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LES SORCIERS

( THE MEDECINE MEN)

Tournage : novembre 1963

Diffusion : ITV, 23 novembre 1963 – 13ème Rue, 30 avril 1998

Scénario : Malcolm Hulke

Réalisation : Kim Mills

Peter Barkworth (Geoffrey Willis), Newton Blick (John Willis), Harold Innocent (Frank Leeson), Joy Wood (Miss Dowell), Monica Stevenson (Fay), John Crocker (Taylor), Peter Hughes (Edwards), Brenda Cowling (Masseuse).

Résumé

Une femme est assassinée aux bains turcs, alors qu’elle enquêtait à propos d’un réseau de contrefaçons de produits anglais au Moyen-Orient. Steed et Cathy mènent l’enquête et apprennent que la principale société victime de ces agissements, le groupe pharmaceutique Willis-Sopwith, désire changer d’emballage pour contrecarrer leurs concurrents peu délicats. Or le concepteur de la maquette, un artiste peintre, s’associe avec un imprimeur pour en faire des copies à destination des contrefacteurs. Steed découvre alors le véritable but de la manœuvre, commanditée par une puissance étrangère : sous couverts de médicaments prétendument anglais, faire circuler du poison pour détruire l’influence de la Grande-Bretagne dans cette région riche en pétrole. Les Avengers parviennent à infiltrer l’organisation, puis à mettre hors d’état de nuire ses différents membres, dont le propre PDG de Willis-Sopwith !


CRITIQUES


Estuaire44 10 juin 2008

La première chose qui attire l’attention dans Les sorciers demeure l’originalité de son scénario. Voir les Avengers s’intéresser à une histoire de contrefaçon médicamenteuse n’est certes pas banal, d’autant que, d’une manière tout à fait inattendue, l’intrigue rebondit par une tentative d’expulser la Grande-Bretagne du Moyen-Orient !

Cette fantaisie bienvenue n’apparaît certes pas exempte d’un nombre non négligeable d’invraisemblances. On ne comprend guère l’intérêt pour Willis de comploter contre sa propre entreprise, le micro dissimulé saute aux yeux, la découverte de Fay et son témoignage suffiraient à en finir avec une affaire durant encore tout un acte etc. Mais qu’importe au fond ce manque de réalisme, le temps n’étant plus aux stricts récits d’espionnage de la saison 2. La fantaisie commence désormais à occuper une place prépondérante : on ne s’en plaindra certes pas et cela justifie une certaine tolérance en la matière. C’est d’autant plus vrai que par ailleurs l’intrigue se déroule de manière fort claire, sans aucune digression inutile.

Malheureusement ce pétillement se trouve compromis par la mise en scène de Kim Mills. Celui-ci tente bien ici ou là quelques mouvements de caméra intéressants (notamment dans l’imprimerie et l’atelier de peinture), mais l’ensemble demeure tout de même singulièrement empesé. L’accumulation de passages silencieux s’avère particulièrement pénible, avec pour effet que la musique d’accompagnement de Johnny Dankworth a rarement parue aussi répétitive. Les scènes de combat semblent également pauvrement filmées et peu mises en valeur. L’épisode bénéficie cependant de décors forts réussis, notamment celui de l’imprimerie. Ce dernier nous vaut ainsi une jolie leçon avec un Steed exécutant avec précision les différentes étapes d’une impression.

Du fait de sa réalisation peu enlevée, l’épisode pourrait parfois sembler longuet mais, fort heureusement, il jouit de la présence d’excellents comédiens. On éprouve ainsi un vif plaisir à retrouver un Peter Barkworth marquant Les sorciers par une prestation aussi divertissante que celles qu’il nous offrira durant les saisons ultérieures. Il déploie tout son panache dans ce rôle de patron sarcastique, manifestant un mordant plein de morgue envers son entourage. Ses scènes avec Steed puis Cathy demeurent particulièrement réussies. On regrette par contre que l’auteur ne fournisse pas plus d’explication sur le déroutant retournement final, d’autant plus que le personnage de la secrétaire suffisait à justifier les fuites d’informations.

L’autre figure clef de l’épisode reste le peintre Leeson. Harold Innocent apporte tout son métier à cet artiste avide et imbu de lui-même. Sa suffisance et sa vénalité amènent beaucoup de drôlerie à l’épisode. Elles apparaissent de plus en filigrane comme une satire de l’art contemporain et de ses pratiques. On retrouve ici en germe la brillante veine caustique de la saison 4 à venir. Les autres personnages secondaires paraissent plus anodins, mais demeurent plaisants et bien interprétés.

Les Avengers apparaissent en grande forme dans cet épisode. Cathy Gale, outre quelques scènes assez suggestives, se montre alerte et particulièrement élégante dans une tenue de cuir lui seyant à ravir. Elle retrouve ses piques mordantes envers Steed, désormais bien plus teintées d’humour que durant la saison précédente. Elle n’hésite pas à infliger à son partenaire une savoureuse leçon de golf en appartement, au grand effarement de ce dernier ! La série n’a pas encore versé dans la fantaisie la plus totale puisque Cathy concède ne pas connaître l’Arabe. On peut se demander si Mrs Peel n’aurait pas répondu par l’affirmative ! On reste quelque peu dubitatif devant le bandeau fort peu esthétique dont Honor Blackman se trouve affublée durant la dernière partie de l’épisode, alors qu’à l’accoutumée les associées de Steed sortent de leurs combats sans la moindre égratignure. La seule raison semble bien consister en la chute finale, ce qui demeure tout de même fort disproportionné.

Steed lui aussi se montre à son avantage dans cet épisode. C’est avec un grand plaisir que nous le retrouvons pratiquer son golf si particulier. Néanmoins le meilleur moment de l’épisode reste bien sa composition d’un fort improbable acheteur islandais de peinture. Ce passage s’avère particulièrement hilarant, avec un Patrick Macnee éblouissant de drôlerie. Son accent caricatural à plaisir, ses mimiques accentuées et jusqu’à son accoutrement extravagant font de cette excellente scène de comédie l’égale des grands numéros dont Steed nous régalera dans la saison suivante. Décidemment en verve, nous le voyons ici se servir de son pistolet, non pour abattre froidement un homme comme dans La trahison (saison 2), mais au contraire pour donner lieu à une savoureuse réplique. On mesure le chemin parcouru !

EN BREF : Un épisode imaginatif et fort réussi, auquel ne manque qu’un metteur en scène plus alerte pour retrouver le ton des grands moments de la saison 4. D’autant que Steed y apparaît particulièrement en verve !


VIDÉO


Steed, l’acheteur venu du froid !


INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES

Tournage


Continuité  

o Durant la bagarre dans l’imprimerie, les combattants heurtent une cloison qui se met alors à vibrer fortement. On se rend parfaitement compte qu’il s’agit d’un décor ! (35’19’’)

o Un instant après Steed assomme son adversaire avec un coffret métallique, mais en fait Patrick Macnee heurte un élément du décor, ce qui s’entend fort distinctement. (35’37’’) :

o Un fil particulièrement évident apparaît au bas de l’image dans la dernière scène de l’épisode et le générique de fin.


Détails

o Cathy se rend aux bains turcs Recency.

o Le groupe pharmaceutique Willis Sopwitch produit ses médicaments sous son propre label, mais utilise la marque LILT pour ses produits de beauté.

o Lors de la scène finale, Fay donne du John à Steed, chose rarissime dans la série. Faut-il en déduire que Steed a su consoler l’éplorée modèle ? En tout cas Cathy ne manifeste aucune jalousie, en aurait-il été de même avec Mrs Peel ?

o Steed déclare avoir un handicap au golf de 24, tandis que celui de Cathy s’élève à 12. En compétition, à chaque parcours correspond un nombre idéal de coups nécessaire pour le terminer : le par (difficulté, longueur…). Le handicap définit le niveau du joueur en indiquant le nombre de coups en plus du par qu’il est autorisé à employer pour rester dans les points. Plus le golfeur est performant, et plus son handicap est faible, voire négatif pour les plus grands champions. Cathy apparaît donc bien meilleure que Steed, qui emploie il est vrai des méthodes de jeu peu orthodoxes, comme on le verra dans Le jeu s’arrête au 13 (saison 4) !

o Cathy demande à Steed s’il joue sur le green de Gleneagles. Il s’agit dune vallée écossaise, fameuse pour sa beauté naturelle et son hôtel de grand luxe. Ce palace, siège du sommet du G8 de 2005, se trouve effectivement doté d’un grandiose parcours de golf, dont le tournoi annuel compte parmi les compétitions européennes les plus prestigieuses. Cathy ironise aussi bien sur le snobisme que sur les médiocres capacités de golfeur de son partenaire !

o La contrefaçon, fléau économique mondial, provient effectivement le plus souvent de Chine et du Sud-Est asiatique, comme décrit dans l’épisode. Elle touche désormais l’Europe de plein fouet, dans des domaines très divers, et non plus seulement le luxe. La contrefaçon médicamenteuse connaît un important accroissement dans les pays en voie développement (particulièrement l’Afrique), dont la population n’a pas les moyens de s’offrir les produits des grands groupes pharmaceutiques. Au lieu de poison, il s’agit généralement de placebo, mais les effets n’en demeurent pas moins dramatiques pour ces régions subissant de graves maladies et des conditions sanitaires précaires.

o Le Karim reste un état imaginaire, mais de nombreux sultanats du Golf demeuraient Protectorats britanniques au moment du tournage de l’épisode. Ils acquirent leur totale indépendance au cours des années 60 ou au début des années 70 : Koweit, Bahrein ou encore Oman.

o Plusieurs mots français sont entendus au cours de l’épisode : Steed décrit Cathy comme étant très avant-garde et lance un amical au revoir au petit chien de Fay. Leeson parle lui de ses collages avec Cathy.

o Au début de la dernière scène (49’14’’), on reconnaît une publicité pour Michelin sur le journal, tandis que l’on s’aperçoit que l’entrefilet concernant l’accord sur le pétrole du Karim a été manifestement collé sur la page ! Sans doute s’agit-il d’un papier blanc collé sur les pages saumon du Financial Times !

o Dans leur discussion sur l’art, Steed et Leeson opposent le Formalisme et l’Expressionnisme. Il s’agit en effet de deux écoles très différentes, le Formalisme s’appuie sur l’esthétisme des formes jusqu’à la pure abstraction, tandis que l’Expressionnisme déforme la réalité pour inspirer au spectateur une réaction émotionnelle, selon des symboles souvent inspirés par la Psychanalyse.

o Durant cette conversation, où il conserve étonnamment son nom, Steed compare malicieusement Cathy Gale à une Reine des Neiges (Snow Queen) !

o Financial Times : Steed suit le cours de ses actions en lisant le Financial Times. Cette institution de la presse britannique, lue dans le monde entier, a été fondée en 1888. Référence de la presse économique et financière, le journal décortique les grands courants de l’économie mondiale ainsi que l’actualité des entreprises. Il est publié simultanément dans 23 villes à travers le monde. Historiquement imprimé sur du papier couleur saumon, il lance ainsi une mode dans toute la presse financière, par exemple les pages économiques du Figaro. L’équivalent du CAC 40 à la Bourse de Londres s’appelle le FTSE 100, déterminé conjointement par le journal et l’institution (Financial Times Stock Exchange). Steed consulte sans doute le FTSE All Share Index, qui retrace le cours des actions de l’ensemble des entreprises britanniques. Ce tableau de bord vient justement d’être créé en 1962.

o Lord Beaverbrook : Steed définit ses mystérieux commanditaires islandais comme représentant ce que Lord Beaverbrook fut au Nouveau Brunswick. Max Aitken (1879-1964), premier Baron Beaverbrook, originaire du Nouveau Brunswick (Canada), émigra en Angleterre où il mena une formidable double carrière dans les affaires (il fut propriétaire de Rolls Royce, entre autres) et la politique. Membre de plusieurs gouvernement et grande figure du Parti Conservateur, il fut notamment l’artisan de l’entrée du Canada dans la Grande Guerre. Anobli par George V, ce personnage controversé, grand ami de Churchill, forgea un véritable empire de presse, ce qui lui valut le surnom de Premier Baron de Fleet Street, la fameuse rue contenant les sièges des grands journaux anglais. Richissime, il devint un important bienfaiteur du Nouveau Brunswick, dans de nombreux domaines. C’est à cela que Steed fait allusion car Aitken fonda une prestigieuse fondation à Fredericton, capitale de la Province, pour héberger sa fabuleuse collection personnelle de peintures, puis les peintres canadiens les plus célèbres. Steed entend flatter Leeson et lui faire miroiter de superbes perspectives financières ! Lors du tournage de l’épisode, Lord Beaverbrook figurait de nouveau dans l’actualité pour avoir épousé en juin 1963, à 84 ans, une autre milliardaire, de trente ans plus jeune !

Acteurs – Actrices

o Peter Barkworth (1929-2006) a participé à trois autres épisodes de la série : Kill the king (saison 1), Les meurtres distingués (saison 5) et Le matin d’après (saison 6). Enseignant à la RADA (Royal Academy of Dramatic Art, l'équivalent du Conservatoire français), il fut l’auteur de plusieurs ouvrages sur le théâtre.

o John Crocker (1925) a également participé aux épisodes Combustible 23 (saison 2) et Le vengeur volant (saison 5). Il a également été aperçu dans de nombreuses séries de l’époque (Le Baron, Adam Admant lives !, Le Saint…)

o Harold Innocent (1935-1993) participa également à l’épisode Du bois vermoulu (saison 6). Il occupe une multitude de seconds rôles dans les séries britanniques (Z Cars, Callan, Doctor Who, Les Professionnels, Inspecteur Morse…). Au cinéma, il apparut notamment dans Robin des Bois, prince des voleurs (1991).

o Peter Hughes (1922) apparaît également dans l’épisode Les espions font le service (saison 4). Tout en jouant régulièrement au théâtre, il participa à de nombreuses séries (Les Professionnels, Bergerac, Z Cars, Poirot…). Au cinéma il fut Franco dans Evita (1996). Passionné de cricket, il dirigea longtemps l’important club d’Ealing. Son fils fut d’ailleurs joueur professionnel, tandis que sa fille Bettany est connue pour une série d’émissions historiques à succès.

À noter que…

o La scène de golf en appartement trouve son équivalent dans Cœur à cœur (saison 4), où Steed apparaîtra pareillement maladroit. Là où Mrs Cathy Gale se montre agacée, Mrs Peel continue imperturbablement à jouer du tuba ! La série gagne en fantaisie durant la saison 3, mais il s’agit bien encore d’une transition vers la période Emma Peel.

o L’introduction marquée par l’étouffement d’une femme tourné en gros plan rappelle trait pour trait celui de Festin de pierres (saison 2).

o Après La cage dorée évoquant clairement Goldfinger, il paraît amusant de trouver le thème de femmes recouvertes de peinture, idée également présente dans le film sous un aspect plus macabre. Goldfinger y assassine en effet une traîtresse en la faisant intégralement peindre par une substance dorée l’asphyxiant. Et c’est bien entendu pour ce James Bond qu’Honor Blackman quitta la série en 1964.

o Kim Mills (1931-2006) a réalisé de nombreux épisodes de diverses séries anglaises des années 60 (Public Eye, Mystery and Imagination, Armchair Theatre…) avant de débuter une carrière de producteur dans les années 70 (Zodiac, The Rivals of Sherlock Holmes…). Il a en tout réalisé 10 épisodes des Avengers : Le grand penseur, La boîte à trucs, L’homme dans le miroir, La baleine tueuse (saison 2), Concerto, Mort à la carte, Mort d’un ordonnance, Les sorciers, La grandeur qu’était Rome et Le quadrille des homards (saison 3). Il a eu ainsi l’honneur de conclure chacune de ces deux saisons !

o Malcom Hulke (1924-1970) a participé à l’écriture de neuf épisodes : Mauritius Penny, Inter-crime, La naine blanche (saison 2), Concerto, Les fossoyeurs, Les sorciers, Le cheval de Troie (saison 3), Les fossoyeurs (saison 4) et Homicide et vieilles dentelles (saison 6). Il a également contribué à d’autres prestigieuses séries : Pathfinders (en collaboration avec Eric Paice), Gideon’s Way, Destination Danger… Il a principalement collaboré à Dr Who (13 épisodes, sept novélisations). Auteur d’un livre référence, Writing for television in The 70’s, il fut également un ami personnel de Terrance Dicks à qui il mit les pieds à l’étrier avec l’écriture conjointe de Mauritius Penny .

Fiche des Sorciers des sites étrangers :

En anglais
http://theavengers.tv/forever/gale2-9.htm
http://www.dissolute.com.au/avweb/ gale/316.html
http://deadline.theavengers.tv/GaleS2-09-MedicineMen.htm

En flamand
http://home.scarlet.be/~pvandew1/avengers/gale36.htm

 

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