène Chaiken. Dans un registre plus chaste, mais aussi plus troublant, la Transparent de Jill Soloway brosse (entre autres qualités) un panorama assez complet des différentes sexualités, en y incluant les transgenres.

- La pédagogie historique : La piquante Masters of sex de Michelle Ashford raconte les travaux des docteurs William Masters et Virginia Johnson, qui dans les années 50, chamboulèrent à jamais les conceptions que nous avions du désir, de l’amour et du sexe (avec de belles découvertes du côté féminin en particulier). Aujourd’hui, les travaux de ces docteurs servent de base aux connaissances modernes liées à la sexualité.

- L’Histoire : où le sang est lié au sexe. Ainsi, Borgia, Spartacus : Blood and sand, Rome… le dépeignent comme un instrument de pouvoir, de corruption, voire d’oppression (surtout dans le cas de viols). Dans une moindre mesure, la fantasy, comme l’adaptation de la saga Game of Thrones, suit les mêmes traces, etc.

La série la plus réaliste, aux scènes les plus crues sans être pornographique, est certainement Tell me you love me de Cynthia Mort. L’hyperréalisme des scènes « chaudes » est telle qu’elle fit polémique, public et critiques pensant que les scènes n’étaient point simulées malgré les démentis des acteurs et de la production. Mais cette série est loin de se réduire à ces scènes car elle est avant tout une sorte de documentaire sur le Couple à part entière. Les scènes sexuelles deviennent des radiographies de l’état des couples (sexualité désespérée, passionnée, heureuse, sans lendemain…). Jamais le moyen ne s’était autant fondu avec le fond. Cette brève série de 10 épisodes est clairement à réhabiliter et est le sommet dans le genre, à égalité avec la série qui nous intéresse : Secret diary of a call-girl.

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Les trois couples de Tell me you love me, fiction sur le thème du couple,
renommée pour ses scènes sexuelles très explicites radiographiant l’état des couples.

III. Présentation de la série

Une partie du casting de la saison 3 : David Dawson, Ashley Madekwe, Billie Piper, Iddo Goldberg

1) Premiers niveaux de lecture

Le premier niveau de lecture de la série (et aussi le plus superficiel) est une illustration des livres de Belle de Jour. Les aventures sexuelles de l’héroïne sont tirées directement de ses expériences. Sur ce point, on ne peut qu’être impressionné par la représentation de la sexualité à l’écran. Les scènes sont merveilleusement filmées, l’érotisme des scènes sexuelles est enchanteur et excitant - somptueuse photographie, chaude et colorée - sans verser dans la vulgarité, et sont très souvent mâtinés d’humour déjanté. Il y’a dans ces scènes une grande beauté esthétique, magnifiée par la plastique mémorable de l’interprète principale. C’est incontestablement une des œuvres visuelles les plus abouties sur ce plan. En raison de l’érotisme de la série, elle est déconseillée aux moins de 16 ans (18 au Royaume-Uni).

Le ton de la série est très documentaire, la caméra suit une Belle brisant le 4e mur pour s’adresser au spectateur, face caméra, et l’initier au trouble univers des escorts. Cette complicité avec le public, et ce côté descriptif, sont des atouts précieux de la série qui dézingue au passage quelques stéréotypes sur le milieu de la prostitution (de luxe), ici vue d’une manière très décomplexée.

Billie Piper est l’interprète idéale de Belle. D’une sensualité exacerbée, féminine jusqu’au bout des ongles, arborant des maquillages et une garde-robe luxueuse et affriolante, elle est un spectacle à elle toute seule. Elle est surtout une talentueuse actrice, aussi à l’aise dans les scènes « chaudes » que dans les scènes de comédie et d’émotion, où elle rayonne de vie et d’intensité à chaque image. Le reste du casting est en général de très haute volée, notamment Iddo Goldberg, brillant dans le rôle difficile du « meilleur ami ».

Mais Lucy Prebble va montrer tout le potentiel que l’on peut tirer d’un pitch certes visuellement alléchant mais limité. Les scénaristes vont en effet s’intéresser autant à Hannah, la femme, qu’à Belle, la prostituée. Le grand thème de la série sera davantage le conflit entre les deux personnalités de l’héroïne que sa sexualité. L’idée-mère de la série devient donc finalement secondaire en regard du potentiel dramatique et psychologique du thème imaginé de toutes pièces par les créateurs de la série. Un choix couronné de succès, le pan romantique de la série se révélera très abouti. 

2) Sexe et humour : un mélange explosif

La série se distingue par un humour ravageur, 100% british, à la fois cynique et burlesque. En effet, la personnalité exubérante de Belle permet souvent des scènes très décalées. Les divers clients de l’héroïne se distinguent tous par des manies, des fantasmes, des fétichismes souvent joyeusement absurdes, mais pourtant tirés de faits réels. Cela rappelle qu’en matière de sexe, le cerveau humain est capable des mises en scènes les plus givrées ! Certains personnages sont des tornades comiques à eux tout seuls (la délirante Bambi), et certaines situations tirent franchement vers le vaudeville. Les dialogues sont crus et enlevés, on rit vraiment beaucoup.

 

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3) Une modernisation de la tragédie antique Hellénique

Secret Diary s’impose d’emblée comme une relecture du genre de la tragédie grecque : son héroïne, immensément sympathique, est dans un conflit insoluble entre ces deux personnalités : la femme sensible qui cherche l’amour, et la prostituée de luxe. Une double vie qui donne naissance à son fatum, son mauvais destin, qui sera semé de désillusions, de rencontres malheureuses, de déceptions amoureuses, qui iront crescendo jusqu’à un final bouleversant de noirceur et de chagrin. Cette avancée inexorable vers la catastrophe est magnifiquement racontée, alors même que le ton de la série demeure d’un comique insolent. C’est une des séries qui reflète le plus le genre de la dramedy : hilarant en surface, tragique en-dessous. Chaque personnage porte sa croix, et la série, très rarement, leur donne la chance de la déposer. L’apparente frivolité des situations, l’aseptisation du monde de la série - qui ne quitte jamais le milieu du luxe et les classes élevées -  ne sont que des leurres. La série ouvre ainsi des fenêtres sur des dilemmes éthiques et sociaux.

4) Une étude sombre de la société contemporaine

La série passe également du particulier au général par son étude sociologique de la City, suivant l’hypersexualisation de notre société moderne. Son ton quant aux relations humaines est implacablement pessimiste. L’exacerbation des sens et de l'appétit sexuel constituent des pendants au dérèglement et à la frénésie du monde financier souvent évoqué de la série. Ce point a toutefois été atténué (ou du moins est désormais plus discret) depuis la crise financière de 2008 où l'étalage des plaisirs, de la déliquescence des moeurs, du fric tout-puissant, a été plus mise en sourdine, donnant à la série un cachet documentaire sur la vie de la City d'avant la crise.

Malgré la « hotitude » et l’humour des situations, la série montre la misère sexuelle et sentimentale de nombreuses personnes, la difficulté terrible de communiquer sans malentendus entre les hommes et les femmes, qui se réfugient dans des fantasmes illusoires face à une vie oppressante. L’aspect cynique de la haute société n’est pas épargné, et l’on croit entendre Ken Loach, celui de It’s a free world ! dans l’évocation des fossés entre les classes sociales.

5) Controverses

Le sujet audacieux de la série (une escort girl de luxe faisant ce métier par plaisir, vision inédite de la prostitution) ne fut pas sans grincer des dents. Elle fut notamment la critique des féministes qui considéraient inimaginable qu’une femme puisse entrer de plein gré dans ce milieu, oubliant que dès le pilote, la série dit bien qu'il s'agit d'un cas ultra minoritaire de la prostitution (celle de luxe), ne décrivant pas le plus vieux métier du monde dans sa globalité, et ayant davantage vocation à analyser les comportements humains et sociologiques via le parcours personnel de Belle (la véritable Belle entra d'ailleurs sans regrets dans cet univers). L’accusation d’objetisation de la femme fait peu de cas de la maîtrise exercée par l’héroïne sur son univers. Par ailleurs, à partir de la saison 2, des thématiques plus graves (tentative de viol, décès d’un client…) vont se rajouter au ton déjà doux-amer de la première saison. Plus légèrement, Billie Piper, tout juste auréolée de son succès unanime en tant que Rose Tyler, l’un des plus mémorables Compagnons du Docteur de la série de Science-Fiction Doctor Who (depuis 1963 sur les écrans anglais), fut accusée assez idiotement de détruire l’image noble et héroïque de son personnage. Billie Piper est renommée pour être souvent confondue avec ses personnages toujours hauts en couleurs.

6) Pour conclure…

La qualité de la série frappa également les américains. Robert Greenblatt, président de la chaîne câblée Showtime, responsable de séries aux thèmes très audacieux voire controversés (Dexter, The L Word, Weeds, Homeland, Masters of Sex…) renonça même à son projet initial d’adapter la série aux USA (comme il l’avait fait pour Queer as folk) pour la diffuser intégralement sur son réseau, subjugué par la maîtrise formelle et thématique de la série. Qu’une série anglaise avec des acteurs à l’accent british ait doit en nos temps contemporains aux honneurs des networks américains demeure là bien l’ultime exploit de la série. Aujourd’hui, seules des séries anglaises du calibre de Dr.Who (à laquelle participa Billie Piper) ont pu en faire autant.

Enfin, un dernier mot sur le doublage : l’identité anglaise de la série, sa volonté de faire de Londres un personnage à part entière (comme New York Sex and the city), fait que le choix de la VO demeure une évidence. Mais il convient de souligner la qualité désarmante du doublage français. Billie Piper a en effet le privilège d’être doublée par Laura Blanc, une des plus talentueuses actrices de doublage qui soit (son CV parle pour elle), et par ailleurs parfaitement bilingue. Les autres comédiens de doublage sont également très pro, faisant que la série se regarde avec un plaisir intact en VF. Les fans de Dr.Who ne peuvent que regretter que Laura Blanc n’ait pu doubler Rose Tyler. Toutefois, M6, qui diffusa la série en France, est hélas connue pour ses programmations erratiques et ne prit jamais la peine de diffuser la dernière saison de la série. Conséquence, la saison 4 n’existe qu’en VO, éventuellement sous-titrée (et n’a d’ailleurs aucun titre français d’épisode).

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Billie Piper, interprète de Belle de Jour

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Toucher le fond… (Broken - Part 1)

 saison 1Saison 3

Journal intime d'une call girl 

Saison 1


1. LE PARTENAIRE IDÉAL
(EPISODE 1.1)

Scénario : Lucy Prebble, sur une idée de Paul Duane, d’après The Intimate Adventures of a London Call Girl de Belle de Jour (pseudonyme de Brooke Magnanti)

Réalisation : Yann Demange

I love London, I love its rudeness, its lack of community, its impatience, I even love its weather ; but most of all, I love the anonymity.

The first thing you should know about me is that I'm a whore.

Londres. Nous faisons la connaissance d’une jeune femme, Hannah, qui exerce avec plaisir et sans contrainte le métier de call-girl de luxe. Elle nous fait entrer dans un univers extrêmement codifié, non seulement par ses règles, mais aussi par la nécessité de séparer les deux êtres en elle : Belle la prostituée, Hannah la femme, ce qui la pousse à faire des sacrifices pour exercer son métier…

La critique de Clément Diaz:

Ce premier épisode parvient en un temps record à donner une vision complète et divertissante de la série : vision peu commune et glamour de la prostitution de luxe, érotisme et humour très présents, description rapide et efficace d’une héroïne au quotient sympathie déjà énorme, ton comique (voire déjanté), déclaration d’amour à la ville de Londres, volonté sociologique voire anthropologique sur la recherche de sa propre identité, et un arrière-fond plus grave annonçant de loin le pessimisme noir d’épisodes futurs. Ne disposant que de 22 minutes, Lucy Prebble décide sagement de laisser de côté son scénario pour se focaliser sur la présentation de la série. N’étant pas autre chose qu’un (long) prélude, le fil du récit résulte artificiel, c’est le prix à payer pour qu’elle réussisse à inclure toute la richesse de la série, qui nous prévient déjà qu’elle sera bien plus qu’une simple mise en images d’anecdotes croustillantes sur une escort-girl.

Ce qui frappe le plus dans ce pilote est toutefois la mise en scène stupéfiante de beauté et d’imagination de Yann Demange, qui idéalise une réalisation à la base documentaire (genre The Office). Le style « docu » permet aussi une réjouissante composante de la série : les apostrophes directes de Belle face caméra au spectateur, brisant le Quatrième mur. Le traitement des scènes sexuelles se montre déjà varié et réussi. Les quelques lourdeurs sont pleinement compensés par un humour résolument décalé. Billie Piper explose d’entrée de sensualité, de sympathie, et d’humour.

En 22 petites minutes, nous saisissons un croquant croquis de la belle Belle, passionnant sujet d'étude : elle exerce son métier aussi bien par plaisir que pour l’argent « facile », est consciente de son pouvoir de séduction mais l’utilisant seulement pour garder le contrôle sur ses rendez-vous (Belle ne sera jamais une dominatrice, on en reparlera dans l’épisode 4). Elle dégage immédiatement une aura empathique et souriante, avec deci delà quelques aspérités : paresse, orgueil, frivolité assumée... Son tempérament volontaire et déterminé renforce sa présence. Tout comme Belle « joue » avec ses clients, Belle joue avec le spectateur en le taquinant sur la vision de béotien qu’il a de son univers. L’énumération de ses règles d’hygiène, de vie, de sécurité, ainsi que quelques « trucs » du métier, évite un effet mécanique par leur application immédiate et souvent décalée à l’écran. L’on voit qu’être escort de luxe n’est pas à la portée des premier(e)s aspirant(e)s venu(e)s ! Son professionnalisme à satisfaire les moindres fantasmes de ses clients est également très apprécié, tout comme son regard critique sur l’hypersexualisation de la société touchant les jeunes comme leurs aînés. En présentant une femme faisant ce qu’elle veut de son corps et de son âme, ne s’autorisant aucun diktat si ce n’est celui de la discrétion, tout en demeurant crédible, la série insère bel et bien une tonalité féministe.

La série réussit les scènes chaudes, les différenciant pour rappeler toute la diversité de la sexualité. Elle pare également au côté scabreux de la chose avec un humour massif. Ainsi, la scène de sexe avec le client qui fantasme sur les étables de chevaux est la première manifestation des tornades d’humour qui vont déferler sur la série. En contrepoint, le jeune et beau client timide qu’est Daniel va permettre à Belle d’exprimer les premières ombres de la série. Daniel est un client effrayé par la domination des escorts, et Belle comprend qu’il voudrait faire l’amour à une femme de tous les jours, à Hannah, et non à Belle. D’où une scène de sexe cette fois romantique et torride, et une belle acuité de la psychologie masculine, cherchant au fond d’elle-même une « princesse charmante » éloignée du maquillage et des tenues agressives des escorts. Mais cela révèle aussi de Belle une volonté farouche de séparer ses deux identités comme le dit sa conclusion amère. On avouera cependant que la scène de fellation et de masturbation (en suggéré) est un peu grasse, malgré l’amusant malaise de la situation. Billie Piper exprime à merveille toutes les facettes de son personnage.

La critique d'Estuaire44 : 

Sur un rythme davantage entraînant que rapide, ce pilote parvient à installer l’univers de la série et sa protagoniste, avec autant d’humour que d’efficacité. Si certains éléments n’apparaissent encore que superficiellement présentés, notamment Ben, toutes les composantes de la série répondent à l’appel. Ainsi le territoire de chasse de Belle est-il délimité dans l’Espace et dans le Temps : entre St-Paul et Mayfair, en ce début des années 2000 où la City rugit de sa prospérité financière apparemment sans bornes, et de l’exacerbation des plaisirs des puissants du jour.

Nous nous immergeons dans le tourbillon du Londres d’avant l’éclatement de la Bulle, en 2008, avec son dynamisme, son brillant, mais aussi ses excès comme la folie immobilière, évoquée lors de la visite de la maison. Dès son entrée, le récit a également la bonne idée de pointer qu’il ne concernera qu’un type très restreint de prostitution, et avant tout un parcours individuel, sans discours à portée générale sur ce sujet souvent sordide.

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Surtout Secret Diary of a Call Girl nous propose  un saisissant panorama de ses qualités. La mise en scène se montre aussi mobile que plaisamment sophistiquée, mettant aussi bien en valeur le ressenti des personnages que les magnifiques vues de Londres. La bande son est à l’avenant, somptueuse et contemporaine. L’humour crépite sans faiblir, à l’unisson du charme et de la jeunesse du duo vedette. A ses côtés, Stéphanie se voit déjà implantée en maîtresse femme, à la fois rude et d’un esprit redoutablement vif. Sa manière, sans avoir d’y toucher, d’inciter Belle à relever le gant témoigne déjà de la compréhension et de l’intérêt qu’elle porte à celle-ci. Cherie Lunghi est épatante. Malgré toute cette mise en place, effectuée au sein d’un format court, l’épisode parvient à narrer une intrigue certes très courte, mais précieuse car synthétisant le propos général de la série, comme lors de l’ouverture d’un opéra : les choix de Belle la condamnant in fine à la solitude.

Le client parlant à l’oreille des chevaux (Equus n’est pas loin) apporte une excentricité très anglaise,  tandis que les autres pratiques sexuelles présentées en cours de saison n’auront rien d’intrinsèquement britanniques. Mais la grande réussite de l’opus reste en définitive Hannah/Belle elle-même adorable, drôle et émouvante, d’une humanité transperçant l’écran. La fabuleuse Billie Piper aura su choisir le rôle idéal pour négocier l’après Rose Tyler, à la fois si proche (même caractère de battante et même origine sociale) et si différente. Le récit met particulièrement en exergue la spécificité de l’adresse au public via le Quatrième Mur, permettant à l’actrice de jouer de tous les ressorts de son beau talent. Les dialogues, tous finement ciselés, nous montrent déjà une Belle passionnante, en apparence ne celant rien mais ne soufflant mot de ses sentiments les plus intimes. Un épisode parfait, donnant infailliblement envie de découvrir la suite.

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  • Belle déclare être fan de la saison 4 d’A la maison blanche (The West Wing), une série politique américaine racontant sept années (et autant de saisons) de la vie publique d’une administration démocrate. La série est réputée pour ses dialogues abondants, brillants, spirituels, et cérébraux, débités à la vitesse de l’éclair (marque de fabrique du créateur/scénariste Aaron Sorkin). La saison 4 voit notamment la démission du vice-président Hoynes à cause d’un scandale sexuel, ce qui a pu faire sourire Belle, consciente plus que tout autre du pouvoir du sexe !

  • Belle boit du vin rouge avec un client. Elle déclarera pourtant dans l’épisode suivant ne jamais boire avec un client.

  • Devant un piano, Belle fait sortir une musique que l’on peut qualifier d’avant-gardiste et dissonante. Bon, en fait, elle sait pas jouer, voilà.

  • Les premiers plans du pilote voient Belle marcher sur le Millennium Bridge. Inauguré à Londres en 2000, il est vu alors comme un symbole du grand succès économique et politique du pays.

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2. LA VIE EST UN ROMAN
(EPISODE 1.2)

Scénario : Lucy Prebble

Réalisation : Yann Demange

l know that man from somewhere. Have to go through my mental Rolodex of everyone l’ve ever slept with… This could take a while.

Belle est ravie de participer à une des plus prestigieuses soirées adultes du pays pour son rendez-vous avec un client. Mais elle déchante quand ce dernier lui interdit par contrat de flirter (et plus si affinités) avec quelqu’un d’autre, car il est excité à l’idée de voir hommes et femmes la désirer tout en ne pouvant la toucher. La déception est d’autant plus grande que Belle croise là-bas une de ses idoles, l’écrivain Jay Lorre…

La critique de Clément Diaz:

L’épisode souffre de se segmenter en deux parties distinctes n’ayant rien à voir l’une avec l’autre. La première partie recèle de bons moments d’humour par sa description pittoresque d’une soirée très privée, et du dilemme de Belle, piégée entre désirs personnels et professionnalisme exigé. Mais l’épisode préfère se promener dans le club plutôt que de développer l’humour de la situation initiale. Le virage de la seconde partie sert uniquement de prétexte à nous présenter (trop vite) la famille de Belle. On se console avec le talent décidément estomaquant de Yann Demange dont la caméra esthétise au plus haut point les décors. Et bien sûr Belle, Belle, Belle qui nous amuse en banalisant comiquement les situations les plus étranges, mais nous émeut aussi lorsque son visage s’empreint de gravité en pensant aux sacrifices de son métier.

Le scénario très minimaliste de Lucy Prebble bride l’humour, Belle ne faisant que discuter sobrement avec son idole ou se promener d’un air morne dans les différentes salles. La description du club est divertissante mais reste à la surface. Alors que les scènes sexuelles ne seront jamais l’élément le plus important de la série, il est révélateur que ce sont les préliminaires muy caliente de la scène de triolisme qui resteront comme la scène ressortant le plus de l’épisode (avec toujours cette caméra à distance parfaite entre voyeurisme et pudeur). Depuis longtemps, la télévision a dépeint les artistes comme des tarés écorchés vifs aux obsessions délirantes – sexe compris –  cela correspond à une image fantasmée (bien que pas tout à fait fausse) aujourd’hui de mise dans l’imaginaire collectif. On est donc pas étonné de trouver un écrivain sérieux dans un lieu chaud bouillant accompagné d’une belle blonde très « ouverte d’esprit ». Jay Lorre, incarné avec mystère et malice par Jamie Sives, donne un peu de piment à ses scènes avec Billie, par ailleurs franchement drôle avec sa perruque lui donnant un côté « vilaine fille » pas du tout crédible. Le rebondissement final est aussi drôle qu'ironique.

La deuxième partie avec la famille de Belle souffre d’un contraste trop tranché avec le segment précédent. N’ayant aucun relief, papa, maman, soeurette, et neveu passent très vite, et on remarque seulement que la magie de l’épisode précédent entre Ben et Belle n’était pas un accident, notre duo se montrant joliment fusionnel. Avant une coda sereine, une ombre passe dans les grands yeux de Belle, lorsqu’elle contemple ce à quoi elle renonce : relation personnelle épanouie, maternité, solitude permanente, cachotteries à sa famille... Un regret à l’origine de sa quête de l’âme sœur et de la conciliation de sa double identité. La gamme d’émotions sur laquelle joue Billie Piper apparaît déjà grande, et elle aura l’occasion de montrer qu’elle est en réalité encore plus vaste. Et toujours cette caméra couvant amoureusement des yeux une Belle alanguie sur un siège de voiture…

La critique d'Estuaire44 : 

Cet épisode vaut par la description vacharde d'une soirée profondément ennuyeuse, on l'on se rend finalement davantage par snobisme que par esprit égrillard. Le sexe aussi peut devenir terne quand il n'est que représentation. L’effet est accentué par la personnalité du client du jour, qui, sans être inquiétant ou agressif, ne constitue pas moins un facheux de la plus belle eau. On que cette série dans l'air du temps vilipende en définitive bien davantage le milieu branchouille que le cadre familial traditionnel, c'est assez audacieux  vis à vis de ce que l'on pourrait considérer comme étant son public.

Encore une formidable composition de Billie Piper, d'emblée très naturelle et crédible dans un personnage pourtant casse-gueule. Alors que Belle  affirmait dans le pilote pourvoir tout gérer, on ressent dès maintenant qu'Hannah va être à la peine avec les tiraillements qu'implique la vie qu'elle s'est choisie. L’épisode aurait pu encore gagner en se montrant moins déséquilibré entre ses deux parties, la découverte de la party se délaye quelque peu, tandis que l’on aurait aimé approfondir la découverte de la famille. Le petit vaudeville avec l’écrivain semble certes amusant mais demeure assez gratuit.

  • Belle n’a aucune relation sexuelle dans cet épisode – elle ne va pas plus loin que des préliminaires. Ce cas se produira de temps à autre dans la série. Première apparition de ses parents, de sa sœur aînée (et de son mari), et de son neveu nouveau-né.

  • Le serveur du club déclare qu’il joue dans une pièce de théâtre appelée Une maison de poupée (Et Dukkehjem). Il s’agit d’un drame écrit en 1879 par l’écrivain norvégien Henrik Ibsen (1828-1906). La pièce est réputée pour sa violente critique d’une société gouvernée par la domination masculine, et incapable de comprendre les désirs et besoins des femmes. Elle fit d’ailleurs l’objet d’un tollé à sa création, forçant l’auteur à réécrire une fin plus consensuelle (aujourd’hui supprimée au profit de l’originale). Elle est inscrite au registre international Mémoire du monde de l’UNESCO.

  • Une des invitées de la soirée parle du film documentaire Une vérité qui dérange (An inconvenient truth). Réalisé en 2006 – donc l'année précédant l'épisode – par David Guggenheim sur un texte écrit et lu par l’homme politique Al Gore, il fit prendre conscience au grand public de l’imminence des conséquences désastreuses du réchauffement climatique causé par l’industrie mondiale.

  • Le père de Belle fume des Rizla +. Cette marque de cigarettes fondée en 1867 par Leonide Lacroix (un papetier d’Angoulême) propose des papiers à cigarettes dont la texture comporte du riz. Cette marque française, rachetée par l’entreprise britannique Imperial Tobacco en 1997 est maintenant surtout produite en… Belgique. Amy Winehouse, dont la musique est utilisée pour le générique de la série, mentionne la marque dans sa chanson Bestfriends, right.

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3. L'OISEAU DE NUIT
(EPISODE 1.3)

Scénario : Julie Gearey

Réalisation : Yann Demange

One orgasm down, ten hours to go.

Belle a rendez-vous avec Ash, un de ses clients réguliers pour qui elle a une grande affection. Ce dernier aime la « girlfriend experience », dans laquelle l’escort, pendant toute la nuit, joue le rôle d’une petite amie parfaite et romantique (avec parties de jambes en l’air du même métal) ; ce qui est un des services favoris de Belle. Mais la nuit est longue, Ash s’endort rapidement, et Belle commence à s’ennuyer…

La critique de Clément Diaz:

Aussi (faussement) légère que peut être une série, chaque épisode doit contenir un enjeu et un suspense. L’épisode précédent souffrait d’une segmentation des intrigues mais instillait au moins un suspense quant au dilemme de Belle. Rien de tel ici dans un scénario sans tenants et aboutissants, avec en plus une nouvelle segmentation d’intrigues. L’épisode convainc par son toujours juste traitement de thèmes sexuels, et l’exposition de facettes moins sympathiques de Belle. Notre héroïne a ses défauts, mais a l’honnêteté de ne pas chercher à les masquer. La réalisation de Demange (un peu moins inspirée), et l’interprétation, demeurent, elles, au top niveau.

De fait, l’ennui de Belle est ironiquement communicatif car une fois Ash endormi, l’épisode n’a déjà plus rien à raconter. Voir Belle en professeur d’université nous énumérer les sujets à ne pas mentionner pendant le rendez-vous arrache quelques sourires, mais c’est bien tout. L’incartade avec le client imprévu n’y change rien, aussi pauvre en humour qu’étirée en longueur. La coda est tout aussi pâle avec ces plans gratuitement voyeuristes de Belle prenant sa douche. Demange n’est pas au meilleur de sa forme lors des scènes sexuelles, qu’il filme plus académiquement (et grassement) ; mais il l’est dans les autres scènes, avec ces larges plans du Londres nocturne, et son apologie continuelle de la sensualité de Billie Piper, à faire hurler le loup de Tex Avery dans sa robe rouge.

L’épisode trouve un second souffle par son exploration de la psyché sexuelle. Aussi obsédés les hommes soient-ils, ils ne souhaitent qu’au fond trouver une petite amie très romantique, avec qui le sexe serait un ravissement sensuel et ardent de chaque instant ; d’où cette idée d’une relation certes tarifée mais à l’apparence sentimentale, selon Belle, en plein boom. Ash, incarné avec beaucoup de sympathie par Ace Bhatti, en est l’incarnation. Le fait qu’il soit marié rappelle en passant que les prostituées n’ont pas à faire de jugements moraux sur leurs clients (faute de quoi, elles fermeraient boutique) mais aussi la peine que l’alchimie sentimentale et sexuelle des débuts se fane par le temps et la routine, lorsqu’un mariage ressemble de plus en plus à une colocation. Quant au deuxième client, il est élevé comme tant d’hommes dans le culte opprimant de la performance – à tous les sens du terme –  Alpha male sûr de lui, il ne semble vivre que pour une autorité fatigante à maintenir. La série traitera un sujet similaire en saison 4. Belle gênée par ses directives, et par son endurance... inhabituelle ouvre un voile sur la psyché féminine, pas forcément friande des parties de jambes en l’air s’éternisant (cliché véhiculé entre autres par la pornographie). Belle devra d’ailleurs recourir à un désopilant tour dans son sac pour hâter la fin des (d)ébats.

Pour la deuxième fois consécutive, Belle lance un coup de canif dans le contrat d’exclusivité avec son client juste parce qu’elle s’ennuie. Belle avoue d’elle-même est qu’elle est une mauvaise petite amie en temps normal, ce que Ben avait dit dans le pilote sans qu’elle s’en offusque. Sa vénalité prend plus d’importance, exprimant haut et fort son goût de l’argent facile et de la paresse. Dans son milieu où les relations sont corrompues par les billets, Belle est condamnée à être seule. Aussi une relation plus affective avec un client régulier lui tennant d'ersatz sentimental a-t-elle son importance pour elle – une clé de l'épisode 5. C'est là la Hannah emprisonnée dans sa solitude qui s'exprime derrière Belle... la voir passer de bons moments de complicité platonique avec le maître d’hôtel est dans le même registre. La série confirme sa maîtrise formelle et thématique, mais doit encore trouver ses marques narratives. Cela ne va heureusement plus tarder.

La critique d'Estuaire44 : 

L’épisode continue à nous dévoiler les divers aspects du métier d’escort girl de haut vol, avec une Belle nous entraînant cette fois dans le « service de nuit » particulièrement rémunérateur, mais nous faisant aussi découvrir la relation (relativement) plus intime qu’à l’ordinaire existant avec un client régulier. Tout ceci présente un certain charme, grâce à un Ashok bien dessiné et interprété avec sensibilité par Ace Bhatti (le futur Haresh Chandra de The Sarah Jane Adventures, ce qui établit déjà  un lien détourné mais amusant avec le Whoniverse). Toutefois, malgré une mise en scène une nouvelle fois raffinée, l’ensemble manque de surprise et d’intensité.

L’impression d’une routine prédomine. Le va et vient avec le deuxième client apporte du piment (et un gag final bien corsé), mais l’épisode passe néanmoins à côté de son véritable sujet, la description du monde à part que constitue un place la nuit, avec ses aspects parfois étonnamment poétiques ou insolites. Cet aspect se voit abordé lors des scènes entre Belle et le réceptionniste, à l’agréable complicité, mais demeurant trop succinctes. Le récit manque également du moteur que représente le relationnel entre Belle et Ben, déjà si porteur en ce début de série.

  • Première apparition de Ash, le client régulier de Belle, qui fut également son tout premier client. Il reviendra dans l’épisode 5 de cette saison Jamais deux sans trois, et dans l’épisode 8 de la saison 2 Des mots pour le dire.

  • Les intéressé(e)s par une soirée et une nuit romantiques avec Belle doivent débourser 1500$ (frais non inclus).

  • Belle offre à Ash The human stain (La tâche), un roman de l’écrivain américain Philip Roth (1933) publié en 2000. Ce roman racontant comment la vie d’un professeur d’université tourne à la débâcle suite à des accusations de racisme est considéré comme un des meilleurs de son auteur. Il est typique de son ton souvent sombre et pessimiste. Ash confirmera d’ailleurs dans l’épisode 5 que sa lecture l’a déprimé bien qu’il l’ait apprécié. Le roman a reçu le Prix Médicis étranger en 2002 et fut adapté au cinéma en 2003 par Robert Benton sur une adaptation de Nicholas Meyer, et avec Anthony Hopkins, Nicole Kidman, et Gary Sinise. Le titre français du film est La couleur du mensonge.

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4. FAIS-MOI MAL…
(EPISODE 1.4)

Scénario : Lucy Prebble

Réalisation : Yann Demange

You don't mind, do you ? My slave is not allowed to clothes indoors.

Oh, no, I'm used to it.

Pour faire plaisir à son comptable qui a des fantasmes sadomasochistes, Belle fait la connaissance de Sirona, une dominatrice qui lui apprend quelques rudiments du métier. Belle s’occupe alors de préparer la séance, mais son esprit est troublé par le fait que Ben a attendu un mois et demi avant de lui annoncer ses fiançailles avec sa petite amie…

La critique de Clément Diaz:

En se focalisant sur une seule histoire, les auteurs gagnent en densité et en cohérence, dénotant une prise d’assurance par rapport aux épisodes précédents qui versaient trop dans l’anecdotique. Prebble a de plus l’idée inattendue de s’emparer d’un thème que l’on pourrait imaginer comique (apprentissage catastrophique des codes du S&M) et de l’utiliser pour décrire la psychologie tourmentée de Belle. Démarrant dans l’humour avec une description aussi juste que désopilante du S&M, aux règles très exotiques pour les béotiens, l’épisode finit par instiller le malaise dès lors que cette expérience met au jour ce qu’il révèle de Belle.

L’épisode se focalise sur une vision certes simplifiée mais justement exacte de la relation dominant-dominé. Si le S&M et son implication d’une soumission vécue comme le plaisir fascine le succès de Cinquante nuances de Grey le confirme l’on est ici dans une vision radicalement différente de la vision fantasmagorique du grand public (et de miss E.L.James) : au contraire, le S&M est avant tout une relation psychologique. Le plaisir du dominé de lâcher prise, de cesser d’avoir le contrôle, est en soi plus fort que les humiliations qu’il consent (la série reprendra un thème similaire en saison 4). A l’inverse, le dominateur prend davantage plaisir à donner des ordres, à satisfaire son partenaire, que de lui donner des coups de cravache. Ce jeu sexuel demande toutefois un sérieux et une force morale spécifiques. Applaudissements pour Sally Dexter, qui délivre les répliques les plus directes et les plus émouvantes (si, si) avec entrain et sans hystérie. Elle fait transparaître la bonté de Sirona derrière son rôle. Toute la scène d’apprentissage est franchement comique, avec des instantanés aussi frappants que surréalistes, opposés à la violence du film emblématique du sadomasochisme : Maîtresse de Barbet Schroeder.

Mais lorsque Belle se métamorphose en Maîtresse, tout se grippe. Elle reçoit de plein fouet la contradiction de sa double identité : si Belle est une « control freak » autoritaire, Hannah est quelqu’un de si sensible à la douleur celle de son âme divisée qu’elle a du mal à la pratiquer elle-même, même si consentie. Ainsi, son crescendo de malaise (ennui, perte d’inspiration, interruption du jeu, manque de confiance…) culmine lorsqu’elle laisse ses émotions personnelles prendre le dessus lors d’une explosion de violence laissant nos deux compères totalement sonnés : lui à cause de la douleur, elle parce qu’elle s’est avancée trop loin dans un rôle qui n’est pas le sien. Cette séquence est bien plus sombre que comique, et son ton est très audacieux. Le déchaînement de Belle vient de sa colère contre Ben qu’elle accuse d’avoir caché ses fiançailles, mais elle-même cache sa double vie. Si sa colère est compréhensible, Ben pointe son hypocrisie, sentant qu’elle lui cache bien des choses. Nouvelle contradiction issue de sa dualité : Hannah souhaite ne rien cacher à l’être qu’elle chérit le plus, mais Belle lui impose silence. Sa décision finale est ainsi une volonté de briser ce carcan. C’est une victoire pour la jeune femme, mais elle paiera le prix de ne pas avoir persisté dans cette direction, au lieu d’accorder trop de place à Belle au détriment d'Hannah. On peut se demander si Hannah est peinée à l’idée de « partager » plus Ben avec sa fiancée, de la crainte de perdre une amitié fusionnelle si vitale pour elle. Quoiqu’il en soit, une pointe d’amertume perturbe la réconciliation de fin.

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La critique d'Estuaire44 : 

L'un des grands épisodes de la saison 1, le SM aura rarement été abordé aussi crûment dans une série télé (Californication ou The L Word), on a parcouru du chemin depuis Emma Peel en Queen of Sins ! Le sujet est particulièrement risqué, mais l'épisode s'en tire bien grâce au personnage de la Maîtresse finalement très sympa, sonnant très juste et ne se limitant pas aux représentations. Grâce à l'humour aussi, le moment où Belle reste seule avec le soumis est l'un de ceux de la série m'ayant fait le plus rire. C'est un peu Spike se retrouvant seul avec Joyce en fin de saison 2 de Buffy, ces atroces moments de gêne où l'on ne trouve rien à dire.

Belle est adorable jusque dans ses erreurs, c'est tellement évident pour nous que tout cet univers ne lui correspond pas du tout. Mais on aime Belle aussi pour sa recherche parfois maladroite du bonheur, cela trouve toujours un écho en nous. L'histoire indique aussi déjà une tension autour de Ben. Dans cette série où la protagoniste ne nous cache rien de rien de sa vie, où elle s'adresse souvent à nous directement, l'auteure parvient encore à placer un niveau de discours supplémentaire : Belle en exprimant souvent davantage précisément par ce qu'elle ne dit pas. C'est très fort.

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  • D’après la date indiquée par le portable de Belle, cet épisode se déroule le 25 juin 2007, soit un peu moins de quatre mois avant la date de première diffusion au Royaume-Uni (18 octobre 2007).

  • Billie Piper déclara surchauffer dans son costume de dominatrice en PVC, et avoir détesté le porter.

  • Dans la première scène, Belle dit à son comptable « Oui, ma chère ! » 1 point en moins en français pour la meilleure escort-girl des séries télé.

  • Belle cite le proverbe « Curiosity killed the cat ». Apparu sous diverses formes depuis la fin du XVIe siècle, Eugène O’Neill est crédité comme étant le père de cet expression sous sa forme actuelle quand il l’utilisa dans sa pièce Diff’rent en 1920 (bien que le Washington Post du 4 mars 1916 l’aurait précédé). Le chat, animal curieux par nature, a en effet l’habitude d’aller là où le guide son instinct et sa curiosité, quitte à se retrouver dans de désagréables, voire mortelles, situations. Il n’y a pas d’équivalent de ce proverbe en français si ce n’est l’ersatz « La curiosité est un vilain défaut ».

  • Le site internet où Belle expose ses services est www.exclusive-escorts.biz Le site est fictif bien qu’il existe un site nommé « exclusiveescorts » (sans tiret), mais l’extention est co.uk

  • Pendant la séance S&M, Belle lit All told, l’autobiographie de l’acteur et marionnettiste français Frédéric O’Brady.

  • Le numéro de Ben est 079 72 117950. En effet, au Royaume-Uni, les numéros de téléphone portable ont onze chiffres, commencent par 07, suivi de 4, 5, 624 (mobiles de l’Île de Man), 7, 8, ou 9, puis des huit chiffres classiques d’un numéro de téléphone. Il est donc fort possible que ce numéro soit en service !

  • Le nœud noué par Belle pour ligoter l’esclave de Sirona est, comme le commente cette dernière, un nœud à tête d’alouette (Bark’s head, ou cow hitch en anglais). C’est un nœud d’accroche simple et rapide à réaliser, utilisé généralement pour accrocher un cordage à un objet. Il est souvent utilisé dans les cerfs-volants. Lorsque Sirona lui demande si elle a appris à faire ce nœud dans les « guides », Belle répond qu’elle était dans les « brownies ». Il s’agit de deux catégories du Guidisme (le scoutisme féminin) ; les « guides » désignent les jeunes filles de 10 à 14 ans, tandis que les « brownies » ont entre 7 et 9 ans en moyenne.

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5. JAMAIS DEUX SANS TROIS
(EPISODE 1.5)

Scénario : Nicole Taylor

Réalisation : Susan Tully (créditée comme « Sue Tully »)

So Ashok. What's he like ?

He's sweet, quite handsome, athletic, clever, kind of geeky, gentle, very polite, and he always smells nice.

Hum, in fact, I was actually wondering whether he prefers anal or vanilla.

Ash, le « régulier » de Belle (cf. épisode 3), souhaiterait une partie à trois. Belle fait donc au préalable la connaissance de Naomi, l’autre escort qui se joindra à eux. Hannah est cependant préoccupée par l’attitude distante de Ben depuis qu’elle lui a révélé sa double vie…

La critique de Clément Diaz:

Avec cet épisode richement dialogué, la série trouve l’équilibre entre histoires principale et secondaire, comédie et drame. Nicole Taylor convainc autant dans le drame du mur de glace entre Belle et Ben que dans l’humour souriant du « threesome ». L’excellente Beth Cordingly campe une Naomi aussi sensuelle que haute en couleurs. Sa relation avec Belle instille une complicité que l’on pressent rare dans ce milieu, ce que l’héroïne apprécie. Cela ne rend que plus cruel le twist final. Sue Tully prend la succession du surdoué Yann Demange et sans égaler tout à fait sa maestria, se montre à la hauteur, filmant avec la même affection l’héroïne, et rendant excitant les scènes de lit.

Plus extravertie que l’héroïne, Naomi offre un contrepoint pimenté à l’énergie tranquille de Belle. Leur duo scintille joyeusement entre conversations sexuelles amusantes, différences ludiques dans leurs « préparations », jeux de comparaisons… de fait, ces scènes prennent une teinte Sex and the city (ou Ally McBeal dans ses moments les plus allumés) dans cette vivante complicité entre femmes. On mentionne la dénonciation de l’hypocrisie de certains féministes, la série aimant à rappeler qu’une femme faisant ce qu’elle souhaite de son corps a la fibre féministe, escort-girls volontaires inclus. On apprécie fort ces scènes d’amitié où Belle brise le cadre étouffant de sa vie chargée.

Le coup de poignard final fait a contrario ressortir la douleur de sa solitude, son besoin de repères et d’affection, choses que son rôle de « whore » lui interdit. Elle se situe à l’opposé de Naomi qui se protège d’une telle schizophrénie en ne se voyant que comme Naomi-la-prostituée là où Belle se présente à elle sous son vrai nom. Le méchant twist final fulmine contre la versatilité masculine, mais c'est la pitié qui l’emporte en voyant les rares repères d'Hannah anéantis par les aléas de sa vie de call-girl. C’est émouvant sans pathos. Les esthètes apprécieront la plus grande générosité des actrices qui nous dévoilent davantage leurs corps. Beth Cordingly s’impose comme une des guests les plus mémorables de la série.

Que penseriez-vous si votre ex et meilleure amie vous révélait qu’elle est une prostituée ? C’est la situation de Ben, obligé de voir un repère important de sa vie sous un autre jour. Il doit faire face à l’épreuve difficile de l’amitié demandant d’accepter tous les côtés de l’ami. Plus que la colère ou la tristesse, c’est l’incompréhension qui domine Ben. Durant l’épisode, il cherche à concilier son attachement à Hannah à un métier que la morale actuelle stigmatise. L’épisode montre via un personnage pourtant très ouvert, le regard souvent condescendant jeté à celles pratiquant le plus vieux métier du monde. Un des buts de la série consiste d’ailleurs en une déculpabilisation de cette profession. Malgré la saveur amère de l’épisode, c’est pour une fois une coda lumineuse avec une Billie Piper et un Iddo Goldberg rayonnants, qui termine cette histoire très aboutie.

La critique d'Estuaire44 : 

Il y a peut-être un petit côté Formula show / catalogue qui s'installe après le précédent opus, chacun étant dédié à un service spécial proposé par Belle. Mais c'est très efficacement contrebalancé par le fil rouge de la relation avec Ben. La tonalité de leur relation sonne très juste et apporte toute une dimension supplémentaire. La continuité de la gestion de la révélation par Ben apporte déjà une dimension feuilletonnante, que le programme saura par la suite parfaitement maîtriser. Le récit met davantage au second plan la prestation du jour qu’au cours des opus précédents, au profit du portrait de Belle, un choix judicieux.

On aime également beaucoup celui-ci pour la bourrasque Naomi, une belle rencontre en image miroir même si fatalement fugace. On pressent d'emblée que le gratin du plus vieux métier du monde est un univers hyper concurrentiel, où les amitiés sont rares. Beth Cordingly marquait déjà l'écran dans l'hilarante et gorissime Dead Set. Naomi donne une idée de ce qu'aurait pu devenir Bambi, la future padawan de Belle : de l'audace, l'arrivisme à tout crin, et une approche ultra décontractée de son métier. Belle émotion lors de la réconciliation entre Ben et Hannah, ce qui est sans doute plus important pour Belle, et pour nous, que la cruelle déception du jour.

  • Billie Piper apparaît pour la première fois en topless dans la série. La coupe de cheveux arborée par Belle lors de la scène de sexe est un clin d’œil à son rôle de Rose Tyler dans Doctor Who (2005), Rose arborant la même coupe dans L’invasion de Noël (saison 2), et Le choix de Donna (saison 4).

  • Nous découvrons une partie de la liste des pratiques sexuelles de Belle. Elle accepte :

    • Le 69 : excitation orale simultanée des deux sexes des partenaires sexuels, qui couchés ont l’air de représenter le chiffre 69.

    • le « A-level » : terme désignant le sexe anal dans la prostitution de luxe.

    • Les « jeux anaux ».

    • Être filmée ou photographiée.

    • L’exhibitionnisme.

    • Le GFE : abréviation de GirlFriend Experience. Pratiqué par Belle dans l’épisode 3.

    • Le massage.

    • Les séances de mannequinat.

    • Le « rimming » : pratique consistant à promener sa langue sur le contour des fesses de son partenaire, mais n’impliquant pas forcément de lécher l’anus.

    • Le jeu de rôles.

    • Recevoir un cunnilingus.

    • Le « spanking » : fessées avant et/ou pendant le sexe.

    • Le fantasme de l’étudiante.

    • Le lesbianisme (mais seulement à la rigueur).

    • Elle n’accepte pas :

    • Le BDSM : abréviation de Bondage, Discipline, Domination, SadoMasochisme. Après l’épisode précédent, on s’en doutait un peu !

    • Les « moresomes » : pratique sexuelle impliquant une personne et au moins 4 de l’autre sexe.

    • Le « water sports » : uriner ou se faire uriner ; et le « scat sex » : impliquant défécation d’au moins une des parties.

    • Les soirées « stag » : enterrements de vie de garçon.

     

  • On note toutefois une contradiction car Belle ne tolère pas le « cum in mouth » (que l’on jouisse dans sa bouche) mais tolère le snowballing qui est une pratique consistant à passer le sperme d’une bouche à l’autre… ce qui nécessite automatiquement la pratique précédente !

  • Sinon, pour l’épilation pubienne, Belle utilise de la cire.

  • Belle est maintenant dans le métier depuis deux ans ; elle y est entrée après s’être rendue compte qu’un coup d’un soir lui avait glissé une somme d’argent dans son sac. Elle voit Ash, son régulier, tous les deuxièmes mercredi du mois. Le pire cadeau qu’elle a reçu d’un client est un kit de couture hôtelier (quand on est escort de luxe, ce n’est pas tout à fait un cadeau digne de ce rang !). Et on apprend plus légèrement qu’elle n’aime pas le film Pretty Woman, comédie romantique où une femme (Julia Roberts) sort de la prostitution en rencontrant un prince charmant fortuné et sentimental (Richard Gere).

  • Stéphanie cite l’agence d’escorts Brompton. Cette agence existe réellement, et est une des plus grandes du Royaume-Uni. En VO, Stéphanie, fière d’envoyer Naomi et Belle à Ash, déclare qu’elles sont la « crème de la crème ».

  • « Holiday Inn porn » dit Belle quand elle ironise avec Naomi sur les fantasmes pornographiques les plus clichés. Cette chaîne d’hôtel prestigieuse a en effet la réputation d’offrir dans certains de ses hôtels un accès à des chaînes comportant des films adultes aux images léchées, clinquantes, mettant en scène les fantasmes de base du Mâle : filles sexy lavant une voiture en se frottant contre elles, saphisme torride impliquant divers produits de soin (ou autre chose), etc.

  • Alors qu’elle tente de faire jouir Ash manuellement, Naomi déclare « I'm getting wanker's claw. » Expression désignant quelqu’un qui commence à avoir des crampes à la main à force de masturber quelqu’un ou soi-même.

  • La musique entendue lorsque Belle et Naomi se préparent est le thème de la série policière américaine Cagney et Lacey (1982-1988), impliquant deux policières aux tempéraments très différents. Un choix allant de soi car les deux femmes sont en effet très différentes et surtout parce que Naomi vient alors juste de parler du fantasme « good cop/bad cop ». C'est une application dans le domaine sexuel d’une tactique d’interrogatoire de suspects par deux policiers : l’un se montrant agressif et brutal, l’autre plus sympathique et conciliant. Bizarrement, une autre musique est utilisée lors de la diffusion américaine.

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6. LE SENS DES VALEURS
(EPISODE 1.6)

Scénario : Katie Douglas

Réalisation : Sue Tully

Believe it or not, working here isn't exactly my life's ambition. Well, I'm kind of between ambitions at the moment.

Après une mauvaise critique d’un client et une confrontation avec un autre client potentiellement dangereux, Belle décide sur les conseils de Ben d’arrêter de travailler quelques jours et de rencontrer des « gens normaux ». Elle fait alors la connaissance d’un mystérieux inconnu…

La critique de Clément Diaz:

Évidemment, cet épisode vaut le coup d’œil pour le guesting étonnement prémonitoire de Matt Smith, le futur Onzième Docteur de Doctor Who, rencontrant celle qui fut Rose Tyler dans un univers parallèle (au sens propre ?). Cette collision spatio-tempoelle entre le passé et le futur de cette immortelle série de science-fiction a fait beaucoup parler d’elle depuis. Mais l’épisode est de lui-même intéressant à suivre pour sa description toujours plus sombre d’une société pressurisée, stressée, rongée par un temps fuyant à toute allure, pour une vision moins aseptisée du métier d’escort de luxe, et un dessin toujours plus dramatique d’Hannah, contaminée par l’hypersexualisation de son double. Tous ces sombres panoramas sont étudiés sous le prisme d’un humour souriant et léger, marque de fabrique des dramedies dont Secret Diary est un avatar.

L’épisode pointe l'effacement de plus en plus prononcé d’Hannah par rapport à son double. La rencontre avec Tim (Matt Smith) vaut son pesant comique de cacahuètes lorsqu’il ne veut pas partir de chez Belle qui doit recourir à une ruse de sioux pour qu’il décampe (super numéro de Iddo Goldberg en dur à cuire). Les airs catastrophés de Belle et ceux décalés de Tim font rire immanquablement. Mais derrière se pointe une Hannah qui ne peut plus voir ses rapports avec les hommes que sexualisés. Qu’Hannah couche avec un inconnu quelques heures après l’avoir rencontré montre à quel point elle est incapable de sortir l’univers sexualisé dans lequel Belle évolue. On remarquera qu’à l’exception de ses petits amis, Tim restera le seul homme à avoir couché avec elle sans débourser un penny. Après coup, il est logique qu’un tel exploit soit le fait non d’un humain, mais d’un Timelord…

Lorsque Belle revient dans « le monde réel », elle est confrontée à la course anxiogène et inhumaine de ses contemporains contre le temps, unique denrée échappant au contrôle des humains. Les saynètes sur ce thème font sourire individuellement, mais collectivement, elles dressent le portrait d’une société trop rapide pour le bien-être des hommes, exigeant d’eux une réussite et une efficacité parfaites en permanence, intolérante au repos et à l’échec. L’épisode appuie d’ailleurs sur ce thème en montrant les call-girls comme devant se montrer performantes sans exception : un seul client insatisfait, et votre clientèle volatile prend le large. La réaction de Stéphanie en profitant pour refourguer les clients les moins recommandables aux filles ayant « déçu » est glaçante. Ce faisant, l’épisode n’est pas sans évoquer les thèmes développés par ce chef-d’œuvre qu’est A stop at Willoughby de la Twilight Zone. L’on voit le glamour de la prostitution de luxe bien fêlé, où les agents peuvent délaisser la sécurité de leurs employées par profit et où des clients agressifs peuvent se glisser parmi l’ordinaire des filles. Lewis donne une menace d’autant plus forte que ses fantasmes ne sont pas révélés, laissant au spectateur le soin de se demander ce qu’il mijotait (excellent Kevin Doyle, futur Joseph Molesley de Downton Abbey). Cela nous vaut une belle flambée de révolte de Belle contre Stéphanie qui s’humanise lorsqu’elle se rend compte de sa dérive (fantastique Cherie Lunghi). Un épisode amusant, cachant à peine son permanent pessimisme.



La critique d'Estuaire44 : 

Avec le recul, la participation de Matt Smith revêt évidemment une étrangeté à la Twilight Zone. J'ai trouvé très surprenant la reconversion professionnelle de Rose dans son univers parallèle. Et puis Eleven la joue gros sournois sur ce coup-là, tout de même. Le meilleur reste les dialogues prenant aussi un amusant double sens (le Doc entre deux aventures, ou se plaignant des gadgets électroniques absurdes, présents par tiroirs entiers dans le TARDIS, etc.). Rose se désole de ce qu’elle a à offrir à Eleven comme petit déjeuner, mais avec les goûts culinaires particuliers de ce dernier, cela devrait bien se passer. L’arrivée de Ben, c’est carrément Rory : 1, Eleven : 0. Bon, bref, tout ce passage demeure étonnant, aurait-on voulu le faire exprès que l’on n’aurait pas fait mieux.

Par ailleurs l’intrigue a le mérite d’introduire une mini crise rompant avec les allures de Formula Show que revêtait cette première saison. Le monde de Belle prend soudain une tonalité bien dure, entre l’individu inquiétant ou ces jugements sur les filles évoquant la foire à bestiaux, derrière la branchitude du site internet. Décidément la série ne dore pas autant la pilule sur la prostitution que  ce qu’affirment ses contempteurs. On apprécie l’ironie de ces cotations de filles aussi soudainement haussières ou baissières que celles des valeurs sur les marchés (on n’ose dire les bourses) de la City.  Le charme de l’Angleterre post Thatcherienne. J’ai adoré la force du portrait de Stéphanie, s’insérant parfaitement dans le contexte. On aime quand une série parvient à rendre à peu près sympathique un personnage ayant tout pour être antipathique, c’est à peu près le cas pour elle, malgré tout. Sa relation avec Belle reste l’une des forces du programme.

Le récit se montre cinglant en montrant Belle s’enferrer dans son univers après sa simili tentative de s'en extirper. Derrière son énergie et ses sourires, elle est beaucoup plus désocialisée qu’elle ne veut bien l’admettre, c’est déjà inquiétant pour la suite. Son seul contact avec le monde extérieur demeure Ben (et non sa famille). Celui-ci résout la crise, non en la sortant du ruisseau comme le ferait traditionnellement le héros, mais en l’y replongeant par son message d’apparence sympathique mais qui sonne en fait comme une porte qui se referme. Une double nature rendant cette conclusion en fait très sombre.

  • Matt Smith, alors au tout début de sa carrière, sera bien entendu le Onzième Docteur de la série Doctor Who trois ans plus tard ; rôle qu’il tiendra quatre ans. Billie Piper ayant joué Rose, Compagnon des Neuvième et Dixième Docteur, et partageant un amour réciproque mais platonique avec ce dernier, cet épisode voyant Belle coucher avec le futur Onzième Docteur est devenu culte chez les fans de Doctor Who ! Par ailleurs, nous apprenons que la sœur de Belle s’appelle Jackie, or Jackie n’est autre que le prénom de la mère de Rose dans Doctor Who.

  • Une rumeur veut que les deux acteurs aient entretenu une liaison l’année précédant le show, mais les intéressés n’ont jamais confirmé.

  • Stéphanie prétend qu'il ne s'agit pas de son vrai nom. Pourtant, sa fille confirmera en saison 4 qu'elle s'appelle bien Stéphanie. Son nom de famille ne sera révélé que dans le finale de la série. Elle prend 40% de la rémunération de ses filles.

  • Ben a une peur des caniches (spécialement de leur fourrure).

  • Belle a un A-level (diplôme de fin d’études secondaires) en Histoire, Politique, Anglais, et Études générales. Elle habite à l’appartement 23 de sa résidence, et ne reçoit habituellement pas de clients chez elle la nuit. Elle n’utilise jamais les transports en commun. Certes parce que les escorts de luxe sont habituées aux taxis, mais aussi sans doute parce que la saleté des métros, bus, et tramways sont rédhibitoires pour elles.

  • Belle dit connaître Stéphanie depuis un an. Or, dans l’épisode précédent, elle disait être dans le métier depuis deux ans. Il est possible qu’elle ait travaillé un an dans une autre agence, mais il reste alors étonnant que lors de son premier meeting avec Stéphanie, elle ignore encore la signification de A-level dans le milieu escort (rapport anal).

  • Belle ne connaît pas le mot « Jamboree ». C’est un mot peu usité désignant une grande fête luxueuse bruyante.

  • Ben semble effondré d’apprendre que Belle aime le « Marmite ». Il s’agit d’un débat typiquement british car cette pâte à tartiner riche en vitamine B1 est réputée pour avoir un goût tellement prononcé qu’on ne peut que l’adorer ou la détester. La marque concentre d’ailleurs toutes ses publicités autour de cette polarisation du public avec des slogans genre Love it/hate it.

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7. ÉQUATION PARFAITE
(EPISODE 1.7)

Scénario : Julie Gearey

Réalisation : Sue Tully

What do you think you bring to a client's expérience ?

Twelve inches.

Belle reçoit la demande de Kate et Liam, couple marié depuis 15 ans, qui souhaiterait une partie à quatre où chacun aurait une relation avec un escort du sexe opposé. Ben se porte volontaire pour assister Hannah, mais elle commence par refuser, car il n’est pas un « professionnel ». Elle finit toutefois par prendre le risque…

La critique de Clément Diaz:

Julie Gearey désacralise le fantasme de l’échangisme en professionnel par une succession de gags autour des codes à respecter, des préjugés des néophytes, et des aléas des rencontres. Elle fait coup triple en centrant l’épisode sur Ben, ce qui permet outre un développement du personnage, une autre exploration dramatique du fossé entre les mondes d’Hannah et de Belle, et une vision du monde de la série par un œil extérieur. Une tactique de scénariste toujours payante par le regard décapant qu’il offre alors sur cet univers.

Depuis quelques épisodes, l’on sentait une crise entre Ben et sa fiancée, avec la préparation d’un mariage s’assimilant de plus en plus à une corvée. Que Ben cherche un dérivatif à l’angoisse par une parenthèse de liberté en dit long sur sa déroute actuelle. Il est tout aussi intéressant de voir Belle faire preuve d’un sérieux manque de professionnalisme en improvisant Ben escort boy, au risque de couler sa réputation. Toujours écartelée entre ses deux identités, l’on voit que Belle tente d’amener un peu du monde d’Hannah en y introduisant son élément le plus fort : l’ami fusionnel. Comme on s’y attendait, la vie d’escort boy convient aussi bien à Ben que le S&M à Belle. Un gros voyant rouge s’allume lorsque Belle est confrontée à la possibilité de franchir le Rubicon avec Ben. Le lapsus révélateur de ce dernier, persistant à ne voir qu’Hannah en son amie lui donne la force d’écarter la tentation, mais le malaise demeure à la fin : Belle aurait-elle pu succomber ? Coucher avec Ben lui permettrait-il de fusionner ces deux identités ? Le pouvoir souvent effrayant par sa démesure du sexe, aux conséquences imprévisibles, constitue l’une des caractéristiques de la série.

A côté de cette alerte aiguë, l’épisode nous régale avec Belle en Pygmalion transformant Ben en toy boy : tenues, viagra, accessoires, règles de bienséance… tout y passe. Voir Ben ployer sous les poids de tous ces rudiments et paraître convaincant (gros blancs hilarants avec le couple client, qui lui-même a l’air de se demander ce qu’il fabrique là) renvoie un miroir à Belle regardant d’un œil effaré les codes du SM. Tout l’univers de la série passe à la moulinette alors que Ben  (et le spectateur par extension) voit ses illusions tomber une à une : faire l'amour "en professionnel" demeure bien une technique longue et difficile à apprendre. L’auteure se montre joliment irrévérencieuse en s’attaquant au concept de virilité et de performance, Ben ne cessant de se demander s’il va être assez « mâle » pour assurer le spectacle, et surtout en dépeignant Belle et Kate comme étant vraiment celles dirigeant la séance.

Outre que la scène est encore une fois filmée avec une science consommée de l’érotisme le plus brûlant (mille bravos à Sue Tully), elle contient un mémorable rebondissement, un des plus hilarants de la série. Une bouffée d’optimisme saisit aussi la scénariste par sa peinture tendre et lumineuse de ce couple qui malgré le temps et la routine, s’aime toujours aussi fortement (étreinte somptueusement filmée) et ressort de la soirée plus uni que jamais. Il est audacieux, même avec l’évolution des mœurs, de montrer que pimenter sa sexualité peut faire du bien à un couple du moment que la confiance est de mise on se situe dans le rigoureux inverse de Californication, série plus explicite mais paradoxalement plus prude au fond d’elle-même La morale finale termine cependant l’épisode sur une ombre, sur la différence entre technique sexuelle et intimité sexuelle. Un épisode qui réussit à suivre toutes ses pistes.

La critique d'Estuaire44 : 

Après la crise (et la rencontre au frontières du réel) que développait l’épisode précédent, celui-ci renoue malheureusement avec la tonalité de Formula Show de cette saison, où chaque récit donne lieu à la mise en scène d’une pratique sexuelle différente, même si toujours pimentée. Le thème du jour sera donc l’échangisme, avec une mise en œuvre inégale. Le couple de clients est sympathique et résulte excellemment interprété, comme si souvent dans ce programme. Toutefois le fait qu’il préfère faire l’amour finalement ensemble détonne. Non seulement cela tombe trop à pic pour empêcher que la situation devienne incontrôlable entre Ben et Belle. Mais cela édulcore aussi sensiblement la présentation de la pratique, ce que à quoi la série ne nous avait pas habitué. Pour la première fois on reste avec la désagréable impression que Secret Diary n’assume pas totalement son propos (l’échangisme est rarement romantique), contrairement par exemple à l’épisode SM.

L’épisode se rattrape amplement en développant de manière très aboutie la relation entre Ben et Hannah, le précieux fil rouge empêchant la saison de virer au catalogue London by Night 2007. On apprécie vivement que Ben ne se limite pas à la simple posture du confident ou plus généralement à sa relation avec Hannah. Le récit développe ses sentiments, écartelés entre son mariage et la nostalgie que lui inspire sa relation passée. L’épisode demeure ambivalent sur ce qui le pousse à mener combat pour obtenir le job (superbe scène de duel lors du simili entretien d’embauche) : s’agit-il vraiment de comprendre la vie de Belle, ou de s’offrir un voyage dans le temps, l’espace d’une soirée ?

Sans doute se persuade-t-il que la première option est la véritable, avant de découvrir que la seconde prévaut, sans doute en s’en étonnant. Belle semble davantage se maîtriser, avec toujours une primauté entière de son travail, jusqu’à refuser ce à quoi elle aspire. Ben peut sembler plus faible vis-à-vis de ses désirs, mais au moins se débat-il contre le carcan dans lequel tous deux se sont enfermés. Sous l’apparence d’une soirée réussie et d’un lien amical affirmé, c’est bien l’amertume qui sourd chez Ben, tandis qu'Hannah se sacrifie une nouvelle fois à Belle. Les lendemains ne chantent guère.

A côté de cette relation décidément contrariée, l’épisode apporte une nouvelle démonstration de la maîtrise technique et artistique de la série. La bande son apparaît parfaitement choisie, de même que la photographie est parfaitement travaillée. La mise en scène se montre comme souvent à la fois pudique et évocatrice, avec un superbe emploi du suggéré. L’humour se voit également utilisé avec finesse, déminant tout moment pouvant devenir scabreux (le sabre laser). Les auteurs savent ne pas en faire trop, en ne tirant pas sur la corde facile d’éventuelles gaffes d’un Ben débutant, qui aurait tiré l’opus vers un vaudeville hors sujet. Certains détails sonnent justes, comme Ben acceptant l’argent sans barguigner, ou Belle maîtrisant les débats avec un professionnalisme sans failles.

  • Belle gagne environ 105000£ par an. Stéphanie ayant pris au préalable 40%, cela veut dire que son salaire brut annuel a été de 175000£. Belle déclare cependant dépenser 20000£ pour « être Belle », en vêtements, produits de beauté…

  • Belle rencontrera un vrai escort boy dans l’épisode Rien que pour le plaisir (3.07).

  • En consultant la liste d’escorts masculins, Belle regarde le profil d’un certain Duane Stephens. Un clin d’œil à Paul Duane, qui inspira la série à la créatrice ?

  • Liam dit avoir fréquenté la même école qu’Alan Shearer, un footballeur anglais très populaire qui venait alors de prendre sa retraite en 2006.

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8. L’ART DE VIVRE
(EPISODE 1.8)

Scénario : Lucy Prebble

Réalisation : Sue Tully

Asking your ex-boyfriend to take photos of you in your underwear so rich strangers can decide whether they want to pay to have sex with you... that's right, isn't it ?

Grâce à Mitchell, un client multimillionnaire, Belle accède enfin à la catégorie ultime des escort-girls : les courtisanes. Belle est d’abord heureuse, mais le tableau idyllique de sa nouvelle situation commence peu à peu à se fissurer. Parallèlement, la relation entre Ben et Vanessa devient de plus en plus critique…

La critique de Clément Diaz:

Lucy Prebble instaure ce qui va être l’architecture de chacun des finales : une première moitié accumulant les gags, une deuxième moitié accumulant la noirceur. Ce contraste va donner à chaque finale un ton pessimiste après une dernière bouffée festive. A ce titre, on rit comme des bossus quand Belle rame pour se faire accepter du gratin du gratin de sa profession. Avec une force impressionnante, l’épisode décrit ensuite le revers cinglant de ce doux rêve s’achevant sur une coda qui se veut lumineuse mais qui ne dupe personne quant à son amertume.

La première partie aligne les rires en continu avec le concours d’entrée à l’agence de Belle, un grand moment d’exécution publique où notre chère escort collectionne gaffes, bévues, et boulettes sous l’œil indissolublement inexpressif de ses examinatrices. Entre deux éclats, l’on se rend compte que davantage encore que celui des escorts de luxe, le milieu des courtisanes est encore plus select et rigide, et demande un ego surdimensionné (portrait au vitriol des trois examinatrices). Si Belle a de la « classe », elle est cependant distancée devant le credo de raffinement de ce métier où le sexe ne tient qu’une part mineure. Belle, par son isolement et son expérience, n’a jamais été qu’une femme qui vendait ses faveurs. Son acceptation tient donc du miracle, mais va se révéler être un cadeau empoisonné. On aime beaucoup la séance de photos où Belle nous expose les règles logiques des poses avec une précision si maniaque qu’on ne peut s’empêcher de se serrer les côtes. La démission joyeuse de Belle de l’agence de Stéphanie nous amuse aussi par la manière qu’a Stéphanie de conserver l’initiative : rien qu’avec un body language polaire, elle fait chuter l’euphorie de Belle à zéro. Cherie Lunghi maîtrise parfaitement son jeu, et l’on regrette vraiment qu’elle reste sous-employée.

Les services des courtisanes sont utilisés pour marquer la réussite sociale de leurs fortunés clients. Le culte de la performance régulièrement éclaboussé d’acide dans la série l’orgueil d’être entouré de jolies femmes, est une réalité de tous les jours pour eux. Mais elles doivent la plupart du temps jouer un peu valorisant rôle de « Sois-belle et tais-toi ». Cette abdication (consentie !) du féminisme le plus élémentaire est montrée sans aucune pitié, tout comme le machisme ambiant des clients : Mitchell apprécie sincèrement Belle, mais la traite très mal. Par les compétences requises (polylinguisme, culture, distinction, physique...), on attend de ces femmes de jouer la petite amie modèle. Et l’héroïne se montre incapable de jouer ce rôle, son tempérament fougueux et sa soif d’indépendance butent contre la suppression de son autonomie. Simplement escort, Belle maintenait dominance et vie aventureuse ; elle ne récolte là que soumission et ennui. Rarement les rêves de luxe n’auront été aussi pervers. Ce pan de l’histoire bout d’une indicible fureur. Pendant ce temps, Ben s’enferre de plus en plus dans un mariage qu’il souhaite de moins en moins. A force de descendre dans les abysses, nos deux amis s’y croisent, et cela aboutit à ce déballage de printemps, douloureux, mais nécessaire pour qu’ils se réveillent. La coda célèbre certes le triomphe de leurs indépendances retrouvées, mais au prix de leurs rêves les plus chers. Mais surtout, il est visible que l’attachement entre Belle et Ben n’est platonique qu’en surface, tant l’on sent, par un geste affectueux, des regards troublants, qu’un sentiment plus profond est à l’œuvre, avec complications dramatiques à prévoir. L’on est donc pas dupe de ce faux happy end. Au terme de cette saison, Secret Diary a démontré une remarquable puissance dramatique pour un format court. Elle va par la suite gagner en puissance en osant des atours plus feuilletonnants, et un humour plus délirant.

La critique d'Estuaire44 : 

En à peine 25 minutes, ce finale parvient à brillamment remplir le contrat d'une ambitieuse conclusion de saison, élargissant l'univers de la série et questionnant le destin individuel des protagonistes. Un bel exploit, d'autant que la forme s'avère également performante grâce au recours à un humour incisif souvent irrésistible, évoquant les meilleurs moments de Sex and the City.

La satire sociale se fait une nouvelle fois entendre, avec cette course au succès professionnel ne connaissant jamais de terme, véritable miroir aux alouettes contemporain de nos civilisations libérales et individualistes. On constate ainsi que même Belle a encore une étape à franchir et que celle-ci consiste ni plus ni moins qu'à accéder au statut traditionnel d'épouse, certes mieux payée mais plus facilement répudiable. Un joli retour à la case départ, la voyant devenir volontairement ce qu'elle a toujours refusé d’être, tout un triomphe. Le récit se montre joliment rosse envers sa sympathique protagoniste, toujours émouvante dans sa quête maladroite mais opiniâtre du bonheur. Après avoir passé au grill de l’entretien d’embauche ses collègues masculins lors de l’opus précédent, la voici passant sous les mêmes fourches caudines, devenues encore plus vachardes. Au total, un bide dont il faudra attendre l’ultime saison de Californication, et la mémorable séance de casting de Levon pour en dénicher l’équivalent.

Il est caractéristique que Belle préfère s’enthousiasmer de son succès miracle, au lieu de ressasser l’entretien pour se demander si tout ceci correspond vraiment à sa personnalité et quelle est la part du succès revenant à son puissant protecteur. Celle qui reste certainement lucide là-dessus, mais qui se garde bien d’en souffler mot à une Belle qu’elle connaît par cœur, c’est bien Stéphanie, outre son flegme d’airain sur lequel vient se briser net la crânerie d’une jouvencelle encore trop friable pour se mesurer à son mentor. On apprend toujours mieux de ses erreurs, et Stéphanie saura toujours privilégier enseignement à la dure de sa padawan, car la profession l’est. On ne croit heureusement pas un seul instant que la série va renoncer à un personnage aussi enthousiasmant, mais la scène reste ciselée à la perfection. Il n’y a pas jusqu’à l’Écosse qui ne soit submergée par la gouaille en roue libre du récit, avec une pensée pour David Tennant.

Billie Piper trouve un partenaire de choix avec Colin Salmon, aussi classieux que dans les 007, et parfait en incarnation du mâle protecteur, in fine dominateur. En définitive, il en ressort que, davantage encore que l’argent ou la reconnaissance sociale, c’est bien l’adrénaline  et la sensation de liberté qui cadenassent Belle à son existence aventureuse, en marge de la société. On aime que Belle ait le sursaut de lucidité lui permettant de s’extraire de l’ornière du jour, mais seulement pour en revenir à la situation première (plus 40%). Les liens l’attachant à ce travail, qui se confond décidément dangereusement avec sa vie, résultent assez forts pour le faire échapper à un paradis artificiel, mais se perçoivent déjà comme un piège l’empêchant également de s’en sortir vers le haut. Ce que confirme hélas l'opportunité non saisie d’un Ben désormais lui aussi libéré de son mirage. Une conclusion brillantissime pour cette saison, à la mise en scène toujours aussi élégante, avec la méprise dramatiquement prometteuse d’une héroïne confondant liberté et retour à ses anciennes chaînes.

  • Belle a 24 ans. Elle parle allemand et espagnol mais pas le français. Elle trouve les poissons déprimants et est fan de Serpico (a contrario de Ben). Ben appelant la mère d’Hannah « Mrs.B. », l’on peut conclure que le nom de famille d’Hannah commence par B. Il faudra attendre le finale de la saison 2 (épisode 2.08) pour connaître son nom complet.

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 saison 1Saison 3

Journal intime d'une call girl 

Saison 2


1. AU CŒUR DU SCANDALE
(ÉPISODE 2.1)

Scénario : Lucy Prebble
Réalisation : Fraser MacDonald

- Oh, I came up with a name. I wanna be called Bambi. […]
- Because you're quite doe eyed ?
- No, it's because my mom got shot.

Un paparazzi harcèle Belle pour lui soutirer le récit d’une nuit avec un homme politique dans le but de le faire tomber. Belle rencontre Alex, un anesthésiste qu’elle séduit involontairement, mais doit s’occuper aussi de Bambi, une jeune femme délurée qui veut devenir escort de luxe et qui l’a contactée pour qu’elle soit son mentor. Belle doit dans le même temps se rendre au baptême de son neveu…

La critique de Clément Diaz:

Pour faire évoluer son show, Lucy Prebble bouleverse les composantes de sa série. Dans cet ouverture de saison, la créatrice court à perdre haleine pour introduire tout ce qu’il y’a de nouveau : dans les trois saisons qui restent, Hannah, dont le double menace de plus en plus de la détruire, va désormais chercher une relation stable en plus de son métier. C’est le rôle dévolu cette saison à Alex. Cela va faire monter en puissance le grand thème de la série (la double identité de l’héroïne) tout en instaurant à chaque saison un arc feuilletonnant en plus du « client de la semaine ». C’est le format le plus efficace (aussi le plus difficile) pour une série, en opposition avec le stand-alone un peu mécanique de la saison précédente.

Elle va oser un humour plus délirant et massif, dans la lignée de Sex and the city, et introduit pour cela une tornade d’humour montée sur pattes : le personnage dingo de Bambi. Mais elle doit également soigner l’entrée d’Alex. Mais elle doit aussi écrire une intrigue indépendante. Conséquence : l’épisode forme un patchwork totalement décousu où l’on est ballotté sans transition d’une scène à l’autre. Cet effet de précipitation empêche chaque nouvel atout de se développer. L’on retrouve le même défaut du pilote de la série, mais en plus accentué, car ces innovations n’interagissent guère entre elles. Cependant, une fois passé ce début fourre-tout, la saison va s’appuyer sur ses atouts et offrir un spectacle plus abouti encore que la précédente.

La méprise vaudevillesque initiale instaure une ambiance plus festive qu’à l’ordinaire, typique du nouveau pas franchi par la série sur l’humour. Tout comme Ben à ses débuts, Alex n’a pas encore sa personnalité, et ne vit que par son lien envers Belle. Cela dit, Callum Blue arbore immédiatement les atours maladroits mignons d’Alex, et son déphasage comique dans lequel on reconnaît le frappadingue Mason de Dead like me, avaleur diplômé de couleuvres les plus improbables. Les jeux totalement désynchronisés de Billie et Callum assurent la comédie. Toutefois, il faut avouer que l’arrivée fracassante de Bambi est bel et bien l’événement du jour. Incarnée par une gouleyante (et insoutenablement sexy) Ashley Madekwe prête à redéfinir la notion même de cabotinage délirant, la fraîche jeune femme s’approprie immédiatement l’écran entre gaffes, rires suraigus, insouciante joie de vivre, et énergie explosive (que Poppy n’égalera jamais). On s’amuse par avance du mentoring de Belle envers Bambi : remises au point, quiproquos en pagaille, et coups de gueule répétés sont à prévoir, et on ne va pas cracher dessus, loin de là !

La comédie irrigue aussi la cérémonie de baptême avec une description tendrement ironique de la famille de Belle, galerie de culs serrés (mention à la sœur) dont l’on se demande vraiment si notre héroïne en fait partie. La scène souffre cependant de s’étaler alors qu’il ne se passe rien. Cependant, Lucy Prebble dégaine une nouvelle arme comique : les délires imaginaires de Belle, ici s’imaginant avouer à sa famille sa véritable profession. Le résultat évoque les plus grandes embardées burlesques de J.D. le médecin lunaire de Scrubs aux délires imaginaires les plus saugrenus.

Toutefois, cette succession enchaînée de gags ne masque pas l’absence d’un vrai scénario, donnant un aspect de film à sketches trop fragmenté pour convaincre. Prebble tente bien de compenser avec une touche plus sombre, grâce au chantage d’un odieux journaleux, affamé de scoops putassiers. Si Belle s’en sort en préservant son admirable discrétion professionnelle, ce segment est trop vite survolé. L’absence de tout arrière-plan sombre, pilier de la série donne à cet épisode un aspect Sex and the city : frais, joyeux, mais aseptisé et assez vide. Toutefois, il ne s’agit que d’un prélude certes prometteur, à la saison, qui va immédiatement trouver ses marques. Cela valait bien cette ouverture aussi amusante que dispersée.

La critique d'Estuaire44 : 

La série a l’audace de s’offrir un véritable pilote de saison, introduisant deux nouveaux personnages, ce qui, en proportions, signifie un véritablement chamboulement de son micro univers. Qui trop embrasse mal étreint, on peut regretter que le récit développe trop de thèmes à la fois, même si Secret Diary fait toujours preuve de la même efficacité narrative. Par son humour, ses retrouvailles familiales insérant une continuité temporale entre les deux saisons (quelques mois d’écart)  et les rêveries surréalistes à la Scrubs d’Hannah, le baptême s’avère très intéressant à suivre. C’est d’autant plus vrai qu’en filigrane il traduit bien la désocialisation de l’héroïne, toujours plus immergée dans son monde en marge. Son traitement aurait-sans doute nécessité un épisode entier, avec un rôle accru imparti à Ben (ici réduit à une séquence informative) et des vues plus prolongées de la délicieuse campagne anglaise, un sujet toujours apprécié des amateurs des Avengers, mais la séquence n’en demeure pas mois savoureuse.

Billie Piper se montre toujours impeccable dans l’incarnation de Belle et nous gratifie d’un adorable  message de bienvenue pour notre retour dan son journal. Un procédé astucieux, qui sera repris, sur un mode considérablement plus glacial, par Frank Underwood, dans le pilote de la deuxième saison d’House of Cards. L’épisode doit beaucoup à la parfaite entente installée d’emblée avec Callum Blue, lui aussi remarquable. On apprécie le retournement de point de vue  d’avec le Mason de Dead Like Me : c’est ici lui qui incarne un personnage raisonnable en découvrant un autre apparaissant passablement allumé. La relation se met en place avec naturel et un humour pétillant, un sans fautes, très prometteur pour la suite. On reste légèrement plus circonspect avec Bambi, centre déjà tonique mais qui revêt ici une tonalité négative à la Naomi, quand elle pique un client à Belle. Le personnage se voit introduit sous un jour trompeur et trop expéditif. L’opus se montre aussi cinglant que prémonitoire  envers les mœurs d’une certaine presse britannique ne respectant aucune vie privée, annonçant la scandale Murdoch éclatant peu de temps plus tard.

  • Deux nouveaux noms s’inscrivent au générique : Ashley Madekwe va incarner Bambi, nouvelle dans le métier d’escort, pendant 13 épisodes des saisons 2 et 3. Callum Blue va interpréter Alex, potentiel love interest d’Hannah, pendant 7 épisodes de cette saison 2.

  • Ashley Madekwe et Iddo Goldberg se sont rencontrés sur le tournage de la série. Ils se sont mariés quatre ans plus tard le 17 juin 2012.

  • A la demande de son client, Belle urine sur lui. Pourtant, sa wishlist de l’épisode 1.05 précisait qu’elle ne faisait pas les « water sports ». Il se peut toutefois qu’elle  consente à uriner mais n’autorise pas l’inverse.

  • Alex (Callum Blue) déclare qu’Interflora lui a sauvé plusieurs fois la mise. Interflora est une marque anglo-écossaise de fleurs fondée en 1923, qui était à l’origine une extension d’une compagnie américaine. Elle est aujourd’hui une entreprise internationale, et un des leaders sur le marché de la fleuristerie. Un lien discret avec le Whoniverse est peut-être à noter car la compagnie utilise un système de communication informatique appelé « Rose », comme Rose Tyler !

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2. RENDEZ-VOUS GALANT
(ÉPISODE 2.2)

Scénario : Lucy Prebble
Réalisation : Fraser MacDonald

 

Well, if you have a change of mind, my door is always open, as long as your legs are.

Alors qu’elle songe à recourir à une opération de chirurgie esthétique, Hannah est encouragée par Bambi à donner une chance à Alex et tenter une relation normale. Elle ne sait toutefois pas que Bambi cherche ainsi à lui voler des clients. Mais ce faisant, Bambi subit un terrible retour de flamme

La critique de Clément Diaz:

Après la parenthèse de fantaisie comique du précédent épisode, la créatrice revient au mode tragi-comique. L’épisode s’axe sur pas moins de trois thématiques sombres : la course effrénée et inhumaine de la beauté et de la jeunesse dans un monde ne supportant pas le vieillissement, un constat implacable de la désocialisation d’Hannah, due à son double castrateur, et le viol dans le milieu de la prostitution. Si l’humour irrigue les deux premières thématiques, l’épisode se termine sur un ton glacial avec la funeste erreur de Bambi qui passe très près du désastre. Ce virage dramatique inédit au sein de la série, saisit par sa surprise et sa brutalité, laissant à l’épisode une trace de malaise qu’aucune coda ne peut apaiser.

Si le début chez le chirurgien est assez poussif, il est en revanche effrayant par ses perspectives : Belle, superbe beauté de 24 ans, songe déjà à la chirurgie pour rendre son corps plus désirable (My body is my work assène-t-elle d’entrée). Au-delà de la mise en valeur de l’aspect concurrentiel et sans pitié de la prostitution, l’épisode développe tout un réquisitoire contre la tyrannie des apparences, notamment via le personnage très sympathique du chirurgien assumant de moins en moins un métier éloigné de son idéal de médecin « utile ». Son discours sur ce sujet fait écho à celui de son confrère de Clair de Lune (épisode Et l’homme créa la femme, saison 5). Roger Barclay apporte humanité et chaleur à son personnage, rare repère dans la vie borderline de Belle. La série ne se montre pas artificielle en alignant systématiquement des défaites d’Hannah face à Belle : l’on voit au contraire la jeune femme lutter au corps à corps avec son double pour défendre son soi réel, et sauver quelques victoires comme sa renonciation finale. Tout ce pan de l’histoire bénéficie de dialogues souvent drôles et savoureux, mais pas dupes. Hannah se défend aussi de Belle qui voudrait bien la voir renoncer à toute vie privée pour n’être qu’à son métier ; par une ironie sardonique, Hannah emporte le morceau, mais seulement grâce aux conseils de Bambi qui ainsi a le champ libre pour lui voler ses clients ! Si l’enfer est pavé de bonnes intentions, Bambi en aura dallé un bon bout de chemin ! Mais Prebble, au sommet de la subtilité scénaristique, ne fait pas de Bambi une Naomi bis. Son jeu opportuniste s’explique plus par sa candeur, croyant sincèrement « soulager » Belle de ses clients et lui faire prendre soin de sa vie privée. La farandole joyeuse et juvénile du jeu d’Ashley Madekwe est irrésistible. Elle fait un excellent numéro de petite fille gâtée lors de la mémorable confrontation avec Stéphanie, campée par une Cherie Lunghi une nouvelle fois impériale en dame de fer très humaine.

Lors du rendez-vous galant avec Alex, Hannah prend conscience que Belle a sapé tous ses réflexes sociaux. Il est difficile de ne pas rire lorsqu’Hannah s’enfonce impitoyablement devant son prétendant (énorme gag de la moustache). Elle se replie donc dans le silence, laissant le volubile Alex parler pour deux. Malgré la comédie de la situation, assurée entre autres par un Callum Blue toujours décalé et souriant, nous voyons une Hannah s’apercevant avec horreur de sa déconnexion quasi-totale avec le monde réel, son monde. L’on sent qu’elle serait plus à l’aise à séduire charnellement Alex que lors des phases de flirt et de vie commune (n’a-t-elle pas fourré le Docteur dans son lit en moins de deux ?). Les griffes du drame à venir apparaissent déjà. Le twist terrible de Bambi punie de sa négligence insouciante frappe très fort. Dans la lignée du « client dangereux » de l’épisode 1.06, l’épisode montre sans fard que même les escorts de luxe ne sont pas immunisés contre des agresseurs sexuels. L’effondrement de Bambi dans les bras de Belle est un vrai choc, et l’antidote parfait aux contempteurs de la série qui lui reprochent de « glamouriser » à outrance le milieu. Un épisode aussi riche que sombre, audacieux dans son humour jaune comme dans son dramatisme.

La critique d'Estuaire44 : 

Après l’effervescence du pilote de saison, la série en revient à un discours davantage coordonné, tout en renouvelant heureusement ses thématiques, au-delà du catalogue des prestations diverses et variées proposées par Belle. Sous une apparence humoristique (plusieurs scènes sont à pleurer de rire, dont le pilonnage d’artillerie entre Belle et Stéphanie), le récit interpelle belle sur son métier, décrit derechef sous un jour nettement moins flatteur que ne le pointent de nombreux blâmes adressés au programme. A côté de l’inquiétante péripétie vécue par Bambi, c’est bien la réification en marchandise du corps féminin qui se voit dénoncée avec force.

Un propos que le discours du prospère médecin élargit d’ailleurs à notre société du paraître. La narration évite le piège de la caricature en rendant ce dernier sympathique Ses faux airs de Julian McMahon achèvent d’ailleurs de donner à l’opus un petit air bienvenu de Nip/Tuck. On aime que Belle choisisse de demeurer elle-même, une victoire sur ce métier qui la dévore, elles ne seront guère nombreuses. La grossesse rend Billie Piper particulièrement radieuse et épanouie. La mise en scène reste finement ajustée  nous égale de toute la panoplie des astuces déployées pour dissimuler la grossesse d’une actrice : vêtements amples, angles de vue, postures, doublures, rien ne manque à l’appel. A montrer dans toutes les bonnes écoles de cinéma.

L’épisode présente aussi le mérite d’installer définitivement Bambi dans la série. Elle se montre un  tantinet désespérante quand elle continue à conjuguer crânerie et solution de facilité consistant à piquer les clients de Belle, mais au combien attachante par ailleurs. A l’instar de Billie Piper, Ashley Madekwe (actuellement dans Salem avec son mari Iddo Goldberg) sait à merveille conjuguer drôlerie et sentiment, notamment quand Belle, malgré une hilarant bouffée de colère au préalable, vole au secours de Bambi. La solidarité entre les deux femmes se montre émouvante, en contraste avec l’humour précédent, un joli moment dans la nuit de Londres, souligné par une pertinente musique de film noir.

Tout n’est pas parfait, le placement de produit est trop visible (ordinateurs et téléphones), Ben nous manque, Bambi ne saurait se substituer à lui, et le déjeuner avec Alex n’apporte pas grande chose, en dehors du fait qu’il ait lieu et du gag des moustaches. Mais l’épisode démontre avec vigueur que la série n’a pas épuisé toutes ses cartouches lors de sa première saison.

 

  • Dernier scénario écrit par Lucy Prebble, la créatrice de la série. Celle-ci va en effet la quitter car la direction qu'elle souhaitait prendre se heurta aux desiderata de la production. Elle déclara au journal Evening Standard : It was a show that didn't achieve the potential I wanted for it. I think it could have been a lot better. Elle dit plus explicitement au blog Theatrigirl : I left the series because I felt that, unfortunately, I wasn’t really being allowed to write what I wanted to write – more ambitious, complex drama.
  • David (Roger Barclay), le chirurgien et client de Belle, reviendra dans les épisodes 3.08 et 4.06 de la série.

 

  • Premier épisode sans Ben (Iddo Goldberg).

  • Billie Piper étant enceinte lors de la saison, une doublure corporelle est utilisée pour les scènes de nu. Cela est flagrant dans le montage : la caméra ne fait jamais voir le visage et les seins de l’héroïne ensembles, et les plans sur les seins sont manifestement des inserts rajoutés après coup !

  • Bambi déclare à Belle que, tout entière à son job, elle est « all work and no play ». Il s’agit d’une référence au proverbe anglais « All work and no play makes Jack a (very) dull boy » (« seulement travailler et ne jamais jouer fait de Jack un garçon bien ennuyeux »). Il est apparu sous cette forme au XVIIe siècle. Le proverbe met en garde contre le fait de trop travailler sans se distraire, avec le risque de devenir terne et renfermé. La phrase est surtout connue grâce à son utilisation dans le film Shining réalisé par Stanley Kubrick où elle est la phrase tapée inlassablement sur la machine à écrire de l’écrivain sombrant dans la folie. Le proverbe est parfois complété par « All play and no work makes Jack a (very) mere toy » (« seulement jouer et ne jamais travailler fait de Jack un simple jouet »)

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3. MÉNAGE À TROIS
(ÉPISODE 2.3)

Scénario : Julie Gearey
Réalisation : Fraser MacDonald

 

Hannah. I really enjoyed breaking up with you. Can we do it again soon, please ?

Belle reçoit une visite qu’elle aurait souhaité éviter : Helen, épouse de Matt, un de ses clients, a en effet découvert le pot-aux-roses. Encore étourdie par l’expérience, Hannah se demande si elle doit continuer à fréquenter Alex…

La critique de Clément Diaz:

Cet épisode très complet s’appuie sur divers thèmes avec efficacité. L’originalité de l’histoire est de questionner la moralité de l’univers de Belle, mais aussi de Belle elle-même en la confrontant au conjoint légitime d’un client. Évitant tant la culpabilisation que l’insouciance, l’entrevue entre les deux femmes s’avère bien écrite et émouvante. Plus que le ménage à trois du titre français, c’est le duel à trois entre Alex et Hannah d’un côté, et Belle de l’autre qui remporte l’adhésion, par son intensité, et sa résolution faussement triomphale. Julie Gearey relie astucieusement cette idée à la première, et, relayée par la mise en scène délicate et variée de Fraser MacDonald, d’une précision mirobolante, écrit un nouveau succès de plus.

L’épisode expose une vision pessimiste du couple. Nos changements de personnalité au cours de nos vies faisant que l’autre ne nous comprend plus et vice-versa, les fatales routines brisant les mariages, les enfants ralentissant voire stoppant l’intimité sexuelle, le regret tardif d’avoir perdu l’excitation juvénile de la vie de jeune célibataire… le touchant personnage d’Helen, incarnée avec un talent inouï par Olivia Poulet, exprime avec une grande force cette femme trompée oscillant de la colère révoltée à la haine de soi de n'avoir pas su garder son homme, et malgré elle curieuse des connaissances de Belle en sexualité masculine. Le mari volage est aussi le symbole d’un homme craquant sous le poids d’une vie surchargée (maligne explication de texte de Belle), rejoignant la description toujours plus féroce de la série d’une société excessive et sans repos... Belle est ramenée à sa position de putain, honteux statut aux yeux de la société. Elle ne brise pas de mariage par elle-même, car ce sont ses clients qui en décident ainsi (toujours cette volonté de la série de déculpabiliser la prostitution), mais fait face à l’amoralité de la situation. Immensément humaine et sympathique, elle se démène pour réconforter l’épouse trahie. Mais entre crises de colère et de chagrin, et gros instants d’horrible malaise qu’aucune phrase ne peut dissiper, l’on voit que les clashs entre l’univers de Belle et le monde « réel » demeurent toujours douloureux. Gearey pousse son acidité très loin, jusqu’à impliquer que malgré le choc, Belle et Matt, continuent leur relation tarifée, tout en réaffirmant que Girlfriend Experience ou non, Belle ne pourra jamais, même si elle le désire, se lancer dans une relation plus humanisée avec un client. Les délires répétés de Belle ne sont drôles qu’en surface : Helen devient une projection d’Hannah qui hurle sa culpabilité, sabotant le travail de Belle. Jusque-là, Belle étouffait Hannah, mais l’auteure, par un joli retournement, fait intervenir Hannah au milieu du travail de Belle, accentuant encore sa schizophrénie identitaire. Cet épisode est décidément guère rose de ce côté. En passant, la discussion avec Bambi sur la nécessité de rester professionnel dans le milieu se révèle d'une ironie cinglante en regard de ce qui se passera avec Byron.

Une telle alerte force évidemment Hannah à s’interroger sur une relation avec Alex, à qui elle cacherait un secret plus massif encore qu’une simple liaison. Une véritable lutte prend forme, au cours duquel Alex va s’acharner à sauver sa relation naissante avec Hannah pendant que Belle tente de pousser la rupture. Dialogué au cordeau, la confrontation est un modèle d’intensité dramatique. On admire comment Alex parvient petit à petit à casser les assauts de Belle, une belle leçon de PNL (réactions déphasées, affirmation des points positifs de leur relation actuelle, body language subtilement calculé, conservation de l’initiative…), que Callum Blue rend convaincante par son talent naturel. Ah, si Mason avait procédé de même avec Daisy… Mais ce faisant, Gearey fait éclater toute son ironie noire, car si Hannah-la-femme-amoureuse accepte enfin une relation, c’est au prix de l’accroissement de sa schizophrénie : sa relation est pervertie par le lourd secret qu’elle cache à Alex, et elle tombe dans le même piège que Matt. In fine, la victoire d’Hannah sur son double n’est qu’illusion. Le piège diabolique de cette coda est que si le téléspectateur applaudit la concrétisation Hannah/Alex, il n’est pas soulagé de la tension qui demeure.

La critique d'Estuaire44 : 

La série décide avec une astuce diabolique de confronter brutalement Belle à la réalité de la vie de couple (un combat de chaque jour, où l’issue heureuse n’est jamais garantie) au moment précis où celle-ci se voit pour la première fois offrir l’opportunité de vivre une telle expérience. Outre ses moments tragi-comiques assez délectables, la péripétie revêt des allures d’ordalie pour Belle, confrontée avec rudesse au fait que sa propre vie paraît-elle difficilement conciliable avec cette évolution. Ceci dramatise efficacement les débats, tout en se montrant déjà crucial pour le développement ultérieur de la série, avec un joli suspense quant à la conduite que va tenir notre héroïne de cette rencontre.

 Plusieurs options s’offraient à notre épistolière : celle relevant du vitrail des églises consistant à renoncer à sa profession aventureuse pour embrasser le parfait amour, celle s’assimilant au saut dans l’inconnu consistant à avouer la vérité à son élu et découvrir alors sa réaction (seulement envisageable en cas d’optimisme similaire à celui de qui se rend au restaurant comptant sur la perle qu’iva découvrir dans une huitre pour régler le dîner) ou encore l’option réaliste, guère festive mais lucide, voyant Belle renoncer à l’opportunité pour s’en retourner à la rassurante cage dorée de son univers à part.

Et bien entendu notre adorable Belle, toujours rivée à sa quête opiniâtre du bonheur, opte pour la quatrième voie, celle où elle ne renonce à rien, quitte à en payer le prix par le mensonge par omission. Dans cette City où notre amie se love et se meut, on appellerait cela une bulle spéculative, où Belle s’achète une prospérité à crédit et se déconnecte du réel. Évidemment l’issue s’en profile ipso facto, mais quel spectateur pourrait honnêtement assurer qu’il n’aurait pas lui aussi tenté sa chance, en s’en remettant à la providence des lendemains ?  Un choix tout à fait en accord avec la psychologie de Belle et qui confère à l’opus le statut  de carrefour de la saison, après lequel la narration s’accompagnera du cliquetis du compte à rebours de la machine infernale.

SI le fond de l’épisode s’avère irréprochable, on éprouve des sentiments plus divers à propos de sa forme. On aime que la mise en scène opte totalement pour une forme ultra théâtralisée des confrontations entre Belle et chacun des époux, avec une triple unité autant respectée que possible. On se croirait vraiment devant une scène, école de la plupart des comédiens britanniques et dont sont issus Olivia Poulet et Adam James, particulièrement à leur affaire dans avec un jeu habilement démonstratif, légèrement théâtralisé lui-aussi. Il est enthousiasmant, et prophétique pour la suite de la carrière de Billie Piper, que celle–ci se hisse à leur niveau avec un confondant naturel. Les amateurs du Docteur s’amuseront de reconnaître en Adam James le policier malheureux de Planet of the Dead face à Lady de Souza, décidément les femmes ne lui réussissent guère !

L’effet se voit toutefois gâché par le recours aux apparitions de l’épouse durant les ébats, un procédé assez lourd et répétitif, destiné à provoquer un rire facile. Il aurait mieux fallu jouer pleinement la carte du talent de Bille Piper pour exprimer le trouble de l’héroïne. Ici on se situe véritablement dans le démonstratif. Par ailleurs La série avait su jusqu’ici  conjuguer le portait de Belle avec celui des personnages secondaires, tel n’est plus le cas ici. Bambi et Ben, réapparu sans guère d’explications, se contentent de donner signe de vie et Alex n’exprime de nouveau pas grand-chose, la relation avec Hannah est considérée quasi exclusivement du point de vue de celle-ci. L’irruption de la forme feuilletonnesque a apporté une nouvelle dimension à la série, mais aussi centré les débats autour du parcours de la protagoniste, au détriment des autres rôles.

  • Les intéressés pour 1h30 de Girlfriend Experience avec Belle doivent payer 400£. Rappelons que la soirée et la nuit complète coûtent 1500£ (épisode 1.03).

  • Belle est omnivore et ne souffre pas d'intolérance au gluten.

  • Lors de sa discussion avec Matt, Belle et lui évoquent plusieurs termes techniques. Les "Mergers" sont une abréviation et Mergers & Acquisitions (ou "M&A") qui désigne les différents aspects du rachat d'une entreprise par une autre entreprise. Le terme français est "fusion-acquisition". Le FTSE 100 est un indice boursier des cent entreprises britanniques les mieux capitalisées cotées à la bourse de Londres. Une sorte d'équivalent du CAC40 français. Le PMT mentionné par Belle désigne le "Parent Management Training", programme crée pour traiter les enfants atteints de Trouble Oppositionnel par Provocation et de Trouble des Conduites. Enfin, Savile Row est une rue de Londres dans le quartier de Mayfair, mondialement réputée pour ses magasins de costume sur mesure, souvent très haut de gamme. Savile Row hébergea aussi Apple Corps, l'entreprise de maison de disques des Beatles en 1968.

  • Au bout de seulement quelques jours dans le "milieu", Bambi peut acheter une robe Balenciaga. Cristóbal Balenciaga (1895-1972), surnommé "le couturier des couturiers" est un des plus grands noms de la profession du XXe siècle. Renommé pour son grand talent, il révolutionna la mode féminine à partir des années 50, et eut des clients comme les Reines d'Espagne et d'Angleterre. Son entreprise de prêt-à-porter pour Homme et Femme est une des plus célèbres, luxueuses, et renommées dans le monde. Les débuts de Bambi l'escort ont dû être fracassants !

  • Alex mentionne que le film que lui et Belle vont voir est conseillé par Time Out. C'est une maison d'édition qui publie entre autres un magazine hebdomadaire des événements artistiques, et en particulier les sorties cinéma depuis 1968. Le magazine est implanté dans d'autres villes, et relate également les événements culturels dans pas moins de 25 villes (Paris, Abu Dhabi, Chicago, Berlin...) Les critiques cinéma de Time Out sont très attentivement lues par ses lecteurs, en particulier en Angleterre.

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4. D'AMOUR ET D'EAU FRAÎCHE
(ÉPISODE 2.4)

Scénario : Chloe Moss
Réalisation : Fraser MacDonald

- What does your boyfriend do ?
- He’s a doctor.

- I'll do everything but have sex.
- So will my wife.

Engagée dans sa relation avec Alex, Belle n’arrive plus à assurer ses services avec ses clients. Pour ne rien arranger, elle organise un déjeuner avec Alex et Ben qui tourne rapidement au vinaigre…

La critique de Clément Diaz:

A partir de cet épisode, Secret Diary explore des terres voisines de Californication : d’abord dans un humour plus vert, ensuite par une scène de repas qui conformément à la pratique de sa consoeur américaine vire à l’explication de gravures. Cependant, la série n’abdique pas son identité british : le comique demeure riche en surréalisme, tandis que les auteurs dynamitent le déjeuner non pas par des répliques assassines ou de délirants personnages, mais par des sous-entendus subtils, où chacun des protagonistes s’exprime davantage par ce qu’il cache, et menant à une dramatique crise entre Belle et ses boys. On félicite Fraser MacDonald qui nous régale d’une mise en scène se jouant de la difficulté de cacher la grossesse de l’actrice alors même qu’il met en valeur toute sa beauté surtout lors de la scène de lit. Une performance.

La séquence « client du jour » distille immédiatement un lien avec la série de Tom Kapinos avec ses dialogues plus crus qu’à l’habitude (pédagogique énumération de métaphores imagées de la menstruation), client sex, drugs and rock’n’roll totalement frappé, et préliminaires sexuels indissolublement hilarants entre les airs horrifiés de Belle et une Bambi n’hésitant pas à assurer le show jusqu’à la caricature explosive. Ashley Madekwe s’éclate décidément beaucoup dans le rôle d’une Bambi gaffeuse et adorablement candide. Par suite l’épisode se bat avec plus ou moins de difficulté contre des scènes assez bavardes. Ils ont cependant le mérite de mettre en valeur l’étendue de la crise à la fois professionnelle et personnelle de l’héroïne, dont la schizophrénie psychique s’accentue avec une irruption intrusive de la personnalité d’Hannah chez Belle, désormais culpabilisant de continuer son métier alors qu’elle est « casée » un point souligné d’ailleurs par la vraie Belle de Jour dans ses livres. Voir Hannah retrouver en s’en étonnant de l’alchimie magique de l’intimité sexuelle avec un homme qu’elle « aime un peu » (toujours cet art de la litote british) en dit long sur le chemin qu’elle doit parcourir pour se retrouver humainement. Évidemment, les fans de Doctor Who se tordent de rire lorsque Belle annonce stoïquement à Ben qu’elle sort avec un docteur, on frôle le crossover avec délices.

Cet épisode marque le premier point culminant du conflit entre les deux personnalités de l’héroïne. Alex prend pour une absence de réciprocité les entraves sociales que Belle impose à Hannah, et désespère de l’investir davantage dans leur relation. Alors même qu’Hannah ne demande pas mieux. La situation semble bien sans issue, Hannah payant déjà sa décision de maintenir divisées ses deux vies. Devant le déni perpétuel de son amie, Ben se voit forcé de la secouer, ce que dans son orgueil, elle n’apprécie guère. La dualité de l’héroïne devient de plus en plus ouverte : avec le client, Hannah perturbait Belle, le lendemain, c’est Belle qui perturbe Hannah d’une manière à la fois terrible et subtile : en déréglant les charmantes aspérités d’Hannah et en jouant sur son asociabilité : sa franchise rafraîchissante balance des remarques blessantes, son côté provocateur tourne au persiflage, son amour du moindre effort la fait se servir de Ben comme simple atout de jeu. C’est seulement au pied du mur, avec l’émouvant monologue final d’Alex (superbe Callum Blue), qu’Hannah parvient à se ressaisir, et achever, fait rare, l’épisode sur un cliffhanger. L’épisode sous-entend aussi une certaine jalousie de Ben, qui sous couvert de lui « rendre service » tient peut-être à couler la relation d’Hannah en sachant bien que tout lui révéler n’aurait que peu de chances de préserver sa relation. Cela ajoute encore à la crise entre eux. La lutte intérieure de l’héroïne est magnifiquement rendue par le métier sans failles de Billie Piper, qui préserve l’immense sympathie de Belle/Hannah, dont les crises ne sont que l’expression de sa panique alors qu’elle s’enferre toujours plus dans une impasse. Au milieu de ce sinistre état des lieux, on goûte la respiration que propose Bambi, certes toujours abusant de la générosité de sa mentor, mais se montrant supportrice, chaleureuse, vraie, et joyeusement complice. Cette complexité dans le portrait de chaque personnage continue de forcer notre admiration au sein de cette série offrant décidément bien plus que ce qu’elle semblait proposer au départ.

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La critique d'Estuaire44 : 

Pour l’essentiel l’épisode développe les conséquences du choix réalisé précédemment par Hannah, concernant la nature de sa relation avec Alex. L’intrigue a le mérite de sonner juste (le plus souvent) et de demeurer cohérente, mais là réside aussi sa limite : ce qu’elle raconte était hautement prévisible et aucun élément nouveau ne vient alimenter le récit principal de la saison. Même la révélation de la force du sentiment les unissant reste davantage une surprise pour les protagonistes que pour le spectateur. Cela nous vaut néanmoins une émouvante scène de conclusion, permettant enfin à Callum Blue de véritablement déployer son talent. Pour le reste, on s’en tient au statu quo, l’histoire du jour n’étant qu’un relai entre le postulat  et l’inévitable reconsidération de sa position que va devoir désormais envisager Belle. On est aussi un peu embarrassé par l’improvisation permanente et inefficace des mensonges de Belle, quelqu’un s’étant bâti avec succès une double vie depuis des années devait paraître plus rodé à l’exercice que cela (elle est à peine meilleure que la  Jemma Simmons d’Agents of SHIELD). Du coup certaines scènes humoristiques en résultent légèrement fabriquées.

La nature ayant horreur du vide, le fait que l’évolution de Belle occupe moins d’espace signifie mécaniquement une opportunité pour des personnages secondaires un tantinet négligés récemment. L’aventure vécue avec l’ingénérable Bambi génère cette fois un éclat de rire massif, entre histoire totalement surréaliste de l’éponge (dommage que l’on n’ait pas eu la réaction de Stefanie) et client du jour plus grand que la vie. Les amateurs du Docteur apprécieront de découvrir Billie Piper de nouveau voyager dans le temps, puisque la rencontre la fait basculer dans les rugissantes 70’s. On se croirait dans Life on Mars et c’est assez irrésistible, d’autant que le monsieur est finalement sympathique, tout concoure à l’amusement. La meilleure nouvelle de l’opus demeure que Ben a fini de seulement envoyer des cartes postale et reprend place dans l’action comme dans le panorama sentimental. Ses entretiens avec Belle, au café, puis au restaurant, composent les scènes les plus intenses de l’épisode. On aime que le déjeuner parte en vrille comme à la Californication, tout en restant très anglais et londonien. La mise en scène demeure élégante et dynamique, avec de jolies localisations de Londres, particulièrement nombreuses cette fois-ci. Le rendez-vous 70’s de Belle s’effectue près de Vauxhall Bridge, donc à proximité du SIS Building : on viendra nous dire après ça que 007 ne vit plus dans la Guerre Froide !

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  • Alex conduit une Volkswagen Golf V. Cela identifie temporellement la série car cette version de la Golf ne fut produite qu’entre 2003 et 2008 (année de l’épisode), avant d’être remplacée par la VI. Alex possède aussi un réveil Dalvey Voyager Clock. Dalvey est une marque d’accessoires de luxe pour hommes.

  • Bambi dit qu’Alex est « fit as a butchers dog ». Il s’agit d’un idiome né de la publicité Butchers pour chiens dont le slogan était « Is your dog as fit as a butchers dog ? » Il désigne quelqu’un semblant en pleine santé, bien nourri et bâti. Toutefois, l’idiome aurait aussi bien pu s’appliquer à Belle car elle désigne aussi quelqu’un ayant une vie sexuelle très remplie, voire carrément qui met n’importe quelle type de « viande » dans sa bouche. Huhum…

  • Référence à Barney Stinson de How I met your mother ? Dans l’ascenseur, Belle interrompt sa phrase en intercalant la proposition « Wait for it », devenue indissociable de l’épicurien impénitent de New York. Il est vrai que les deux personnages partagent le point commun d’avoir beaucoup de partenaires sexuels (et de partager la même situation personnelle finale).

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5. DÉSILLUSION
(ÉPISODE 2.5)

Scénario : Nicole Taylor
Réalisation : Peter Lydon

 

I've got another client now. The first one in 10 days. In whore terms, I'm practically a virgin.

Belle reçoit un jeune client handicapé moteur dans son appartement. Malheureusement, c’est à ce moment qu’Alex décide de lui faire une visite surprise…

La critique de Clément Diaz:

Pour briser le statu quo qui menaçait de grever la relation Alex-Hannah, les auteurs ont la peu reluisante idée de recourir aux ficelles les plus éculées du boulevard : Alex entrant chez Belle au pire moment, rien que ça. Il s’agit du thème central de l’épisode, qui doit souffrir de cette solution de facilité et de son application littérale. Toute l’équipe se concentre alors pour maintenir l’intérêt : dialogues très justes, interprétation au cordeau, thème secondaire de l’assistanat sexuel, réalisation parfaite, BO à tomber… la réussite formelle est totale. Il est frustrant de voir toutes les qualités esthétiques de la série au plus haut niveau au service d’un rebondissement si décevant.

La scénariste Nicole Taylor était trop lucide pour ne pas se rendre compte de la faiblesse de ce moment du feuilleton de la saison. Elle ajoute donc une ambiguïté sur le comportement de Belle (était-elle vraiment prête à tout lui dire, ou aurait-elle encore délayé ?), soigne le client du jour, compose une splendide aria pour Alex, et saisit toute la détresse de Belle en supprimant tout pathos inutile. L’épisode joue avec pudeur et retenue du thème litigieux des assistants sexuels, rôle ici assumé par Belle. Il s’agit là d’une acception réduite de ce métier le travail des assistants sexuels est plus psychologique que physique l’handicapé cherchant seulement un réconfort sexuel que sa condition ne lui permet pas d’assouvir en temps normal. Profession typiquement anglo-saxonne, et peu usitée ailleurs, c’est un sujet encore très récent dans les années 2000. Deux épisodes de Boston Justice ont traité ce sujet en 2006, et le film The Sessions avec Helen Hunt (2012) en fera son sujet central.

Dans ce service, la relation entre les deux parties est plus intime que la normale, et l’on voit presque Belle s’effacer derrière Hannah, bien plus qu’avec un client régulier comme Ashok. On est admiratifs de la suprême délicatesse de cette scène : Hannah doit mettre en confiance son client, demeurer douce, calme, lente, agir tout à fait à l’inverse de son ordinaire. La relation avec Blake (excellent David Proud) est touchante, et pas sans aspérités, Blake demeurant frustré de devoir payer pour coucher, et rendant plus rugueux leurs échanges. A plus grande échelle, la misère sexuelle des personnes par blocage physique ou psychologique y est pointée du doigt. On apprécie aussi la retenue digne et respectueuse du père, Clive Russell apportant beaucoup d’émotion malgré un rôle quasi muet. La mise en scène de Peter Lydon est très romantique et chaleureuse, sans doute une des plus belles que l’on puisse rêver, tandis que Billie Piper déborde d’émotions.

Malgré le gâchis de voir le feuilleton s’abandonner au mauvais boulevard lors de l’irruption catastrophique d’Alex, l’épisode enchaîne avec une remarquable explosion de fureur et de chagrin subtilement dialoguée. Callum Blue est stupéfiant d’intensité lorsque le voile se déchire. On apprécie aussi l’humanité impuissante prodiguée par Ben, tentant vainement de lui faire accepter la séparation des deux identités de l’héroïne. Mais il ne peut qu’y échouer car lui-même se leurre en voulant à tout prix y voir deux personnages différents : Belle est plus un miroir qu’une opposition d’Hannah (une configuration similaire à la Angel/Angelus pour les fans du Buffyverse) comme en témoignent ces incessants changements d’identité. L’on tient ici le germe de la graine fatale qui conduira au finale de la série. On se permettra d’être plus sceptique lorsque Alex lance une cinglante explication de texte à Ben sur ses réels sentiments envers son ex, cela casse le ton de la scène, et il est peu probable qu’Alex, dans l’état où il est, aurait pu penser à cela. La coda, irrésolue et sans lumière, relance les paris quant à la suite à donner à la saison. Au final, un épisode parvenant à dépasser sa faiblesse centrale grâce à sa brillance formelle.

La critique d'Estuaire44 : 

L’épisode voit se concrétiser la menace latente suscitée par le choix de Belle de ne renoncer à rien, quitte à opter pour la fuite en avant. Evidemment l’issue fatale apparaissait inévitable et le récit évite le piège d’un happy end absurde. Toutefois, son traitement de l’évènement pèche par une recherche superfétatoire de sensationnalisme. Plutôt qu’une révélation assénée par un ressort de vaudeville, il aurait été bien ambitieux de décrire Belle oser l’épreuve de vérité puis en dépeindre les développements chez elle et Alex. Ici le scénario cède à une cératine facilité, d’autant plus dommageable qu’un surcroit de mélodrame se voit ajouté par le client handicapé du jour.

En soi, la rencontre avec Belle résulte émouvante et sensible, mais elle aurait du faire l’objet d’un épisode à part, ici elle rajoute du lacrymal au lacrymal. Les auteurs perçoivent le danger et tentent d’y parer avec la personnalité plus humoristique et décalée du père, mais la greffe ne prend que médiocrement.

La finesse de la mise en scène et le choix toujours idéal de la musique d’accompagnement évitent le désastre, mais c’est avant tout le talent des acteurs qui sauvent l’épisode. Callum Blue se sort réellement les tripes durant la confrontation avec Alex. Les dialogues se montrent à la fois cinglants et compréhensifs, l’espèce de concorde s’installant entre les deux soupirants d’Hannah permet enfin au récit de sortir des sentiers battus, tout en questionnant plus qu’à l’ordinaire le positionnement d’Alex. Le passage a aussi l’habileté de ne pas charger Alex d’une étiquette de petit bourgeois aux valeurs étriquées. Alors que les numéros silencieux s’imposent souvent comme les plus malaisés pour un acteur, Billie Piper nous bouleverse par sa composition d‘une Belle totalement anéantie, dans le taxi et chez elle. Découvrir le silence perdurer alors que l’occasion d’une face à face avec Alex se présente nous fait pleinement mesurer le désarroi de notre amie devant l’écroulement de son rêve. Reste l’impression d‘une intrigue se perdant en partie car sacrifiant au sensationnalisme, on se croirait chez Moffat.  

  • Pour préparer un repas pour Alex, Belle lit Delia’s complete cookery course. Il s’agit d’un ouvrage de la cuisinière Delia Smith paru en 1989. Née en 1941, elle est une des plus célèbres de sa profession en Grande-Bretagne. Elle a publié de nombreux best-sellers vulgarisant des recettes et est une régulière présentatrice d’émissions de cuisine. Elle fut élevée au rang de Commandeur de l’Ordre de l’Empire Britannique l’année même de l’épisode (2009) pour sa contribution exceptionnelle à la cuisine britannique. Belle ne fait pas dans la demi-mesure pour éblouir ses petits amis !

  • La musique classique brièvement entendue dans la voiture de Gary est la fameuse Arrivée de la Reine de Saba, ouverture de l’acte III de l’oratorio Solomon (1749) de Georg Friedrich Haendel (1685-1759). C’est une des pièces les plus connues du répertoire classique anglais ; elle fut d’ailleurs utilisée lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Londres de 2012. Quant à la chanson folk favorite de Blake, il s’agit de Come pick me up de Van Alston et Ryan Adams, chantée par ce dernier. Cette chanson fait partie d’Heartbreaker, 1er album solo d’Adams après qu'il ait dissous le groupe de country Whiskeytown qu’il avait fondé en 1994.

  • Alex mentionne qu’il y aura des « Pimms » à la fête de son patron. Le Pimms ou « Summer cup » est une marque d’alcool, surtout prisée dans le sud de l’Angleterre. Elle existe depuis 1823, et se consomme diluée dans de la limonade et des morceaux de légumes.

  • « I mean, I'm touched all the time by my dad and PAs » déclare Blake. PA est ici l’acronyme de « Personal Assistants », engagés pour aider les personnes handicapées dans leur quotidien.

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6. PLUS DOUCE SERA LA CHUTE
(ÉPISODE 2.6)

Scénario : Rebecca Lenkiewicz
Réalisation : Peter Lydon

 

So glad I’m not Snow White. Fucked if I’m doing it with seven dwarfs.

Stéphanie accepte de donner à Belle un job : avec Bambi, elles assisteront à une réception costumée pour adultes organisée par des diplomates. L’ambiance de conte de fées tourne rapidement au cauchemar. Choquée, Belle prend une décision qu’elle risque de regretter au lendemain…

La critique de Clément Diaz:

L’épisode précédent palliait à la faiblesse de son rebondissement sensationnaliste par un soin accordé aux autres aspects du script. Rien de tel ici où la saison dérègle son feuilleton par la surenchère, avec cette fois un rapprochement avec Ben à la regrettable facilité. De plus, la substance narrative de la première moitié de l’épisode se révèle terriblement mince, malgré le spectre du thème du viol des prostituées resurgissant après le 2e épisode de la saison. La mise en scène plaquée or de Peter Lydon, exaltant avec un talent fou costumes et décors, et interprétation high class sauvent les meubles, mais il est patent que la saison traverse un creux en ce moment.

Le sous-entendu, outil scénaristique si british, parfume la brève introduction où Belle ne trompe personne (et surtout pas elle-même) en prétendant avoir tourné la page Alex et se remettre au travail. On goûte évidemment la discussion avec Stéphanie et son incomparable manière d’apporter son tough love à sa « fille » qu’elle estime sans doute le plus. Par suite, l’épisode épouse maladroitement le thème des fêtes adultes costumées, d’un kitsch plus outré tu meurs, où se télescopent personnages de contes de fées, gentes dames d’un siècle éloigné, héros de la culture populaire, le tout filmé avec faste par un Peter Lydon à la caméra généreuse et brillante. Le mélange est amusant, et les crossovers sont joyeusement bizarres, mais Rebecca Lenkiewicz oublie tout simplement de nous raconter par le menu cet autre aspect des services des escorts, comme c’est pourtant l’habitude de la série. Ce survol décevant du sujet s’accompagne de plus d’une dramatisation trop rapide et mécanique de l’intrigue, affadissant l’ordalie de Belle. Bon, Bambi a un beau moment badass quand elle pointe le flingue vers l’agresseur, mais l’épisode passe à côté de son sujet. On apprécie toutefois le lien fort entre les deux filles qui refusent de se laisser abattre après cette démonstration de la violence masculine, celle des puissants « intouchables » en particulier (cynique message vocal de Stéphanie). Ashley Madekwe embrase l'écran, et on l'aime comme ça.

L’épisode montre bien peu d’espoir en dépeignant Hannah tellement ravagée par la rupture et par cette douche froide qu’elle perd tout contrôle. Si elle nous émeut (registre que Billie Piper connaît sur le bout des ongles), on sent trop que les scénaristes veulent à tout prix noircir sa situation, quitte à ce que les événements semblent artificiels. La montée de la tension sexuelle avec Ben, et sa concrétisation finale, sont des ficelles beaucoup trop lourdes pour une série d’ordinaire si subtile, on tombe dans un des plus vieux clichés du cinéma. Alors, parce qu’on adore l’alchimie entre Billie et Iddo Goldberg, on regarde, mais les facilités que la série accumule en ce moment déçoivent. On note quand même l’ironie voyant que Ben, symbole d’une porte de sortie à la schizophrénie psychique de Belle, soit ici le révélateur de son état lamentable. Que Ben succombe à la tentation est explicable : la saison ayant rappelé que Ben éprouve plus qu’une amitié fusionnelle pour Hannah, et se montrant clairement jaloux d’Alex.



La critique d'Estuaire44 : 

Après l’abus de sensationnel et de claquements de porte précédent l’histoire du jour apporte une respiration bienvenue, évitant au fil rouge de la saison de subir une surchauffe. Une précieuse mi-temps dans la partie Alex/Hannah, qui a pour contrepartie que l’on ressent sans doute un peu trop qu’il ne s’agit que d’une parenthèse en marge. Pourtant, pour marginales qu’elles soient, les péripéties du jour ne signifient pas un quelconque ralentissement de l’action. Ainsi la party (fine) du jour va se révéler bien plus divertissante et animée que la soirée snobinarde découverte en début de première saison. Les amateurs des Avengers  apprécieront de découvrir l’une de ces belles demeures adornant la campagne anglaise, ainsi que leur série adorée. Le côté ludique du jeu de rôle/cosplay coquin  fonctionne à plein, par sa fantaisie comme par son aspect référencé.

Les Whovians seront derechef à la fête dans Secret Diary, avec le clin d’œil au Bad Wolf, mais aussi parce qu’un invité arbore déjà un fez, c’est cool. Surtout la thématique du conte de fées confère à l’ensemble un aspect de parodie triple X de Once Upon A Time devenant vite irrésistible, puisque l’on retrouve plusieurs personnages clés de la série (Charming n’est plus guère intéressé par Blanche Neige, le Chaperon Rouge est toujours sexy…) Une fois que l’on est lancé là-dedans, c’est simple, on n’en sort plus, y compris avec le prolongement dans une forêt presque surréaliste. Le sketch 007 est lui aussi amusant, même s’il débouche sur un certain excès, avec les coups de feu et le Prince Charmant se muant en Divin Marquis.

On enregistre avec plaisir le retour de Stefanie (ah tiens, Regina est là aussi, donc), toujours royale au sein de bars classieux. On regrette que l’engueulade prévisible soit expédiée par un message sur répondeur, mais les épisodes de Secret Diary s’assimilent toujours à une course éperdue contre le Temps. On aime beaucoup  retrouver une Bambi ayant visiblement franchi un cap, braise ardente en Caperucita Roja et suffisamment intrépide pour voler au secours de Belle. Un numéro éblouissant d’Ashley Madekwe. Ben confirme bien être le véritable Prince Charmant et c’est avec lui que l’épisode gagne une nouvelle dimension, avec ce final sensible et émouvant. Comme souvent Belle tait ses sentiments les plus profonds et laisse chacun subodorer ce qui l’anime. Aléas ou bouleversement, ces retrouvailles apportent in extremis tout un enjeu  à l’opus.

  • Unique épisode de la saison sans Alex.

  • Hannah avoue n’avoir jamais été amoureuse de Ben.

  • Lors de la réception, Belle précise qu’elle est déguisée en Rapunzel. C’est le nom allemand original de Raiponce, un conte recueilli par les frères Grimm dans le premier recueil des Contes de l’enfance et du foyer (1812). Elle arbore la même caractéristique physique de son personnage : une interminable chevelure blonde. Une adaptation Disney fut réalisée l’année suivant l’épisode, en 2010, par Byron Howard et Nathan Greno. Bambi est en petit chaperon rouge ou little red riding hood en anglais. La dirty joke est particulièrement évidente car dans le cadre de cette fête particulière, le mot « riding » (quelqu’un qui « chevauche ») prend un tout autre sens !

  • Lorsque « James Bond » est avec Bambi, il mentionne The Big « Bad Wolf ». Rappelons que « Bad Wolf » ou « Grand méchant loup » est la clé de la Mythologie principale de la saison 1 du reboot de Doctor Who où Billie Piper joue non seulement le rôle de Rose Tyler mais aussi celui de Bad Wolf ! Bon, apparemment, c’est confirmé, tout cela se déroule réellement dans un univers parallèle au Whoniverse.

  • Alors que Bambi et Belle fuient les diplomates tentant de les violer, Bambi mentionne qu’elles ont l’air de « Thelma and fucking Louise. » Elle fait bien sûr référence à l’iconique road movie Thelma et Louise. Ce film réalisé par Ridley Scott sur un scénario original de Callie Khouri qui remporta l’oscar en 1991, raconte la cavale tragique de deux femmes (jouées par Geena Davis et Susan Sarandon) traquées par la violence masculine dans toute l’Amérique. La situation de Belle et Bambi fait écho à la scène où Louise menace d’un révolver un homme essayant de violer Thelma avant qu’elles prennent la fuite. La différence est que Bambi ne presse pas la détente.

  • Le poteau indicateur : Upper hinton Chobhurst hill semble être fictif. S’il existe une rue Upper hinton, elle se trouve en plein dans la ville de Bournemouth, et non en rase campagne, tandis que Chobhurst hill ne semble pas exister.

  • Hannah a deux chambres dans son appartement. Pourquoi demande-t-elle à Ben de dormir sur le canapé alors qu’il pourrait aller dans la seconde chambre ?

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7. LA VOIE DE LA VERTU
(ÉPISODE 2.7)

Scénario : Tim Price
Réalisation : Peter Lydon

 

I thought it was Belle complicating things. It turns out it was me all along.

Belle décide de quitter sa vie de prostituée pour reconquérir Alex, et prend un travail de bureau, mais Alex n’est pas prêt à lui refaire confiance. Hannah s’ennuie d’ailleurs fermement dans son nouveau job. La nuit passée avec Hannah a ravivé les sentiments de Ben, mais il déchante en voyant qu’elle n’y accorde pas d’importance et n’a d’yeux que pour son docteur…

La critique de Clément Diaz:

Tim Price hérite d’une des meilleures parties du feuilleton de cette saison : l’autodestruction des trois côtés du triangle amoureux Belle-Alex-Ben. Désorientés, ils descendent de concert dans les ténèbres de leurs sentiments, jusqu’à rendre l’épisode sincèrement éprouvant pour le spectateur. La lueur d’espoir finale demeure tristement chimérique. L’irrésolue fin ouvre parfaitement la voie au finale de saison.

Alex se montre sous un jour guère lumineux, révoquant toutes les tentatives d’amendement d’Hannah. Il serait odieux si on ne mesurait pas en même temps la plaie béante qu’elle lui a infligé. On ne peut prendre parti pour qui que ce soit, car chacun demande de l’autre un trop lourd changement : pardon pour Alex bien conscient de l’emprise de Belle, sacrifice d’une des deux vies de notre héroïne. Leurs dialogues au rasoir font très mal. Il est surtout triste de voir Hannah jouer la comédie des larmes, de recourir à des ficelles de vaudevilles, pour le retenir. C’est toute la souffrance d’une âme en peine qui s’exprime, s’humilie, jusqu’à supplier un déchirant « droit à l’erreur » que nous demandons tous, mais que nous avons du mal à accorder à l’autre (qu’Alex soit chirurgien n’aide pas). La réconciliation sur l’oreiller ne fait qu’illusion, Alex voyant encore Belle en son amante charnelle ; l’incertitude demeure. Le sexe détruisant les rapports humains renvoie aux moments les plus noirs de Californication.

Hannah se voit acculée au sacrifice de Belle si elle veut garder Alex. Or, Belle est non une opposition d’Hannah, mais son acception exacerbée, brillante, tapageuse, elle est part d’elle-même, ce qu’Alex ne pourra jamais accepter, car demandant cette séparation. L’échec se profile à l’horizon. Cela est visible lors de la mémorable tentative du travail de bureau : chefaillon tyrannique, tâches minables, règles de travail accumulées jusqu’à l’absurde (le rendement d’efficacité poussé jusqu’à la caricature). La présence de Callum Blue/Alex, l’ancien Mason de Dead like me, invite d’ailleurs à voir l’entreprise comme une version sombre de Happy time, et où la lassitude ronchonne d’Hannah rappelle franchement la pince-sans-rire George Lass ! Qu’Hannah claque la porte sonne autant comme une victoire féministe (une femme n’a pas à s’abaisser professionnellement pour un homme)… que la consolidation de son impasse personnelle. Jointe à cette attaque de la déshumanisation du travail en entreprise, Tim Price atteint une abasourdissante densité en 22 minutes, on s’incline.

Ben subit un des pires sentiments humains : l’amour non partagé, de plus voué à la personne qui vous est la plus chère au monde. Hannah se montre cruelle en mésestimant les sentiments de son ami chéri, et chassant bien rapidement leur nuit de sa tête. On ne peut vraiment l’accuser, car c’est bien involontairement qu’elle brise le cœur d’un ami qui s’est trop vite illusionné. Mais en ne prenant pas la peine de réfléchir aux conséquences, elle se montre d’une douloureuse légèreté ; sur le coup, elle est vraiment la « crappy friend » qu’accuse Ben, qu’elle objétise en nounours contre lequel se blottir quand elle a un gros chagrin. Cela bien sûr sans s’en rendre vraiment compte. La descente aux enfers de Ben (coup d’un soir, rupture, agression, alcool…) est d’une intensité coupante, jusqu’à exploser dans la scène finale où Iddo Goldberg nous arrache le cœur en épave, et ajoute malgré lui à l’état d’âme lamentable de Belle la culpabilité. Mais Ben non plus n’est pas exempt de reproche car ce faisant, il révèle ouvertement la mascarade qu’est devenue sa relation avec Vanessa. Sa rupture fait éclater le paravent qu’il avait mis sur ses sentiments pour Hannah. Bien qu’invisible, Vanessa doit elle aussi souffrir de tirer un trait sur celui qu’elle devait épouser il y a encore quelques mois. On atteint le tréfonds avec le dernier contresens de l’héroïne, accusant Hannah et non Belle d’être à l’origine de cette situation. Elle persiste elle aussi à voir ses entités séparées, mais cette fois en chargeant son soi le plus intime et vrai. Le finale de la série est déjà là, dans l’ombre. Les trois acteurs, en pur état de grâce, vont jusqu’au bout des émotions de leurs personnages, achevant un des épisodes les plus riches de la série.

La critique d'Estuaire44 : 

Après une respiration bien placée au sein de la saison, cet épisode marque une accélération nous propulsant vers un final déjà annoncé comme guère joyeux. Après un fatalisme désolé assez décourageant, Belle se décide enfin à relever le gant et à mener son combat pour Alex. Ce mouvement signifie d’emblée une montée en puissance dramatique, qui nous séduit par son alliage subtil d’émotion et de véracité. L’auteur évite le piège de camper belle en héroïne parfaite, la montrant d’une remarquable insensibilité quand elle foule aux pieds les espérances de Ben (au  sentiment n’est plus égoïste que l’amour) ou d’une désarmante crédulité quand elle croit que simplement annoncer son évolution de carrière va faire revenir son élu. Mais cette crédibilité, même acerbe, du portait confère plus de force à l’admirable ténacité manifestée par notre amie se montrant aussi vaillante combattante que dans un certain univers alternatif avec une boite bleue. Certes le coup de pouce du destin paraît légèrement artificiel, mais on test touché de voir Belle saisir la balle au bond sans jamais renoncer.

La séquence à la simili Brazil dans l’entreprise cauchemardesque  apporte cet humour sans lequel Secret Diary ne saurait être tout à fait elle-même. Mais elle signifie un premier renoncement de Belle malgré tout son attachement à son combat. Chacun sait qu’il n’existe rien de plus difficile que de changer ce que l’on est et la péripétie inquiète déjà pour l’avenir. Il en va de même pour Alex, qui lui aussi, malgré la volonté sincèrement fichée, éprouve les pires difficultés à modifier son ressenti quant au parcours de Belle. On tient là une convergence en ciseau menaçant de trancher net la renaissances d’une relation. Si la narration s’effectue avec finesse, on regrettera simplement que la mise en scène opte  de nouveau, après déjà les visions de Belle, pour une approche très littérale des sentiments d’Alex. Désormais à la dérive après avoir brûlé ses vaisseaux, Ben complète ce tableau à la fois magistral et déjà pratiquement désespéré, avec la bouleversante scène finale (génial Iddo Goldberg). La mise en scène bénéficie derechef de superbes localisations de Londres, comme Piccadilly Circus ou l’OXO Tower de South Bank.

  • Le nom de la famille d’Alex est révélé : McLeod. On comprend mieux pourquoi il perd un peu la tête ici…

  • Tim Price devient le premier auteur masculin à écrire pour la série.

  • La voiture d’Alex tombe en panne dans Stephenson Street. C’est une longue rue de l’Est de Londres à côté de Star Lane Park.

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8. LES MOTS POUR LE DIRE
(ÉPISODE 2.8)

Scénario : Julie Gearey
Réalisation : Peter Lydon

- You can stay if you want. My bed. Promise I won't touch you. Got the line down the middle. I won't cross it.
- Good, because you're a terrible shag.

Stéphanie propose à Belle un « dernier client », Belle refuse pour garder Alex, mais constate rapidement qu’aucun emploi n’est pour elle comparable à celui d’escort. Ben lui propose d’écrire un livre sur son métier, mais elle n’a pas d’inspiration. Refusant de choisir, le destin choisira pour elle…

La critique de Clément Diaz:

Le finale souffre de ne présenter que les conséquences de l’épisode précédent. N’apportant rien au niveau des personnages, l’impression de pâle copie demeure. Le twist final, trop largement préparé, était aisément devinable. Cependant, Julie Gearey trouve une planche de salut avec une splendide fin en deux temps, où seule l’émotion règne. Comme pour le finale de la saison 1, le soleil trompeur d’un faux happy end achève cette saison sur une note amère, pessimiste quant au devenir d’Hannah face à l’écrasante influence de son double.

La scénariste doit liquider la relation Alex-Hannah ; pour cela, Hannah doit laisser Belle dominer sa personnalité, c’est-à-dire, revenir vers son métier. L’auteure choisit donc la solution la plus facile : tenter Belle par une offre alléchante. Que Stéphanie, personnage fin psychologue qui connaît sa « fille » peut-être mieux qu’elle-même, en soit chargée, apporte une saveur à cette facilité. On tombe toutefois dans la répétition lorsque Belle et Ben discutent d’emplois de substitution : le sujet a été débattu dans l’épisode précédent, cela n’apporte rien de nouveau. La scène chez MH Credit apparaît comme une ficelle voyante destinée à préparer trop ouvertement le twist final. On s’étonne que Ben fasse si vite son deuil d’Hannah après sa précédente plongée dans les abysses. Il faut aussi mettre en place la carrière d’écrivain que Ben propose à son amie. Cette fois le cliché prend la place de la facilité avec un clip assez pesant où Belle s’imagine avec Ashok qu’on a certes plaisir à retrouver et tapant son histoire en surimpression : elle n’écrit rien qu’on ne sait déjà et la scène n’a pas la moindre étincelle, érotisante ou émotionnelle. Pour préparer la fin, les auteurs s’ingénient à placer toutes leurs cartes sans subtilité le format de 22 minutes joue contre eux. Bambi, toujours splendidement incarnée, n’apporte pas grand-chose, ressassant la situation et n’agissant aucunement sur l’intrigue. On salue toutefois nos comédiens plus investis que jamais, et une BO à l’avenant.

La deuxième partie de l’épisode se révèle a contrario de la plus belle eau. En configuration Belle, notre héroïne renoue avec la toujours appréciée complicité avec le public via le 4e mur. Surtout son choix final achève de dessiner l’écrasante influence de Belle sur Hannah : même au plus fort de ses possibilités (ou presque), l’être intime de l’héroïne ne peut rivaliser avec son excitant et brillant alter ego. La scène de rupture prend à contre-pied par son ton apaisé. Alex avait déjà compris que sa relation était vouée à l’échec et a pu se préparer à affronter l’épreuve ; pendant que Belle encaisse avec sa force coutumière sans rien cacher de son déchirement intérieur. Les dialogues, très simples (et on sait que la simplicité est ce qu’il y a de plus difficile pour un scénariste), sont chargées de l’émotion flamboyante instillée par Billie Piper et Callum Blue, réunis dans un jeu d’acteur à l’unisson l’un de l’autre. On apprécie qu’aucun ne cherche à blâmer l’autre, c’est digne, droit, beau. Avec une subtilité terrible, la phrase d’accroche de la série « The first thing you should know about me is that I’m a whore. » acquiert alors un autre sens : celui d’une femme se considérant désormais uniquement comme prostituée. Hannah n’est pas encore morte, mais elle va mettre du temps à récupérer de sa défaite encore plus écrasante que celle de la saison précédente. Le final clinquant et brillant ne dupe pas une seconde : sous les sourires et le succès de sa nouvelle carrière d’écrivain, se dessine en creux un constat d’échec cuisant pour la vie intime de la jeune femme, et une restriction de son existence à celle de « poule de luxe ».

La critique d'Estuaire44 : 

Au-delà de la description du drame vécu par Belle, le récit de cette superbe fin de saison s’élargit à une magistrale description du phénomène particulièrement pernicieux que constitue l’addiction. En effet, les différentes stations qu’emprunte le parcours d’une Hannah en manque de l’adrénaline suscitée par son travail résultent universelles : elles peuvent aussi bien concerner le tabac, les stupéfiants, les jeux vidéo, la boulimie, etc. De quoi solliciter directement bien des spectateurs. De la dénégation jusqu’aux mensonges adressés à soi-même, en passant par la colère impuissante et le refus de l’aide d’autrui, pour enfin  s’abîmer dans l’embrasement des retrouvailles avec l’objet de son impérieuse passion, tout ce triste chemin se voit exprimé avec un talent infini par Billie Piper, qui délivre  ici l’une de ses plus belles compositions de la série.

On pardonnera le sensationnalisme éventé de l’apparition très prévisible d’Alex, car il autorise une idéale conclusion. L’acceptation de la situation par Belle se montre plus sonore que d’éventuelles dénégations. Elle ne cherche pas à nier, ni même à expliquer,  car elle intègre sa défaite finale en une amère épiphanie, malgré la sincérité de son combat. Tout ceci sonne très juste. Le récit parachève de refermer en subjugation pour notre héroïne. Aucune potentielle porte de sortie ne lui est aménagée, ce qui dramatise avec une force particulière ce dénouement. Outre établir une passerelle avec la saison suivante, le livre n’apparaît en définitive que comme une béquille pour Belle, lui permettant de rebondir mais pour mieux prolonger le chapitre central de sa vie que constitue la prostitution. 

Malgré ce portait approfondi de la protagoniste, les personnages secondaire, toujours superbement interprétés, ne se voient pas pour autant négligés. Alex réussit parfaitement sa sortie. En le regardant sortir de la chambre d’hôtel, les amateurs du Docteur pourront y voir un écho de Martha quittant le TARDIS, préférant la maîtrise à la recherche illusoire du bonheur, en éternelle seconde position dans le cour de l’être aimé. Après la crise précédente, Ben reprend comme si de rien n’était son rôle de confident. On aimerait y percevoir de l’abnégation, mais l’on devine qu’une autre addiction est à l’œuvre, renforçant la thématique de l’opus. Si Bambi se montre toujours touchante, on retiendra avant tout un nouveau flamboyant discours de Stéphanie, plus cynique (mais honnête à sa manière) que jamais. La mise en scène se montre comme toujours élégance notamment lors de la séance d’écriture, avec une scène d’amour tournée avec un inventif raffinement visuel. Le télescopage du  London Eye et de Canary Wharf dans les inserts, première et dernière étape des deux saisons de Rose, parlera également aux Whovians.

  • Nous apprenons le nom de famille d’Hannah : Baxter. Alex le mentionne lorsqu’il parle à une employée de MH Credit.

  • A gentlemen caller who's tired of eastern Europe wants to try a little of your English rose dit Stéphanie à Belle. Les Whovians auront détecté immédiatement une référence cryptée à Rose Tyler. Et encore une référence au Docteur, caramba !
  • Belle est amatrice de pancakes. Une londonienne pur sucre on vous dit.

  • Ben propose à Belle qu’elle devienne « agony aunt », terme utilisé pour désigner une personne (généralement une femme) donnant des conseils d’ordre personnel dans un magazine ou un journal.

  • Ben déclare qu’il a contacté les éditions Bloomsbury pour le livre de Belle. Il s’agit d’une maison d’édition indépendante fondée en 1986 par Nigel Newton, connue pour avoir édité la saga Harry Potter de J.K.Rowling. Son chiffre d’affaires s’élèverait aujourd’hui à 100 millions de livres.

  • Belle a rendez-vous à l’Hôtel Morton. C’est un hôtel de charme très huppé non loin du British Museum et de Covent Garden. Son design a été créé par The Bloomsbury group, un collectif d’artistes (écrivains, musiciens, peintres…) fondé après la seconde guerre mondiale. Virginia Woolf en fut une des co-fondatrices.

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 saison 1Saison 3

Journal intime d'une call girl 

Saison 3


1. AMOUR, GLOIRE ET BONTÉ
(EPISODE 3.1)

Scénario : Chloe Moss

Réalisation : Owen Harris

If I'm going to write a second book, I'm going to have to do some serious whoring.

Résumé :

Belle assiste déguisée en serveuse au lancement de son livre sur sa vie aventureuse de call-girl. Le succès est rapidement fulgurant et son éditeur, un des seuls à connaître sa véritable identité, lui demande d’écrire un autre livre en trois mois plus axé sur sa psychologie, et celle de ses clients. Elle se met au travail…

La critique de Clément Diaz:

C’est un entraînant carnaval burlesque qui ouvre la saison 3, qui va en effet se distinguer par un humour azimuté et des personnages très excentriques, sans oublier son arrière-plan bien sombre. Mais ici, point d’introspection douloureuse : Chloe Moss balance toute noirceur à la pelleteuse et imagine cinq mini-histoires toutes reliées les unes aux autres par le fil rouge du livre de Belle : avec une telle densité d’écriture, la scénariste peut donc démultiplier gags et bonne humeur sans faiblir pendant 22 minutes - à un cliffhanger dramatique près - soit la recette des meilleures sitcoms. Cet épisode capte en effet tous les avantages du genre sans rien abdiquer de sa spécificité. Au final, un modèle de pilote de saison.

Les auteurs tirent tout l’humour moins grâce aux situations qu’aux personnages, ce qui est toujours le meilleur parti à prendre. James d’Arcy réussit fort bien son entrée en scène en éditeur sensationnaliste, relayé par Ben crânant à mort, et surtout la séance d’humiliation publique avec une gourdasse blonde lisant toute vulgarité dehors le début du livre sous les yeux catastrophés d’une Belle soudain très ridicule en serveuse. Moss se permet même tout un méta-récit en se moquant des rumeurs sur le fait que Belle de Jour était en fait un homme avec Ben tentant de profiter de la situation avec une groupie. L’auteure fait coup double en ayant l’idée géniale de superposer les deux scènes de sexe entre Belle et Jesse d’un côté, et Ben et Camilla de l’autre : la première est glamour et torride, l’autre maladroite et plus puritaine. On se tient les côtes pendant que Camilla lance des cochonneries à un Ben totalement dépassé et que Belle et Jesse décollent vers le septième ciel en cabotinant comme il faut. De plus, Owen Harris confirme toute sa maîtrise en saturant la scène glamour de couleurs chaudes, et en filmant la scène avec Ben plus froidement. Et puis, avouons-le, la grossesse de Billie Piper nous avait privé pendant une saison de scènes de sexe bien excitantes, alors on les retrouve avec grand-plaisir. Jesse lui-même est un sympathique personnage, extraverti, bon vivant, à la bonne humeur contagieuse. Bon, la danse de Belle fait très publicité pour Contrex mon partenaire minceur, mais a le mérite de rappeler combien la BO est soigneusement travaillée dans la série.

La deuxième partie de l’épisode ne relâche pas le tempo en captant les réactions amenés par le livre de Belle : on retiendra surtout celle de Stéphanie, copieusement dézinguée par son ancienne « fille » : la scène avec une Bambi décidément totalement nulle en matière de mensonges est une des plus hilarantes de la série : la combinaison du jeu frigide de Cherie Lunghi et celui déphasé d’Ashley Madekwe est explosive ! Surtout, à la demande de son éditeur décidément très excité par tout ça, Belle doit poursuivre ses investigations et frappe très fort avec un client d’un ennui mortel, dont la scène sexuelle vire dans le n’importe nawak (on s’attend presque à voir Hank Moody débarquer). L’épisode s’achève dans la joie en exaltant la jeunesse du trio central fêtant le succès de Belle dans une ambiance euphorique, arrêtée seulement par le cliffhanger final, qui instaure un nouvel arc feuilletonnant pour la saison. Un épisode totalement lumineux, et un des plus drôles de la série.

La critique d'Estuaire44 : 

Secret Diary démarre sa troisième saison sur les chapeaux de roue, Belle nous entrainant d’emblée dans une torride scène d’amour, puis un trépidant plan séquence dans les couloirs du palace. Le spectateur est happé d’emblée alors que la série célèbre joyeusement le retour de son actrice libérée des contraintes de la grossesse et plus alerte que jamais. Tout au long de l’épisode elle va faire étalage avec dynamisme de sa liberté corporelle retrouvée. (Belle marche beaucoup (entre autres activités), Ce bonheur communicatif est visiblement partagé par une équipe technique n’ayant plus  à gérer l’heureux évènement et délivrant une mise en scène pleine d’entrain. La bourrasque emporte également les plans de Londres jusqu’ici emblématiques de la série, mais ne séquençant plus l’action.

Au-delà de la liesse des retrouvailles, l’opus représente un parfait pilote de saison, resituant le contexte des personnages et plantant le décor d’une nouvelle thématique. Tout comme Hank Moody explorait un univers différent à chaque saison de Californication, Belle découvre ici le monde de la littérature, ou plutôt celui des best-sellers médiatiques. L’occasion d’une satire sociale massivement jouissive, ironisant sur ce microcosme pour qui le le livre reste moins important que l’évènement qu’il constitue et auquel on s’émoustille de participer). Ben, grimé très à la Eleven, avec nœud papillon et sans cravate, lui, est appelé à la rescousse, avec son hilarante nuit d’amour bien plus factice, que celle, pourtant tarifée, de Belle.

 Le scénario n’hésite pas à jouer la carte du métarécit, tout comme The L Word avec le livre de Jenny en retraçant la saison 1. De manière irrésistible, Belle se voit confrontée à un double caricatural d’elle-même déclamant les premiers mots entendus de la série, ou son éditeur lui enjoignant d’écrire une suite fouillant la psychologie au-delà de l’amusement, c'est-à-dire que ce la saison 2 a apporté à la première. Les personnages secondaires ont tous droit à des scènes finement ciselées, avec un Ben désormais en liberté, une Bambi toujours drôle et touchante et une Stefanie hilarante de colère froide. Notre Queen of Evil préférée est à peu près tout sauf stupide et il apparaît évident qu’elle devine d’où vient le coup, ce qui promet pour la suite. Duncan effectue une entrée réussie et crédible, grâce au caméléon James d’Arcy, futur Jarvis d’Agent Carter et adversaire de David Tennant dans Broadchurch.

Au terme de ce pilote de saison euphorisant et très riche, animé par une galvanisante Billie Piper, Belle et ses deux amis semblent avoir trouvé un équilibre et former un trio indissociable. La suite de la saison va bien évidemment balayer tout cela comme un château de cartes.

 

Anecdotes :

  • James d’Arcy intègre le générique de la distribution. Il joue Duncan (encore non nommé ici), l’éditeur de Belle et son love interest dans les 8 épisodes de cette saison 3.

  • de la réception, Ben crâne avec son nœud papillon d’une manière assez similaire au Onzième Docteur (que Belle connut très intimement en saison 1). Il enfonce le clou que ou « c’était ça ou la cravate » ce qui semble être une référence au Dixième Docteur, amateur de cravates et âme sœur de Rose Tyler. Ça commence à faire beaucoup de coïncidences tout ça…

  • Belle publie son premier livre aux éditions Atwood & Kalberg. Cette maison d’édition est fictive. L’éditeur des livres de la véritable Belle de Jour fut Orion Publishing Group. De même, le premier livre de l’héroïne s’appelle dans la série The Secret life of a London Call Girl mais dans la réalité, le premier opus de Belle de Jour fut nommé The Intimate Adventures of a London Call Girl.

  • No rest for the wicked taquine l’éditeur à Belle pour l’encourager à écrire rapidement son deuxième livre. Cette expression vient du livre d’Esaïe (48:22, 57:20-21), aujourd’hui utilisée couramment comme expression ironique à propos d’une série de travaux importants que l’on ou d’autres ont à faire. 

  • Camilla bosse dans les PR de la maison d’édition, c’est-à-dire les relations publiques (« Public Relations »).osse dans les PR de la maison d’édition, c’est-à-dire les relations publiques (« Public Relations »). 

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2. LA CLÉ DU FANTASME
(EPISODE 3.2)

Scénario : Tim Price

Réalisation : Owen Harris

- No one will pay 350 quid an hour for you.

- Why not ?

- They want Stepford wives who can suck, no EastEnders who can fuck.

Résumé :

Séparée de son mari, Jackie, la sœur de Belle, vient squatter chez elle à son grand dam. Jackie découvrant un nombre impressionnant de jouets sexuels chez sa sœur, Belle tourne la situation en sa faveur en essayant de la « décoincer ». D’abord révoltée, Jackie accepte de se lâcher, mais pas de la manière que Belle attendait. Pendant son temps, Bambi a rendez-vous avec un client très excentrique…

La critique de Clément Diaz:

On ne peut pas reprocher à Tim Price d’en faire trop peu : cet épisode est rempli à ras-bord de mini-intrigues brillamment enchevêtrées à la densité foisonnante, adornées par ailleurs de magnifiques thématiques sur le comportement sexuel humain et sur notre monde contemporain dont les règles prétendument « morales » se voient ici violemment dénoncées. La réussite n’est malheureusement pas complète, un des axes majeurs de l’intrigue - le vaudeville Belle-Jackie-Ben - tombant à plat par sa soudaineté absurde et sa gratuité pure et simple, révélateur du malaise des auteurs sur l’incorporation de la sœur de Belle dans la série. L’épisode enregistre cependant l’arrivée en fanfare d’un des plus réjouissants personnages de la série : le 100% excentrique, 100% romantique Byron, dont la particularité est son quasi mutisme : c’est que Byron s’exprime plus par actes qu’en paroles, et pendant toute la saison, il va nous régaler de ses apparitions lumineuses et adorables.

La première moitié de l’épisode accumule à un tempo ultra rapide scènes et confrontations chocs. Après une cold open fascinante par son esthétique morbide, l’épisode juxtapose des contrastes aussi tranchés que rigolards. En la matière, on est catapultés directement à des hauteurs lysergiques lorsque Belle traîne sa soeurette puritaine dans un club sexuel hallucinatoire ! Le choc des cultures est aussi hilarant qu’explosif, enchaînant les tirs au bazooka entre les deux sœurs, puis entre Belle et Stéphanie ici en mode hardcore - jamais la série n’aura été plus proche de Californication. La description de cet antre du 3e type du plaisir s’effectue avec un respect mêlé de sympathie : les auteurs mettent un point d’honneur à ne pas juger des pratiques stigmatisées par ailleurs comme « déviantes ». Ici, le sexe est joyeux et délirant, à l’image de son irrésistible hôte. Les dialogues crépitent en continu et ont le mérite de ne pas être gratuits : on aime voir Belle prendre sa revanche sur son ancienne employée (comme elle démolira plus tard Duncan), mais Stéphanie n’hésite pas à dénoncer sa mesquinerie, ce que Belle, dans son nuage, ne relève pas. La même Stéphanie se montre d’un cynisme dévastateur lorsque Bambi la confronte au racisme latent des clients quant aux filles de couleur. On applaudit Bambi de tenir tête à sa maquerelle (un exploit que même Belle n’a jamais réussi) passive devant cette inégalité. L’on sent que Stéphanie n’est pas à l’aise, elle a accepté ces dérives à cause de sa connaissance du terrain, plus amer et sordide qu’il n’y paraît, et qui a déteint sur elle. Grâce à la parfaite Cherie Lunghi, l’on sent le ravage de son personnage derrière sa muraille cassante. Stéphanie représente bien l’antidote au vernis glamour de la série, qui ne trompe personne une fois qu’on s’y immerge pleinement. La série restant quand même comique, cette gravité est équilibrée par Ashley Madekwe, jouant habilement d’un jeu totalement faux et excessif à pleurer d’hilarité.

Le conflit entre les deux sœurs s’avère aussi drôle que dramatique. Ainsi, alors qu’on est prêt à consoler Jackie, trahie par son mari infidèle, nous voyons en fait qu’elle est un véritable dragon femelle, infantilisant, castrateur, et engoncé dans son double carcan puritain et de son élevé rang social. Belle n’apparaît pas si sympathique non plus, se montrant tout aussi moralisatrice ; on applaudit la série de ne pas ménager ses héroïnes, cela les rend plus émouvantes dans leurs erreurs. Malgré les allures de vaudeville (irruptions de Bambi et Ben chez Belle), le fossé entre elles demeure profond. Jackie incarne une idée d’une société bourgeoise n’ayant que mépris pour la classe des « petites gens », à laquelle elle a échappé grâce à un mariage désastreux. Toutefois, l’épisode chute dans les clichés de la telenovela pour décrire comment Jackie se « décoince ». Le vaudeville Ben-Jackie arrive trop rapidement pour cette dernière. Voir Ben n'être que le jouet sexuel de Jackie apparaît aussi artificiel que vulgaire. Il aurait mieux valu que Jackie ait simplement accepté l’univers de Belle sans le juger plutôt que cette histoire sacrifiant trop au sensationnel. Reste que la fureur de Belle n'est pas sans nous intriguer, comme si elle manifestait une jalousie que Jackie "s'amuse" avec son meilleur ami. L’on regrette que Jackie reste trop unidimensionnelle (la performance percutante de Joanna Bobin n’y pallie pas vraiment), elle ne semble qu’être une petite peste, humanisée seulement par une sous-entendue frustration sexuelle qu’elle s’est imposée par ses propres règles (d’où une masturbation compensatrice) et fantasmant malgré elle sur une vie sexuelle plus pimentée. Par là, l'épisode souligne une société aussi schizophrène qu’elle, libérant sans réflexion les mœurs d’un côté, tout en s’en tenant à une sclérosante condamnation morale de l’autre. Nous touchons là sur une cause de l’insatisfaction sexuelle d’une grande part de l’humanité. Le rendez-vous de Belle s’avère moins enthousiasmant que de coutume, malgré une tenue spectaculairement sexy.

Cette deuxième partie décevrait s’il n’y avait pas eu une des meilleures idées de cette troisième saison et de la série tout entière : l’entrée en scène de Byron. Le coup de cœur pour ce client bizarre est immédiat. Incarnation aboutie du dandy anglais rock’n’roll - comme un croisement entre John Steed et les Who - à l’excentricité pétillante, et au romantique débordant, son histoire avec Bambi débutant ici est une parenthèse euphorique rare dans la série. Sa mise en scène de leur rendez-vous est à la fois drôle par son décalage, impressionnante par sa démesure, et émouvante par son romantisme aveuglant. Byron et Bambi vont composer un des plus grands atouts de cette troisième saison tout en faisant évoluer la padawan de Belle. Il est clair qu’avec ses prétentions et ses airs de diva que Bambi suit le chemin de l’arriviste Naomi, et Byron apparaît comme celui qui l’en fera dévier vers un avenir bien plus radieux, incarnation de ces miracles qui peuvent arriver dans une vie, sans tomber dans le béat Hollywoodien. David Dawson, bien qu’en roue libre, retranscrit sans faiblir toutes les qualités de ce personnage électrique.

La critique d'Estuaire44 : 

On reprochera à l’épisode de partiellement retomber dans les défauts de la première saison, avec ses épisodes aux thématiques trop explicitement soulignées. Ici on indique d’emblée que l’on va traiter du fantasme, tout comme on a eu jadis l’opus estampillé BDSM ou échangisme. Il reste dommage de reprendre aussi manifestement la  main du spectateur, après  une période aux contours davantage subtils, on se croirait dans la première saison de Sex and the City. Au moins ce parcours fléché prend-t-il son essor via une séquence somptueusement filmée, avec une ambiance de Série noire aussi torride qu’élégante, une vraie réussite. Le scénario retrouve des couleurs par son second degré, n’opposant pas le fantasme à la réalité, comme on le pratique si couramment, mais bien à l’illusion.

En définitive nos héros se réfugient dans la fantaisie non tant pour échapper à un morne réel  (comme a pu le faire, dans un univers voisin, une certaine jeune londonienne s’engouffrant dans une boite bleue magique) que pour échapper au piège d’un bonheur illusoire où ils se sont eux-mêmes cadenassés. L’aventure avec Ben permet à la sœur d’oublier son mariage, mais celui-ci n’était déjà qu’un mirage consensuel. De même, Ben tente d’oublier l’illusion  déçue d’un possible bonheur avec Belle. La merveilleuse rencontre  avec Byron permet à Bambi de connaître une alternative au pseudo bonheur matérialiste dans laquelle elle s’est enferrée. Cette magnifique séquence dépasse d’ailleurs en quelques minutes tout ce que qu’ont pu proposer en matière de romantisme les mornes rencontres entre Belle et Alex la saison précédente. Car, pour une fois, le miracle va survenir et le fantasme devenir réalité. Une magie existe en ce monde et Bambi vient de la découvrir.

Belle elle-même se réfugie dans une réminiscence du mythe de Pygmalion et Galatée afin de dépasser cet opium du succès littéraire qui n’a jamais constitué qu’un pis aller à son vide intérieur, une rustine. Au total, le panorama de l’opus décrit l’humanité en troupeau aveugle, navigant d’un bonheur en trompe-l’œil à l’autre, car incapable d’appréhender sa vérité intrinsèque et de s’y confronter. .Sous son humour, le propos de la série rejoint un moralisme quasi nihiliste. D’ailleurs celle qui résout le mieux le dilemme existentiel reste notre Stefanie, par son adhésion au cynisme le plus absolu et revendiqué. On  peut qu’admirer cette femme faisant face à toutes les situations, même les plus embarrassantes, avec lucidité et aplomb, sans jamais se payer de mots ni se bercer d’illusion (et il nous faut absolument l’adresse de ses bars).

 A côté de ce discours très riche, on regrettera quelques maladresses se traduisant par des scènes sonnant assez faussement. On a peine à croire que Belle emmène sa sœur dans une soirée SM aussi carabinée, autrement plus hardcore que la branchée de la première saison ou le jeu de rôles polisson de la deuxième. Ou alors c’est une mauvaise blague, mais s’il existe un personnage de série télévisée dépourvu de toute méchanceté, c’est bien Belle. Leur engueulade entre sœurs fait un peu cliché. On a peine à croire que Bambi tombe des nues à ce point quant à l’impact du racisme sur sa valeur marchande, pour reprendre le vocabulaire fleuri de ces dames. La question aurait du logiquement s’imposer bien plus tôt dans sa carrière. Malgré ces quelques faiblesses, on apprécie que l’épisode fasse la part belle aux épatants personnages secondaires de la série.

Anecdotes :

  • Première apparition de l’aristocrate Byron, incarné par David Dawson. Il va devenir successivement client régulier, petit ami, et enfin époux de Bambi le temps des 7 épisodes de cette saison où il sera présent.

  • On note que Ben prend un bref instant un accent écossais, en hommage à David Tennant peut-être…

  • Stéphanie mentionne le roman Stepford Wives et la série EastEnders. Le premier, connu en France sous sa traduction Les femmes des Stepford, est un roman satirique américain d’Ira Levin paru en 1972 mettant en scène de jeunes femmes aussi belles qu’exagérément soumises à leurs maris. EastEnders est un soap opera anglais crée en 1985 mettant en scène plusieurs clans familiaux ; très populaire en Grande-Bretagne, les personnages féminins de la série sont souvent des femmes ravagées au comportement excessif, et aux manières de diva. La pointe de Stéphanie prend son sens car Bambi se comporte dans la scène comme un personnage de ce soap au lieu de la douce soumission demandée.

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3. L’ÉCUME DU SUBCONSCIENT
(EPISODE 3.3)

Scénario : Richard Hurst

Réalisation : Owen Harris

- Are you sure you're ok with this ? You must get some real perverts.

- If I'm lucky.

Résumé :

Belle continue de retranscrire ses rendez-vous avec ses clients. Celui du jour est un jeune homme timide qui aime que ses partenaires se comportent comme des animaux de ferme. Ben et Jackie continuent leur relation au grand dégoût de Belle que sa solitude oppresse de plus en plus. Malgré les avertissements de Belle, Bambi s’engage avec Byron dans une relation plus intime…

La critique de Clément Diaz:

La série continue d’enthousiasmer en osant un humour toujours plus frappadingue, alors que son regard sur les relations humaines est de plus en plus pessimiste. Les clients de Belle deviennent en effet des cas quasi psychiatriques, mais révèlent autant un délire comique qu’un poignant ravage intime. L’égoïsme fondamentalement présent dans le sentiment amoureux, les conséquences terribles des amours non partagées, la jalousie du bonheur d’autrui, l’angoisse de la solitude… l’épisode est décidément très chargé en noirceur ! Bambi et Byron permettent cependant à Richard Hurst d’introduire des parenthèses enchantées qui sont autant de respirations.

On commence en fanfare par Duncan pointant les tordantes perles d’une Belle se noyant dans un fatras de descriptions techniques. Ce galimatias burlesque emporte tout sur son passage, culminant avec cette loufoque partie de Twister, une excellente idée de scénariste. Mais derrière l’humour, l’on voit une évocation du dur labeur de l’artiste qui doit effacer les ficelles de sa technique aux yeux d’un public ne demandant rien d’autre que des émotions. Une sorte de méta-récit se met en place, car Belle doit maintenant accorder large part à sa personnalité, et celles de ses clients. Or, la série va maintenant délaisser le côté catalogue des services de Belle pour se concentrer sur les clients eux-mêmes, un choix bien plus riche, drôle, et sombre.

Démonstration immédiate avec le client du jour envoyant à l’autre bout de la galaxie les précédents de l’héroïne question folie. Son fantasme sur les animaux (écho au client du pilote ?) nous vaut une scène de sexe dont la franche crudité est parée par des répliques bourrines et des cris d’animaux totalement allumés. Les mines effondrées de Billie Piper sont un poème. Mais cette situation nous expose aussi une émouvante thématique : Belle ne se contente pas d’écarter les jambes, mais doit aussi interroger, et parfois insister pour découvrir comment satisfaire ses clients. Simon, emprisonné dans un carcan de règles bienséantes et la honte de ses fantasmes, est mal assuré, et il faut tout l’effort de l’héroïne pour le convaincre de se lâcher. Belle apporte bien plus qu’un réconfort sexuel à des hommes parfois frustrés, mais leur permet de réaffirmer une identité que les entraves sociales étouffent : l’on voit un homme brisé sentimentalement et sexuellement depuis qu’il fut rejeté à cause de ses fantasmes. La non-réalisation des fantasmes et de la libido entraînant leurs victimes sur une pente descendante (autodestruction, violence…), et ici exprimée sous forme d’une dévirilisation, est ainsi dramatiquement mise en scène.

Toute la deuxième partie de l’épisode s’attache à traquer les effets collatéraux dévastateurs de l’amour, à la hauteur de sa sublime joie. Ben ne parvient pas à se libérer de son amour non partagé pour son amie, et se perd dans les bras de sa sœur : débraillé, mal peigné, passif, à la ramasse, il semble perdu dans une brume d’hébétude chagrine. Jackie, tout à sa joie, ne s’en aperçoit pas - toujours cet égoïsme du sentiment amoureux - tandis que la situation embarrasse trop Hannah pour qu’elle s’en rende compte. Ben a ainsi la pseudo-satisfaction de rester près de son élue, ce qui ne lui cause que du mal (masochisme du rejeté). L’épisode ménage des moments de détente avec les merveilleuses escapades de Bambi et Byron, pétillants d’euphorie. Les voir réaliser la profondeur de leurs sentiments - infinie tendresse des scènes de lit - est touchant. Mais ce faisant, Bambi rejette l’appel à l’aide d’une Hannah étouffée dans sa solitude pour rester avec son prétendant, là où Belle n’hésitait pas à tout laisser tomber pour l’aider. Cette ingratitude révèle décidément bien le caractère égoïste des plus beaux sentiments, mais qu’aurions-nous fait à sa place ?

Belle continue son expansion : travail à la chaîne, écriture du livre, rendez-vous avec l’éditeur, condamnation de Bambi cédant à l’amour... C’est à ce moment qu’Hannah semble se réveiller pour crier sa souffrance d’être seule : sans famille, sans amoureux, sans amis (Ben semble bien loin), elle en est réduite à chercher compagnie auprès de… Duncan. Leur léger flirt suivi de l’hilarant monologue où Belle tente de le justifier à la caméra retrouve l’humour, mais va être la graine d’un terrible malentendu : jalousant Bambi et Byron (à raison) et Ben et Jackie (à tort), Hannah plaque toutes ses espérances en Duncan qui n’est qu’un choix par défaut. De plus, Hannah commet l’erreur fatale de mal interpréter leur lien : Duncan est fasciné par Belle-la-call-girl-de-luxe, mais on voit tout de suite qu’Hannah ne l’intéresse pas. Une nouvelle désillusion se profile déjà à l’horizon. Un chef-d’œuvre total d’humour et de noirceur.

La critique d'Estuaire44 : 

On discerne comme une saveur d’un film de Woody Allen dans cet épisode radieux et enlevé, gorgé d’humour comme de musique, nous parlant d’amour et, à sa manière, de littérature. Sur un mode joyeux, résolument positif et à la chaleur communicative, le récit nous narre comment l’amour se joue de toutes les rationalisations et autres enfermements de l’âme, emportant les résolutions de ceux et celles dont il s’empare comme à l’improviste. Il en va ainsi de l’histoire de Belle vis-à-vis de Duncan, ou de Bambi face à Byron, ces dames voyant leur petit monde professionnel, si solide en début de saison, en passe d’être pulvérisé par la passion, malgré leurs dénégations. Même si certains esprits rassis pourront taxer l’épisode d’utopique, on apprécie vivement que celui-ci apporte un contrepoint au précédent, considérablement pessimiste. Oui, pour cette humanité enferrée dans ses illusions de bonheur, il demeure encore un espoir de sublimer son existence. On regrettera simplement la relation entre Ben et la sœur d’Hannah, à laquelle on éprouve toujours du mal à croire.

L’opus présente également le mérite d’aborder une relation  finalement peu explorée ailleurs, celle unissant l’écrivain à son éditeur. Un sujet très riche, quand on sait à quel point de tels duos ont pu marquer la littérature. Une série comme Californication a pu aborder le rapport équivalent pouvant se nouer entre un auteur et son agent, mais sous un angle (vraiment) hors normes, cela reste un domaine à explorer. A travers l’histoire du sympathique client et de sa réécriture, l’épisode ouvre également une intéressante fenêtre, même si fatalement fugace, sur le mystère de l’écriture, sur ce que l’auteur y projette de lui-même, consciemment ou non. Sur ce passionnant sujet, on lira avec profit le roman La Part des Ténèbres, de Stephen King. L’opus démontre la qualité coutumière de la série, avec des acteurs en état de grâce, à commencer par une Billie Piper au formidable talent, et une mise en scène aussi élégante qu’inventive. Aussi variée que très anglaise (The Kinks), la bande son apporte également un précieux concours.

Anecdotes :

  • Hannah vit dans son appartement depuis 4 ans.

  • Le mail qu’envoie Hannah à son éditeur nous apprend le prénom de ce dernier : Duncan.

  • Bambi dit à Belle que Byron va l’emmener à Gaveston. Gaveston Hall est un magnifique château situé dans le Sussex, près de Nuthurst, et entouré par plus de 40 hectares de forêts, lacs, prairies, ruisseaux... Cet écrin naturel large est très prisé des touristes, et est un lieu de choix pour les amoureux. Byron n’a pas l’habitude de faire dans la modération question rendez-vous !

  • Le texte visible une brève seconde sur l’ordinateur de Belle avant qu’elle l’efface est en fait le récit qu’elle fait lire à Duncan au début de l’épisode, erreurs inclus. Il y a donc une erreur de continuité car elle est sensé écrire l’expérience qu’elle vient juste d’avoir avec Simon. Plus prosaïquement, Belle y écrit qu’elle sait mettre un préservatif avec la bouche (un vieux truc d’escort ajoute-t-elle), détail qu’elle avait mentionné dans l’épisode 2.08.

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4. GOURMANDISES
(EPISODE 3.4)

Scénario : Rebecca Lenkiewicz

Réalisation : Owen Harris

- And then I saw Duncan.

- You shagged him, didn't you?

- Yep. It was just a quick… well, it wasn't quick.

- I don't want to know !

Résumé :

Alors qu’elle cherche un moyen de séduire Duncan, Belle trouve à sa demande un client excentrique : Des est un adepte du sploshing, soit un fantasme de faire l’amour avec de la nourriture déversée en grande quantité sur les vêtements et la peau. Sur les conseils de Belle, Bambi rompt avec Byron. Ben prend également la décision de rompre avec Jackie…

La critique de Clément Diaz:

Alors que les histoires avec les clients commencent à partir massivement en vrille pour notre plus grand plaisir, les personnages continuent leur recherche désespérée du bonheur personnel : Bambi semble fermer la porte à un réel bonheur, Ben s’emberlificote dans une relation sans queue ni tête (sans jeu de mots) avec Jackie, et Belle persiste à vouloir séduire un homme qui ne peut que la décevoir. Alors que les deux premiers parviennent à surmonter leurs penchants autodestructeurs, Belle, personnage d’un tragique absolu, s’enfonce toujours davantage dans des décisions catastrophiques. La mise en scène luxueuse, habilement poussée jusqu’à la caricature, d’Owen Harris, met en évidence sa prison dorée qu’elle tente sans succès de briser.

L’introduction excite immédiatement le rire par les fantasmagories de Belle s’imaginant en tenue sexy pour aguicher Duncan. Son regard-ras-la-honte qu’elle lance au spectateur est un excellent gag ! Une première apothéose surgit lors de la délirante scène de sploshing où Belle rame pour suivre son client jusqu’au bout de son fantasme. On se demande comment Billie Piper et Colin Michael Carmichael ont réussi à tourner cette scène sacrément physique et éprouvante, tout en notant la chaleureuse complicité qu’ils arrivent à installer dès la première seconde. Des noue un lien certes tarifé, mais pas sans une réelle affection avec Belle, qui fait plaisir. Voir les deux compères se balancer de la nourriture partout (et quand je dis partout, c’est… partout) restera comme une des images les plus folles de la série - American Pie est renvoyé loin derrière - déchaînant un rire continu, encore renforcé par les maladresses de Belle et le cabotinage sans retenue de Carmichael.

Ben casse enfin la mascarade qu’il a construite avec Jackie, insuffisant pis-aller à son amour sans retour pour Belle. Blasée par ses malheureuses expériences, Belle croit bien faire en poussant Bambi à la rupture avec Byron ; ce faisant, elle l’invite à reproduire son même schéma destructeur : séparer à tout prix la femme et la prostituée. Les scènes de rupture Ben/Jackie et Bambi/Byron sonnent juste par leur grande retenue, typiquement anglaise, où chacun accuse le coup en silence. Cela n’empêche pas que la scène Bambi/Byron est à déchirer le cœur, où Bambi se montre plus dure qu’elle ne l’est en réalité, et Byron recevant une nouvelle qu’il ne pouvait décemment pas prévoir. David Dawson est subjuguant d’émotion, montrant une sensation d’écroulement tout en restant très intériorisé de jeu. L’émotion plus visuelle est assurée par une Ashley Madekwe parfaite, dans la dureté feinte comme dans la douleur à nu. Une démonstration particulièrement amère d’un épanouissement personnel vu comme incompatible dans notre société capitaliste à l’imposée course au progrès social, et aussi la manie de l’être humain à se résigner à des vies insatisfaisantes en refusant de prendre des décisions qui pourraient le rendre heureux, mais vues comme trop « folles ». Il faudra d’ailleurs un acte aussi romantique que dingo de Byron pour casser le mur de l’impasse dans lequel Bambi a tenté de les plonger tous deux. Une lueur d’optimisme toutefois contrebalancée par la solitude de Belle. Que le couple « secondaire » de la série soit plus fusionnel que le « principal » apparaît comme une cruelle ironie envers Belle.

Cette dernière veut trouver son Byron à elle, qui lui assurerait un équilibre personnel. Malheureusement, dans sa hâte, elle mise sur un homme qui commence déjà à la décevoir. Malgré les avertissements de Ben qui lui rappelle qu’elle n’est qu’une « cash cow » pour Duncan, Belle choisit de ne pas voir que ce dernier n’a que faire de son réel soi, Hannah. La scène de séduction  avec une Belle attaquant à mort notre éditeur tout surpris - les amateurs de Buffy trouveront des similitudes avec Faith et son « I want, I take, I have » - est juste grandiose. Et la scène hot qui s’ensuit est vraiment une des plus torrides de la série (ah, le fantasme de « baiser » sur le bureau au travail). Le réveil est bien moins folichon, avec un Duncan certes courtois, mais manquant de chaleur. Si Hannah s’en aperçoit, elle est prise au piège de la peur de la solitude affective, et cherche encore à y croire. On a mal pour elle, mais au moins elle lutte, à la différence de sa sœur retournant finalement auprès de son faible mari et reprenant la vie minable qu’elle avait délaissée l’espace d’un instant. Gardes-robes d’une suprême élégance, champagne, campagne ensoleillée, décors brillants… la mise en scène d’Owen Harris est plaquée or, soulignant la trompeuse artificialité dans laquelle se réfugie Belle, comme cette nouvelle échappatoire avec Des qui s’évanouira dès le rendez-vous terminé. La série a beau rayonner de vie, de drôlerie, et de bonne humeur, son pessimisme permanent ne cesse de s’accentuer. Secret diary of a call-girl demeure avant tout une somptueuse tragédie moderne.

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La critique d'Estuaire44 : 

L'épisode poursuit la peinture du cheminement sentimental malaisé des protagonistes. Si l’ensemble continue à intéresser, l’efficacité de la narration résulte cette fois intermittente. Le recours à une discussion préliminaire entre Belle et Duncan afin d’indiquer le sujet du jour menace de tourner au procédé. Par ailleurs on comprend mal la toquade de Belle pour un éditeur la percevant manifestement avant tout à travers le prisme professionnel, et non comme un Pygmalion considérant sa Galatée. Introduire un amant percevant de prime à bord la personnalité a d’Hannah et non de Belle, à l’inverse d’Alex la saison précédente, permet d’entrevoir un développement prometteur achevant de décrire le piège de solitude dans lequel sa profession et son identité duale enferment inexorablement l’héroïne. Tout ceci réside ici en germe, mais l’intensité de la rencontre intime de Belle et Duncan pâtit du manque d’intérêt réel de ce dernier et de son moindre investissement émotionnel. La narration demeure ici avant tout fonctionnelle, plantant ses jalons, mais la mise en scène la relaie sans défaillir, l’épisode s’avère une complète réussite visuelle, comme si souvent.

On reste sceptique devant la séparation entre Ben et Jackie, passablement soudaine et menée manu militari. Le retour concomitant et si pratique du mari prodigue confirme qu’il s’agit avant tout de l’exfiltration menée sans trop de subtilité d’un personnage devenu inutile. Au moins l’épisode réussit-il un vrai moment d’émotion lors de la rupture elle-même, au sein d’un cadre romantique devenu soudain bien cruel. Même si elle donne lieu à une héroïque performance des comédiens, la description donnée du sploshing laisse également (paradoxalement) sur sa faim, car abordée de manière trop burlesque et trop uniquement positive, alors qu’il peut aussi s’accompagner de pratiques de domination avoisinant le sadomasochisme. La série n’apparaît jamais sous son meilleur jour quand elle édulcore son propos, même si elle a l’heureuse fortune d’être anglaise, ce qui permet d’assimiler sans trop de difficultés le sploshing à l’excentricité. D’une manière générale l’opus agglomère trop rapidement perversion et courage de vivre ses fantasmes, alors que la première peut aussi survenir quand on devient esclave des premiers. Mais le récit s’en sort vers le haut grâce à la romance toujours aussi irrésistible entre Bambi et Byron. Elle nous vaut clairement les moments les plus intenses de l’épisode, dans la détresse puis dans la joie. D’abord une trame secondaire, elle s’impose comme un moteur indispensable à cette saison.

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5. L’ARGENT FAIT LE BONHEUR
(EPISODE 3.5)

Scénario : Rebecca Lenkiewicz

Réalisation : China Moo-Young

Number one unwritten rule of being an escort : you only allowed one lover : money !

Résumé :

Déçue par son expérience avec Duncan, Belle apprécie d’autant plus la visite d’Al, un client régulier pour lequel elle a beaucoup d’affection. Stéphanie vient cependant lui rappeler ses priorités en tant qu’escort. Belle décide néanmoins de parler avec Duncan de ce qui s’est passé. Bambi et Byron filent, eux, le parfait amour…

La critique de Clément Diaz:

Le succès de Secret Diary tient dans son récit sombre recouvert d’un vernis comique et glamour ; et depuis la saison 2, dans la gestion feuilletonnante des aventures amoureuses de ses héros à la dérive. Malheureusement, cet épisode ne fait fonctionner aucun des deux atouts : en délaissant l’humour et en surchargeant les dialogues, il bascule dans les eaux saumâtres du soap opera sérieux à l’excès sans l’épure émotionnelle des meilleurs canons du genre (tel Six feet Under). De plus, le feuilleton se dérègle en figeant les lignes narratives en cours : Bambi, Byron, et Ben font de la figuration, et Hannah patauge en essayant de garder Duncan, qui louvoie tant que cela en devient artificiel. Sur une petite saison de 8 épisodes, un épisode immobile ne pardonne pas. Heureusement, le retour de Stéphanie arrive à point pour illuminer cet épisode statique de sa misanthropie aussi cynique que percutante.

Le client du jour dégage une pénible impression de déjà vu car le thème du client régulier a déjà été traité en saison 1 avec Ash. Certes, Al suscite immédiatement la sympathie - en dépit de son infidélité conjugale -  pour sa relation gaie et décontractée avec Belle, mais ni l’humour ni le grain de folie coutumiers de ces vignettes ne sont présents. L’absence de tout thème sous-jacent appauvrit également ce pan de l’histoire. Duncan étant décrit comme un homme cynique et sans grande chaleur, l’alchimie avec la sensible Belle ne peut fonctionner (la comparaison avec Alex est fatale). Si cela est valable d’un point de vue strictement narratif, cela interdit cependant toute émotion. Duncan devient pénible à force de battre la campagne tandis qu’Hannah finit par crisper en se noyant dans des clichés de femme délaissée (ce qu’elle n’est absolument pas) qui diluent sa complexité. Se grisant d’une virtuosité vaine, les auteurs inversent les rôles en cours de route avec Duncan faisant un pas en avant, et Hannah dix en arrière, ou comment réduire d’excellents personnages à des marionnettes. Les voir enfin accepter une relation sérieuse dans la coda laisse espérer que ce passage à vide ne se prolongera pas. Cela dit, on admire comment Hannah, aveuglée par sa solitude, refuse de voir que si Duncan se montre conciliant avec le fait qu’elle couche avec d’autres hommes professionnellement, il ne veut pas comprendre son vrai soi, Hannah, d’où un retour de bâton encore plus cruel que le cas Alex commençant à prendre forme.

A côté de ces intrigues plates et de ses personnages secondaires sacrifiés, l’épisode trouve un second souffle avec le come-back de Stéphanie qui apporte avec elle le véritable thème de l’épisode, énoncé déjà par la pétulante introduction : l’argent comme unique « amant fidèle » des prostitué(e)s. Businesswoman de fer à la vie sentimentale passée que l’on devine désastreuse, Stéphanie s’appuie sur la confiance qu’elle voue à l’argent, dont elle est seule responsable, à la différence d’un ménage aux déceptions inévitables. Mais cet amour de l’argent et son rejet de toute chaleur humaine l’a rendue glaciale, on peut y voir une triste fuite aux désillusions inhérentes aux relations humaines. Cherie Lunghi déborde de classe et d’énergie. Il paraît patent que ce personnage spirituel, mais au cœur cadenassé par ailleurs, est clairement dépeint comme le reflet de ce que deviendra Belle si elle continue d’étouffer Hannah. Cette dernière semble en avoir conscience, car sa fragile foi fabriquée de toutes pièces en l’argent qu’elle affiche durant la 1re moitié de l’épisode s’effondre vite vu ses efforts pour conquérir Duncan. Notre héroïne n’abandonne pas le combat, souhaitant réitérer l’exploit de Bambi, et émouvante dans ses multiples erreurs qu’elle commet pour rester sur le ring.

La critique d'Estuaire44 : 

L’épisode met en opposition les deux forces antagonistes déchirant le cœur d’Hannah : son envie de connaître l’amour et l’attraction pour son métier particulier lui mettant, disons,  bien des bâtons dans la roue. Mais le récit explicite son attachement au plus vieux métier uniquement via les gains assurés, mais cela semble réellement réducteur. Effectivement notre amie n’a jamais dissimulé son côté Material Girl, mais l’on sait bien qu’elle est encore davantage accroc au frisson de l’aventure et au fait d’être à part au sein de la société, profondément singulière. Se cantonner au seul veau d’Or limite l’intérêt du propos du jour, même s’il nous vaut des retrouvailles amusantes avec Stéphanie, la cynique et tranchante Reine des Abeilles figurant plus que jamais comme un futur possible, sinon, probable, pour Belle (et on adore toujours autant ses cafés d’élection, la grande classe). Par ailleurs, centré sur le questionnement intime de l’héroïne, l’opus néglige assez mécaniquement les personnages secondaires.

Dépossédé de son aventure, mais aussi d’un relai au sein de l’action, (ce sera corrigé dès l’opus suivant) , ben se voit réduit au poncif du confident, tandis que l’on ne fait qu’entrapercevoir les charmants Byron et Bambi, celle-ci campant une alternative à Stéphanie déjà tristement improbable pour Belle, paraissant pour une fois une passablement acrimonieuse. Le sympathique habitué résulte fatalement plus effacé que l’excentrique amateur de Sploshing et la série recède à son tic toujours agaçant des peu crédibles manifestations d’absents durant l’acte. Heureusement Billie Piper démontre une nouvelle fois qu’elle a les épaules suffisamment larges pour supporter quasiment tout un épisode. Son talent et sa sensibilité se manifestent particulièrement durant la double scène centrale de l’appartement. Celle –ci s’avère cruelle pour Duncan : grâce à l’actrice, le spectateur perçoit clairement que l’on passé d’de belle à Hannah ce que l’éditeur n’a lui aucun moyen de comprendre (il n’est d’ailleurs pas le seul en cause). Même s’il arrache son prénom à Hannah, il continue à seulement percevoir Belle. De fait cette relation contrariée dès le départ continue à se montrer moins captivante que celle de la saison passée. 

Anecdotes :

  • Belle déclare avoir couché avec 1036 hommes.

  • 2 semaines se sont écoulées entre l’épisode 3.02 et celui-ci, Bambi et Byron déclarant qu’ils ne se connaissent que depuis ce laps de temps.

  • Pendant leur échange, Bambi et Byron mentionnent plusieurs références à la pop culture. Byton déclare être fan de CountDuckula et de Thundercats. Count Duckula (Comte Mordicus en VF) est une série animée de 1988 à 1993 racontant les aventures picaresques d’un vampire cherchant célébrité et fortune avec un succès… mitigé. Thundercats (Cosmocats en VF) est une série animée de 1985 racontant la lutte galactique des chats du titre contre des mutants diaboliques. Deux séries 100% british of course ! Pour les Superhéros, concept américain, Byron doit concéder à l’Oncle Sam qu’il aime beaucoup Le Surfer d’Argent, dont le look lisse et vaguement androgyne est évidemment raccord avec son physique. La féminine Bambi préfère, elle, le velu Wolverine. Ce sont deux super héros des Marvel comics.

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6. 007
(EPISODE 3.6)

Scénario : Richard Hurst

Réalisation : China Moo-Young

He spent as much time thinking about the detail of this as the average girl spends thinking about her wedding.

Résumé :

Après avoir reçu un client dont le fantasme est d’être James Bond dans un jeu de rôle sexuel, Belle passe une soirée à l’opéra avec Duncan, mais un enchaînement de circonstances va tout faire capoter…

La critique de Clément Diaz:

La série sort de son registre habituel de tragédie comique pour présenter une comédie de boulevard acide, dont l’efficacité tragi-comique continue d’inscrire cette saison comme une pente descendante pour Belle. Richard Hurst montre une éblouissante maîtrise de l’écriture de personnages : on admire comment il parvient à rendre sympathique son héroïne même lorsque cette dernière s’égare dans une sinistre condescendance, bien accompagnée par un petit ami bien pire qu’elle. Si Belle-Duncan est ici décrit comme un duo aux dehors sympathiques mais méprisant, le duo Ben-Byron est inversement écrit comme de nobles cœurs mais agissant en tant que pathétiques perturbateurs. Le tempo comique de l’épisode démarre en trombe et ne cesse d’accélérer alors même que la sidérante noirceur des situations s’accroît pareillement. Secret Diary continue de tenir en 22 minutes une impressionnante densité narrative et émotionnelle.

Le jeu de rôle sexuel est une pratique plus grand public que la plupart des fantasmes plus « extrêmes » présentés dans la série, sans doute parce qu’il permet de révéler davantage ses propres psychés. Depuis sa création, James Bond a toujours incarné une idée d’un modèle masculin - surtout pour les hétérosexuels - et fut vendu judicieusement au public comme tel. Un des points les plus iconiques étant bien sûr son charme n’épargnant aucune femme, et une vie sexuelle enviée. À ce fantasme, rejoint celle de la femme dangereuse - espionne le plus souvent - à la sexualité (forcément) incendiaire derrière le mur de glace. Ces fantasmes sont finalement très masculins, ce qui limite la portée de la scène, malgré le rapport de domination exercé par Belle. Malgré cela, la séquence réussit son pari de nous plonger dans l’hilarité : « 007 » moins crédible tu meurs, accent russe à couper au couteau (on se croirait de nouveau dans les 60’s), erreurs de script, cabotinage à tous les étages de Billie Piper et Justin Edwards, scène sexuelle moins torride que loufoque…

L’intérêt de l’épisode réside en ce que l’héroïne devient lorsqu’elle ne laisse aucune place à son vrai soi. Il en résulte une sombre métamorphose de notre héroïne finissant par renier ses liens à l’humanité et se vautrant dans une désagréable condescendance derrière les délices des soirées luxueuses. Elle y est encouragée par la suffisance de Duncan, toujours plus antipathique. Il est triste de voir Hannah se renier complètement en se casant avec un tel homme par peur de la solitude (et par jalousie envers Bambi), et accédant à une ascension sociale qui la défigure, elle la sympathique jeune femme de la petite bourgeoisie. Celui qui en est conscient, c’est bien Ben. On admire comment l’animosité entre lui et Duncan est mise en scène, avec seulement le jeu des acteurs et quelques gestes anodins en apparence (Duncan ne prenant pas sa monnaie, obséquiosité de Ben…). L’on est heureux de voir Byron soutenir Ben, prouvant une fois de plus qu’il n’a que faire de son sang noble, fraternisant avec un barman après s’être fiancé à une prostituée. Mais même Ben n’est pas innocent : toujours amoureux de son amie, c’est autant par jalousie que par lucidité qu’il s’oppose à Belle et Duncan. La scène de l’opéra, aussi amusante soit-elle, persifle aussi contre une haute société friande de l’endroit moins pour ses spectacles que pour le plaisir d’être vu dans un lieu classe, remontant au quotidien des maisons d’opéra du XVII et XVIIIe siècle avant que l’ère romantique ne redonne la primauté à l’art. Billie Piper et James d’Arcy rendent parfaitement cette acception de leurs personnages.

Le vaudeville final se montre joyeusement endiablé avec l’intervention coup sur coup du client et de Byron/Ben totalement pochetrons. La démolition au pas de charge de Duncan - entamée par son comportement très patriarcal envers Belle lors de la confrontation avec le pauvre 007 - par le fin duo fait partie des plus grands moments comiques de la série. S’ils sont les seuls à avertir leur amie de ce qui l’attend si elle continue dans cette voie, ils cassent tout espoir de la convaincre de son erreur par leur comportement. La dispute finale creuse un terrible fossé entre Ben et Belle, et fait monter les enjeux pour le restant de saison : désormais, Belle est toute seule pour se rendre compte de son erreur. La série confirme ici que plus ses épisodes sont riches en humour, plus ils sont riches en noirceur.



La critique d'Estuaire44 : 

L’épisode débute par la souvent distrayante pratique du jeu de rôles polisson (sans D20 et classes d’armure, plutôt avec dessous chics et amusants détournements). On s’amuse d’autant plus que ce jeu est dépourvu de l’aspect morbide parfois revêtu par le sploshing précédemment abordé, et qu’il nous a valu de joyeux moments lors de The L Word (avec notamment Alice et Dana recréant La croisière s’amuse). De plus, les auteurs ont l’excellente idée de retenir James Bond comme sujet du jeu, soit le personnage le plus ritualisé qui soit, donc se prêtant idéalement à l’exercice (un excellent RPG 007 a d’ailleurs connu son heure de gloire durant les 80’s), tout en relayant le côté British de la série. Choisir les Avengers aurait été trop espérer, quant au Docteur et à son Compagnon le plus attachant, le monde n’était sans doute pas encore prêt. Justin Edwards se montre aussi plaisant dans l’interprétation du client que complice avec une Billie Piper particulièrement enforme et appréciant visiblement l’exercice. Comme toujours, la mise en scène demeure des plus élégantes et participe à éliminer tout ce que la situation pourrait présenter de scabreux.

Mais ce grand opus atteint toute sa dimension en élargissant ensuite le point de vue. En effet cette pastille humoristique vraie à la cinglante ironie quand le récit dépeint une Belle s’adonnant elle-même à un jeu de rôles avec Duncan, sans même en prendre conscience. Elle se rêve en écrivaine vivant une passion avec son Pygmalion, alors que Duncan, outre ce plaisir qu’on dit charnel, ne s’intéresse que l’aspect ludique de la situation. Visiblement émoustillé par l’univers excitant et transgressif de la prostitution de haut vol, tel que décrit par Belle dans ses deux livres, il n’est attiré que par le côté le plus divertissant et paillettes de la vie de cette dernière, et en aucun cas par Hannah. Ces maladresses elles-aussi illustrent cette situation, c’est le frisson de cette fugue en dehors de son réel qui le capte avant tout. Cette facette de sa personnalité étant reléguée en périphérie par l’héroïne, par sa trop grande immersion dans le Jeu.

 Une situation qui ne peut que conduire dans le mur, tôt ou tard. Le drame s’accentue, cette acceptation de la négation d’Hannah conduisant l’héroïne à s’éloigner de ses amis ne la reconnaissant plus et se sentant dépossédés, comme le narre la séquence tragi-comique avec Ben et Byron (qu’il est bon d’évoquer en dehors de la relation avec Bambi), mais aussi la colère de Belle, s’enferrant dans l’aveuglement. Un épisode virtuose, à propos des dangers d’opter pour le fantasme jusqu’à s’y fondre, contrairement au sympathique client de Belle.

Anecdotes :

  • Belle tente de justifier l'attitude de Ben à Duncan en disant "He's got a lot of PMT". PMT est l'abréviation de "Premenstrual tension" ou syndrome prémenstruel en français. Il désigne un état d'irritabilité ou d'agressivité qui peut survenir chez les femmes les jours précédents leurs règles à cause de la chute importante d'oestrogènes et de progestérone survenant à cette période du cycle menstruel. Une remarque très méchante pour Ben !

  • Dans cet épisode où l'on lève pas mal le coude, Ben conseille le Malbec, un cépage de cuve noir français cultivé dans le Sud-Ouest et le Languedoc. Duncan préfère toutefois le Blaufränkisch, un cépage austro-slave réputé pour son goût fruité. Lors de la soirée, il commande un Burgundy, traduction de "Bourgogne", célèbre vin français très populaire à l'international. Le client embarrassé commande de même du Sancerre et du Syrah, produits respectivement dans le Cher et dans les Côtes du Rhône, le Syrah étant un cépage franco-suisse, réputé pour être excellent pour la santé - à doses modérées ! - par son riche taux en resvétarol ; il est actuellement de plus en plus demandé.

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7. RIEN QUE POUR LE PLAISIR
(EPISODE 3.7)

Scénario : Chloé Moss & Tim Price

Réalisation : China Moo-Young

A male escort needs charm, patience, stamina, and a sizable asset.

Résumé :

Toujours dans le cadre de ses « recherches », Belle décide d’inverser les rôles et de solliciter les services de Connor, un escort boy. Forcée d’admettre qu’en tant que femme (et non comme prostituée), il s’agit du meilleur amant qu’elle ait eu, elle se sent prise de remords après coup tandis que Duncan a du mal à digérer la nouvelle. Mais Duncan prend soin par ailleurs de cacher à sa petite amie qu’il la trompe avec une call-girl…

La critique de Clément Diaz:

Le point faible de la série réside dans sa lutte difficile à raconter les riches histoires amoureuses de son héroïne dans un format très réduit. Lorsqu’il s’agit de commencer à baisser le rideau, la série se voit obligé d’accélérer et de tomber sur le premier prétexte venu pour clore le dossier (on se souvient d’Alex débarquant à l’improviste chez Belle « en plein travail »). Ici, l’infidélité de Duncan sera donc le moteur déclencheur, un procédé terriblement basique encore renforcé par l’hénaurme coïncidence qu’il choisisse Bambi. Les situations qui en découlent appartiennent vraiment au théâtre de boulevard bas de gamme, alors même que le vaudeville précédent était bien mieux amené. Cependant, cet épisode sans temps mort interroge avec une percutante provocation les concepts d’infidélité, la pression de la société patriarcale qui s’applique aussi aux hommes en les forçant à se conformer à un idéal viril absurde, tout en portant la double personnalité de l’héroïne à son paroxysme.

La brillante idée voyant Belle en tant que « cliente » donne naissance à une double piste narrative séduisante : une véritable salsa burlesque lors du rendez-vous, puis une dérangeante réflexion sur l’infidélité dont l’épisode pointe audacieusement les contours flous de la définition. Ainsi, toute la scène chez l’escort se montre bidonnante en diable grâce au talent de Billie Piper de passer sans cesse du masque de la cliente timide et maladroite à la sévère critique professionnelle pointant toutes les erreurs de son confrère via le 4e mur… avant de connaître la meilleure séance sexuelle de sa vie. La voir confesser toute honteuse son véritable métier à un Connor ahuri et vexé est à pleurer de rire, tout en pointant ce que son stratagème a de reprochable. On aime aussi le premier compte-rendu de Belle du rendez-vous où les images contredisent a tempo tout son récit. Leon Ockenden se montre également très à l’aise en escort confiant et souriant qui compte bien s’amuser plus que de coutume avec une cliente plus jeune et jolie que son ordinaire. La scène ouvre également une fenêtre sur la prostitution masculine de luxe comparée à Belle : revenus moindres (l’appartement de Connor est bien plus spartiate que le luxe tapageur de celui de Belle), rapport aux clients plus direct, glamour moins présent, et accent plus mis sur la capacité de l’homme à mettre en confiance, à faire se sentir sa cliente attirante et libérée que sur le charme physique, en dépit de l’incontestable beauté de l’acteur jouant un escort pas forcément dans les canons habituels (géant musculeux).

Les deux personnalités de Belle rentrent de nouveau en conflit sur un point crucial : pour la première fois en position de « receveuse », la call-girl doit admettre être tombée sur un homme qui l’a pleinement satisfaite (quelle femme ne cherche pas un homme maîtrisant l’excitation orale ?) : le fait qu’elle y ait pris plaisir implique-t-il qu’elle a trompé Duncan ? Payer pour coucher atténue-t-il la situation d’infidélité ? Les auteurs laissent au public la décision. Avec Connor, notre amie s’est certes mise en mode « Belle », mais son corps est aussi celui d’Hannah, un corps reconnaissant envers une étreinte charnelle qui l’a comblé, d’où une terrible confusion éthique. Sa double identité ne s’est jamais manifestée avec autant de force qu’ici, confirmant la voie sans issue dans laquelle Belle/Hannah erre depuis le début de la série. L’épisode brocarde également l’exigence de la performance et de l’hyper virilité demandée par la société patriarcale : Duncan ne supporte pas de ne pas être le meilleur amant de sa petite amie, et quand il essaye de se métamorphoser en Connor, il devient une caricature pathétique d’étalon dominateur. L’épisode va décidément très loin car brisant la croyance rassurante selon laquelle les relations sexuelles les plus réussies sont celles où il y a des sentiments. Même si le sexe ne peut combler à lui seul la vie affective d’un être humain, la « technique » semble bien supérieure aux « bons sentiments » au lit…

Malheureusement, hormis sa scène sexuelle ratée avec Belle, l’histoire centrée sur Duncan restreint le succès de l’épisode. Avoir recours à l’infidélité, qui plus est avec Bambi (la probabilité d’un tel événement reste ridiculement basse), constitue un bien faible élément de résolution. Comme par hasard, Belle laisse échapper un « je t’aime » alors qu’il est au lit avec elle, le mélodrame outré dans toute sa gloire. Bambi se pointant à l’instant où Belle et Duncan allaient s’ébattre poursuit cette fois la veine du boulevard, mais vraiment forcé et schématique, même s’il introduit un beau dilemme pour elle entre son amitié pour son mentor et son devoir de confidentialité envers ses clients (on aurait bien aimé entendre Stéphanie sur la question). Ben, une nouvelle fois relégué à la marge du récit - ce n’est décidément pas sa saison - en est réduit à appeler continuellement Hannah qui érige un mur du silence, ce n’est pas vraiment comme ça qu’on a envie de le voir. A chaque saison, la série a toujours plus approfondi son humour et ses thématiques, mais son format restreint empêche ses arcs feuilletonnants de vraiment fonctionner. On en arrive déjà à la fin de la saison.

La critique d'Estuaire44 : 

Dans un premier temps, l’épisode poursuit avec acuité son étude de la dérive vécue par le couple formé par Belle et Duncan, toujours plus fondé sur l’imposture. Duncan cède à son addiction pour le monde de la prostitution de luxe, jusqu’à perdre le contrôle face à Belle. Une évolution en soi pathétique, soulignée par l’excellent jeu de James D'Arcy, au ton toujours juste. Mais c’est bien Belle qui nous désespère, tant elle semble enferrée dans son rêve de bonheur virant toujours plus à l’illusion volontaire. La scène chez le gigolo où elle révèle avoir bien compris que Duncan n’est attiré que par Belle et non par la personnalité d’Hannah, puis oa fugace révolte quand  son compagnon jette le masque montrent bien qu’elle a conscience de cette faille mais qu’elle pratique une fuite en avant Le récit permet d’explorer admirablement les sentiments de Belle/Hannah, souvent à l’écran et s’adresse à nous plus souvent qu’à l’accoutumée ces derniers temps. Comme toujours, elle se réfugie toutefois dans le non dit concernant sa brouille à Ben, car celui l’interpelle sur qa relation avec Duncan. Décidément le piège semble bien se refermer.

Cette chronique douce amère, ponctuée de moments hilarants telle l’épique visite chez le collègue masculin de Belle (qui aurait pu servir d’accroche à une série dérivée), a mis du temps à pleinement installer son intérêt au fil de la saison. La série en paie ici le prix, les auteurs paraissant d’un coup s’apercevoir que le prochain épisode constitue déjà la fin de saison. Tout va terriblement vite dans Secret Diary of a Call Girl, encore davantage que dans un programme comme Californication et un défaut de maîtrise se fait jour. Au lieu de narrer une implosion progressive et logique, l’intrigue n’a d’autre recours que de précipiter les évènements, en recourant à l’un des artifices les plus éculés du vaudeville. Même s’il n’est pas absurde que Duncan, toujours plus enferré dans son addiction, finisse par croiser Bambi, la coïncidence demeure énorme en point d’en devenir embarrassante. Cette sortie de route présente également comme conséquence pernicieuse de rendre prévisible le final d’une saison menaçant d’échouer au port. Billie Piper assure néanmoins le spectacle, quasiment en roue libre durant la visite chez le gigolo et il suffit à Byron d’apparaître trente secondes pour redéfinir le concept si anglais de dandy excentrique.

Anecdotes :

  • Unique épisode de la série écrit à quatre mains.

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8. JE T'AIME MOI NON PLUS
(EPISODE 3.8)

Scénario : Julie Gearey

Réalisation : China Moo-Young

- Thanks for thinking of me, it’s very kind of you.

- Well, you know me, 60% heart, 40% commission.

Résumé :

C’est le jour du mariage de Bambi et Byron. L’embarras est palpable entre Belle et Ben, demoiselle et garçon d’honneur respectifs. Peu avant la cérémonie, Bambi prend la décision d’avouer l’infidélité de Duncan…

La critique de Clément Diaz:

Conscients que la résolution du feuilleton de la saison n’est pas satisfaisante (rupture, vengeance, nouveau départ et cliffhanger, ou cours de soap opera 1re année), toute l’équipe fait de faiblesse vertu et nous offre des scènes de caractère certes typées, mais remarquablement réalisées : mise en scène épurée, dialogues au rasoir, interprétations puissantes, notamment de Billie Piper, et toujours l’alliance comédie/tragédie faisant la fortune du show depuis ses premières heures. Ben prépare un retour en force, tandis que Bambi et Byron nous quittent sur des adieux hyperromantiques, à leur image.

Devant boucler la saison, Julie Gearey réduit la séance du client du jour, qui échappe à l’anodin grâce au call-back du sympathique David (épisode 2.02), et de l’excellent Roger Barclay. Cependant, pressée par le temps, Gearey n’a pas le temps de développer le thème du travestissement, vu ici comme une simple fantaisie alors qu’il recoupe bien plus de sens, souvent très dramatiques (obsessions, malaise transgenre, quête d’identité…). Il aurait mieux valu que ce thème soit en première saison, à l’époque où la série dissertait sur tout un épisode sur le comportement amoureux et sexuel humain. À ceux que la question du travestissement et plus encore la question transgenre intéressent, je ne peux que conseiller l’épatante série Transparent.  L’épisode tourne entièrement autour de la douloureuse désillusion de Belle, voyant sa bulle fantasmagorique crevée sans retour par la déception d’un homme insuffisant. On applaudit Bambi d’avoir le courage de briser le cœur de sa bridesmaid alors même qu’elle et Byron atteignent les sommets de la félicité au cours de scènes tout aussi adorables les unes que les autres (magnifiques vœux). Stéphanie reste en périphérie, mais nous éclate avec son éternel sens du business quelque soit le moment, sans dissimuler une affection bien réelle pour ses « filles » (énorme Cherie Lunghi). Cette conjonction entre bonheur éclatant et chagrin abyssal était terriblement casse-gueule, mais toute l’équipe, China Moo-Young en tête, trouve l’équilibre juste.

Car le centre de l’épisode réside bien entendu dans la déclaration de rupture d’Hannah à Duncan, soit un des marronniers ultimes des drames sentimentaux. Heureusement, la réalisatrice et les dialoguistes s’en sortent sur la forme : un bouleversant et cuisant quasi monologue d’Hannah, campée par une Billie Piper tout en chagrin et en rage contenues, signant ici une de ses meilleures prestations (seule la scène finale de la série la surpassera). L’hébétude de Duncan est tout aussi révélatrice : le personnage est en fait moins méchant que totalement déconnecté de la réalité, incapable de comprendre les sentiments de ses semblables, un sociopathe en puissance en somme. Le jeu subtilement décalé de James d’Arcy s’inscrit bien dans cette optique. Par suite, quitte à être accusé de cruauté, on aime particulièrement la terrible vengeance d’Hannah, un modèle d’exécution publique. À notre grand soulagement, Ben regagne enfin ses galons de meilleur ami et confident, momentanément perdus lorsque l’héroïne s’était perdue dans un rôle fantasmagorique, le spectateur compatissant ne peut que lui accorder le pardon qu’elle lui implore, à l’unisson de Ben. Selon la tradition de la série, l’happy end, encore une fois, n’est pas franc, Belle retournant à la case départ, encore meurtrie. Mais elle a finalement sauvé son vrai soi, Hannah, à travers cette déception : un mal pour un bien en quelque sorte. Le cliffhanger final, purement psychologique, pose cependant des enjeux capitaux : l’on sent que la dernière saison va bien être la dernière chance de l’héroïne : Ben réussira-t-il où les autres ont échoué ? Une relation avec son meilleur ami peut elle sauver Belle de sa solitude et unir enfin ses deux personnalités ? Une incertitude qui donne à cette fin « triomphante » un goût frissonnant de prémonition…

La critique d'Estuaire44 : 

Ce final de saison souffre d’être trop prévisible après les évènements de l’épisode précédent. Aucun rebondissement ou fait nouveau ne vient perturber une conclusion largement anticipée. Toutefois, les auteurs ont l’intelligence de quasiment tout miser sur la longue séquence du mariage devenue  un carrefour des destins réunissant l’ensemble des personnages. Auparavant la séquence du chirurgien se justifie surtout par le respect d’un rituel de la série. En elle-même elle pétille moins que d’autres scènes du même genre vues cette saison (la meilleure demeurant sans doute celle de 007) et elle ne fait que souligner, de manière quelque peu superfétatoire, à quel point Belle, pourtant si habile à percevoir les souhaits de ces clients, s’est totalement aveuglée quant à ceux de Duncan. Le mariage s’avère parfaitement écrit et mise en scène, que Byron et Bambi choisissent un modus operandi traditionnel, pour eux il s’agit bien d ‘un engagement solennel. Le couple brille une dernière fois de son charme et de sa singularité. Que la famille de Byron ne soit pas venue laisse percevoir un volet de la situation guère développé par la saison mais note ami  fait face avec son élégance habituelle, authentiquement aristocratique.

On apprécie qu’aucun des personnages ne se voit négligé, avec le naturel de la réconciliation avec Ben ou l’apparition toujours aussi classieuse et piquante de Stéphanie (qui sait glisser à sa protégée un voyage tombant à pic pour lui changer les idées, la reine de glace a bien un cœur, en définitive). Mais le succès de l’épisode repose avant tout sur l’époustouflante prestation, toute en émotion et colère, de Billie Piper. Elle parvient à hisser une péripétie de vaudeville au rang de véritable épiphanie pour Hannah, apportant une force particulière à la scène de rupture. L’épisode introduit également directement la saison suivant avec un Ben abattant son jeu et une Belle dont la clairvoyance n’est que partiellement restaurée, ce qui la conduit à reporter toute la responsabilité du fiasco sur Duncan, alors qu’elle a elle aussi contribué à s’auto aveugler. Autant dire que malgré un radieux au-revoir, on subodore déjà que la London Call Girl n’est pas parvenue au terme de ses aventures et mésaventures. Trop longue à réellement se mettre en marche, cette saison apparaît légèrement en deçà des deux précédentes mais Secret Diary demeure une étude de caractères en clair-obscur passionnante à suivre, aussi hilarante qu’émouvante.

Anecdotes :

  • Dernières apparitions de Bambi (Ashley Madekwe), Byron (David Dawson), et Duncan (James d’Arcy).

  • Le nom complet de certains protagonistes est révélé : Bambi se nomme en fait Gloria White, Byron s’appelle Byron Seebohm et Duncan se nomme Duncan Atwood.

  • David cite le terme « hand shandy », une périphrase pour exprimer la masturbation.

  • David dit s’être travesti à la fac de médecine pour chanter South Pacific. Il s’agit d’une comédie musicale du duo Rodgers/Hammerstein (avec Joshua Logan), créée en 1949 et se déroulant dans des îles du Pacifique Sud où amour, racisme, et guerre vont bousculer les destins des protagonistes. Grand succès de Broadway, elle fut jouée à 1925 reprises jusqu’en 1954. Elle fut adaptée une fois au cinéma en 1958 avec Mitzi Gaynor dans le lead féminin, et une fois à la télévision en 2001 avec Glenn Close.

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