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 saison 1 saison 3

The L Word (2004-2009)

SAISON 2

 


PRÉSENTATION

Nous retrouvons Bette, Tina et toutes les autres quelques semaines après les évènements de la fin de la saison précédente.

Leurs aventures sentimentales se poursuivent, tandis que Marina et Tim s’éclipsent et que trois nouveaux personnages effectuent leur entrée, Helena, Carmen et Mark. Bette s’efforce désespérément de reconstituer ce qui a été brisé, mais Helena vient encore compliquer sa relation avec Tina. Jenny affirme sa personnalité gay et prend Shane comme colocataire, ainsi que Mark.

Mais les caméras de ce dernier et l’apparition de Carmen entre Shane et Jenny vont venir singulièrement troubler l’atmosphère d’une maisonnée ne ressemblant plus du tout à celle de Tim ! Dana et Alice, malgré l’amie des bêtes Tonya, vont se trouver et former un couple aussi complice qu’amusant. The L Word maintient sa qualité d’écriture, joue habilement du drame et de la comédie, tout en se dotant d’un vrai générique.

La série réussit à passer le cap si souvent malaisé de la deuxième saison, toujours portée par des comédiennes en état de grâce.

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1. LIBIDO
(LIFE, LOSS, LEAVING)


La saison deux débute joliment par un résumé très efficace de la précédente, suivi du nouveau générique, superbe et très évocateur de la série. Apparemment un fossé de quelques semaines s'étend entre les deux épisodes, ce qui se traduit subtilement par quelques évolutions capillaires, positives ou négatives. La plus trash demeure, de manière surprenante, celle de Tim, sa tignasse immonde achevant de lui donner un air assez marrant de kobold (looser un jour, looser toujours).

The L Word a habituellement le talent de tisser ses divers fils narratifs autour d'épisodes à thèmes et c'est fort logiquement que celui du jour s'avère la séparation, au moment où de nombreux personnages de la saison 1 tirent leur révérence. Disons-le, on n'est pas toujours convaincu par la manière dont ces départs s'effectuent. La tentative de suicide d'une Marina totalement escamotée ne semble pas cadrer avec sa forte personnalité, même pour l'amour contrarié avec Jen.

Son évacuation ressemble fort à une urgence mal plâtrée, sans doute pour des causes relatives à la production. En l'état Marina et Karina Lombard laissent un grand vide, même si, via le Planet, une case est libérée permettant à Kit de développer son personnage au-delà de la relation avec sa sœur. Dommage ! (Idem pour Francesca, annihilée.)

Le départ du petit copain de Jenny semble aussi bien soudain et un peu contradictoire : d'un coup il n'accepte plus la sexualité de sa compagne, qu'il accuse d'être lesbienne alors même que la spécificité de jenny est son ambivalence ambiguë et flottante. Cela signifie-t-il qu'elle aurait totalement viré de bord ? Auquel cas un tel tournant narratif aurait mérité plus qu'une discussion assez faiblarde au milieu des cageots de légumes. Enfin, passons, le personnage était assez falot de toutes manières.

On espère que la belle histoire, originale par son aspect platonique,  de Kit et Yvan ne se conclura pas sur cet incident passablement sordide et téléphoné. Ce serait vraiment du gâchis d'autant qu'elle nous vaut encore de très beaux moments, notamment motorisés. Excellente idée de situer Pam Grier avec des véhicules de la grande époque de la Blaxpoitation (et avec Zébra 3 !), cela fait tout de suite 70's à mort, c'est très fun (le revival 70's ou 80's reste une amusante spécificité de la série).

Il reste caractéristique que le personnage réussissant le mieux sa sortie demeure le pauvre Tim, assez digne et émouvante même si le gaillard étant toujours déboussolé et amoureux de Jenny. Très jolie scène également avec Bette, nous rappelant la sympathie existant entre elle et Tim, finalement insuffisamment exploitée au cours de la précédente saison. Sic transit mundi, on souhaite tout de même bonne chance à Timouchet, un gars sympa, loyal et droit.

Si l'on reste donc assez circonspect sur le volet « départ » l'épisode demeure néanmoins excellent grâce à deux éléments.

D'abord, a contrario, par une arrivée, elle totalement réussie et hautement enthousiasmante, celle de Carmen. On craque instantanément et massivement pour le personnage, splendide mais aussi et surtout particulièrement attachant. Le numéro d'actrice de la sublime Sarah Shahi, à l'unisson de ses collègues, est formidable, avec d'entrée une confondante humanité de son personnage, et une passionnante comparaison avec ce qu'elle accomplit dans Life.

On pourrait craindre qu'elle ne soit là que pour illustrer le retour de Shane à ses éphémères amours, après la triste parenthèse Cherrie, mais fort heureusement le générique est là pour confirmer que Carmen va s'enraciner. Donc, une recrue en or pour la série, y compris si elle fait se sentir un peu vieux (dès qu'elle parle musique je ne comprends rien, mais alors, rien !).

Outre cette recrue de choix, l'épisode rassure par le maintien de l'intérêt des personnalités des héroïnes, fondamental pour celui de la série toute entière.  Toutes sont toujours aussi passionnantes et l'on ne ressent aucun déclin à l'orée de la saison 2. Jenny est toujours dans ses déphasages littéraires, on ne s'en lasse pas. Shane, Alice et Dana continuent à nous divertir par des dialogues et des situations vraiment drôles, on rit franchement. Shane redevient la sniper décomplexée que l'on appréciait. Dans les Avengers on s'amuse des records de Steed pour ouvrir des menottes, on pourra faire pareil ici pour la « conclusion » de Shane avec Carmen

On reste un peu surpris de voir Dana rester collée à la pénible Tanya (une horreur), mais cela autorise des situations pétillantes avec Alice, alors... L'électrique Alice est très en forme, on en tombe régulièrement de sa chaise. Le coup du tricot est énorme, tout en renforcant l'aspect commère assez jouissif du personnage. On regrette juste sa scène un peu langue de vipère avec Bette, la pauvre n'a pas besoin de ça.

Autre réconfortante continuité avec la saison 1, les scènes les plus fortes, éprouvantes, de l'épisode sont à mettre au crédit de l'histoire de Tina/Bette. Queen Bette traverse une mauvaise passe (whisky, humeur épouvantable au boulot, sinistrose globale, autocritique publique). C'est nouveau et intéressant à suivre, avec une Jennifer Beals toujours incroyable, elle nous épate vraiment en permanence. C'est  caractéristique de voir Bette, revenue de sa dépendance sexuelle,  gérer l'affaire comme un dossier ou une défense argumentée (et au passage en virant assez cavalièrement Candace...).

Cela ne fonctionne pas tant Tina est enracinée dans sa colère, d'où des affrontements toujours impeccablement filmés et interprétés, c'est vraiment très fort. Dans une série télé  on connaît plusieurs types de gestion quand une comédienne devient enceinte : les subterfuges autant que possible  suivis d'un retrait temporaire (école X-Files) ou des tenues gazeuses glamour en diable et une doublure aux moments « délicats » (école Secret Diary). Ici on intègre pleinement la grossesse à l'histoire.

C'est parfois délicat, avec personne qui ne s'en rend compte (?) et ce manteau (hideux) parfaitement incongru sous le soleil de L.A.. On a envie de rester indulgent, le point d'interrogation apporté à l'intrigue demeure prometteur. L'histoire de Tina et Bette sait se renouveler tout en demeurant le moteur principal de la série et en nous valant toujours des scènes en or massif (on n'est pas près d'oublier le cri déchirant de Bette !).

Le thème de la séparation se voit parachevé par le triste regard échangé entre Bette et Jenny, au terme d'un épisode lançant excellemment la saison 2 et riche en promesses. Les départs un peu expédiés se voient largement compensés par une formidable arrivée et le maintien du ton particulier de la série, entre humour et drame, tout un discours captivant sur les différentes facettes de l'amour, ses joies et sa terrible violence.

On ajoutera que la mise en scène demeure un modèle d'efficacité, avec une surexposition lumineuse toujours aussi « californienne » mais surtout un authentique talent pour dynamiser les dialogues et une qualité d'image exceptionnelle (visiblement la série bénéficie de moyen accrus après le succès de la saison 1). La bande-son reste également particulièrement succulente et variée, avec notamment un amusant clin d'œil au générique.

Notre ami le placement de produit est lui aussi de retour. On boit beaucoup d'eau à West Hollywood : E..., San P... et P... vous remercient.

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2. LUXURE
(LAP DANCE)


Aïe, marée basse après l’excellent épisode précédent. Sans être mauvais, celui-ci comporte tout de même de nombreux éléments ne fonctionnant pas.

On est rassuré de constater que la série conserve ses scènes d’avant générique (qui nous ont valu de grands moments la saison passée) mais ici on a le doit à la figure classique de la mariée plaquée devant l’autel et de toutes façons on ne se passionne pas vraiment pour le personnage de Robin, trop gentillette et lisse depuis le début, même si parfaitement interprétée. Enfin elle s’en va, une de plus sur une liste impressionnante.  Ceci dit j’adore la musique style Katmandou 70’s, comme je raffole vraiment du côté vintage 70/80 de la série, tombant toujours juste.

Et après le générique retentit une stridente sirène d’alarme, on ouvre des yeux écarquillés, tout vire au rouge : attention, The L Word vire à… la série judiciaire ! Damned, l’un des genres les plus lourdingues qui soient  à de rares exceptions près, même si l’avocate (et sa déco très connotée !) valent le coup d’œil, ainsi que sa discussion brut de décoffrage  avec Tina. On se croirait par moments dans Ally McBeal, une des exceptions précédemment citées. Ceci dit si la confrontation Tina/Bette  (primordiale, cruciale) vire aux intrigues de prétoire, on court à la catastrophe.

La série rate en partie le départ d’Yvan, alors que l’on ne comprend pas comment ce qui reste un malheureux concours de circonstances prend une telle proportion. Il est très possible que cela puisse s’expliquer par la psychologie du personnage et son parcours, mais il faudrait un minimum de détails, au moins un dialogue avec Kit.

Ce silence ressemble tout de même à une facilité des plus frustrantes pour les spectateurs s’étant attachés à cette figure originale et sympathique. Une éviction en forme de gâchis. Même si la porte reste ouverte à un retour éventuel. Sinon Pam Grier au volant d’une Gran Torino, on ne s’en lasse pas ! Très amusant les forêts bien connues de Vancouver sous le pseudo soleil, d’autant que la cabane d’Yvan ressemble trait pour trait à celle du Patriarche du Groupe MillenniuM. On s’attend presque à voir Frank Black surgir du bois. Voici qui nous sommes !

Apparition de Sandra Bernhard, grande spécialiste des rôles humoristiques. C’est une bonne nouvelle mais la scène de fac avec Jenny en pleine régression "petite fille modèle" ne fonctionne pas du tout. C’est froid, empesé, sans piment. À suivre, mais la série semble se demander quoi faire de Jenny : il n’est guère vraisemblable qu’avec ses soucis de logement et d’argent elle reparte en fac payante, d’autant qu’elle n’a rien à apprendre. Pour un épisode placé sous le signe de la quête de l’autonomie ce n’est guère convaincant.

On se régale toujours de ses projections littéraires, quelque part entre Lynch et le cinéma expérimental, mais il va falloir que Jen trouve un vrai  point d’appui pour ne pas s’isoler et perdre en intérêt. Lui faire rencontrer une autre communauté n’est pas inintéressant (on compare les deux groupes, l’un plus assagi et serein mais aussi plus terne et atone que l’autre) mais ce n’est qu’un pis aller. C’est en s’enracinant (enfin !) dans le « Clan » que le personnage de Jenny peut vraiment se développer (à l’image de Kit achetant le Planet). Heureusement cette voie s’arrête là.

Même si, fort heureusement, on trouve toujours des scènes parfaitement divertissantes (le délire autour du café, les filles déboussolées sans le Planet) on trouve Alice moins hilarante et plus vipérine qu’à l’accoutumée, notamment dans son espèce de hargne vengeresse envers la pauvre Bette. Par ailleurs Tonya a fait son temps, on s’ennuie un peu avec elle maintenant, on a fait le tour du sujet.

C’est assez enrageant de voir autant de personnages formidables disparaître et elle rester dans le show. J’échangerai trois barils de Tonya contre un de Marina. Et puis on a envie de voir Alice et Dana arrêter de tourner autour du pot maintenant. La relation Shane et Carmen reste bien le vrai rayon de soleil de ce début de saison, même s’il nous faut subir le groupe manquant un peu de consistance des The Organ. Le reste de la bande-son est très relevé, les génériques de fin représentent notamment toujours de superbes morceaux.

La meilleure nouvelle de l’épisode reste encore que Bette Porter est toujours sur le ring. On apprécie qu’elle soit toujours vaillante, notamment face à Alice (aux motivations passablement revanchardes), et n’hésite pas à moucher joliment celle-ci (tiens ! Candace a été écrite sur la Toile finalement…). De même que de la voir toujours tenter de reprendre en main le devenir de Tina, notamment via le logement. Bon, Bette ne comprend rien au problème, reste toujours incapable de se remettre en question mais son côté battante est assez revigorant. C’est Mama Bette, tout de même.

Tina est toujours adorable (et très touchante lors du strip avec la pseudo Bette), on aime qu’elle n’affirme pas à son avocate vouloir rompre définitivement avec Bette, quelque part on progresse (un tout petit peu). Mais cette histoire de grossesse invisible, avec le manteau d’espion de la guerre froide cédant la place à un poncho genre Clint Eastwood, cela devient vraiment ridicule, et en plus l’avocate qui s’en rend compte en deux minutes…

La scène la plus émotionnellement forte de l’épisode est encore une fois due à Bette quand elle constate au restaurant que le reste du clan a pris partie contre elle et la traite désormais en étrangère, pour ne pas dire en paria. Il est caractéristique  de constater que la seule qui se précipite pour lui parler est Shane, toujours aussi belle âme, plus généreuse ici qu’Alice et consorts. Jenny Beals est toujours incroyable dans le registre de l’émotion, y compris dans la très belle scène  de fin. Ce beau moment d’amitié apporte un véritable espoir après cet épisode peu relevé.

Que Shane devienne la coloc de Jenny règle sans doute le problème d’intégration de celle-ci à la série et ouvre  d’intéressantes perspectives… Et puis  conclure sur une Bette amusée qui retrouve enfin le sourire (cela faisait bien longtemps), suscite un vrai plaisir.

Sinon nouveau guest de choc avec le numéro totalement hallucinant de Derek de Lint, le leader de Poltergeist, série fantastique au long cours des années 90. Il pastiche ici joyeusement son personnage fétiche de bellâtre et en fait des caisses de manière irrésistible. Sacrée Marina, même absente elle continue à décocher des missiles et à bien cacher son jeu.

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3. LÂCHETÉ
(LONELIEST NUMBER)


Ah, telle la bourse d'Athènes la série repart franchement  à la hausse, avec, de manière très caractéristique, un épisode dominé par les deux personnages mis en exergue depuis le début de cette saison, Alice et Queen Bette.

L’épisode reste en effet l’occasion d’un vrai Alice’s show. Et ce dès la scène d’introduction, avec un rêve à son image : électrique et haut en couleur, moins transgressif que ceux de Hank Moody mais peut-être plus tonique. On rit beaucoup, de même que lors de nombreuses scènes où son babil acidulé et son esprit aiguisé font merveille : les conseils à Kit, l’accompagnement de Tina dans sa nouvelle résidence, (sacrée Alice, éplorée d’avoir enfin son appartement libéré…),  et bien entendu le maintien du statu quo avec Dana.

C’est bien grâce à Alice avant tout que cette situation tout de même immobile continue à divertir, Dana se situant  en retrait. Et puis elle finit par se rabibocher avec Bette après une brouille passablement vénéneuse, ouf ! On regrette juste de la voir  décréter que le jazz ne va intéresser personne à « Gay Town », c’est dommage de renforcer ainsi la réputation de cette superbe musique prétendument réservée à une minorité d’élus. Mais l’épisode se rattrape grâce à un sublime morceau final, Motown jusqu’au blanc des yeux (Some kind of Wonderful). Un régal.

Toutefois c’est encore et toujours Bette qui conserve les rênes du récit. Après la confrontation effectivement aussi intense et formidable qu’éprouvante avec Tina et son avocate (qu’on déteste très vite), le drame se noue : pour la toute première fois Bette perçoit que la séparation avec Tina pourrait bien devenir définitive et là c’est vraiment le sol qui se dérobe sous ses pieds, avec une violence assourdissante. Bette, encore si combative dans l’opus précédent, va s’effondrer sous nos yeux tout au long de l’épisode, dans un processus décrit avec une précision clinique redoutable.

Lâcheté saisit le spectateur à la gorge et ne le lâche plus, au contraire il serre toujours plus fort. Bette se réfugie d’abord dans la rage et l’hyper agressivité avec le  Très Beau puis ses charmants amis du conseil (belle brochette). Cela pourrait présenter un côté amusant avec une Bette flamboyante dans son ire (Jack Bauer c’est de la bibine à côté) et sa manière bien à elle d’être classieuse et vulgaire en même temps, mais en fait ce n'est pas drôle du tout. Elle disjoncte totalement et continue sa descente aux enfers en arrivant ensuite à l’étage Sue Ellen. 

Bon, les filles ne s’en rendent sans doute pas compte, mais se réunir comme ça chez Jenny, à côté de chez Bette, et ignorer celle-ci totalement, alors que Tina n’est même pas là, c’est purement abominable. C’était si inimaginable d’aller frapper à sa porte et prendre de ses nouvelles ? Quelque part cela achève Bette qui, à force de chagrin amer et d’alcool, s’en vient boire le calice jusqu’à la lie dans une vraie scène de déchéance. Le mot est fort mais c’est comme cela que l’on ressent et l’horrible embarras de l’assistance (à part Tonya, bien entendu) est aussi le nôtre. On va dire que les copines ne s’étaient pas rendu compte à quel point Bette la Lionne était détruite, d’ailleurs elles sauvent un peu le coup en la ramenant (n’empêche, c’est la première fois que je suis en colère contre l’ensemble du groupe).

Le coup de grâce vient avec l’affaire du mail de Candace (qui ne doit pas rigoler de son côté non plus), jusqu’à déboucher sur un rituel de suicide  assez glaçant. Le dégradé tout au long de l’épisode est mené de main de maître, mais là on n’en peut plus. D’accord, Bette a fauté, tout ça, mais là c’est trop. Il faut vraiment qu’elle trouve une porte de sortie au prochain épisode, pour elle, mais aussi pour nous ! On l’a dit 20 fois, on va le dire une fois de plus, ce que tire Jennifer Beals de son personnage est extraordinaire, on aura rarement vu d’équivalent dans une autre série télé (Gillian Anderson dans Memento Mori,Never Again et autres). 

Bon, on va chipoter. Le focus du récit est tellement placé sur Alice et encore davantage Bette que l’on ne dispose plus que d’une vision partielle des relations. Pour Tina ce n’est pas franchement gênant, même si l’on s’attarde nettement moins sur elle, parce que l’on comprend très bien ce qu’elle ressent, la souffrance amère de la trahison (homo ou hétéro c’est pareil)  et puis on se régale tellement avec Jenny B….

Par contre la relation Alice/Dana  est surtout explicitée du point de vue de la première et là c’est dommage car on ne comprend pas très bien ce qui se passe dans la tête de Dana, totalement subjuguée par cette perverse narcissique de Tonya (et vénale en plus). Elle se secoue un peu ici mais demeure dans les filets de Tonya. Pourquoi ? Alice lui dit que l’autre lui a lavé le cerveau, oui mais comment, par quel biais ? Qu’est ce qui fait au fond que Dana s’accroche tellement à Tonya et continue à refuser Alice ? On n’en sait rien, il y a ici une zone d’ombre assez gênante.   

À côté de Tina/Bette qui ne veut pas mourir et de Alice/Dana qui ne veut pas naître, il reste peu d’espace pour les autres personnages, mais l’épisode parachève son succès en parvenant à ne sacrifier personne. Depuis la fin de la parenthèse Fae Buckley, la série a renoncé à son seul aspect autre que relationnel ainsi qu'à son seul véritable personnage antagoniste : un grand vide. Il est donc plus que jamais nécessaire de renouveler l’intérêt et la crédibilité de ces diverses relations pour éviter de basculer dans l’artificialité et le manque de substance.

The L Word n’avance que sur un seul pied. Or les scénaristes relancent superbement la mécanique en développant deux embrouilles croquignolettes. D’une part il est à peu près évident que l’avocate a des visées autres que professionnelles sur Tina, ce qui prouve qu’elle a aussi mal compris Tina que Bette quand elle estime que celle-ci joue la comédie. Et puis surtout il y a une espèce de triangle amoureux bien tordu qui commence à se dessiner entre Jen, Carmen et Shane, annonçant du lourd. La série trouve encore des choses nouvelles et prometteuses à raconter. Sur six saisons, cela reste à confirmer…

Déjà Shane-take it easy qui est chez elle chez Jenny en 2 min 30, c’est excellent (et pas moyen de se fâcher avec ça, c’est la magie de Shane) et les agacements mi-figue, mi-raisin de Carmen (marrante et toute mimi dans son trip DJ) valent aussi le coup d’œil. Sur un registre plus grave la discussion entre les deux est l’occasion d’évoquer une nouvelle fois, après la rencontre avec le copain gay durant la saison 1, un passé – notamment familial – visiblement très douloureux chez Shane, sur lequel elle fait un blocage complet. Carmen, si positive, si sensible, apparaît justement comme celle qui  pourrait lui permettre de dépasser cela. On espère que Shane saura saisir cette chance, les jeux sont extrêmement ouverts. Le triomphe de Kit fait aussi bien plaisir, avec les Betty en guest. Les interprètes du générique assurent vraiment sur scène !

Allez, deux-trois choses que l’on a pas aimé, sinon ce n’est pas marrant, mais cela reste anecdotique. D’abord je n’aime pas trop le nouveau  Planet : j'appréciais le côté tranquille, ensoleillé et intimiste du précédent, propice aux discussions, limite cafétéria (onéreuse). Ici on a une boîte branchée de plus, point barre. Pas grave.

Sinon c’est Alice, toujours mise en avant, qui a droit à la grande scène de la révélation de la grossesse de Tina. D’abord celle-ci ne peut pas ignorer qu’ainsi c’est la moitié de L.A. qui peut être au courant demain, dont Bette. C’est Alice tout de même. Et puis le modus operandi est tellement ridicule. Tina (qui a vécu des semaines chez Alice) se lève, soulève son pull et là c’est la révélation, Alice qui tombe des nues…. C’est du niveau de la série Superman où il  suffit à Clark de mettre ses lunettes en portant le costume pour que Lois ouvre les yeux sur ce qui les crevait.

Le plus gênant demeure cette histoire toujours aussi inutile et creuse de Jenny à la fac : les dialogues sont consternants de convention, les présupposés littéraires ineptes, rien ne passe entre la prof et elle (quel contraste avec la visite incandescente de son prof précédent durant la saison 1), le tout est filmé sous une lumière glaciale etc. D’accord Mia est géniale, mais on préfère qu’elle le soit dans quelque chose qui en vaut la chandelle.

Ilene Chaiken doit avoir son idée pour se lancer là-dedans, mais pour l’instant cela produit uniquement un bruit blanc, heureusement bref,  au cours de l’épisode.  A conrario la psycho vision du jour est géniale (bienvenue dans la Quatrième Dimension) et le vieux plan que concocte Carmen avec Jenny nous rassure.

Finalement, un excellent épisode (quels dialogues !) avec un guest très bref mais qu’un fan des séries SF ne peut laisser passer : Gary Jones, le fidèle Sergent Harriman, aux manettes de la Porte des Étoiles durant tout Stargate (SG1 et SGA). Bonne surprise !

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4. LOCATRICES
(LYNCH PIN)

Le lancement de l’épisode nous rassure quant au Planet. Certes la nouvelle déco paraît trop ostentatoire et le fond musical permanent gêne un peu (une vraie plaie, les cafés/restaus trop sonores), mais le QG autorise toujours les discussions marrantes  et dingues que l’on aime bien. Alice, qui avait trouvé idiot le jeu de questions de Tonya la fois précédente, fait ici très fort sur ce thème. Un grand éclat de rire pour lancer l’épisode, c’est parfait.

Par la suite on sort un peu frustré du voyage de Bette à New York. Certes cela nous vaut des vues très sympas,  même si forcément clichés, de N.Y.C. : Yellow Cabs, Central Park, Fifth avenue, Empire State Building, intérieurs très haute bourgeoisie de la Côte Est etc. C’est bien fait, on varie les décors de la série, avec une petite saveur SatC qui va bien.

Malheureusement l’on en demeure dans le figuratif et l’on ne ressent pas du tout l’atmosphère de la ville, si différente de L.A., on reste à la surface des choses. Bon, cela aurait sans doute nécessité un épisode spécial Bette, un peu hors sujet (on ne désespère pas de découvrir Hank Moody  dans « sa » ville, par contre).

Ce relatif manque d’ambiance se ressent d’autant plus que le reste de l’épisode s’immerge, lui, plus que d’habitude dans la Cité des Rêves. On a ainsi droit à une très belle vue des célèbres attractions de Santa Monica (vues dans Californication, y compris dans son générique, mais aussi lors de la joyeuse balade de Mulder et Scully à L.A. dans The Amazing Maleeni). Ce décor sert idéalement à une scène très vive et pimentée entre Alice et Dana, la seule de l’épisode (gérer de nombreux personnages, encore et toujours).

L’hilarant défilé de zozos magnifiques comme candidats à la colloc de Shane et Jenny vaut aussi son pesant d’or, avec des figures très West Coast (la starlette mytho, le naturiste décomplexé, etc.). Le summum reste l’entrée de Shane dans les coulisses des studios, un passage très réussi, renouvelant le versant professionnel du personnage tout en exploitant sa cool attitude qu’on adore. Un versant Los Angeles réussi donc, on apprécie que les filles sortent un peu de leur cocon ouaté de West Hollywood.

Bonne nouvelle, Jenny est désormais pleinement intégrée au groupe et apporte sa pierre aux sessions  du Planet. À quelque chose malheur est bon, c’est aussi une conséquence du départ de Marina. Qu’elle soit momentanément débarrassée du blabla creux universitaire ne l’empêche pas de nous faire participer à ses créations littéraires hallucinées, avec une persistance de la fête foraine, un élément important des représentations fantastiques américaines (La Caravane de l’étrange, À la poursuite du rêve, Ray Badbury, Stephen King etc ). Le coup du tir aux pigeons est vraiment génial.

Shane/Carmen/Jenny continuent leur partie de poker menteur et Alice/Dana leur pas de deux mais aucun de ces aspects ne se voit ici réellement approfondi, car l’épisode est principalement orienté vers le développement des situations matérielles et professionnelles des personnages. Un passage obligé (mais non ennuyeux), car un récit uniquement relationnel et statique par ailleurs pourrait lasser. La seule exception demeure encore et toujours Tina/Bette.

Bette en bave décidément dans tous les domaines, y compris au boulot où elle doit ramer sérieusement pour ses subventions (avec un retour passablement halluciné de la «hasbian» de la saison précédente, lestée d’un gigolo).  Le moment fort reste quand, dans une séquence  superbement filmée tout en tonalité mélancolique, elle passe à l’acte de nouveau, avec une inconnue rencontrée dans un bar (très classe par ailleurs). On ne lui en veut pas, après l’effondrement de l’épisode dernier, cette rustine est pour elle un moyen de continuer à survivre, de soulager un peu la souffrance. On se réjouit de la voir trouver ce biais pour ne pas céder au néant.

Même si on la voit triturer son alliance on ne pense pas pour autant qu’elle renonce à Tina. Celle-ci comme prévue reçoit les avances d’une avocate qui n’a décidément pas compris sa cliente, toute émue de revisiter ses souvenirs avec Bette plutôt que de se livrer à un inventaire comptable. Le vent qu’elle se prend fait bien plaisir, Tina n’est pas pour reprendre le large, c’est aussi une bonne nouvelle. Alors oui, on se réjouit autant de voir Bette s’offrir du bon temps que Tina rester seule. Injuste ? Bah, oui.

L’autre élément expliquant la relative atonie de l’évolution des sentiments amoureux demeure la part importante prise par l’introduction des deux derniers personnages réguliers de cette saison, selon le générique (à l’épisode 4 on s’en situe déjà au tiers, il est temps) : Helena Peabody et donc le beau Mark. Encore en devenir et prometteurs, ils se montrent d’emblée intéressants et, comme toujours dans The L Word, excellemment interprétés.

Helena appartient sans doute au groupe des « Mighty Lesbians of Manhattan » entrevu dans SatC via Charlotte. Très chic, superbe, et intelligente, au caractère bien trempé, elle n’est pas sans évoquer Bette elle-même, en moins sympa et plus imbue d’elle-même (il faut voir comme elle prend Bette de haut). Leur rencontre crépite et, si elles ne vont visiblement pas devenir copines, on attend avec intérêt la suite du bras de fer.

Avec ses gosses adoptés elle remue le couteau dans la plaie de Bette à propose de la perte de celui de Tina, mais on ne peut pas lui en vouloir sur ce point. À voir, on découvre simplement, mais la série semble bien trouver ici du grain à moudre pour se développer. (Bon, il va bien falloir qu’Helena se déplace à L.A., sinon…)

Mark apporte une nouveauté encore plus tranchée dans l’univers de la série, avec l’irruption d’un homme hétéro (et bigrement séducteur) au beau milieu de la communauté. Le choix de coloc pourrait surprendre, mais, c’est vrai, six mois d’avance cela ne se refuse pas et Mark leur sort un baratin du tonnerre (et il faut bien rééquilibrer le casting de la série pour toucher le plus de public possible). Il est nettement plus L.A. que Smallville, contrairement à Tim, qui était, lui, plus romantique et sans doute fragile (et coincé).

Avec Mark on a un peu l’impression d’un loup entrant dans la bergerie, même s’il reste parfaitement sympathique. Le regard straight qu’il va porter sur le groupe  promet, souligné par son aspect caméra à la Blairwitch project. Il est déjà royalement accueilli sur ce point par une piscine nettement plus « joyeuse » que dans l’épisode précédent, avec Alice, Shane et les autres, toutes pompettes et à poil. Ah, ah, ah !, mon vieux Mark, je te déteste déjà.

On lui doit indirectement le seul regret de l’épisode quand il déclare à Jenny percevoir l’homosexualité féminine à la coiffure, du coup celle-ci décide de se faire couper les cheveux. C’est non seulement  immature de la part de Jenny (bon, c’est Jenny, toujours en recherche d’elle-même), et puis Mia sans ses ailes de corbeaux, c’est criminel. On craint le pire.

Quelques à-côtés amusants comme l'aspect vintage du jour représenté par notre B.B. nationale, que l’on entend chanter en français. On constate aussi que, à L.A. comme à N.Y.C., absolument tous les personnages ont la même marque d’ordinateur. On ne peut guère se tromper puisque le logo est régulièrement placé au centre de l’écran. Mangez des pommes ! Plusieurs guests savoureuses (Mimi Kuzyk ! 80’s à mort), dont la formidable Camryn Manheim (The Practice) qui nous fait un show étonnant en productrice irascible et speedée mais sympa dans le fond.

Au total, un épisode sans doute moins émotionnellement fort que la descente aux enfers de Bette la dernière fois, mais dense et solide, achevant de planter le décor de la saison tout en démontrant que The L Word a encore la faculté d’innover.

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5. LACIS
(LABYRINTH)


Donc le drame annoncé a bien eu lieu. C'est officiel, Jenny s'est engagée dans les Marines, elle passera le reste de la saison en treillis et fusil d'assaut, c'est comme ça. Passons, mais c'est juste une boucherie. Ceci dit, l'effroi capillaire n'empêche pas une Jenny, plutôt sur le haut  de la vague en ce moment, d'apporter d'excellents moments à l'épisode.

On apprécie beaucoup son amitié complice avec Shane, ainsi que l'empathie développée avec Bette. Camper Jen en observatrice lucide (et confidente) des autres, alors qu'elle demeure elle-même passablement embrouillée, est une bonne idée, conforme à son profil d'écrivain. Grand moment : devant nos yeux écarquillés son délire littéraire consiste tout bonnement en un remake d'un des classiques absolus de La Quatrième Dimension : The Eye of the Beholder, avec des maquillages très similaires et elle-même dans le rôle de la jeune fille. La Beauté est dans l'Œil de l'Observateur...

Cet épisode très Jenny (toujours une bonne chose) la conduit aussi à un duel de piques et autres vannes avec Mark, lorsque celui-ci se lance dans son mirifique projet de documentaire sur le quotidien des « Adoratrices du dieu Abricot » (sic). Le gaillard confirme à l'occasion qu'il est le vendeur du siècle, argent, bons sentiments, parallèle avec la création littéraire  il fait feu de tout bois sous le regard d'une Jenny non abusée mais  qui finit pas accepter (Shane reste plus réticente). Il en découle un duel particulièrement amusant, avec des dialogues qui crépitent et une mise en scène en caméra « subjective » assez rigolote.

Malheureusement, cet habile procédé scénaristique se voit compromis par l'espèce de barnum à la « Big Brother » de Mark et son pote abruti. Cette piste-là semble moins prometteuse : ramener Mark à une posture de méchant réduit l'intérêt du personnage et ses potentialités et la situation perd aussi en originalité, devenant plus manichéenne. Léger malaise : après tout, ce que Mark essaie de faire est-il si distinct de The Real L Word, à l'importante différence près du consentement, bien entendu. Espérons que ce second aspect ne phagocytera pas le premier trop rapidement.

Cela faisait quelques temps que The L Word nous avait privés de ces lieux venus de l'autre bout du cosmos, mais la série se rattrape ici largement avec ce qui ressemble fort à un sex shop pour Dames, ornementé de versions passablement exotiques d'un certain instrument pour lequel  nous savons, depuis  le fameux tricot, qu'Alice éprouve un penchant certain. Cela nous vaut une scène très divertissante entre Alice et Dana (Tonya me tape sur le système, je n'y peux rien), avec à la clef des confiseries fantaisies valant aussi le détour. Dans cet épisode présentant le jugement comme thème sous-jacent, le passage devient subitement âpre quand Alice doit une nouvelle fois se défendre de sa bisexualité. Bon, ce débat interne à la communauté lesbienne nous passe un peu au-dessus mais cela nous vaut une nouvelle belle composition de Leisha Hailey, toujours étonnante de naturel.

Par la suite Dana et Alice, à la relation particulièrement binaire (griffes/caresses) nous offrent un brûlant récital, même à l'échelle de la série. Ce passage, non dénué d'humour, s'avère impeccablement filmé mais achève de rendre non crédible la poursuite des fiançailles Dana/Tonya. Il devient plus nécessaire que jamais de sortir cette dernière de la série !

L'épisode apparaît parfaitement maîtrisé et gouleyant, mais achoppe sur l'espèce de procès en sorcellerie intenté à la pauvre Bette Porter, contre laquelle la série semble comme s'acharner. À l'unisson de la voluptueuse brune, le spectateur a des étoiles plein les yeux quand Tina rentre (temporairement) au foyer. Après tout le segment ressemble à un procédé vaguement stalinien tendant à prouver que Bette gâche tout par égocentrisme. On veut bien qu'elle prenne quelques tics dominateurs d'antan, mais en même temps c'est humain de vouloir, inconsciemment, retrouver les sensations du « bon vieux temps ».

Par contre, on ne croit pas un seul instant à la scène outrée où Bette sabote tout avec une orgueilleuse colère à propos des subventions Peabody. Alors qu’on la découvrait au bord de l’abîme encore récemment, que cela prenne le pas sur un possible retour de Tina ne tient pas la route. Le pire demeure l’auto flagellation à propos du fait qu’elle ne perçoive pas la grossesse de Tina. Mais, bon, c’est un peu le cas de tout le monde dans la série, pourquoi en faire tout un plat en ce qui la concerne ?

 Un passage particulièrement assassin se situe quand Bette demande à Jenny si elle était au courant et l’autre répond « oui ». Ah bon, kézaco ? Aux dernières nouvelles seule Alice savait et si elle finit par manger le morceau, rien ne l’a montré jusqu’ici. Cette flèche du Parthe, soulignée ensuite au Planet avec les autres filles, sent le bas procédé pour enfoncer Bette un peu plus. On attend maintenant d’en savoir plus sur Helena, si elle se rapproche de Tina sincèrement ou juste dans le cadre d’une guerre privée avec Bette (comme le prouverait la coïncidence un peu grosse des subventions).

Quoiqu’il en soit, Tina, qui clamait haut et fort sa volonté d’affranchissement, tout ça, paraît bien prompte à se précipiter vers la première femme d’autorité venue, assez similaire à Bette, tout en décochant des crocs en jambe assez durs à cette dernière (vraiment jusqu’au bout elle n’aura pas voulu lui dire pour le bébé, elle la mouche dès qu’il est question d’Helena etc.). On se résout à l’inéluctable concernant sa relation avec l'hypocrite et doucereuse Helena, mais il faut bien dire que l’on ressort de l’épisode passablement déçu par Tina.

Shane, ses aventures hollywoodiennes (même avec une rencontre très touchante avec la prostituée russe) et sa machination diabolique pour accrocher Carmen à Jenny, sans doute pour fuir une vraie liaison (jeu dangereux) demeure un peu périphérique, mais cela n'empêche pas l’épisode de demeurer dense et fécond de bout en bout.

L’histoire réussit à jongler entre les trajectoires personnelles des personnages et leurs réunions toujours très réussies, comme la longue scène finale de l’enterrement de la vie de jeune fille de Dana, ponctuée d’excellents dialogues (les discours de Bette et d'Alice) et d’une bande-son encore une fois platine (merci Carmen !). Elle autorise aussi une superbe sortie de Bette en guise de conclusion, ouf, il était temps !

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6. LANCINANTE
(LAGRIMAS DE ORO / GOLD TEARS)


Un épisode situé dans une bonne moyenne, même si dépourvu des moments aussi forts que l’on a pu connaître par le passé. L’action se centre plus que jamais autour de Tina/Bette et de Alice/Dana.

Du fait de l’attachement pour les personnages (et les interprètes) ainsi que de la qualité des dialogues, on continue tout de même à s’intéresser à la bombe à retardement qu’est devenue la maison de Tim, même si on en reste ici à un léger surplace. Toujours blessée par la conclusion dramatique de son histoire avec Cherrie, Shane continue à vouloir parer à l’inéluctable en facilitant la relation Carmen/Jen.

Mais l’on voit bien que ce couple reste en surface et ne produit pas autant d’étincelles que d’autres, avec une Carmen tiraillée et par contre une Jenny assez dupe. On attend le dénouement (avec forcément une perdante à la clef) tout en regrettant que Carmen, toujours aussi adorable même quand elle raconte des idioties (notamment sur les Républicains), n’ait pas encore eu « son épisode à elle ».

En attendant, Mark assure le spectacle avec ses jeux de questions/réponses toujours vertes, marrantes et punchy avec ses colocs mais aussi la troupe de filles en gravitation permanente autour de Shane. On s’amuse beaucoup, d’autant que le côté ténébreux de Mark devient plus subtil qu’il n’apparaissait de prime abord, avec une volonté semblant assez sincère de demeurer dans le registre du documentaire (avec des caméras planquées dans les chambres et le recours à une prostituée la démonstration reste encore bien limite). Le gaillard commence à ressentir une certaine fascination pour Shane,… Bon courage !

Néanmoins le fil rouge de l’épisode demeure les tergiversations insensées entre une Alice totalement surexcitée (oui, encore plus que d’habitude) et une Dana plus rétive à propos de la séparation (enfin) avec Tonya, le tout sous le regard passablement effondré de « Yoda » Shane. Cela nous vaut des scènes électriques et franchement drôles (le texte de rupture mitonné par Alice est assez incroyable).

Au passage se distingue tout de même la scène touchante de séparation proprement dite, au ton très juste et qui éclaire à la toute fin sur les sentiments éprouvés par Dana envers la tueuse de chat (formidable Erin Daniels). On sait depuis Lara que Dana est très douée pour les ruptures, cela se confirme… Le renversement énorme apporté par Tonya est d’autant plus percutant, avec une autre tenniswoman correspondant visiblement davantage à sa personnalité... extravertie, on va dire.

On adore la fin avec Dana et Alice KO debout et une Shane totalement hilare : la relation Dana/Tonya ne nous aura pas vraiment passionné, mais sa conclusion aura vraiment été menée de main de maître au cours de cet épisode.

Alors que les histoires des coach de Jenny et Kit continuent à n’intéresser que médiocrement (le second ayant tout de même une toute autre envergure que la première), les rapports Tina/Helena/Bette évoluent, mais dans un sens tellement prévisible qu’il faut plus parler de confirmation que de réel avancement.

Tina, qui ne montre pas son meilleur visage actuellement, déçoit en échouant à sauvegarder sa liberté nouvellement acquise, se précipitant dans les bras d’une femme dominatrice (évoquant sans doute la Bette de leur rencontre), en l’occurrence ce serpent d’Helena Peabody. Celle-ci se montre plus imbuvable que jamais, à force de snobisme et de suffisance, et poursuit d’ailleurs sa guerre personnelle contre Bette en lui introduisant un rival au sein du musée. Alice calcule parfaitement l’animal dans une scène très tonique, ouvrant parfaitement l’épisode. Dana semble vouloir affermir sa décision en manifestant une agressivité parfois irritante envers Bette.

Celle-ci, exemplaire, force au contraire une nouvelle fois l’admiration. Confrontée à des vents plus contraires que jamais, elle ne cède sur rien et retrouve une belle combativité après son gros passage à vide. Autant par conviction que pas volonté de rester d’une manière ou d’une autre dans la vie de Tina, en attendant des jours meilleurs, elle a l’excellente idée de la garde conjointe du bébé (en amour comme à la guerre il faut faire feu de tout bois) tandis qu’elle n’hésite pas à opérer un raid vengeur chez son boss. C’est la Bette vaillante qu’on adore, d’autant que, à l’écoute du gourou de Kit, elle accepte enfin d’abandonner le timon à Tina, pas facile quand on connaît sa fierté naturelle et son penchant pour commander.

Hélas la tentative très touchante du bouquet de fleurs ne sert à rien puisque Miss Tina est en train d’embarquer pour Cythère avec Helena. Tant pis, même s’il se conclue mélancoliquement avec Bette et Tina paraissant plus éloignées que jamais, la prise de conscience et le courage de Bette laissent encore de l’espoir (et puis on arrive à la moitié de la saison, ce serait bien que le courant devienne un peu ascendant, là…).

Quelques détails amusants dans cet épisode toujours efficacement mis en scène et sa bande-son parfaitement éclectique et soignée. Notre ami le placement de produit est de retour, avec une marque de jus de fruits aussi omniprésente au Planet que dans le frigo des filles (cela commence par Tropi, et finit par cana).

Le délire littéraire du jour de Jenny, se situant dans un cirque fantasmé, évoque furieusement un clip de Niagara, Les flammes de l’enfer, pour ceux qui s’en souviennent). L’épisode nous fait découvrir un lieu absolument mythique de Los Angeles, avec le Château Marmont (là où Helena et Tina concluent). Situé effectivement dans West Hollywood, ce palace accueille les plus grandes stars depuis des décennies. Détail curieux, il figure dans le Quatuor de Los Angeles de James Ellroy (Le Dahlia noir, L.A. Confidential etc.) comme un point de rendez-vous pour la communauté gay dans des années 50 des plus sinistres.

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7. LUMINEUX
(LUMINOUS)


Décidément, même à l’époque la plus contemporaine (celle où Carlita se confierait, paraît-il, à Michelle Obama), la France sera toujours la France éternelle pour nos amis Américains : le pays de l’Amour et Paris “the most romantic city in the World”. L’intro du jour, particulièrement réussie, nous convie ainsi dans un Montmartre que l’on croirait jailli de Moulin Rouge (the movie), à l’occasion d’une nouvelle saillie littéraire de l’inépuisable Jenny. Le passage ressort très amusant, mais, si d’habitude la VF de la série s’avère réellement excellente, ici il faut absolument passer à la VO pour découvrir Mia nous régalant d’un français parfait, au léger accent  irrésistible.

Marina/Karina est battu sur son propre terrain. On remarquera aussi que les documentalistes de la série ont bien travaillé avec une référence à l’Hôtel Montalembert, effectivement l’un des palaces de St Germain des Prés (à deux pas du Quai Voltaire, pour les Parigots).

Malheureusement, après cette mise en bouche, l’épisode subit une très nette baisse de régime. En fait l’on se retrouve à un défaut déjà observé, la suraccumulation de scènes aussi rapides que peu pertinentes. Le récit nous fait partager une journée des filles, du réveil jusqu’à une soirée devant en représenter le point d’orgue.

Si le procédé n’apparaît pas inepte en soi, force est de constater que toute cette première partie semble être un prologue passablement vain. Le dialogue matinal entre Jen et Mark est amusant sans plus, idem pour Alice et Dana sur leur petit nuage, ces personnages nous ont habitués à mieux.

On a droit aussi à du franchement raté, comme ces scènes de fac toujours creuses, figées et bavardes, d’autant que le second « texte » de Jenny ne compte pas parmi ses meilleurs. On flirte même avec un mauvais goût assez pénalisant, dépourvu de la verdeur humoristique de Californication. La productrice mégalo déçoit un peu dans sa dimension pseudo fellinienne, la mise en scène manque du grain de folie nécessaire pour accompagner le fracassant numéro de Camryn Manheim. On se lasse et finalement Shane fait bien de mettre les voiles, décidément le gratin d’Hollywood ne lui réussit pas.

On découvre Helena et Tina de plus en plus intimes (beurk) ce qui nous vaut une scène tournée selon une esthétique de téléfilm érotique assez lourde et caricaturale (Tina admire les beaux quartiers  depuis le balcon, Helena qui vient la rejoindre etc.). D’ailleurs la photographie et les tonalités pastel évoqueront passablement les films de Guy Hamilton aux amateurs (enfin, on m’a raconté, hein, je n’ai jamais vu personnellement aucun de ses films, comme on le devine bien). Le « couple » ne dégage pas grand-chose en vérité, et on a hâte de voir cette parenthèse se refermer.

Quelques satisfactions annexes : voir Tina prise dans les filets d’une nouvelle femme aimant prendre les décision (elle l’a cherché, elle l’a trouvé) et surtout constater que la basse manœuvre d’Helena d’arrimer encore davantage Tina avec les enfants se retourne contre elle, car soulignant à Tina l’importance de Bette dans la vie de la future petite. Bien joué !

Justement, quand The L Word accuse un petit coup de mou, il lui reste toujours Bette Porter. On lui doit très clairement les meilleures scènes de cette première partie en demi teinte. Tout d’abord la confrontation polie mais glaciale (Bette sait être mordante à l’occasion) avec le pion d’Helena. Un joli match bien vipérin, avec un détail amusant : le monsieur a comme un air du Sawyer de LOST, ce qui produit un effet assez décalé.

Le coup de fil au répondeur de Tina se montre tout à fait poignant, illustrant parfaitement la différence d’intensité existant entre les relations Tina/Bette et Tina/Helena. Bette, qui semble avoir désormais bien remonté la pente, se permet le luxe « d’approcher » quelque peu d’une jeune artiste (Cobie Smulders, vue en tueuse manipulatrice dans l’excellent Tru Calling, ainsi que dans How I met your mother). Bette se prend un petit bec mais le passage permet d’accéder enfin à la fameuse soirée.

Celle-ci, parfaitement narrée et mise  en scène, permet temporairement à la série de renouer avec son meilleur niveau. Grande nouveauté, l’on trouve des passages humoristiques autour de Bette pour la première fois cette saison, avec la meute de fille la considérant comme une cible de choix. Bette, dont on sait bien qu’elle pourrait ramasser au moins autant que Shane si elle le désirait, demeure indifférente, puis de plus en plus effondrée. Tina voit la chose, ce qui est toujours bon à prendre…

Après leur gag de la révélation éventée, Alice et Dana se montrent très touchantes lors d’un slow superbement rythmé. On remarque qu’une soirée similaire se soit déroulée il y a peu pour Dana/Tonya ne trouble personne : Tonya n’aura pas vraiment marqué les esprits… La soirée reste aussi l’occasion d’un basculement du récit vers Shane, Carmen et Jenny, ces deux dernières se livrant à une démonstration de disc jockey assez intense (au passage, encore une bande-son soignée et éclectique),  à la grande ulcération de Shane.

La suite de l’épisode retrouve les alternances de scènes précédentes, toutefois sur un tempo plus élevé. On semble s'orienter vers une autre étape de la carrière d’écrivain de Jenny, qui va rédiger la bio d’une vedette. Bon, cela rappelle un peu Californication ça aussi, mais tout est bon pour se débarrasser de la séquence fac idiote.

On dénote surtout deux très fortes scènes avec Shane : une âpre confrontation avec une Carmen toujours tiraillée (indiscutablement le duo Shane/Carmen produit plus d’étincelles que Jenny/Carmen) et une gueule de bois massive de Shane la conduisant au mauvais endroit, au mauvais moment. Et ne voilà-t-il pas que le Mark, planté jusqu’ici de manière ennuyeuse devant ses écrans, vole à son secours tel le preux Lancelot du Lac. Voici qui rédime au moins en partie le personnage et qui promet un développement intéressant.

Malgré cette seconde partie en progrès comparativement à la première, et l’apparition toujours savoureuse de guests (la guitariste Samantha Ferris et Alyson Palmer  du groupe Betty mais aussi Samantha Ferris, grande habituée des séries SF et Fantastiques) on reste tout de même avec l’impression d’un épisode peu relevé, voire terne par moments.  En fait, il apparaît qu’en ce mitan  de la saison 2, celle-ci peine un peu à trouver un second souffle.

Tina et Bette parviennent à se parler sans que les tables s’envolent, c’est encourageant pour la suite mais l’on se situe dans un entre-deux, sans les moments déchirants du début et avant (pas de blagues, hein) les joies des retrouvailles, comme en suspens. Il en va de même pour Jenny/Carmen/Shane, Carmen ne choisissant toujours pas. On éprouve un certain surplace, même si Mark se montre sous un meilleur jour. Kit a eu son Planet, Alice/Dana ont atteint leur objectif et ne paraissent plus avoir grand-chose à raconter dans cette saison, hormis leurs scènes amusantes et électriques coutumières (ce qui n’est déjà pas si mal !). Encore six épisodes, il va falloir que la fusée mette un second étage à feu et se décide à évoluer au-delà du nouveau boulot de Jenny…

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8. LOYAUTÉ
(LOYAL)


Sans compter parmi les meilleures ouvertures de la série, celle-ci amuse pour son clin d'œil à Brokeback Mountain comme pour sa satire générale des films effectivement passablement machos des 80's, évoqués plus tard. Toutefois, les blockbusters de l'époque concernaient plus l'action et la science-fiction que le Western, mais, après tout, pourquoi pas. La suite de l'épisode manifeste un tonus retrouvé, avec des dialogues et des situations crépitant nettement plus que lors du terne opus précédent, avec également quelques scènes clef comme on aime.

Le duo Alice/Dana en ménage continue cependant à s'installer dans un bonheur idyllique peu propice aux diverses saillies humoristiques auxquelles les deux duettistes nous avaient accoutumés. Si le jeu si expressif et tonique de Leisha Hailey permet à Alice de continuer à dispenser quelques joyeux instants, du côté de Dana c'est carrément l'assommoir. De plus Alice poursuit ses activités porteuses, comme cette émission de radio laissant entrevoir de bons moments à venir (auto-confession très marrante), tandis que le tennis devient totalement inopérant.

On commence un peu à désespérer quand survient l'une des bombes de l'épisode : Lara est de retour ! Le rebondissement d'enfer ! Bon, évidemment, on trouve là une petite facilité scénaristique, il reste assez étonnant que Kit embauche quelqu'un ayant autant compté pour Dana, sans qu'à un moment ou à un autre cela ne surgisse dans la conversation. Enfin, peu importe, outre le plaisir de retrouver ce personnage particulièrement lumineux et attachant (l'un des gros coups de cœur de la saison 1), on tient sans doute là un bon moyen d'instiller à nouveau du tonus et de l'intérêt à la relation Dana/Alice. Voir Alice se liquéfier, puis taire la chose à Dana, se révèle déjà piquant...

La nouvelle carrière de nègre littéraire de Jenny ne débouche pas sur grand-chose, hormis la faire sortir de la voie sans issue des pensums universitaires. On note toutefois une scène bien écrite entre elle et le comédien réac, d'autant que celui-ci est interprété par l'impeccable Tony Goldwyn. On trouve là un autre de ces clins d'œil rétro dont la série a le secret : le méchant de Ghost, rien que ça ! Toutefois dans ce théâtre d'ombres que constitue cette maison, le plus intéressant continue à se dérouler sans Jenny.

L'épisode explore avec acuité le côté sombre et les failles ravivées de Shane (y compris avec une scène très intense de confession, qui ne sera pas sans évoquer Dana Scully dans un autre univers), tandis qu'une nouvelle confrontation des plus ardentes se déroule entre Shane et Carmen, au bord de la rupture avant de sauvegarder leur amitié (quel nihilisme de la part de Shane !). Il faut bien avouer que même leurs atermoiements paraissent plus intenses que la relation officiellement établie entre la brune Latina et Jenny, sympathique mais trop lisse. Kate Moennig et Sarah Shahi ont une manière bien à elles de rendre leurs échanges particulièrement ardents, même si platoniques.

Au départ passablement douteux, Mark ne cesse de marquer des points, par une conversation assez geek et pétillante autour des films pour garçons ou filles avec Jenny mais surtout par son attirance envers Shane débouchant sur une solidarité dont cette dernière a grand besoin dans cette période difficile. La progression du personnage se voit couronnée par son invitation à la soirée improvisée chez Bette. Le gaillard, qui accède ainsi à un cénacle très fermé (non, non, on n'est pas du tout jaloux), continue néanmoins à filmer. Une épée de Damoclès qui finira bien par s'abattre...

Entre amitié et voyeurisme, humour et dissimulation, observateur mais aussi  acteur positif de la vie de ce petit univers, Mark (joué avec entrain et naturel par Eric Lively)  achève de trouver sa place et d'apporter sa pierre à cette saison. Conjointement à Carmen, il en constitue un atout, bien davantage qu'une Helena au registre et à l'intérêt plus limités (et en plus elle n'aime par Freddy vs Jason, grave !).

Autre très grand moment de l'épisode, la rencontre entre Tina et Bette au sujet de l'enfant exploite parfaitement la technique du non-dit, toujours si délicate à manier. Elle n'est aucunement abordée directement, chacune des deux se défend bien d'y songer, mais pourtant la réconciliation est là, elle flotte dans l'atmosphère tout au long de la conversation, impalpable mais bien présente. Bette a bien intégré qu'il fallait cesser d'être directive avec Tina et joue à merveille sa partition, tandis que Tina évoque le fait qu'il faille se concentrer sur le bébé comme pour se convaincre elle-même de ne pas parler d'autre chose.

L'évidence du couple se manifeste comme jamais au cours de cette saison et Laurel Holloman comme Jennifer Beals se montrent aussi magistrales sur le registre intimiste que dans le paroxysme de l'émotion. Helena s'empresse bien entendu d'y mettre le hola. Toujours plus imbuvable elle achète manifestement l''affection de Tina avec cette « chasse au logis » ou, sans pudeur, avec l'écharpe donnée comme en aumône à Alice (qui se garde bien de la porter).  Surtout elle se montre chaque fois plus dominatrice envers Tina, mais celle-ci est beaucoup moins à la dérive désormais et retrouve comme un équilibre avec Bette. On attend la sortie de route qui achèvera d'ouvrir les yeux de Tina.

Surtout Bette ne cesse de son côté de marquer des points au cours de l'épisode, avec ce qui restera comme la « conjuration de la piscine », où l'ex d'Helena révèle avec émotion le côté vampire de celle-ci.  Au cours d'un passage assez ébouriffant Bette contre l'influence grandissante de la New Yorkaise sur le musée. Elle reçoit enfin le renfort des copines qui apportent un cinglant retour de bâton aux tentatives pour le moins maladroites d'Helena pour intégrer le groupe. Cette soirée improvisée, chaleureuse et solidaire, fait mesurer le chemin parcouru depuis le semi boycott de Bette.

Et c'est sur un rayonnant sourire de Jenny Beals que s'achève cet épisode dense et fort bien écrit, qui restera comme celui où l'on ressent pour la première fois avec clarté que les marées du destin se sont inversées pour Tina et Bette.

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9. LATITUDE
(LATE, LATER, LATENT)


On ressort quelque peu décontenancé d’une séquence d’ouverture tout de même passablement spéciale entre Carmen et Jenny. Il n’apparaît pas certain que l’introduction d’une dose de scatologie, parfois amusante dans un contexte à la Californication, speedé et égrillard, convienne réellement à The L Word, jouant plus la carte du sentiment et d’une certaine finesse y compris dans les scènes intimes. Le procédé détonne quelque peu ici, d’autant que la scène finale entre Alice, Dana et le fameux outillage y fait écho. Néanmoins, après cette réserve initiale, cet épisode va se révéler particulièrement riche.

D’abord, jouez transistors, résonnez cassettes, l’Évènement est arrivé, Bette et Tina se sont réconciliées. Enfin pas tout à fait (encore) : après l’émouvante séance échographie, l’évidence qui avait déjà conquis le reste de la planète s’en est enfin venue les visiter et les voici qui renouent charnellement. La série s’amuse à joliment titiller son public car la scène ne se dessine que très progressivement, nous laissant glisser délicieusement de l’incrédulité à l’ébahissement ravi.

La scène se révèle tournée avec beaucoup de tendresse et d’émotion entre les personnages ; (ainsi qu’avec une vraie alchimie sexuelle, disons-le). Coup de chapeau à Bette qui a décidément bien compris la leçon de ses tribulations et ne cherche nullement à imposer ses vues à Tina, plus que jamais libre.

C’est ce que, malgré quelques efforts de surface, l’impérieuse et indéfectiblement snob Helena ne parvient à réellement intégrer, d’où des tiraillements désormais marqués dans le couple. Le parallèle établi entre elle et Bette lors des passages se déroulant dans l’appartement paraît dévastateur pour elle. Tic-tac, tic-tac, le temps de Miss Peabody s’achève (à lire avec le carillon de 24h en fond sonore).

Grand coup de chapeau (un de plus) pour Jennifer Beals qui réalise une nouvelle étonnante performance lors de la séance chez le psy. Du désespoir absolu jusqu’au doute cruel devant la renaissance de l’espoir (et l’affranchissement de Tina : « Elle n’a plus besoin de moi ! »), la malheureuse Bette aura vraiment vécu tout le spectre des souffrances sentimentales cette saison !

Et pourtant, cela reste assez rare pour le signaler, la scène la plus intense et aboutie de l’épisode ne relève pas de Tina/Bette. Avec une conviction et une abnégation admirables, Carmen ne cesse depuis plusieurs épisodes de monter à l’assaut de la forteresse de solitude de Shane. Cela nous a déjà valu des moments marquants par le passé, mais cette fois-ci est la bonne. Shane et Carmen (toujours sublimissime) s’avouent mutuellement leur amour dans une scène écrite avec une vraie justesse de ton, évitant tout pathos pour offrir une incroyable émotion. Les actrices sont une nouvelle fois parfaites, quel duo !

Évidemment, comme le chantait Julio, en amour il y a toujours un perdant : fine mouche et observatrice lucide, Carmen de mis amores exécute joliment sa relation avec Jenny, tandis qu’elle balance des phrases certes justes mais tout de même passablement cinglantes concernant cette dernière.

Et là les scénaristes se montrent redoutables (et sans pitié) en faisant exploser simultanément leurs deux bombes à retardement quand Jen assiste en différé à cette exécution après avoir (enfin !) découvert le pot aux roses concernant Mark. Les deux impacts s’additionnent en une belle déflagration, et, sans être absolument imprévisible, la force dramatique du procédé demeure incontestable, avec une Mia Kirshner une nouvelle fois réellement inspirée. En prime cela laisse entrevoir un duel au soleil comme on l’aime pour le prochain épisode… 

À propos de prochain épisode, ayons une pensée miséricordieuse pour le gars Mark. Celui-ci vient d’être lâché par son associé et viré par son producteur, ne sera pas remis en selle par la réalisatrice plaquée par Shane, se voit contraint de faire ses besoins dans les buissons et écope d’une nouvelle coupe absolument hideuse (il faut que quelqu’un suggère gentiment à Shane de changer de boulot, ce n’est plus possible, là). Mais tout ça c’est de la roupie de sansonnet car, sans qu’il le sache, un gros, un très gros Scud vient de décoller et devrait lui dégringoler dessus prochainement. On est très triste pour ce type dont on n’était pas du tout jaloux. En voilà un qui va quitter L.A. avec du goudron et des plumes…

Alors, bien entendu, tout ce qui subsiste autour de ces deux croisées des chemins paraît bien léger, parfois dérisoire. Dana et surtout Alice recherchant leur Saint-Graal dans un sex shop féminin c’est distrayant mais déjà vu (où est passée Lara ?).

L’histoire de Kit avec Gourou continue à n’intéresser que modérément et le retour avorté d’Yvan déçoit un peu. On espérait autre chose qu’une scène de jalousie tournant court… Et puis la prof de Jenny s’humanise un tantinet mais ne casse toujours pas des briques et si les confessions croisées de Jen et de la star se montrent, elles, très émouvantes, elles débouchent sur un cul-de-sac. Par ailleurs on boit toujours les mêmes eaux et la même bière à West Hollywood… Qu’importe, l’épisode se suit avec une intensité jamais démentie et ouvre idéalement le dernier acte de la saison !

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10. LA CROISIÈRE S'AMUSE
(LAND AHOY)


Love, exciting and new. Come aboard, we're expecting you. Love, life's sweetest rewar. Let it flow, it floats back to you. Love Boat soon will be making another run. The Love Boat promises something for everyone. Set a course for adventure, your mind on a new romance. Love won't hurt anymore, it's an open smile on a friendly shore.

YES, LOOOOOOOOOOOOOOVE ! WELCOME ABOARD, IT’S LOOOOOOOOOOOOOVE !

Depuis le début de la série les multiples références à la pop culture des années 70 et 80 nous ont vraiment ravis et parfois enthousiasmés, mais là on atteint vraiment un sommet avec cet épisode totalement La Croisière s’amuse. Cette idée d’une série reprenant les codes d’une autre s’avère souvent plus ambitieuse et divertissante que le simple cross-over, on en avait d’ailleurs visionné un magistral exemple dans X-Files avec un épisode parfaitement décalé (et givré), X-Cops.

Ici on se régale pareillement avec un vrai déluge de vannes et de clins d’œil aux différents membres de l’équipage, jusqu’à de vraies discussions style geekettes à la Chuck entre les filles, toutes fans de la série (même Carmen, qui ne devait pas savoir encore marcher lors des premiers épisodes). Parce qu’enfin, qui se souvient de Love Boat The Next Wave, la suite calamiteuse de la série culte ? Ou les documentalistes de The L Word se sont déchaînées ou alors Ilene Chaiken est une vraie fan, en tout cas le résultat apparaît aussi pointu qu’excellent. Mine de rien le parallèle permet de constater à quel point le discours des séries à propos de l’amour et du sexe a évolué en une trentaine d’années !

Le summum cela reste tout de même le jeu de rôles (avec accessoire…) entre Dana/Cpt Stubing et surtout Alice en saisissante sosie de Julie. Ah, ah, ah, en fait Alice est vraiment dingue, je l’adore ! (Énorme numéro de Leisha Hailey.) En plus, souci du détail, le passage se voit accompagné d’une musique très 70’s, mais semblant s’intituler The Lez Boat… On éprouve un vrai plaisir à retrouver à son meilleur le couple des gag women de cette saison 2, après une période un peu en dessous. Entre l’émission de radio électrique, l’hallucinante scène de fouille des bagages ou encore les péripéties foireuses à bord, on rit franchement durant une bonne partie de l’épisode.

Au-delà du duo infernal,  cette croisière passablement spéciale permet de renouer avec l’atmosphère de la fête nautique de Shane durant la saison 1, quoique un peu moins détonnante du côté drogue/alcool/orgie. Des dames de tous les âges sont présentes, avec des portraits saisis sur le vif assez touchants et dignes (comme pour le Dinah Shore l’épisode se tourne au sein d’une vraie réunion lesbienne).

De nombreuses scènes amusantes sont également à mettre ici à l’actif de Land Ahoy (dont un irrésistible pastiche de la scène culte de Titanic par l’une des Betty), de même qu’un vrai défilé de guests dont Shawn Colvin (et son standard Sunny came home). Cerise sur le gâteau, pour quelqu’un ayant grandi à côté d’un grand chantier naval, l’épisode prend des allures de petit documentaire sur les paquebots, avec ici également une comparaison entre les navires contemporains et ceux du style du mythique Pacific Princess.

Outre Alice/Dana (et  toujours pas Lara, donc) l’autre grande vedette de l’épisode reste Jenny, offrant tout au long de l’intrigue un récital comme seule elle sait faire. D’abord on avait imaginé bien des façons selon lesquelles elle ferait exploser la bombe sous le nez du Mark, mais le strip intégral peinturluré, non, on n’y avait pas songé. Il n’y avait sans doute que le talent si personnel de Mia Kirshner pour empêcher la scène de verser dans le ridicule et la rendre au contraire d’une force étonnante.

Que cela soit effectivement pour ne pas gâcher les vacances ou, plutôt, pour se donner un peu de temps de réflexion, Jen fait temporiser un Mark statufié sur place (comme c’est triste). S’ensuit des passages poignants où on la voit dériver sur le navire, cherchant désespérément une solution conciliant les amours et les amitiés (jusqu’à un improbable plan à trois), mais ne pouvant s’empêcher d’exprimer sa souffrance par quelques émissions de fiel bien senties.

Tout cela sonne très juste jusqu’à ce que, de retour, Jenny accepte de s’effacer par amitié pour Shan et Carmen.  Par contre elle semble réellement marquée alors qu’elle débute une espèce de trip familial assez morbide (étonnant, non ?) ce qui semble indiquer qu’après une grande partie de la saison (relativement) sur les hauteurs, elle semble de nouveau s’enfoncer dans ses marécages personnels. Inquiétant…

Par contraste, la bonne humeur de l’épisode permet à la violence de la révélation de la félonie de Mark de rejaillir avec encore plus de force. Kate Moennig sort le grand jeu, exprimant parfaitement la trahison ressentie, avec à la clé un joli crochet du droit pour le Mark, toujours plus liquéfié. Le ton parfaitement funèbre du moment est encore souligné par l’absence totale de musique dans le générique final, une première (24h a déjà utilisé ce procédé quand meurt l’un des proches de Jack Bauer).

Cependant cette richesse narrative présente une contrepartie négative : le  faible espace consacré à Tina/Bette. Or un épisode sans réellement de scène entre elles, ce n’est jamais bon. Mais en l’occurrence cela ne résulte pas si grave, après tout on a déjà souvent vu nos chouchoutes au cours de cette saison et Tina a tout de même le temps de glisser à Bette qu’elle aimerait bien sortir avec elle et surtout qu’elle n’est pas mariée à Helena (par ailleurs toujours plus manipulatrice et fausse). Ah, ah, si ce n’est pas clouer un cercueil, ça… La santé de Melvin fait craindre une évolution à la série hospitalière, mais, bon, en début de saison la parenthèse « série judiciaire » s’est finalement révélée superbe. Alors…

En définitive l’épisode paraît aussi parachevé dans ses versants joyeux ou dramatiques, et constitue vraiment l’un des pics de cette saison 2. On en profitera encore davantage en écoutant l’incroyable commentaire en VOST de Erin, Leisha et Kate, brillant, drôle et volontiers sarcastique sur la série ! Un régal d’autant qu’il se révèle une vraie mine d’infos sur Land Ahoy mais aussi sur les coulisses de la série.

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11. LIBRES ET FIÈRES
(LOUD AND PROUD)


Après les deux excellents épisodes précédents, la série enregistre une vraie baisse de forme à l’occasion de celui-ci. Son grand atout demeure bien entendu l’insertion de l’action dans la Marche des Fiertés de Los Angeles. Cela nous vaut des images festives et colorées, très joyeuses. Les actrices  s’y montrent très à l’aise et l’insertion avec les différents fils de l’intrigue s’effectue avec beaucoup de naturel. On éprouve un faible particulier pour Shane et Alice s’éclatant avec les motardes lesbiennes, c’est vraiment très sympathique.

Malheureusement, peut-être pour des raisons techniques, l’immersion paraît moins développée que lors de l’épisode Dinah Shore, et l’on s’en revient finalement à la « Planet pride » (ambiance très chaude d’ailleurs, on se demande si l’équipe de la série n’a pas réellement organisé une fête). Mais, surtout, tout ce qui entoure la Gay Pride ne convainc guère, avec un récit se contentant de capitaliser sur la situation précédente et quelques évolutions guère satisfaisantes.

Les ouvertures  d’épisodes de The L Word se sont souvent montré amusantes et inattendues, mais ici on vire carrément au glauque avec cette boîte SM filmée sans aucun recul. Le passage semble bien plus sinistre et sordide qu’autre chose. Ce que l’on craignait se réalise en partie, la maladie de Melvin conduit à quelques passages au pathos avéré (notamment avec Kit), relevant plus de la série hospitalière de base que de l’intensité propre à The L Word. Bette et Tina semblent encore se rapprocher, d’où une confrontation certes réussie entre Melvin et Bette, mais  il est vrai dans la droite ligne de celle de Land Ahoy (bis repetitas, avec moins de force) ?

Et puis on ne comprend pas du tout cet espèce de petit retour de Tina vers Helena, alors que celle-ci est toujours plus vindicative et aigre, jusqu’à débuter un flirt avec la jeune artiste qui avait (quel hasard) rembarré gentiment Bette. À ce moment de la saison on ne comprend simplement plus cette envie persistante de Tina de continuer à la fréquenter, c’est limite artificiel.

Alice et Dana nous divertissent à nouveau avec leurs jeux de rôles (très Upstairs Downstairs ici) mais, malgré quelques scènes amusantes (Alice vraiment garce avec la fille du char, leur fuite hors de la boite SM), on se situe bien en deçà de Land Ahoy. Et puis Alice en amoureuse éplorée et presque possessive, cela pétille tout de suite moins.

Toute l’histoire du frère de Tina paraît aussi terriblement téléphonée, on comprend immédiatement l’affaire. Shane se contente de bétonner, poursuivant son amitié pour Jen qui, elle, ouvre son cœur à Carmen ; des scènes touchantes mais situées plus dans la confirmation que dans l’évolution de l’action. Et puis elle semble au moins en partie passer l’éponge sur les agissements de Mark (étonnant, tout de même), celui-ci jouant passablement la montre avec des grands airs de chien battu. Avec au passage une réplique bien trouvée de la scène où Jen lui disait ses quatre vérités, mais bon le coup du strip dans ce sens-là cela ne marche pas vraiment… 

La seule à connaître réellement une progression est Jenny, décidément en pointe dans ce crépuscule de la saison. Mais alors là on n’aime pas du tout ce que l’on voit, avec Jen tombant littéralement en morceaux, toujours plus immergée dans son univers fantasmé.  C’est notamment le cas avec des collages superbes à la Monty Python mais relevant franchement du film d’épouvante. La fin de l’épisode la montre comme physiquement présente dans son cauchemar, c’est très fort.

Par contre on a un peu de mal à suivre, apparemment elle a subi un viol dans son enfance mais elle semble aussi s’en rendre comme responsable (pourquoi ?) et désirer s’en mortifier avec son passage très éprouvant pour le spectateur au club SM. Jenny semble très très loin désormais, les deux derniers épisodes vont être périlleux.

Hormis cette lugubre exception, l’épisode apparaît comme un temps mort passablement bavard, avec peu de scènes concluantes, en dehors du passage très réussi de la Gay Pride, sa seule vraie justification.

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12. LUTTE
(L'CHAIM)


De manière originale et judicieuse, alors qu’en tant qu’avant dernier épisode Lutte devrait accélérer l’action en la précipitant vers le grand final, il prend le temps d’une vaste respiration pour accorder aux dernières heures de Melvin l’espace qu’elles méritent. Il pourrait sembler périlleux de consacrer la majeure partie du récit à ce qui demeure un segment  externe aux grandes intrigues transversales de la saison, alors même que les quelques scènes hospitalières de l’épisode précédent s’étaient révélées inégales. Et pourtant ce choix va se révéler payant.

Tout d’abord les scénaristes ont la brillante idée de considérablement réduire la distanciation avec le corpus central du récit, par la décision de Bette de transférer le malade chez elle. Outre l’interaction  facilitée avec  les autres personnages dans un cadre familier, cette astuce permet d’atténuer la similitude avec ces dramas hospitaliers souvent bassement lacrymaux et sensationnalistes.

Si l’utilisation du décor permet de touchants clins d’œil (éléments trop manifestement lesbiens enlevés, mais photo de couple avec Tina conservée) et si les dialogues sonnent souvent justes, privilégiant l’émotion digne au pathos, c’est bien le talent si sensible des actrices et de Ossie Davis qui assure la véracité et l’impact de ces passages.

Pam Grier exprime parfaitement la douleur plus résignée que celle d’une Bette toujours aussi volontariste, ne se rendant que progressivement à l’évidence de la mort prochaine du père. Jennifer Beals apparaît encore merveilleuse de sensibilité au cours de ce renoncement gradué sur l’ensemble de l’épisode. On remarque au passage que l’équipe technique multiplie les efforts pour donner l’impression d’une Bette se négligeant car accordant tout son temps à son père, mais Jenny B. demeure tout autant sublime que de coutume malgré tout. À l’impossible, nul n’est tenu !

On admire également la déchirante prestation de Ossie Davis, l’ultime de sa carrière. Il parvient à illustrer le calvaire vécu par son personnage tout en manifestant tendresse, malice et révolte. Il s’agit du testament de ce grand acteur afro-américain, grande figure de la lutte contre la ségrégation raciale (il prit notamment la parole durant les funérailles de Martin Luther King), qui devait décéder très peu de temps après le tournage, trois mois avant la diffusion d’un épisode lui étant dédié, à juste titre.

Melvin tient à partir en paix avec les siens et l’on remarque qu’il a enfin le temps d’appeler Tina par son prénom. C’est que le scénario achève de joindre harmonieusement le crépuscule de Melvin au tronçon principal de l’intrigue en lui faisant jouer un rôle actif dans la réconciliation Tina/Bette, toujours plus parachevée.

L’épisode nous offre plusieurs preuves de ce lien retrouvé, culminant par une scène paisible de sommeil, où paraît reconstitué toute la tendresse du couple. Un passage particulièrement touchant par sa la simplicité et le naturel de son éloquence muette, joliment accompagné par la musique du générique doucement interprétée au piano (exactement comme à la fin de Triangle dans les X-Files). Parallèlement Helena devient de plus en plus pitoyable et fielleuse avec ses tentatives quasi désespérées de retenir Tina en excitant sa jalousie, sans comprendre que « Tee » se situe désormais bien loin de tout cela. On sent très bien qu’il s’agit plus de rage à l’idée de perdre la partie que d’un véritable sentiment. Ceci dit la colère de bon ton sied à merveille à la très belle Rachel Shelley…

On reste un peu moins convaincu par l’espèce d’immobilisme persistant entre Shane et Carmen. Depuis le départ silencieux de celle-ci après les aveux de Mark, les deux se cantonnent à de brèves rencontres, plus amicales qu’autre chose. C’est tout de même un peu bizarre alors même que Jen les encourage à sauter le pas.

Il faut bien avouer que l’on ressent ici comme une volonté de ralentir un peu le tempo pour que tout se concrétise lors du final. D’autre part, d’accord Shane prend la vie comme elle vient et manifeste toujours beaucoup d’empathie envers ses proches, mais l’on reste néanmoins passablement estomaqué de la voir converser comme si de rien n’était avec Mark, toute amitié retrouvée.

On admet plus facilement l’attitude de Jenny, qui bat longtemps et violemment froid à Mark avant d’esquisser une réconciliation. Que Jenny semble être la plus « normale » laisse planer comme un malaise, d’autant qu’elle continue à s’enfoncer dans ce délire que l’on ne comprend plus très bien, la poussant toujours plus loin – cette fois à de l’exhibitionnisme dans une boîte minable, jusqu’à inviter les amies pour que cela soit la totale.

Il est grand temps que la saison s’achève pour Jenny, on s’avoue franchement inquiet pour le dernier épisode (et en particulier son inévitable cliffhanger). Mia Kirshner est toujours incroyable dans ces scènes qu’elle reste sans doute la seule à pouvoir interpréter sans aucun ridicule et avec une telle intensité. C’est vraiment Jenny immergée dans ses ténèbres personnelles en cette fin de saison.

Mais le grand moment de l’épisode – hors Melvin – consiste dans la rencontre repoussée presque jusqu’à l’absurde de Dana avec la belle Lara. Il se confirme donc bien que Lara est la cuisinière du Planet depuis des jours sinon des semaines et l’explication en est, je cite, "que Dana ne vient pas souvent dîner (sic)". Dans le développement narratif global de la saison cela sonne comme une petite faiblesse, mais qu’importe, car la scène se montre très réussie. Et des plus dures pour la pourtant si charmante Alice, car dès que les deux autres se retrouvent on sent bien que c’est mort tant le courant passe fort.

On peut également mettre cela en rapport avec la difficulté qu’a connue Alice à faire dire à Dana qu’elle l’aimait durant Libres et fières. Il semble bien que nous soyons face à un couple dans lequel les deux partenaires se sentent différemment investis, comme pour Shane et Jenny. Alice est trop fine mouche pour ne pas ressentir le danger et sa jalousie, d’abord drôle comme de coutume, prend comme des allures de désespoir inédit en fin d’épisode.

Le final devrait éviter un adultère pour ne pas faire doublon avec Tina/Bette en fin de saison précédente, mais le moteur humoristique (quasiment unique cette saison) que constituait Dana/Alice semble virer au drame, à l’instar des autres couples. 

Il est décidément temps que la saison s’achève !

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13. LACUNE
(LACUNA)


Peut-être en partie parce que l’on en attendait beaucoup, le final de cette saison 2 ne satisfait que partiellement, même s’il contient plusieurs moments forts. En effet on y trouve plusieurs éléments ne fonctionnant que médiocrement. Ainsi, avec habileté, The L Word avait su éviter jusqu’ici le ton militant et prêcheur pour porter la cause gay et lesbienne, préférant la démonstration par l’exemple aux formules sentencieuses.

On trouve ici tout le contraire avec la double intervention de Gloria Steinem, que cela soit dans une conversation oiseuse avec les filles du Planet où lors d’un speech. Ce que raconte cette figure du féminisme américain n’est certes pas faux mais demeure très démonstratif. Et puis il s’agit d’un épisode de fin de saison, on s’attend à un récit dense et virevoltant centré sur le parcours d’héroïnes arrivant à un tournant, pas à une conférence.

On regrette également que le face-à-face s’annonçant tendu entre Helena et Bette se voit interrompu par le laïus de Peggy Peabody, amusant en soi, mais irritant car nous privant d’une scène s’annonçant pour le moins relevée. Et puis, si l’on a adoré le couple Shane/Carmen tout au long d’une saison dont il constitue l’un des atouts maîtres, leur grande scène d’amour, scellant leur union, déçoit. 

Inutilement effrénée et spectaculaire (cette migration de pièce en pièce…), elle paraît nettement moins aboutie que l’équivalente entre Bette et Tina dans Late, Later, Latent, tellement plus intimiste, fusionnelle et sensuelle. Il apparaît également maladroit d’entrecouper ce passage avec cet aboutissement de la saison et grand moment de suspense que constitue la naissance compliquée d’Angelica. On est pressé que se concluent les ébats des deux demoiselles pour savoir ce qu’il advient de la petite et de la maman. Bonne idée cependant de réemployer la musique de la première rencontre entre Shane et Carmen, la boucle est bouclée !

Malgré ces quelques errements Lacuna demeure éminemment regardable. Ainsi il comporte des scènes admirablement tournées, comme les funérailles de Melvin filmées sans pathos mais avec une vraie émotion, permettant également de réunir de nombreux personnages de cette saison en un joli panorama.

L’épisode constitue également un aboutissement pour l’importance accordée judicieusement à la musique tout au long de la période, notamment via des guests la plupart du temps excellentes. L’offre se montre ici particulièrement riche, avec de sublimes gospels, le groupe Heart ou les sympathiques et talentueuses Betty, qui auront pimenté la saison d’apparitions drôles et toniques. De quoi rattraper la calamiteuse prestation de l’artificielle Peaches dans l’épisode précédent.

Surtout Lacune parvient à remplir son contrat d’épisode de fin de saison, en concluant de manière coordonnée les différents axes narratifs de la période. Tandis que Shane et Carmen finissent par se trouver totalement après un  parcours tortueux, Alice et Dana semblent passer avec succès l’épreuve du feu qu’a représenté pour leur couple la réapparition de Lara. Alice  prend conscience d’être trop possessive et semble décidée à y mettre un terme. Une évolution positive, à confirmer toutefois au cours de la saison suivante…

Plus intense encore paraît le destin de Jenny. Bon, on renonce définitivement  à comprendre les méandres de sa psyché, face à ce cauchemar multiple et tourmenté à la Lynch, mais qu’importe. Mia Kirshner, totalement fusionnée avec son rôle, illumine une nouvelle fois de son talent cette dérive au cœur des ténèbres. Et c’est peu dire que l’on a droit à un vrai festival de scènes hallucinées, comme ce dialogue avec Shane où elle lui explique qu’elle s’effeuille dans cette boîte sordide pour aider à se souvenir d’évènements  traumatisants survenus durant son enfance, mais qu’en fait elle invente peut-être, elle n’en sait rien. C’est juste énorme, on adore. Go, Jenny !

Pour l’anecdote, après vérification les néons de la façade de la boîte sont ceux apparaissant dans le clip du fabuleux California de Mylène Farmer (C’est sexy le ciel de Californie, adage que The L Word permet de pleinement vérifier). Comme, quelque part, la rencontre des univers de Jen et de Mylène cela fait peur, on va gentiment passer à autre chose.

 Par la suite on a Jenny en lévitation durant le concert ou encore un passage alors là totalement Twilight Zone où la belle bascule totalement dans son monde fantasmé tout en prenant le bus, avec plusieurs éléments de décor évoquant ses délires littéraires précédents (cela devient flippant, l’affaire). Le tout débouche en forme d’apothéose dans la scène grand train des scarifications sanguinolentes à la cuisse, où Mia et Kate Moennig nous régalent d’une immense performance de comédiennes, même à l’échelle d’une série s’étant déjà montrée si performante dans ce domaine. L’une des grandes réussites de Lacuna restera d’avoir eu le courage de pousser jusqu'à son terme le parcours de Jenny, avec une totale réussite à la clé.

Mais Lacuna c’est aussi la scène pas forcément inattendue à ce stade de la saison, mais tout de même si renversante, de la réconciliation de Bette et Tina, avec une formidable Laurel Holloman. La scène éprouvante et merveilleuse à la fois de l’accouchement s’avère l’un des modèles du genre. À côté de ce couple retrouvé, Helena et ses intrigues revanchardes paraissent définitivement dérisoires (mais elle sait très bien s’habiller, ça, c’est sûr !).

Rachel Shelley défend admirablement son personnage, mais il va falloir que celui-ci développe une psychologie moins schématique et cliché « petite fille riche » pour réellement s’imposer dans le show. Après avoir viré Bette et n’avoir établi aucun lien réel avec le clan du Planet, ce maintien s’annonce délicat. Parmi les autres nouveaux venus, si Carmen est devenue une évidence, Mark semble ici bien effacé, n’ayant sans doute plus grand-chose à exprimer.

Concernant Bette, je ne voudrais pas achever cette découverte de la saison 2 sans évoquer un personnage encore non abordé jusqu’ici, celui de James, son fidèle assistant. Interprété avec naturel par Preston Cook, il s’agit du type même du sidekick apportant une saveur supplémentaire à de nombreuses scènes. James a le redoutable privilège de partager le quotidien tourmenté de sa patronne et aura donc gagné toute notre sympathie au cours de ces deux saisons où il aura tout de même pas mal dégusté en ricochet. On pourrait s’interroger sur son sentiment pour elle, mais la scène des funérailles nous confirme qu’il est bien gay et donc qu’il ne sera pas l’Agent Pendrell de The L Word ! "So long James", maintenant que Bette est virée l’on ne le reverra sans doute plus…

Lacuna apparaît  donc plus comme un prolongement que comme une rupture ou un passage à un niveau supérieur concernant des relations dont la non concrétisation s’est peut-être un peu trop artificiellement prolongée au cours des épisodes précédents. Le spectateur a eu largement le temps de voir se mettre en place ce qui advient ici.

De fait cette clôture manque de l’intensité propre à son formidable équivalent de la première saison, l’on ressent moins qu’il y aura un avant et un après. Néanmoins, il permet aux héroïnes de considérer l’avenir avec optimiste (même Jen prend conscience de sa dérive et qu’elle a besoin d’aide, ce qui est fondamental dans son cas), dans un mouvement conjoint écrit avec talent.

Un véritable apaisement après une période si agitée, dont le symbole restera la réunion autour de la petite Angelica, une idéale conclusion !

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Crédits photo : FPE.

Images capturées par Estuaire44.

 saison 1 saison 3

The L Word (2004-2009)

SAISON 1

 


PRÉSENTATION

Cette saison permet de découvrir le petit monde de West Hollywood, « Gay City » comme le nommera Alice.

Cette banlieue cossue de L.A. comporte une forte proportion d’homosexuels dans sa population et deviendra d’ailleurs la première ville américaine à avoir un conseil municipal majoritairement gay. Nous y pénétrons en compagnie de Jenny, jeune écrivaine en devenir, venue y retrouver son fiancé Tim.

À travers des voisines vivant en couple, Bette et Tina, elle va découvrir cette communauté avant de voir sa vie totalement bouleversée par sa rencontre avec la fascinante Marina. Cette dernière dirige le Planet, café lesbien branché servant de quartier général aux amies de Bette et Tina. Celles-ci cherchent à avoir un enfant, mais Bette va s’autoriser une liberté "extraconjugale" aux conséquences désastreuses. Kit, sœur de Bette, Alice, journaliste délurée et espiègle, Dana, tenniswoman demeurant « dans le placard » par souci pour sa carrière, et la longiligne et libre Shane, aux multiples succès amoureux, complètent le tableau.

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1/2. LANGOUREUSE /LIBERTINES
(PILOT)


En ce début de série (encore un générique minimaliste, voire inexistant…), on perçoit très vite que l’un des atouts majeurs de The L Word va résider dans l’étonnante qualité de son interprétation.

Chacune des actrices s’approprie véritablement son personnage, avec conviction et justesse (la VF ne nuisant pas à l'ensemble). On a de plus le plaisir de retrouver des actrices que l’on aime bien, rencontrées à diverses époques sur le petit écran comme sur le grand. Mention spéciale à la sublime Mia Kirshner,  à des années-lumière de la létale Mandy de 24h (on s’attend parfois à la voir sortir un poignard en titane ou une arbalète à visée gyroscopique) mais dont on sent bien qu’elle a un vaste potentiel pour faire évoluer son personnage à la découverte de ce nouveau monde (Tim a l’air sympa, mais surtout une bonne tête de looser). Et bien entendu à Jenny Beals toujours aussi resplendissante et rayonnante (et suprêmement élégante). Karina Lombard est aussi formidable que dans les regrettés 4400. Parmi les comédiennes de moi inconnues, vrai coup de cœur pour celle interprétant Shane, particulièrement expressive. Une grande série d’actrices !

Si la mise la scène paraît efficace mais sans réellement s’extraire d’un relatif conformisme, on apprécie également la qualité d’écriture de l’intrigue. Faire découvrir une micro  société  par un nouveau venu(e) auquel s’identifie le spectateur reste une technique éprouvée mais parfaitement conduite ici. La mise en place des personnages et de l’univers s’effectue avec fluidité, sans ressenti de procédé. On situe bien qui est qui, de même que les potentialités offertes. Les personnages, parfaitement individualisés, ne sont pas des caricatures (malgré quelques clichés inévitables comme le café – lieu de ralliement central –, le psy…) et se voient dotés d’une véritable profondeur psychologique. Autre grand point de la série : les dialogues, crus, pétillants, drôles et cyniques, un vrai feu d’artifice (tout de même un côté Sex and the City dans les discussions entre copines, en plus âpre).

On trouve également très positif que le récit évite le voyeurisme mais aussi le revendicatif outrancier. Mais d’autre part on en reste à une vision un tantinet édulcorée et joyeuse des choses. L’histoire se situe à LA, et dans un milieu relativement ouvert et huppé. Et c’est là que le bât blesse un tantinet : toutes ces séries décrivant des mœurs très libres se centrent sur les cercles élevés de la société – ici bourgeoisie cossue, jet set dorée de SatC, élite urbaine et culturelle de Californication, golden boys de la City pour Secret Diary. On en finirait par croire que seuls les happy fews sont dignes d’intérêt, menant l’unique vie sentimentale et sociale valant d’être racontée.

Par ailleurs, j'apprécie les relations entre héros d’une série, le « relationship » constituant bien l’un des éléments importants d’un subtil cocktail assurant l’intérêt et la valeur d’une série. Mais il ne doit pas représenter le seul moteur de l’intrigue (selon moi), au risque de déséquilibrer celle-ci. La série doit s’enrichir d’autres enjeux se valorisant mutuellement (lutte contre les esprits diaboliques, enquêtes paranormales ou policières, humour débridé d’une franche comédie, gosse à sauver lors d'une opération de la dernière chance qui fait pleurer etc.).

Entre ces différents axes, le curseur de The L Word semble tout de même positionné d’une manière assez exclusive sur le shippisme, avec une accentuation liée à un  nombre relativement élevé de personnages. Malgré la maîtrise avérée de l’écriture j’ai peur que l’on ne se limite à un jeu perpétuel de séparations, réconciliations, rapprochements, désarrois sentimentaux divers etc. Sans guère d’autres moteurs pour la progression dramatique. D'une manière caractéristique on voit deux des filles passer leur soirée à dresser une "carte" reliant les relations entre personnages, indiquant bien ainsi  l'axe unique de la série (comme le poster I want to believe des X-Files). Pour tout dire c’était formidable au premier épisode, un peu long au second.

En un mot, The L Word paraît manifestement supérieurement interprétée, d’une écriture et d’une réalisation de fort belle facture (avec une tentative marrante de faire passer Vancouver pour LA).

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3. LIGNÉE
(LET'S DO IT)


Les ¾ de l’épisode résultent plaisamment futiles. Notamment avec le tronçon central « Comment repérer si une fille en est ou pas ?». C’est divertissant avec quelques infos pratiques qui seront amusantes à tester… (Attention aux ongles courts.) C’est un peu comme Le Journal de Bridget Jones : très ludique, très léger, sans guère de consistance. Les dialogues restent superbement affûtés et les actrices merveilleuses, on ressent tout de même un certain manque d’enjeu.

La dernière partie n’en prend que plus d’éclat avec la relation assez trouble et finalement violente existant entre Marina et Jenny, ainsi que la tension en résultant dans le couple Bette/Tina. On ressent un passage à un niveau supérieur, et on se dit que l’avenir de la série se joue plutôt sur ce registre que sur les discussions aussi marrantes que vaines entre copines.

Une certaine hiérarchie se met en place dans l’intérêt suscité par les personnages. En dehors du gadget cyber de la Toile, Alice n’apporte pas encore grand-chose pour l’instant. Dana un peu plus, mais le personnage ne ressort pas non plus indispensable. Je trouve les relations conflictuelles entre les deux sœurs un peu fabriquées. Le couple Bette/Tina apparaît central, avec notamment une Jennifer Beals toujours aussi intense dans les scènes émotionnellement fortes (on est au spectacle, elle s’est encore bonifiée depuis la grande époque).

L’élément chaotique cher aux scénaristes provient néanmoins pour l’instant surtout de l’axe Marina/Jenny (Mia Kirschner toujours aussi sublimement ambivalente, entre fragilité et ténèbres), c’est sans doute là que va se jouer le succès ou l’échec du récit (enfin, à moins de rebondissements importants, bien entendu). Dans l’Échelle du Looser, Tim atteint des sommets inédits depuis Max la Menace ou le Commissaire Juve. Le voici qui fait entrer la louve dans la bergerie, les deux dames le prenant visiblement pour un paillasson, ou du moins un simple pion dans leur partie d’Échecs alambiquée. Trop bon, trop… On quitte la pitié amusée pour pénétrer dans la consternation abasourdie.

L’étoile du show demeure bien la lumineuse Shane, assez fascinante dans sa manière d’encaisser les coups du sort avec indifférence et par contre se mobilisant à fond pour ses amies, une belle âme, dont le charisme tire le récit au-dessus de la tragi-comédie de mœurs. On se surprend à attendre ses apparitions, d’autant que son interprète Katherine Moennig est juste incroyable (félicitations à la doubleuse française, dont le timbre un peu rauque convient parfaitement). Dommage que l’actrice perde son temps dans une série aussi navrante que Three Rivers. Enfin, on vient juste d’apprendre son annulation, tant mieux.

On ne désespère pas, il va forcément survenir autre chose que du relationnel, à un moment ou à un autre. Enfin, on l'espère...

Deux petits détails irritants : la musculature gracile d’Erin Daniels la prive de pas mal de crédibilité dans son rôle de tenniswoman de haut niveau. On n’y croit pas beaucoup… On peut aussi regretter un placement de marques assez forcené tout au long de l’épisode, jusqu’à en devenir vraiment envahissant (informatique, vidéo, sportwear, gobelet de café très identifiant etc., cela ne cesse pas). Par contre, j’ai apprécié Marina et Jenny apparaissant dans la création littéraire de celle-ci, on se serait cru dans Le Magnifique. Bébel dans The L Word, il fallait y penser.

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4. LIAISONS
(LONGING)


Épisode vu avec un important décalage de fait d’une erreur de programmation commise par la chaîne. Et les situations ont tellement évolué en tous domaines que forcément l’on éprouve désormais du mal à s’y intéresser. Dommage car dans l’absolu il se révèle une nouvelle fois supérieurement écrit et interprété, avec une série de confrontations permettant à chaque personnage de révéler davantage de sa vérité intime.

On retrouve la hiérarchie désormais classique d’intérêt, avec Alice  (la plus Sex and The City des filles) et Diana sur une ligne de choc secondaire et Shane toujours aussi fascinante dans sa totale liberté revendiquée mais vécue sans nulle cruauté, bien au contraire.

Les deux moments forts demeurent :

– La rencontre très réussie entre Bette, que l’on adore passionnée par son boulot, et la malicieuse «hasbienne » (on apprend du vocabulaire en plus). Jennifer Beals est toujours aussi sensible et de plus particulièrement en beauté ce soir, dois-je dire. Éloquente citation de Stendhal au passage, ce n’est pas si fréquent dans une série américaine (dans une série française non plus…).

– De manière très habile la série débouche ensuite précisément sur une magnifique évocation de cette cristallisation chère à l’auteur, avec Jenny qui accepte enfin son sentiment envers Marina. La scène apparaît lumineuse dans sa simplicité, en évitant tout verbiage inutile pour laisser parler principalement le talent des deux formidables actrices. Le langage des visages et des corps exprime avec une éloquence sans égale  la nature extraordinaire de cette rencontre. Et puis ce n’est pas si souvent que l’on a l’occasion de voir Jenny (et Mia) ainsi irradier d’un bonheur sans mélange, on s’en réjouit.

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5. LEURRES
(LIES, LIES, LIES)


Cet épisode apparaît quelque peu en dessous. Il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent : Shane est quasiment absente, la découverte de la mère d’Alice apporte du mélo assez facile et déjà usité sur le cimetière des anciennes semi gloires d’Hollywood. Dana poursuit sa romance avec la Lara, rien de neuf à l’horizon (hormis une amusante évocation d’une manifestation féminine spectaculaire déjà entrevue dans Californication...).

Bette et Tina ont leur bébé, les scènes sont amusantes ou touchantes, les actrices toujours fabuleuses, mais hormis la spécificité lesbienne, on se retrouve dans une histoire très classique (stress du boulot, "mari" pas averti en premier, échographie etc.). Guère d’imagination dans tout cela, on attend autre chose de la série qu’une simple reproduction de poncifs, revus sous l’angle “L”.

Jenny et Marina poursuivent donc leur relation, le Tim étant toujours aussi désespérant et nul. L’on se dit que cela va être un épisode pratiquement pour rien, quand survient la grande idée qui apporte enfin un vrai souffle à l’action : l’apparition en guest star de l’anglais Julian Sands, vraie figure du film d’épouvante fantastique, avec le cycle du Warlock et plusieurs autres perles gothiques où il joue toujours impérialement les monstres cruels, d’une intelligence aussi narquoise que supérieure. Et là cela ne rate pas, bingo, il interprète supérieurement le prof de fac de Jenny, autrement sardonique, lucide et carnassier que cette carpette de Tim.

La scène avec Jenny  crépite à souhait, entre complicité et rixe intellectuelle. On se régale du duo d’acteur et des dialogues, tout en comparant au prof si barbant de Scully dans All things et en se disant que Mia sera décidément épatante en vampire (un second projet sur ce thème est en route, cette fois au cinéma, la suite de 30 Days où elle sera la reine des vampires de LA...).

On bascule totalement dans le génial avec Jenny réécrivant cette rencontre en invoquant son prof en tant que “Démon du Mensonge”, passant au crible ses amies. On retrouve l’aspect sombre de l’écrivaine, autrement plus intéressant que le petit nuage où elle passe la majeure partie du récit. Deux excellentes scènes donc, mais c’est un petit peu juste pour tout un épisode.

Ah oui, tout ce qui précède n’a bien entendu aucune importance car l’épisode reste avant tout l’occasion de retrouver Bruce Harwood en un visqueux directeur d’hôtel. Hormis des lunettes et quelques  kilos en plus, on retrouve Byers tel qu’en lui-même, et ça c’est champagne grand millésime. Finalement il est super cet épisode !

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6. LÉGALISATION
(LAWFULLY)


Épisode charnière que celui-ci, particulièrement intense. La série semble sortir d'une enfance heureuse et naïve, au moment où de nombreux personnages affrontent des crises ébranlant leurs certitudes et un certain confort où s'était installé leur histoire.

Alors que les relations s'entrecroisaient jusqu'ici dans une espèce de paradis ouaté de tolérance et d'insertion sociale réussie, les premières difficultés liées à l'homosexualité surgissent. Les personnages et l'univers évoluent de manière très intéressante, la série s'assombrissant  tout en gagnant réalisme et âpreté. 

Dana, qui gérait jusqu'ici assez facilement sa carrière et la dissimulation de son homosexualité (In the Closet, selon l'expression consacrée) affronte une première vraie turbulence lors de l'enracinement de sa relation avec l'adorable Lara. Les scènes sont sobrement écrites, sans exagération, la série développe décidément un parler vrai très efficace.

La communauté homosexuelle, qui semblait jusqu'ici harmonieusement unie, montre désormais des lignes de failles très marquées, notamment sociales. Ce fait se voit évoqué avec éloquence lors de la rencontre entre Shane et un compagnon des heures difficiles, où des réalités sordides sont décrites sans fard.

On monte d'un cran dans le drame avec la scène émotionnellement très forte du rejet de son futur petit enfant par le père de Bette, admirablement tournée. Bette la solide montre une vraie faille dans son besoin d'approbation paternelle tandis que Tina se révèle toujours admirable, soutenant sa compagne alors que celle-ci s'est montrée résolument odieuse avec elle toute la journée.

Mais le pic de cette évolution vers davantage de noirceur réside bien entendu dans le Big Bang du couple Jenny/Tim. La scène de la révélation constitue un vrai bijou, avec un silence bien plus parlant et cruel que n'importe quelle parole (chapeau à l'acteur Eric Mabius, très expressif). La suite se montre plus désarçonnante avec cette histoire pour le moins improbable de mariage. (Évidemment il ne fallait pas s'attendre à une explication directe et orageuse avec le Tim).

C'est que, d'une manière particulièrement habile, chaque personnage se trouve à l'heure d'un choix très révélateur sur sa personnalité. Certaines s'en sortent par le haut, comme Shane, opposant la générosité à l'horreur sociale, ou Kit, très courageuse et digne dans sa solidarité avec sa sœur. Bette semble, elle, choisir le déni du réel ; mais c'est bien Jenny et Tim qui apparaissent écrits sous le jour le plus défavorable, avec une pathétique fuite en avant pour lui (how surprising !) et une basse manœuvre peu glorieuse pour elle, s'imaginant recoller les morceaux en s'enferrant dans le mensonge  afin de poursuivre son double jeu comme si de rien n'était.

C'est mal parti, d'autant que Marina lui manifeste un soutien pour le moins minimaliste, ne laissant par présager le meilleur pour la poursuite de leur relation sur la durée. L'avenir semble mal engagé pour une écrivaine que la série assombrit toujours à plaisir. Dana reste encore dans l'expectative : même si elle semble prête à franchir le Rubicon, les jeux sont ouverts.

The L Word, toujours supérieurement écrite, réalisée et interprétée (la totale implication des actrices ne cesse d'étonner et de ravir) commence à se démarquer sérieusement de Sex and the City, plus légère et résolument humoristique. L'épisode a cependant l'habileté ne pas sombrer dans le pathos, en insérant quelques scènes résolument hilarantes.

C’est le cas avec  un prologue d'anthologie au cœur d'années 70 joyeusement caricaturées, renvoyant à une conclusion pareillement énorme, avec un policier très à l'Ouest que l'on espère bien revoir. Comme la chapelle des marieurs, toute la séquence d'Alice et de sa mère (et Shane !) se montre également très drôle. On s'interroge néanmoins sur la capacité d’Alice à aller au-delà de ces vignettes humoristiques où elle excelle. On aura rarement vu une telle alternance de scènes joyeuses  ou dramatiques, ce qui pourrait conférer à l'épisode un dommageable aspect de patchwork, mais la qualité de l'écriture parvient à rendre le tout parfaitement fluide.

Un épisode particulièrement réussi, qui rassure après le léger surplace du précédent.

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7. LARGUÉES
(LOSING IT)


Épisode très dynamique, multipliant des scènes étranges venues d'ailleurs que l'on imagine mal dans toute autre série, preuve que The L Word développe bien sa spécificité. On débute avec Shane seule femme dans une boîte gay masculine (depuis le début de la saison on ressent comme une camaraderie légèrement teintée d'ironie envers la maison d'en face), puis avec la même Shane en pleine descente se faisant incendier par son patron (hilarant) avant de réussir la coupe du siècle, avec une satire de mœurs de la Jet Set de L.A. toujours finement ciselée.

Après on passe d'Alice écoutant des filles du Planet préparer « La nuit du Clit » (sic) et renouant avec le très Quatrième Dimension « Homme lesbien » (le type le plus malin de l'univers des séries télé), à Dana et Lara se montrant très « euphoriques » en passant par Tina en proie à la version locale de la Ling d'Ally McBeal, complètement en pétard après avoir appris que le donneur de sperme était son copain. Une journée comme une autre à West Hollywood.

Pendant ce temps, Timouchet franchit les dernières limites du risible en accumulant les scènes pitoyables, à la police, chez ses copains et, pire encore, chez Marina (où il se montre d'un ridicule fini). La série donne tout de même l'impression de s'acharner sur lui ; ce serait lui rendre service (et à nous) que lui indiquer la porte de sortie.

Mais le segment le plus fort de l'épisode demeure tout de même le trip (dans tous les sens du mot) très road movie de Jen, où l'incroyable Mia Kirshner se montre une nouvelle fois absolument bouleversante. Il s'agit sans doute ici du plus beau numéro d'actrice que la série nous ait offert depuis son commencement, alors qu'elle se montre très prolixe en la matière. Jenny est totalement « lost in translation », le désarroi des sentiments dans toute son essence. J'ai adoré la « Jenny's Touch » très présente dans ce poème composant une déclaration d'amour à base d'évocation très gore de différents organes vitaux. Pour l'anecdote cette histoire de cœur arraché m'a immédiatement fait penser à Indiana Jones, je dois être un Geek moi aussi.

Au total, un scénario sans temps morts, alignant sans faiblir des scènes aussi pimentées que passablement dingues. Les dialogues pétillent et la mise en scène sait admirablement varier ses effets. Les images de Bette à New York sont ainsi absolument somptueuses, avec de plus une jolie guest star en la personne de Lisa Gay Hamilton (The Practice). On aime que la série trace son propre sillon et développe un ton vraiment original.

Allez, quelques petites réserves, ce ne serait pas fun sinon. L'insertion de produits se poursuit encore et toujours, avec notamment une bouteille de Perrier figée sur l'axe de l'image, perturbant l'excellente scène de poker. Que des marques aussi prestigieuses se positionnent épisode après épisode dans cette série très particulière reste un signal positif de l'évolution des mœurs, mais les procédés employés apparaissent souvent très lourds. Cette histoire de portables coupés ou indisponibles sent tout de même le fabriqué, il est ainsi très surprenant que Bette n'ait pas l'idée de contacter l'une des copines !

Ah et puis petit message au réalisateur : ce n'est pas la peine de se casser la tête à reconstituer LA à Vancouver (avec succès) pour que, dès que Jenny sorte de la ville, on retrouve les forêts et les montagnes de cette région bien connue depuis une certaine série. Pour pallier à cette difficulté on tente, sous prétexte d'hallucinogènes, de surexposer l'image sous une lumière écrasante (on se croirait dans l'épisode mexicain des X-Files « John Doe » !) mais ce n'est pas au vieux singe que l'on va apprendre à faire la grimace.

Plus important, on regrette que le personnage de Marina se montre finalement moins développé que les autres, elle semble cantonnée dans son rôle de perturbatrice entre Tim et Jenny. Elle ne développe pas d'histoire en propre à la différence des autres personnages, c'est dommage de sous employer une actrice aussi géniale que Karina Lombard !

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8. L'ENNUI
(L'ENNUI)


Nouvel excellent épisode. Après avoir mis quelques épisodes, certes toujours plaisants, à développer sa vraie personnalité et son originalité profonde, The L Word a désormais atteint son rythme de croisière (c'est le cas de le dire ici). La multiplicité des personnages, longtemps perçue comme un quasi handicap à gérer, permet désormais un kaléidoscope de scènes aux tonalités diverses, mais le plus souvent parfaitement agencées.

Après la saynète d'introduction traditionnelle (un procédé très 007 !) particulièrement sensuelle ici, à l'image de l'épisode, le récit débute idéalement avec une Marina incroyablement radieuse sur le standard de Luz Casal Un año de Amor. Ce personnage reste un total mystère, apparemment très attachée à Jenny (quelques scènes très éloquentes sur le bateau de nouveau sur Luz Casal mais aussi... horizontalement) mais n'hésitant pas à la jeter lors du retour de sa régulière, avec quelques très vagues phrases de réconfort. Entre charisme lumineux, dureté et absence totale de remords, Marina fascine mais dépiste en même temps, une authentique réussite d'autant que Karina Lombard irradie littéralement. On attend avec impatience de faire vraiment connaissance avec sa moitié, cela doit être quelqu'un à niveau.

On aime bien Jenny mais la voir effondrée devant les mensonges de Marina, alors qu'elle vient elle-même de s'y enferrer avec le Tim, reste assez plaisamment ironique, l'arroseuse arrosée etc. Tim le Vaillant se rappelle brusquement qu'il a une survivance de fierté à défendre, ce qui l'entraîne à être sans doute un tantinet rude avec Jen, mais honnêtement on a un peu de mal à lui en vouloir. C'est un  cul-de-sac  pour notre Jenny, mais bon elle va  rebondir, ne serait-ce que parce que la série ne peut définitivement plus se passer d'elle...

Le trio infernal Marina/Jenny/Timouchet apparaît à son meilleur ici, mais les deux grands moments de l’épisode proviennent du Clan, avec une intervention (phénomène très américain, aperçu dans différentes séries, y compris Dead Zone) à pleurer de rire et ensuite un des ces moments purement L Word qu'on adore : cette fête très spéciale virant à une Cité des femmes exacerbée  à la Fellini, mais sur un yacht très jet set. L'atmosphère est particulièrement "électrique"  (genre centrale à fusion) et, tandis que la croisière immobile s'amuse, les personnages et les comédiennes se mettent totalement en roue libre, pour la plus grande joie du spectateur.

Il se confirme que Shane, the Queen of the Teuf, tient admirablement l'alcool (avec un côté Terminator de la picole). Elle se montre aussi hilarante qu'attachante durant tout le récit. En fin d'épisode l'incroyable Kate Moenning nous offre un pur instant de grâce en dansant sur la rambarde du navire, parfait symbole  de Shane en perpétuel équilibre instable au-dessus du chaos de l'existence, mais toujours souriante, radieuse et positive. Un enchantement.

Dans le registre de l'humour on apprécie aussi la romance bien hallucinée comme on l'aime entre Alice et l'homme lesbien venu d'Alpha du Centaure. Un très grand moment d'intense n'importe quoi ! À l'image de Dana s'étant totalement déchirée après sa rupture et incendiant le dance floor. Etc. Toute la soirée apparaît comme une sarabande endiablée d'images totalement dingues, où par contraste transparaît la tendresse sereine entre Bette et Tina, qui sont tout sauf barbantes ! (La séance du Yoga est géniale.)

On espère cependant que le récit ne va pas trop verser dans l'euphorie, notamment avec une réconciliation comme si de rien n'était entre Dana et la charmante Lara, après le rebondissement trop providentiel du "plan à la Navratilova"). The L Word reste une série où les mauvais choix se paient cash, ce serait bien dommage d'altérer cette véracité participant vivement à son intérêt.

Seul regret de cet épisode, effectivement particulièrement réussi, je trouve que l'histoire de Kit et de son fils ne fonctionne pas du tout. C'est théâtral, mélo et très fabriqué. Mais heureusement cela demeure secondaire et nous vaut tout de même une belle scène entre sœurs.

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9. LUCIDITÉ
(LISTEN UP)


Beaucoup de choses ici, peut-être un peu trop, cela va vraiment à cent à l’heure. Heureusement le découpage narratif reste impeccable.

Inévitablement, quand on sature un récit, il y a des défauts. Tout d’abord la visite de la copine de Jenny bon, euh... Cela bêtifie à tout va, Jen devient légère comme une bulle de savon, je ne l’aime pas trop comme ça, très puérile. La visite du prof était autrement plus intense. L’histoire semble se déséquilibrer toujours plus entre Bette et Tina, cette dernière étant nettement plus mise en avant.

La fin de saison approche à grands pas et l’on ne perçoit finalement que bien partiellement les personnages, Bette ne cesse de répéter à son antagoniste « Black Panther » qu’elle ne la connaît pas et ignore comment elle s’est débrouillé en tant que noire et lesbienne pour évoluer dans ce monde. Mais… Nous non plus en fait ! On en reste principalement dans le relationnel immédiat, c’est un peu la limite de la série.

Dans  la Twilight Zone, on retrouve bien entendu la fameuse Nuit du Clit, assez hallucinante y compris en tant que bide cosmique. Tiens, je m’en souviens de ces anneaux… On découvre aussi la Journée des Épouses Républicaines, faisant furieusement penser aux dîners de famille chez les Scully et donnant juste envie de sauter par la fenêtre, peu importe le nombre d’étages. On s’amuse aussi beaucoup avec la séance psy de groupe totalement ridicule, avec des personnages excellemment décrits (on sent du vécu derrière pas mal de passages de The L Word,  un vrai plus).

On pourrait y ajouter le tournage du clip mais on subit ici une malédiction commune à toutes les séries (et à quelques films…) dès qu’un rappeur apparaît, l’intérêt s’enfuit. Le guest Snoop Machin a dû amuser ses fans, globalement il est sinistrement nul.

Le rayon humour est tenu avec verve et énergie par Alice et Shane, particulièrement toniques. La première poursuit son odyssée avec l’homme lesbien (ça sent la fin) et se mêle toujours aussi irrésistiblement des affaires des copines. Le personnage est de plus en plus en roue libre au fil des épisodes et c’est tant mieux. Shane poursuit sa découverte du grand monde de Beverly Hills, ce qui nous apporte toujours des scènes aussi frappées.

The L Word prend ici des allures de  pamphlet,  mais toujours amusant notamment grâce à une Shane perpétuellement zen et à l’angle particulier de la série. Mais aussi à la grande guest de la soirée, rien de moins que Rosanna Arquette, aussi belle et mutine qu'à l'accoutumée. L’actrice a visiblement tout compris à l’esprit de la série et s’y intègre impeccablement. Un personnage en or massif et une love story que l’on espère voir se poursuivre avec Shane. Le cocu magnifique vaut aussi le détour, il ne fait décidément pas bon être un mâle dans cette série…

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10. LAMINÉES
(LUCK, NEXT TIME)


La dominante de cet épisode est le drame, intense mais toujours sans pathos dégoulinant (on sourit encore par moments). Dana poursuit l’épreuve de la « sortie de placard », avec plusieurs moments déchirants en famille, mais l’histoire est racontée comme une naissance, douloureuse mais libératoire avec un ton parfaitement juste.

Erin Daniels interprète parfaitement Dana, quelle que soit la tonalité de la scène, une vraie démonstration. J’ai bien aimé le personnage du frère, joliment croqué dès son apparition. Le voir poser sa min sur la vitre de la voiture était assez émouvant.

Le couple Bette/Tina affronte l’épreuve de la  perte de l’enfant ce qui nous vaut un passage déchirant avec une Tina en larmes, quelque peu parasitée par l’arrivée des illuminés. Je trouve que le télescopage arrive un peu trop vite, mais c’est encore une conséquence du rythme de folie de cette série. Jennifer Beals est juste incroyable (une fois de plus) durant cette scène. Bette est soumise à d’autres agressions.

Chapeau à Helen Shaver !, autre guest de la soirée, qui arrive en deux minutes à rendre son personnage de Fae Buckley  parfaitement visqueux et haïssable, de la belle ouvrage et une scène impeccablement filmée. Notre Bette semble de plus en plus s’enfermer dans le spleen au fil des épisodes (depuis le retour du bateau) et aussi doucement qu’inexorablement se fissurer. On ne sait pas trop ou elle va mais le couple a l’air de battre de l’aile même si Tina ne s’en rend pas encore compte.

Tim/Jen/Marina continuent à vivre leur histoire de manière quasi autonome du reste de la série. Tim-tu-restes-pour-une-seule-nuit continue à soigner son profil de looser et Jen se montre nettement plus intéressante que dans l’épisode précédent. On aime quand elle exprime son côté obscur, d’autant qu’elle commence à se rebiffer et à sortir les griffes, une nouveauté bienvenue (quelques attitudes à la Mandy de 24h ce soir, c’était assez amusant à observer).

Le meilleur reste d’ailleurs ce dîner si festif chez Marina/Francesca, à la chaude ambiance, non pas à couper au couteau mais à la tronçonneuse. Très grand moment, avec une remarquable Francesca, souveraine des lieux, avec un vrai panache même si assez inhumaine de dureté par ailleurs. Par réaction, on ne sait pas trop, Marina semble se « féminiser » et laisser affleurer davantage ses sentiments. On peut même se demander si Marina ne singeait pas l’absente jusqu’ici. Elle fend l’armure mais on sent bien que cela n’ira pas beaucoup plus loin.

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11. LUTTES
(LIBERALLY)


On trouve ici ce qui apparaît bien comme le plus mauvais épisode depuis le début de cette première saison. Grosse panne d’inspiration pour l’auteure de la série : alors que jusqu’ici elle parvenait à unifier les différents fils de son intrigue autour d’épisodes à thèmes, là tout paraît brouillon, éclaté, inutile.

Des scènes bien trop brèves et nombreuses s’empilent, avec un sentiment de trop grande facilité. Shane doit gérer une fille à la dérive et, hop !, en 30 secondes elles deviennent super copines (bon, c’est Shane, mais tout de même) avec au passage une scène de golf miniature très « baseball de chez X-Files ». Cela va trop bien, trop rapidement pour Shane y compris professionnellement. Gnan-gnan en vue ! Tina a besoin d’un dérivatif et, hop !, l’un des membres du groupe psy lui offre de participer à une association convenant idéalement, qui, hop ! , apporte très précisément à Bette l’arme qu’il lui faut contre l’effroyable Fae Buckley.

Tout cela se déroule avec beaucoup trop d’artificialité, c’est un peu The L Word qui percute le monde des contes de fées. On ne sait pas trop quoi faire des autres personnages, alors on se lance dans des segments creux, avec la grossesse d’Alice à laquelle personne ne croit ou la scène entre Tim et Jen à propos de l’élève de celui-ci. "Personne n’y croit." déclare Tim, d’ailleurs.

Le plus pénible demeure la rencontre avortée entre cette même Jen  et Dana. Cela se veut drôle mais c’est en fait très lourd. Et surtout le procédé scénaristique apparaît transparent comme du cristal : avec Tim on prolonge artificiellement, mais c’est mort, Marina ne va pas à l’évidence rompre avec Francesca, alors que va-t-on faire de Jenny pour la garder dans la série durant la deuxième saison, elle qui n’a jusqu’ici développé quasiment aucune relation avec le clan ? L’opération « Il faut sauver le soldat Jenny » est lancée avec force fracas, il s’agit de tisser des liens au plus vite. Virage mal négocié ici. Et puis Kit et son rappeur gominé se la jouant en permanence, on n’en peut plus.

Quelques moments surnagent dans cette morne narration, comme le débat télévisé incroyablement violent (Fae Buckley est vraiment la pourriture intégrale dont la série avait besoin), les frictions dans le couple Marina/Francesca (celle-ci toujours aussi impressionnante, un roc blond) – on cherche à nous faire croire que cela reste possible avec Jenny – ; mais cela reste joliment écrit et superbement interprété (la série peut toujours compter sur ses actrices quand le scénario fait défaut).

Et puis, on a de nouveau l’endroit étrange venu de l’autre bout de l’univers qui apporte toujours une scène réussie à l’épisode, en l’occurrence le bar lesbien fifties, dont on sent bien qu’il existe vraiment. Des instantanés réussis mais qui ne sauvent pas un récit par trop éclaté et peu judicieux dans son propos.

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12. LIBÉRATION
(LOOKING BACK)


Virage à 180° et hausse quantique d’intérêt pour l’épisode suivant qui réussit tout ce que en quoi le précédent a échoué. L’auteur regroupe cette fois ses personnages dans une histoire resserrée et cohérente lors de cette expédition à Palm Springs (résidence de Patrick Macnee…) pour le Dinah Shore annuel.

Cette épopée s’avère très réussie et foncièrement hilarante, reconstituant au centuple l’ambiance Cité des femmes de la soirée sur le yacht. Pour ce qui est atmosphère  exotique et légèrement dingue, on est servi tout au long de l’histoire avec des seconds rôles en roue libre et totalement excités, à l’image de cette attachée de presse aussi marrante qu’horripilante, Tonya.

Outre l’environnement très électrique le récit à l’idée géniale de faire révéler par chacune des héroïnes le moment où elle est « sortie du placard ». Cela donne à l’épisode un petit côté de film à sketchs très pimenté et réussi, d’autant que ces multiples historiettes présentent à chaque fois une tonalité très différente, révélatrice de la personnalité du personnage. Mention spéciale au groupe métal pourri de la jeune Alice ou aux plans floutés de Dana, joli coup !

L’enchevêtrement des différentes histoires apporte aussi un peu de ce background manquant au clan, évoquant enfin comment ses membres se sont connus (superbe rencontre entre Tina et Bette qui par ailleurs a rudement bien fait de changer de coupe, la perruque de l’Enfer). Tout sonne parfaitement juste, sans pathos ni passage inutile. Alors que l’on pensait ne pas avoir le coming out de Jenny (que l’on continue décidément à fusionner au groupe…) tout simplement parce qu’on le connaît déjà, le scénario a l’idée maîtresse de nous le faire revivre par les yeux de belle brune, bien joué ! Mia est une nouvelle fois incroyable.

Le récit évite toute impression d’artificialité que ce procédé proche du clip show peut éventuellement présenter en continuant à faire vivre les personnages autour de leurs récits, avec à chaque fois une scène finement ciselée à la clef. Alice-la concierge est excitée comme une puce, on s’amuse franchement beaucoup en sa compagnie, de même qu’en voyant Dana en idole de jeunes groupies en folie. On apprécie que Jenny conserve sa personnalité décalée et enténébrée, même au sein de cette liesse.

Alors que Tina retrouve goût à la vie, on a droit un joli contrepoint avec la rencontre très crédible et sensible entre Bette et Candace. Celle-ci, très solide et pondérée (une New-yorkaise à L.A.) est ce dont Bette à besoin en ce moment, le récit sonne une nouvelle fois très juste. On frémit en s’apercevant que le couple a évité le drame d’un cheveu, tandis que Bette continue à se singulariser et à flotter. On n’a plus de mot pour dire le bien que l’on pense du jeu de Jenny Beals.

Quelques points secondaires mais très amusants, comme le retour azimuté de la mère d’Alice (Anne Archer est impayable) ou la figure qu'exhibe Marina en voyant Jen partir s’amuser avec les copines, décidément rien ne manque à cet épisode particulièrement relevé. Seul point sombre : le placement de produit (Burger King, Perrier, Apple etc.) toujours aussi envahissant et surtout amené sans subtilité aucune, en totale rupture avec la finesse de la série.

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13. LASCIVES
(LOCKED UP)


Le premier épisode de la soirée apparaît en demi-teinte, avec des tronçons assez inégaux, en volume comme en intérêt. Bette achève doucement mais sûrement de s’imposer comme le principal personnage d’une première saison pourtant très chorale. En cela elle agglomère à son histoire presque toutes les autres héroïnes à travers « la mère de toutes les batailles » contre les partisans aussi ridicules qu’insupportables de Fae Buckley.

Toute cette longue séquence se voit narrée avec un ton tragi-comique parfait, où l’humour toujours aussi réjouissant n’entrave pas la virulence de la dénonciation de l’intolérance. La (légère) satire des films de prisons se montre également plaisante, avec notamment quelques clichés divertissants et une musique à la O’Brother, l’excellente comédie des frères Coen.

Comme souvent, The L Word parvient à trouver le temps de placer quelques scènes pour chacun de ces personnages : Alice, Dana, Shane ont ainsi droit à de savoureuses réparties illustrant efficacement leur personnalité. Mais c’est encore une fois Bette qui focalise le récit avec un destin facétieux s’ingéniant à la rapprocher de Candace tout au long de l’épisode, malgré tous ses efforts (et certes elle paie de sa personne) pour résister à l’attraction fatale. Bette donne l’impression de glisser au fond d’un gouffre et de tenter de se raccrocher à toutes les racines qui se présentent.

L’ensemble parait assez poignant d’autant que l’intensité des scènes avec Candace (remarquable comédienne, une de plus), notamment en cellule, font craindre une issue particulièrement périlleuse en fin de saison. On sent venir le cliffhanger de la mort qui tue…

À côté de ce mainstream les autres segments du récit ne peuvent que paraître au mieux périphériques, d’autant que la réussite ne paraît pas toujours au rendez-vous. L’épisode comporte la dimension « exotique » coutumière avec des Drag Kings aux numéros musicaux assez troublants. Kit débute d’ailleurs une relation avec l’une d’entre elles, Yvan, aussi solide que très attachante au naturel, on est un peu désarçonné au début mais l’ensemble fonctionne très bien (et puis du coup on est débarrassé du rappeur, alors…).

Jenny continue encore et toujours à se chercher, ce qui nous apporte des scènes individuellement réussies mais trop patchwork, partant un peu trop dans tous les sens : dîner de dépôt de bilan avec Tim, rendez-vous avec Robin, la blonde de Palm Springs, rencontre masculine à l’océanarium de L.A. où elle cherche l’inspiration (scènes visuellement superbes, très Grand Bleu, dommage que Rosanna ne soit pas là), confrontation avec les copains passablement lourds de Tim qui a le bon goût d’être gêné… Le pauvret l’a encore dans la peau alors que la belle a déjà passé à autre chose. Pathétique. Toutes ces différentes scènes papillonnent un tantinet, l’émiettement reste un danger récurrent pour la série.

Plus intéressant, Marina qui s’interroge davantage et qui, en bonne prédatrice, s’empresse de draguer la nouvelle relation de Jen… Marina, toujours aussi incandescente, reste vraiment une énigme captivante, elle manquera réellement à la série. À noter qu’en VO la sublime et polyglotte Karina Lombard s’essaie souvent au français, langage de l’amour, comme ici durant son grand numéro de séduction. « La persistance est la mère de tous les succès. » déclare-t-elle au lieu de la « persévérance », bah, on lui pardonne… Par contre ce qui ne fonctionne pas du tout c’est l’imbroglio mère-fille dans lequel se contorsionne Shane, tout cela ressemble de plus en plus à du mauvais mélo peu inspiré.

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14. LIMITES
(LIMB FROM LIMB)


Une vallée de cendres, c’est un peu dans ce genre de paysage de mort que débouche la jusque-là globalement amusante saison 1. À cette occasion  l’épisode a été judicieusement rallongé  ce qui permet enfin de prendre un peu son temps, à point nommé car on se situe à une croisée des chemins de la série. On se croirait dans Requiem (X-Files), une conclusion irréprochable, mais alors vraiment, l’ambiance n’est pas au carnaval.

Justement depuis les X-Files on sait bien que les moments clés se déroulent toujours dans un parking et c’est bien là que Bette finit par basculer. Le passage se fait avec simplicité et immédiateté, comme si elle se rendait finalement à une simple évidence, c’est supérieurement habile. Par suite, passée l’euphorie, la pauvre vit un vrai cauchemar, la gentillesse et la candeur touchante de Tina ne faisant que raviver sans cesse le remords qui la taraude (admirable scène de la douche). On peut se demander si Bette, plus ou moins inconsciemment, ne fait pas exprès d’être découverte, pour sortir du piège, tant l’aveu paraît impossible.

Évidemment, comme à chaque fois  depuis le début de la série, Jennifer Beals se montre exceptionnelle mais la grande surprise provient de Laurel Holloman, toujours très juste mais tout de même légèrement en retrait jusqu’ici par rapport à sa partenaire (j’ai mis un temps fou à reconnaître la Justine Cooper de Angel). Elle éclate lors de la scène paroxystique de la confrontation entre les deux femmes, tout à fait inédite en terme de violence, hormis peut-être le débat télévisé avec la douce Fae. Le téléspectateur prend un très grand coup de poing dans l’estomac, tant les deux actrices se livrent totalement et se montrent absolument bouleversantes.

C’est un des axes majeurs de l’univers de la série depuis son commencement qui se lézarde, l’effet en résulte absolument considérable. Un ultime raffinement se voit apporté par la scène finale, Tina, totalement bouleversée, commençant à écrire le nom de Candace sur la fameuse Toile d’Alice. Ce symbole de l’aspect le plus ludique et pétillant de The L Word se mue ainsi désormais en expression de la plus vive souffrance que l’on puisse y trouver. Une altération profonde en parfaite résonance avec celle du récit, fournissant une conclusion aussi parfaite qu’éprouvante à la saison. La saison 2 sera sans doute celle de la difficile et incertaine reconstruction du couple.

La  noirceur terminale de l’histoire se renforce également par l’absence d’éléments humoristiques ou simplement optimistes chez les autres personnages. Shane voit le sol se dérober sous ses pieds, professionnellement et sentimentalement. Si Kate Moennig et Rosanna Arquette interprètent admirablement la rupture de leur personnage (c’est légèrement moins le cas pour Clea), on ne peut s’empêcher de trouver tout cela passablement artificiel, tant l’histoire a décollé rapidement avant de s’effondrer de même. Le talent des comédiennes permet cependant de maintenir l’intérêt de l’ensemble.

La seule scène authentiquement drôle de l’épisode se teint d’humour noir (la veillée funèbre de Monsieur Pissou) et la révélation commune de leur amour ne suscite pour l’instant guère d’allégresse entre Alice et Dana ! C’est également leur univers qui se trouve bouleversé, tandis que l’épisode clôture aussi efficacement la saison qu’il introduit la suivante. En tout cas Leisha Hailey prouve qu’elle a su imposer son personnage, qui paraissait quelque peu secondaire durant la première partie de la saison. Ici Alice est pratiquement invisible  (hormis deux scènes cruciales mais essentiellement émotionnelles) et l’absence de son humour se ressent avec une force particulière. Elle est bien devenue, elle aussi, absolument nécessaire à The L Word.

Si l’histoire de Kit et Ivan paraît aussi improbable que décrite avec une grande justesse de ton, le seul élément positif du récit provient véritablement de là où on l’attendait le moins, c'est-à-dire du personnage chaotique par excellence que constitue Jenny. Celle-ci achève de tirer un trait sur Tim l’évanescent et d’assumer sa bisexualité, y compris avec quelqu’un d’aussi parfaitement insignifiant que le type de l’océonarium (scène de jalousie de Tim encore une fois pathétique). Elle résiste finalement fort bien à la vanne un peu minable de Tim au vernissage ainsi qu’au coup de poignard, autrement vicieux et affûté, que lui décoche également Marina, genre Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos.

Alors que la partie de Monopoly apparaît comme un moment de convivialité et de sérénité au moment où  les tempêtes se déclenchent par ailleurs, le message de Marina montre  autant de souffrance que de regret. Malgré son charisme et son intelligence, la page semble aussi bien tournée sur  elle que sur Tim, il paraît malheureusement logique que la saison 2 se déroule sans eux. Dans un superbe parallèle, le couple si uni – Bette et Tina – connaît pour le moins de fortes turbulences, tandis que Jenny, chahutée tout du long, accède à une certaine paix (bon, on imagine qu’avec Jen  cela ne va pas durer). Une jolie inversion des postures.

Si l’écriture de l’intrigue, les dialogues et les éblouissantes comédiennes représentent bien les atouts maîtres de The L Word, cette conclusion parfaitement réussie rappelle qu’il ne faut pas négliger pour autant une savoureuse bande-son mais aussi une mise en scène des plus efficaces. Cette dernière permet ici de profiter de l’étonnante collection rassemblée par Bette, tandis qu’elle soutient le jeu des actrices notamment lors de la déchirure entre Bette et Tina ou de la scène complice entre Yvan et Kit (oui, dans un parking). Seul (petit) regret : que la fête très huppée donnée pour l’ouverture de l’exposition n’ait pas suscité une satire aussi amusante que lors de la soirée de bienfaisance de Californication mais l’auteur a préféré se concentrer sur les personnages et leurs sentiments, on peut le comprendre.

Ainsi s’achève la saison 1, dans la noirceur mais aussi l’ouverture sur des potentialités toujours captivantes. Hormis quelques rares et inévitables trous d’air la série aura conservé jusqu’au bout son étonnante qualité d’écriture, entre gestion d’un nombre élevé de personnages, drame et comédie. Maintenir l’intérêt avec quasi exclusivement du relationnel et fort peu d’enjeu par ailleurs (merci Fae, oui, oui) tenait initialement de la gageure, du moins à mes yeux, mais le pari a été finalement tenu. Ce fut notamment le cas grâce à des comédiennes visiblement passionnées par leur rôle et se livrant totalement (guests très réussis également, revoir l’épatante Rosanna Arquette fut un authentique plaisir).

Bon, on ne se refait pas, donc deux réserves tout de même. Si la série a eu l’habileté de renoncer à un aspect revendicatif et politique trop démonstratif, le fait qu’absolument toutes les dames présentées soient magnifiques, spirituelles, attachantes (Marina et Francesca sont plus ambivalentes mais bon) finit par donner comme un léger sentiment de procédé artificiel.

Mais après tout pourquoi demander à The L Word plus de véracité qu’à une autre série ? Et puis entre le psy escroc, les copains très lourds de Tim, Tim lui-même (no comment), le manager goujat de Dana, le père réac de Bette et Kit, Franklin s’opposant à Bette, le policier sorti de la Quatrième Dimension etc. les mâles hétéros dégustent tout de même, tandis que les gays sont globalement décrits comme de gentils neu-neus (même l’homme lesbien est pénible, à force). Mais bon, cela reste léger, le plus souvent amusant, et un peu d’humour n’a jamais fait de mal à personne…

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Crédits photo : FPE.

Images capturées par Estuaire44.

 saison 1 saison 3

The L Word (2004-2009)

Présentation


Série créée par Ilene Chaiken, diffusée entre 2004 et 2009.

En 2004, Ilene Chaiken focalise l'attention sur Showtime avec The L Word, chronique de la vie sentimentale d’un groupe d’amies, en grande majorité lesbiennes, résidant à West Hollywood. L’originalité et l’audace du sujet font sensation mais, si The L Word capte un succès critique et public (avec notamment une communauté très active sur le Net) et se déploie sur six saisons, c’est avant tout à ses qualités intrinsèques qu’elle le doit.

Si la communauté gay est largement évoquée (notamment via des évènements comme  le Dinah Shore ou la Marche des Fiertés), la série  sait éviter un ton par trop militant ou prêcheur, pour au contraire montrer par l’exemple, tout au long d’une histoire riche en humour et en émotions, que les lesbiennes sont des femmes comme les autres. Avec leurs espoirs, leurs amours et leurs amitiés mais aussi leurs galères, leurs erreurs et leurs souffrances, les personnages nous immergent dans un récit choral et sensible, constituant un drama de très haute cuvée.

Original et fort tant dans ses scènes dramatiques que lors de passages d’une drôlerie gonflée et irrésistible, The L Word représente le meilleur de ce genre parfois sujet au pathos et aux conventions, et un bel exemple de la force narrative propre aux feuilletons.

Si la mise en scène s’y montre constamment efficace (parvenant notamment à faire croire que l’action se situe à Los Angeles alors que le tournage s’effectue très majoritairement à Vancouver), on demeure particulièrement sensible au travail de production, avec des décors finement ciselés et une bande-son réellement soignée. De plus la série comporte de nombreux clins d’œil et références aux années 70 et 80 (flashes-back croquignolets, éléments culturels insérés dans les épisodes, actrices références…), lui donnant de temps à autres un air de sympathique revival .

Les dialogues, parfois très verts, crépitent en permanence, portés par des comédiennes extrêmement talentueuses et totalement investies dans leurs rôles. Bien entendu leur grande beauté accroît encore l’attractivité de la série. La série réussit notamment deux grands coups avec les retours enthousiasmants de Pam Grier et de Jennifer Beals, absolument irrésistible dans son interprétation de Bette Porter. Chacun des nombreux  personnages, admirablement dessinés, bénéficie d’une fine écriture. Parvenir à faire vivre un ensemble aussi vaste et hétérogène ne constituera pas le moindre exploit de The L Word !

Cette chronique s’effectue au long d’une découverte progressive de la série, avec des billets écrits à chaud lors de chaque visionnage d’épisode.

En février 2013, une nouvelle collaboration est annoncée entre Ilène Chaiken et Jennifer Beals, autour d'un soap destiné à être diffusé sur ABC, Venice. L'action s'inscrira dans l'ambiance de ce quartier bohême de Los Angeles. Chaiken décrit l'histoire comme une version moderne de Roméo et Juliette, Jennifer Beals jouant la matriarche de l'une des deux familles.