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Saison 3Saison 3

El Ministerio del Tiempo

Saison 4



ANTES DE QUE NO HAYA TIEMPO



Date de diffusion : 20 avril 2020

Époque visitée : contemporaine, le Ministère déménage !

Résumé :

Alors que le Ministère du Temps s'apprête à déménager dans de nouveaux locaux, une alarme temporelle survient, tellement forte qu'elle perturbe tout le système informatique permettant au Sous-Secrétaire Salvador de veiller sur l'Histoire. Un compte à rebours débute, mais avant que la continuité historique ne s'effondre, Angustias a la bonne idée de faire appel à Benito Pérez Galdós. Spécialiste de l'informatique, le dramaturge relance la mécanique du Ministère. Salvador découvre alors que la perturbation est due à l'apparition d'un acteur de cinéma en 1943, parfait sosie du défunt Julián. Il décide de réunir la Patrouille du Temps.

Critique :

Deux ans et demi après qu'il ait failli devenir Carpe Diem, agence de voyage temporelle, le Ministère du Temps rouvre doucement ses portes avec cette vignette d'une douzaine de minutes, mise en ligne sur le site de RTVE en prologue de la nouvelle saison. Antes de que no haya Tiempo reste l'occasion de lever le rideau sur les deux événements d'ouverture de saison : le - possible - retour de Julián et le déménagement du Ministère (on se sent déjà nostalgique). En soi, la pastille est avant tout destinée aux fans et ne comporte aucune vraie révélation qui ne sera sans doute développée dans le pilote de saison. On peut aussi regretter que la connexion entre le Ministère et Benito Pérez Galdós se montre aussi élusive. Il y a comme un goût de trop peu dans ce mini-épisode, toujours superbement interprété.  Mais c'est avant tout le petit monde du Ministère que l'on va retrouver avec plaisir.

La chaleur des liens entre entre Salvador et ses collaborateurs, mais aussi l'humour naissant du choc de la vie de bureau d'une administration et de la grandeur épique du voyage temporel. Le chef dépassé par l'informatique et devant beaucoup à sa secrétaire demeure ainsi une figure n'ayant rien d'uniquement espagnol ! L'évocation par Pacino et Irène de leur mission auprès des Beatles ne manque pas non plus d'humour, avec peut-être un clin d'oeil au film Yesterday, où le Ministère n'était pas là pour veiller sur l'Histoire. Pour aussi peu circonstanciée qu'elle soit, la rencontre avec Benito Pérez Galdós s'avère savoureuse et donne envie d'en savoir davantage sur cet auteur. Humour, chaleur humaine et amour de l'Histoire, autant de composantes de cette merveilleuse série qu'est El Ministerio del Tiempo à répondre déjà à l'appel. Reste le souffle de l'Aventure, mais ce sera pour le prochain épisode !

Anecdotes :

  • La production de cette série demeurant un roman en soi, après deux et demi de péripéties une quatrième saison a pu être tournée. RTVE s'associe cette fois non pas avec Netflix, mais avec HBO España.

  • La nouvelle saison va compter 8 épisodes, et annonce comme fil rouge la mise en avant de femmes oubliées par l'histoire. Elle enregistre le retour de Julián Martínez(Rodolfo Sancho) et d'Amelia Folch (Aura Garrido, en guest). Historien et critique d'Art, Javier Olivares en demeure le showrunner.

  • Benito Pérez Galdós (1843-1920) fut un important dramaturge, journaliste et romancier espagnol, notamment connu pour le réalisme documentaire de ses oeuvres. Libéral et anti-clérical, critique ironique des travers de la classe moyenne de son temps, son œuvre fait de lui une figure du Costumbrismo. Assez proche du Naturalisme français, ce mouvement littéraire et artistique espagnol du XIXe Siècle met en avant la représentation réaliste des coutumes et usages sociaux. Plusieurs des romans de Benito Pérez Galdós ont été adaptés au cinéma par Buñuel, dont Viridiana (1961) et Tristana (1970).

  • Irène et Pacino reviennent d'une mission durant laquelle ils ont veillé au bon déroulement de la tournée espagnole des Beatles en 1965. Celle-ci conclut l'European Tour ayant vu les Fantastic Four passer également par la France et l'Italie. En juillet 1965, les Beatles se produisirent dans les Plazas de Toros de Madrid et Barcelone. Cette tournée constitua l'un des signaux d'ouverture de plus en plus fréquemment émis par le régime franquiste durant les Années 60. Comme souvent à cette époque, il fut l'objet d'oppositions entre les tenants de la ligne dure et les techniciens (relativement) plus ouverts sur la modernité, animés par l'Opus Dei. Ce fut l'anoblissement des quatre garçons dans le vent par la Reine qui décida finalement Franco.

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1.  PERDIDO EN EL TIEMPO

Date de diffusion : 04 mai 2020

Époque visitée : 1943, Francisco Franco

Résumé :

Salvador est stupéfait de reconnaître Julián dans un bulletin d'informations cinématographiques de 1943. Il a servi dans la División Azul, avant de devenir une vedette des films de propagande franquiste. Traumatisé par le choc subi durant la Bataille de Teruel, il a subi un transfert de personnalité, mais est aussi secrètement membre d'un réseau de résistants républicains. Invité à une réception du régime, il projette d'y assassiner le Caudillo, ce que découvre Lola. Dès lors, la Patrouille du Temps doit sauver Franco. Irène et Alonso sont capturés et torturés par les Républicains, mais l'attentat échoue à cause d'un traître ensuite abattu par Lola. La Patrouille parvient à rejoindre le Ministère, en ramenant Julián, toujours amnésique.

Critique :

« L'Histoire est ce qu'elle est. ». Le Ministère du Temps fait honneur à sa devise et à sa mission, la quatrième saison débutant avec un joli coup d'audace, la Patrouille du Temps volant au secours (sur ordre express du Sous-Secrétaire) à nul autre que Francisco Franco Bahamonde, Caudillo d'Espagne par Volonté du Peuple et Grâce de Dieu. On apprécie vivement qu'une série se montre cohérente et aille jusqu'au bout de son concept, c'est ici le cas. Assez logiquement, et en écho la cruauté de cette époque, l'épisode me semble être le plus sombre que la série nous ait proposé jusqu'ici. Le récit se veut également œuvre d'historien et refuse de tomber dans l'angélisme concernant les Républicains. Effectivement moins remémoré (du moins en France), le bombardement de Cabra se voit ainsi rappelé.

Surtout, le tableau de la résistance au régime se montre ténébreux. Ce portrait crépusculaire d'hommes et de femmes disposés au sacrifice mais aussi à toutes les horreurs commises par leurs ennemis (attentats, enlèvements, meurtres, tortures...) n'est pas évoquer L'Armée des Ombres de Kessel (et Melville). Il résulte brillamment paradoxal que la seule vraie source d'humour provienne du régime, avec l'ironie mordante exprimée là propos du cinéma de propagande (similaire à celle de la télévision de Entre dos tiempos, 20 ans plus tard) ou encore la bouffonnerie surréaliste des sosies de Franco. On retrouve d'ailleurs avec plaisir Pep Miràs, qui représentait déjà le Généralissime avec une véracité étonnante lors de Cómo se reescribe el tiempo.

Le récit fait ressentir le temps passé durant le hiatus entre les deux saisons, tout en menant rondement les retrouvailles. L'occasion aussi de découvrir les nouveaux décors, superbes et propices, du Ministère, la série étant cette fois tournée sur un magnifique site de la RNE. Félicitations à, Salvador, qui, au passage, s'est octroyé un bureau particulièrement royal ! On retrouve nos héros avec un vrai plaisir, dont bien entendu Julián, dont on espère que l'amnésie va vite disparaître. L'accent se voit judicieusement mis sur Lola, pour une action se déroulant à son époque d'origine, logiquement ulcérée d'avoir à veiller sur Franco, mais fidèle à son serment.

Anecdotes :

  • Le bulletin cinématographique visionné par Salvador débute par l'acronyme NO-DO, pour Noticias y Documentales (Actualités et Documentaires). Inaugurées en janvier 1943 par le pouvoir franquiste, ces vignettes informatives à la gloire du régime, diffusées dans les salles obscures avant le film, allaient perdurer jusqu'en 1981. Le ton ronflant de ces actualités et l'omniprésence de Franco sont restés dans la mémoire collective espagnole. Les archives des NO-DO sont largement consultables sur le site de RTVE.

  • Le Ministère a déménagé, du fait des coupes budgétaires et de la gentrification du centre de Madrid. Son siège est désormais l'ancien site de diffusion en ondes courtes de la Radio Nationale Espagnole, situé à Arganda del Rey, à une trentaine de kilomètres au sud-est de Madrid. Inauguré en 1954, il fut conçu par l'un des architectes du Valle de los Caídos, dans le plus pur style monumental franquiste. Les décors des saisons précédentes n'avaient pas été conservés, tandis que les vastes salles et archives de l'édifice offrent de nombreuses opportunités de mise en scène.

  • Évoqué par Lola, et effectivement moins remémoré que celui de Guernica, le bombardement de Cabra, localité proche de Cordoue, fut perpétré par l'aviation républicaine le 07 novembre 1938. Il y eut 109 victimes civiles répertoriées en ce jour de marché. Les avions étaient russes, mais les équipages espagnols. Objet de controverses entre historiens, il semblerait que le drame soit en partie dû à une erreur du renseignement, signalant la présence de troupes italiennes.

  • La División Azul fut un corps de volontaires espagnols, mais aussi portugais, mis à la disposition de la Wehrmacht par Franco en juin 1941. Ses 46 000 hommes vont combattre sur le Front de l'Est jusqu'en octobre 1943, avant qu'elle ne soit rappelée en Espagne, puis dissoute. La División Azul fut l'un des éléments clefs du double jeu mené par Franco entre Axe et Alliés, satisfaisant l'appétit de troupes d'Hitler, tout en permettant à l'Espagne de demeurer non-belligérante.

  • Le jeune homme rencontré au bar par Julián et Irène est Luis García Berlanga (1921-2010). Dans sa jeunesse, celui-ci a effectivement servi dans la División Azul, afin d'échapper aux représailles du régime, son père ayant été gouverneur de Valence durant la République. Par la suite il devint un important réalisateur et scénariste, avec une œuvre centrée sur le traumatisme de la Guerre civile. Son film le plus connu demeure Bienvenue Mr Marshall (1952), portrait férocement ironique de l'Espagne des années 50.  

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2.  EL LABERINTO DEL TIEMPO

Date de diffusion : 11 mai 2020

Époque visitée : 1981, Pedro Almodóvar, la Movida - 1648, Philippe IV

Résumé :

En 1648, Philippe IV demande à Velázquez de réaliser le portrait d'une certaine Carolina, qu'il entend épouser. Le mariage avec Marie-Anne d'Autriche est en péril. Velázquez est d'autant plus surpris que Carolina a des attitudes très modernes. Sa participation à un jeu télévisé permet à la Patrouille de la repérer en 1981. Pacino y a la surprise de retrouver un ami d'enfance, Ángel, qui lui apprend qu'il va tenir le rôle de Sadec dans le prochain film du jeune Almodóvar, Laberinto de pasiones... et donc pas Antonio Banderas. Il s'avère que Carolina a fui 1981 pour échapper à son mari violent et elle rejoint la Patrouille pour débuter une nouvelle vie. La rencontre entre Banderas et Almodóvar est assurée et le film, financé, mais Ángel meurt du SIDA.

Critique :

L'épisode choisit de se scinder en deux, une tactique rarement gagnante puisque chacune des deux histoires en résultant ne dispose que d’une moindre histoire pour se développer. Qui plus est, aucune synergie n'est installée entre les deux segments, qui fonctionnent en indépendance quasi totale. Cela n’empêche pas d'apprécier le grand retour de l'humour au sein de la série qu'apporte cet opus, avec la réapparition de Velázquez. C'est déjà très net en ce qui concerne le segment Movida, la bonne humeur générale contrastant agréablement avec le ton sinistre du précédent Perdido en el Tiempo, ce qui met astucieusement en perspective les premiers temps du Franquisme, avec l'explosion de joie de vivre et de vitalité ayant succédé à toute cette période.

On apprécie le pouvoir évocateur des représentations de la nuit madrilène d'alors et de ses figures, avec un Almodóvar pétillant de jeunesse et de malice. Les Agents du Ministère ne sont pas en reste avec un Esnesto logiquement choqué par le film ou la redoutable Lola ne tenant pas l'alcool d'une seule virée madrilène, ce que l'on peut aisément comprendre lorsque l'on a vécu ces nuits perpétuellement jeunes, suivies de petits lendemains blafards et douloureux. On s'amuse beaucoup, d'autant que cela n'enlève rien à la force de la rencontre entre Almodóvar et Banderas. On aurait aimé avoir plus de temps pour suivre ces deux là, mais, pour apprécier la force et la richesse de leur lien, on pourra toujours se rapporter à ce film merveilleux qu’est Dolor y Gloria. On ressent avec plus de force encore le drame d'Ángel, rappelant à point nommé que cette décennie si pleine de vie fut aussi celle de l'apparition du SIDA.

On reste plus réservé concernant la partie consacrée à Carolina, l'humour devenant ici excessif. L'imitation de Fabio McNamara par Edu Soto était très amusante, mais celle de Philippe IV altère trop le personnage. Jamais le Roi Catholique ne se montrerait aussi familier, y compris avec son peintre favori, et la cour royale reproduisant un jeu télévisé tourne à la farce. Tout ceci reste en soi très drôle, mais ce n'est pas ce que l'on recherche dans cette série. On reste également dubitatif quant à l'intégration de Carolina au sein de la Patrouille, alors qu'elle manifeste ouvertement un dédain pour la continuité historique. Mais elle a de la ressource et de la personnalité et l'évocation des femmes battues revêt une intensité particulière. La qualité de la production, décors et costumes, est également au rendez-vous, la série demeurant un vrai plaisir pour l’œil.

Anecdotes :

  • Le long règne de Philippe IV (1621-1665) fut marqué par une multitude de conflits ruineux et insuffisamment préparés par la diplomatie. Le Portugal achève d'obtenir son indépendance lors de la Guerre de Restauration. Les Traités de Westphalie (1648) et des Pyrénées (1659) consacrent le déclin de la puissance espagnole et la prédominance de la France : au Siècle d'Or espagnol succède le Grand Siècle français. Grand mécène et collectionneur, Philippe IV permit néanmoins à l'Espagne de continuer à briller culturellement.

  • Le mariage de Philippe IV et de Marie-Anne d'Autriche eut lieu en 1649 et resserra les liens des deux branches des Habsbourg. Philippe était également l'oncle de Marie-Anne et avait trente ans de plus qu'elle. Tous deux furent les parents des Ménines, immortalisées en 1656 par Vélasquez, peintre de la famille royale.

  • Philippe IV tient sa cour à l'Alcázar royal de Madrid, demeure de la famille royale depuis Charles-Quint. Toutefois, il s'agit d'une représentation informatique, le palais ayant totalement brûlé lors d'un terrible incendie survenue durant la nuit de Noël 1734, sous Philippe V. La collection d’œuvres d'art réunie par Philippe IV, la plus grande d'Europe, fut en partie anéantie. Plus de 500 tableaux furent perdus, mais l'on parvint à sauver les Ménines.

  • Laberinto de pasiones (Le Labyrinthe des passions, 1982) fut le deuxième long métrage de PedroAlmodovar, après Pepi, Luci, Bom y otras chicas del montón (1980). Il marque sa première rencontre avec Antonio Banderas, son futur acteur fétiche, dont c'était également le premier rôle au cinéma. Volontiers provocateur et loufoque, le film est largement un portrait de la Movida et de la liberté sexuelle la caractérisant. De nombreux seconds rôles ont été attribués à des artistes et amis d'Almodóvar, rencontrés dans la nuit madrilène. Le film sera éreinté par la critique et Almodóvar n’accédera réellement à la grande notoriété qu'avec le succès international de Femmes au bord de la crise de nerfs (1988).

  • L'artiste se donnant sur scène avec Almodóvar est Fabio (ou Fanny) McNamara. Ce chanteur fut l'une des figures de la Movida et créa un duo musical avec Almodóvar de 1981 à 1984. Durant les années 80, iI apparaît en caméo dans la plupart des films de son ami. Désormais il se consacre au Pop Art.

  • Felipe IV et Fabio McNamara sont interprétés par le même acteur, l'humoriste et animateur de télévision Edu Soto. Ce spécialiste des imitations est très populaire en Espagne pour ses   personnages en roue libre.

  • Le jeu télévisé permettant de repérer Carolina est Un, dos, tres... responda otra vez, grand succès populaire de RTVE. Il demeura à l'antenne de 1972 à 2004, avec tout un système assez complexe d'épreuves entremêlant culture, performance sportive, chance et sketchs humoristiques. Carolina et son mari apparaissent en incrustation vidéo sur un extrait de l'époque. Le jeu fut acheté par plusieurs pays européens, mais jamais diffusé en France. Victoria Abril fut l'une des jeunes hôtesses du programme, entre 1976 et 1978.

  • Nouvelle recrue du Ministère, Carolina est jouée par Manuela Vellés, actrice et chanteuse en vue depuis le début des années 2010. A la télévision, elle participe notamment à Hispania, Velvet et Alta Mar.

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3.  BLOODY MARY HOUR

Date de diffusion : 18 mai 2020

Époque visitée : 1554, le mariage de Marie Tudor et du futur Philippe II, le Grand-Duc d'Albe

Résumé :

Le Ministère apprend que, peu avant Noël 1554, Marie Tudor a fait assassiner sa demi-sœur Élisabeth, future reine d'Angleterre. La Patrouille est envoyée à Londres pour sauver la continuité historique, en profitant de la présence du futur Philippe II, alors époux de Marie. Alonso et Pacino deviennent gardes du corps du Roi et Irène, professeure d'Espagnol de la Reine. Pendant ce temps, Amelia s'efforce de faire retrouver sa mémoire à Julián, en évoquant leurs souvenirs communs.

Critique :

L'après l'excès d'humour réjouissant, mais hors sujet, ayant caractérisé le portrait de Philippe IV lors de l'opus précédent, El Ministerio del Tiempo en revient ici à son meilleur niveau. En effet, l'épisode rejoint pleinement la tradition de la série consistant à dépeindre de manière réaliste et sensible les figures historiques rencontrées. L'Angleterre des Tudor est un joli nid de vipères, mais le récit sait tracer un portrait agréablement nuancé de Marie. Loin des clichés faciles de Boody Mary, sans pour autant verser dans l'hagiographie (les tueries d'hérétiques ou d'opposants sont clairement montrées), nous découvrons la vérité d'une femme ayant toujours craint pour sa vie et prête à tout pour que ses enfants aient une existence meilleure. Écartelée entre deux cultures également : il s'avère particulièrement émouvant de voir la petite-fille des Rois Catholiques devoir faire appel à une professeure pour maîtriser ce qui est, au sens propre, sa langue maternelle. Il y a une belle solidarité féminine avec Irène, notamment autour de la lecture du fameux Libro de Buen Amor, ou du drame intime des grossesses imaginaires, que l'époque traita avec raillerie.

On aime aussi beaucoup le tableau du jeune prince Philippe, déjà pénétré de son devoir envers l'Espagne, mais aussi d'envie de bien faire, plein d'amour de la vie et de ses plaisirs. Il apparaît logiquement très différent de celui de Cambio de Tiempo (2-13), vieilli et consumé par la Raison d’État et l'orgueil. La familiarité entre Albe et Alonso passe très bien, car l'on sait que le Grand-Duc eut toujours un lien très fort avec ses Tercios, ainsi qu'une camaraderie de soldats. Même si l'on peut faire difficilement passer la campagne espagnole pour l'anglaise, l'épisode reste splendide et magnifiquement interprété, porté par de savoureux dialogues. L'humour reste présent, mais à sa place, agrémentant le récit sans pour autant en devenir la substance. Le spectateur français se trouvera en terrain connu puisqu'il s'agit à peu près du même humour qu'Astérix chez les Bretons, bière tiède et météo épouvantable, un cauchemar pour les Latins. Le portrait du jeune Prince pourra être utilement approfondi dans la dernière partie de la formidable série qu'est Carlos, rey emperador (2012-2014).

La partie moins relevée de l'opus demeure le ponctuel retour d'Amelia. Certes retrouver cette figure clef de la série fait plaisir, et l'alchimie ressurgit instantanément entre Rodolfo Sancho et la formidable Aura Garrido. Mais, pour ce qui restera sans doute son unique participation à la saison, on aurait préféré retrouver Amelia en patronne de la Patrouille, participant pleinement à l'aventure et brillant par son érudition autant que par son esprit. Or ici elle se voit (quasiment) réduite à sa relation amoureuse avec Julián. Ce n'est pas cet aspect qui nous intéresse le plus chez elle et cela reste tout de même un cliché concernant un personnage féminin, assez dommageable en cette saison se voulant particulièrement féministe. On regrettera aussi la totale absence de Lola, que le récit se soucie peu d'expliquer et qui la ramène à son statut de simple remplaçante d'Amelia, puisqu'elle disparaît quand celle-ci réapparaît. Même si Lola a sans doute moins d'aura, cela reste inutilement désagréable pour Macarena García. Demeurent l'album de souvenirs et surtout la belle émotion de la séquence finale avec Lorca, concluant avec panache la séquence du retour de Julián.

Anecdotes :

  • Pour la première fois le mot Tiempo (Temps) est absent d'un titre d'épisode. Celui-ci est en langue anglaise, afin de souligner que, également pour la première fois, la mission de la Patrouille du Temps ne se déroule pas en Espagne ou dans l'Empire, mais en Angleterre, même si dans le cadre d'une mission diplomatique espagnole. 

  • L'épisode voit le retour ponctuel d'Amelia Folch. L'ancienne cheffe de la Patrouille du Temps vient aider Julián (dont elle fut particulièrement proche) à retrouver la mémoire, mais préfère désormais se dédier aux affaires de son défunt père, dont elle a pris la succession. En réalité Javier Olivares souhaitait le plein retour de l'actrice Aura Garrido, mais cela fut impossible, celle-ci ayant un autre engagement.

  • Federico García Lorca apparaît dans les hallucinations de Julián. Ángel Ruiz reprend le rôle qu'il avait tenu en 2015 dans La leyenda del Tiempo (1-08).

  • Marie Tudor (1516-1558) naquit du mariage malheureux entre Henri VIII et Catherine d'Aragon, fille de la Catholique. Elle-même Catholique, Marie fut écartée de la succession, mais parvint à monter sur trône à la mort de son demi-frère Édouard VI, devenant la première femme à régner sur l'Angleterre. Pour cela, elle mena une guerre et fit décapiter sa rivale, Jane Grey. Elle épousa le futur Philippe II en 1554, établissant une brève double monarchie catholique quand celui-ci monta sur le trône d'Espagne en 1556. Aucun héritier n'en naîtra, malgré deux grossesses psychologiques qui lui valurent des railleries dans les Cours d'Europe. Les persécutions des Anglicans valurent à la reine le surnom de Marie la Sanglante (Bloody Mary).

  • Lui succédant en 1558, sa demi-sœur cadette Élisabeth Tudor, ici sauvée par la Patrouille du Temps, rétablira l'Anglicanisme. Ceci conduira à une guerre entre la Reine Vierge et le Roi Catholique, qui s’avérera désastreuse pour l'Espagne du Siècle d'Or. Mais... « L'Histoire est ce qu'elle est ».

  • Le mariage fut suggéré par Charles-Quint. Outre la dimension religieuse, il y voyait un moyen de contrer l'alliance entre la France et l’Écosse, mais aussi de sécuriser la voie maritime vers les Pays-Bas, alors possession espagnole. Marie y voyait la perspective d'un héritier empêchant sa succession par Élisabeth, tout en épousant un mari d'un rang égal au sien... et qui ne serait pas trop présent en Angleterre. Le mariage fut célébré le 25 juillet 1554, en la Cathédrale de Westminster. La garde d'honneur de quinze Grands d'Espagne accompagnant Felipe était menée par le terrible Duc d'Albe, incarnation de la puissance de l'Empereur.

  • Fernando Álvarez de Toledo y Pimentel (1507-1582), dit le Grand-Duc d'Albe, était à la tête de la Maison de Tolède, faisant de lui le premier des Grands d'Andalousie. Mais il reste remémoré pour avoir été le maître de guerre de Charles-Quint et Philippe II durant un demi-siècle, tout en menant des missions diplomatiques de premier plan. S'il essuya quelques revers, il est considéré comme le plus grand général de son temps, faisant des Tercios la meilleure infanterie d'Europe. Il remporta nombre des victoires majeures de l'Espagne du Siècle d'Or (Tunis en 1535, Muehlberg en 1547, Jodoigne en 1568, conquête du Portugal en 1581...). La mémoire de cet héros national espagnol reste entachée d'actes de cruauté commis en tant que Gouverneur des Pays-Bas, puis Vice-Roi du Portugal.

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4. LA MEMORIA DEL TIEMPO

Date de diffusion : 25 mai 2020

Époque visitée : 1937, l'évacuation des tableaux du Prado, Picasso à l'Expo de Paris

Résumé :

Au Prado, Velázquez a la terrible surprise de voir les Ménines brusquement disparaître, remplacées par un tableau de Goya. Dans le même temps, Salvador est averti que Picasso ne va pas dévoiler Guernica à l'Expo universelle parisienne de 1937. Or les Ménines ont disparu lors de l'évacuation du Prado face à l'avancée franquiste, exactement à la même date. Comprenant que les deux événements sont liés, il envoie la Patrouille enquêter à Madrid et Paris. La Patrouille déjoue un complot mené par le trafiquant d'art temporel Alberto Bueno, complice de l'ancienne Lola. Mais il s'avère que celui-ci dispose d'un aéronef capable de voyager dans le Temps et il enlève Lola à son bord.

Critique :

Le grand événement apporté par La Mémoria del Tiempo survient lors de sa séquence finale, avec la tonitruante révélation de ce vaisseau capable de voyager aussi bien dans l'Espace (certes terrien) et le Temps. Soit un inédit absolu au sein de la série, s'assimilant largement, du moins dans les limites du raisonnable, au TARDIS. Autant dire que toutes les cartes de l'univers de la série sont rebattues et que le Ministère va faire face à un redoutable défi durant la seconde moitié de saison. L'a révélation de l'Anacronópete s'avère impeccablement minutée, alliant spectaculaire et énigme afin de susciter le maximum de curiosité pour la suite de l'aventure. Une conséquence inévitable en demeure toutefois que les péripéties conduisant à l'événement revêtent des allures de simple prologue, un fait hélas renforcé par le relatif manque de substance du scénario. En effet, hormis l'astuce consistant à échanger les Ménines, déjà invendables en 1937, contre un Guernica encore inconnu, on ne trouve ra guère ici d'intrigue à proprement parler. La partie madrilène, hormis pour l'anecdote de l'évacuation vers Valence des collections du Prado sert essentiellement à parvenir à la bataille finale.

L'histoire se disperse quelque peu dans le segment parisien, où la majeure partie du récit est dédiée à des rencontres aussi fortuites que totalement déconnectées de la conspiration en cours. Ainsi Irène croise-t-elle le chemin de Joséphine Baker et de Clara Campoamor, pionnière du vote des femmes en Espagne, autant de scènes en soit amusantes ou émouvantes, mais qui restent sans conséquences sur l'histoire principale. Le nombre de personnages rend également assez succinct le portrait de Campoamor, qui aurait sans doute mérité un épisode à part entière. Néanmoins le portrait de Picasso et de Dora Maar résulte plus consistant et parachève l'agréable saveur féministe de l'opus. Quitte à solliciter les codes de la série, on aime que la Patrouille puisse désormais se rendre à l'étranger, d'autant que cela nous vaut quelques clichés toujours savoureux de la Ville lumière (l'accordéon, la Tour Eiffel, les accents espagnols dignes des anglais du Saint). Ce nouvel épisode dédié à la peinture après Cualquier tiempo pasado (1-05) est également un vrai plaisir pour les yeux.

Anecdotes

  • Dora Maar (1907-1997) fut une peintre et photographe française. De 1936 à 1943, elle fut l'amante et la Muse de Pablo Picasso. Comme montré dans l'épisode, elle effectua une série de photographies montrant l'élaboration de Guernica par Picasso, dans atelier de la rue des Grands-Augustins, de mai à juin 1937. Sa relation avec Picasso contribua à occulter sa propre œuvre, souvent empreinte de surréalisme, qui ne fut réellement redécouverte qu'après sa mort.

  • Clara Campoamor (1888-1972), l'une des deux seules femmes élues à l'assemblée constituante espagnole de 1931, fit inscrire le droit de vote féminin dans la Constitution de la République, ainsi que le principe d'égalité entre époux et le droit au divorce. Toutefois elle dut s'exiler devant l'avancée des troupes franquistes et demeura en exil jusqu'à sa mort ; Franco fit annuler le droit de vote des femmes et celui-ci ne fut rétabli qu'avec le retour de, la démocratie.

  • Pablo Picasso fut effectivement le directeur du Prado, de 1496 à 1939. Le grand musée madrilène (1817) fut longtemps dirigé par des grands d’Espagne, par des peintres. Depuis le début des années 60 il l'est plutôt par des historiens d'art. A partir de 1936, près de 400 œuvres du Prado furent transférées à Valence afin d'être protégées des bombardements franquistes. Elles furent réintégrées sans dommage en 1939.

  • Le vaisseau temporel de Bueno est en réalité l'Anacronópete, invention de l'auteur de zarzuelas (opéra léger espagnol) Enrique Gaspar y Rimbau (1842-1902). Publié en 1887, son roman L'Anacronópete (littéralement « qui vole contre le temps ») demeure le premier référencé à mettre en scène une machine à voyager dans le temps, devançant La Machine à explorer le temps de H.G. Wells (1895). Très inspiré par les Voyages extraordinaires de Jules Verne (élégamment cité dans le texte), il est écrit dans le style plus fantaisiste de la zarzuela, notamment pour le volet scientifique. Ses héros partent également d'une Exposition universelle parisienne, mais il s'agit de celle de 1878 et non de 1937 et vont découvrir de grandes figures historiques, tout comme la Patrouille. L'épisode a soigneusement respecté la description de la machine, mais aussi incorporé l'élixir que boivent les voyageurs pour ne pas être soumis aux effets négatifs du déplacement temporel.

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5.  DESHACIENDO EL TIEMPO

 

Date de diffusion : 02 juin 2020

Époque visitée : diverses époques, Pacino joue avec le Temps

Résumé :

Afin d'éviter que Lola ne soit enlevée par Bueno à bord de l'Anacronópete, Pacino décide de violer les lois du Ministère et de manipuler le passé. Il est vite rejoint par Carolina, qui a remarqué ses tentatives, toutes infructueuses. En effet modifier le passé ne mène qu'à des catastrophes de plus en plus effroyables, jusqu'à la destruction du Ministère et de la Patrouille. Pacino et Carolina décident finalement de renoncer : le Temps est ce qu'il est. En 1945, l'Anacronópete est attaqué par des avions de chasse.

Critique :

On reconnaîtra que l'épisode a comme un air de déjà-vu, puisque son intrigue ressemble beaucoup à celle de Drôle de trame (Legends of Tomorrow, 4-08), où deux membres de cette autre fine équipe de voyageurs spatio-temporels tentaient pareillement de manipuler encore et encore le passé afin de sauver un proche. Certes les conséquences en résultaient autrement plus débiles et improbables qu'ici (bienvenue dans Legends of Tomorrow, série dont on dira qu'elle est hautement conceptuelle), mais la mécanique scénaristique et la conclusion restent identiques. Et pourtant, dans le cadre de sa série, Deshaciendo el Tiempo signifie une authentique révolution, puisque, pour la toute première fois, El Ministerio del Tiempo renonce à son volet historique pour pleinement embrasser son côté Science-fiction.

En effet, hormis une succincte évocation de José de San Martín, le récit se centre cette fois sur les jeux temporels, un art délicat mais ici parfaitement maîtrisé. Les actions enchevêtrées de Pacino et Carolina conduisent à des relectures successives et très ludiques des événements de l'opus précédent, dans une structure de boucle temporelle en forme de piège. Les échecs successifs du duo ont une dimension morale, démontrant qu'altérer la causalité est périlleux car chaotique, mais aussi logique, puisqu'en substance la cause en revient à la supériorité opérationnelle de l'Anacronópete sur les Portes du Temps. Les événements permettent d'ailleurs de compléter agréablement la découverte du vaisseau et de ses étonnantes caractéristiques (non, il n'est pas plus grand à l'intérieur), alors que le drame final vient encore dramatiser la suite de la saison.

Les personnages demeurent au centre du récit, avec la belle histoire d'amour entre Pacino et Lola, ou l'humour des confrontations avec Carolina, porté par des dialogues très naturels, parfois verts. Carolina confirme son potentiel d’équipière au solide bon sens et à la fraîcheur revigorante, on espère la voir davantage avant la fin de saison. Julián et Alonso retombés en enfance valent aussi le coup d’œil. Au total on s'amuse beaucoup au cours de cet opus prouvant que la série sait pleinement utiliser ses  différents aspects et se montrant prometteur pour la suite. Car si tout semble être revenu à la normale, rien ne prouve réellement que la tentative de Pacino n'ait pas déréglé subtilement l'univers du Ministère. 

 Anecdotes :

  • La mission initiale de la Patrouille du Temps consistait à sauver José de San Martín (1778-1850). Cet officier d'origine argentine fut l'un des héros de la bataille de Bailén (ou Baylen), en Andalousie. Le 19 juillet 1808, la Grande Armée y connut sa première capitulation, durant la Guerre d'Indépendance espagnole. Par la suite, San Martín devint l'une des figures majeures des indépendances sud-américaines. En Argentine, au Chili et au Pérou, il est placé devant Bolivar comme Libertador. 

  • Julián compare l'élixir de l'Anacronópete a de l'horchata. L’horchata est une boisson sucrée élaborée à partir des tubercules de souchet, plante propre à la région de Valence. Ce lait végétal est très populaire en Espagne pour ses vertus rafraîchissantes et digestives.

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6.  EL TIEMPO VUELA

Date de diffusion : 09 juin 2020

Époque visitée : 1923, Albert Einstein à Madrid, Emilio Herrera

Résumé :

Une nouvelle crise temporelle éclate alors que le Sous-Secrétaire Salvador s'apprête à fêter les 40 ans de son entrée au Ministère, mais aussi de sa rencontre avec Sofia, devenue son épouse. On apprend qu'Albert Einstein a été assassiné en 1923, lors de son séjour à Madrid. L'inventeur et aviateur espagnol Emilio Herrera est accusé du crime. Salvador part seul en mission, un lien personnel l'attachant à Herrera. De plus ses collaborateurs doivent faire face à un audit du Ministère mené par Salcedo, un inspecteur des finances particulièrement tatillon.

Critique :

El Tiempo vuela s'offre la jolie audace de surprendre son public à plusieurs reprises. Ainsi, alors que l'arc de l'Anacronópete laissait entrevoir une deuxième moitié de saison nettement plus orientée vers la Science-fiction pure et l'action, l'épisode effectue un virage à 180°, pour en revenir à la formule éprouvée de la série, avec l'évocation d'Emilio Herrera. Cela s'effectue de manière particulièrement nette, l'absence de Pacino ou de Lola étant quasiment passée sous silence. Une autre surprise proposée par le scénario reste la résolution très rapide de l'affaire de l'assassinat d'Einstein. Tout en demeurant évocatrice de cette époque de montée des périls (la tentative soviétique de s'emparer de la tenue spatiale lui fait d'ailleurs écho), elle laisse de l’espace pour tracer le portrait d'Herrera,  sans doute l'un des plus détaillés et enthousiastes que la série nous ait proposé jusqu'ici.

Outre une belle interprétation et une vraie masse d'informations instillée avec pédagogie au cours du récit, cette narration s'embellit de l'émouvante amitié née avec Salvador. La présence du Sous-Secrétaire sur le terrain continue une nouvelle originalité, d'autant plus réussie qu'elle permet de retracer aussi l'histoire personnelle de celui-ci, Sa relation avec son épouse défunte, assez similaire à celle du couple du Là-haut de Pixar (2009), accentue encore une mélancolie du temps qui passe donnant corps au récit. La possibilité d'une présence surnaturelle était par contre hors-sujet, mais n'a que peu d'importance. Les sketchs autour de l'audit financier servent surtout à scander la narration, mais la chute finale réserve une ultime surprise au spectateur et ajoute une intrigue supplémentaire à la fin de saison. Un épisode aigre-doux, à l'écriture parfaitement maîtrisée, alliant rebondissements et formule plaisamment classique du Ministère. La saison sait décidément varier la tonalité de ses opus.

Anecdotes :

  • Le voyage d'Albert Einstein en Espagne se déroula en février et mars 1923. il donna des conférences à Madrid, Barcelone et Saragosse. L'intérêt du public alla bien au-delà de la communauté scientifique, Einstein étant alors une célébrité, aussi bien pour ses travaux (il venait de recevoir le Prix Nobel) que pour sa personnalité excentrique. Le voyage fut aussi l'occasion pour Einstein de s'éloigner d'une Allemagne gangrenée par une succession d'assassinats antisémites (ministre Walther Rathenau en juin 1922), perpétrés par l'organisation Consul.

  • Emilio Herrera (1879-1967) fut un scientifique et aviateur espagnol. En 1914, il fut anobli pour avoir été le premier à franchir le Détroit de Gibraltar en avion. En 1935, il conçut créa un ballon atmosphérique capable d'atteindre 26 000 mètres d'altitude. A cette occasion, il créa ce qui est aujourd'hui considéré comme la première combinaison spatiale. Militaire de carrière, .il participa activement à la création de l'aviation militaire espagnole. Demeuré fidèle à la République, il devint le dirigeant du gouvernement en exil (1960-1962).

  • Salvador rencontre Herrera à l'aéroport de Cuatro-Vientos, près de Madrid, où celui-ci avait installé son laboratoire. Fondé en 1911, il s'agit de l'aéroport le plus ancien d'Espagne, servant de berceau à l'armée de l'air nationale. Depuis les années 70, il est largement dédié à l'aviation civile, même si les hélicoptères de la police y sont basés. On y trouve également le musée national de l'aviation et de l'espace.

  • L'inspecteur des finances s'indigne du coût des falconetes (fauconneaux), achetés par le Ministère. Il s'agit de pièces d'artillerie légère, utilisées sur terre comme en mer, notamment par les Conquistadores Francisco Pizarro et Hernán Cortés.  La série introduit ici un clin d’œil à l'actualité, la gestion d'un avion Falcon mis à la disposition privée du Président du Gouvernement Pedro Sánchez ayant fait polémique en 2019.

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7.  PRETERITO IMPERFECTO

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Date de diffusion : 16 juin 2020

Époque visitée : 1832, la succession de Ferdinand VII

Résumé :

Le Ministère du Temps apprend qu'en 1832, la maladie de Ferdinand VII évolue plus gravement que ce qui est historiquement advenu. Une mort prématurée du roi pourrait bouleverser sa difficile succession et placer son frère Don Carlos sur le Trône, au lieu de sa fille Isabelle. Salvador écarte Ferdinand le temps de le soigner, en le remplaçant par un sosie, le comédien Juanjo Cucalón. Pour éviter de révéler à ce dernier le secret des Portes du Temps, il va lui faire croire qu'il s'agit du tournage d'une télé-réalité historique. La Patrouille va découvrir qu'un complot carliste se dissimule derrière tout cela. Julián modifie le passé afin de sauver Maite, mais est enlevé par des inconnus.

Critique :

Certainement l'un des meilleurs épisodes de la saison, Pretérito imperfecto sait à merveille associer les points forts de la série : péripéties, humour et Histoire. La mission du jour de la patrouille fleure comme jamais les séries d'espionnage des années 60, entre complots, substitutions de personnages et sosies. Le tout se voit mené de façon nerveuse tout en bénéficiant des superbes localisations autorisées par le tournage au sein du Palais royal de de la Granja de San Ildefonso. L'aventure s'avère un vrai régal pour les yeux, entre jardins, costumes et intérieurs somptueux. Contrairement aux excès de El Laberinto del Tiempo, l’humour reste ici à sa place, se cantonnant à l'équipe du Ministère et ne déteignant que marginalement sur la Cour royale. On s'amuse franchement, d'autant que le scénario tire un étonnant parti d'une situation au départ assez artificielle. Au registre efficace mais bien connu du vaudeville, s'ajoute des piques souvent bien ajustées sur l'ego des comédiens et les petits ridicules du métier. L'aventure en solo de Julián permet de mettre en orbite le final de saison, de manière agréablement mystérieuse. Décidément, jouer avec le Temps ne porte pas chance !

Un joli effet miroir se voit installé par la pseudo fiction historique regardée par l'état-major du Ministère via les écrans temporels, d'autant qu'à l'effet d'empilement des strates de réalité s'ajoutent ds commentaires bien sentis sur les séries historiques en vogue, façon Les Tudors, Les Borgia, ou encore la récente et particulièrement catastrophique The Great. La colère de Salvador est clairement celle du showrunner Javier Olivares devant leur sacrifice de la réalité historique au profit d'émotions faciles et frelatées. A contrario l'Histoire demeure ici fort bien saisie, avec un saisissant portrait du marigot permanent que furent la famille royale et son entourage au XIXe siècle, L'épisode reste aussi l'occasion d'un impitoyable procès de la personne et du règne de Ferdinand VII au soir de sa vie (quel bilan !), là encore grâce à un Salvador décidément mis en avant cette saison. Au fil des épisodes on apprécie également de retrouver des personnages déjà croisés, comme la future Isabelle ou encore El Empecinado, héros national de la Guerre d'indépendance exécuté par Ferdinand VII.

Anecdotes :

  • Ferdinand VII fut restauré Roi d‘Espagne en 1814, à l’issue d’une Guerre d’Indépendance pourtant occasionnée par l’affrontement mortifère avec son père Charles IV, en 1808. Il le demeura jusqu'à jusqu’à sa mort, survenue en 1833. Son règne, clérical et absolutiste (encore bien davantage que celui de Charles X en France), contribua à accentuer encore le décrochage européen de l’Espagne. En 1829, Marie-Christine de Bourbon-Siciles devint la quatrième épouse de Ferdinand, qui était aussi son oncle de 22 ans plus âgé. Elle fut l’une des rares à parvenir à exercer une influence modératrice sur un roi qui conçut toujours son règne comme une revanche personnelle doublée d’une utopie réactionnaire. Elle donna deux filles à Ferdinand, jusque-là sans descendance Isabelle, future Isabelle II de 1833 à 1868, et Louise-Ferdinande.

  • Isabelle n’ayant que trois ans à la mort de son père, la Reine devint alors Régente. Mais elle dut faire face à l’opposition de l’Infant Don Carlos, frère du défunt, qui revendiquait la succession au nom de l’antique loi salique réservant le trône aux mâles. Charles IV l’avait pourtant annulée par la Pragmatique Sanction de 1789, confirmée en 1830 par Ferdinand. Ce nouveau schisme au sein de la famille royale des Bourbon d’Espagne allait susciter les Guerres carlistes (de Carlos, Charles). Cette série de troubles également régionalistes se poursuivra durant tout le XIXe siècle, et accéléra le déclin espagnol. Bien que divisé, le Carlisme existe toujours aujourd’hui, avec notamment Sixte-Henri de Bourbon-Parme comme prétendant au Trône, en tant que descendant de Philippe V.

  • Ici également un agent du Ministère, Pedro Castelló (1770-1850) fut un grand médecin et chirurgien espagnol, l’un des premiers à associer pleinement ces deux disciplines. Alors qu’il était emprisonné pour ses idées libérales, Ferdinand VII le libéra en 1825 afin qu’il puisse le sauver d’une crise de goutte aiguë qui menaçait déjà sa vie. Il y parvint et devint le médecin royal, anobli et couvert d‘honneurs. Il s’acharna par la suite à user de son influence afin de protéger ses collègues et étudiants de la répression politique.

  • Le Palais de la Granja de San Ildefonso (1720), situé près de Ségovie, est la résidence d'été de la famille royale depuis Philippe V. Désormais visité par le public, il est connu pour son style baroque et ses superbes jardins à la française, agrémentés de nombreuses fontaines sculptées. Premier de la lignée des Bourbon d'Espagne et petit-fils de Louis XIV, Philippe V s'inspira ouvertement de Versailles dans sa conception et l'orna grâce à des artistes venus de France. Outre la nostalgie, le palais était ainsi un moyen d'affirmation de la nouvelle dynastie, face à l'Alcázar de Madrid ou à l'Escurial.

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8.  DIAS DE FUTURO PASADO

Date de diffusion : 23 juin 2020

Époque visitée : 2070, le Futur

Résumé :

L'inspectrice Ayala enquête sur l'assassinat d'un bébé, découvert à proximité d'un édifice public désert. Elle y rencontre un homme mystérieux, Salvador Martí, qui se présente comme étant le dirigeant du Ministère du Temps, un service secret veillant sur l'Histoire d'Espagne grâce à un réseau de Portes temporelles. Il lui révèle être l'auteur du crime et lui raconte alors une étonnante histoire. Son agent Julián a été emmené par Lola en 2070, où elle lui a révélé un Ministère dévoyé par Salcedo. Celui-ci a asservi le Passé comme le Futur, grâce à sa flotte d'Anacronópetes et a transformé l'Espagne en dictature. Le seul moyen de l'abattre est d'assassiner son unique ascendant avéré accessible par les Portes, l'enfant.

Critique :

L'épisode perpétue avec brio la tradition consistant à dédier les fins de saisons à des dystopies basées sur le dévoiement du Ministère du Temps, Felipe II ayant ainsi constitué un éternel Empire sur lequel le soleil ne se couche jamais (Cambio de Tiempo, saison 2), ou l'institution devenant une sinistre agence de voyages (Entre dos Tiempos, saison 3). L'uchronie déclenchée par Salcedo demeure sans doute la plus terrible de ces visions, car portant, à leur paroxysme les différents fléaux de notre époque (affaissement démocratique, inégalités sociales, dérèglement climatique, pillage des ressources, affaiblissement de l'Union européenne...). L'assassinat d'un enfant ourdi par Salvador vient encore renforcer cet habile point d'orgue d'une saison globalement sombre, voyant notamment la Patrouille du temps avoir à voler au secours de personnages tels Franco ou Ferdinand VII.

Avec Ayala, Lola ou la petite-fille de Julián devenue la sauveuse d'un Futur cauchemardesque, les femmes demeurent les principaux motifs d'espérance. Là aussi se conclue habilement une saison volontiers féministe, où des figures comme Clara Campoamor ou Marie-Christine de Bourbon-Siciles contrebalancent une virilité latine souvent présentée de manière peu flatteuse. La dimension humoristique et geek de la série n'est pas en reste, avec plusieurs clins d’œil à d’autres séries espagnoles à succès, mais aussi des références cinématographiques : la vue du Madrid de Salcedo évoque Blade Runner, tandis que le scénario assume explicitement ses emprunts astucieusement inversés à Terminator (une running joke de la série), mais aussi le combat abracadabrantesque du combat dans l'orphelinat  rejouant la scène de l'escalier du Cuirassé Potemkine. Même le titre de l'épisode reprend celui d'un film X-Men.

Tout au long d'une subtile narration à contretemps, le récit sait ménager coups de théâtres et suspense, parvenant aussi à rendre aussi crédible que possible l'idée de la mort de l'enfant. Le tout se montre très dynamique, peut-être trop en fin de parcours. L'accélération laisse alors quelques trous dans le scénario. S'il était aussi facile et immédiat de régler le problème en laissant l'enfant en vie, on se demande bien pourquoi Salvador, d'habitude si subtil, a pu opter pour une solution aussi barbare. On peut aussi regretter que le probable ultime épisode de la série soit celui où la partie historique résulte la plus faible. Décidément l'Antiquité, la période wisigothique où la Reconquista demeureront en retrait.

Mais la série parvient in fine à donner la solution à deux énigmes pendantes : l'absence de visiteur venu du Futur (la fermeture des Portes) et les dérèglements inopinés de l'Histoire (des conséquences de l'action du Ministère lui-même). C'est magistral. Les adieux de Salvador aux différents membres de son équipe (où manque hélas Amelia) constituent autant de bilans et d'hommages aux formidables personnages d'une série parvenant jusqu'au bout à maintenir un très haut niveau. En définitive, on juge ce que vaut une série à l'émotion causée par l'au-revoir à ses protagonistes, de ce point de vue El Ministerio del Tiempo effectue une superbe sortie.

Anecdotes :

  • Ayala évoque la série Isabel (2012-2014), quand Salvador lui révèle qu'Isabelle la Catholique a fondé le Ministère. Salvador ajoute que le premier auteur de cette série a failli y révéler l'existence de l'organisation, avant d'être remplacé. Il s'agit d'un clin d’œil, Javier Olivares, le showrunner du Ministère, ayant aussi été celui de la première saison de cette superbe fresque historique de RTVE. Il laissa ensuite la place à José Luis Martín. Michelle Jenner joue la Católica dans les deux séries et Rodolfo Sancho (Julián) incarne Ferdinand II d'Aragon.

  • En 2070, la serié Cuéntame cómo pasó est encore diffusée. En 2020, elle est déjà connue pour sa longévité, puisque lancée en 2001 par RTVE. A travers le parcours de la famille Alcántara, la série est une chronique sociale et politique des dernières années du Franquisme et de la Transition démocratique, qu'elle célèbre. Elle entremêle narration au passé par l'un des enfants de la famille et insertion de documents historiques. Comptabilisant à ce jour 20 saisons et 370 épisodes, elle est devenue la série la plus longue jamais produite en Espagne.

  • En 2070, la Présidence du gouvernement espagnol est exercée par Bertín Osborne. Cet authentique aristocrate est également un chanteur et une figure médiatique très connue en Espagne. Osborne n'a jamais fait mystère de sa sympathie pour le parti Vox, ainsi que pour son dirigeant, Santiago Abascal. Né en 1954, Osborne aurait toutefois 116 ans !

  • Aucune suite de El Ministerio del Tiempo n'est prévue lors de la diffusion de l'épisode, clairement conçu comme un final. Javier Olivares a indiqué être satisfait des quatre saisons atteintes par sa série. Sans complètement fermer la porte à une suite, il indique travailler désormais sur un projet de série dédiée à Philippe II, sur le modèle de celles consacrées à Isabelle ou Charles-Quint.

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