Film : Wild Wild West (1999) Résumé : En 1869, le Président Grant ordonne à deux agents fédéraux d’élite que tout oppose, James West et Artemus Gordon, de s’associer afin de contrer un périlleux complot ourdi par le diabolique Dr. Loveless, un Sudiste revanchard. Il s’avère que Loveless a construit un quadripode impérial, enfin, une colossale araignée blindée et dotée de canons. Il projette de se servir de cette machine infernale afin de s’emparer de Grant lors de la cérémonie de Point Summit, puis d’obtenir la capitulation de l’Union. Les qualités d’homme d’action de West, ainsi que les déguisements et les gadgets de Gordon, suffiront-ils à vaincre le génie maléfique ? Critique : On comptera à l’actif du film les considérables moyens financiers engagés, car ils s’avèrent effectivement perceptibles à l’écran. On songe évidemment aux effets spéciaux et aux images générées par ordinateur, particulièrement spectaculaires pour l’époque, et qui d’ailleurs supportent fort bien le passage du temps, alors que l’on revoit le film une quinzaine d’années après l’avoir découvert en salle. Mais l’on apprécie encore davantage l’ambition et le soin extrême caractérisant le travail traditionnel de production. Panoramas naturels et locomotives d’époque se montrent somptueux, de même que les décors intérieurs, édifiés souvent avec goût (et donc particulièrement appréciables au sein de ce film). La bande son, confiée au spécialiste du Western que fut Elmer Bernstein, ne manque également pas d’attraits. Pour l’amateur de Science-fiction, ce déploiement budgétaire présente également l’intérêt de donner pleinement corps à l’esthétique steampunk. Un mouvement encore très populaire aujourd’hui, mais ayant réellement émergé en littérature au cours des années 90, avec plusieurs chefs d’œuvre tels La Machine à différences en 1990 (en provenance directe du Cyberpunk), puis À la croisée des Mondes, La Trilogie Steampunk, Darwinia, Les vaisseaux du temps, etc. Le film se situe à l’issue de cette décennie faste et surfe visiblement sur la vague : démentielles machines à vapeur et à circuits hydrauliques, nombreux gadgets totalement anachroniques, immenses décors en verrières évoquant les Expositions universelles, uniformes des monarchies européennes, carte uchronique des États-Unis… L’équipe artistique connaît manifestement son affaire et manipule avec réussite le rétro-futurisme. Et pourtant le bât blesse déjà, car ces ouvrages si fignolés se voient gâchés par l’écriture déficiente du protagoniste du récit. La magie et la richesse du Steampunk découlent du choc entre une science exotique et une société peuplée d’individus par contre demeurés conformes à l’époque de la révolution industrielle. Ce déphasage conduit à des récits empreints d’une fantaisie séduisant l’imagination. Or James West n’est ici en rien un homme du XIXème siècle : son attitude, sa psychologie, et jusqu’à son langage slang ne cessent de l’identifier comme l’un de nos contemporains. Le film bâtit donc tout un univers steampunk autour d’un héros qui, lui, ne l’est nullement, ce qui s’avère contreproductif au possible. Un autre inconvénient du recours au Steampunk réside dans le fait qu’il ne correspond pas du tout à la tonalité de la série d’origine. Par son assise dans l’Ouest américain et son insolite évoquant parfois le monde étrange des Avengers, elle relevait d’un sous-genre différent, le Weird West, davantage encore que de cette autre famille qu’est la Science-Fiction Western. Mais il vrai qu’il ne s’agit que d’une transgression parmi tant d’autres de ce film trahissant comme rarement la série l’ayant inspiré et hérissant à bon droit les fans au long cours de Jim et Artie. La célébrissime musique demeure absente du générique et n’est que fugacement entendue au cours de l’action, Loveless n’étant plus un nain mais un cul de jatte et ne porte même plus un prénom identique (Arliss se substituant à l’hispanique Miguelito). Plus grave encore, la précieuse tonalité d’aventures Sixties se voit totalement remplacée par une comédie d’action particulièrement pachydermique, voire franchement graveleuse par moments. Ficelle éculée de scénariste, West et Gordon sont longuement présentés comme des rivaux, alors que cela n’a jamais été le cas précédemment (bien au rebours, diront certains). D’ailleurs le scénario pousse à l’extrême un tic commun à à peu près tous les films adaptant des séries cultes et consistant à reprendre la biographie et la rencontre initiale des protagonistes. Cela s’avère au mieux inutile puisque les personnages sont connus, ou pernicieux puisque source de nombreux errements, l’ego des auteurs voulant que ceux-ci désirent souvent imprimer leur marque propre. Ici le duo vedette en ressort totalement méconnaissable. Une polémique s’est développée autour d’un West désormais représenté par un acteur noir, mais c’est en fait cohérent avec le panorama d’ensemble : au sein de ce travestissement complet de la série (hormis quelques clins d’œil faciles), c’est un acteur évoquant Robert Conrad qui paraîtrait incongru... C’est d’ailleurs moins l’identité d’ancien esclave de West qui pose problème que son corollaire, voyant Loveless devenir un Sudiste raciste. Or le racisme ne constituant jamais que l’un des aspects de la stupidité humaine, ce trait de caractère diminue et dénature singulièrement l’aura du grand Loveless, l’un des tous meilleurs Diabolical Masterminds télévisuels. Par ailleurs, celui-ci a ici recours à des enlèvements de scientifique, davantage qu’à son génie propre. Au total le bon docteur en prend particulièrement pour son grade, on touche au scandale. Par ailleurs, certes non dépourvue d’un vrai panache, l’interprétation de Branagh en revient à l’expression traditionnelle des esprits diaboliques, bien loin du récital aussi savoureux que singulier dont nous régala jadis Michael Dunn. De son côté, Will Smith se montre tonique et efficace dans la version donnée ici de West, n’ayant strictement rien à voir avec l’originale. Et pour cause puisqu’il s’agit d’un décalque littéral de son personnage rodé dans Men in Black (1997), film à grand succès également réalisé par Barry Sonnenfeld. De fait, Wild Wild West s’avère particulièrement pernicieux, la distorsion apportée à la série originelle visant sciemment à couler le film dans le moule de ce précédent blockbuster dont il partage la plupart des ressorts narratifs et de mise en scène (le Steampunk se substituant aux Aliens et au conspirationnisme). Quoiqu’outrageusement caricaturé, Artemus s’en sort un tantinet mieux, évoquant au moins légèrement son modèle. Mais il souffre de la fadeur de Kline, bien loin de ce comédien élégant et raffiné que fut Ross Martin. En soi, le scénario manifeste une simplicité enfantine, se contentant d’enfiler les scènes d’action, sans surprise aucune. Il parvient pourtant à creuser quelques trous dans une trame aussi linéaire, comme Jim et Artie survivant à l’explosion du bâtiment à la nitroglycérine sans strictement aucune explication. Il se révèle également particulièrement affligeant en ce qui concerne les personnages féminins. Salma Hayek est sublime comme toujours, mais son personnage, hormis inspirer des dialogues bien gras aux mâles, n’a strictement rien à accomplir durant tout le film, même pas à jouer la Damsel in distress, en fait. Rita est juste là, dans le décor. Il en va presque de même pour les Loveless Girls, certes très belles et superbement vêtues. On éprouve de plus le plaisir de reconnaître parmi elles des visages connus des meilleures séries 90’s (Bai Ling, la Jhiera d’Angel, ou Musetta Vander, la mante religieuse de Buffy), mais elles se limitent à une impavide obéissance au docteur et n’ont pas grand-chose à accomplir... sinon d'être tabassées par Jim et Artie, en parfaits gentlemen. Vous me direz, dans le générique des Mystères de l’Ouest, on aperçoit distinctement James West asséner un solide coup de poing à une jeune femme. Pour une fois que le film est fidèle à la série ! Anecdotes :
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