Saison 2
1. T'AS PAS UNE BLONDE ? Scénario : Glenn Gordon Caron Le début dresse le portrait de Navarone : c’est un méchant très menaçant mais tellement caricatural qu’on ne peut s’empêcher de le trouver drôle. Le magnétique Ed O’Ross restitue à merveille ces deux pôles, toujours très à l'aise dans les rôles bien extrêmes (Ruth Fisher vous le confirmera). L’entrée en scène de Richard Addison se situe à l'opposé : le show rap auquel il se livre est tellement affligeant qu’on est pas loin du pur génie (dans le genre). Le frère de David est un idiot charmeur, un raté magnifique et digne. Charles Crocket, en plus d’une certaine ressemblance avec Bruce Willis, est l’interprête parfait de ce personnage. Cela fait craquer Maddie : un beau jeune homme gentil… et surtout riche. Elle voit en Richard un David qui a de l’argent. Elle reste une ancienne mannequin habituée au luxe, aux hommes riches. Le fauché David, malgré sa « tchatche » n’y peut rien faire. Il subit l’attirance naissante entre sa collègue et son frère (tragi-comique scène du slow romantique - très 80’s d'ailleurs -). David, déchiré, semble « vendre » Maddie à son frère contre l’argent dont ils ont besoin. L’ellipse nous menant au lendemain laisse songeur : Maddie et Richard ont-ils passé la nuit ensemble ? Maddie reste ambiguë, et l'épisode ne donnera pas de réponse. On mesure dans le regard résigné de Bruce Willis, ici étonnamment excellent dans un registre qui lui est étranger, toute la tristesse du personnage (déjà aperçue dans Radio assassin). De son côté, Richard souffre d’un complexe d’infériorité : il se sent moins exubérant, moins séduisant que son frère. C’est un désir de revanche, de frustration refoulée qui lui a fait jouer la comédie. Richard sait s’y prendre avec les femmes puisqu’on le voit jouer au trivial poursuit avec une Maddie ne cachant pas son ennui. Après le flamboyant pugilat d'anthologie dans le pavillon de Maddie, la course-poursuite finale, avec la musique de Richard Lewis Warren, (violons sautillants et fanfares de fête foraine) fait virer la fin dans le plus grand désordre jusqu'au génial retournement final, vachard et ironique - rappellant la chute de Meurtre en héritage, une des nouvelles du grand Fredric Brown. 2. LA DAME AU MASQUE DE FER Scénario : Roger Director Réalisation : Christopher Leitch J’adore les trous perdus… et j’adore l’idée que vous pourriez mourir de soif ! En réalité, tout ce prélude ennuyeux ne servait qu’à introduire le climatique final qui enfin vire dans le loufoque tant attendu. Précédée du gag de l’ascenseur (David qui donne un coup de poing, on veut croire que c’est le premier pas vers les Die Hard…), ce final met en scène pas moins de quatre femmes voilées ! La faiblesse du méchant est compensée par la délirante course-poursuite au son des trompettes de Guillaume Tell de Rossini. Le voyant parodie clignote à toute berzingue dans ce final dans la plus pure tradition des comédies slapstick. Maddie est heureuse de sortir avec son partenaire (et ses blagues à deux balles). David aussi. Notre duo se rapproche, et leur rupture temporaire est d’autant plus dramatique. Dans sa vie précédente, les alouettes tombaient toutes cuites dans la bouche de Maddie, maintenant elle doit se battre pour gagner sa vie et accepter que David soit son seul repère, si instable soit-il. David, frustré de leur distance sociale, fait tout pour la ramener à son niveau. Chacun dit à l’autre ce qu’il n’a pas envie d’entendre. Le sommet est quand Maddie refuse de dire ce qu’elle était sur le point de laisser échapper. On peut deviner que c’est sa douleur de s'être rapprochée sentimentalement d’un homme qui finalement la déçoit. David ne dit rien, mais l’a bien compris. Ce versant dramatique est lui, très bien fait. On est aux anges avec le tag final, d’une grande beauté, avec le chaste baiser de nos deux compères : un des meilleurs tags de la série.
Infos supplémentaires : - Le titre de l’épisode vient d’un roman d’Alexandre Dumas père adapté au cinéma plusieurs fois : L’homme au masque de fer (The man in the iron mask en anglais). - Glenn Gordon Caron n’aimait pas la musique de Richard Lewis Warren pour cet épisode, et demanda à Alf Clausen - promu compositeur officiel de la série - de faire une nouvelle partition. Mais l’édition Lions Gate du DVD des saisons 1 et 2 de la série utilise par erreur la première partition. Ainsi le thème de l'introduction est beaucoup plus tonitruant, et l’ouverture de Guillaume Tell est substituée par une musique beaucoup plus calme. - Un des épisodes préférés du scénariste Ron Osborn. 3. LES JEUX SONT FAITS Scénario : Kerry Ehrin et Ali Marie Matheson Réalisation : Christian I. Nyby II Une fois que je l’aurai retrouvé, je le tuerai ! Et lorsque je l’aurai tué, je le tuerai encore !! Une curieuse touche de puérilité apparaît sur ce personnage d’ordinaire si responsable. Maddie a l’air une petite fille rêvant encore de devenir une princesse. Est-ce pour exaucer ce conte de fées qu’elle s’engagea dans le mannequinat ? Cette voie lui permettait d’exaucer ses rêves de gosse : les paillettes (le fric coulant à flots), les belles robes, et la joie d’être admirée, désirée. Egalement, son rêve sirupeux où elle imagine que Sawyer lui rendra son bien sans discuter. Sa superbe tenue de soirée, diamant brillant de mille feux, témoigne aussi de son désir d'en mettre plein la vue. Le méchant, Ron Sawyer, est roublard, calculateur, et cynique. Le fantastique numéro de Mark Lonow est un délice : souriant, courtois, poli, presque gentil, il lui fait même du charme ! Cela rend la défaite de Maddie encore plus amère. Avec de tels personnages, comment se soucier de l’intrigue rachitique ? La réalisation de Christopher Nyby souligne chaque moment d’humour, ainsi que l’allégresse du montage d’images où notre duo gagne de plus en plus d’argent, réellement communicative. La scène fait penser au finale de l’opéra Le Joueur mais où la chanson d’Al Jarreau remplacerait le scherzo brillant de Prokofiev. La partie de poker déçoit car trop courte mais Lonow assure le show ! Le suspense prend lors de l’ultime main, où tout ce que possède Maddie tient en une seule carte… David, étonnamment sobre, vient la conseiller en ce moment crucial. Sa grande douceur la rassure et elle s’en remet à lui… Mal lui en prend : le twist final leur explose à la figure. Le tag final est hilarant, le pardon de Maddie est quand même bien vachard avec le gag des 340$ ! Reste qu'elle est amère de s'attacher à David qui ne cesse de la décevoir. Un peu d'amertume dans cette fin... - Le titre de l’épisode vient de l’expression : Money talks, someone walks. Elle signifie « l’argent est roi, quelqu’un lui court après ». 4. LE RÊVE ÉTAIT PRESQUE PARFAIT Scénario : Debra Frank et Carl Sautter Réalisation : Peter Werner Nous sommes fait l’un pour l’autre, Rita. Comme Fred Astaire et Ginger Rogers, comme les toasts et la confiture… Vous-z’êtes trompettiste ? Vous savez vous servir de vot’truc ? La première scène donne le la : encore une dispute à couteaux tirés entre David et Maddie ! Une belle enguelade sur leurs oppositions morales totalement réjouissante. On ne se lasse pas de ce rituel qui frappe juste à chaque fois. La petite dispute avec Sloan, leur « client », creuse encore plus le fossé existant eux : Maddie refuse par honnêteté de truquer des photos alors que David accepte par obligation professionnelle. Après le récit du meurtre, vient une des plus mémorables disputes de toute la série, d’une violence inouïe, pour le plus grand plaisir du spectateur ! Une vraie folie furieuse que cette scène qui se poursuit encore par téléphone interposé à l’agence (split screen bien trouvé). Dix minutes d’un tonique incroyable. Mais l’épisode va maintenant dériver dans des eaux peu explorées à la télévision lorsque Maddie rêve.
D’un fondu enchaîné plein de maestria, Peter Werner nous amène au show musical de Rita qui chante le standard Blue Moon. Cybill Shepherd est bluffante : sa voix mélodieuse, oscillant entre un grave sensuel et un médium pur, est merveilleuse pour interpréter ce tube. La douce chanson est à l’unisson de son caractère innocent, très bon choix et très bon clin d‘œil (puisque c'est le nom de son agence). Toutefois, elle se fait presque voler la vedette par Bruce Willis qui fanfaronne avec sa trompette, faisant de remarquables solos prétentieux ! La scène de meurtre avec ses implacables jeux d’ombres et de lumières, est encore une pure merveille avec une Rita apeurée, et un Zack contenant à peine son excitation morbide, parlant à double sens à sa victime. L’enquête de police fait intervenir deux autres personnages, la femme de chambre (Allyce Beasley évidemment) et surtout l’inspecteur de police trop fouinard : l’interrogatoire de la veuve « éplorée » est un calqué fidèle de ce genre de scènes, et l'inquiétant Francis X. McCarthy apporte toute la tension nécessaire. L’histoire se termine sur un twist brutal qui est la conclusion majestueuse de cette histoire. Cybill Shepherd et Bruce Willis sont impériaux dans leurs doubles rôles. Il y’a aussi quelques scènes de parodie assez détonnantes ! Zack joue de plusieurs instruments à la fois, se fout royalement du 4e mur, la scène du glaçon est joyeusement débile, mais l’apothéose est quand Rita quitte l’appartement de Zack en oubliant ses fringues : morts de rire ! Cybill Shepherd est divine, drapée seulement dans un drap, on en aura la confirmation dans l'infamous I am curious... Maddie (saison 3). Même l'exécution sur la chaise électrique voit sa tension cassée à coup de répliques absurdes ! Quelques instants de poésie s'enchâssent comme Zack jouant au clair du soir, son errance dans les cafés miteux de la ville, la spectaculaire entrée de Rita dans une tenue très sexy, ou les cadrages parfaits de Werner, filmant notre couple post-coïtum… Remarquons que le Bad Blood des X-Files reposera sur la même idée de deux points de vue divergents (quoique Vince Gilligan se cantonnera à l'humour). Cet épisode est un hymne au génie des interprêtes, à la plastique de Cybill Shepherd, et au charme animal de Bruce Willis, via des gros plans fastueux. Infos supplémentaires :
5. MON BEAU DAVID Scénario : Bruce Franklin Singer Réalisation : Will Mackenzie - Et si vous perdez, qu’est-ce que je gagne ?
Un second rebondissement embraye avec une intense course contre la montre, à l’issue brutale peu familière dans la série. Après un toujours désopilant double monologue simultané, le spectateur tombe à plein dans l'étourdissant twist final. Pas de fin spectaculaire mais un affrontement plein de suspense porté par une tranchante Barbara Bain, qui reprend quelques tics de son rôle d’espionne déterminée. Suspense mâtiné toutefois de burlesque avec les airs outrageusement décontractés de David dans la situation ! Maddie surveille le moindre faux pas de son associé, petit jeu stupide doublé d'un concours de vannes qui dure pendant tout l’épisode. Singer noircit beaucoup Maddie, ici décrite plus que jamais comme une bobo BCBG martyrisant son pauvre acolyte. Et ça paie... pétrifiés d’horreur, nous voyons David perdre toute comédie. C’est si inattendu qu'il fait… peur ! Singer enchaîne brillamment sur l’humiliation générale de Maddie entourée d’employés haineux, un immense moment de solitude. Allyce Beasley est irrésistible en Agnès plus infantile tu meurs (Vous l’avez « déDavidé » !!!).
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6. L'EX DE DAVID Scénario : Jeff Reno et Ron Osborn Réalisation : Peter Werner - Hola Madame, est-ce que le numéro que j’ai demandé est toujours en service ? La très belle Dana Delany est idéale en ancienne compagne de David, son jeu ambivalent en fait une des guest stars les plus mémorables de la série. Hélas, Bruce Willis réduit à néant toute l'intensité de leurs scènes : s'il est immense en fanfaron, il est terriblement mauvais en sentimental. Confondant sobriété et monolithisme, il n’arrive jamais à être émouvant. Corollaire : son duo avec Delany ne crépite jamais. Duo assassiné en plus par des dialogues d’une niaiserie absolue. David est pesant d’un bout à l’autre. La scène de la chambre d’hôtel est ratée. Celle de l’hôpital n'est guère meilleure, malgré Maddie laissant échapper sa jalousie. L'épisode de noie dans l’eau de rose déversé à grands seaux. Heureusement, la scène « romantique » entre les deux ex est un grand instant de beauté, magnifiquement réalisée. Le coup de théâtre qui suit se dilue hélas dans une enquête rapide, avec un inspecteur benêt au possible et un David réellement saoulant. Heureusement, le tag final est réussi : David laisse une rose et un mot gentil à Maddie… avant de se raviser : il est trop orgueilleux pour s’humilier devant elle ! On quitte donc avec le sourire cet épisode qui n’a pas tenu ses promesses, malgré une Cybill Shepherd émouvante et sympathique en jalouse délaissée.
7. UN CONTE DE FÉES Scénario : Debra Frank et Carl Sautter, d’après une histoire de Frank Dandridge, Debra Frank, et Carl Sautter Réalisation : Peter Crane - Et j’aimerais accorder trois vœux à Mr.Addison.
La dispute traditionnelle Maddie-David n'est pas aussi verte que de coutume. En fait, il n’y aura ni dispute cinglante ni approfondissement des relations dans cet épisode, remplacés par une atmosphère de feel good movie : nous allons assister à une petite histoire gentille, sans prétention et à l’humour enfantin. Et malgré les longueurs, ça va marcher, mais c’est surtout grâce à la malicieuse second rôle du jour. Quelques bouffées de délire bien destroy pimentent la folie douce de l'épisode comme une scène dans la morgue qui n’est pas sans rappeler les X-Files (version Darin Morgan) ou la recherche du chaudron d'or, où les auteurs ne se refusent rien en matière de burlesque : la chanson paillarde de David qui met Maddie sur les nerfs témoigne bien du non-sens hilarant de l'ensemble. Infos supplémentaires : 8. LE PORTRAIT DE MADDIE Scénario : Kerry Ehrin et Ali Marie Matheson Réalisation : Peter Werner - Là, j’en reste sans voix !
Maddie est encore très sensible à la flatterie et à la reconnaissance. La mannequin n’a pas disparu en elle : elle est remplie de fierté quand elle apprend l’existence de son admirateur secret et de son portrait, symbole d’un amour platonique de l’artiste à sa muse. Presque l’amour courtois du Moyen-Âge avec la sacralisation de la Dame, ce qui n'est pas pour lui déplaire. Cette conjonction explique naturellement son coup de folie. Lorsque David la confronte à ses propres contradictions, Maddie se défend en rappelant qu’elle est la patronne et la libre dépositaire de l’argent. Légalement, elle a tout à fait raison ; moralement, elle est assez intelligente pour comprendre qu'elle a mal agi. On ne peut donc s’empêcher de ressentir une certaine pitié pour cette femme de tête à la merci de ses émotions primitives, de son besoin d’être désirée. Sa naïveté, déjà manifestée dans Les jeux sont faits, apparaît quand elle se fait berner par le trafiquant qui joue sur sa fibre romantique. Maddie sera toujours dessinée avec moins de sympathie que son partenaire masculin, mais la compassion des auteurs désamorcera subtilement ce fait : la vie de Maddie sera toujours plus chaotique et plus amère que celle de David, ce qui la force à être moins lumineuse que lui. Un portrait féministe certes convaincu (Maddie est une patronne efficace, indépendante, supérieure à son collègue) mais assez sombre (bien moins sympathique que Dave), peut-être un peu trop ; mais en 1985, c'était un portrait déjà extrêmement innovant, et malgré son imperfection, demeure fort aujourd'hui. Son égotisme se voit aussi par le dépit amoureux de David. Comme dans Radio assassin (saison 1), où elle préférait à David un mort ; elle est touchée par l’oeuvre de Phillip - mort également ! - sans accorder attention à David. Quand le second meurtre fait prendre à l’affaire des allures de duel pour ses beaux yeux, elle est secrêtement flattée, ce que ce fin psychologue qu’est David comprend bien. Bruce Willis est plus convaincant que d’habitude en sentimental repoussé (What about us poor slobs that live for you ?). Mais le baiser qu’elle lui lance de loin, dans le plan final, la réhabilite aux yeux du spectateur, par sa spontanéité, et sa sincérité. L’enquête est un McGuffin mais pas sans qualités. Malgré de flagrantes baisses de régime, les multiples énigmes voient leurs résolutions judicieusement différées. Pas mal de rebondissements, dont le moindre n’est pas les twists de fin. On notera quelques moments forts comme l'introduction où du sang tâche un mur couvert de photos de Maddie, avant que la caméra se dirige, dans un quasi plan-séquence, sur le superbe portrait. Mais aussi la splendide scène de la déambulation muette de Maddie dans le musée avec un significatif jeu de regards. Peter Werner confirme qu'il est le meilleur réalisateur de la série. Côté humour, on note l’apparition du 2e puis du 3e larron, quelques cassages de 4e mur (Maddie, I just had my hand on your behind. If I get any more serious, they're going to move us to cable !), le show déchaîné de David… mais le morceau de choix reste évidemment le festif final, avec de grosses explosions de peinture pour terminer l’épisode sur un hilarant ton parodique !
9. DRÔLES DE NUMÉROS Scénario : Roger Director Réalisation : Christian I. Nyby II - C’est pas qu’j’en sois pas sûre… c’est que je n’en suis pas certaine ! Après une version hilarante du Heigh ho ! de Blanche-Neige et les sept nains, et les appels irréalistes de David au pape et au président des Etats-Unis, il songe à garder le rolodex pour fonder sa propre agence... et c’est la catastrophe car les initiatives malheureuses de West démolissent tout, entraînant une folle course-poursuite sur musique décalée et vaudevillesque (Alf Clausen toujours au top) avec David tel qu'en lui-même : délirant à mort dans les pires situations possibles. Car Maddie a changé : après avoir essayé de fuir la réalité, son inconscient a fini par l'accepter, et mieux, à l’aimer ! Le travail est devenu nécessaire pour elle. La petite fille qui rêvait encore de contes de fées meurt quand elle réalise que sa vie de mannequin se résumait à des plaisirs artificiels (shopping…), à être riche mais dénuée des vraies valeurs de la vie. Ce rite initiatique, sujet de milliers de navets, convainc ici car il s'inscrit au sein du portrait le plus sympathique de Maddie dans la série, et aussi parce que les auteurs ne tombent pas dans le béat en sauvegardant quelques traits acérés de l'ancienne Maddie.
- On entend brièvement l'allegro final de l'ouverture de Guillaume Tell de Rossini lors de la course-poursuite dans la banque. La chanson entendue dans le bar quand David et West se rencontrent est Leavin'on your mind de Patsy Cline.
10. IL EST NÉ LE DIVIN ENFANT Scénario : Glenn Gordon Caron Réalisation : Peter Werner Vous avez la moralité d’un lapin, le caractère d’une limace, et les méninges d’un diplodocus !! Le comique prend immédiatement sa place avec la chanson d'Agnès puis l'apparition christique du bébé totalement décalée ! Ally McBeal développera d'ailleurs une idée similaire dans un de ses épisodes de Noël (Blue Christmas) où Elaine Vassal trouve un vrai bébé dans une mangeoire et décide de le garder. Mais à la différence de David E. Kelley qui en fera un épisode assez triste pour la secrétaire la plus torride des séries télé, Glenn Caron va maintenir droit le cap dans le loufoque à fond les manettes. Maddie doit faire face à la dernière frasque de David : il a transformé l’agence en hotline du Père Noël !! S’ensuit une énorme dispute d'environ 10 minutes ! Maddie est outrée que David et les employés profitent de Noël pour leur profit. Les délires de David ajoutés à la virulence de Maddie qui dégaine des vannes furieuses plus vite que son ombre donnent un cocktail ébouriffant. Si vous vouliez une preuve que Clair de Lune est la série à dialogues par excellence, cet épisode est vraiment l’idéal. Au milieu de ce déluge de rires et de bons mots, l’épisode joue quelques contrastes comme les menaces de Léonard (Belzer est glaçant à souhait) ou, dans un autre registre, l'absence d’instinct maternel chez Maddie. Son attitude envers le bébé est même plutôt dure, là où David se montre plus gentil. Mais David sait bien que Maddie est blessée de sa vie privée vide : si elle refuse qu’Agnès garde le bébé, c’est bien par jalousie (via un nouveau dialogue à 100000 volts). Aussi la belle scène intimiste d’Agnès berçant l’enfant avant de le tendre à une Maddie plus troublée qu’elle ne veut le dire est un beau moment de grâce. La scène - trop longue - menace de s’enliser dans la guimauve, mais Allyce Beasley évite le naufrage grâce à son angélisme souriant. Le tag final parachève le triomphe de Noël. Car Twas the episode before Christmas est bien le premier épisode où David et Maddie échangent leur(s) (deux) premier(s) baiser(s) !! S’il est encore assez chaste car échangé davantage sous l’euphorie du moment, il n’en est pas moins jouissif à voir, un joli cadeau de Noël ! Et tandis qu’une neige artificielle tombe dans l’agence à la demande de David, le 4e mur s’effondre totalement. Toute l’équipe et leurs familles chantent une chanson de Noël à l’adresse des spectateurs. Tout le monde, y compris les acteurs, partage ce moment de communion avec le public stupéfait de tant d’attention à son égard ! Parmi la foule, on reconnaîtra Vincent Schiavelli (Le train mystère, saison 1), le mari d’Allyce Beasley, et Glenn Gordon Caron lui-même. La dernière image voit David et Maddie (ou bien Bruce et Cybill, on ne sait plus quoi penser !) s’enlacer avec une joie totale. Une fin idyllique, unique dans l’histoire des séries, qui couronne ce chef-d’œuvre de dinguerie qu’est ce conte de Noël décalé.
11. LA FIANCÉE DU TUPPERMAN Scénario : Jeff Reno et Ron Osborn Réalisation : Christian I. Nyby II et Will Mackenzie - Je trouverai un bon mari pour elle. On remarquera que l'affaire fait songer au Cœur à cœur des Avengers. Maddie appuie sur le bouton « puritanisme », comme à chaque fois qu’il est question d’évolution des moeurs. Pour elle, une rencontre amoureuse doit être le fruit du hasard, non d’un destin forcé ou d’une transaction financière. Pensée aussi idéaliste que réac. Si Maddie a mûri au cours des épisodes précédents, elle reste liée à des valeurs morales élevées mais déconnectées de la réalité. David est plus progressiste, mais c'est parce que la sexualisation de la société rend les rapports plus frivoles, ce qui met notre épicurien patenté aux anges ! Aussi au menu, les vers d'Agnès toujours si drôles, les appels d’un obsédé sexuel… qui ont l’air de l’exciter ! Les cassages de 4e mur (I figured it out during the commercials.), etc. La seule pause dans cet épisode fou-fou est la sentimentale scène de l'avion où David et Maddie dorment l'un à côté de l'autre... quelle saveur ! Le troisième acte enchaîne les retournements de situation jusqu’à ce que tout réalisme soit passé au hachoir, assurant le triomphe de la fantaisie : Ping, Tupperman fait son choix puis se ravise, ping, un nouveau rebondissement, ping, encore une révélation, ping, David réalise qu’ils ont été mystifiés depuis le début (la scène où il entre par effraction dans la maison est un des plus gros gags de l'épisode !)… jusqu’à PING, l’ultime twist final, exaltant le triomphe du surréalisme. Cette virtuosité dans ces rebondissements continuels, renforcé par la réalisation efficace de Nyby et Mackenzie est on ne peut plus délectable. Le tout donne lieu à la course-poursuite finale en fauteuil roulant joyeusement débile, qui nous achève par sa furia comique. Les acteurs s’en donnent à cœur joie, tout comme la musique d’Alf Clausen. Bref, une fin démente, et un joyau de plus pour cette saison !
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12. LES AVENTURES DE MADEMOISELLE TOPISTO Scénario : Debra Frank et Carl Sautter Réalisation : Christopher Hibler Death after the first date does not do a lot for your self-confidence. La musique des Supremes, à l’élégance et à la gaieté rafraîchissantes, convient à merveille à la métamorphose d'Agnès en dame chic, dans un clip pop stylisé du meilleur effet. Sa rencontre avec Kyle est hilarante (le gag du manteau de fourrure !), et leur long baiser est savoureux. Hélas, l’épisode sombre ensuite dans l’ennui le plus complet : péripéties dans un train-train ronronnant, sous-méchants caricaturaux, réalisateur et humour aux abonnés absents… Le pire est de voir Agnès, en dehors de la « cascade » dans l’usine, dans l’inertie la plus totale. Elle traverse l’épisode sans faire quoi que ce soit, et se repose tout entier sur son allié inattendu, Doug (le fade Douglas Warhit), qui avec son charisme d’ustensile de cuisine et ses interventions hors de propos dans l'histoire, parviendra à résoudre l’affaire à lui tout seul. C'est d'un contresens stupide, annulant tout à fait l'idée de départ. Frank et Sautter atteignent le degré zéro avec l’évasion d’Agnès, d’une naïveté exaspérante. Elle s’enchaîne à la scène finale, d’habitude un joyeux n’importe quoi, mais ici rendue nulle par un manque de fantaisie sidérant. La gentille baston entre les méchants et Doug, qui, comme Zorro est arrivé sans se presser, est très loin des bagarres plus toniques (ou débiles) de la série. Qu'Agnès soit réduite au rôle de demoiselle en détresse est également dommageable. L’épisode s’est enfermé dans un sérieux désastreux qui rend également caduc son début de romance sucrée (et lourdingue) avec Doug. Infos supplémentaires : 13. LA NUIT DU MORT-VIVANT Scénario : Scott Spencer Gordon Réalisation : Will Mackenzie - Maddie, il y‘a des tas de choses dans la vie qui sont inexplicables. Malheureusement, cette idée est balayée en pièces par un retour arrière du personnage sur un autre domaine : alors que Maddie semblait de plus en plus épanouie et se rapprochait de son partenaire, elle dit que cette année a été ratée pour elle sur tous les plans ! En plus d’être incohérente, cette idée nous amène une Maddie atone et pâle qui reste à la remorque durant tout l’épisode. La scène initiale de l’anniversaire de Maddie perd ainsi toute drôlerie par la platitude de son interprète féminine. Pour le coup, Allyce Beasley était plus émouvante dans un registre similaire. Seules deux scènes échappent à la purge : la scène de la morgue, où David foire ses tentatives de séduction envers une Maddie super cassante. Mais le regard rieur de la belle semble penser qu'elle prend plaisir à se laisser courtiser - d'ailleurs, elle prend pour oreiller l'épaule de David - une des rares scènes où Cybill est parfaite. Et puis, il y’a le duel final bien absurde, plus réussi que l’épisode précédent, mais n’atteignant pas toutefois les cimes de pure folie de Twas the épisode before Christmas ou The bride of Tupperman. Cela ne compense pas la faiblesse du vilain. Infos supplémentaires :
14. LA MAITRESSE DE PAPA Scénario : Bruce Franklin Singer Réalisation : Christopher Hibler - Maddie, je ne ferai rien qui vous mette mal à l’aise. Le scénario de Bruce Franklin Singer est d’une insigne pauvreté, on est loin de la maestria dont il faisait preuve dans Mon beau David ! Maman a des doutes sur la fidélité de Papa, sa fille ne la croit pas, David suit le mari, découvre le pot-aux-roses ; ensuite, tous les quatre dînent au restaurant, on s'explique, puis on se pardonne. Point final, difficile de faire pire ! Mais l'intérêt est que les quatre personnages bénéficient d’un dessin soigné, Maddie en tête. C’est la première fois que Maddie réagit physiquement par colère, qui se manifestait alors que par les mots. Dépossédée de sa fortune, son idéal familial s’effondre lui aussi. Une fois ce deuil fait, Maddie sortira définitivement de sa bulle enfantine déjà bien creusée depuis son premier renoncement (Atlas Belched). Le pardon final est convaincant, grâce aux merveilleux Cybill Shepherd, Eva Marie Saint, et Robert Webber. Malgré tout, on sent l’amertume derrière cet apparent happy end. Seules les dernières répliques de David finissent par nous faire sourire, confirmant une nouvelle fois la complicité de notre couple. Infos supplémentaires : 15. TÉMOINS Scénario : Jeff Reno et Ron Osborn Réalisation : Paul Krasny - Maddie, écoutez, une fois que je me serai lavé, donné un coup de peigne et rasé, je redeviendrai le bon vieux David que vous détestez. Le marché d'Everett est dans la lignée des requêtes bizarres des clients de l’agence Blue Moon. Cette euthanasie réclamée permet une nouvelle dispute entre David et Maddie dont les convictions sont encore une fois radicalement opposées. Reno et Osborn ouvrent une fenêtre sur ce sujet sensible. David est pour (bien que chrétien), et sa collègue contre. On remarque que le réquisitoire de Maddie fait penser aux radicaux religieux (elle va jusqu’à lâcher le mot « pêché ») : athée, oui, mais aux convictions ancrées dans une morale religieuse traditionnelle prégnante en Amérique. La scène cependant reste d’un comique ravageur avec David plein de mousse à raser, pas peigné, en caleçon à cœurs rouges devant tous ses employés, et l’exaspération crescendo de Maddie ! Maddie se lâche totalement dans la scène désormais culte du garage. Refusant d’accepter la perte de David, elle veut le retenir, court derrière lui pour le supplier de ne pas partir. De son côté, David est désemparé d’abandonner la femme qu’il aime mais veut mettre une distance pour ne pas rendre la séparation trop difficile. On voit que les auteurs se sont grisés d’une telle inversion, qu’ils jouent en virtuoses jusqu’au climax : leur furieux baiser ardent. Cybill Shepherd est transfigurée dans cette scène où elle fait preuve d’un monstrueux talent, la scène est d’une beauté et d’un érotisme fulgurants ! C’est avec acuité que l’épisode se centre sur les tourments des héros plutôt que sur l’enquête. Le happy end est progressivement amené grâce aux I love you, I love you, I love you que Maddie répète incessamment. Son transport irrépressible lors du retour de David (là, c’est clair qu’elle cache plus rien !) est une joie sans mélange, une allégresse totale.
- Le titre de l’épisode est un clin d’œil à une fameuse pièce de théâtre de la « Reine du crime » Agatha Christie : Witness for the prosecution (Témoin à charge en français). La pièce fut portée à l’écran en 1957 par Billy Wilder.
16. L'HOMME QUI PARLAIT TROP Scénario : Debra Frank et Carl Sautter Réalisation : Christopher Hibler - Je crois avoir trouvé le secret de notre succès. L’idée de base de l’épisode est si tordue qu’on se dit que seul Clair de Lune peut se permettre des idées aussi dingues. Toby est une prostituée revêche mais sympathique. Ses lassitudes devant les pitreries de David, sa misanthropie sous-jacente, sa froideur, entraînent de stimulantes joutes oratoires. Mais on finit par voir un certain attachement de cette femme envers le détective qui reste improbablement victorien avec elle. Sa crise de larmes quand elle apprend que David est en danger, qu’elle serre contre elle, se passe de commentaires. Elle est aussi charitable et plein de sang-froid. David est aussi attiré par elle : ses attentions et ses cadeaux montrent qu’elle ne lui est pas indifférent. David fait l’expérience de l’argent facile comme Maddie dans Drôles de numéros, et comme elle, est confronté à la solitude du prince : à quoi bon être riche et célèbre s’il doit s’éloigner de Maddie ? Cette dernière est prise au piège de ses propres convictions : elle qui place la réussite professionnelle au-dessus de tout, est obligée - pour ne pas se dédire - d'être « contente » de l’ascension de son employé tout en tirant une tête de pleureuse, quelle ironie ! Comme toujours, dans le registre de l’émotion, on accordera une préférence à Cybill Shepherd, malgré les progrès évidents de Bruce Willis. Infos supplémentaires :
17. REQUIEM POUR UN VEUF Scénario : Jeff Reno, Ron Osborn, et Charles H. Eglee, d’après une histoire de Jonathon Lempkin Réalisation : Allan Arkush Addison, y’a-t-il une once d’intégrité dans votre cervelle de courge ?
L’épisode s’enlise rapidement dans une histoire peu convaincante, le twist central est largement prévisible tandis que la recherche de Célia s’étire en longueur. Quant au méchant de l’histoire, il n’a pas l’envergure attendue. Toute la séquence de Maddie, prise d’un accès d’« intégrité » exagérée, entre également en contradiction avec son personnage, devenu moins idéaliste depuis In God, we strongly suspect. L’apparition de Célia rend caduque toute l’affaire, puisque rendant vaine toute sa recherche précédente. Sa confession n'est pas plus crédible, son idée initiale était fichtrement grotesque. Non, tout cela est vraiment très mal écrit. Le tout culmine dans un joyeux délire quand David et Maddie bataillent pour arrêter l’assassin : on commence par une bataille de balais… sur la musique de Star Wars ! Cette parodie de duel au sabre laser n’est d’ailleurs pas sans évoquer une scène de Scrubs où J.D se perd dans un rêve éveillé où deux médecins s’affrontent au sabre laser. On aime aussi l’emprunt à la musique de Psychose lors de l’empoignade finale dans l’escalier avec arrosage général. Décidément, les auteurs mettent un point d’honneur à ne pas manquer les fins d’épisode ! La réalisation énergique d'Allan Arkush, qui va devenir le metteur en scène le plus important de la série (il filmera la moitié de toute la saison 4) est également supérieure à l'habitude. - Jonathon Lempkin, auteur du script original, n'a pas écrit d'autre scénario dans sa carrière.
Scénario : Roger Director Réalisation : Peter Werner - Je viens d’avoir une idée. L’histoire s’enfonce rapidement dans un pénible bourbier. La dispute David-Maddie est certes plaisante, mais manque d’acidité. L’épisode allonge à l’extrême les situations statiques, bridant la truculence habituelle de Whoopi Goldberg. Director se prive d’un atout considérable en ne lui donnant aucun espace. Certes, l’actrice est si talentueuse qu’elle arrive à nous amuser, notemment en diva capricieuse, mais qu’on est loin de ce qu’elle aurait pu faire avec un script plus rythmé ! David et Maddie subissent également cette lenteur : à part s’agiter dans tous les sens pour donner une illusion de mouvement (la séquence ridicule de la fausse alerte incendie), ils ne font rien. Seuls Allyce Beasley et sa bonne humeur enfantine, ainsi que le séduisant Judd Nelson en flic corrompu n’en souffrent pas. Il faut dire que Nelson joue au second degré son rôle caricatural, seule manière d’échapper à la purge générale. Et puis, arrive enfin le « Big Finale » annoncé, qui d’un coup hisse les dix dernières minutes de cet épisode à l’état de chef-d’œuvre burlesque ! Toute concurrence en matière de folie furieuse est pulvérisée grâce à la carte démente abattue enfin par le scénariste : la brutale invitation du Réel dans l’imaginaire. On commence par le policier prenant Camille en otage avec répliques et interventions absurdes toutes les dix secondes, puis la délirante course-poursuite… dans les studios de tournage !! Le réalisateur a beau les arrêter, rien à faire. C’est ainsi que le quintette (Agnès se retrouvant sans le vouloir dans la scène) perturbe les répétitions des autres séries en cours, fonce dans une penderie, que le méchant galope sur un cheval sur la musique des Sept Mercenaires, etc. Dix des minutes les plus inoubliables de la télévision, quel dommage qu’elles soient dans un épisode aussi médiocre. Mais rien que pour cette fin, cet épisode est incontournable. Une façon originale de prendre congé en attendant la saison suivante.
1. Le rêve était presque parfait : la plus belle réussite de Clair de Lune est également un des épisodes les plus réussis de l’histoire de la télévision. Un superbe hommage aux films noirs de l’âge d’or de Hollywood. Scénario aveuglant de génie, mise en scène pharamineuse, acteurs en état de grâce, numéros musicaux au cordeau, mélange idéal entre intensité dramatique et humour décapant. Tout simplement parfait. 3. Témoins : Un épisode inhabituellement noir, qui joue à fond sur le couple principal, au bord du gouffre. Le contre-emploi est total mais les acteurs sont embrasés par le talent. Le premier baiser de David et Maddie couronne ce diamant romantique et sombre, finalement pessimiste sur leur relation. Amer, mais sublime. Images capturées par Clément Diaz.
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Pendant que Werner nous régale de travellings délicieux, Rita repousse un Zack très insistant, mais le charme a déjà opéré ; le mari clarinettiste (Jack Bannon, très bien), naïf, fait tout d’ailleurs pour leur faciliter la tâche ! On retrouve là les histoires classieuses des films noirs. A croire qu’un scénariste et un cinéaste de l’époque se sont alliés, tellement tout resplendit de génie.
La scène où Rita tombe dans les bras de Zack est très érotiquement filmée (ah, ces gros plans…) avec un baiser so hot ! C’est un coup classique : les acteurs s’embrassent mais ce ne sont pas les personnages, mais d'autres ! The Avengers avait déjà utilisé cette technique (Qui suis-je ???), et les X-Files la reprendront (Triangle), entre autres. On est en terrain connu ! Mais on ne se prive pas d’un tel plaisir !
Saison 3
1. LE RETOUR DU PÈRE PRODIGUE
Scénario : Jeff Reno et Ron Osborn Alors oui, Cybill Shepherd accomplit l’exploit d’être encore plus belle que dans les saisons précédentes, avec ses tenues super pailletées (bienvenue dans les 80’s), le choix de Paul Sorvino pour David Addison Sr. n’est pas mauvais, oui on apprécie la crise de nerfs de David Jr. à l’annonce de la nouvelle. Mais l’épisode prend alors des allures de drame familial digne d’un mauvais téléfilm : avalanche de dialogues vaseux, et pot-aux-roses deviné dès le début. Maddie est en mauvaise forme pour ne pas se rendre compte de ce qui se passe en ce moment. La mise en scène d’Allan Arkush a du mal à exister devant une telle indigence. Par contre, les chansons de l’épisode sont comme toujours un délice. La scène du mariage est un tantinet plus relevée, mais reste loin de ce que nous offre habituellement la série (le "mariage" de Maddie en saison 4 sera beaucoup plus azimuté). Certes, on goûte l’apparition de Richard - Charles Crocket est très élégant en smoking - qui reçoit une belle droite de la part du frangin, mais c’est l’entrée en scène de la mariée qui va sauver les meubles, car Stéphanie a les traits de la talentueuse Brynn Thayer. Son arrivée avec un clin d’œil effronté à son futur beau-fils tout honteux ouvre le dialogue final. Il faut reconnaître que le twist final est assez malin, surtout que David voit sa séduction et sa virilité broyées impitoyablement par une Stéphanie impitoyable ! Alors qu'elle vient de nous être fraîchement présenté, on se surprend à la voir sous un jour extrêmement sympathique quand elle raconte sa vie de fille paumée qui enchaînait garçons et cocktails en attendant le prince charmant. Grâce à elle, le happy end évite de peu la miévrerie. Il est dommage que ni David Sr. ni Stéphanie ne reviendront dans la série - même si Richard ne manquera pas, lui, de réapparaître.
Infos supplémentaires : 2. UN VEUF PAS ORDINAIRE
Scénario : Kerry Ehrin Le concept de la « spontanéité » revient comme un refrain décalé au cours de l’épisode : David est enclin à comprendre le geste meurtrier de James qui a agi sous une impulsion incontrôlable, tandis que Maddie ne veut accepter aucune excuse pour un homme qui a tué sa femme. La « spontanéité » est pour elle un comportement barbare contraire au froid intellect dont elle fait un évangile. Maddie la cérébrale pense que la spontanéité est une mauvaise excuse pour les gens ne voulant pas prendre leurs responsabilités. David l’impulsif dit qu’elle est au contraire un moyen de vivre sa vie pleinement. Il n’est pas vraiment neutre car son apologie de la spontanéité est à rapprocher des sentiments passionnés qu’il éprouve pour Maddie. Ce sont les meilleures scènes de l'épisode. L’enquête a un certain intérêt malgré des longueurs. Avec un beau mystère, et par la composition en homme perdu de Stephen Godwin. Il y’a aussi l’improbable équipement high-tech de David assez déphasé avec l’habitude de la série. La « deuxième mort » de la femme est d’un humour noir ravageur. On ne sait vraiment plus quoi penser dans cette affaire qui devient de plus en plus absurde, on retrouve l’esprit déjanté de la série. Le rebondissement final est très malin. Même si on peut trouver un peu limite cette romance de dernière minute, le fait est que l’instigateur de toute l’affaire a un fait un superbe acte d’amour qui innocente le criminel de son crime passionnel… voire même un peu trop, puisque nos détectives n’arrêteront pas cet homme. Malgré les circonstances atténuantes, le laisser libre est dérangeant. Une faute même dans le monde de Moonlighting. - David parle de « combustion (humaine) spontanée ». X-Files phone home ! - A la fin de l’épisode, nous sommes le 25 juillet 1986 si l’on en croit le chèque reçu par Maddie. - Le titre de l’épisode provient du film The man who cried wolf (Soixante-quinze minutes d’angoisse en français), film de 1937 de Lewis R. Foster. - Continuité : lors du toast au champagne, Maddie a dans la main deux tasses empliées. Au plan d’après, elle n’en a plus qu’une. Au début de la même scène, on voit que MacGillicudy n’a pas d’alliance à sa main gauche, mais qu’il en a soudain une quand il s’asseoit ! - Première apparition du personnage récurrent de MacGillicudy, que Jack Blessing interprétera durant 17 épisodes. David avait mentionné son existence dans Gunfight at the So-So Corral (saison 1). - Une curiosité : alors que le mari s’appelle James Bower, il existe un figurant dans l’épisode interprété par un acteur du nom de John Bower ! - Les chansons de l’épisode sont Dedicated to the one I love de Ralph Bass et Lowman Pauling, chantée par The Shirelles, Waiting for a girl like you de Mick Jones et Lou Gramm, chantée par Foreigner. David chante quelques mesures de It’s your thing des Isley Brothers. 3. SYMPHONIE POUR DEUX ESCROCS
Réalisation : Paul Lynch J’ai passé la majeure partie de la nuit à rêver que je vous sonnais les cloches, et je vais également sonner une ambulance si vous ne sortez pas de ce bureau immédiatement ! - Deux mêmes personnes… - … Du même bureau… - … Avec la même histoire… - … Cherchant la même chose. Le scénariste a dû photocopier par erreur l’autre scène ! Maddie et David font un pari : chacun devra organiser un rendez-vous dans le style attendu par l’autre. Le rigolo David devra faire une soirée raffinée pour la raffinée Maddie qui en retour devra faire une soirée rigolote. David invite Maddie à un concert symphonique, mais la soirée se passe très mal… Le lendemain, Maddie et David sont interrogés par le FBI : les billets qu’a achetés David à un vendeur à la sauvette étaient destinés à des agents fédéraux qui devaient recueillir un indice à propos d'un futur incident diplomatique international… nos héros sont donc pris une fois de plus dans un monumental nid de guèpes… Pour tous les fans de Chapeau melon et bottes de cuir, cet épisode est très renommé car il s’agit de l’épisode avec Linda Thorson elle-même !! Et malgré sa trop brève apparition, quel plaisir de retrouver l’interprète de Miss Tara King, même si l’actrice est presque méconnaissable 17 ans après. Mais cela est finalement de petite importance car Symphony in knocked flat est un des épisodes les plus délirantissimes de la série. Carburant au gag-minute, voire au gag-seconde, l’histoire de ce complot international n'est qu'un prétexte pour déchaîner un mouvement perpétuel de moments tout aussi burlesques les uns que les autres, avec le jeu de massacre féroce du couple central ! Allumé d’un bout à l’autre, cet épisode enchaîne dialogues et disputes explosives. C’est d’autant plus méritoire qu'il s'agit du seul scénario écrit par les deux auteurs de l’épisode pour la série. Dale Gelineau et Pauline Miller ont tout à fait saisi l’esprit de la série et s’en donnent à cœur joie dès la scène pré-générique. Qui ne se contente pas de fracasser le 4e mur, mais carrément de faire apparaître le groupe The Temptations qui exécute pour nous un swingant morceau. Voir Maddie danser sur la musique tout en faisant semblant de chanter la chanson avec la voix rocailleuse du chanteur en play-back est d’un effet hilarant. Encore une introduction complètement hallucinée à mettre au crédit de la série ! Maddie a eu un rencard la veille au soir ! Cette nouvelle rend l'agence sans dessus dessous : les regards éloquents des employés, Agnès décidément pas douée pour les mensonges, l’espionnage derrière la porte, le jeu absolument con de David… qui précèdent le grand déballage de Maddie. Elle est absolument furieuse contre la gent masculine qui ne sait jamais être « gentleman » et qui veut toujours coucher au premier rendez-vous. Les hommes s’amuseront de l’idéalisme hors d’âge qu’elle leur accole, les femmes la soutiendront devant ce manifeste qui impose le temps pour que respect et alchimie aient le temps de s’installer. Le récit de son rencard, démonstration de la loi de Murphy, fait mouche à chaque ligne. David étant beaucoup plus frivole (sa métaphore sur le « retour sur investissement » est aussi drôle que vraie), c’est reparti pour une bonne dispute et les classiques dialogues de sourds. Le lendemain, impitoyable carnage entre nos deux amis, où Maddie alterne subtilement colère et déception durant l'engueulade. David est suicidaire pour carrément penser qu’elle lui donnera une seconde chance, mais on a toujours aimé son culot en diamant. Excellente scène que les deux duos du FBI (pas de petite rousse ou de grand brun toutefois) qui racontent la même histoire au mot près. Il faut voir la consternation qui se lit sur nos détectives qui voit les grosses emmerdes arriver ! Les scénaristes ne laissent aucun temps mort : à peine un éclat de rire passé, on embraye sur le suivant sans reprendre son souffle. Ainsi, on se retrouve en terrain Hitchcockien avec nos deux innocents pris dans les rouages d’une grosse machination, puis on repasse dans le burlesque avec David qui à chaque ennui fait payer le prix (financier) à Maddie, sans oublier le gag de la cabine téléphonique, Ouaille ! L’épisode trouve son climax avec un finale de dix minutes à couper le souffle. Après la scène aux confins du nonsens le plus joyeux dans le vestiaire, on assiste à la baston finale : David, coaché par Maddie, doit affronter une redoutable montagne de muscles (Steve James, un habitué des films d’action) sur un ring de boxe. Cette parodie de Rocky 4 (l’adversaire est un soviet) exploite à fond toutes les possibilités comiques possibles dont le pastiche des discours patriotards faux-cul qui émaillent nombre de films américains (dont les Rocky). Le crescendo dément de cette folie comique se termine sur le gag le plus E-NO-RMI-SSI-ME de l‘épisode, concluant ce chef-d’œuvre de pure comédie qu’est Symphony in knocked flat !
- Unique scénario de la carrière de Pauline Miller. Dale Gelineau écrira en 2009 le script d'un film d'horreur : Brain Dead (en deux mots), mais n'a rien écrit d'autre.
4. MORTELLEMENT VÔTRE
Réalisation : Christian I. Nyby II - Défoncez la porte ! - Mais c’est interdit par la loi. - Allez-y, ou c’est moi qui vous défonce ! Personnellement, j’terminerais bien l’épisode ici. Gail Woodley, une femme mariée, a entretenu durant deux ans et demi une correspondance avec un inconnu qui semblait très bien la connaître. Cet inconnu se montrant dernièrement plus inquiétant et agressif, Gail demande à Maddie et David de trouver son correspondant et lui ordonner de la laisser tranquille, elle et son mari. Pendant ce temps, ils doivent protéger leur nouvel employé Herbert Viola du harcèlement sexuel d’Agnès Topisto, tombée passionnément amoureuse du jeune homme… Cet épisode est fondamental pour le fan car faisant entrer en scène le 4e personnage principal de la série : Herbert Quentin Viola, joué par le jeune et fringuant Curtis Armstrong. Se joignant au triangle Maddie-David-Agnès, ce nouveau personnage mignon et timide va apporter une touche comique de plus à la série. Il en sera l'irremplaçable pompier lorsque la série traversera ses passages à vides (première moitié de la saison 4, dernier tiers de la saison 5). Roger Director soigne l’entrée du nouvel arrivant, mais oublie de mettre du rythme dans sa trop molle intrigue principale. Heureusement les sommets d’incongruité du scénario sont irrésistibles. Le début assez morne est dynamisé de temps à autre par les bons mots entre David et Maddie, et la scène où Maddie est scandalisée que David défonce la porte de l’hôtel. Ce qui est drôle, c’est que lorsqu’ils reviendront plus tard, ce sera l’inverse : Maddie forcera David à casser la porte ! La confrontation entre l’expéditeur et nos agents est des plus imprévues : il ne correspond pas vraiment à ce qu'ils pouvaient (et nous non plus) imaginer. Dans la classique dispute de voiture, Maddie atteint des sommets d’idéalisme anachronique, exaltant amour platonique et romantisme démodé. David lui rappelle que le romantisme est devenu plus réaliste, plus charnel, c'est toujours valable à notre époque d’ailleurs ! L’épisode ne juge pas Maddie qui souhaite seulement rendre à l’amour toute sa force et son mystère, là où David n’y voit qu’intérêt masturbatoire et passion charnelle. David n’est pas non plus jugé : c'est un héritier de la révolution sexuelle qui libéra des millénaires de pulsions réprimées par les milieux conservateurs et religieux. Nos deux amis sont encore une fois dans l’extrême, et on les adore comme ça. Parlons maintenant de la meilleure réussite de l’épisode : Herbert Viola. Le début de l’épisode voit les employés surprendre Herbert et Agnès dans une position assez... compromettante. Ce n'est pas comme ça qu’on voyait Agnès saluer une nouvelle recrue... L’apparition de ce bon garçon transforme la timide et chaste Agnès en une bête de sexe insatiable qui à chaque fois tente de le violer ! Allyce Beasley, toute contente de sortir du cadre amusant mais limité de son personnage, va à 300% dans son délire. Elle cabotine à mort, grossit au maximum tous ses états d’âme, de la joie à la passion, en passant par la tristesse et le doute. Quel numéro ! Tout au long de l’épisode, le malheureux garçon tente d'échapper à ses assiduités débordantes jusqu'à se cacher sous le bureau de Maddie (cri de soprano offert par la maison). Curtis Armstrong donne à Bert sa simplicité, son empathie immédiate, sa délicatesse. La conversation avec Maddie est assez touchante. La non-réciprocité de sa passion éclate à Agnès d’une manière sublime avec une étreinte à sens unique. La caméra de Christian Nyby est admirable d’expressivité. La belle coda voyant David et Maddie sur le point de s'avouer de tendres aveux avant de se rétracter continue le jeu de Sisyphe avec le spectateur : Maddie s’interdit tout laisser-aller, et si David assume sa passion physique, ce n’est pas le cas pour un possible sentiment plus fort. Quant à L’ultime image, qui se fige soudain, elle laisse apercevoir une lueur d’espoir pour Agnès, superbe détail qui conclut joliment cet épisode. Infos supplémentaires : - 1re apparition d’Herbert Viola (dit Bert), joué par Curtis Armstrong. Le 4e personnage principal de la série sera crédité au générique à partir de la saison 4. Son introduction est dû à l'accident de ski que subit Bruce Willis au début du tournage de la saison, ce qui le contraignait à jouer moins de temps sur le plateau. Viola "combla" ainsi d'abord les trous, avant d'acquérir une importance autonome. Curtis Armstrong pensait qu'il n'avait aucune chance de passer l'audition car il devait être un "love interest" (celui d'Agnès), or Armstrong pensait qu'on ne ferait jamais appel à lui pour ce genre de rôles (source : Memories of Moonlighting). Dans cet épisode, son prénom est curieusement orthographié Burt (et non Bert). - Quand il était petit, David voulait être facteur, car il aimait les képis. - Maddie a une tante du nom de Grâce. Nous apprendrons qu’elle en a une deuxième dans L’ange gardien. - Dans la poursuite finale, quand Maddie tombe du chariot, l’homme à côté d’elle lit le journal The Globe avec un article intitulé : Moonlighting’s Cybill says Bruce is a Fox. Une autre manière de briser le 4e mur ! - Le titre de l’épisode détourne la formule de politesse standard que l’on écrit (en anglais) à la fin d’une lettre : Yours, very truly. - Fait étrange : ni le scénariste, ni le réalisateur de l'épisode ne sont crédités après le générique ! - On entend dans l’épisode Please Mr.Postman par The Marvellettes. On entend aussi durant l’attente dans le bureau de poste la chanson Syncopated clock de Leroy Anderson. David chante par ailleurs Shake, Rattle & Roll de Bill Haley and His Comets. 5. MORTELLE CONFESSION
Scénario : Charles H. Eglee, d’après une histoire d’Eric Blakeney, Charles H. Eglee, et Gene Miller Malheureusement, il ne se passe à peu près rien par la suite. Notre duo mène une enquête sans éclats, au suspense absent. En mari chagriné, Richard Beymer n’est pas du tout crédible. Le fameux (et médiocre) interprète de Tony dans l’adaptation cinéma de West Side Story prouve une nouvelle fois qu’il est loin d’être un atout. Heureusement, le prêtre tourmenté entre féodalité à son serment et instinct amoureux émeut grâce à ce brillant comédien qu’est Brad Dourif. Il éclipse totalement son partenaire, ainsi que le joli pot de fleurs qu'est Jessica Harper. Si la série réussit toujours à mener des petits débats idéologiques, via des dialogues foudroyants, elle est beaucoup moins à l’aise pour énoncer des thèses profondes. Cela marche pour des séries philosophiques comme Le Prisonnier ou Dr.House, pas pour une série qui se prend moins au sérieux. Ainsi, toutes les discussions autour de la religion sonnent creuses. Lorsque la psychanalyse et l’adultère s’invitent là-dedans, on sombre dans un éparpillement terrible. Les dialogues sont acérés comme on les aime, mais tournent à vide, perdant leur efficacité. Le salut vient encore de Dave and Mad’ qui renversent ici leurs positions morales. David le libertin se montre d’un étonnant puritanisme sur le thème de l’adultère, alors que l’austère Maddie est d'un pragmatisme cynique en acceptant tout à fait qu’un prêtre puisse casser un mariage, car c’est un « client » ! David fait par ailleurs une chose monstrueuse dans l’épisode : il refuse l’argent du prêtre, dégoûté de la tournure licencieuse de l’affaire. Une inversion de rôles crédible et réussie. L’affrontement final avec le méchant de l’histoire remonte le niveau de l'enquête, surtout avec le « miracle de Dieu », gag tellement énorme que seul Moonlighting pouvait l’inventer ! La coda est merveilleuse, bouclant le running gag de l'épisode : après le psychologue et le prêtre qui s'endorment devant les confessions de Maddie, c'est cette fois David qui ronfle, alors qu'elle lui disait quasiment une déclaration d'amour. Eh zut, pour une fois que Maddie lui ouvrait son coeur... une occasion manquée qui monte à la puissance 1000 la tension sexuelle. En parallèle, on suit une Agnès rancunière qui cherche à éjecter ce pauvre Bert de l’agence pour avoir repoussé ses avances. Le jeu d’Allyce Beasley est aussi léger qu'une division de chars Leclerc, pour un résultat comique vertigineux. On sent la gène de Bert, déjà le personnage le plus sympathique de la série (comme le montre le joli plan final), d’être à l’origine de tant de soucis. Dommage que cette relation n’occupe que trop peu de temps, mais les scénaristes ont déjà une relation hors-norme à gérer. Patience !
6. MARIAGE SECRET
Réalisation : Christian I. Nyby II et Stanley Donen Je me faisais une fête d’aller à cet enterrement ! Pendant ma seconde année d’université, j’ai eu ce petit accrochage avec ma prof de chimie, Mme Doberty. […] Ca s’est produit à la suite du rapprochement que j’ai fait entre une certaine partie de son anatomie et la partie renflée d’une cornue de labo… Au sortir d’une affaire ratée, David apprend que son ex-beau-frère vient de décéder dans un accident de voiture. Il va à son enterrement à New York laissant une Maddie bouleversée d’apprendre que son collègue a été marié dans le temps. Ne résistant pas à la curiosité, elle part à son tour à New York pour en savoir plus sur l’ancienne Mme Addison… Big man on Mulberry Street est un joyau quintessencial de la série. Il faut dire que Moonlighting y est allé fort en engageant une des meilleures scénaristes de série télé : Karen Hall. Cette dernière écrit une histoire simple mais sans cesse relevée par de merveilleux traits de génie, au point de jouer sur le même terrain que l’insurpassable The dream sequence always rings twice (saison 2). La relation David-Maddie est plus électrique que jamais et l'épisode trouve un climax avec un ballet fantastique de six minutes sur une chanson spécialement écrite pour la série par le grand Billy Joël, et chorégraphiée par l’immense Stanley Donen, un des plus grands maîtres de l’âge d’or de la comédie musicale !! Christian Nyby s’approprie totalement cet épisode, sa mise en scène est la pierre de touche de cet épisode génial. Nous commençons in medias res avec un David, sale, ayant un coup dans l’aile, qui sabote l'affaire en cours dans les règles de l'art. C’est la débâcle, et la dispute qui s’ensuit est un bijou de répliques à la nitroglycérine. Maddie nous régale d’une crise de fureur qui explose à chaque instant, rendant le détachement de David encore plus sidérant, toujours à la limite de recevoir une belle droite de la dame, dont l’on sait qu’elle a un punch d’enfer (L’homme qui parlait trop, Symphonie pour deux escrocs). L’épisode entame une bascule hardie avec l’annonce du décès du frère de Tess Addison, la première femme de David. La séquence est magnifiquement filmée avec un Bruce triste mais sobre et une Maddie compatissante et douce. Mais au travers d’un éclat dans son regard, d’un geste compulsif, pointent une soupçon de jalousie. Maddie ne peut s'empêcher de se sentir menacée par cette ex-femme tombée du ciel, qui démontre contrairement à ses préjugés (et aux nôtres ?) que David est capable de s’engager. Durant tout l'épisode, chaque scène sera shipper, chaque scène sera un chef-d’œuvre d’émerveillement ou d’émotion. L’épisode atteint un climax inouï avec un ballet époustouflant où Maddie rêve la rencontre puis la séparation entre David et sa femme. La chanson de Billy Joël est une merveille jazzy, la chorégraphie de Stanley Donen, digne de l’âge d’or. Le défi est de taille car Bruce Willis n’étant pas danseur, tout va reposer sur sa partenaire féminine. Mais de ce côté-là, la fougueuse, l’ardente Sandahl Bergman (la fameuse Valeria dans Conan le Barbare), danseuse professionnelle, est tout simplement parfaite. D’une sensualité explosive, elle accomplit un numéro de séduction au cordeau. Bruce ne fait cependant pas tapisserie, portant sa partenaire à bout de bras, synchronisant ses mouvements, et se montrant aussi hot qu’elle. Le chorus alentour est enthousiasmant, et le décor, coloré et classieux à souhait. A la fin, seul et abandonné, David rencontre Maddie : robe à bustier d’un bleu éclatant, cette dernière retrouve les réflexes de The dream sequence... avec un roulage de pelle absolument torride, sauvage, et bestial. Le rêve dérape ! C'est ainsi que l'inconscient de Maddie avoue qu'elle ne songe qu’à conquérir Dave, ce qui ne peut qu'exploser le shipperomètre des fans. Cette scène est une claire auto-citation de Stanley Donen : comment ne pas penser à Singin’in the rain (1951), et le célèbre numéro de Cyd Charisse vampant Gene Kelly, avant de partir avec un autre homme ? Dans les deux cas, la femme est dominatrice, mène la danse, pour un moment de pure magie. Notons qu'en 1982, Claude Pinoteau avait rendu hommage à cette séquence d'anthologie dans La Boum 2 où Sophie Marceau imitait brièvement Cyd Charisse. L’épisode contourne l’écueil de l’anticlimax avec David et ses compagnons dans un bar chantant en coeur la chanson Top Cat, pour un résultat délirant et plein de bonne humeur comme pour exorciser la présence de la Mort. Mais la diabolique Hall fèle l’harmonie avec la dispute du lendemain. Adroitement, cela débride en Maddie ses sentiments lorsqu’elle va voir Tess (Marilyn Jones, précisément sobre). Dans un magnifique plan où elles se jaugent, de profil, avec en arrière-plan l’immensité de NY, la vérité sort tout entière. David avait soigneusement caché le détail le plus « honteux ». L’attitude de David envers les femmes est plus troublante qu’on le pense. Tess fut un amour d’enfance, mais aussi une erreur de jeunesse. Le rapprochement avec Gillian Armstrong nous fait conclure que David, séducteur et amoureux des femmes, a également une rancune envers elles, car ses deux amours l’ont profondément meurtri. On ne cherche plus pourquoi il n’ose pas accepter un nouveau sentiment amoureux envers Maddie, malgré son désir. En dépit du gag hilarant du chauffeur de taxi, on ressent l'amertume à l’idée du pardon espéré par Tess que David ne lui accordera jamais. David a besoin de quelqu’un en qui il peut avoir confiance. Maddie est cette personne. Finalement, l’épisode ouvre une perspective effrayante : David ne veut peut-être plus séduire Maddie, de peur que cela détruise leur amitié dont il a viscéralement besoin, alors que Maddie est prête à passer le cap. Cette inversion des personnages, la plus osée de la série, est bien pessimiste, mais si belle… La scène de danse est disponible ici. Infos supplémentaires : 7. ROCK AROUND SHAKESPEARE
Scénario : Ron Osborn et Jeff Reno, d’après une idée de William « Budd » Shakespeare (sic !) La Mégère apprivoisée est un excellent choix, car permettant de transposer les engueulades David-Maddie (Petruchio-Katerina), et surtout d’entâsser jusqu’au vertige des gags de fous furieux. En furie déchaînée, Cybill Shepherd parvient encore à repousser les limites de son jeu. Disons-le tout net, elle éclipse haut-la-main toutes les précédentes interprètes de Katerina, y compris Elizabeth Taylor, bien aidée par un scénario qui lui exige d’en faire 150000 tonnes. Satisfecit au couple secondaire incarné bien entendu par le duo Beasley-Armstrong, tout en légèreté. Avec l’arrivée de Petruchio, on abandonne toute vraisemblance. Il chevauche un fier destrier (marque BMW !!) à Ray-Ban et fait le pitre, mordant dans le premier poulet venu, fracassant un tonneau de vin, se trompant de scénario… jusqu'à un pastiche de film de Kung-fu !! Petruchio se présente à Katerina, et là, ça devient atomique, tellement tout devient fou, avec anachronismes et accessoires délirants, disputes tonitruantes où Petruchio fait du machisme puissance 1000, et Katerina du féminisme hard puissance 10000. Poursuites dantesques, bagarres d’anthologie, objets qui volent (dont un pur remake de la scène de Shining « Here’s Petruchio ! »), et dialogues aussi ravageurs qu’une Grosse Bertha. Quel feu d’artifice ! La scène du simulacre de mariage à l’église est à peine plus calme, avec notamment une fiesta où on danse un rock endiablé - on est à quel siècle déjà ? Au passage Bruce Willis chante très bien. Puis, c’est la nuit de noces, et là, ça vole encore dans tous les sens. Les rituels de la série sont redistribués comme les avances grossières de Petruchio, le puritanisme de Kate, et surtout un immense dialogue de sourds. Pendant que Alf Clausen continue de nous régaler d’une musique archaïsante, jouant des variations allègres et baroques des thèmes musicaux de la série, on assiste aux tentatives du mari d’amadouer sa femme, et se recevant des râteaux de plus en plus massifs, jusqu’à carrément la dynamite !!! Perso, j’ai cessé de compter les anachronismes à ce moment-là… Dans la pièce, à force de privations, vexations, humiliations, le tyrannique mari soumet sa femme qui devient toute gentille et crétine, gobant tout ce qu'il lui dit son mari. A la fin, la morale est tirée : femme, sois soumise à ton mari, en toutes circonstances. Ce dénouement tout à fait normal à l’époque étant irregardable aujourd’hui, Reno et Osborn doivent s’assagir pour réactualiser le tout : Kate va s’adoucir, mais seulement quand Petruchio commence à la traiter plus aimablement. Bruce Willis joue tellement faux en macho prétentieux que ça en devient extatique. Feignant d'accepter l'égalité homme-femme, Petruchio brise la dernière résistance de sa femme. La scène les voyant le lendemain, allongés sur le lit après leur nuit commune, a fait soupirer nombre de fans. Réitérant la même torture que The dream sequence, avec cette fois la nuit commune remplaçant le baiser, les scénaristes continuent de nous asticoter ! Sauf que Kate surprend une conversation lui apprenant qu’elle n’était que l’objet d’un pari entre son mari et son père. Et là on transpire à l’idée de sa vengeance... Malheureusement, le Big finish annoncé est terriblement anticlimatique. Dans leur volonté de remplacer l’acrimonie machiste de l’auteur par le triomphe de l’égalité homme-femme, Reno et Osborn se perdent quelque peu dans le prêchi-prêcha, et oublient les gags. A l’appui de cette coda plus faible, les acteurs sont toujours aussi classe. On aime heureusement comment Petruchio, qui comme David est un bon gars au fond, reconnaît ses torts publiquement dans un vibrant discours. Il la conquiert ainsi totalement en la respectant. C’est sur un ultime gag que se conclut cet épisode qui assume à fond son côté décalé. On apprécie le retour dans le réel avec le jeune fan déçu d’avoir raté l'épisode tandis que sa mère, sans rire, lui assure qu’il n’a « rien manqué » ! Oui seulement un des épisodes les plus dingos de la télévision… On regrettera toutefois que le couple secondaire Bianca-Lucentio n’ait jamais l’occasion d’exister contrairement à la pièce. Moins grave, plusieurs péripéties de la pièce comme le travestissement en tuteur ou l’échange maître-valet sont absentes de l’épisode. Mais dans une durée de 42 minutes, il était difficile de tout caser. Qu’importe, Atomic Shakespeare est un suprême et rarissime éloge en faveur de l’humour sans limites. Un des épisodes les plus réputés de la série, y compris par ceux qui n’en sont pas fans. Il est à noter que profitant de la popularité du show auprès du jeune public, beaucoup de professeurs anglais diffusèrent à l’époque cet épisode dans leurs classes !! Devenir une référence en cours de littérature, voilà bien l’ultime exploit de ce chef-d’œuvre. - Jeff Reno et Ron Osborn avaient au départ simplement l'idée de transposer Shakespeare dans Clair de Lune. C'est Glenn Gordon Caron qui eut l'idée de La Mégère Apprivoisée, selon le producteur James Agazzi. (source : Memories of Moonlighting) - Un des épisodes préférés de Curtis Armstrong et Bruce Willis. Cybill Shepherd déclare que ses costumes ont été très lourds à porter (jusqu'à 18 kg !). La scène où elle est ligotée dans l'église notamment, fut un vrai supplice. (source : Memories of Moonlighting) 8. L'ANGE GARDIEN
Scénario : Debra Frank et Carl Sautter Je sais qui vous êtes, vous êtes un rêve, une indigestion, ou un excès de boisson. Tout ne tourne pas rond pour Maddie Hayes : sa tante vient de mourir et elle n’est même pas passée la voir à l’hôpital. De plus, elle subit la colère de ses employés qu’elle force à travailler durant les fêtes de Noël à cause d’une affaire en cours. Elle en vient à souhaiter n’avoir jamais sauvé l’agence. C’est alors qu’Albert, son ange gardien, lui apparaît. Il lui fait voir le monde tel qu’il serait si Maddie n’avait pas sauvé l’agence. C’est le début d’un long cauchemar… Après avoir rendu hommage aux films noirs des années 40 (The dream sequence always rings twice, saison 2), Frank et Sautter n’ont décidément peur de rien et pastichent cette fois ouvertement - jusque dans son titre original - le chef-d’œuvre de Frank Capra It’s a wonderful life (1946) ! Ce sublime film de Noël, d’un optimisme euphorique, est en lui-même si parfait que Moonlighting avait tout à y perdre à en produire un remake (d’autant que la version comique de La Quatrième Dimension : Cavender is coming, avait été un pur désastre). Finalement, en dehors de quelques facilités, le diabolique duo Frank-Sautter évite toute niaiserie, et bâtit un épisode émouvant et intense. Ils n’oublient pas non plus d’explorer les sentiments du duo central pour un résultat magnifique. On comprend tout de suite que l’épisode ne jouera pas sur l’humour, mais sur l’émotion. L’ironique scène où les employés décrochent les décorations de Noël… alors que ce n’est pas encore Noël ! prélude leur fronde contre Maddie. Même le délirant David ne peut rien y faire. Maddie subit ici son portrait le plus antipathique de la série. Prisonnière d’idées flirtant avec l’objectivisme d’Ayn Rand, elle exalte le professionnalisme, réduisant considérablement la vie privée de ses employés. Problème que cette solitaire ne connaît pas. Mais la vision de Glenn Gordon Caron est claire : elle n'est pas méchante, elle pallie le vide de sa vie privée par le travail, et il faut y voir comme un instinct de survie plutôt que de l’égoïsme. Se noyant dans le travail, plus important pour elle que les « futilités » des fêtes de Noël, elle s’interdit tout abandon à des valeurs plus importantes : famille, altruisme, amitié… Elle a aussi perdu toute foi dans le merveilleux, avec un rationalisme dévastateur, cause d’un athéisme en fin de compte désespéré. Cette charge contre Maddie est féroce, et David ne se prive pas de lui donner des leçons de morale (c’est le monde à l’envers !). Elle peut paraître un contresens vu son relatif adoucissement depuis quelque temps. Par ailleurs, ce portrait sévère ne manqua pas de faire grincer les dents non seulement des fans, mais encore des businesswomen qui se sont senties visées à l’époque. En réalité, elle était nécessaire pour donner toute sa valeur à l’histoire qui va suivre. On remarque que l'ange gardien révèle son identité alors que Maddie, au sommet de l’immeuble, fixe le vide, exactement comme George Bailey (James Stewart) au sommet du pont. Albert s’avère aussi sympathique que Clarence, son prédécesseur, et drôle sans céder à la malice. Il fallait trouver un acteur pouvant succéder à la générosité d’Henry Travers, et heureusement, Richard Libertini parvient à insuffler humanité et émotion à Albert. Le récit se voit articulé en quatre grandes étapes, qui établissent un crescendo cauchemardesque. Maddie découvre d’abord que l’agence Blue Moon n’existe plus (première conséquence du choix « alternatif » ) et a été rachetée par… Jonathan et Jennifer Hart ! La série rend ainsi hommage à Pour l’amour du risque, fameuse série où un riche couple marié s’improvise justiciers amateurs. Ce n'est pas anodin : Hart to Hart était la prédécesseure de Moonlighting sur ABC le mardi soir ! Si on regrette de ne pas voir cet inénarrable duo, Maddie a l’occasion de parler à Max, leur maître d’hôtel ; un joli clin d'oeil ! On peut peut-être voir aussi une pointe d’ironie de la part de Glenn Gordon Caron qui au moment de créer Clair de Lune, avait subi la pression de la production pour construire un couple semblable aux Hart ! On voit ce qui serait arrivé à l’entreprise rachetée par les « justiciers millionnaires » : une boîte sérieuse, des employés opiniâtres, une salle d’accueil en effervescence... L’horreur, quoi. Nouveau palier franchi avec le nouveau David. Maddie est sûre que ce bon à rien doit être un clochard au chômage… raté, il est devenu très riche et est même fiancé à une bombe atomique : la pulpeuse mannequin Cheryl Tiegs (dans son propre rôle). Or, Cheryl semble très heureuse et il est visible que ce n’est pas que l’argent de David qui l’a attirée, mais bien David lui-même. Maddie peut bien feindre l’indifférence et le mépris, elle n’en est pas moins dévastée par ce choc, d’autant que le couple habite désormais SA maison qu’elle a été forcé de vendre suite à une « mauvaise année ». On apprécie la petite visite de Richard Addison dans la scène. David est capable de rendre une femme heureuse, son côté gentleman responsable, que Maddie refusait de voir lui éclate à la figure (on en reparlera avec Annie). Quant à la fortune de David, elle s'explique par le fait qu'il est débrouillard et que la fin de l'agence lui aurait donné le coup de fouet nécessaire pour rebondir. Les saisons suivantes montreront d'ailleurs la capacité de résistance de David face aux coups du destin. Là, nous nous écartons du schéma du film originel car dans cet univers alternatif, David a bien plus que ce qu'il a dans notre "réalité". En fait, c'est pour faire évoluer le personnage, renforcer l'émotion de Maddie et bien crever son ego, et peut-être éviter le copier/coller mécanique avec le film en instillant une originalité que nous avons une telle scène. Cela se comprend. Maddie est de nouveau face à ses sentiments envers David - lâchant un « Oh David » impuissant - lorsqu’elle le voit définitivement perdu pour elle. La longue conversation entre les deux frères est le sommet émotionnel de l’histoire, où David a une pensée attendrie mais fugitive d’elle - dans cette réalité alternative, elle n'est qu'un lointain souvenir. Il reste encore une étape à franchir pour que Maddie sombre dans la déchéance la plus totale. Refusant obstinément de changer, elle accepte envers et contre tout cette nouvelle réalité - à la différence de George Bailey - Le revers est terrible : c’est elle qui est devenue pauvre, sans logis et sans amis ! Elle se voit dans sa voiture, fonçant droit vers la mort. Maddie comprend trop tard qu’elle va se suicider. Elle a laissé passer sa chance de revenir, et Albert ne peut plus rien pour elle. Seul le twist final sauvera le tout, à la clé une superbe scène finale. L'on comprend cette fois que Maddie, malgré son talent de businesswoman, aurait échoué à remonter la pente car il lui manquait ou l'empathie avec l'Autre (David) ou une absence de morale qui lui aurait permis de s'élever en écrasant tous ceux qu'elle aurait rencontrés (Agnès). Evidemment, ce sera la première solution que choisira Maddie dès son retour dans le réel.
9. LE TORCHON BRÛLE
Scénario : Glenn Gordon Caron Réalisation : Jay Daniel - Comment vous vous êtes rencontrés, David et vous ? Vous vous souvenez de votre première rencontre ? - Il est sûr que ce jour-là, j’aurais mieux fait de me casser une jambe. Il faut pas avoir peur, Johnny, on est simplement en train de tourner le feuilleton Clair de Lune ! Alerte rouge à l’agence Clair de Lune : Maddie et David ne se supportent plus et refusent de se voir, mettant la série est en péril ! Pour sauver la situation, la fameuse chroniqueuse people Rona Barrett interroge les quatre protagonistes du show, pour qu’ils puissent parler de leurs problèmes, et trouver une porte de sortie… S’il existe une mode qu’on aimerait que les séries cessent de suivre, c’est bien celle du « clip-show ». Ce procédé, inventé plus ou moins par accident par Chapeau melon et bottes de cuir (Homicide et vieilles dentelles, saison 6) consiste à faire défiler des images d’épisodes précédents sous n’importe quel prétexte. L’épisode remplit alors la simple fonction de « bouche-trou ». Il s’agit généralement d’une demande imposée par la chaîne pour faire des économies. Dans le cas de Clair de Lune, il faut rappeler que c’est une série extrêmement compliquée à écrire et à dialoguer (un script d’épisode de 45 minutes fait 50 pages en moyenne, contre 90 pour Clair de Lune !). Et que jamais la série réussit à imposer les 22 épisodes réglementaires par saison, coûtant du temps et de l’argent à la chaîne. Pour limiter la casse (accentuée par l'épisode Shakespeare qui avait dépassé le budget habituel), Glenn Gordon Caron saisit lui-même la plume. Il se démène comme un beau diable pour maintenir l’intérêt. La prestigieuse Rona Barrett (dans son propre rôle) en médiateur est un atout de choix. De plus, la relation off-screen entre Cybill Shepherd et Bruce Willis se dégradait furieusement à ce moment-là. Les deux stars de la série, par un ironique coup du sort, avaient copié leurs relations sur celles de leurs personnages : un amour-haine explosif dû en partie à leurs querelles d’egos. Le public et les critiques étaient au courant, et Caron, malicieusement, joue là-dessus, c’est quand même bien joué. On notera que tout le monde a l’air d’être fan des potins de Rona, rappelant la prédilection qu’ont les Américains des potins people, et qui malheureusement, se propage un peu partout dans le monde. Ainsi, l’épisode a un côté documentaire qui n’est pas déplaisant. Et chaque retour en arrière est finalement légitimé. Porte-parole du spectateur, Rona Barrett pose au quatuor les questions et les observations qu’il souhaite poser : pourquoi restent-ils ensemble ? D’où vient leur blocage ? Malheureusement, les réponses ne sont guère satisfaisantes, étant soit simplettes, soit éludées, et de plus noyés dans le clip.
Infos supplémentaires : - Le titre de l’épisode vient de l’expression Get the straight poop of something, désignant la manie de toujours vouloir examiner le moindre détail d’une situation, d’une nouvelle, etc. - A part la scène de T’as pas une blonde ? (saison 2), nous apprenons qu'Agnès ne s’est jamais disputée avec David. - Une curieuse erreur : originellement, dans T’as pas une blonde ? Maddie danse avec Richard sur If only you knew de Patti LaBelle. Or, dans cet épisode, on entend A natural woman d’Aretha Franklin ! Pourquoi cette différence ? Mystère… - Un autre épisode comportera un bêtisier final : La guerre des sexes (saison 5). 10. POLTERGEIST 3
Réalisation : Christopher Hibler Enregistrement 48, je crois que j’ai mouillé ma culotte. - Mon Dieu, mais c’est… - Carte de crédit de la société, employé à plein temps n°007, autorisé à dépenser ! Emily Renborn, adepte du spiritisme, a une émotion violente lors d’une « séance ». Quelques heures plus tard, un hurlement retentit et on la découvre terrorisée, immobile. Elle est envoyée à l’asile. Malgré les protestations de Jake, son mari, Margaret, sœur d’Emily, consulte Maddie et David. Mais ces derniers, peu emballés, refusent. Agnès, frustrée par cinq ans d’inactivité, s’improvise détective et décide de résoudre l’enquête ! Elle est bientôt rejointe par Herbert. Notre duo totalement inexpérimenté va donc se mesurer au terrible fantôme des lieux… Poltergeist 3, hilarant pastiche des films d’horreur, est certainement un des épisodes les plus sous-estimés de la série. Les fans ont dans l’ensemble mal digéré la quasi-absence du duo central, remplacé par les deux « sidekicks » Agnès et Herbert. Pourtant, le deuxième couple de la série, trop souvent mésestimé lui aussi, a un charme pétillant et irrésistible. D’une incompétence et d’une drôlerie largement massives, nos acteurs font un brillant numéro comique. Le scénario de la fantastique Karen Hall, bien aidée par Charles Eglee, multiplie les rebondissements jusqu’au deus ex machina final, génial d’ambiguité. La réalisation d’Hibler et la musique d’Alf Clausen couronnent cet épisode enlevé et festif. Ca commence comme dans un bon vieux film d’horreur des familles, avec appel des esprits, table qui bouge, sceptique de service, apparition terrifiante, tout cela est classieux à souhait. Nous voici maintenant à l’agence où on commence assez fort avec une dispute… Herbert-Agnès (eh oui, faut parfois varier les plaisirs). Les dialogues cinglants et les crises de fureur sont remplacés par des chamailleries enfantines décalées. Agnès est plus que jamais une femme-enfant qui pleure quand on ne lui donne pas son jouet (mémorable revendication syndicale devant Maddie et David totalement largués), Bert veut rouler des mécaniques comme un vrai mec, mais n’y réussit qu’imparfaitement (euphémisme). Agnès n’a toujours pas pardonné à Bert qu’il l’aie rejetée et fait tout pour le rendre mal à l’aise, via répliques cassantes et regards qui tuent. Le pauvre garçon, timide à l’excès, a les plus grandes difficultés à lui parler franchement. On sent qu’il partage malgré lui ses sentiments. On s’amuse de ce couple OVNI joyeusement rafraîchissant. Au fond, ces deux-là sont tellement pathétiques et mignons à la fois qu’ils ne peuvent qu’attendrir le spectateur.
Agnès se sent dans la maison hantée aussi bien qu’un poisson sur le sable chaud. Hibler, par un suggestif travelling arrière, nous fait découvrir ce manoir sorti tout droit d’un studio de la Hammer. Du coup, Agnès roule les yeux, a la bouche ouverte, tremble comme une feuille, bref, panique à mort. Ce décalage absolu entre la sinistre maison et le cabotinage sans limites de la peureuse de service fait mouche systématiquement à chaque gag, chaque réplique - mention au « fantôme impoli » ! L’apparition surprise de Bert en esprit des ténèbres bidon sous la pluie (sur la musique de l'Exorciste !) est un sacré moment, et on sourit de la première étreinte mutuelle entre les deux futurs tourtereaux, vite interrompue par un Herbert ayant du mal à soulever virilement sa partenaire et par une querelle d’egos joyeusement décrédibilisée par le jeu outrancier des deux comédiens. Hibler a beau diriger l’épisode avec brio vers l’horreur, l’histoire vers une machination diabolique… toute tension est anéantie par notre couple de bras cassés qui ne cesse de gaffer ou de crier à contretemps. Les personnages ultra caricaturaux participent pleinement à la réussite de ce pastiche. Même la mort brutale d’un des protagonistes ne parvient pas à nous faire peur. En incapables massifs, Bert et Agnès atteignent des sommets rarement atteints depuis Max la Menace. Même les Lone Gunmen ont l’air de professionnels à côté ! Les coups de théâtre se succèdent avec une précision métronomique. Comme David et Maddie, notre duo du jour a le don de se retrouver dans de sacrées mélasses, se débrouillent comme des novices face au diabolical mastermind. Evidemment, grâce à leur incompétence, ainsi que par un coup du destin qui fait virer l’épisode dans un Fantastique absurde de dernière minute, ils triompheront ! Pour terminer, même s’ils n’ont que quelques lignes à dire, David et Maddie marquent en étant au début de l’affaire tout à fait d’accord, ce qui ne manque pas de stupéfier David (et nous), certain qu’il s’agit de la preuve qu’ils sont faits l’un pour l’autre ! Maddie, bien entendu, est d’un avis légèrement différent.
11. AUPRÈS DE MA BLONDE
Scénario : Kerry Ehrin Maddie surprend les employés en train de faire un strip-poker dirigé par David (où les femmes sont curieusement malchanceuses), et là coup de théâtre : PAS de dispute ! Préfigurant étrangement le Never again des X-Files, Maddie traverse une crise existentielle. Cybill Shepherd est bien plus convaincante dans ce registre qui ne lui avait guère réussi dans In God, we strongly suspect (saison 2). La dispute est remplacée par un amusant exercice de style : conscient qu’il est un personnage de fiction dont la fonction est de se disputer avec sa partenaire, David est révolté de ce manque de professionnalisme et tente vainement de provoquer une dispute, soit un cassage malin du 4e mur. Elle finit par avouer à David sa frustration sexuelle. Sous nos yeux hallucinés, la collet monté Maddie rêve d’un one-night-stand avec un inconnu dans une chambre d’hôtel, rêve d’être prise, possédée par un homme, un vrai. On ne reconnaît absolument pas Maddie, comme Agnès naguère dans Mortellement vôtre. Les dialogues sont d'une crudité assez étonnante, y compris aujourd'hui.
Maddie ne pense pas à David comme partenaire potentiel. Pas mal de fans s’en plaignirent car après les baisers qui se sont multipliés ces temps-ci, les déclarations mutuelles, la tension sexuelle omniprésente… Maddie devrait voir l’évidence ! Pourtant, ce revirement s’inscrit tout à fait dans le Suis-moi je te fuis, fuis-moi je te suis de notre couple, dans ses perpétuelles voltes-faces. Sans doute Maddie a-t-elle peur de s’engager ne serait-ce que dans une aventure avec quelqu’un de trop proche (l’unique homme de sa vie comme David lui faisait remarquer dans Radio assassin, saison 1). Et puis, David est tellement loin de l’idéal masculin anachronique de Maddie que, quand on y pense, voir cette dernière se jeter soudainement sur lui n’aurait pas été plus crédible. Un suspense très fort s’engage lors de l'hénaurme quiproquo des deux blondes (chez Moonlighting, plus c'est gros, plus ça passe) car l'on ne cesse de songer à l’imminence du clash futur. On est admiratif de la mise en scène sombre et pluvieuse de Jay Daniel. Le producteur exécutif de la série, bien qu’il ne soit pas réalisateur, trouve à chaque fois l’endroit juste, la bonne inspiration. Le suspense puissant de la filature s’intensifie et culmine lors de la scène de l’hôtel qu’on croirait sortie tout droit de Die Hard ! Bruce Willis fait bien plus John McClane (l’efficacité en moins) que David Addison avec son crescendo abyssal d’emmerdes successives, finissant par un plongeon spectaculaire dans une benne à ordures ! Un peu d’émotion quand on voit le visage ravagé de David contemplant le début de la scène d'amour. Si c’est pas de la jalousie ça… Toutefois, cette séquence souffre de quelques longueurs.
Si on fait abstraction de quelques facilités comme l’évacuation rapide et inexpliquée d’Herbert ou le symbolisme lourdaud de la pluie, cet épisode ouvre très bien une nouvelle ère dans la série. La substitution de la chanson de la série par une autre au générique de fin le confirme amplement. Affaire à suivre ! - Le double épisode 6.06/6.07 Hey baby, what's wrong ? de la série 30 Rock fait allusion à cet épisode. Dans la seconde partie de l'épisode, Lutz repère une jeune femme esseulée sur un banc qui lui tourne le dos. Il la drague avant de se rendre compte qu'il s'agit de sa patronne, comme David se trompant de blonde. Tracy Jordan fait alors allusion à la série en disant : About time ! The last six years has been like watching 'Moonlighting'. - Maddie aime la double vodka.
Scénario : Charles H. Eglee et Roger Director, d’après une histoire de Karen Hall, Jeff Reno, et Ron Osborn
Malicieusement, les scénaristes continuent de nous surprendre. Alors que David et Maddie ont l’habitude de se disputer pour des motifs stupides, David qui a ici toutes les raisons de peter les plombs parvient à rester courtois et affable, alors qu’on le sent au point du rupture. La dispute avec Maddie a bien lieu mais ce n’est pas les éclats de voix traditionnels, plutôt un échange d’ironies, de sarcasmes où David, exaspéré mais maître de lui, tente d'arracher à Maddie son escapade nocturne. Le ton ironique de leur dispute est finalement plus glaçant que l’hystérie habituelle, et le tempo reste très enlevé. Certes on peut encore renâcler que Maddie ait encore une fois le mauvais rôle, préférant sortir avec Sam et exigeant de David qu'il résolve tout seul l'affaire du jour, soit un comportement peu professionnel. Mais on peut comprendre une telle attitude : Maddie demeure une déracinée après la fin de son existence pailletée et n'assumait plus son vide sentimental et existentiel, contrairement à un David plus hédoniste et optimiste.
Mark Harmon était connu à l’époque pour être un sex-symbol des années 80. Il n’est d’ailleurs pas anodin qu’il ait très souvent tenu comme ici des rôles de tombeur de ces dames. Sam n’est pas si loin de Jethro Gibbs - lui-même assez séducteur - Mais à la différence de l’agent monolithique de NCIS, Mark Harmon ne rigidifie pas son jeu, et donne ici une interprétation brillante et sans emphase. Malchance terrible pour David, Sam Crawford est tout simplement l’homme idéal. Terriblement beau (bien plus que Bruce Willis, c’est évident), d’une courtoisie inaltérable, d’une patience infinie, d’une humilité sincère, il est tellement parfait qu’on ne peut que comprendre l’attirance de Maddie. Le comédien évite toute fadeur que peut entraîner un tel rôle par quelques aspérités, quelques détails dans son jeu tout à fait judicieux. David, malgré toute sa gouaille - inhibée par la peur - n’est pas de taille à lutter contre lui et commence à s’enivrer. Le dîner tourne rapidement à son désavantage. Le beau Sam ne cesse de nous impressionner par sa « perfection », David devient de plus en plus lamentable via l’alcool et le défaitisme et reconnaît qu’on ne peut qu’aimer un tel bonhomme. A moins d’être de mauvaise foi, le fan sera du même avis et dira comme David : You are all right, rat bastard !
13. TU PLEURES, MADDIE
Scénario : Charles H. Eglee et Roger Director, d’après une histoire de Karen Hall, Jeff Reno, et Ron Osborn Réalisation : Allan Arkush - Les affaires sont toujours un plaisir avec vous. - Vous avez déjà trop bu à cette heure-ci ? - Vous avez consommé pas mal d’alcool hier soir, comment vous sentez-vous ? - Une transplantation du foie me ferait du bien. Maddie est complètement chavirée : elle n’a pas le courage de renoncer à David, et se retrouve tiraillée entre lui et Sam. Au bord de la rupture, elle se remet quand même au travail et suit à son tour l’affaire Johnson - qu’Herbert Viola n’a que partiellement résolue - mais son douloureux dilemme ne la laisse pas en paix... Le troisième mouvement de cette symphonie dramatique, scherzo féroce et endiablé, maintient la qualité de l’arc Sam Crawford. Si l’histoire se retrouve dans n’importe quel soap opera bas de gamme (une femme qui hésite entre deux hommes totalement différents), la manière de la raconter - de plus insérée dans une enquête palpitante et mystérieuse - fait toute la différence. Portée par l’interprétation fabuleuse de Cybill Shepherd, déchirée dans un choix cornélien entre le nice guy et le bad boy, l’épisode mélange avec brio le drame sentimental, jamais dégoulinant, toujours émouvant, du trio ; avec l’humour délirant de la série, en soupape depuis le début de l’arc. On émerge de l’épisode dans un état euphorique et plein d’espoir. La série fait plus que jamais participer ses fans dès la fantastique introduction où les fans de la série sont interviewés dans la rue à propos des épisodes précédents ! Ce télescopage avec la réalité a d’autant plus d’effet que les fans ne cessent de confondre les noms des personnages et des comédiens, du genre : Maddie a un rendez-vous avec Mark Harmon, Willis s’est fait démolir par Sam, etc. Les scènes pré-générique demeurent toujours une carte de visite sûre pour Moonlighting ! Glenn Gordon Caron réutilisera d'ailleurs le même gag au début de la saison 5 de Médium. David n’a plus le courage d’avouer ses sentiments et se referme dans son déni amoureux qu’il avait mis tant de temps à briser. Après David, c’est au tour de Maddie de passer sur le chevalet de torture. On ne peut s’empêcher de pointer l’ironie de la situation : alors que Maddie désespérait de trouver un mec, en voilà deux à ses pieds, et c’est un de trop ! Cette sérénade à trois permet à Cybill d’exploser de talent dramatique et d'émotion. La première dispute (ah, on retrouve les disputes !) avec David est un grand déballage de linge sale et de détours fuyants où chacun nie ses sentiments - dialogues virevoltants au menu. En privé, chacun est peiné de leur platonisme (Maddie se plaint qu’il n’y ait « rien entre David et elle ») : David tente piteusement d’exciter la jalousie de Maddie avec une amante imaginaire - atteignant les tréfonds du pathétique dans lequel le personnage plonge parfois, et Maddie avoue son indécision devant Agnès, une nouvelle fois avatar du public. Le voyant ship, base de la série, clignote avec véhémence… Sans transition, on retient Herbert Viola qui nous fait un numéro à la Jerry Lewis en totale roue libre. Pour ne pas rester sur la touche, Allyce Beasley en rajoute 300 couches dans les regards plein de désir sexuel qu’elle lui lance ; du délire pur ! Maddie va voir David chez lui. Amère ironie : nous voyons que l’appartement de David est aussi grand qu’il est vide de tout ameublement. Une demeure froide et solitaire, à l’image du David intérieur. Se met en place une merveilleuse élégie où nos deux amis se rapprochent. Chacun exprime (mais toujours implicitement) leur attirance mutuelle. Tendre et chaleureuse, leur scène - contrastant avec le décor glacé - est d’une beauté à se pâmer. Et puis, comment ne pas frémir en entendant : Et maintenant, le BIG FINALE !!!! Infos supplémentaires : 14. CURIEUSEMENT... MADDIE
Scénario : Glenn Gordon Caron et Jeff Reno, d’après une histoire de Karen Hall, Roger Director, Charles H. Eglee, et Ron Osborn
Inutile de dire que cet épisode, point névralgique de toute la série, n’avait pas droit à l’erreur. Pas moins de six scénaristes - dont le créateur - se relaient pour l’écrire, car Moonlighting doit préserver sa réputation de show délirant et sans cesse inattendu. Soyons objectif : en lui-même, l’épisode souffre des prémices de la direction que va prendre le show dans les saisons suivantes, très soap opera, avec quelques scènes flirtant dangereusement avec le sentimentalisme. Cependant, les dix dernières minutes comptent à juste titre comme un des plus grands moments de l’histoire de la télévision. La scène finale, long crescendo érotique fulgurant, se résout dans un climax explosif, une des plus stupéfiantes scènes d'amour que le 7e art a pu nous donner ! Elle est au cœur d’une controverse qui encore aujourd’hui divise les fans de la série : la violence de la tension sexuelle au cours de la scène, et sa résolution furieusement passionnée, choqua nombre de fans qui s’attendaient à un final plus romantique et soft. Cela entraîne malheureusement l’histoire près des rives spongieuses du soap opera. Si l’épisode parvient à s’arrêter juste à temps, le ver est dans le fruit et va désormais ronger la série jusqu’à son annulation. Les auteurs réussissent à maintenir l’attention grâce à plusieurs moments forts, bien aidés par le trio d’acteurs. Les liens du triangle deviennent de plus en plus empoisonnants. Sam avoue son incompréhension face à l’atermoiement de sa belle. Il n’hésite pas à rabaisser David, qui en tous points (social, maturité, fortune, savoir-vivre…) lui est inférieur. David encaisse sans répondre. Son rival est dur et presque méprisant, mais il sait qu’il a raison. Et puis, David n’a toujours pas fait sa demande, lui. C’est pourtant ce qu’il essaye de faire lorsqu’ils se revoient. Maddie est consciente que David l’aime, mais elle est tellement au bord de la rupture émotionnelle qu’elle le nie. Dans un effort désespéré, elle lui supplie de lui avouer ses sentiments dans une scène flamboyante de beauté et de désespoir, où chacun est sur le point de fondre en larmes. Mais David, se sentant trop inférieur à Sam, n’a pas le courage de lui avouer. Pour la quatrième fois de l’arc, il se tait. Cette frustration couve trop longtemps dans le sein de David, on en voit les conséquences quand Agnès et Bert découvrent le bureau ravagé de leur patron. Agnès et Bert, avec un jeu plus pesant et décalé tu meurs, font une exégèse tonitruante de la relation de leurs chefs aussi juste que drôle. Dans le même temps, ils rattrapent leur retard, et pour la première fois s’embrassent tendrement. La jalousie de Bert envers Sam nous vaut une nouvelle aria di comica de Bert. Beasley et Armstrong sont comme toujours hilarants ! Le combat de coqs entre Sam et David est une touche exogène maladroite. Que David et Sam en viennent aux mains est une conclusion peu inspirée de leur lutte. Heureusement, l’intensité de la scène et les comédiens sont suffisamment forts pour nous intéresser. La scène de voiture où Sam tente de raisonner Maddie est joliment dialoguée mais la sortie précipitée du personnage par la petite porte est dure à avaler. La scène de beuverie d’Agnès et Maddie n’est pas non plus très enthousiasmante, malgré deux grandes actrices. On sent que les auteurs meublent tant bien que mal avant de déchaîner la coda. Arrive la grande bascule. Le final se divise en quatre mouvements. Premier mouvement : le long monologue de Maddie. S’adressant à Sam, couché sur le lit, elle confesse aimer Sam… et David également ! Négation et pudibonderie l'ont empêchée pendant trois ans d’avouer ses sentiments. Par cette émouvante déclaration, où sa tristesse insondable se mêle à la sérénité d’avoir enfin pu se décider, Maddie se transcende, plus émouvante et consolatrice que jamais. Elle refuse de faire un choix, et préfère se réfugier dans sa solitude, là où elle ne blessera plus personne, et surtout pas les deux êtres les plus chers à son cœur. Deus ex machina : ce n’est pas Sam qui est dans le lit, mais David !! Ce magistral twist final coupa le souffle à tous les spectateurs, et actionne un fantastique crescendo érotique. Entre un David débraillé, et Maddie entièrement nue sous le drap qu’elle a pris pour s’envelopper, le mercure grimpe vertigineusement, atteignant des sommets jamais atteints à la télévision. On sent alors la passion folle qui agite les deux corps qui se font face. On mesure l’absurdité des attentes de chacun : pourquoi exprimer verbalement leurs sentiments alors que c’était si évident ? Maddie aime David, David aime Maddie, chacun le savait, mais se retranchait derrière une peur irrationnelle, la peur de s’abandonner, de commettre une erreur. Maddie avoue accidentellement son amour en premier, mais c’est bien David qui met à nu leurs âmes, mettant fin à leur jeu du chat et de la souris. La lumière aveuglante de la vérité commence d’abord par les effrayer. Par réflexe, ils reviennent sur le bon vieux terrain de engueulade, le seul qui leur a permis de communiquer depuis leur rencontre. La troisième partie prend des allures d’une danse infernale d’injures et de mots assassins, où chacun hurle tout ce qu’il a sur le cœur. Mais la tension sexuelle ne fait que croître car durant toute cette homérique dispute, l’atmosphère devient de plus en plus instable et chaude, le body language des personnages va à l’encontre de leurs paroles : leurs corps brûlent déjà de se rejoindre, mais leurs « mentals » jettent leurs dernières forces dans la bataille pour retarder encore l’unique résultat possible. Implacablement, les "préliminaires" suivent leur cours avec un suspense violemment addictif ! Deux gifles de Maddie, David arrête la troisième en lui tenant la main. Ce simple contact charnel est l’embrasement : ils tombent dans les bras l’un de l’autre, mais leur étreinte crue et sauvage se déroule dans ce qui est certainement la lutte la plus vicieuse jamais engagée par un couple. Lèvres collées, Maddie et David, dévorés par le feu inextinguible de leur désir, renversent tout sur leur passage. Pour une série tous publics, la crudité ardente de la scène est une audace sans bornes qui tétanisa toute l’audience. Il y aura certes par la suite des scènes bien plus osées dans les séries (aucune partie taboue n’est montrée ici) mais ce seront alors des séries centrées sur le sexe (Sex and the city, Californication, Secret diary of a call-girl, etc. et la plus aboutie en la matière : Tell me you love me) ce qui rend la performance de ce final toujours inégalée. A rebours des scènes d’amour douillettes et romantiques, celle-ci déborde de passion enflammée. Bruce Willis et Cybill Shepherd, totalement fusionnels, nous sortent le grand jeu ! Après un tel climax, on entendra plus Be my baby des Ronettes de la même façon. Cette chanson aux paroles « exhibitionnistes » habillant à merveille cette étreinte, que la caméra d’Allan Arkush transfigure littéralement. Il n’est pas anodin que cette scène est désormais une des plus célèbres de l’histoire de la télévision. A la fois surprenante et d’une réussite parfaite, elle confirme la très haute qualité atteinte par la série. Mais elle ne se remettra jamais d’avoir scié sa branche « mythologique », celle qui tenait à elle toute seule le show. La série va désormais descendre la pente fatale du déclin sans jamais retrouver pareils sommets. En attendant, on se doute que le réveil va être difficile, et cela est le sujet de l’épisode suivant, à la fois indépendant (exit Sam) et relié car se situant le lendemain. A suivre ! Pour une analyse documentée et très détaillée de l’épisode, et en particulier de sa dernière scène, voici un excellent site (en anglais) où vous trouverez tout votre bonheur. Infos supplémentaires : 15. SANS HÉRITIER
Scénario : Kerry Ehrin Que les fans se rassurent, notre couple est plus que jamais en conflit ! Si même une nuit de folie ne peut les rassembler, là, on abandonne. Le ton de l’épisode est sérieux, rendant plus précieux les rares pointes d’humour, comme David chantant à tue-tête dans l’agence à la grande consternation de Maddie en mode parano. Aussi le délicieux sous-entendu sur le I love you que David lui a dit - sans que nous l’ayons entendu à cause de la musique - hier soir.
Ehrin crée une habile fausse inversion des caractères des personnages. David l’hédoniste est prêt à s’engager dans une relation à longue durée (et monogame !), tandis que Maddie fuit l’engagement. Mais ce n’est pas contradictoire : David ne pense qu’à vivre l’instant présent et ne songe guère aux conséquences. Maddie, conformément à son esprit de femme d’affaires, se projette dans l’avenir et n’est pas rassurée. Sa rigueur revient dès lors que ses hormones ont fini de sonner la charge. Ainsi, leur dispute inaugurale joue sur l’émotion avec le chagrin de David voyant Maddie lui échapper au moment même où il croyait la conquérir, et Maddie prenant cette décision d’en rester là à contrecœur. Ce rétropédalage instaure un des plus beaux « suspense sentimental » donné par la série, les fans attendant impatiemment que Maddie ordonne à son intellect de la fermer et de s’abandonner.
L’enquête est un contrepoint permettant à l’épisode de ne pas s’enfermer dans la répétition, qu’elle n’évite cependant pas tout à fait. Le tempo nonchalant est aussi un défaut, mais heureusement, ce remake de Louise de Gustave Charpentier avec une fille aisée raide dingue amoureuse d’un pauvre barman, est convaincant. Le fiancé mystérieux, le père jaloux et féroce, et l’intéressée découvrant l’amour pour la première fois, font certes très clichés, mais la mise en scène de Weisman instaure intelligemment le trouble. Le rebondissement central ainsi que le twist final en étonneront plus d’un. Cette affaire tombe à point pour notre couple, face à un couple qui ne perd pas de temps en vaines palabres et accepte de s’engager. Oui, l’avenir n’est pas sûr, oui, ils ne savent pas si leur relation durera, mais ils acceptent le risque, ce que David ne prive pas de dire à une Maddie super embarrassée ! - Maddie a 36 ans. - Le titre de l’épisode vient du passage le plus renommé d’un essai d’Alexander Pope An essay on man. La citation est : To err is human, to forgive divine (Le pêché est humain, le pardon divin). - David chante Double shot of my baby's love des Swingin' Medallions. On entend dans l’épisode Jericho par Simply Red. La première scène est au son de la troisième partie de l’ouverture de Guillaume Tell de Rossini (musique pastorale). - David et Maddie ont fait l’amour deux fois la première nuit. La troisième, David ne s’est pas rendu compte qu’elle s’était assoupie. Pas d’autres détails désolé. 1. Rock around Shakespeare : L’épisode le plus délirant d’une des séries les plus délirantes jamais créées. Forcément incontournable, cette parodie allumée de La Mégère apprivoisée empile des gags sans nombre, jusqu’à donner le vertige. Satisfecit pour Cybill Shepherd qui joue une des prestations les plus explosives imaginables pour une actrice. 2. Mariage secret : Le mélange parfait entre humour et émotion. Cette plongée dans le passé de David est une succession de scènes plus émouvantes les unes que les autres. La beauté de la mise en scène est parfois écrasante. Le ballet central de six minutes de Stanley Donen et Billy Joël est un des plus beaux moments de grâce de la télévision. Images capturées par Clément Diaz.
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Pendant que Werner nous régale de travellings délicieux, Rita repousse un Zack très insistant, mais le charme a déjà opéré ; le mari clarinettiste (Jack Bannon, très bien), naïf, fait tout d’ailleurs pour leur faciliter la tâche ! On retrouve là les histoires classieuses des films noirs. A croire qu’un scénariste et un cinéaste de l’époque se sont alliés, tellement tout resplendit de génie.
La scène où Rita tombe dans les bras de Zack est très érotiquement filmée (ah, ces gros plans…) avec un baiser so hot ! C’est un coup classique : les acteurs s’embrassent mais ce ne sont pas les personnages, mais d'autres ! The Avengers avait déjà utilisé cette technique (Qui suis-je ???), et les X-Files la reprendront (Triangle), entre autres. On est en terrain connu ! Mais on ne se prive pas d’un tel plaisir !
Saison 4
1. ÉTATS D'ÂME Scénario : Glenn Gordon Caron La tension sexuelle, raison d’être de la série, s’étant évanouie, comment continuer ? Glenn Gordon Caron remplace la tension sexuelle par la tension sentimentale. La série rejoint donc un terrain plus conventionnel que celui qui avait fait sa spécificité : la comédie romantique douce-amère. Mais ce genre-ci n’en est pas moins audacieux et exigeant, et le scénario du créateur répond avec brio aux codes. L’interprétation sans failles de Cybill Shepherd et Bruce Willis est magistrale. Quelques scènes énormes rythment cet épisode. En plus d’un des plus gros délires poétiques d’Agnès, le couple David-Maddie se voit transposé dans un pastiche d’une célèbre sitcom américaine des années 50 : The honeymooners (rebaptisé The Bluemooners !!), où le quatuor (avec Richard Addison) reprend les rôles respectifs des personnages originaux. Le résultat fait mouche à chaque réplique. Cette sorte de palimpseste va au-delà de son objectif comique, notamment avec Richard, confident de son bourru frère. David assume son amour mais pas les conséquences (je ne peux plus vivre sans elle). Il y’a aussi l’étonnante séance de psychanalyse de Maddie avec le Dr.Joyce Richards dans son propre rôle qui déchaîne le rire. La peur de Maddie finit par contaminer David lors de la classique dispute de la voiture. Dans un dialogue dément de drôlerie sur la forme, mais angoissé au fond, David s’emporte contre elle. Son grand numéro de clown désespéré (5 minutes !) où il fait tout pour qu’elle lui donne une seconde chance est d’un pathétisme douloureux, expression bouleversante de sa peur panique à l’idée qu’elle lui échappe à tout jamais, une merveilleuse déclaration d’amour où il s’humilie totalement. Maddie a peur des extrêmes de la passion, et David n’est fait que pour mener ses émotions en montagnes russes. Son côté bad boy, sa sexualisation, sa fougue... donnent à son amante les sensations les plus extrêmes. Maddie n’a pas la force de supporter des sensations aussi vertigineuses malgré son amour. L'amour doit être calme pour elle. Pour David, c'est un torrent bouillonnant. C’est bien là un abîme qui s’ouvre entre eux deux. Le final est une métaphore de la « dramedy » à lui tout seul : d’abord la reprise de la sitcom avec un joyeux numéro de Richard, puis une séquence émotion de David où il trouve enfin les mots justes pour rendre confiance à Maddie. Mais le twist final fait voler en éclats cette joie trop fragile, et conclut l’épisode sur une note désespérée. Infos supplémentaires : 2. CENDRILLON Scénario : Jeff Reno et Ron Osborn Commençons par l’enquête. Étant donné qu’on ne peut plus compter sur la relation David-Maddie, elle est automatiquement au premier plan. Or le succès de Moonlighting vient que les enquêtes ne sont que des prétextes pour faire se déchaîner notre couple adoré. Avec ce type d’épisodes, elle ne devient plus qu’une série policière banale, de plus très mal écrite (un travers qu'on retrouvera dans la saison 5). David, totalement privé de son « modjo », traverse l’épisode en baillant, et Herbert délaisse son énergie désordonnée qui faisait son charme, pour devenir un second couteau transparent. Quelle pitié de brider ainsi Bruce Willis et Curtis Armstrong, réduits aux rôles de deux flics mous du genou à peine plus intéressants que les figurants de l’arrière-plan ! Entre David et Maddie, c’est le calme plat. Regarde-t-on bien la même série ? On en doute, tellement on ne les reconnaît plus. Delireman David est devenu un ado fleur bleue, et Maddie n’est plus qu’une pleureuse honteuse. Bruce Willis et Cybill Shepherd confirment qu’ils sont autant magnifiques dans le drame que dans la comédie, mais leurs performances sont hors sujet tant leurs personnages sont trahis dans les grandes largeurs. Leur absence de scène commune, remplacée simplement par un coup de téléphone convenu, montre à quel point la série s’est fourvoyée. A trip to the moon avait joliment décrit les sentiments contradictoires de nos héros, mais cet épisode ne fait que surligner ce qui a déjà été dit. La scène du garage est indigne de David, son état ne justifie pas un comportement aussi mesquin, pénible, et racoleur. Les auteurs ont peut-être voulu adoucir le portrait très noir de Maddie de l’épisode précédent en noircissant à leur tour David. Mais prendre autant de gros sabots, c’est lourd, c’est déplacé, ce n'est pas la série. Ses remords finaux ne font que confirmer cette idée exécrable. La qualité des dialogues ne dépasse pas le minimum syndical des Feux de l’amour. L’arrivée de Maddie chez ses parents n’offre que des stéréotypes de soap. Rien que du lénifiant devant cette famille qui accueille son enfant à bras ouverts. Robert Webber et Eva Marie Saint ne peuvent pas faire grand-chose. Cependant, il y’a bien une scène totalement dingue qui doit être signalée : c’est une scène de claymation : une animation de pâte à modeler (genre Wallace et Gromit). David imagine une discussion entre lui et Maddie, et du coup, le voilà face à une figurine de pâte à modeler représentant Maddie !! Au fur et à mesure que le fantasme va de plus en plus loin, « Maddie » arbore des tenues et des formes totalement hilarantes. Ce pur délire est certes le bienvenu dans un scénario aussi vide, mais ne peut justifier à lui tout seul l’épisode. Cependant, il a le mérite de nous rappeler les grandes heures de la série, désormais révolues. 3. TOURNEZ À GAUCHE AVANT L'AUTEL Scénario : Karen Hall Profitant de l’absence de Maddie, Bert cherche à s’imposer comme détective à part entière. Jeune loup ambitieux et excessif, il se fait à chaque fois couper l’herbe par un David qui rappelle que c'est-lui-le-boss. On l’a déjà dit, Bert qui roule des mécaniques avant de se faire rétamer, ça marche toujours ! Curtis Armstrong vole sans problème la vedette à Bruce Willis, car Hall a la bonne idée de desserrer la bride du personnage. Résultat : Viola ne cesse de nous faire rire par ses réflexions déphasées (dialogue sur les bips téléphoniques sous LSD). Agnès est peu présente, mais sa scène avec Bert où ils évoquent leurs nuits de passion vaut le coup d’œil ! Par contre, on aurait été reconnaissant à Caron et Hall d’oublier Maddie pour rester sur l'enquête. Malgré le trio Webber-Marie Saint-Shepherd, toujours au poil, c’est de nouveau l’ennui qui s'installe avec Maddie qui répète sans changement son numéro de honteuse malheureuse. Ses parents se montrent aussi lisses que transparents. Les dialogues gnangnan ne décollent pas, et les incohérences pleuvent : une semaine que Maddie se morfond, et elle ne se résout toujours pas à appeler David, alors qu’elle sait très bien ce qu’il doit ressentir. Virginia persiste à penser que sa fille a juste besoin d’un peu de vacances, et s’occupe à peine d’elle, alors qu’il est visible à 100 kilomètres que ça va pas fort. Alexander essaye de renouer un contact plus fusionnel avec sa fille, mais cela nous vaut que des clichés (causerie au coin du feu) et des lourdeurs. Toutefois, la lettre finale de David est un très bon moment d’humour et d’émotion. Bruce Willis excelle à dessiner le portrait de son personnage transi d’amour, et désespérément seul. Infos supplémentaires : 4. L'ANNONCE FAITE À MADDIE Scénario : Charles H. Eglee et Roger Director Les épisodes précédents avaient eu le réflexe salutaire de se concentrer sur L.A. plutôt que sur le fadasse retour de Maddie chez pôpa-môman. Malheureusement, Charles H. Eglee et Roger Director décident de développer équitablement les deux histoires, donnant au front Maddie une importance inversement proportionnel à son intérêt. On commence à être saoulé de Maddie en mode zombie, du déni de Virginia, et de l’inquiétude d’Alexander. Leur petite dispute sur la fête est rigoureusement privée d’inspiration. La réception elle-même, malgré la toujours excellente réalisation d’Allan Arkush, ne dégage rien de bien excitant. Le voisin des Hayes, aussi lisse qu’une pierre ponce, parvient certes à amuser en racontant sa vie à une Maddie qui a la tête ailleurs, mais il n’est en fait là que pour amener le twist final. Il n’est donc qu’une ficelle scénaristique au service d’une non-histoire. Cybill Shepherd est irrésistible en tenue de soirée, mais son monolithisme tape sur les nerfs, et tue toute émotion lors du coup de téléphone final. Et puis soudain, une émotion commence à passer lors de la scène de la boîte de nuit où David et Herbert picolent lamentablement. Certes, ce genre de scènes n’est pas nouveau dans la série (depuis Radio assassin (saison 1) déjà), mais ici, elle acquiert une dimension sociale et dramatique indéniable. Nos deux compagnons continuent de descendre dans la déchéance, se réfugiant dans des plaisirs artificiels sans lendemain, s’abandonnant à la résignation, loin de leur énergie habituelle. Leur virilité est réduite à ses aspects les moins valorisants, entre vulgarité de leurs pensées, et poursuite du plaisir à tout prix. Les deux jolies pépées qui les invitent chez elles sont encore plus pathétiques qu’eux, les traitant que comme des objets sexuels. Le délire de l'une d'elles dans le jacuzzi devant un Bert horrifié est un des rares bons moments d'humour de l'épisode. Vingt ans avant Californication, ce Los Angeles de stupre, avec ces femmes nymphomanes et ces hommes à vomir, est une vision fulminante d'une société débauchée et sans repère, dont on ne peut que constater qu'elle a encore pris davantage d'ampleur aujourd'hui. Bert échappe in extremis à la tentation grâce à un éclair de lucidité. Par ce réveil tardif, Bert montre qu’il est digne d’Agnès, et ne s’abaisse pas à coucher avec une inconnue aussi putassière. David, désorienté, se laisse cependant aller. Mais au matin, sa maîtresse d’un soir préfère qu'ils en restent là, alors que David semblait désireux de la revoir. Cette inversion des genres où la femme se montre plus frivole que l’homme permet un très beau plan final où David, solitaire, s’éloigne au loin, commençant sans doute une longue errance dans la ville. C’est touchant, et toute cette dernière partie redonne des couleurs à un épisode qui en est peu prodigue.
5. DAVE LA MAIN FROIDE - 1RE PARTIE Scénario : Roger Director et Charles H. Eglee On commence très fort par un savoureux prologue où Agnès, totalement surprise, apprend la nouvelle, jure de garder le secret, le répète à Bert, qui jure de garder le secret, puis qui dit tout à la dernière personne à prévenir : David. Cette introduction pétille de drôlerie, surtout grâce à Allyce Beasley et Curtis Armstrong qui disputent un concours de cabotinage où chacun essaye de surjouer plus que l’autre. Malgré qu’Agnès en fait des tonnes à coup de grands yeux ouverts, de mains collées à la bouche, Bert va très loin en s’agenouillant devant elle et en désordonnant complètement ses expressions. C’est hilarant en diable. Bruce Willis prouve de nouveau qu’il est un grand comédien en faisant preuve d’une sobriété mesurée quand son personnage apprend la nouvelle. La reconstitution des prisons n’est pas innovante : on trouve les matons frappadingues, le caïd qui met ses pieds où il veut et c’est souvent dans la gueule, le détenu peureux, etc. Mais l’arrivée de David, élément étranger, permet de savoureux décalages. Ses insubordinations involontaires lui valent pas mal d’ennuis. David lui-même tente de se donner une contenance en jouant à fond son rôle : on le prend pour un des plus dangereux criminels de la planète ? Eh bien, il joue ce rôle, en se donnant des airs de « dur à cuire ». Mais au fond de lui-même, il a la pétoche, et ce double jeu est une nouvelle source comique. Le pastiche de la scène du réfectoire tirée sans doute des Temps Modernes de Chaplin est pas mal non plus. Mais on s’intéressera surtout au monologue final, où David imagine la dispute qui résultera de ses « retrouvailles » avec Maddie. Son désespoir est très poignant. Une intrigue principale moyenne qui vaut surtout pour son hommage correct aux films de prison, et une intrigue secondaire irrésistible. Mais que va-t-il donc arriver à David ? Comment va-t-il s’en sortir ? To be continued !
6. DAVE LA MAIN FROIDE - 2E PARTIE Scénario : Roger Director et Charles H. Eglee Clair de Lune ne tiendra pas sans Mr.Addison. Il n’y aurait plus de série. Pauvres téléspectateurs ! L’épisode continue sur sa lancée avec un splendide numéro musical parodiant ouvertement un classique de l’opérette anglaise : When I was a lad, extrait de HMS Pinafore, de Gilbert et Sullivan. Entendre le chœur des prisonniers chanter et danser autour de David pour le convaincre d’épouser Maddie vaut le détour. La caméra d’Allan Arkush saisit avec une joie entraînante ce numéro. Malheureusement, après cette double explosion d’imagination, Director et Eglee s’endorment et laissent l’épisode en pilotage automatique. Les 30 dernières minutes sont d’un vide écrasant, uniquement relevées par quelques saynètes. Un bavardage lourd sape sans exception tous les moments de l’épisode, que ce soit les scènes inutiles dans la prison, la conversation avec le directeur, ou la caricature pesante des détenus. Même le message final de Maddie au répondeur est démonstratif au possible. Le maton corrompu rancunier que David surprend pile au bon moment, le directeur qui se décharge de ses responsabilités, le méchant rétrogradant au rang de pantin cabotin arrêté miraculeusement par la cavalerie… la paresse scénaristique est complète. A L.A. on reste confondu de voir le sympathique personnage d’Herbert totalement trahi. Il se transforme en dictateur qui sème une ambiance désagréable dans l’agence. C’est d’un premier degré absolu, cette métamorphose est une indignité rageante. Et son rétropédalage sous l’impulsion d’Agnès dépasse toutes les limites du ridicule. Toutefois, leur excursion chez le véritable assassin est assez drôle par le conte complètement foutrarque que leur raconte Scott (sous la musique d’Indiana Jones de John Williams !), mais reste bien en-deça de ce que la série nous avait habitués. Parmi les bons points, on apprécie l’escapade nocturne de David qui se faufile dans un tunnel étroit, grimpe sur le toit, évite les chiens de garde, rôde dans un couloir... Bruce Willis, à ce moment-là, commençait sa reconversion dans le cinéma d’action (le tournage de Piège de Cristal avait débuté). Il est donc marrant de le voir jouer - de manière très convaincante - à l’homme d’action dans cette scène curieusement prophétique. On aime aussi le gag du couteau, tout droit sorti d’une scène culte de Crocodile Dundee. La bagarre générale est tonique à souhait, et finit par se résoudre dans la paix et l’amitié dans une décalée ice cream party !
Au final, ce double épisode, malgré quelques scènes brillantes, en particulier musicales, et son 4e mur bien brisé, est un échec global. Hésitant entre hommage aux films de prison et parodie, les auteurs louvoient sans se décider. Il n’est pas anodin que la série ne renouvellera plus l’expérience.
Les paroles de la scène musicale de l'épisode ont été retranscrites par Christine Graves sur son site consacré à la série. Elles sont disponibles ici : home.comcast.net/~christinemgraves/cool2.html Infos supplémentaires : 7. L'ART D'ÊTRE PAPA Scénario : Kerry Ehrin Le début s’éternise sur la découverte des parents de Maddie de la grossesse de leur fille. Eau de rose et niaiserie tombent en avalanches (Cybill Shepherd tire la même tête depuis six épisodes, ça commence à bien faire), qu’est-ce que c’est pesant, que c’est démonstratif, et quelle pitié de voir Eva Marie Saint et Robert Webber perdre leur temps dans des intrigues indignes de leur talent. Enfin, bref, Alexander décide de faire le point et s’invite à l’improviste dans l’agence Blue moon, mais au plus mauvais moment. Herbert tente de calmer ces revendications libertaires sortis d’un autre monde, avec force claquements de fouet (!!) et rhétorique fumeuse. Le ping-pong verbal entre lui et MacGilicudy fuse, détonne. Tout le monde en prend pour son grade : le tyranneau ridicule, les employés paresseux, les anars uniquement anars par intérêt… sans oublier les communistes, étant donné que nous sommes encore en pleine guerre froide. David applique la méthode Tout va très bien madame la marquise avec un succès que l'on va qualifier de contestable. Le déjeuner tourne à la catastrophe lorsque David doit s’expliquer sur ses sentiments envers Maddie et son bébé. En réalité, David subit la loi de l’emmerdement maximal : il collectionne les emmerdes depuis pas mal de temps, sans pouvoir se justifier. Et ici, c’est le couronnement : il ne peut se défendre sans s'en prendre à Maddie, qui a pris la fuite et lui impose un silence de plus en plus insupportable. Or David, lessivé, ne veut plus s’en prendre à elle, et donc ne peut rien dire de convaincant sur ses sentiments. Abandonné par la femme qu’il aime, Alexander l'accuse de l’abandonner, elle. Une situation absurde et cruelle comme la série en réussit parfois. David touche le fond lorsqu’il est largué par la dernière personne que l’on aurait crû capable d’une telle trahison : Agnès. Allyce Beasley est presque choquante en furie détruisant le dernier bastion du monde de David. Finalement, David craque, poursuit Alexander jusqu’à ce qui restera comme le climax émotionnel de cette saison : son plaidoyer pour lui-même. David en a marre de payer pour les autres, et revendique sa part de justice et de bonheur. Bruce Willis nous sort le grand jeu : avec le maximum d’expression, il donne vie à la prose impériale d’Ehrin, en démontrant que les torts sont partagés, et que Maddie aussi a sa part de responsabilité. Il décrit sa souffrance d’être éloigné d’elle, sa frustration de la loi du silence, sa colère d’être le souffre-douleur, avec un lyrisme et une émotion bouleversantes. Cette scène est l’antidote parfait à ceux qui croient que Bruce Willis ne sait pas jouer : ici, il accomplit une performance digne des plus grands comédiens. Les fans n’hésitent d’ailleurs pas à dire qu’il s’agit sans doute de sa meilleure performance dans la série (et peut-être de sa carrière !) C’est un pincement de voir cet acteur si doué s’être perdu ensuite dans des films où il n’exprimait plus (ou si peu) son talent. Après un tel moment, difficile de continuer ; et effectivement, le sermon pompeux d’Alexander, lourd et répétitif, fait mal après cet instant de grâce. Mais malgré des grosses longueurs, on retrouve le sourire avec l’optimiste final où l’agence, aux caisses renflouées, peut de nouveau repartir. David se reprend en main, et fait l’apologie de la paresse devant ses employés ravis : vive l’oisiveté rémunérée ! Cette revendication très Nietzschéenne, où le travail ne sert qu’à asservir l’homme (Aurore), veut montrer que l’on peut être heureux du moment qu’on a de quoi vivre et qu’on ne travaille pas, alors que le rêve américain est bâti sur le dépassement de soi, le travail acharné, etc. Culotté, improbable, politiquement incorrect, cette fin euphorique termine un épisode qui sort de la grisaille ambiante.
8. LES TOPISTOS Scénario : Douglas Steinberg L’épisode commence mezzo voce par une répétition du numéro que doit faire Agnès pour demander une augmentation à Mr. Addison, et Bert chéri l’assommant de « stratégies militaires » tout à fait débiles. Plus que le charme fou que dégage Allyce Beasley quand elle dénoue tous ses cheveux, c’est l’égocentrisme sans limite de Bert qui est le prix de cette introduction. Le débit de mitraillette d’Agnès lorsqu’elle présente sa revendication renoue quelque peu avec l’ancienne tradition de Clair de Lune à balancer le plus de mots possible dans un rythme frénétique. L’épisode tente de se rapprocher des disputes légendaires David-Maddie, en les transposant avec le couple secondaire pourtant bien moins fort de tempéramment. Si la comparaison est dure pour Bert-Agnès, le talent de dialoguiste de Steinberg et le cabotinage joyeux des comédiens rendent ces disputes énergiques, rapides, et stimulantes. Et puis bon, on avait plus eu de coup de gueule bien dévastateur depuis I’m curious… Maddie (saison 3), alors ne jouons pas la diva... Agnès a en fait un retard psychologique important : elle se voit d’abord comme fille avant d’être femme, et préfère passer sa vie avec sa mère plutôt qu’avec son compagnon. Elle mise sur le passé et non sur le futur. Le chagrin et la colère de Bert vont certainement au-delà de l’abstinence sexuelle imposée par la visite de la mère. Leurs disputes sont certes très drôles avec noms d’oiseaux, volume max, et ping-pong serré, mais affleure aussi quelques pointes d’émotion lorsqu’Herbert échoue à chaque fois à convaincre Agnès. L’épisode pointe très bien ce fait, et on est donc assez consterné de la scène finale où David et Agnès exaltent avec 400 violons la toute-puissance de la famille sur tout, un vrai gâchis ! Allyce Beasley joue son registre favori (jouant la femme-enfant plus lourdement qu’une congrégation de bûcherons) pour notre plus grand plaisir. On note quelques gags, comme Herbert ayant du mal à passer par la fenêtre, l’incendie de la cuisine, Agnès et Clara réagissant avec 20 secondes de retard au cambriolage, le numéro de charme faux-cul de Bert à une Clara toute émoustillée, la réponse versifiée de Clara au téléphone (on comprend d’où vient la facilité d’Agnès avec les vers), et surtout, surtout, la clownesque poursuite finale dans le couloir de l’immeuble, qui arrache le rire toutes les secondes.
9. DAVID, PÈRE DE FAMILLE Scénario : Charles H. Eglee et Roger Director, d’après une histoire de Ron Osborn, Jeff Reno, et Kerry Ehrin L’épisode met du temps à démarrer, mais nous rassure par des piques de folie douce : David redevient Délireman, sollicitant à Agnès des conseils alors qu’elle n’a jamais connu les joies de la maternité (un dialogue désopilant), demande à Herbert Viola de jouer le rôle d’une femme enceinte, aborde une vraie femme enceinte dans des intentions pourtant platoniques ; bref, on retrouve un peu du surréalisme qui avait fait le charme de Moonlighting période dorée. Le retour des vers d’Agnès le confirme. Lorsque les querelles d’egos sont mises en sourdine, Bruce Willis, du moins à cette période-là, savait utiliser son charme pour établir une complicité pétillante avec ses partenaires féminines. C'est ce qui arrive entre lui et la charmante Brooke Adams. Les dialogues insipides, voire franchement lourds, ne parviennent pas à annuler ce lien. On comprend que les auteurs, piégés dans la situation absurde qu’ils se sont créés, ont voulu réinjecter un peu de tension en faisant rencontrer à David son idéal féminin au moment critique. Car Terri est l’anti-Maddie. L’épisode la fait voir sous un aspect très positif alors qu’elle revendique son droit à élever son futur enfant seule, sujet sensible qu’on attendait pas à voir dans une série aussi peu sérieuse. Terri n’a pas la sensualité de Maddie, mais a une séduction manifeste. Terri est une brune chaleureuse alors que Maddie est une blonde glaciale, Terri trouve à David beaucoup de qualités, aime passer du temps avec lui, est dénuée de jalousie, et refuse de se prendre la tête avec l’avenir, voit la vie sous un jour joyeux, et comme David, veut en profiter à fond : une femme enceinte de sept mois qui mange des cheeseburgers n’est quand même pas fréquent ! On est à l’opposé complet de Maddie. Comme l’on sait d’avance que cette relation est vouée à l’échec, une certaine mélancolie baigne cet épisode modeste mais si joli. Tout au long de l’épisode, une attirance de plus en plus brûlante se fait jour : les cours de Lamaze sont assez troublants, lorsque David doit toucher certaines parties du corps de sa partenaire. Leur dîner dans un fast-food finit par prendre des allures de rendez-vous galant. Sans parler de la dernière scène où en peignoir, elle s’allonge sur le lit d’un David torse nu qui fait de la musculation (un clin d’œil à sa préparation physique pour Piège de cristal ?), où la chemistry commence à frétiller dangereusement. Si finalement la barrière sexuelle n’est pas franchie, Terri avoue son attirance pour David, et ce dernier doit avouer qu’il n’est pas indifférent. Un bel épisode décidément. Infos supplémentaires : 10. LE NOUVEAU DAVID Scénario : Judith Kahan, d’après une histoire de Debra Frank et Kerry Ehrin L’épisode commence avec un remarquable trompe-l’œil où Maddie trouve un David changé tant physiquement que moralement : responsable, sage, courtois, professionnel, modéré... David « déDavidé » ? En réalité, elle s’interroge : a-t-elle vraiment envie de changer David ? Elle est déchirée, car elle ne peut supporter David dans l’état actuel des choses. Mais si elle l’aime, c’est uniquement parce qu’il est comme ça : tapageur, en roue libre, mufle, provoquant, immature. Elle aime ce qu’elle déteste en lui, parce qu’il est son opposé, parce qu’on ne peut aimer que quelqu’un différent de soi. Cela mène au climax de l’épisode : elle se voit mariée au David « idéal », et constate l’inanité de son choix. N’ayant pas retenu la leçon de My fair David (saison 2) et de Sam, elle persiste à vivre avec un mari parfait "logiquement". Il dégouline d’une gentillesse ennuyeuse : David ne veut plus l’aimer charnellement, est devenu aussi lisse qu’inintéressant. Et pourtant, comment peut-on résister à la spectaculaire apparition de Cybill Shepherd en robe très très échancrée ? On notera que cet épisode est certainement celui où Cybill Shepherd est le plus en beauté (les avantages de l'onirisme). Le bad guy est toujours plus séduisant que le nice guy, et dans une vision érotique rappelant Witness for the execution (saison 2), Maddie aperçoit le vrai David, qui transpire le sexe par tous les pores. Maddie veut résister, mais finit par succomber à la passion lors d’une scène torride, et rendue fantasmagorique par la caméra enchantée de Paul Krasny. Grandiose idée de Debra Frank et Kerry Ehrin d’avoir rendu hommage à La fièvre au corps de Lawrence Kasdan : leur version de la scène d’amour - avec trompette supra-érotique - est aussi puissante que l’original. C’est chaud, sensuel, on avait plus vu ça depuis I’m curious Maddie. L'épisode donne corps au fantasme féminin de voir un homme briser toutes les barrières rien que pour ses beaux yeux. Bruce Willis est porté à incandescence dans cette scène impressionnante. Loin de l’excitation piquante de leurs rapports, un David idéal selon la logique de Maddie serait d’un ennui mortel, alors que le vrai David fait de sa vie une véritable aventure, avec ses hauts et ses bas vertigineux. Les humains restent soumis à leurs émotions plutôt qu'à la logique, ce que Maddie refuse encore, et qui explique le twist final. La rencontre avec Walter Bishop suscite des sentiments mitigés. Il n'y a rien à reprocher à Dennis Dugan qui joue fort bien le benêt tout gentil et falot. On lui est reconnaissant d’introduire un comique slapstick, rythmé, lors de sa rencontre avec Maddie. Ce personnage lunaire un peu bébête, d’une courtoisie platonique et désintéressée, est touchant, mais manque cependant d’aspérités, là où celui de Mark Harmon distillait quand même une ambiguïté. Toutefois, Bishop ne dégage aucun charme évident, et on a du mal à comprendre l’attirance de Maddie qui semble confondre compassion et sentiment. Pour son unique scénario en tant que dialoguiste, Judith Kahan se montre à la hauteur par des répliques virevoltantes, speedées, et bien massives. On en a la preuve lors du grand final des retrouvailles : d’abord un peu gênés, Dave and Mad’ s’embarquent dans un dialogue à double sens, puis le ton monte, et ça y’est, la dispute tant attendue éclate ! Comme le fait remarquer David, ils n’ont pas perdu la main de ce côté ! Cette dispute tellurique montre à quel point Maddie au plus profond d’elle-même adore perdre le contrôle et gueuler contre son homme (et vice-versa). Paul Krasny y accomplit des prouesses visuelles (un pudique champ/contrechamp, un gros plan soudain sur deux yeux bleus embués…). Maddie veut encore attendre, ce qui provoque la fureur de David. L'égoïsme apparent de Maddie est compensée encore par sa souffrance morale, son déchirement entre son émotion et sa logique, sa peur d'une nouvelle relation "extrême" avec David. Dans Moonlighting, rire et larmes sont très proches. Remarquable double portrait psychologique que ces retrouvailles. Aussi, sera-t-on consterné par la révélation finale. Elle ne dépareillerait pas à côté du rêve de Pamela dans Dallas, ou de la réapparition inexpliquée de Fallon (avec un nouveau visage) dans Dynasty ; mais dans Clair de Lune, on coince un peu. Un moyen ridicule et lourd pour conserver la tension, malgré un Bruce Willis monumental de génie dramatique. Toutefois, reconnaissons qu’il est tout à fait explicable : la troisième scène onirique voyant Maddie incapable de conduire le train de sa vie (scène trop lourde niveau symbolisme) montrait à quel point elle refusait de prendre une décision. Incapable de faire un choix, d’avoir le courage de choisir, elle laissait le « train » s’écraser dans l’agence. Sens de la métaphore : Maddie refuse de trancher un nœud gordien et va vers une autre voie : celle que lui propose ce Walter sorti du diable vauvert. Malgré cette direction dramatique HS, c’est pour la série l’occasion de réenclencher la mécanique burlesco-sentimentale, et les épisodes suivants seront la récompense du spectateur après tout le passage à vide de cette saison.
11. CIEL, MA FEMME! Scénario : Ron Osborn et Charles H. Eglee, d’après une histoire de Roger Director, Kerry Ehrin, et Jeff Reno La scène avec Bridget (Katie Leyman, à faire damner un ange) est l’objet d’un beau portrait de femme qui renvoie à la Laura de Radio assassin (saison 1). Tout en acceptant d’être le mauvais rôle (elle met en péril un couple qui pourtant s’aime), elle présente sa défense : elle aime Anthony, ne souhaite que son bien. Elle sait très bien qu’elle est la femme qu’on cache, celle qui est dans l'ombre, mais elle accepte qu’il aime et reste avec sa femme. Aussi refuse-t-elle la proposition de Lauren, et donne une certaine grandeur d’âme à un personnage de statut peu sympathique. Lauren (Cristine Rose, de feu et de glace) condamne l’acte d’adultère, mais non son mari qu’elle désire garder. Ce subtil distinguo approfondit un personnage pourtant peu présent. Les scénaristes retrouvent la main ! Ce couple à la relation aussi déséquilibrée que celle de nos héros entraîne évidemment une tension entre eux. Mais la magie de notre couple est qu’il ne peut cesser de se disputer quelque soit la situation. Lorsque Maddie s’étonne qu’ils ne se disputent pas, ça entraîne… une dispute ; lorsque Maddie veut s’assurer que David va bien... dispute ! On retrouve avec plaisir ces disputes fracassantes d’autant plus aiguës que Maddie se sent coupable et que David se montre d’une euphorie trop frappadingue pour être sincère. Il souffre de l’avoir perdue, mais son ego lui impose d’encaisser. Agnès Topisto reprend son rôle de porte-parole des fans en se montrant d’une froideur acérée envers sa patronne. Comme nous, elle est déçue du choix absurde de Maddie. Ses doléances sont les nôtres. Le grand plaidoyer pour elle-même de Maddie, portée par la composition sur orbite de Cybill Shepherd, est un grand moment de l’épisode. Maddie (dans le rôle d’Anthony) explique qu’elle ne pourrait pas vivre avec David (Lauren) avec qui tout est trop intense. Elle a besoin de quelqu’un de plus calme, le contraste que lui offre Walter (Bridget). Elle donne ensuite la plus belle preuve d’amour possible : retenant la leçon de Tracks of my tears, elle explique que si David devenait son mari, il devrait changer, renoncer à ce qu’il est, à ce qui fait de lui cet être si fascinant, et il serait malheureux comme elle. C’est magnifique. David se montre plaisamment manipulateur, forçant Maddie à se trahir, à avouer implicitement qu’elle l’aime lui et non Walter. Le running gag de « Mme Bishop » qui à chaque fois fait exploser Maddie peut être pris comme revendication féministe de ne pas adopter le nom de son mari, mais aussi comme un aveu caché : elle n’aime pas Walter, ne parvient jamais à affirmer fermement qu’elle l'aime Walter. Le final abonde aussi dans ce sens. Nos héros ressuscités, une enquête drôle, un joli dilemme amoureux, des moments forts, un habile jeu de manipulation. Que demande le fan ?
12. MADDIE VA SE MARIER Scénario : Charles H. Eglee et Roger Director
Avec une audace à peine croyable, David parie que Maddie sera incapable de confirmer son amour devant les hommes et organise une cérémonie de mariage où il y aura foule ! Il s’appuie sur son intuition lui disant que Maddie a honte de s’être mariée avec un individu aussi fade que Walter. S’il échoue, David l’aura définitivement perdue, le risque est donc immense, mais il le prend ! Cela nous vaut bien entendu une énorme engueulade comme on les aime. En passant, on se marre d’entendre David s’imaginer Walter comme un gars bien costaud à la tête vide, alors que Bruce Willis incarnera plus tard dans ses plus mauvais films de tels personnages ! Leur rencontre n’est toutefois réussie qu'à moitié, les auteurs demeurant sages. A force de le rendre trop bêta, les auteurs font de Bishop une pâle marionnette qui n’a pas vraiment sa place dans la série. Dennis Dugan est cependant tout à fait dans le personnage. La dispute Maddie-Walter témoigne de l’ingéniosité psychologique des scénaristes : officiellement, la cause de la fureur de Mad' est l’ingérence de David dans sa vie privée, ayant peur que Walter tombe sous la coupe du manipulateur, c’est ce qu'elle croit à ce stade. Officieusement, l’inconscient de Maddie voit clair dans le jeu de David, qui cherche à briser leur relation, mais elle n’a aucune défense contre son attaque : si elle accepte la cérémonie, son fragile amour pour Walter fabriqué de toutes pièces risque de voler en éclats ; si elle refuse, ce sera la preuve qu’elle n’aime pas Walter. La quadrature du cercle.
Nous retrouvons la charmante Terri avec David, et une constatation s'impose : on croit voir un heureux couple marié. Si Brooke Adams est moins lumineuse que dans Fetal Attraction, sa complicité avec Bruce Willis est toujours aussi évidente. Malgré leurs petites brouilles, on sent une attirance gênée entre ces deux-là. Surtout lorsque David avoue qu’« il ne tiendrait pas le coup » si Terri ne venait pas au mariage. C’est si beau… Bon, maintenant, passons aux choses sérieuses : le triomphe du burlesque de l'épisode. L’enterrement de vie de garçon de Walter est assez étourdissant. Le retour de Richard Addison est à saluer, mais on retient le numéro de strip-teaseuse de Herbert Viola avec tenue appropriée ! On hurle de rire. Mais que dire quand il fait son numéro sur The lady is a tramp devant un parterre de mâles ivrognes surexcités (Jack Blessing explose des records de cabotinage) ? Curtis Armstrong est démentiel, et même le coincé Bishop ne peut se retenir d’applaudir. L’épisode vole vers l’apothéose dans sa dernière partie, feu d’artifice royal de comédie et de dialogues allumés ultra-speed. Le mariage de Maddie tourne au désastre lorsque Terri perd les eaux au moment de la bénédiction maritale. David avait-il prévu que Terri aurait les contractions PILE au meilleur moment (pour lui) ? Improbable, mais possible, mais il avait de toute façon bien calculé son coup : Maddie pouvait-elle ne pas craquer quand elle voit David enlacer une femme enceinte ? Maddie acculée à l’évidence, doit admettre que son mariage ne vaut rien pour elle. Quoiqu’il en soit, c’est le bordel. Disputes phénoménales, gags au kilomètre, dinguerie absurde des situations, toute cette scène culmine dans un flamboyant charivari à l’hôpital où les deux couples poussent le volume à fond. Eglee et Director se régalent et nous aussi. L’énorme gag final décrit à lui tout seul la relation David-Maddie : ils s’embrassent fougueusement alors qu’ils se hurlaient dessus cinq secondes avant ! Le tag final sonne la réconciliation au sein de notre cher couple, avec Maddie faisant fondre les cœurs de tous les fans en avouant son amour. Que va-t-il se passer maintenant ? Dave and Mad’ l’ignorent eux-mêmes. L’épisode nous montre seulement David et Maddie s’éloigner pour passer un peu de temps ensemble. Une fin pleine de douceur qui termine parfaitement cet épisode échevelé.
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13. L'INACCESSIBLE AMOUR Scénario : Jeff Reno et Ron Osborn, d’après une histoire de Roger Director, Charles H. Eglee, et Kerry Ehrin Réalisation : Artie Mandelberg- Quand on pense… - Quand on pense au nombre incalculable de boîtes dans le monde, elle se pointe dans la vôtre ! - Heh, c’est moi qui devait dire ça, c’était la meilleure réplique du script !! - T’as de beaux yeux tu sais. - Tu te crois sur le Quai des Brumes ? Tu t’es trompé de réplique ! Entre deux surveillances nocturnes de pamplemousses génétiquement modifiées, Herbert Viola songe à son avenir avec Agnès. Il lui propose de vivre avec lui, mais elle lui demande du temps pour réfléchir. Angoissé à l’idée qu’elle puisse refuser, Herbert s’imagine dans deux parodies de films où tout se passe mal avec Agnès… Avant de boucler la Mythologie Maddie-David-Walter-Terri, les scénaristes s’accordent une pause avec ce loner festif centré sur Herbert Viola. On voit ce qu’ils ont voulu faire : réitérer la performance de The dream sequence always rings twice (saison 2) - noir et blanc inclus - pour le second couple de la série. Soyons honnêtes, la copie n'égale pas l’original. Malgré tout, cet épisode moins ambitieux que son modèle (Artie Mandelberg ne peut rivaliser avec le flamboyant Peter Werner) est à marquer de la mention excellence. La parodie des films marche, la tension entre Agnès et Herbert est bien servie, les acteurs sont au top, et un festival de trouvailles hilarantes fait toute la valeur d’Here’s living with you, kid. Surtout, il dresse un touchant portrait de Viola. On sait depuis longtemps que les enquêtes de la série ne sont que des McGuffin servant uniquement à déchaîner loufoqueries et/ou instants dramatiques. Ici, nous avons un sommet : l’enquête du jour est seulement mentionnée, c'est tout. La surveillance que fait Bert ne sera jamais approfondie. Jeff Reno et Ron Osborn retrouvent leur finesse dans les dialogues. Pour preuve, les longs monologues de Viola réussissent sans problème à émouvoir le spectateur alors que leur fond sont tout ce qu’il y’a de romantico-cliché (Agnès tu me manques, Agnès je t’aime, Agnès, que penses-tu de moi ?…). La composition tourmentée de Curtis Armstrong est mémorable. Tout comme Bruce et Cybill dans The dream sequence, il signe dans cet épisode sa meilleure performance. Le fan fidèle sait que le meilleur ressort comique du personnage est quand il veut se donner des airs de bad guy, mais y échoue lamentablement. Cependant, Director, Eglee, et Ehrin vont malicieusement jouer sur ce point en le transformant un ressort dramatique. Il est en réalité symptôme du complexe d’infériorité de Viola, qui se croit indigne d’être aimé d’une femme aussi merveilleuse qu’Agnès. Dr.House traitera d’ailleurs un sujet similaire dans l’excellent Flou artistique - et dont la résolution sera tout aussi similaire. En réalité, sa tendance hilarante à jouer au macho est la conséquence d’un terrible manque de confiance en lui. Pour ne pas perdre la face devant le méprisant MacGillicudy, il doit jouer les gros bras sans conviction. La forme est comique, pas le fond. Agnès diffère sa réponse, et Bert est incapable de voir autre chose qu’un échec futur. La cruelle scène où il imagine Agnès lui balançant tous ses défauts, et en premier lieu son manque de virilité, est dramedy à souhait : on rit jaune. Le manque d'estime de soi d'Herbert fait que les deux songes cinématographiques finissent mal pour lui. Dans le premier, il joue le rôle d’un riche commerçant du Sahara recueillant une femme perdue (Agnès évidemment). Outre qu’Allyce Beasley est plus magnifique que jamais, cadrages, intertitres, et piano omniprésent nous immergent dans le monde toujours aussi fascinant du cinéma muet. Avec une vélocité typique, les scènes s’enchaînent : le personnage de Bert tente de maîtriser la passion que lui inspire l’inconnue. Mais il échoue à la séduire, et la belle s’enfuit dans le lointain, le laissant seul et inconsolable. Un mélodrame bref mais prenant, dont les atours comiques sont sans cesse battus en brèche par le pessimisme de l’ensemble. Mais le clou de l’épisode est bien entendu la parodie de Casablanca. Bert prenant le rôle d’Humphrey Bogart (Rick), Agnès celui d’Ingrid Bergman (Ilsa), et MacGillicudy celui de Paul Henreid (Victor). Cette version assez folle de ce chef-d’œuvre casse le 4e mur toutes les trente secondes, mais surtout permet aux acteurs de transformer les personnages : Laszlo est ainsi un alpha male tellement irrésistible que toute l’assemblée chante La marseillaise à son entrée, Ilsa devient une femme sûre d’elle et de ses sentiments, tandis que Rick se la pète grave et essuie revers sur revers, surtout quand on lui chipe ses répliques ! Ce qu'on perd en exercice de style par rapport à The dream sequence, on le gagne en humour. On admire en passant la superbe reconstitution de la boîte de Rick, ainsi que l’aéroport enveloppé dans le brouillard. Dans la séquence originale de l'aéroport, Ilsa était déchirée entre son devoir envers son mari qu’elle aime et son ancien amour qu’elle n’a jamais cessé d’aimer. C’est Rick qui par un sacrifice déchirant, choisit lui-même de renoncer à elle par devoir envers la Résistance et Victor. Sauf qu'ici, ça ne se passe pas comme prévu : Bert n’ayant pas le sex appeal et la virilité de Rick, Agnès/Ilsa n’hésite pas et part avec son mari immédiatement ! On nage en plein délire lorsqu’elle lui balance tout son manque de séduction et que Bert lui supplie de rester, portant au paroxysme son ressort comique principal. Ce morceau de bravoure figure en bonne place dans les plus grands moments de la série. Cet épisode nous rappelle qu’un homme trop gentil (comme Walter Bishop) ou trop idéal (comme Sam Crawford) ne peut en fin de course rivaliser les vrais séducteurs, ceux qui osent casser leur image en la rendant plus troublante, plus virile, plus testostéronée, plus tchatcheuse comme David. Maddie vous le confirmera. Nous assistons ensuite au reflet inverse du ressort comique de Bert : il devient dramatique lors de la coda, où Bert se donne un air de macho une fois de trop, provoquant la fureur de sa dulcinée. On peut reprocher ensuite son pardon trop rapide, mais nos scénaristes étant prêts à se reconcentrer pleinement sur le couple principal, on comprend qu’ils voulaient clore le dossier. Et puis, le mea culpa final de Bert est si émouvant qu’Agnès ne peut qu’y être sensible. L'Agnès que nous avons vue dans la parodie de Casablanca n’était pas la vraie Agnès, c’était une projection négative de l’imagination de Bert qui doutait de son amour. Il est souvent très fin de présenter une réalité du point de vue subjectif d'un personnage, qui comme tout homme en a une vision personnelle. Le regard de Viola anticipe par exemple un fameux épisode de Buffy contre les vampires : The Zeppo, où le regard frustré de Xander caricature la réalité. La vraie Agnès, fantasque et imprévisible, est l’exception : elle n’a que faire d’un bad guy comme MacGillicudy ; elle n‘aime que Bert. Leur baiser final ne peut qu’attendrir le fan qui ressort conquis de cet intermezzo dosant à la perfection humour et drame.
14. DEUX FOIS PAPA Scénario : Kerry Ehrin Nous assistons au départ de Walter divorçant avec Maddie. Alors qu’il aurait toutes les raisons d'enrager devant cette trahison, il se montre adorable et compréhensif. Totalement positif, il préfère voir le bon côté des choses en ayant eu les deux plus belles semaines de sa vie. Sa relation avec elle apparaît comme plus fraternelle qu’amoureuse. Nos deux compères s’aimaient bel et bien, mais ce n’était pas le type d’amour auquel ils pensaient. Cette scène de divorce est paradoxalement lumineuse et légère (il faudra attendre la saison 5 de Californication pour assister de nouveau à un divorce joyeux). D’une gentillesse merveilleuse, il réconforte et soulage Maddie de sa culpabilité. Surtout, il part de la plus belle des façons : par un message hilarant au spectateur ! Si Walter confirme qu'il est décidément un bêta intégral (mais très chaleureux), Dennis Dugan est excellent. Il ne nous quitte toutefois qu’à moitié car il réalisera plusieurs épisodes de la saison 5, avant de devenir hélas un des plus pitoyables réalisateurs de comédies vulgaires à ce jour. Pareillement, le dossier Terri Knowles est clôturé par sa séparation avec David. Une dernière fois, Brooke Adams nous charme de sa douceur infinie, facilitant la décision de David. Plus encore que Walter envers Maddie, Terri comprend les sentiments de David et accepte de renoncer à ses rêves secrets d’une vie commune avec lui. Elle laisse toutefois entendre qu’elle et Walter s’entendent bien ! La scène se passe avec humour et sourires, chacun est heureux pour l’autre et ne regrette pas le passé.Kerry Ehrin est décidément en grande forme. Non contente de décrire des séparations amoureuses sous un angle positif, l’enquête du jour est aussi très originale. Elle se rapproche du Portrait de Maddie (saison 2) où un homme voue un culte à une inconnue d’une manière ressemblant à « l’amour courtois » du Moyen-Âge, avec sacralisation de la Dame. La prose lyrique remplaçant la peinture. C'est le reflet des propres sentiments de David, qui n'a pas cessé de souffrir de l'attente imposée par sa patronne. Il n’a cependant pas changé sur sa condescendance à propos de l’amour platonique exalté, ni Maddie sur l’émotion qu’elle lui inspire ! La scénariste a l’excellente idée de maintenir une nouvelle forme de tension sexuelle : pas celle qui explose à chaque instant, plutôt celle ombragée, avec silences lourds et dialogues faussement banals. Maddie s’est rendue compte de son erreur mais David fait maintenant un blocage sur ses avances, se demandant finalement s'il ne va pas encore s'en mordre les doigts. Ce suspense sentimental atteint un pic dans la classique scène de voiture… où ils NE se disputent PAS ! Chacun s’interroge de ce que l’autre pense en voix off. Les comédiens sont décidément hors pair : leurs visages sont expressifs alors qu’ils n’ouvrent pas la bouche, du grand art. Après la royale déclaration de Father knows last, Ehrin confirme son don pour les monologues émouvants avec David et le speech sur « l’ardoise à effacer », lâchant tout ce qu’il a sur le cœur. Cette déclaration que nous attendions depuis longtemps nous prend agréablement à contrepied : pas d’éclats de voix… seulement une vibrante tirade avec une sobriété inhabituelle de Bruce Willis, immense. C’est le clou de cet épisode original et plus sage que l'habitude. De l'ordalie, David est ressorti plus responsable et adulte. Leur réconciliation finale, calme et romantique, donne un curieux suspense quant à ce qui va se passer dans la dernière saison.La dernière partie de l’épisode part en live avec des cassages de 4e mur de plus en plus rapprochés, et une idée démente de course-poursuite : David et Maddie doivent rattraper non un assassin… mais un suicidaire ! David parvient à empêcher les différentes tentatives de suicide (révolver, électrocution, défenestration…) mais s’en prend plein la figure à chaque fois. Ce comique de répétition débouche sur un remarquable hymne à la vie et à l’avenir improvisé par David et un dernier gag à mourir de rire. Mars 1988. La télévision amércaine traverse une crise : les scénaristes se mettent en grève, paralysant la production de nombreuses séries. Clair de Lune n’y échappe pas, et le délai déjà bien grand entre deux épisodes inédits se creuse encore, jusqu’à épuiser la patience des fans. C’est sans doute une des raisons qui a entraîné l’annulation de la série dès l’année suivante. Dans la grande tradition de la série à se moquer de ses propres problèmes, cette crise est l’occasion d’une fin totalement allumée : Comme il reste encore cinq minutes à combler pour finir l’épisode, Cybill et Bruce s’excusent auprès des spectateurs pendant qu’ils marchent à côté des cinq écrivains (dont Kerry Ehrin elle-même, la seule femme du groupe) qui affichent des pancartes de grève !! Comment combler le trou ? Eh bien, c’est Curtis Armstrong qui s’y colle. On lui colle une tenue garantie 80’s absolument terrifiante, et il chante et danse sur une interprétation hystérique de Wooly Bully qui achève net le fan ! Herbert Viola ayant la charge de finir cette saison, c’est clairement une récompense de l’apport important qu’il a amené à la série, et particulièrement cette saison. On peut regretter qu’Agnès/Allyce ait été sacrifiée cette saison au profit de son partenaire, ou que la grève des scénaristes nous ait privé du projet de l’épisode 3D prévu pour terminer la saison. Mais on n’y pense pas à cet instant tant le fan est comblé par cet épilogue malicieux et euphorique ; conclusion fracassante d'une saison qui a très mal commencée mais parfaitement terminée !
- Les émissions préférées de David sont les courts métrages télévisuels de la troupe comique Les Trois Stooges. Il a offert à Maddie un presse-papier serti de diamant.
1. Maddie va se marier : Rythme pétaradant, disputes en perpetuum mobile, situations absurdes, humour ravageur, final déjanté. L'esprit de la série se trouve tout entier dans cet épisode déchaîné où les deux segments de la saison se télescopent pour un résultat massif. 2. Deux fois papa : Ce finale de saison relâche peu à peu la tension accumulée depuis le départ de Maddie. C'est l'occasion pour la série de montrer qu'elle est soluble dans la sobriété et la douceur. La justesse psychologique et les très beaux adieux des deux personnages secondaires : Terri et Walter, sont portés par une interprétation parfaite. La grosse tranche de délire final est sauvagement jouissive ! 3. L'inacessible amour : Le rêve était presque parfait version Agnès-Herbert. La copie fait bonne figure auprès de l'original. Herbert Viola montre qu'il est capable de tenir un épisode à lui tout seul. L'histoire est imaginative, utilise brillamment l'émotion. La parodie de Casablanca est un très grand moment de la série ! 4. Etats d'âme : Superbe dialogue désenchanté entre deux êtres incapables d'assumer pleinement les conséquences de leurs actes. L'humour est l'expression de leur incommunicabilité. Mais l'émotion et les larmes ne sont jamais loin. Glenn Gordon Caron connaît ses créatures sur le bout des doigts et leur offre des scènes magnifiques. Cybill Shepherd et Bruce Willis sont étincelants. 5. Ciel, ma femme ! : La screwball comedy reprend ses droits au sein de cet épisode enlevé. L'enquête est passionnante, les disputes bien énormes, la relation David-Maddie fait l'objet de variations virtuoses. La dernière partie de la saison s'envole vers les sommets ! Accessits d'honneur : David père de famille, Le nouveau David, Tournez à gauche avant l'autel.
Images capturées par Clément Diaz. |
Saison 5
1. UN ANGE PASSE Scénario : Glenn Gordon Caron et Charles H. Eglee Réalisation : Jay Daniel - Êtes-vous prêts à retrousser vos manches et à réciter vos dialogues débiles ?
- Oui Monsieur !
David, il y’a plus de silicone dans le hall de ce bureau que dans toute la Californie !
Durant la grossesse de Maddie, Jérôme, un envoyé du Créateur, apparaît brusquement à « Baby Hayes », le fils de nos héros. Pour le préparer à la vie et à aimer ses futurs parents, Jérôme emmène le bébé dans le monde extérieur…
Pour son ultime contribution à sa série, Glenn Gordon Caron, accompagné de Charles H. Eglee, écrit peut-être son histoire la plus originale, racontée sous la forme d’une fable dans lequel il imagine un envoyé du Créateur rendre visite à un bébé pour lui raconter tout ce qu’il attend dans la vie extra-utérine, tout en lui faisant connaître ses parents. C’est un épisode très difficile à noter car on peut ou l’apprécier comme un conte enfantin et idyllique, ou s’agacer de la récapitulation massive de ce que le spectateur sait déjà sur David et Maddie, ainsi que de la série hallucinante de truismes et de lapalissades sur la complexité de la Vie. Personnellement, c'est cette deuxième lecture qui s’est imposée rapidement, rendant inutile cet épisode qui ne nous apprend rien sur David et Maddie, ne raconte aucune histoire, et ne dit finalement rien de nouveau sur la Vie. Heureusement, un casting impeccable, une mise en scène chatoyante, et un peu d’humour, font que A womb with a view se laisse regarder. La tragique coda, totalement inattendue, permet de plus un nouveau départ pour la série qui s’entortillait dans des contorsions psychologiques et dramatiques depuis une saison. L’épisode commence par un éblouissant cassage de 4e mur de cinq minutes, qui compte parmi l’un des plus euphoriquement émouvants de la série. La caméra entre dans les bureaux de l’agence : aussitôt Agnès qui déprimait se lève, et explose de joie en voyant que la série recommence ! Aussitôt, toute l’agence exulte le retour du public - à un Herbert Viola humoristiquement morose près - Elle lui sort le grand jeu avec un superbe numéro musical chanté et dansé pour lui rendre hommage ! Cette série est décidément unique, elle sait comment parler au fan, le remercier de sa présence. Le spectateur d’aujourd’hui ne peut s’empêcher toutefois d’avoir un petit serrement de cœur à voir l’équipe dire que promis juré on aura les 22 épisodes réglementaires pour la saison, ce qui hélas ne sera pas le cas (seulement 13 épisodes). Le début de l’épisode est particulièrement hilarant avec une vue de l’utérus de Maddie abritant un Bruce Willis qui danse en couches culottes sur la chanson Baby love des Suprêmes !! Le spectacle est bien allumé, et l’acteur en fait des tonnes. Il interpréte ici le bébé de Maddie et donc de David, confirmant par là la paternité de ce dernier. Le décor fantasmagorique de l’utérus accroche par ailleurs le regard. A partir de l’apparition de Jérôme, envoyé pour initier à l’Existence le bébé, l’épisode joue avec quelques effets spéciaux simples mais réussis. Leur premier dialogue avec le déni de Bébé Hayes qui veut pas quitter son nid douillet et l’autre qui le presse d’ouvrir ses oreilles est très comique. Joseph Mayer compose un messager sympathique, un peu sphinx, à l’amour et à la joie débordantes. Après on s’embarque dans des directions qu’on aimera ou détestera. Personnellement, je n’ai pas accroché au concept de l’épisode qui consiste à expliquer au bébé qui sont ses futurs parents, la nature de leur relation, car on apprend rien de nouveau sur eux. Cela est désastreux quand le scénario, comme ici, ne comporte aucune intrigue dramatique. Voir la Vie de manière manichéenne à travers deux successions d’images, l’une enchantée, l’autre violente, est non seulement réducteur, mais d’une naïveté lourde. Malgré le talent de Mayer, son personnage n’a à dire que des banalités. Bébé Hayes est plus marrant avec ses revirements (J’aime la vie/J’aime pas la vie ; J’aime mes parents/J’aime pas mes parents), mais le ton de l’épisode, trop enfantin et superficiel, ne va pas du tout avec le style de la série. Comme The Straight poop (saison 3), on a plus affaire à une vitrine publicitaire vantant la série, le filtre du message universel infantile remplaçant le clip-show. C’est vraiment dommage car on sent la sincérité des auteurs, notamment dans la mise en scène de Jay Daniel et la musique d’Alf Clausen, d’une grande beauté. L'on note toutefois quelques pépites comme Bébé Hayes déjà très admirateur de la beauté féminine, la parodie de duel de western entre Bert et MacGillicudy… au verre d’eau ! La petite crise d'Agnès, la dispute David-Maddie sur la présence d’un cheptel de bombes sexuelles dans l’agence (devinez qui les a invitées là ?). On regrette que la scène correspondante entre Herbert et Agnès soit ratée car le premier se caricature trop en bêta ayant peur d’avoir des enfants : c'est tout à fait hors sujet, malgré les talents éclatants des comédiens. Le final lui-même n’échappe pas à une certaine gratuité avec ce twist final de dernière minute : on sait que l’épisode ne pouvait pas se permettre de continuer sur sa lancée, car cela aurait signifié une saison 5 encore plus soap que la précédente. Cette « apocalypse » (dans le sens originel) est efficace, tout en étant bardée de grosses ficelles. Elle est d’une violence psychologique inouïe, cassant avec le ton gentil de l’épisode. Au final, A womb with a view est une œuvre très personnelle, originale, sincère, mais son aspect de conte se dilue devant une surcharge de miévrerie et de répétitions. L’épisode ne se justifie que pour engager la saison sur de nouveaux rails. Mais cette critique, l’auteur de ses lignes l’avoue, est très subjective, et concède que l’épisode aurait eu une note plus haute avec un autre angle de vue. Infos supplémentaires : - Dernier scénario de Glenn Gordon Caron pour la série. Il quitte en effet ses fonctions de showrunner après cet épisode (traduction : il fut licencié par la chaîne). - L’épisode reçut l’Emmy Award de la Meilleure Direction Artistique pour un épisode de série télé. - Le titre de l’épisode pastiche un roman d’Edward Morgan Forster : A room with a view (Avec vue sur l’Arno en français). Il donna lieu à une adaptation cinématographique du même nom signée James Ivory en 1985 (Chambre avec vue en VF). - Il est confirmé que David Addison est bien le père de l’enfant de Maddie. Il perd donc à la fin son deuxième enfant (cf. Big Man on Mulberry Street). - Maddie et David ont vécu des vies antérieures… ce fut à chaque fois la même chose ! Nous apprenons que Zach et Rita, et Petrucchio et Katerina, étaient leurs précédentes incarnations. - Détail amusant : Joseph Maher (Jérôme) a joué dans le film Those lips, those eyes, dont le titre sera pastiché dans un autre épisode de Clair de Lune : Those lips, those lies. - On entend dans l’épisode Baby love des Supremes, Mickey's monkey de Smokey Robinson et The Miracles, What a wonderful world de Louis Armstrong. David et Maddie chantent The girl from Ipanema de Stan Getz et Astrud Gilberto. Enfin, Jerome et le bébé chantent à la fin Sunny side of the street. 2. DES HAUTS ET DES BAS
Scénario : Kerry Ehrin
Réalisation : Dennis Dugan
- Renier, piano, panier, renier, piano, panier…
- Vous vous moquez de moi ?
- Non, je m’entraîne pour mon prochain rôle.
- Pendant que j’étais là-haut, je ne pensais qu’à une seule chose : j’avais tellement envie d’être avec toi, là, en bas, sur la terre ferme.
- Oh, David !
- Et tu sais quoi, plus c’est ferme, mieux c’est.
- Ca, c’était pas dans le script !!!
Deux semaines après la fausse couche de Maddie, elle et David sont plus que jamais sur les nerfs. Ils se noient dans le travail, acceptant toutes les requêtes de leurs clients. L’affaire Joan Springs retient en particulier leur attention : Joan a découvert que son mari Dennis cachait un souvenir d’une ancienne épouse - alors qu’il lui a toujours dit qu'il n'avait jamais été marié - L’enquête des détectives ne sera pas sans surprises…
Le filon principal de la série - la relation David-Maddie - étant usé jusqu’à la corde, les scénaristes se tournent vers une alternative désespérée : mettre en avant les enquêtes. Si ce choix se montre moins hors sujet que le soap opera de la saison précédente, il n’en reste pas moins douteux tant la série est indéfectiblement liée à son couple vedette. La série, c’est David et Maddie (et Herbert et Agnès), et c’est tout. Les enquêtes ont toujours été des prétextes et non la raison d’être de la série. Fort heureusement, la série va opérer une remontée spectaculaire en retrouvant peu à peu son essence originelle (avant hélas de la reperdre, définitivement) mais ce n’est pas encore pour maintenant. Nous avons donc une enquête trop sérieuse, sans épaisseur, et occupant trop de place. De plus, Dave et Mad’ sont de nouveau au fond du gouffre, piégés dans la voie sans issue où les a menés leur relation et la tragédie de l'épisode précédent. Tout au long de l’épisode, le duo est sans éclat. Bruce Willis et Cybill Shepherd sont bien entendu toujours aussi admirables dans le registre dramatique, et c’est grâce à leur talent que l’émotion parvient à passer. Mais il ne reste plus grand-chose de ce qu’a été Clair de Lune dans son âge d’or : plus de disputes - remplacées par une inoffensive algarade - plus de tension sexuelle, plus de comédie (malgré un 4e mur fracassé à plusieurs reprises), des personnages fatigués… Il faut attendre la 35e minute pour que le spectateur sorte de sa semi-somnolence avec une poursuite finale totalement loufoque. L’épisode use d'éphémères expédients pour faire diversion durant une première demi-heure sans événements : Agnès oreille amicale, poétesse, et infantile, une énième déclaration de haine entre Viola et MacGillicudy, une improbable tentative de séduction de Viola sur Maddie (Armstrong est hilarant en macho viril pas crédible), des références à la mystérieuse affaire Anselmo, David mélancolique retombant sur les cours Lamaze, etc. Donc, de bons petits moments inscrits dans du vide. Pour sa première réalisation de la série, Dennis Dugan (Walter Bishop) convainc. Entre Dave and Mad’, chacun se retient de pleurer, par dignité. Le destin a été cruel envers eux, les séparant à chaque fois qu’ils tentaient se retrouver. On sent que Maddie veut libérer David des liens qui l’attachent à elle, parce qu’elle l’aime trop pour l’emprisonner dans une relation toxique. David au contraire, fait preuve de maturité en souhaitant pardonner à Maddie de l’avoir tant fait souffrir, mais sa rancœur demeure, et il fait le choix de tout quitter. Générosité de l’un, maturité de l’autre, une évolution réussie sur le papier, beaucoup moins hélas devant la caméra : la série appuie trop sur la noirceur de la situation, sur le lacrygène, et nos acteurs sont vidés de toute énergie. L’émotion finit cependant par se dégager lors de la fameuse scène de l’ascenseur bloqué. Maddie, sous pression, finit par craquer dans les bras d’un David aussi perdu qu’elle. Enfin, ils ravalent leur orgueil, et s’abandonnent à leur tristesse (décuplée pour Maddie, qui a subi un traumatisme lourd dans sa chair). Avant qu’ils retrouvent un semblant d’espérance après une nuit (platonique) ensemble. A l’issue de la scène, on voit combien l’amour entre eux deux est devenu plus profond, plus adulte, et plus seulement basée sur l’unique attraction charnelle. Cependant, leur confusion mentale (et la rage rentrée de David) font que cet amour est ncapable de s’exprimer franchement. On peut regretter que la scène ne soit pas davantage développée. En-dehors de ça (et de leur enlacement final), nos héros fatigués n’apportent que de la lourdeur. L’enquête du jour n’échappe pas à la platitude entre un énoncé pesant (une des failles séculaires de la série) et un déroulement atone. Toutefois, la présence d’un oiseleur rappellera des souvenirs à l’amateur des Avengers (cependant plus excentrique). Le rythme rebondit dans le dernier tiers avec un superbe jeux de dupes, tandis que l’amoralité ironique de la situation finale rappelle plaisamment ce petit bijou qu’est Une erreur judiciaire d’Anthony Berkeley (1937). En effet, à la fin, un assassin demeure en liberté... malgré ses efforts pour se faire coffrer ! Un beau rattrapage. Mais c’est la longue course-poursuite finale (12 minutes !) qui est le prix de cet épisode. Elle a la particularité de se dérouler… en montgolfière !! Nos amis nous auront décidément tout fait ! Si elle manque de rythme, l’incongruité de la situation est suffisamment hilarante pour scotcher le fan sur l’écran : on apprécie notamment le retour du caleçon ridicule de David déjà vu dans Witness for the execution (saison 2). Suspendu à la corde de la montgolfière, grimpant pour échapper à l’incendie, grelottant de froid au sommet du ballon, sans oublier le gag du cactus, pastichant le célèbre « Here’s Johnny » de Shining… il nous offre un vrai one-man-show. Le Big Bad du jour (Nicholas Cascone, joyeusement décontracté) est un adversaire efficace, mais à la chute - dans les deux sens du terme ! - un peu précipitée. La scène bénéficie également d’une BO bariolée qui va de Bernard Herrmann aux banjos de la série Bonanza en passant par des standards décalés des 80’s ! Un excellent finish. Infos supplémentaires :
- La jolie blonde de l’épisode est jouée par Teresa Willis, cousine de Bruce. - Le titre de l’épisode est dérivé d’une expression anglaise : Between a rock and a hard place, qui signifie une situation où l’on est obligé de faire un choix détestable. - Première réalisation de Dennis Dugan (Walter Bishop) pour la série. Il réalisera en tout cinq épisodes de cette dernière saison dont le final Lunar Éclipse (dans lequel il jouera un petit rôle). - Erreur assez étonnante : Allyce Beasley, Curtis Armstrong, et Jack Blessing se trompent tous trois sur le nom du mari de Joan en l’appelant Michaël au lieu de Dennis. - Prédiction d’Agnès : le show devrait bientôt ne plus être en prime time et expédié sur le câble… ce qui sera hélas le cas ! - BO très fournie pour cet épisode : on entend surtout Mack the knife de Kurt Weill. David et Maddie chantent What a friend we have in Jesus de Joseph M.Scriven et Charles Crozat Converse, et le traditionnel Swing low, Sweet chariot. David chantonne Little Honda de Brian Wilson et Mike Love. Durant la poursuite finale on entend l’ouverture de La Mort aux trousses de Bernard Herrmann, le thème de Bonanza de Jay Livingston et Ray Evans, Le vol du bourdon de Nicolaï Rimsky-Korsakov, le Army Air Corps song de Robert Crawford, et le thème de Lara de Maurice Jarre (Docteur Jivago). D’autres chansons sont également entendues. 3. FAUX MARI, VRAI SOSIE Scénario : Barbara Hall Réalisation : Artie Mandelberg Attendez, vous n’allez pas nous supprimer en laissant tous les spectateurs en plan !
- J’étais en train de penser à la mort de ce pauvre homme.
- Oui, explosé en mille morceaux dans sa voiture. Je me demande quelle est la dernière chose qui lui a traversé la tête.
- Peut-être le pare-brise.
Il y a dix ans, Nora Cooper s’est mariée sur un coup de tête avec un homme qu’elle connaissait à peine. Mais ce dernier a rapidement disparu. Lorsqu’il réapparaît sans explication dans sa vie, Nora se demande s’il s’agit bien de son mari. Elle engage David et Maddie pour en avoir le cœur net. Nos détectives s’interrogent par ailleurs sur leur relation et sur la connaissance que chacun a de l’autre…
La sœur cadette de la géniale Karen Hall parvient à secouer l’immobilisme qui grévait la relation David-Maddie dans l’épisode précédent, sans toutefois arriver à son niveau. Tous les atouts de Moonlighting sont présents dans cet épisode, mais manquent de place pour s‘exprimer. La faute à une enquête peu palpitante occupant trop de temps, malgré un twist final surprenant. Disputes, moments romantiques, comédie, 4e mur brisé, repointent le bout de leur nez ; on s’en réjouit, et on passe un très bon moment devant cet épisode. A ce stade, il faudrait toutefois une enquête plus trépidante pour assurer un succès total. C'est difficile car ce n’est pas ce qui est normalement demandé à la série. Démarrage punchy avec un Herbert Viola tentant d’imiter Agnès faisant des vers de mirliton, avant de se faire proprement atomiser par un MacGillicudy décidément toujours là pour lui mettre les nerfs à vif. Sur ces entrefaites, un David qui a bien abusé de la dive bouteille débarque en retard… et là paf, la surprise du chef, Maddie refuse de se disputer avec lui, et ce malgré les efforts méritoires d’un David stupéfait pour l’énerver ! En réalité, elle a passé un nouveau stade en l’acceptant tel qu’il était. Toutefois, si Maddie a accepté David, c’est au prix de ses sentiments, elle veut maintenant qu’ils demeurent bons amis et pas plus. Cette scène revient aux sources de Moonlighting avec des dialogues claquants et enlevés. Maddie encore une fois, s’accroche à des chimères (c’est une spécialiste en la matière, on le sait bien maintenant) et profite de sa confusion mentale pour prétexter une amitié sans amour ou désir, moins destructrice qu’une relation amoureuse qui n’a conduit qu’à des désastres. David, plus lucide (et plus intéressé) sous-entend son désaccord. Bruce Willis a une présence pas possible et exprime bien la frustration ironique. Cela donne lieu à une excellente dispute dans la voiture où David taquine Maddie sur le nombre d’hommes qu’elle a connus bibliquement. Cet échange renoue avec les répliques foisonnantes de la série, ça fuse, ça pétille, et en plus n’est pas gratuit : l’énumération des amants imaginaires (quoique…) de Maddie est aussi drôle qu’amère car étant un moyen que trouve David pour défouler sa colère. Une excellente séquence dramedy. Leurs scènes tournent autour de la connaissance que chacun a de l’autre : ils se jaugent, se regardent. David, toujours fou de la belle, la voit comme un territoire à conquérir et reconquérir sans cesse. C’est là que Maddie fait preuve d’intelligence : même si cette vision d’elle est quelque peu dégradante, elle l’autorise car sans se l’avouer, elle l’aime toujours, et le comprend. Quatre ans après leur rencontre, c’est seulement maintenant que Maddie apprécie David pour ce qu’il est. Cette superbe évolution permet de remettre de la tension sexuelle - en plus soft que dans les premières saisons, malheureusement - car nos amis ont franchi toutes les étapes pour devenir un couple stable et solide, mais Maddie ne veut plus retenter l’expérience. La série aurait certainement développé ce nouveau suspense sentimental si elle avait duré plus longtemps, au lieu d’un final sans réponse. On citera aussi une scène de jeu de billard avec un brillant dialogue à double sens à propos des queues et des boules. Soupir de plaisir du fan qui voit David enlacer tendrement sa partenaire pour lui dire comment orienter la queue : les fans de X-Files penseront immédiatement au final du Grand jour (saison 6) en remplaçant le billard par le baseball. Lors de la scène de nuit dans l’agence, notre duo parle calmement à cœur ouvert, avec des mots magnifiques. Ils retrouvent cette complicité qui avait disparue depuis la fausse couche de Maddie. Barbara Hall connaît suffisamment la série pour alterner brillamment les moments doux et plus furieux de ce couple. Ainsi, la scène qui suit redémarre la mitraillette avec un échange hilarant sur le fait de récupérer un chèque un peu trop généreusement distribué. La justification tordue de David a beau être bien tordue… il la convainc ! On applaudit des deux mains cette nouvelle bouffée d’inspiration. L’enquête occupe comme ce le sera dans cette saison une place bien trop grande. Sous-écrite, son laborieux développement pénalise l’épisode. Le ton absurdement sérieux est antinomique à l’esprit burlesque de la série. Même le double (quintuple ici) visage de l’assassin a déjà été exploité avec plus de brio dans le passé. Malgré un régalant twist final, la course-poursuite qui s’ensuit est amorphe, arrache à peine un sourire, et fait intervenir un quatrième larron sans justification. On citera cependant David sur un morceau de vélo à une roue - gag qui n’est pas sans rappeler celui de Groucho dans Les Marx au grand magasin - et la toujours amphétaminée musique d’Alf Clausen. Mais finalement, cette poursuite est un échec lorsqu’on se souvient des grands moments délirants que la série était capable de faire. Heureusement, Barbara Hall a le réflexe salutaire de finir sur un tag délicieux où nos héros très classe se moquent tendrement de leur relation. L’épisode nous quitte sur un joyeux clouage de bec de David par une Maddie qui révèle un talent insoupçonné à éclater de rire !
Infos supplémentaires :
- Aka. Vrai mari, faux sosie. - Darkside d’Agnès : cette dernière a eu une ribambelle d’amants (footballeurs américains pour la plupart) dans sa jeunesse ! A l’inverse, Maddie a eu environ six amants seulement. - Le titre original détourne celui d’un film de 1986 de Martin Scorsese - ayant pour sujet justement le jeu de billard : The color of money (La couleur de l’argent). - On entend dans l’épisode Honky Tonk Women des Rolling Stones, Magic carpet ride, la Danse de la fée dragée extrait du ballet Casse-Noisette de Piotr Illitch Tchaïkovski (pendant la scène du club de billard). Et également A bicycle built for two d’Harry Dacre pendant la poursuite. 4. ET L'HOMME CRÉA LA FEMME
Scénario : Jerry Stahl
Réalisation : Allan Arkush
- Je ne peux croire que le Dr.Brill soit coupable, c’est impossible.
- Non, 22 épisodes pour la saison, ça, c’est impossible.
Ce n’est pas grave David, il y’a toujours un truc qui nous fait craquer : chez vous, c’est le visage ; chez moi, ce sont les lentilles de contact.
Leslie Hunziger demande au Dr.Brill une opération du visage. Mais l’opération est une catastrophe, et Hunziger voit son visage détruit à jamais. Persuadé qu’il a été la victime d’une machination, Hunziger engage David et Maddie pour qu’ils trouvent des preuves montrant la négligence intentionnelle du chirurgien…
On reste pantois devant la prouesse stupéfiante de Jerry Stahl. Tout comme Karen Hall dans Take a left at the altar (saison 4), le scénariste parvient à construire un épisode brillant sans les qualités habituelles de la série. L’enquête devenant hélas la priorité de cette saison, Stahl fait contre mauvaise fortune bon cœur, et imagine une enquête solide dans la meilleure tradition des romans policiers ; une performance que Moonlighting a rarement réussi. Le whodunit est convaincant, et surtout, Stahl joue avec un atout qui avait fait la fortune d’Atlas Belched (saison 2) : une satire violente d’une tare de notre société. Ici, la suprématie de la beauté extérieure dans notre société d’apparences. Un épisode extrêmement intéressant. De quoi redonner espoir à cette cinquième saison plutôt terne jusqu’ici. La première scène voyant un patient opéré se faire enlever ses bandages puis assistant aux exclamations horrifiées de son entourage n’est pas sans rappeler un classique de La Quatrième Dimension : L’œil de l’admirateur, dont l’ombre imprègne cet épisode. Suspense et pressentiment se voient bientôt balayés par la scène suivante où entre une Agnès peinée de voir sa peau toute irritée par la barbe d’Herbert, et le gag du film pornographique, on nage en pleine comédie. Dans notre monde où la séduction physique devient la qualité suprême, surtout envers les femmes, il devient de plus en plus urgent de demeurer jeune à tout prix. C’est l’intérêt de la conversation entre David et la jolie Sandra, secrétaire du médecin. Elle est incarnée par une torride brune au chemisier généreusement entrouvert, l’irrésistible Jennifer Tilly. Sandra avoue qu’elle est « 100% faite main », alors qu’elle a à peine 30 ans. La fin de l’épisode où l’on apprend qu’une des patientes n’a que 20 ans confirme jusqu’où peut aller l’absurde de la course à la beauté. La séduction de Bruce Willis fait décidément des ravages, et son duo avec Tilly marche du tonnerre ! Notez sa méthode très gentleman : il lui dit crânement qu’elle lui plaît, plaisante gentiment, et dose habilement ses compliments. Pas étonnant que la jeune femme craque quelque peu… La conversation entre Maddie et Brill est encore plus éclairante : Maddie joue la comédie pour avoir des renseignements, mais quand elle regrette l’éphémère de la jeunesse et qu’elle évoque sa beauté entrée dans un hiver où elle va lentement dépérir, on peut se demander si sa mélancolie est vraiment feinte. Quant à Brill, il rappelle que l’apologie de la beauté a atteint une telle inanité que le vieillissement est considéré comme une maladie. Sur ce point, on rejoint ce chef-d’œuvre d’émotion mélancolique qu’est The trade-ins, une des attaques les plus violentes de La Quatrième Dimension contre la tyrannie de la beauté. Le réalisme de nos héros est dépourvu de ton moralisateur : David rappelle que le physique est ce qui compte le plus quand les hommes choisissent les femmes… et qu’à rebours de l’image répandue de la femme considérée comme moins superficielle, l’apparence extérieure des hommes est aussi un critère décisif pour elles. Maddie elle-même, qui ne veut pas être regardée uniquement pour son physique, doit avouer que son premire critère de petits amis était l'apprence extérieure. Le choix de Michelle Johnson, actrice à la beauté glacée et standardisée, est idéal pour incarner la femme du client défiguré, car son apparence rend fichtrement mal à l’aise. Que ce soient les femmes qui se pressent dans le cabinet de Brill montre que cette obsession de la beauté est typiquement féminine. C’est non seulement un diktat imposé pour demeurer attirante aux yeux des hommes (ne pas être désirée, quelle horreur !), et typique de la sacralisation du corps. Ce dernier point est à noter car révélateur du paradoxe des femmes : elles ne veulent pas être aimées que pour leur physique, mais encouragent cette voie. Les conversations mènent aussi à la superficialité des lieux où le physique est exalté en premier, comme Los Angeles. Une superficialité qui corrompt l’esprit et les idéaux des hommes, et dont l’innocent Hank Moody en subira les plus funestes conséquences dans Californication, l’esprit empoisonné par les miasmes putassiers de Hell-A. Bien qu’elle n’approuve pas ce charcutage plastique, Maddie tente de trouver une échappatoire en justifiant cela par la volonté de faire plaisir aux personnes que l’on aime : n’est-il pas généreux de se mettre sous son meilleur jour pour son amour ? Et là curieusement, David prend la place de Maddie en devenant utopique : si on aime, alors l’apparence ne doit pas être si importante, et on a pas besoin de cette attention. Mais, pessimiste, constate la suprématie de nos sens sur nos sentiments (Si vous aimez tant la profondeur, mettez vos organes à l’intérieur !). Cette inversion de rôles s’explique par l’évolution des personnages vers plus de sagesse. Mais ce qui frappe le plus est la psychologie des personnages. D’abord dans la perversion du médecin (Nicholas Pryor, mielleux séducteur) pour qui ses clientes ne sont en fait que des matières premières destinées à assouvir ses fantasmes. Il les séduit, et leur fait l’amour après les avoir manipulées de façon à ce qu’elles choisissent une apparence correspondant à ses désirs. Alors qu’il semblait si gentil et philosophe, la révélation lorsque le voile se déchire (par une simple contre-plongée de caméra) claque comme un coup de pistolet. On retient beaucoup la personnalité fascinante de « l’homme sans visage ». Transpirant de haine derrière une courtoisie policée, Hunziger développe un magnétisme sidérant par son pragmatisme : sa réaction quand il apprend l’infidélité de son épouse est glaçante ; il la comprend, l’excuse presque, et cela le rend encore plus effrayant. Andrew Robinson joue à merveille ce personnage. Son épouse « assemblage de pièces détachées », bénéficie aussi d’un beau portrait, tiraillée entre son amour pour un homme avec qui elle ne peut plus être intime, et un désir pour le médecin qui l’a rendue belle et détruit son mari.
La tension est diffuse pendant tout l’épisode, et c’est la grande scène de révélation qui se charge de la rompre en injectant de l’humour à bonne dose, puisque pas moins de 4 assassins potentiels se retrouvent dans le cabinet du docteur dans le but de le tuer ! Sur une musique de tango totalement déplacée, ce cabinet se transformant en hall de gare à suspects sous les yeux blasés de Dave and Mad’ est l’écrin rêvé pour un règlement de compte tiré vers la farce. La révélation de l’assassin est un maître coup, on applaudit. L’affrontement de David contre une des femmes semble bien licencieux, car ressemblant davantage à deux amants s’étreignant qu’autre chose. Quant à la bagarre finale, on se marre avec des projectiles hétéroclites qui chose curieuse finissent toujours par s’échouer sur Maddie, bien sale à la fin. Dave and Mad' étant officiellement bons amis, le romantisme n’a plus sa place. Stahl se débrouille en remplaçant les disputes homériques par de stimulants concours de vannes, et allant jusqu’à la limite autorisée (le baiser contourné). Malgré les événements des saisons précédentes, on marche de nouveau dans dans la tension sexuelle renaissante. Un épisode surprenant, intelligent, et divertissant, transporté par la mise en scène du brillant Allan Arkush, qui signe là sa dernière réalisation de la série. C’est l’occasion de saluer ici son grand talent de metteur en scène. Infos supplémentaires : - Excellente vanne : une des empreintes de nez que lance l’assassin sur David serait le modèle du nez de… Mark Harmon alias Sam Crawford dans la saison 3 ! - Le père d’Agnès était chauve. - David semble amateur de films X. Comme c’est curieux… - On entend dans l’épisode Plastic fantastic lover de Jefferson Airplane (au début de l’épisode et pendant la filature). Cette chanson est celle qui donne le titre de l’épisode. Le tango précité a pour nom La cumparsita. David chante un extrait de Iron man, chanson de Black Sabbath. On entend aussi le traditionnel Three blind mice. 5. LA GUERRE DES SEXES Scénario : Roger Director Réalisation : Artie Mandelberg
Je sais qu’elle meurt d’envie de m’étrangler parce que je ne sais pas mon texte.
- Vous êtes renvoyé !
- Vous ne pouvez pas me renvoyer.
- Alors, je vous suspends indéfiniment !
Parce qu’elle a refusé de coucher avec Gary Coombs, son patron, Robin Fuller est renvoyée de son travail. Furieuse, elle lui tire une balle dans le pied. Maddie Hayes accepte d’aider son avocate à réunir des preuves pour innocenter la jeune femme qui a subi ce harcèlement sexuel. Mais il se trouve qu’en même temps, David a accepté d’enquêter en faveur de Gary Coombs pour démontrer que son accusatrice est dérangée mentalement. Maddie et David sont donc entraînés dans une guerre des sexes à laquelle toute l’agence participe…
L’épisode apparaît comme un clin d’œil à une excellente comédie sur le sujet éternel de la guerre des sexes : Madame porte la culotte (1949) de Georges Cukor, où un couple marié d’avocats (Spencer Tracy-Katharine Hepburn) se retrouve à plaider dans le même procès : l’un pour l’accusation, l’autre pour la défense. Roger Director ravive ainsi la flamme conflictuelle entre les deux protagonistes. Mais encore une fois, les auteurs n’osent plus aller au bout de leurs idées, empêchant l’épisode d’atteindre sa pleine dimension. Entre Maddie et David, ça crépite, mais plus comme avant ; sans doute parce que les scénaristes, trop respectueux de leurs personnages, désormais plus « sages », ne veulent plus délirer comme avant. On le regrette pour cette série qui ne s'épanouit que dans l'excès. Qu’importe, Shirts and skins est un épisode très estimable. L’épisode souffre d’une structure bancale qui privilégie une seule enquête : on ne saura rien de l’enquête des femmes. On apprécie au moins la scène où David, déguisé en toubib, escorte un Herbert Viola sensé avoir une araignée dans le plafond pour pénétrer les dossiers secrets d’un hôpital. On est dans le retour aux sources avec Bruce Willis super décontracté, et Curtis Armstrong qui nous fait un numéro de fou vraiment tordant. Cela rappelle combien ce duo là est efficace, pourvu qu’ils aient un bon scénario sur lequel s’appuyer. Parallèlement, la guerre absurde entre employés autorise des jérémiades puériles tout à fait drolatiques. On retient surtout le jugement pour trahison d’Herbert pour avoir osé embrasser l’ennemi - Agnès - mené par ce régalant salaud de MacGillicudy (Jack Blessing s’amuse). Quant à David, on aime quand il rejoue avec succès le médiateur cool qui calme le jeu - avec musique ultra pompeuse à l’arrière-plan. La plus grande participation des figurants fait aussi plaisir à voir. La scène clé de l’épisode est le cambriolage de Maddie, inquiète que son subordonné ait trouvé des preuves pour l’écraser au procès. Du coup, elle se prend pour John McClane, et nous fait une petite cascade sur les toits... sur la musique de La Panthère rose, ce qui suffit à démolir joyeusement toute tension ! Ou plutôt, à la retarder, car c’est bien à la confrontation centrale avec David que tendait les vingt précédentes minutes. Chacun est en face de leur propre conscience, chacun a commis un vol. Leur relation étant totalement empoisonnée par l'incertitude et un platonisme non assumé, chacun rejette sur l’autre la faute qu’il a commise. Passer habilement de la scène d’action au drame romantique, voilà bien le genre de bascule qu’on affectionne dans cette série si variée. Cybill et Bruce maîtrisent leur partition, du plus petit mouvement de tête aux grands gestes expressifs. Le scénariste est sans doute conscient de la prévisibilité de son script : personne n’imagine que Coombs s’en tirera, et effectivement, l’arrivée d’un témoin de dernière minute n'est pas si inattendue. Director va donc nous donner une surprise qui consiste non dans le comment mais dans le pourquoi. Le retournement de veste miraculeux de David n’est pas dû à une crise de remords ou en une soudaine approbation de la cause adverse, mais bien à Maddie. Oui, il était prêt à dissimuler des preuves pour soutenir son client, comme tout enquêteur efficace doit l’être (pas d’émotions : on fait ce qu’on doit faire, pas ce que l’on veut). Mais il a la volonté d’être quelqu’un de bien pour elle, qui dans cette affaire est du "bon côté". Cela donne une conclusion shipper d’une douceur merveilleuse. Oui, il subsiste encore un peu de la magie romantique de Moonlighting, alors on ne se formalise pas trop du manque de délire qui aurait dû accompagner l’enquête. Comme dans The straight poop (saison 3), l’épisode nous offre à la fin un petit cadeau : un bêtisier amusant de scènes ratées de la saison 5. Enjoy ! Infos supplémentaires :
- Il y’a neuf employés dans l’agence Blue Moon : cinq hommes (Herbert inclus), et quatre femmes (Agnès inclus). - Le titre original provient d’une expression qui est utilisée dans quelques sports collectifs où deux équipes s’affrontent : au lieu que chaque équipe ait un maillot de couleur différente, l’une joue sans maillot, donc avec la peau à l’air (Skins), et l’autre conserve son maillot (Shirts). - Erreur : David laisse Herbert jouer au ping-pong une seule minute, mais Herbert prétend avoir gagné 15-13. Un point toutes les deux secondes, ce qui est physiquement impossible. Une autre erreur de continuité (mais celle-là peut-être intentionnelle dans un but comique) car la barbe de Bert a poussé en une minute entre le moment où il est surpris avec Agnès et le moment où David entre. - Herbert Viola a quelques talents de hacker. Il est au régime (David lui commande un gâteau à la banane). 6. LE BARRACUDA VIRE DE BORD Scénario : James Kramer Réalisation : Dennis Dugan - David, pour quelle raison dilapidez-vous votre salaire ?
- Il est trop petit !
- Eh bien Maddie, je ne sais pas quoi dire devant ce cadeau, je ne trouve aucun mot.
- Si j’avais su que ça vous rendrait muet, je l’aurais acheté plus tôt.
Betty Russell, dite « le Barracuda », est une avocate dont la spécialité est de ruiner les maris de ses clientes en cas de divorce. Alors qu’elle défend Lydia Craft qui veut divorcer de son mari Nathan, elle fait un infarctus, et échappe de peu à la mort. Cet événement la bouleverse et la pousse à quitter un métier où elle se montre trop cruelle. Elle demande à David et Maddie d’espionner la nouvelle petite amie de Nathan afin de savoir quels sont ses réels sentiments envers lui : si elle n’était pas sincère, alors Betty pourrait suspendre la procédure de divorce et donner à Nathan l'occasion de revenir auprès de sa femme, et Russell partirait en ayant ressoudé un couple. Mais l’investigation du fin duo prend vite un tour personnel…
Avec cet épisode, Clair de Lune revient brutalement au niveau des premières saisons. L’habile James Kramer change radicalement la donne en réégalisant les deux fronts de la série : enquêtes-relation David-Maddie, alors que le curseur depuis le début de la saison était tristement axé sur le premier élément. Cela fait plaisir de voir la série renouer avec ce qui a fait son succès. Les dialogues éblouissants et la tension sexuelle reviennent de plus belle, avec une savoureuse interrogation mutuelle des deux détectives sur les sentiments de l’autre. L’enquête est très réussie, avec un beau portrait de femme qui fait penser à un A propos d’Henry féminin. D’adroits rebondissements et de bons gags, sans oublier une des plus belles codas de toute la série, montrent que Moonlighting a encore de sacrés atouts à faire jouer ! Le début est très amusant avec une 7533e arrivée désopilante de David dans l'agence s'enchaînant à une discussion avec Maddie sur leur rapport à l’argent. Bon, on sait que Maddie est économe, et David non, mais la revisitation de ce point est bien traitée, notamment par un David écoutant à peine les conseils financiers de sa patronne. Après ce début joyeux, la lumineuse Colleen Dewhurst livre une superbe composition de femme cherchant la rédemption. Elle fait un contraste détonnant avec la scène d’introduction où elle réduisait en mille morceaux le mari de sa cliente. Passer de la cruauté à la gentillesse avec autant de naturel est une belle performance. On est sincèrement ému par sa volonté de quitter son ancienne vie sur une note charitable. L’épisode met en regard la difficulté du métier d’avocat, où l’on doit mettre toute morale de côté et accepter de semer le chaos quand cela est bon pour votre client, tâche à laquelle elle était une reine incontestée. L’enquête reprend sa juste place en étant un simple prétexte pour permettre des échanges brillants à notre duo gagnant. Toujours en désaccord parfait, Dave and Mad’ engagent de prime un ping-pong verbal très rapide où chacun a une interprétation différente - et crédible - du comportement du couple qu’ils espionnent. Sur ce point, Kramer connaît bien la série qu’il scénarise pour la première fois. Mais l’échange augmente d’intérêt quand ils se remémorent leur première rencontre et tous les défauts que chacun pensait de l’autre. Leur état d’esprit n’a curieusement pas tant changé que ça : leur période de couple (entre la saison 4 et la saison 5) se basait en fait sur l’acceptation des défauts de l’autre, une base plus solide qu’une simple passion charnelle (entre la saison 3 et la saison 4). Ce qui a échoué, c’est leur incapacité à communiquer. Or ici, ils trouvent enfin la bonne communication… mais renient leurs sentiments ! Il manque toujours quelque chose décidément. Cependant, l'on décèle une amélioration à l"horizon : ils se décident à faire des actes généreux l'un envers l’autre, et non plus de simples paroles. Une nouvelle étape. David est critiqué pour ne pas laisser suffisamment de place à sa partenaire, par exemple, être trop dominant dans les baisers. Cela nous vaut un des gags les plus géniaux de la série, parodie du baiser de Gérard Depardieu à Fanny Ardant dans l’incandescente Femme d’à-côté de François Truffaut, avec évanouissement de la femelle comblée. On retrouve cette outrance de la série qu’on aime tant. Pendant ce temps, Maddie rougit de ne jamais s’être montrée généreuse envers David. Du coup, après un clip où on la voit hésiter entre plusieurs cadeaux (pas toujours conventionnels, le coup du boa et des chaussures ridicules est à hurler de rire), elle offre un cadeau très cher à son associé chéri, mais vraiment cher. Ce qu’on aime chez nos personnages, c’est que quand ils veulent s’améliorer, ils le font très vite… et trop bien, si bien que l’effet produit est souvent l’inverse de celui recherché. C’est le cas encore une fois pour Maddie qui a tellement gâté David qu’il en a honte et va chercher à se débarrasser à tout prix de ce cadeau ! Mais sa tentative va foirer au-delà de toute espérance, et c’est ce pauvre Burt qui joue le dindon de la force. Ne vous inquiétez pas, le cadeau en question sera bien détruit à la fin, mais il aura droit à un enterrement de première classe au sens propre du terme ! L’enquête réserve son lot de surprises car chacun des membres du démentiel ballet à quatre cache un double jeu. Le plan diabolique du vrai coupable est très malin ; on regrettera simplement l’absence d’une poursuite finale. Mais le tag final emporte tout avec nos héros s’embrassant ENFIN avec passion pour la première fois depuis six épisodes. Ce baiser est très original car étant à la fois passionné, et preuve du changement de David qui laisse davantage « s’exprimer » sa partenaire. Ce baiser fantastique clôt magistralement cet épisode de la meilleure eau.
Infos supplémentaires :
- Aka. Faire et défaire. Le titre original de l'épisode déforme la "punchline" favorite de l'humoriste Henny Youngman, qui fut très populaire aux Etats-Unis (Now, take my wife, please). - David est né le 27 novembre (même jour que Jimi Hendrix). Tout comme Fox Mulder, il oublie souvent de rabaisser le siège des cabinets. On apprend qu’il est un amant « fantastique » (5 ou 6 actes sexuels par nuit), et Maddie aime l’entendre chanter sous la douche. - En plus de l'allegro vivace final de l'ouverture de Guillaume Tell de Rossini, on entend aussi Shop around de The Miracles. 7. LE MORT RÉCALCITRANT Scénario : Chris Ruppenthal
Réalisation : Paul Krasny
Et moi je dis, débarrassons-nous de ce client, dénudons-nous, et allons nous rouler sur ce tapis !
- Tournez-vous, les mains sur le mur !
- Mais je viens de le repeindre !!
Maddie entre dans son bureau pour se présenter à son nouveau client : Harry Stoffer, mais le problème est qu’Harry vient de mourir pendant qu'il l'attendait ! Peu après avoir été enterré, Winston Guy, ami du mort, vient leur rendre visite, et leur dit que chacun avait la moitié d’un billet de loterie gagnant. Il faudrait retrouver le morceau qu’avait Harry pour que lui et la sœur d’Harry, sa légataire, puisse toucher leurs gains. Maddie et David se rendent au cimetière pour déterrer le corps mais sont surpris par deux tueurs. C’est le début d’une monstrueuse embrouille pour nos héros…
Moonlighting is back ! C’est la pensée qui nous vient en tête avec cet épisode, le sommet de cette saison 5. Son délire maximal s’ancre dans l’ADN séculaire de la série. Chris Ruppenthal embarque nos héros dans une cavalcade totalement dingo, parodie sous amphets d’un des films les plus singuliers de Sir Alfred Hitchcock : Mais qui a tué Harry ? avec un cadavre encombrant (s’appelant… Harry !) dont Maddie et David n’arrivent pas à se débarrasser. L’enquête n’est que prétexte à des gags énormes, et à des sous-entendus sexuels craquants (notamment une scène de douche assez licencieuse). On se demande quand même ce que le scénariste a fumé comme substances illicites à la vision de la grande scène de fantasmagorie macabre qui termine l’épisode, débauche d’horreur comique que n’aurait pas désavoué Tim Burton. Une scène polémique chez les fans qui l’adorent ou la détestent, mais dont la folie couronne ce scénario givré, soutenu par la réalisation parfaite de Paul Krasny. La série retrouve avec plaisir un rituel laissé de côté depuis Big man on Mulberry Street (saison 3) : la dispute humoristique initiale. Maddie surprend David et les hommes de l’agence parler de leurs expériences de téléphone rose. Du coup, Maddie pousse une gueulante, David veut se justifier avec l’habileté qu’on lui connaît : les répliques claquent, les dialogues se chevauchent, la progression observée depuis Plastic Fantastic lovers trouve un juste résultat. Quant à l’affaire du jour, elle est plaisamment absurde avec un cadavre qui pousse nos amis à faire des truismes sur la vie et la mort qui déclenchent les rires. On retient surtout le moment où tous les employés sont pris d’un fou rire collectif quand les croque-morts arrivent ! Ce début décalé est très drôle, mais fait presque figure de tragédie à côté des péripéties suivantes imaginés par le scénariste maniaque. Il en est ainsi de la scène du cimetière où Maddie et David se retrouvent en une minute dans des emmerdes abyssales. On retrouve Délireman qui ne trouve rien de mieux pour détendre l’atmosphère que de massacrer des chansons à la grande horreur de Maddie… qui plusieurs gags plus tard se voit contrainte de chanter avec lui pour ne pas tomber dans la crise de nerfs. Les coïncidences à mourir de rire, et la manière déphasée de gérer de nos héros transforment cette situation noire en fête burlesque. Les deux tueurs confirment le retour aux sources car s’ils sont menaçants, ils sont aussi tellement caricaturaux qu’ils amusent plus qu’ils n’effrayent. Phillip Simms et Ron Howard George l’ont bien compris, et font partie de cette réussite. En continuant leur enquête, nos amis retombent… sur le cadavre d’Harry. Par-dessus le marché, voilà les tueurs qui reviennent. On est habitués à le dire depuis le pilote, mais notre duo a peu de concurrents dans le noble art de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. Nous aboutissons à une de ces scènes qui pourrait résumer Moonlighting à elle toute seule : une grosse dispute dans la voiture sous les yeux du cadavre en lunettes noires ! Le rebondissement central est très malin car il change le McGuffin en… un autre McGuffin. Comme quoi, l’auteur se fout vraiment de l’intrigue, et il a raison ! David ne trouve rien de mieux que de cacher le cadavre dans le congélateur de Maddie. Et qui c’est qui arrive à ce moment ? Les tueurs bien sûr ! Vous vous souvenez de Chuck Norris dans Invasion USA, quand il apparaît toujours au bon moment défiant tout crédibilité scénaristique ? Eh bien, on a un peu cette impression, sauf que dans Moonlighting, au moins, c’est un second degré assumé et riche en humour. Nous arrivons alors au premier climax de l’épisode, rentrant dans le top 3 des scènes les plus érotisées de la série (après le final de I’m curious… Maddie, et le deuxième rêve de Tracks of my tears) où Dave and Mad’, troussés comme des poulets prêts à rotir sous la douche, se libèrent de leurs liens grâce à un pastiche de rapport sexuel. Tout y est : faux baisers, fausse éjaculation, faux va-et-vient... Un remarquable passage « sexuello-loufoque ». On a de plus en plus la sensation que nos amis se comportent comme s’ils étaient mariés, le sexe en moins. Par là, leur relation, très John Steed-Cathy Gale puissance 1000, se mâtine de John Steed-Emma Peel par une alchimie plus douce. On en arrive à une des scènes les plus controversées de Clair de Lune : le cauchemar de Maddie. Hallucinatoire à 300%, sous acides à 600%, drôle et terrifiante à 800%, il tire sa source d’un classique du cinéma américain : Les chaussons rouges (1947) qui inclut une scène de ballet où l’héroïne danse sur scène dans un Pandemonium peuplé de monstres. Ce cauchemar est une sorte de Songe d'une nuit de sabbat berliozienne - le héros de la symphonie fantastique ayant comme Maddie la vision d’une orgie macabre. Maddie se trouve dans une espèce d’Enfer glauque (Black Moon) avec des visions d’horreur s’enchaînant à grande vitesse : cerbères bavants, tête d’Agnès ensanglantée, assemblée de squelettes, tous les monstres de mort sont convoqués dans une ronde infernale. Ronde qui peu à peu perd en frayeur ce qu’elle gagne en humour macabre quand Maddie danse le tango avec une créature des ténèbres ! On oscille sans cesse entre le rire et l’effroi, et on note l’apparition spectaculaire de David en grande faucheuse - une « idée fixe » semblable à la fiancée inaccessible de l’œuvre de Berlioz. La scène a aussi un arrière-texte psychanalytique caché : et si Maddie avait peur d’être « enterrée » par David ? Qu’à force de l’aimer en le niant, il ne finisse par la détruire ? Toujours cette pointe pessimiste que la série sait sortir au bon moment. La mise en scène de Paul Krasny est contestable : elle fait très série Z, se complaît dans une vulgarité permanente… mais justement, cette réalisation criarde, au filtre rouge-vert d’une rare laideur, est parfaite pour montrer les émanations du cerveau en roue libre d’une Maddie au bord de l’épuisement mental. Elle désamorce aussi l’horreur pour maintenir cet épisode délirant dans l’humour. Cybill Shepherd est au poil en victime sacrificielle, et Bruce Willis brillant en Mort inexorable. On hait ou on adore, il n’y a pas de juste milieu possible. Personnellement, j’adoooore ! Ruppenthal a tellement bourré cet épisode qu’à la fin, il ne dispose plus de temps, et doit donc expédier son épilogue en trois minutes, ratant le tag final au passage. Mais on lui pardonne, car ça faisait longtemps qu’on avait plus assisté à un aussi splendide torrent d’idées. Pour finir, la musique d’Alf Clausen est de nouveau d’une qualité singulière pour un simple épisode de série, on vibre à chaque son. BRAVO !
Infos supplémentaires :
- Aka. Le revenant. Le titre de l'épisode vient d'une comptine que chantent les enfants américains quand ils sautent à la corde : I see England, I see France, I see [insérer un nom]'s underpants ! - David compare Maddie à Honey West dans la scène du parking. Honey West (1965) est la première série télévisée où le rôle principal est féminin. - On entend dans l'épisode La marche funèbre pour une marionnette de Charles Gounod, Cabaret de John Kander et Fred Ebb, Shall we dance du duo Rodgers-Hammerstein II, et Hell bells d'Art Kassel. 8. ÉCHEC À LA MARIÉE Scénario : James Kramer et Chris Ruppenthal Réalisation : Dennis Dugan - Oh, les gars, qu’est-ce que vous branlez ?
- David, surveillez votre langage ; il est dimanche, il est 8 heures, et des enfants regardent la télé !
- Vous savez ce qui me dégoûte ?
- Oui, les toilettes pour homme dans la gare centrale de New York.
Carla McCabe refuse la demande en mariage de son petit ami, Richard Addison, au motif que son associé dans une agence de mannequins, Benny Largo, l’a évincée et ruinée. Richard demande à son frère et à Maddie de retrouver Benny Largo, sans savoir que l’élue de son cœur dissimule quelques squelettes dans son placard…
Louable idée que de faire revenir le frère de David. Mais Kramer et Ruppenthal commettent l’erreur de se baser sur une seule idée : la rivalité fraternelle entre David et Richard. Glenn Gordon Caron avait déjà bien exprimé ce lien dans Brother, can you spare a blonde ? (saison 2), et cet épisode n’apporte pas grand-chose de plus. Il y’a quelques belles scènes entre les deux frères, mais l’ensemble est grévé par un scénario hors sujet avec l’âme de la série. On ne s’ennuie pas durant cette enquête rythmée, mais on ne s’intéresse simplement pas à une investigation trop sérieuse. Par-dessus tout, le duo David-Maddie ne produit pas d'étincelles : on a l’impression de suivre deux collègues faisant ensemble leur job, c’est tout. Enfin, on doit avouer que la machination du jour est sacrément tarabiscotée. Encore une fois, ce sont quelques scènes assez pétillantes qui vont sauver cet épisode, équivalent des Anges de la mort des Avengers avec une galerie fort fournie de jolies filles ! L’épisode commence par un gag de 4e mur aussi délirant que l’on puisse imaginer. Rien de moins que l’absence du chanteur Al Jarreau dans le studio. Du coup, impossible de lancer le générique ! Maddie et David vont donc tour à tour massacrer la chanson avant que Viola ne sauve le tout. Il s’agit de la dernière introduction de ce type dans la série, on le regrettera. Pour son dernier tour de piste, les auteurs rendent hommage au frangin en lui donnant un rôle aussi important que le duo. Charles Rocket se montre à la hauteur, mais en amoureux passionné, il est quand même moins intéressant qu’en opportuniste bêta. En fait, Ritchie ne prend sa valeur que par sa relation problématique avec son frère. Le regard des auteurs sur David est inhabituellement féroce. Décrit comme un égoïste méprisant, ce dernier ne cesse de se dérober aux appels à l’aide de son frère. Remarquable est à cet égard la scène où il joue les oiseaux de malheur, secrètement satisfait de le blesser ou de trouver le premier prétexte pour lever les poings. Le remake de la bagarre dans le salon de Maddie dans T’as pas une blonde ? (saison 2) apparaît bien inférieur. Richard - qui possède curieusement le même caleçon à pois rouges que son frèrot - se montre plus sympathique et courageux dans l’expression de ses sentiments que ce dernier. Il n’hésite pas à déclarer sa flamme à Carla (Rita Wilson, très convaincante), là où Maddie et David, après cinq ans à se fréquenter, continuent de nier la nature de leur lien. L’ambiguité de Carla sème le trouble, on sent confusément qu’un jeu de manipulation est en cours. Le problème est que tous ces atouts se voient gâchés par un traitement scénaristique insoluble dans l’esprit de la série. Les personnages n’ont pas assez d’envergure, leurs pérégrinations ne débouchent que sur du vide. Elles ne s’enchaînent d’ailleurs que grâce à des quiproquos pas crédibles. Que le méchant se trompe aussi longtemps sur l’identité de David est une grosse ficelle. L’histoire ne décolle que dans la… dernière scène, et encore, c’est seulement en surprenant les coupables par hasard que l’enquête se résout. On a vu nos amis plus en forme. La réconciliation des deux frères est un beau moment : David avoue accidentellement ses sentiments en ne pensant qu’à venger un frère qu’il croit mort. Puis, la scène de prison où ils plaisantent et rient, réussie sur le fond mais inopérante sur la forme par son humour raté. On préferera donc la dernière scène où ils font les dingues dans toute la ville, Richard trouvant ainsi une consolation à son chagrin. Une fin idyllique. Une ribambelle de jolies filles orne l’épisode. David se fait passer pour l’imprésario de Maddie qui prétend vouloir revenir à son ancienne carrière. Mais la sublime Maddie, 38 ans, est maintenant trop « vieille » et surtout « démodée », ce qui douche son enthousiasme. Certes, elle faisait semblant, mais c’est un bon gros coup que se prend son ego, et une critique envers notre société de plus en plus "jeuniste". La meilleure scène de l’épisode est certainement David s’improvisant mannequin. Les différentes séquences avec les bombes sexuelles derrière sont toutes hilarantes. La scène où l'une d'entre elles (Debra Stipe) s’offre à lui comme « cadeau de bienvenue » est surprenante : l’un des plus grands hédonistes-jouisseurs des séries télé refuse poliment ses avances pour rejoindre Maddie. Sous-texte : Maddie serait-elle désormais la seule femme à compter tant pour David qu’il refuse ce plaisir ? Une interrogation délicieuse qui en dit long sur l’évolution du personnage. Plus négativement, la jalousie de David envers le bonheur de son frère transparaît dans la scène de voiture. Il est ironique que Maddie le lui signale alors qu’elle-même n’a pas cessé de saborder leur histoire commune ! Pourtant, ils continuent de se comporter comme en couple, notamment la scène de massage, plaisant malentendu mais révélateur. On saluera en passant quelques scènes très drôles avec Burt et Agnès qui, surmenés de travail, tentent de décompresser en essayant (vainement) de faire l’amour dans les bureaux de l’agence… y compris dans celui de Maddie. Qu’ils sont mignons !
Infos supplémentaires :
- Aka. Des mannequins sans scrupules. Le titre de l'épisode pastiche celui du film Those lips, those eyes. - David sait danser la samba, mais pas trop le cha-cha-cha. Il donnait des cours de danse plus jeune pour se faire un peu d’argent, tandis que son frère donnait des cours de dactylo. - Dans la première scène, Richie dit que b-u-t ("mais" en anglais) sont les trois mots les plus insidieux de la langue anglaise. Bien entendu, il faut comprendre les trois lettres les plus insidieuses. - On entend dans l'épisode (entre autres) Love is like a heatwave de Martha & the Vandellas, Girls, Girls, Girls d'Elvis Presley, Sex machine de James Brown, I only have eyes for you des Flamingoes, The shoop shoop song, Take time to know her de Percy Sledge. Richie fredonne Chapel of Love des Dixie Cups, et David Blue velvet de Bobby Vinton. 9. L'HOMME QUI VOULAIT ÊTRE CÉLÈBRE Scénario : James Kramer, Chris Ruppenthal, et Jerry Stahl, d’après une histoire de Jeff Reno et Ron Osborn Réalisation : Gerald Perry Finnerman - J’avoue que si je n’avais pas fait ce métier, vous m’auriez manqué, Agnès. Et aussi Viola, MacGillicudy, et tous les autres ; quoique pour l’instant je leur tordrais bien le cou à ceux-là.
- Et à Mr.Addison ?
- Ah lui, y’a pas que son cou que j’aimerais tordre !
- David, nous nous occuperons pas de cette affaire.
- Mais virez-là de ce feuilleton !
Brock Ash, la cinquantaine, va bientôt mourir. Attristé de quitter ce monde sans avoir « compté », il demande à l’agence Clair de Lune de l’aider à divulguer au monde entier le crime parfait qu’il a commis il y’a 25 ans en faisant un vol spectaculaire dans un musée. Ainsi, il pourrait partir en étant « célèbre ». David et Maddie partent à la recherche de Duncan Kennedy, l’ancien gardien du musée et l’unique témoin qui pourrait corroborer cette histoire. Mais rien ne va se passer comme prévu…
Malgré son originalité de départ, l’argument de Jeff Reno et Ron Osborn s’épuise dès les premières lignes. L’épisode fait s’enchaîner mollement des scènes dépourvues d’intérêt. On a rarement vu une enquête aussi plate, même à l'échelle de Moonlighting. Il est tout aussi triste de voir le duo d’auteurs qui nous a offert des joyaux comme Witness for the execution et Atomic Shakespeare, nous quitter avec ce script fade. A leur décharge, le trio Kramer-Ruppenthal-Stahl ne fait absolument rien pour relever le niveau de cette sous-histoire. La relation David-Maddie retourne au point mort, alourdie de flagrantes contradictions psychologiques. L’épisode rejoindrait le champ d’honneur des plus grands ratages si le quintette de scénaristes n'avait laissé libre cours aux folies du délirant Herbert Viola, plus que jamais l’ultime rempart contre la lassitude qui commence à s’installer. Si Bruce Willis et Cybill Shepherd sont égaux à eux-mêmes, ils n’ont malheureusement que des dialogues certes enlevés, mais creux et ronflants à nous donner. Seuls leurs impressionnants jeux d’acteur parviennent à empêcher le spectateur de bailler d’ennui. Leurs disputes sur leurs morales bien différentes, archi-rebattues, crispent vite par l’inanité de leurs déclarations. On a l’impression de regarder une pâle copie des disputes légendaires des saisons précédentes. Surtout, ils font un revirement hors-sujet sur leur relation : Maddie se débarrassant de ses tourments pour rejeter toute la faute sur David - alors qu’elle avait accepté précédemment le partage des torts. Ce dernier avance par ailleurs des explications complètement fausses sur l’échec de leur relation, les réduisant à leur addiction aux éclats de voix, oubliant que c'est au contraire leur mode de communication naturel entre eux. Les épisodes précédents et l’envoyé du Créateur dans A womb with a view l’avaient rappelé. A croire que les scénaristes ont oublié de se relire ! La seule réplique échappant à cette purge est Maddie avouant à Agnès qu’elle aurait « du mal à travailler si David n’était pas là pour lui compliquer la vie ». Insuffisant. L’enquête s’embourbe dans une investigation routinière bavarde à l’excès : l’exposé de l’affaire, le désaccord David-Maddie, la conversation avec le gardien… tout est lourd, empâté, pesant. Il n’y a aucune action - même le rebondissement de la chute mortelle ne décolle pas la machine. Tim Thomerson peine à donner vie à son personnage avide de célébrité. L’amour de la célébrité, qui tente tout homme, cherchant à tout prix d’avoir son quart d’heure de gloire Warholien, est un concept correctement traité, et permet les meilleurs échanges (façon de parler) entre les personnages. Il faut attendre le peu crédible twist final pour qu’on s’intéresse enfin à l’histoire, mais à ce moment-là l’épisode est presque fini. Heureusement l’agité du bocal Herbert Quinton Viola sauve d’extrême justesse la mise. En totale roue libre, il nous fait des numéros d’enfer, dont le moindre n’est pas son incarnation d’un évêque italien qu’on croirait en plein trip d’acides. La joyeuse bataille de boules de papier dans l’agence, qu’il enclenche involontairement, est pleine de cet esprit de folie que l’on aime tant dans Moonlighting. Il est également mémorable en orateur pompeux et grandiloquent, improvisant difficilement son texte, quand il s’adresse aux journalistes. Que dire aussi de son numéro dans le tag final - une des seules scènes totalement réussies de l’épisode - quand il se mue en imprésario mielleux et cabotin. Dans tous ces multiples rôles, Curtis Armstrong, lutin sautillant, fait preuve d’une jubilatoire vis comica. Mentionnons la délirante course-poursuite finale avec des véhicules transformés en objet d’art hétéroclites. Ah, si tout Perfetc avait été comme ça... L’épisode nous quitte cependant sur de l’humour rayonnant et une touche de romantisme, David invitant Maddie pour un séjour à Paris (qu'on ne verra hélas pas). Mmmm, délicieux ! Infos supplémentaires : - Aka. Le crime parfait. - Le grand-père de Maddie était patron d’un grand cabinet d’agents de change à Chicago. Il est mort à 97 ans. - Erreur de continuité : en seulement sept secondes, l’horloge de l’agence passe de 9h15 à 9h17 ! (Première scène avec Maddie et les employés). - On entend dans l'épisode trois thèmes de série télé : Mission : Impossible, Dragnet, et Jeopardy ! 10. ANNIE, MADDIE, JALOUSIE
Scénario : Leo Tecate (pseudonyme de Merrill Markoe), d’après une histoire de Charles H. Eglee et Leo Tecate
Réalisation : Dennis Dugan
- Bert, je vais être franc avec vous, je ne voudrais pas vous gruger, vous avez déniché cette affaire, c’est donc à vous de la résoudre.
- Mais je ne voudrais pas retirer toute la gloire pour moi seul.
- Non, non, non, non, non, à vous les honneurs ; moi, je me contenterai de l’argent.
Crois-moi, sortir un soir avec David Addison ne sera pas un stimulant pour l’intellect.
Lorraine Anne Charnock (dite Annie), cousine de Maddie, débarque à Los Angeles pour quelques jours. Ravies de se retrouver, les deux cousines sortent et s’amusent. Mais lorsqu’Annie et David se rencontrent, une attirance naît entre eux. Le problème est qu’elle est mariée, et que Maddie verrait d’un mauvais œil cette relation…
When girls collide va malheureusement sonner le glas de la série par son nouveau choix scénaristique désastreux, qui va l'enterrer définitivement. Nos auteurs semblaient avoir trouvé un semblant de panacée pour maintenir David et Maddie dans une tension sexuelle : les décrire comme un couple marié, le sexe en moins, et les voir hésiter de nouveau à faire le premier pas. On ne comprend alors pas du tout pourquoi Charles H. Eglee - qui signe ici son dernier et plus faible scénario - et Merrill Markoe démolissent cette fragile mécanique, anéantissant tout espoir de resurrection de la série, et rendant caducs les efforts démesurés des auteurs en cette saison. Après Sam, Walter, et Terri, ce n’est rien moins que la quatrième fois qu'un tiers vient perturber la relation entre David et Maddie, et c’est une fois de trop : l’arrivée d’Annie n'est rien moins qu’un transposé en plus raté de l’arc Sam Crawford. Outre cette ânerie stratégique, l’épisode est un néant scénaristique total, qui laisse encore plus effondré que le précédent. L’épisode a cependant un sacré atout dans sa manche : sa guest star. Car Annie a les traits de Virginia Madsen, à la sensualité exacerbée, au jeu d’actrice énergique et pétillant, et au « feeling » étourdissant avec Bruce Willis... si étourdissant que - en toute objectivité - ce couple semble encore plus fusionnel que David et Maddie ! En désacralisant le fondement de la série, cela achève de la couler, ou comment l'atout de l'épisode se retourne contre lui par excès de virtuosité. Néanmoins, la réalisation de Dennis Dugan est une belle déclaration d’amour aux 80’s et à la ville de Los Angeles, ici bellement filmée. L’épisode surprend aussi par le changement de comportement de David et Maddie. Dans les quinze premières minutes, une séquence seulement retient l’attention : celle où David échange un long, très long, très très long, mais alors TRES TRES TRES LONG regard avec une femme dans un ascenseur. La femme en question n’étant autre que Demi Moore, compagne de Bruce Willis à l’époque, on apprécie cette collusion entre la fiction et la réalité - qu’on retrouvera aussi dans l’excellent Hollywood A.D des X-Files avec la visite surprise de Tea Leoni, femme de l’interprète de Mulder à l’époque. Pour le reste, on est certes scotchés par l’apparition d’Annie, certainement la guest star la plus sensuelle de toute la série, mais l’ennui, c’est qu’il ne se passe rien, si ce n’est des discussions convenues entre les deux cousines. Phénomène remarquable : David change du tout au tout : il arrive en avance, se montre d’une galanterie sincère, ne sort aucune plaisanterie salace... Maddie en est la première surprise, mais met ça sur le compte de sa gentillesse, de sa volonté de ne pas choquer sa parente. Pourtant, un tel changement chez un homme pour qui la finesse a rarement été la tactique de séduction préférée ne peut a priori s’expliquer que parce que cette femme le trouble : d’ailleurs, il est bien moins tchatcheur, et fait parler plus son corps que sa bouche. On comparera les deux slows : celui avec Maddie est amical, souriant, doux, celui avec Annie est plus chaud, intime, sexuel même. D'où un réussi suspense sentimental (bien que malvenu à ce point de la série) : vont-ils s’embrasser ? La boîte de nuit de l’époque, la trompette érotique, les slows… tout concourt à nous faire basculer dans les rugissantes eighties. Un cachet qui a beaucoup de charme, et que capte superbement Dennis Dugan. La sortie nocturne dans les rues de L.A. où David et Annie s’amusent comme des petits fous dégage une allégresse bienvenue, conclue par un tendre baiser. Le duo est fantastique, rien à dire, mais cette description simple d’un parcours de séduction ne peut remplacer un vrai scénario, et au bout d’une demi-heure, c’est bien simple : Merrill Markoe ne nous a absolument rien raconté. On retient cependant un discret et malin cassage de 4e mur : quand David et Annie achètent des ballons de baudruche, on aperçoit sur la vitrine du magasin derrière une affiche de… Die Hard ! Le premier succès sur grand écran de Bruce Willis était sorti en effet l’année précédente. On croit à une relance lorsque Maddie, qui découvre le rapprochement entre son associé et sa cousine, se dispute avec le premier, avec un joli ping-pong verbal. Mais l’épisode retombe vite dans le brassage de vent avec la désastreuse scène de l’hôtel qui finit en queue de poisson l’enquête du jour. L’affaire Sapperman n’ayant pas tenu plus de cinq minutes, il aurait mieux valu supprimer cette intrigue qui ne sert qu’à donner un rôle à Herbert Viola. Viola, d’ailleurs, s’autocaricature lors de l'interminable scène du court-métrage (le cabotinage de Curtis Armstrong est cette fois épuisant et irritant). Et si on attendait une grande scène de dispute façon screwball comedy lorsque Maddie découvre la « concrétisation » de Annie-David, on sera fort déçu, l’épisode ne prenant même pas la peine de s’étendre sur ce sujet. Sauf dans l’épilogue final, d’une insigne lourdeur. On tient là certainement le scénario le plus vide de la série. Le spectateur s’interroge sur les réels sentiments des personnages mais les auteurs ne savent plus du tout comment les décrire. Le spectateur SAIT que David aime Maddie et Maddie aime David. Alors comment expliquer cette passade amoureuse ? Est-ce un moyen pour David d’attirer la jalousie de Maddie et la forcer à faire le premier pas ? Maddie est-elle réellement jalouse ou inquiète que sa cousine subisse les mêmes ravages qu’elle a eus quand elle était avec David ? Cette confuse sarabande de sentiments est très énervante, car signe que la série marche maintenant en pilotage automatique : il n’y a plus de cohérence, les scénaristes sont perdus et ne connaissent plus leurs personnages. Les épisodes suivants maintiendront ce pathétique cache-misère, qui aboutira à un des finales les plus désastreux de l'histoire des séries télé. Infos supplémentaires : - Aka. Tendres cousines. - Agnès fait référence à Elliot Ness (Les Incorruptibles), pour décrire le comportement justicier de son cher et tendre. - L’ombre de la caméra est visible sur le dossier du fauteuil de Maddie quand Agnès exprime ses inquiétudes envers elle. Erreur de montage lors du baiser Annie-David : on la voit un moment poser la tête sur son épaule ; au plan suivant, elle l’embrasse. - L’épisode est dédié à la mémoire de Clint Althouse. Clint Althouse était un perchiste, mais qui n’a curieusement jamais travaillé pour la série. 11. LE JURÉ DISSIDENT
Scénario : Marc Abraham
Réalisation : Christopher T. Welch
- Ah, tu me rends folle, tu as fait de moi une vraie cochonne. Oh, dis-moi c’que tu veux que je fasse ?
- Fais-moi penser à réparer la fuite d’eau dans tes toilettes.
Défendez notre pays, le seul au monde où une personne est innocente tant qu’on a pas prouvé le contraire… en dehors du Canada, des pays d’Europe et d’autres... sûrement l’Australie, mais là, j’suis pas sûre.
Agnès a été désignée comme jurée d’un procès : John Gibson, co-dirigeant d’une société, est accusée du meurtre de sa collaboratrice, Kathleen O’Rourke, avec qui il entretenait une relation conflictuelle, proche de David et Maddie. Toutes les preuves sont contre lui, mais Agnès vote non coupable car elle a un doute. Elle bloque ainsi totalement le verdict. Elle s’attire les foudres des autres jurés et celles d’Herbert, qui a organisé une fête avec les 83 membres de sa famille paternelle, et veut absolument qu'elle vienne car sa famille pense qu’Agnès n’existe pas…
Apparemment, il va falloir attendre un peu avant d'entamer la deuxième partie de l'épisode précédent. Les auteurs ayant décidé d'asticoter les fans en insérant entre les deux parties un épisode centré sur Bert et Agnès ! C'est culotté, et jusqu'à présent, seule l'hypertrash South Park a osé faire une chose pareille (le "poisson d'avril" ouvrant la 2e saison retarda la résolution du finale de la saison 1). David et Maddie nous offrant des spectacles de plus en plus affligeants, Agnès et Herbert deviennent illico ce qui reste de meilleur dans cette période de fin de règne. En effet, In n’outlaws confirme un principe majeur des séries télé : des seconds rôles en or massif peuvent venir au secours de premiers rôles fatigués. Dans le désastre ambiant des derniers épisodes, c'est le seul à surnager. Le scénario de Marc Abraham fait cohabiter deux histoires drôles : Agnès jurée, et la fête de Bert, le tout pour un résultat fort réussi. L’intro est pleinement comique où des pas menaçants résonnent sous la musique des Dents de la mer… avant qu’on s’aperçoive que l’inquiétant individu n’a absolument rien d’inquiétant ! Le quiproquo absurde où Agnès croit que Bert va la quitter est également pétillant, grâce au cabotinage impressionnant des deux acteurs, en totale roue libre. Leurs chamailleries dans l’agence (Je vais le dire à MacGillicudy !) sont typiques de ce couple si mignon. Agnès et Bert, injustement mésestimés par les fans, sont pourtant restés jusqu’à la fin une des rares valeurs sûres de Moonlighting.Après Le facteur sonne toujours deux fois (1946), La vie est belle (1946), Luke la main froide, et Casablanca, c’est au tour du classique de Reginald Rose et Sidney Lumet d’avoir droit à son petit pastiche : la situation d’Agnès, unique jurée votant non coupable, et bloquant ainsi le verdict dans une affaire d’assassinat, rappelle en effet 12 hommes en colère. On s’amuse des délibérations avec Agnès seule contre tous. Mais Allyce Beasley n’étant pas Henry Fonda, la situation est inversée et ce sont plutôt les 11 jurés en colère qui tentent de la convaincre ! L’ignorance intégrale d’Agnès en matière du droit le plus élémentaire est aussi drôle que son idéalisme est émouvant. Sa ferveur à rendre une justice réfléchie, d’être une citoyenne modèle sonnent juste car l’auteur a la fine idée de pousser au maximum les dialogues clichés de ce genre de situation pour donner autant un décalage comique que défendre des idées sérieuses. A ce titre, sa tirade enfiévrée sur une musique patriotico-pompeuse faux-cul, est un des grands moments de l’épisode. Les jurés, tout comme ceux de la pièce (et du film), sont des citoyens comme vous et moi, mais qui égoïstement, cherchent à écourter le verdict pour vaquer au plus vite à leurs occupations. Finalement, l’âme d’enfant d’Agnès se montre plus humaine et plus pure que celles de bien des adultes. Bert en particulier, lors de l’excellente scène de la fenêtre, puis des toilettes, où il se comporte aussi comme tel. L’episode est surtout renommé pour le songe d’Agnès, la « couch scene » où elle transpose l’affaire en cours en mettant les visages de Maddie, David, et Herbert. Cela nous vaut donc une étreinte fougueuse entre Dave and Mad’ (si vous ne bavez pas à ce moment-là, vous n’êtes pas un fan de la série), plaisamment inattendue… puis Bert qui s’la joue macho italien avec une Maddie totalement sous son charme, un déphasage sidéral ! C’est toutefois la fête familiale des Viola qui déchaîne le plus de rires. La valeur si américaine de la bonne vieille famille traditionnelle est copieusement dézinguée à coups de Grosse Bertha, tant chacun des membres de la famille de Bert vogue au-delà de la caricature. Dans la famille italienne de Bert, les liens du sang sont si forts que même la famille Corleone en serait jalouse. C’est une mafia familiale : le père patriarche très à cheval sur les traditions, le cousin poil à gratter, la grand-mère élevée au rang de déesse intouchable, les frères, sœurs, cousins pique-assiettes et profiteurs, sans oublier l’obèse cousine italienne, qu’on veut fiancer au rejeton indigne de la famille. La scène où ils dansent une tarentelle burlesque qui expédie notre héros dans le décor est un gros fou rire. Les différents gags comme le glaçon en forme d’Italie (Mais où est la Sicile ???!!!!), ou l’humiliation publique de Bert ponctuent cette fête cauchemardesque. L’enquête de Bert avance à un rythme plaisant, et nous fait savoir que ce dernier a d’étonnants « informateurs ». La scène de révélation où Herbert dévoile devant la cour toute la machination de l’assassin est un bon moment de folie douce. Bert est obligé de faire des scènes d’action dans lesquels il n’est pas du tout crédible ; on est pour le coup assez proches des cascades délirantes des Marx Brothers ! La réalisation de Christopher T. Welch est bien dynamique. In n'outlaws n’est cependant pas parfait, il y’a quelques temps morts, et on se demande bien à quoi servent les cinq dernières minutes, totalement inutiles. L’épisode aurait dû s’arrêter après le verdict final, car ensuite, on s’ennuie pas mal devant une coda qui se prolonge à n’en plus finir. Mais nous quittons toutefois nos héros sur une chaleureuse image, bien réconciliés, qui clôt le dernier bon épisode de la série.
Infos supplémentaires : - Aka. Hors-la-loi. Le titre de l'épisode détourne une populaire chaîne de production d'hamburgers californienne : In n'out Burger. - A noter que Robert Webber, qui joue le père de Maddie dans la série, a participé au casting de 12 hommes en colère (c'est le juré n°12), auquel l'épisode rend hommage. - La famille Viola, d’origine italienne, compte (au moins) 83 membres et rien que du côté paternel ! Herbert Viola va avoir 35 ans. - Agnès parle italien. Pourtant, elle me semblait pas le comprendre dans La fiancée de Tupperman (saison 2). L'aurait-elle apprise entretemps ? - En plus du thème des Dents de la mer de John Williams, on entend dans l'épisode : Volare de Domenico Modugno et Franco Migliacci, That's amore d'Harry Warren et Jack Brooks, My country 'Tis of thee, et Lady of Spain. 12. PETIT MEURTRE DE NUIT
Scénario : Barbara Hall
Réalisation : Jay Daniel
- Qu’est-ce que David vous a apporté ?
- Des séances hebdomadaires à 200 $ sur un divan.
- Inspecteur Donnigan, je suis le garde du corps de Mlle Hayes.
- En ce qui concerne le corps que vous devez garder, vous avez plutôt de la chance.
Maddie Hayes est témoin d’un meurtre dans un parking, et manque elle-même d’être assassinée. Elle est placée sous la protection de l’inspecteur Donnigan, mais Bert a des soupçons sur lui. Pendant ce temps, Annie et David emménagent ensemble…
Les scénaristes, lessivés et hors service, n’ont même plus la force de sauver les apparences, et se hâtent même de couler le bateau. Ils ont perdu l’humour, la fantaisie, la tension sexuelle, la justesse psychologique, l’imagination… la série n’est plus que l’ombre d’elle-même et meurt petit à petit, étouffée par des auteurs en panne sèche. Barbara Hall avait plutôt bien commencé son histoire, avec des scènes de tension dans le triangle Maddie-Annie-David, et quelques jolis instants de romantisme entre ces deux derniers. Hélas, l’épisode dévie inexplicablement de sa trajectoire et se crashe sur l’enquête du jour, une des plus faibles de toute la série, et même pas résolue par nos héros, sagement spectateurs tout le long. Cette série de scripts médiocres - interrompue seulement par « l’interlude » In’n outlaws - ne bénéficiera pas d’un miraculeux regain comme en saison 4. Elle ne pouvait mener logiquement qu’à l’annulation d’une série certes géniale et révolutionnaire, mais ayant duré trop longtemps. Le début tranche avec l’atmosphère lumineuse de la série par cet assassinat dans un parking, sous un ostinato inquiétant et entêtant d’Alf Clausen qui hante l’épisode. Excellente séquence initiale où Maddie tente de repousser son agresseur. C’est malheureusement le seul pan de l’enquête qui intéresse vraiment. Le reste en effet, se résume à la protection rapprochée de Maddie par un inspecteur qui se veut ambigu mais qui a le défaut d’être totalement lisse. Joseph Hacker est d’ailleurs transparent d’un bout à l’autre ; on se demande vraiment ce que Maddie peut lui trouver. Ok, on sait que son célibat lui pèse - voir ses réflexions dans When girls collide - mais est-ce une raison pour s’intéresser à quelqu’un d’aussi oubliable ? Cela ne rend que plus étincelant la tendresse entre David et Annie, dont les cœurs battent à l’unisson. Outre que Virginia Madsen est sexy à tomber, vêtue d’une chemise de nuit qui laisse ses jambes dénudées, le courant passe superbement avec Bruce Willis. La scène du canapé, mélange de Tex Avery et de romantisme, est de loin la meilleure de l’épisode. Le fait qu’Annie envisage de plus en plus d’abandonner son mari pour David est remarquablement interprété par la comédienne qui a une nature finalement assez proche de son personnage : intense, impulsive, full of love, and ready to risk it all if I have to comme elle le déclara dans une interview. Ce tempérament est cousin de celui de David, à l’inverse de son mari stable et tranquille : chaotique, surprenant, débridé… elle aime être ballottée dans ce tourbillon d’inattendu et de plaisir que lui offre David. Si Mark a le rôle du « faux David » de Tracks of my tears, ce n’est pas un hasard, Annie étant dans la position de Maddie en saison 4, entre un mari stable et ennuyeux et David. Mais la série ne fait que ressasser ce que l’on sait déjà. Pire, elle renoue là avec le soap opera, genre qui ne lui va pas du tout. Barbara Hall ne respecte pas du tout les personnages, ou du moins leur fait porter tellement de masques qu’on ne sait plus du tout à quel jeu ils jouent ; on est même pas sûr que l’auteure le sait elle-même ! David prétend qu’il ne se préoccupe pas de Maddie, Maddie pense que David veut se débarrasser d’elle pour voir Annie plus souvent, David pense que Maddie se comporte en désespérée, Maddie pense que David ne sait amener que le chaos, etc. le tout sans savoir s'ils le pensent vraiment car les scénaristes ont totalement perdu le contrôle sur eux. Autant de faux-fuyants, de questions accumulées qui n’obtiennent aucune réponse. When girls collide irritait déjà par ce défaut, mais Eine kleine nacht murder ne fait que l’accentuer davantage. A l’exception du trio de comédiens, toujours impeccable, il n’y a rien à sauver. L’enquête est une catastrophe, car on ne parvient jamais à s’inquiéter pour Maddie. La présence fixe du fadasse inspecteur suffit pour casser toute tension. La coda est décevante par la non-implication de nos héros dans l’affaire, qui laissent sagement le SWAT résoudre ça tout seul. Les méchants du jour n’ont pas une once d’épaisseur, et ont beau cabotiner, ils sont plus ridicules qu’autre chose. Le tag passe aussi à la trappe. Avec cet épisode, l’électrocardiogramme de la série devient désespérément plat ; il était décidément temps d’arrêter les frais. Infos supplémentaires : - Le titre de l’épisode détourne une des plus célèbres œuvres de musique classique : La sérénade pour cordes en ré majeur KV525 dite « Eine Kleine Nachtmusik » (Petite musique de nuit en français) de Wolfgang Amadeus Mozart. - Quelques laissez-aller scénaristiques : David précise à bien à Herbert que la voiture à rechercher est couleur argent, mais Bert la décrit à la police comme étant blanche. Pareillement, David demande à Maddie de se cacher sous le lit, mais quand il arrive, elle est près de la fenêtre ! - Quand le SWAT fait irruption chez Maddie, la musique est celle de la série.. SWAT ! 13. ÉCLIPSE DE LUNE
Scénario : Ron Clark
Réalisation : Dennis Dugan
Je ne sais pas comment vous le dire, mais votre série… est annulée !
Agnès et Herbert annoncent leur mariage. Mais Herbert, paniqué et peu confiant, n’est pas le plus enthousiaste. En plus, un homme étrange ne cesse de le suivre partout. Mark, le mari d’Annie, revient, et David doit prendre vite une décision. A la fin de l’épisode, nos héros découvrent, horrifiés, qu’ABC a choisi d’arrêter la série…
Unanimement haï par les fans de la série, considéré comme l’épisode le plus catastrophique de la série, et par là comme un des finales les plus ratés de la télévision, Lunar Eclipse invite pourtant à un jugement plus nuancé. La scène finale est certes si horriblement frustrante, qu’il était impossible de rater davantage la sortie de la série. Il est tout à fait vrai de dire que c'est un des series finale les plus ratés de toute l'histoire de la TV. Toutefois, l’épisode en lui-même est loin d’être mauvais. Malgré des intrigues soap, la comédie règne, notamment un hilarant mariage en mode slapstick. Mais surtout, on a droit à une mise en scène de Clair de Lune de sa propre mort. La série, pendant les dix dernières minutes, brise une ultime fois le 4e mur, pour peu à peu disparaître sous nos yeux. Malheureusement, le final est inachevé. Ron Clark, qui n’a jamais écrit pour la série, ne l’a pas manifestement pas comprise, et n’était pas indiqué pour la terminer. Il est dommage que Glenn Gordon Caron ne soit pas revenu. La déception est immense avec cette fin en eau de boudin, qui ne rend justice ni aux héros ni à eux. Le scénariste ne sait pas comment terminer la série, et par autodérision, le signale ouvertement. Honnête, mais frustrant. La sortie de la série s'effectue d’une manière unique et originale, très Moonlightingienne, mais la rate quand même. David et Annie filent le parfait amour, à la grande fureur du fan qui n’a jamais vu une telle complicité au sein de son couple adoré. Virginia Madsen et Bruce Willis sont vraiment à l’aise, que ce soit dans la scène de lit comme pour celle de la salle de bains. Annie, dévouée corps et âme à son bel amant, est prête à se séparer de Mark, ce qui provoque une crise chez David. Vous reconnaissez le schéma-type de cette situation ? Forcément, c’est du soap ! Jusqu’au bout, la série aura été infectée par ce poison. Heureusement, l’histoire évite le naufrage par son portrait mélancolique de David. Ce dernier n’a pas assez confiance en lui, ne se sent pas digne d’Annie, et souhaite rompre. Sous ses dehors de séducteur, David est toujours insatisfait et désespéré, car les femmes qu’il attire finissent par le rendre malheureux : Gillian l’a plaqué sans prévenir, Tess l’a trompé avec une autre femme, Maddie a déchiré son cœur… on peut même ajouter la fille d’un soir de L’annonce faite à Maddie (saison 4) qui ne le voyait que comme un sextoy. Loin de l’image virile qu’il veut donner, on remarque qu’il est toujours dominé par les femmes, et que ce sont elles qui le quittent. Annie ne déroge pas à la règle, car David, trop peureux de lui dire en face ses intentions, s’arrange pour que ce soit elle qui rompe, en faisant semblant de la tromper. Cette idée désespérée et pathétique consolide à la toute fin de la série le rapport complexe de David avec les femmes. Bruce Willis, tout en nuances et en retenue, accomplit une magnifique prestation. Le dernier regard qu’il lance à Annie au commissariat est une sublime bouffée d’émotion. On aimerait penser qu’il rompt parce qu’il pense encore à Maddie, mais la fin de l’épisode démentira cette idée, tuée dans l’œuf par les âneries psychologiques commises par les auteurs depuis l’arrivée d’Annie. En contrepoint, la comédie illumine le couple Bert-Agnès dont le bonheur est ombragé par les paniques de dernière minute de Bert, et par leur filature. La scène du centre commercial fait s’enchaîner quelques gags assez croquants, tandis que Curtis Armstrong et Allyce Beasley (qui accomplit deux apparitions théâtrales) surjouent avec délicieusement. Toutefois, cette intrigue est parsemée de temps morts assez embêtants. Heureusement, le climax de la cérémonie de mariage est un vrai bonheur avec bagarre de saloon et plongeon général dans la piscine. David rentre à l’agence, et apprend par un envoyé d’ABC que Moonlighting est annulée ! La magie du 4e mur opère une dernière fois pour permettre à la série de nous dire un long adieu. La musique angoissée et agitée d'Alf Clausen traduit bien ce sentiment d'inéluctabilité. Ron Clark a eu une bonne idée de terminer de cette manière la série, prenant le spectateur à témoin lors de l’ultime moment. Toutefois, il se sert de ce moyen pour expliquer son incapacité à conclure dignement la série. Ce qui donne des scènes tantôt consternantes tantôt excellentes. L’évacuation précipitée de MacGillicudy, dans les bras d’Herbert en larmes, fait partie de la première catégorie. Mais les scènes qui suivent sont plus intéressantes : les accessoiristes embarquent les décors et les meubles, et surtout David et Maddie s’aperçoivent qu’ils vont bientôt mourir : pas « physiquement », mais une fois la série annulée, ils n’existeront plus. Il est émouvant de voir les personnages prendre une vie propre, se rebeller, crier contre leur fin prochaine, comme s’ils échappaient à leur créateur. On est pas si loin du Six personnages en quête d'auteur de Pirandello, ou plus récemment de L'histoire de Gabe, un excellent épisode de La Treizième Dimension où un personnage se révolte contre le sort que lui réserve son auteur. Le coup de gueule final d’Agnès, qui s’emporte contre le comportement absurde auquel se sont livrés ses patrons dans cette saison, et qui cause la fin de la série, est une métaphore de la révolte du personnage face à sa mort prochaine, mais surtout celle du public qui, lassé, s’est détourné d’une série qui allait droit dans le mur. Nouveau pincement de cœur, car le souhait d'Agnès : la création d'un spin-off de la série centré sur elle et Bert, n'aura pas lieu. La conversation avec Cy (Mr.Soupiro en VF), incarné d'ailleurs par Dennis Dugan, est le procès de cette saison médiocre qui a emprisonné David et Maddie dans une simple amitié insupportable, nonsensique, pour le spectateur. Ces scènes sont très malignes, mais se voient gâchées par la scène la plus horrible, la plus ratée, la plus grotesque de la série entière, qui est précisément la scène finale. Le final de l’Eglise est irrésolu : nos deux amis tentent de tromper le destin et leurs sentiments en s’inventant une romance de dernière minute et demander un mariage express à un prêtre. Ce dernier, outré de les voir jouer avec les sentiments et le sacrement avec tant de désinvolture, leur refuse leur bénédiction. Ron Clark enterre la série de la manière la plus désastreuse possible : David et Maddie ne sont pas ensemble, et finissent assis près de l’autel. Ils expriment certes leur tendresse l’un envers l’autre, et leur chagrin de devoir se dire adieu, de laisser le show se terminer. Mais aucune déclaration d’amour : ils sont bloqués depuis le début de la saison au stade amitié, et le demeureront ainsi. Sans doute la saison devait-elle les rapprocher par la suite, mais la production ayant coupé court (13 épisodes au lieu de 22), les auteurs n’en ont pas eu le temps. Pourtant un faible espoir demeure : la chanson qui termine l’épisode - qui se finit sur un clip-show d’images des saisons précédentes, une idée vraiment ridicule pour terminer une série d’ailleurs - est celle de Ray Charles : We’ll be together again. Et si finalement, dans un avenir que nous ne verrons jamais, Maddie et David seraient de nouveau ensemble ? Quoiqu’il en soit, cela ne répare guère cette honteuse fin. Le parallèle avec l’affaire Anselmo, qui ne sera jamais résolue comme nous l’indique le dernier plan de la série, est évident. Précisons que Moonlighting finit quand même sa trajectoire sur une nouvelle innovation : oser ne pas résoudre une affaire dans une série policière ! Jusqu’à ce jour, seule la série Homicide de Paul Attanasio a fait une chose pareille avec les affaires Gordon Pratt et Adena Watson. Ainsi s’achève Clair de Lune, une des séries les plus révolutionnaires de l’histoire de la télévision. Loin du sérieux des séries policières qui l’ont précédée, elle a véritablement créé le genre de la dramedy, le genre le plus exigeant mais un des plus passionnants de la télévision, tout en gardant un ton résolument burlesque et libertaire. Maddie et David, torride couple en fusion, malgré une non-fin en queue de poisson, sont le modèle le plus fougueux d’un des genres les plus populaires auprès du public : le couple mixte en conflit perpétuel dont on attend impatiemment la concrétisation. Suivre cette série, c’est réellement vivre une expérience intense et inoubliable. Disons maintenant au revoir à cette série légendaire. - Pour continuer l’aventure Moonlighting, je ne saurais trop conseiller le site n°1 de la série : http://davidandmaddie.com/ - La série a bénéficié aussi d’une autre exégèse passionnante et fouillée de la relation David-Maddie, épisode par épisode. Celle de Christine Graves sur son site Moonlighting Madness : http://home.comcast.net/~christinemgraves/index.html - Enfin, des fans absolus ont décidé d’écrire des scénarios d’épisodes se situant après le final de la série sur le site Virtual Moonlighting. C’est ainsi que Clair de Lune bénéficie à l’heure actuelle de cinq saisons « apocryphes » qui valent grandement le détour : http://sarahk15.tripod.com/ (tous ces sites sont en anglais)
Infos supplémentaires :
- Final de la série. Aka. Eclipse lunaire. - Cy est interprété par Dennis Dugan, réalisateur de l’épisode, et interprète de Walter Bishop en saison 4. D’une manière très fantaisiste, l’acteur est crédité au générique sous le nom de… Walter Bishop ! - Quand Cy est dans la salle de cinéma, il regarde une projection de l’épisode Le juré dissident. - Bert possède une collection de lithographies érotiques. - Dans la liste des hommes fantasmés par Agnès, elle cite Mark Harmon, l'acteur jouant Sam Crawford dans la saison 3. D'ailleurs, Agnès semblait avoir un faible pour le beau Mark ! 1. Le mort récalcitrant : Pastiche sous acides du déjà décalé Mais qui a tué Harry ? d’Alfred Hitchcock. Maddie et David trimbalent un cadavre encombrant au cours de péripéties totalement loufoques. Un scénario plein de folie furieuse et d’inventivité dingo, couronné par un démentiel songe horrifique macabre et hilarant. 2. Et l’homme créa la femme : Un percutant pamphlet contre la dictature de la beauté, et l’illusoire poursuite de la jeunesse éternelle. Le whodunit n’oublie ni l’intensité dramatique - assurée par des personnages profonds et fascinants - ni la farce, avec un final étincelant. 3. Le barracuda vire de bord : Une enquête pleine de rebondissements donne naissance à une passionnante interrogation sur les sentiments de nos héros, dialogues brillants et électrisante tension sexuelle en prime. Cet épisode est le modèle qu’il aurait fallu suivre pour construire une saison aussi addictive que les précédentes. 4. Le juré dissident : La chute de la série n’emporte pas le couple secondaire. Bert et Agnès, toujours en pleine forme, s’offrent avant la fin un joyeux divertissement rythmé et plaisant. La famille de Viola, défilé de caricatures caricaturées, assure un spectacle de premier choix. 5. Faux mari, vrai sosie : Malgré une enquête peu inspirée et croqueuse de temps, l’épisode convainc largement par une succession de saynètes à double sens, et un humour souriant. Surtout, il installe un nouvel arc narratif qui permet de relancer la magie de la relation entre David et Maddie. Une promesse hélas trahie par un When girls collide hors sujet qui clouera le cercueil de la série. Images capturées par Clément Diaz. |