Présentation
Le milieu des années 60 a vu l’apparition d’un nouveau genre de séries télévisées. Alors que les westerns dominaient les productions américaines, l’espionnage fait son apparition, surtout grâce aux importations britanniques (Destination Danger, James Bond...), et va connaître un réel succès, reléguant le western à une époque révolue. C’est alors que le producteur Michael Garrison a l’idée de mélanger les deux genres et de créer une série hybride qui marquera l’histoire des séries par son originalité. Les Mystères de l’Ouest est souvent présentée comme une série « western fantastique », ou comme une série d’espionnage se déroulant lors de la conquête de l’Ouest. Elle fait en réalité partie d'un courant appelé le "weird west", qui mélange le Western à des éléments qui lui sont exogènes, le plus souvent fantastiques. Si quelques livres, comics, et épisodes de série (comme les épisodes Western de La Quatrième Dimension du genre Mr.Denton on Doomsday) avaient déjà esquissé ce mouvement, il revient bien à la série d'avoir posé des jalons fondamentaux de ce genre hybride, en y incorporant en plus des éléments d'espionnage et de policier. C'est ce style particulier de la série qui va lui permettre de s’adapter à tous les genres différents qu'elle a pu prendre au cours de ses quatre années d’existence : En effet, on ne peut parler de série strictement western, même si les producteurs qui ont succédé à Garrison (décédé au cours de la saison 2) ont eu la volonté de « westerniser » la série, notamment lors de la saison 3. Mais même lors de cette saison 3, les épisodes western n’atteignent pas la majorité, et sur l’ensemble de la série on n’en compte guère plus d’une vingtaine sur plus de cent. Série fantastique ? Certes, les épisodes de ce style ont marqué les fans, mais au total ils sont encore moins nombreux que les épisodes western. Le policier a eu aussi sa place, mais au fond, Les Mystères de l’Ouest est avant tout le récit des différentes missions qui pouvaient être confiées à des agents fédéraux à la fin du XIXème siècle, missions qui relevaient aussi bien du simple maintien de l’ordre que de la politique internationale ou des relations avec les Indiens. Récit agrémenté d’éléments particuliers purement fictifs propres à captiver le téléspectateur : l’iconoclaste, l’étrange, la fantaisie, l’excentricité, et bien sûr l’humour, prennent une place importante. Les agents spéciaux James T. West et Artemus Gordon sont chargés par le président Grant de parachever la conquête de l’Ouest. En ces temps tourmentés, beaucoup de terres occidentales ne sont pas encore des États, mais de simples « territoires », en proie à la convoitise de toutes sortes d’aventuriers et de mégalomanes. West et Gordon sont les vigilants gardiens des intérêts de l’Oncle Sam, traquant et pourchassant inlassablement tous ceux qui viennent mettre en danger ses intérêts et la relative unité de la nation. Pour mener à bien leurs missions, Jim et Artie disposent d’un train privé, le marqueur visuel le plus évident de la série, et de toutes sortes de gadgets propres aux agents secrets qu’ils utilisent le plus souvent pour se tirer d’affaire lorsqu’ils se retrouvent en fâcheuse posture, à la merci de gangsters et d’assassins tous plus hauts-en-couleurs les uns que les autres. Une lame de couteau repliée dans la semelle et un Diringer caché dans la manche droite de sa veste sont les gadgets les plus connus de James West. Citons également des messages codés et l’aide de pigeons voyageurs, très pratiques pour envoyer et recevoir des messages. Nos deux agents s’entendent parfaitement et sont très complémentaires. S’ils partagent le goût de la bonne chère et surtout des jolies femmes, Gordon est le plus orienté vers les questions scientifiques alors que West est un as de la bagarre. Les bagarres, justement, sont un élément essentiel de la série, tellement elles sont magnifiquement réglées et donnent une telle impression de vérité. Il faut dire que Robert Conrad a été engagé pour tenir le rôle de James West de préférence à Rory Calhoun parce qu’il effectue lui-même ses cascades. Il est secondé par une équipe de cascadeurs et d’acteurs cascadeurs particulièrement efficaces : Red West, Dick Cangey… Le concept original de la série est important, mais n’explique pas son succès à lui seul. L’interprétation des deux acteurs principaux est exceptionnelle. Robert Conrad est un James West parfait en tous points, son charisme et ses qualités physiques faisant merveille. Ross Martin est son complément idéal, on ne dira jamais à quel point il fut un acteur génial, dans ce rôle et dans les autres. Ici, il crève l’écran par sa façon unique de jouer, sa sensibilité et sa faculté à endosser les déguisements les plus improbables. En effet, Artemus Gordon, ancien comédien, est un spécialiste en déguisements en tous genres. Les deux circonstances les plus courantes poussant Artie à changer d’identité sont d’une part, la nécessité d’intervenir incognito pour sauver West, capturé par des adversaires impitoyables, d’autre part la volonté d’enquêter sans en avoir l’air au sein de milieux souvent hostiles. Gordon n’a pas son pareil pour obtenir des renseignements en se faisant passer pour des personnages naïfs, donc inoffensifs. Il faut également souligner la qualité de la version française, avec les voix de Jacques Thébault pour James West et de Roger Rudel pour Artemus Gordon. Les épisodes en VO s’avèrent décevants car les vraies voix de Robert Conrad et Ross Martin ne valent pas celles de leurs acteurs de doublage français. Si nos agents affrontent des adversaires aussi farouches et impitoyables que d’apparences diverses, ils ont un ennemi récurent en la personne du docteur Miguelito Loveless, interprété par Michael Dunn. Loveless est un nain qui ne paye pas de mine, mais en réalité un être tourmenté, inventeur de génie doublé d’un mégalomane de la pire espèce. Au fur et à mesure de leurs rencontres (il y en aura dix), Loveless est de plus en plus obsédé par la volonté de tuer West et Gordon, mais de manière tellement compliquée et raffinée (typique de son ego) que nos agents finissent toujours par trouver le moyen de s’échapper. Leurs combats se soldent par un match nul puisque Loveless, au contraire des autres adversaires de nos héros, n’est ni capturé (sauf à sa première apparition), ni tué en fin d’épisode. West et Gordon font échouer ses plans, mais il parvient généralement à leur échapper. Les scénaristes ont tenté de créer un second adversaire récurrent en la personne du comte Carlos Mario Vincenzo Robespierre Manzeppi, aventurier, magicien et poète, interprété par l’excellentissime Victor Buono. Hélas, le comte n’est apparu que dans deux épisodes. N’oublions pas les femmes, qui tiennent une place importante dans la série. Pour James West, les femmes sont à la fois ravissantes et démoniaques, à l’image de celle du générique qui l’invite à l’embrasser pour essayer de le poignarder. La femme typique de l’univers de la série est une jolie personne qui va séduire West pour l’utiliser, puis tenter de s’en débarrasser. Car les femmes n’ont pas souvent le beau rôle dans la série. Elles représentent une part non négligeable des adversaires, mais constituent également des compagnes ou des complices du bandit principal pas plus sympathiques que ledit gangster. Si l’on ajoute le générique, ce splendide dessin animé accompagné d’une musique mémorable - signée Richard Markowitz - et la façon particulière de traiter les fins d’acte, avec la dernière image se transformant en dessin, juste avant la coupure publicitaire, on comprendra à quel point cette série aura marqué toute une génération de téléspectateurs et continue encore à fasciner, en raison de son charme, de son ambiance particulière, de sa créativité, et bien entendu du talent de ses interprètes récurrents. |
Film : Wild Wild West (1999) Résumé : En 1869, le Président Grant ordonne à deux agents fédéraux d’élite que tout oppose, James West et Artemus Gordon, de s’associer afin de contrer un périlleux complot ourdi par le diabolique Dr. Loveless, un Sudiste revanchard. Il s’avère que Loveless a construit un quadripode impérial, enfin, une colossale araignée blindée et dotée de canons. Il projette de se servir de cette machine infernale afin de s’emparer de Grant lors de la cérémonie de Point Summit, puis d’obtenir la capitulation de l’Union. Les qualités d’homme d’action de West, ainsi que les déguisements et les gadgets de Gordon, suffiront-ils à vaincre le génie maléfique ? Critique : On comptera à l’actif du film les considérables moyens financiers engagés, car ils s’avèrent effectivement perceptibles à l’écran. On songe évidemment aux effets spéciaux et aux images générées par ordinateur, particulièrement spectaculaires pour l’époque, et qui d’ailleurs supportent fort bien le passage du temps, alors que l’on revoit le film une quinzaine d’années après l’avoir découvert en salle. Mais l’on apprécie encore davantage l’ambition et le soin extrême caractérisant le travail traditionnel de production. Panoramas naturels et locomotives d’époque se montrent somptueux, de même que les décors intérieurs, édifiés souvent avec goût (et donc particulièrement appréciables au sein de ce film). La bande son, confiée au spécialiste du Western que fut Elmer Bernstein, ne manque également pas d’attraits. Pour l’amateur de Science-fiction, ce déploiement budgétaire présente également l’intérêt de donner pleinement corps à l’esthétique steampunk. Un mouvement encore très populaire aujourd’hui, mais ayant réellement émergé en littérature au cours des années 90, avec plusieurs chefs d’œuvre tels La Machine à différences en 1990 (en provenance directe du Cyberpunk), puis À la croisée des Mondes, La Trilogie Steampunk, Darwinia, Les vaisseaux du temps, etc. Le film se situe à l’issue de cette décennie faste et surfe visiblement sur la vague : démentielles machines à vapeur et à circuits hydrauliques, nombreux gadgets totalement anachroniques, immenses décors en verrières évoquant les Expositions universelles, uniformes des monarchies européennes, carte uchronique des États-Unis… L’équipe artistique connaît manifestement son affaire et manipule avec réussite le rétro-futurisme. Et pourtant le bât blesse déjà, car ces ouvrages si fignolés se voient gâchés par l’écriture déficiente du protagoniste du récit. La magie et la richesse du Steampunk découlent du choc entre une science exotique et une société peuplée d’individus par contre demeurés conformes à l’époque de la révolution industrielle. Ce déphasage conduit à des récits empreints d’une fantaisie séduisant l’imagination. Or James West n’est ici en rien un homme du XIXème siècle : son attitude, sa psychologie, et jusqu’à son langage slang ne cessent de l’identifier comme l’un de nos contemporains. Le film bâtit donc tout un univers steampunk autour d’un héros qui, lui, ne l’est nullement, ce qui s’avère contreproductif au possible. Un autre inconvénient du recours au Steampunk réside dans le fait qu’il ne correspond pas du tout à la tonalité de la série d’origine. Par son assise dans l’Ouest américain et son insolite évoquant parfois le monde étrange des Avengers, elle relevait d’un sous-genre différent, le Weird West, davantage encore que de cette autre famille qu’est la Science-Fiction Western. Mais il vrai qu’il ne s’agit que d’une transgression parmi tant d’autres de ce film trahissant comme rarement la série l’ayant inspiré et hérissant à bon droit les fans au long cours de Jim et Artie. La célébrissime musique demeure absente du générique et n’est que fugacement entendue au cours de l’action, Loveless n’étant plus un nain mais un cul de jatte et ne porte même plus un prénom identique (Arliss se substituant à l’hispanique Miguelito). Plus grave encore, la précieuse tonalité d’aventures Sixties se voit totalement remplacée par une comédie d’action particulièrement pachydermique, voire franchement graveleuse par moments. Ficelle éculée de scénariste, West et Gordon sont longuement présentés comme des rivaux, alors que cela n’a jamais été le cas précédemment (bien au rebours, diront certains). D’ailleurs le scénario pousse à l’extrême un tic commun à à peu près tous les films adaptant des séries cultes et consistant à reprendre la biographie et la rencontre initiale des protagonistes. Cela s’avère au mieux inutile puisque les personnages sont connus, ou pernicieux puisque source de nombreux errements, l’ego des auteurs voulant que ceux-ci désirent souvent imprimer leur marque propre. Ici le duo vedette en ressort totalement méconnaissable. Une polémique s’est développée autour d’un West désormais représenté par un acteur noir, mais c’est en fait cohérent avec le panorama d’ensemble : au sein de ce travestissement complet de la série (hormis quelques clins d’œil faciles), c’est un acteur évoquant Robert Conrad qui paraîtrait incongru... C’est d’ailleurs moins l’identité d’ancien esclave de West qui pose problème que son corollaire, voyant Loveless devenir un Sudiste raciste. Or le racisme ne constituant jamais que l’un des aspects de la stupidité humaine, ce trait de caractère diminue et dénature singulièrement l’aura du grand Loveless, l’un des tous meilleurs Diabolical Masterminds télévisuels. Par ailleurs, celui-ci a ici recours à des enlèvements de scientifique, davantage qu’à son génie propre. Au total le bon docteur en prend particulièrement pour son grade, on touche au scandale. Par ailleurs, certes non dépourvue d’un vrai panache, l’interprétation de Branagh en revient à l’expression traditionnelle des esprits diaboliques, bien loin du récital aussi savoureux que singulier dont nous régala jadis Michael Dunn. De son côté, Will Smith se montre tonique et efficace dans la version donnée ici de West, n’ayant strictement rien à voir avec l’originale. Et pour cause puisqu’il s’agit d’un décalque littéral de son personnage rodé dans Men in Black (1997), film à grand succès également réalisé par Barry Sonnenfeld. De fait, Wild Wild West s’avère particulièrement pernicieux, la distorsion apportée à la série originelle visant sciemment à couler le film dans le moule de ce précédent blockbuster dont il partage la plupart des ressorts narratifs et de mise en scène (le Steampunk se substituant aux Aliens et au conspirationnisme). Quoiqu’outrageusement caricaturé, Artemus s’en sort un tantinet mieux, évoquant au moins légèrement son modèle. Mais il souffre de la fadeur de Kline, bien loin de ce comédien élégant et raffiné que fut Ross Martin. En soi, le scénario manifeste une simplicité enfantine, se contentant d’enfiler les scènes d’action, sans surprise aucune. Il parvient pourtant à creuser quelques trous dans une trame aussi linéaire, comme Jim et Artie survivant à l’explosion du bâtiment à la nitroglycérine sans strictement aucune explication. Il se révèle également particulièrement affligeant en ce qui concerne les personnages féminins. Salma Hayek est sublime comme toujours, mais son personnage, hormis inspirer des dialogues bien gras aux mâles, n’a strictement rien à accomplir durant tout le film, même pas à jouer la Damsel in distress, en fait. Rita est juste là, dans le décor. Il en va presque de même pour les Loveless Girls, certes très belles et superbement vêtues. On éprouve de plus le plaisir de reconnaître parmi elles des visages connus des meilleures séries 90’s (Bai Ling, la Jhiera d’Angel, ou Musetta Vander, la mante religieuse de Buffy), mais elles se limitent à une impavide obéissance au docteur et n’ont pas grand-chose à accomplir... sinon d'être tabassées par Jim et Artie, en parfaits gentlemen. Vous me direz, dans le générique des Mystères de l’Ouest, on aperçoit distinctement James West asséner un solide coup de poing à une jeune femme. Pour une fois que le film est fidèle à la série ! Anecdotes :
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