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Saison 1Saison 3

Baron noir

Saison 2



1. TWINS



Réalisation : Ziad Doueiri

Scénario : Eric Benzekri, Jean-Baptiste Delafon

Résumé :

Philippe Rickwaert a à peine achevé sa peine d'inéligibilité, qu'il annonce à Kahlenberg qu'il compte se présenter à l'élection présidentielle qui aura lieu deux ans plus tard. Or les différents chefs des partis politiques sont plus préoccupés par les prochaines élections régionales. De plus des enquêtes quali mettent en évidence que pour l'opinion publique, Rickwaert reste perçu comme l'éternel Baron noir du Parti socialiste, ce qui constitue une tache indélébile et donc un obstacle majeur à ses ambitions présidentielles. 

Critique :

On retrouve avec plaisir l’univers de la série, qui se centre pour cette nouvelle saison sur un nouveau duo/duel : Rickwaert et Dorendeu, donc Kad Merad et Anna Mouglalis. L’un comme l’autre sont parfaitement castés pour incarner deux pôles différents d’un même camp politique : l’un roublard, offensif, d’origine populaire, l’autre plus intellectuelle, dans une forme de fermeté, bourgeoise. L’antagonisme incarné par Niels Arestrup dans la saison 1 fonctionne aussi bien avec sa version féminine aussi, et on est lancé dès le première épisode de cette nouvelle saison, prêts à voir Rickwaert et Dorendeu s’affronter ou se rejoindre.

Au-delà de ce plaisir du duo/duel dont on attend arrivé à la conclusion de l’épisode de voir comment il va évoluer, ce premier épisode propose une belle réflexion autour du dilemme entre idées ou tactiques. Quelques jours avant l’élection présidentielle, Mouglalis/Dorendeu paraît sans cesse négocier avec ses idées. Tout le suspense est de savoir si ces tactiques vont se retourner contre elle, et faire gagner le FN, présent au second tour face à elle.

Ce jeu permanent entre choix des idées et choix tactique semble souvent déconnecté du réel : tout dans cet épisode se passe entre politiciens, dans des bureaux, ou dans des « cachettes », loin des regards. Mais, au détour d’un plan, une rue apparaît, des figurants, des citoyens. A chaque fois, la France apparaît autour du personnage principal uniquement, Rickwaert : on sait l’importance de ses racines, de son attachement à Dunkerque. Dans ce premier épisode, on le voit dans une rue taguée, dans le métro, dans une foule… avant que la caméra ne révèle qu’il est dans le quartier de l’opéra. Sans cesse, sa réalité semble être plutôt confortable. Sa sortie de prison, montrée dès les premières minutes, s’avère assez réaliste : la série n’opte pas pour une démonstration trop outrancière (où l’on verrait un politicien sortir de prison et retrouver un confort doré aisément). Au contraire, elle nous fait croire presque à une forme de misère (Rickwaert vit dans une petite chambre d’hôtel, avec son bracelet électronique), rapidement contredite par plusieurs détails : à la banque, s’il se plaint et insulte le banquier, l’homme politique a de la ressource. Et, s’il manque d’argent pour payer la caution qui le libèrera de son bracelet électronique, il n’a qu’à voir des éditeurs et évoquer un prochain « livre confessions » pour avoir rapidement des avances et des liquidités.

Ce rapport éloigné au monde réel pour nos personnages politiciens est aussi joliment montré à la fin de l’épisode, à l’annonce du résultat des élections :

Bref, la série s’ouvre sur des questionnements intéressants, toujours dans le point de vue « professionnel » des politiques, dans leur bulle de négociation, de jeux d’échecs, toujours frénétique. On retrouve aussi le mélange de thriller et de « documentaire » politique, même si la part thriller est plus essentielle. Difficile de savoir si la série est juste sans être soi-même politicien, et elle ne fait pas toujours à 100% « vrai ». Mais les échos de souvenirs de faits réels (hommes politiques condamnés à quelques mois de prison ; second tour face au FN…) servent habilement aux rouages du suspense. Ici dans le premier épisode, l’attente du résultat, la peur de voir gagner le FN, fonctionne réellement bien.

 

Quelques maladresses cependant, certaines scènes plus lourdes que d’autres : Rickwaert face à son banquier où Merad en fait un peu trop, même si cela peut participer à rendre son personnage vulgaire, prétentieux… Ou encore les premières scènes avec Thorigny, le centriste, joué par Pascal Elbé, qui n’est pas encore très convainquant dans ce premier épisode, caricatural avec son cigare. A voir par la suite, sa relation avec Dorendeu pourra s’avérer intéressante et son personnage deviendra peut-être plus profond ! On sent aussi que Kad Merad n’a pas encore tout à fait retrouvé l’âme de son personnage, à moins que ce soit les créateurs eux-mêmes qui le cherchent. En même temps, le héros sort de prison, revient au monde : il est un peu témoin, perdu, observateur. Par où va-t-il renaître ? Autre petite faiblesse qui n’est pas absolument grave, la musique est un peu passe-partout, le tapissage « thriller » qu’on entendrait partout ailleurs. Ca manque d’un thème qui donnerait à la série son identité.  Globalement, malgré quelques scènes en-dessous, ces quelques maladresses, on repart convaincu dans les nouvelles intrigues politiciennes, mesquines et en même temps d’importance nationale, de Baron noir. 

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2. TOURNIQUET

Réalisation : Ziad Doueiri

Scénario : Eric Benzekri, Jean-Baptiste Delafon

Résumé :

Amélie Dorendeu prend ses fonctions et imagine déjà un nouveau gouvernement porté par Aurore Dupraz de l'aile gauche du PS, pour équilibrer avec les positions de Thorigny et de nouveaux députés issus de la société civile, mais quand Vidal se montre très critique envers ce choix pro-libéral, Dupraz refuse. Dorendeu choisit donc Alain Chistera comme Premier ministre et charge Kahlenberg de faire en sorte que 50 circonscriptions soient offertes aux candidats de la société civile, soutenus par Thorigny. En parallèle, elle met en place une unité antiterroriste renforcée. À Dunkerque, Rickwaert s'ingénie à saper la campagne de Pascal Carthaud, qu'il méprise, et refuse d'abandonner sa circonscription. Il fait fuiter dans la presse ses relevés de compte afin de s'attirer la sympathie du public, prévoyant un retour en politique pour les élections européennes.

Critique :

On retrouve dans l’épisode 2 une volonté de jouer du surjeu, du théâtral, pour décrire le monde politique. Comédiens et politiciens se confondent : dans telle scène, est-ce Kad Merad qui surjoue ou son personnage, Rickwaert ? La question se posait dans le premier épisode (à la banque), on a confirmation dans le 2ème épisode que c’est une volonté dans cette seconde saison, avec l’une des toutes premières scènes qui le montre pleurer, dans une tirade caricature d’actor’s studio, dans la permanence du PS à Dunkerque. Le bras droit d’Amélie Dorendeu, Daniel (très bien campé par l’excellent Philippe Résimont), a ces paroles : « Là où est Philippe, il n’y a plus de politique », autrement dit il n’y a que du faux-semblant, du jeu. Jeu de comédien et jeu d’échec. Sur le modèle de beaucoup d’autres séries à succès des années 2000-2010’s, Baron Noir choisit un anti-héros dont on interrogera toujours la sincérité ou la perversité. Kad Merad, par son passé de comique, de stand-up, à cette capacité à paraître sur le point de rire dans les moments dramatiques, à saupoudrer d’un peu de parodie des instants de sérieux, comme une complicité permanente avec le public.

A l’opposé, le personnage alter-ego de Jean-Luc Mélenchon, Vidal, joué par Morel (lui aussi au jeu très savoureux), semble désigner une intransigeance. On est pressé de voir ce que vont en faire les scénaristes, puisque le personnage de Mélenchon, dans la sphère réelle, intrigue (tribun sincère ou pur comédien en surjeu, sans entrer dans un débat politique ici, il est évident qu’on ne peut s’empêcher de se questionner). Ici, dans Baron noir, il est désigné comme une « boussole » qui rappelle ce qu’est la gauche, la droite, dans un monde de petits arrangements. Un personnage qui paraît plutôt positif à ce stade, mais là aussi on attend de voir s’il a des masques, comme les autres.

L’essentiel de l’épisode montre donc un jeu partout présent de comptes d’apothicaires, à l’élection de la nouvelle présidente, Dorendeu. Chacun brandit ses idéaux, ses principes, avant de proposer de les fouler contre quelques récompenses (tel poste dans 2 ans, etc.). Rickwaert est finalement l’incarnation hors-norme de ce que les autres politiciens sont plus discrètement, plus honteusement, avec moins de panache. Il est peut-être, aussi, celui qui fait du tort au monde de la politique : avec des Rickwaert dans leur entourage, impossible pour les politiciens de garder une éthique, tant ce genre de personnalité peut retourner un argumentaire, convaincre de voter telle loi, de faire tel choix de composition gouvernementale, pour servir son strathagème, son arrière-pensée.

 

L’épisode est donc très bavard, dans une succession de petites scènes de confrontations entre la présidente et ses futurs potentiels ministres. En cela, il paraît un peu plus faible que l’épisode 1. Certains comédiens font vivre ces scènes avec brio, d’autres font un peu retomber la sauce et on retrouve un côté académique par moment dans ces « face à face » un peu déjà vus. Néanmoins, ce sentiment disparaît petit à petit, il y a un suspense qui s’installe, et notamment avec une belle idée : la tension de l’épisode pilote, qui consistait à jouer de la possibilité que le FN gagne vraiment cette fois, est relancé sur tout le quinquennat. La crainte d’Amélie, la nouvelle Présidente de la République, est de voir se réaliser dans 5 ans ce qui a failli advenir le soir de l’élection. Pour nous spectateur la question se pose : notre anti-héros Rickwaert, par son besoin d’exister en politique, va-t-il malgré lui pourrir le quinquennat d’Amélie ? Et donc laisser place au fascisme, valeur qui initialement est à l’opposée de ses convictions qu’il paraît souvent oublier au profit du jeu tactique ? Cette crainte là se redouble d’une crainte aussi concrète : l’épisode nous laisse découvrir la « war room » de l’Elysée, où Amélie Dorendeu fait face pour la première fois aux secrets de la DGSE, de la surveillance des terroristes Islamistes qui menacent le territoire. Dans cette pièce-là, on se dit que les valeurs d’un élu peuvent enfin s’incarner. Quoique : Dorendeu veut-elle juste s’assurer sincèrement que les citoyens sont protégés ? Ou craint-elle, avant tout, que des attentats n’aident le FN à grimper d’ici 5 ans ? Un peu des deux, probablement, et c’est visiblement le propos que cherche à développer la série : nos politiciens sont toujours « un peu des deux », ayant en permanence à mettre dans la balance leur conviction et la tactique politicienne, les arrangements. A ce stade, la série reste donc plutôt passionnante à suivre, avec un suspense basé sur une réflexion sur la sphère politique plutôt bien menée, mais peinant juste à offrir de vrais moments de brio, de surprise.

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3. HARAM

Réalisation : Ziad Doueiri

Scénario : Eric Benzekri, Jean-Baptiste Delafon

Résumé :

La présidente Dorendeu n'obtient qu'une majorité relative à l'Assemblée, ce qui met en danger son projet de nouvelle loi santé. Philippe Rickwaert reste son conseiller de l'ombre et lui suggère de renoncer définitivement à l'article 49.3 afin de créer un « choc de démocratie », et de renforcer le côté « jupitérien » de sa présidence. Cyril Balsan est devenu député dans le Val-de-Marne, et se trouve confronté à un terrible acte de communautarisme dans une école maternelle de sa circonscription : un parent d'élève a violemment frappé une professeure des écoles parce qu'elle avait distribué à ses élèves des bonbons qui n'étaient pas Halal, mais Haram (interdits dans la religion musulmane). Dès lors, Balsan s'engage dans un combat contre le communautarisme et pour la mixité sociale dans les écoles.

Critique :

Arrivé au troisième épisode de cette saison, Baron noir offre un réel sentiment d’immersion. On navigue de pôle en pôle, assistant aux coulisses des premières semaines d’une présidence, sur fond de chantages qui s’enchaînent les uns aux autres. C’est vraiment là où la série offre ce qu’elle a de meilleur, nous tenir en haleine juste sur des dialogues, des échanges d’arguments, entre les différents « loups » de la politique.

La série continue aussi de creuser sa thématique, forte en cette saison 2, celle de la sincérité en politique. Malandrin, homme fort de la fédération P.S. à Dunkerque, dit à Rickwaert que « les jeunes, maintenant, ils veulent de la transparence ». Cela paraît bien ironique quand on voit que presque aucun personnage politique fonctionne sans arrangements, sans manipulation. Rickwaert, lui, dit plus tard dans l’épisode que chacun d’entre eux doit bien, à un moment donné, « mettre les pieds dans la boue ». Pas de politique sans se salir. Un constat assez triste, qui nous fait parfois détester les personnages, mais qui nous permet de mieux comprendre les dérapages politiques, les scandales révélés au grand public : le monde du pouvoir fonctionne ainsi, et à voir Baron Noir on se dit qu’un politicien qui promettrait transparence, intransigeance, honnêteté… nous mentirait forcément ! Tous pourris oui, mais parce que c’est le métier qui veut ça : obliger de se salir pour faire tenir un parti, des candidats, des lois, des projets, car le camp d’en face est toujours prêt à nous manger.

La question serait alors : se salir, jusqu’où ? Etre tactique, faire des petits mensonges, apparaît presque glorieux grâce à l’immersion de Baron noir. On y comprend, dans cet épisode, comment une polémique nationale (ici, une professeur battue par un élève radicalisé) peut naître juste parce qu’un jeune député qui veut se faire connaître décide d’être « touché », de s’insurger, à la fois parce que la radicalisation religieuse va contre ses valeurs laïques, et à la fois parce que ça l’arrange bien. Ou encore comment la Présidente elle-même, comme annoncé dans l’épisode précédent, craint de possibles attentats, à la fois pour protéger ses citoyens, mais aussi parce que cela fragiliserait son quinquennat, son image…

Ces petits mensonges là sont dans un entre deux que la série parvient à capter avec finesse : les politiciens seraient, essentiellement, toujours un peu dans le choix tactique mélangé à leurs valeurs.

Rickwaert, lui, incarne la tactique qui va trop loin, celle qui fait naître des scandales qui entachent la politique. Le personnage est une belle figure tragique : battant, confiant, il pense revenir en politique grandit d’un passage en prison. Il veut se blanchir. Pourtant, plus il agit, plus son talent de manipulateur créé le mal autour de lui. Là encore, la saison 2 offre un scénario assez subtil : pas de mallette, de gros coup comme en début de saison 1. Juste des conseils, à la Présidente, au jeune député, qui finissent par se contredire. Rickwaert veut s’infiltrer partout et ça finit, dans cet épisode, par lui exploser au visage. Là encore, les scénaristes, Eric Benzekri et Jean-Baptiste Delafon, montrent avec brio comment l’influence d’un seul homme, trop habile beau-parleur, s’étend autour de lui jusqu’à changer la face du pays : sans qu’ils le sachent, les Français verront une loi sur l’euthanasie être actée ou refusée par le parlement juste sous l’influence des manigances de Rickwaert. Bref, ce troisième épisode joue très habilement à nous montrer une mécanique de ricochet, où comment l’égocentrisme d’un seul individu se répercute jusqu’à ternir des choix de société.

Toutefois, quelques petites réserves toujours à ce stade : toujours pas fan de la musique trop grossière, trop thriller vis-à-vis de la subtilité du scénario proposé ; pas fan de quelques scènes où Rickwaert est trop grossier, encore une fois notamment face à son banquier, quelque chose du personnage se perd ; pas fan non plus des scènes de bar, où il drague la serveuse ; et je reste dans le doute vis-à-vis du personnage du centriste Thorigny, qu’Elbé peine à faire exister. Par contre, chaque épisode apporte son lot de personnage secondaires trucullents, vieux briscards de la politique. Le précédent épisode révélait le premier Ministre, un vieux de la vieille très bien campé par Patrick Rocca. Dans ce troisième épisode, on découvre Malandrin, un nouvel opposant à Rickwaert au sein de son parti, qui ne lui pardonnera jamais ses actes criminels, très bien incarné par Luc Florian. 

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4. CONVERSION

Réalisation : Ziad Doueiri

Scénario : Eric Benzekri, Jean-Baptiste Delafon

Résumé :

À la suite de ses déclarations, le PS sanctionne Cyril Balsan et le suspend du parti. Rickwaert continue d'être le conseiller officieux de la présidente mais avec le procès contre Francis Laugier qui se prépare, il se retrouve très endetté. Après la loi santé votée de justesse, une réforme des prisons se prépare et le poids de l'article 49.3 va manquer pour la faire passer. Kahlenberg, Chistera et d'autres pontes du parti proposent alors de faire appel à l'article au nom du Parlement et demandent à Le Cléach, secrétaire général, de soumettre l'idée à la présidente qui ne renoncerait pas officiellement à son engagement.

Critique :

La qualité de cette saison 2 de Baron Noir tient visiblement dans sa cohérence : on sent que les créateurs (le duo au scénario Benzekri/Delafond, le réalisateur de tous ces premiers épisodes Ziad Doueiri) travaillent en symbiose, et la série avance d’un seul tenant. Je mets d’ailleurs toujours la même note, car tout est homogène, avec moins d’écarts et de maladresses qu’en début de saison 1. Il y en a toujours un peu, bien sûr : dans cet épisode, le moment de l’exécution des terroristes est un peu lourd (le montage parallèle où Amélie sursaute comme si elle y assistait, trop souligné), un souci de chronologie dans ces scènes (on lui dit qu’il faut exécuter les terroristes avant la levée du jour, hors on voit en montage parallèle Rickwaert appeler sa fille de jour), et une pluie qui tombe trop à propos pour appuyer le côté mélo des retrouvailles entre Rickwaert et sa fille.

Passé ces détails, plus on avance dans la saison 2, plus on est convaincu par la tenue de la série, sa capacité à nous captiver par le dialogue, la confrontation. L’épisode s’intitule « Conversion », ce qui fait aussi penser au mot conversation. Cette saison 2 semble en effet montrer un jeu permanent de conversions (rallier l’ennemi, faire changer d’avis, avancer masquer, bref jouer aux échecs) purement par des scènes de « conversations ». Conversations jamais ennuyeuses, toujours tendues, dynamiques.

Ici, ce sont celles avec Vidal, l’alter ego de Mélenchon, joué par François Morel qui font le charme de l’épisode. Morel est parfait, et si l’on pourrait à un moment douter du bienfondé de cette référence très explicite à Mélenchon (est-ce qu’ils n’en font pas trop un personnage parfait, courageux dans ses choix politiques ?), la conclusion de l’épisode offre intelligemment un autre regard sur le personnage : selon Amélie, Vidal/Mélenchon ne veut pas « gouverner », il est trop amoureux de cette place de poil à gratter qui lui donne raison, qui flatte son ego. Il veut garder sa posture, d’insoumis, qui ne négociera jamais, dans sa tour d’ivoire. L’intelligence du personnage, son brio, autant que son mépris, son enfermement, est subtilement trouvé à la fois par les auteurs et par François Morel.

Dans la foulée de l’épisode précédent, « Conversion » creuse le parallèle entre le chantage politique de ses pairs dont souffre la Présidente et le chantage de Daesh. L’épisode nous questionne, est-il possible d’exercer le pouvoir autrement qu’en cédant perpétuellement à des chantages de toute part ? Face à ces chantages, comme toujours, s’agite le dilemme valeurs/tactique. Dans la war room, Amélie Dorendeu fait face aux visages des terroristes : on lui propose de les éliminer, sur le territoire français. Dans notre Etat de droit, cette action lui vaudra, si un jour elle est découverte, d’être mise en examen pour assassinat. Dorendeu fait face à cette menace, elle fait face aussi à ses valeurs : le P.S. est le parti qui a aboli la peine de mort, elle a pourtant la possibilité de faire exécuter trois hommes qui menacent la stabilité du pays. Finalement, la sincérité parle : pour Dorendeu, à chaque attentat c’est plus sanglant, et à chaque attentat le pays se fissure toujours plus. Elle fait le choix de l’exécution. On sent que les créateurs aiment cette Présidente qu’ils ont créé, elle paraît presque parfaite : intelligente, courageuse… Le choix de la série est de montrer avec empathie ces personnages de la sphère politique, de l’intérieur, pour sortir d’une forme de « tous pourri » : oui, tous potentiellement pourris, car le monde du pouvoir attire les stratagèmes, les manigances… Dorendeu est pleine de bonnes intentions, mais saura-t-elle être toujours aussi impeccable qu’elle le voudra ? A voir Baron Noir, on se dit que le monde politique décevra toujours : ce n’est pas forcément qu’ils sont « tous pourris », mais qu’il sera toujours le territoire de jeux de pouvoir qui rendent difficile ou impossible à un homme ou une femme politique d’être toujours fidèle à sa ligne politique.

Rickwaert, quant à lui, apparaît toujours plus solitaire, hébergé chez le candidat de Dunkerque qu’il manipule, renié par sa fille, attendant le moindre SMS de son poulain Cyril. On voit aussi le prix à payer d’être un expert en politique, un expert en manipulation : plus personne ne le côtoie comme un ami, un père. On le sait trop capable de mentir, ceux qui le fréquentent le font avec méfiance, avec de faux sourires.

Bref, la série continue d’agiter ces questionnements avec subtilité, dans une narration faite de confrontations morales et de jeux de débats d’idées, plus que de rebondissements énormes pour le moment. S’il n’y a pas de « coup d’éclat » jusqu’à présent, de grand moment marquant, la saison 2 se suit toujours avec plaisir.

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5. CHOUQUETTE

Réalisation : Antoine Chevrollier

Scénario : Eric Benzekri, Jean-Baptiste Delafon

Résumé :

Amélie Dorendeu met en place sa stratégie de communication pour faire passer la nomination de Stéphane Thorigny à Matignon, en laissant filtrer dans la presse une rumeur de dissolution de l'Assemblée nationale. Comme elle le prévoyait, les ténors du parti paniquent, mais Rickwaert voit clair. Il se tourne donc vers Aurore Dupraz pour faire un coup lors du conseil national du parti et empêcher les soutiens de Dorendeu d'avoir leur majorité ; il a le soutien de Chistera, qui vient d'apprendre son prochain remplacement, et de Balsan mais dont les positions sur la laïcité sont trop clivantes.

Critique :

Pour la deuxième moitié de la saison 2, Ziad Doueiri laisse la place de la réalisation à Antoine Chevrollier, et un léger changement de style se fait sentir à l’occasion de quelques scènes : pour le meilleur, avec les plans sur les aquarelles de Philippe, la scène finale, ou la baignade de Véronique au coucher du soleil, comme libérée grâce à sa démission (très beau personnage, très bien jouée par  Astrid Whettnall). Une tentative moins heureuse, cependant, la mise en scène du rêve/flash-back de Philippe, revoyant la chambre de sa fille, avec un effet de flou assez kitsch.

Néanmoins, on sent que la saison 2 commence à aller vers plus d’émotion, Rickwaert sortant d’une phase où il manipulait à tout va, de manière désespérée, pour exister à nouveau en politique. Dans cette épisode, notre héros semble sombrer, craquer, prêt à imploser de ne pouvoir retrouver une vie, et surtout sa fille. Blindé, il peut faire du mal à son entourage (ses partenaires politiques), leur faire des coups tordus sans baisser les yeux, mais son talon d’Achille reste sa fille, note qui participe à notre empathie pour lui.

L’épisode accentue aussi les parallèles sur le couple en politique : Véronique sort avec Kalenberg et paraît réellement amoureuse, ce nouveau couple semble passer avant les choix politiques, et plutôt que de se séparer pour un désaccord professionnel, ils s’embrassent à nouveau. Cette part romantique amène un nouveau souffle à la saison, très cynique dans ses premiers épisodes. A côté, un second couple, la Présidente Amélie Dorendeu et le centriste Thorigny. Sont-ce ses désirs amoureux qui teinte les choix d’Amélie et la pousse à trahir la gauche ? Ou, à l’inverse, joue-t-elle du flirt pour accomplir ses fins politiques, à savoir tuer la gauche pour moderniser son image et être réélue ? Vue la personnalité de Dorendeu, on peut imaginer qu’il s’agit bien plus de la seconde interprétation.

L’autre aspect intéressant qui prend forme à ce stade de la série, c’est justement la mort de la gauche, Dorendeu se révélant peu à peu comme l’alter ego féminin d’Emmanuel Macron qui va reconfigurer l’espace politique, au prix de la mort d’un parti traditionnel, le PS. L’épisode s’appelle « Chouquette », car FN et Républicains partagent une chouquette dans une séquence autour de manifestations anti avortement. A gauche, il ne resterait plus aux vrais socialistes qu’à rallier Vidal/Mélenchon, pour ne pas disparaître dans cet éclatement provoqué par Dorendeu/Macron. Le duo de scénariste décrit habilement cet état de confusion politique, redoublé par les confusions sentimentales des personnages : histoires de couple et histoires père/fille viennent redoubler cet état de chute vertigineuse. A la mort de la gauche correspond aussi la mort, réelle, physique, du précédent président, Laugier, dont le fantôme apparaît avec une photo d’Arestrup. Pour tout cela, il s’agit sûrement du meilleur épisode jusqu’à présent au sein de cette saison. Espérons qu’elle continuera d’aller crescendo en qualité, ce qui est plutôt le mouvement global depuis le premier épisode. 

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6. REMONTADA

Réalisation : Antoine Chevrollier

Scénario : Eric Benzekri, Jean-Baptiste Delafon

Résumé :

Cyril s'impose dans les médias et Amélie triomphe avec Thorigny à Matignon. Philippe, lui, doit faire face à ses juges. Laugier est mort et il va devoir endosser seul la responsabilité d'un système de corruption dont il n'a lui-même pas profité. Il tente une ultime manœuvre, auprès du secrétaire général de l'Élysée. Amélie et Thorigny sont par ailleurs mobilisés sur les sujets terroristes.

Critique :

Malheureusement, peut-être avais-je trop d’attente, mais j’ai trouvé cet épisode assez lourd. La mise en scène est un peu plus insistante dans cette seconde partie de saison. La réalisation de la scène de l’agression de Cyril, par exemple, comme ses conséquences sur son état psychologique, est assez décevante – notamment quand la caméra tremble excessivement pour exprimer sa panique… De même, alors que l’épisode nous tient en haleine autour d’une nouvelle opération contre des terroristes, parallèlement à un débat TV entre Rickwaert et le patron du FN,  il se conclut de manière grossière sur la révélation faite à la Présidente des propos tenus par Rickwaert en direct. Alors qu’elle vient d’assister à l’exécution de terroristes, on nous montre Amélie choquée par la news concernant Rickwaert à la télé, à renfort de grosse musique et de regards appuyés entre elle et Thorigny. Cela paraît une réaction tout à fait artificielle, comme si tout devait faire « thriller » à tout prix.

D’autre part, si le scénario reste bien ficelé, il tourne un peu en rond, manque d’un vrai choc à ce stade – ou alors il eut fallu assumer un style de série plus sobre, documentaire, sans musiques sur-dramatiques. Mais comme Baron Noir tente toujours d’être trépident, je dois dire qu’arrivé à ce sixième épisode on sent un ronronnement s’installer. Du côté du couple Dorendeu/Thorigny, l’alliance gauche/centre entre la Présidente et son 1er ministre, on découvre comme on s’y attendait que leur flirt est parfaitement calculé de chaque côté. Une scène nous montre Thorigny analyser cyniquement avec son assistante le moindre geste de la Présidente, et prévoir le prochain coup à jouer. Malheureusement, on s’attendait à ce revirement, à ce masque qui tombe, puisque c’est le thème creusé depuis déjà 5 épisodes. Pour moi, ce personnage de Thorigny reste la faiblesse de la saison 2 à ce stade : sans nuance intrigante, dessiné à gros traits… Pascal Elbé peine donc à l’incarner, sans être forcément mauvais acteur, son personnage manquant surtout de définition, d’originalité.

L’épisode révèle aussi le vrai visage de Vidal/Mélenchon : une fois que la jeune socialiste Aurore Dupraz quitte le PS pour le rejoindre, elle se rend compte que la parole n’est pas aussi libre qu’elle le pensait dans le parti de Vidal, que tout tourne autour de ses choix à lui, de sa parole, de son organisation… et aussi de sa tactique. Lui aussi a un plan derrière les convictions affichées avec panache, lui aussi manipule, fait des ajustements comme ceux qu’ils reprochent au « clan Solférino ». Si Morel est amusant et juste à la fois dans le rôle, là aussi on s’attendait à voir ce revirement.

La part plus intéressante de l’épisode, c’est peut-être la suite du portrait de Cyril, dont nous découvrons progressivement qu’il est un alter ego fictif de Manuel Valls (sans coller à 100% à la réalité, un peu plus librement inspiré de Valls que Vidal ne l’est de Mélenchon). Mais l’épisode montre bien comment, alors que la gauche meurt par les choix de la Présidente, ce jeune qui cherche à se faire connaître choisit une voie qui interroge ce qu’est la gauche et la droite. Si ces notions méritent encore d’exister au 21ème siècle. Si son point de départ était calculé, avec comme seul but de se creuser une place aidé par Rickwaert qui mise désormais tout sur lui, progressivement sa conviction se fait sincère. De l’utilisation d’un fait-divers qu’il monte en épingle, il débouche sur une proposition, réformer l’école pour imposer une vraie mixité sociale entre élèves, perdue au fil des ans. Intéressant de voir un vrai argumentaire, une vraie réflexion politique, servir de rebondissement de série : Rickwaert remplace Cyril après son agression, pour aller porter sa parole sur un plateau TV alors qu’il vient d’être condamné pour l’affaire Laugier. Si les points avancés dans ce débat TV sont réellement intéressants, c’est aussi un moyen pour le personnage d’exister enfin, de se trouver une place, ce qu’il cherchait depuis sa sortie de prison. Il la trouve juste avant d’y retourner – à priori, puisque l’épisode montre aussi son procès. Ayant promis publiquement qu’il ne ferait pas appel de sa condamnation, arrivera-t-il à se tirer par le haut de l’impasse où il se trouve ? Alors que la série commence tout juste à s’épuiser un peu, cette promesse dramatique donne très envie de voir la suite malgré tout. 

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7. DIPROTODON

Réalisation : Antoine Chevrollier

Scénario : Eric Benzekri, Jean-Baptiste Delafon

Résumé :

Philippe a terrassé le patron du FN à la télé, exploitant l'idée d'un référendum sur la mixité scolaire. Thorigny conspire avec des dirigeants de centre gauche et de centre droit pour construire un mouvement capable de l'imposer à la prochaine présidentielle. Dans ce contexte de recomposition politique, Philippe veut rallier Kahlenberg à sa cause. Il met Amélie face à ses responsabilités et à un choix stratégique majeur.

Critique :

Si l’épisode 6 lassait un peu, il a le mérite de propulser la série dans une urgence : Rickwaert vient d’être condamné, les actions s’accélèrent pour continuer d’exister dans le monde politique avant que sa condamnation ne prenne acte ou qu’il ne fasse appel. Le final, les épisodes 6 et 7, se jouera avec cette épée de Damoclès, donnant une tension sourde aux évènements : on ne sait pas ce que Rickwaert fera de cette condamnation, et on oublie presque cette condamnation, comme dans le vraie monde politique d’ailleurs, ceux condamnés judiciairement semblent toujours exister dans la sphère politique.

Dans ce 7ème épisode, il y a donc urgence à rebondir, à faire un dernier coup d’éclat. L’urgence est intime, puisque Rickwaert est un personnage qui n’a cessé de chercher à se « poser », à trouver le bon plan, le bon poulain, dans toute la saison. Mais l’urgence est aussi plus large : il s’agit d’éviter l’explosion définitive du système politique français à temps. La menace, c’est celle de la disparition de la gauche et de la droite traditionnelle, au profit d’un « nouveau monde » avec deux extrêmes et un centre sans étiquette. 

Cette urgence s’incarne dans un scénario ciselé qui se déroule sur 48 heures, force de cet épisode. Dans une succession de dialogues saisis en mouvements, en travellings, on assiste à des coups de pokers successifs des trois camps : celui du 1er ministre Thorigny pour créé son putch centriste contre sa Président, celui de Rickwaert et Cyril pour faire exister une union de la gauche autour de projets sur la mixité à l’école, celui d’Amélie pour réaffirmer sa place de Présidente. C’est ainsi le meilleur épisode de la saison, car il incarne dans un suspense fort tout un débat d’idée sur la vie politique française, mêlant habilement description des coulisses de la sphère politique et pur divertissement. Très habile et très prenant. 

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8. SORPASSO

Réalisation : Antoine Chevrollier

Scénario : Eric Benzekri, Jean-Baptiste Delafon

Résumé :

Les images de la sœur d'un des disparus de Courcouronnes violentée par la police créent une vague d'émeutes à travers le pays. Vidal accuse publiquement la présidente Dorendeu d'avoir fait exécuter les trois présumés terroristes, et Rickwaert, appuyé par les doutes de Véronique Bosso, fait le lien avec le jour où elle a choisi de nommer Thorigny Premier ministre. Il décide alors de se rendre à l'Élysée pour proposer une stratégie qui lui permettrait de sortir de cette situation tout en se lavant des soupçons. 

Critique :

Pour Erik Benzekri, "le plus excitant, ce sont les passerelles que l'on peut tendre entre réalité et fiction. Alors, la série peut devenir un élément du débat politique." Ce dernier épisode de la saison 2 réussit parfaitement cette intention des créateurs de la série. Le spectateur est pris par la main par l’empathie vis-à-vis des personnages, en même temps que par une fascination pour le mesquinerie, leur intelligence, leur mauvaise foi. Emmené par les protagonistes et leurs confrontations, toute la saison aura su nous montrer des successions de débats d’idées ou de combats tactiques. Une phrase de Cyril Balsan à Amélie résume finalement assez bien la réflexion centrale de la saison :  « Il s’agit de mettre en scène des idées ». Le monde politique français ne serait pas sans idées, sans valeur, mais chercherait en permanence à les mettre en scène pour les faire exister. La question est toujours : jusqu’où ? Quand la mise en scène finit-elle par détruire l’idée ? Quand le besoin d’exister en tant que personnalité politique dérègle-t-il le sens de la boussole politique ?

Ce dernier épisode montre donc très bien comment ce jeu-là a pu donner lieu à l’implosion des partis traditionnels, grand enjeu de la fin de saison, qui montre la victoire d’Amélie, donc de Macron, comme dans la réalité. Celle de Vidal/Mélenchon aussi : ce personnage est l’une des propositions fortes de cette saison, tant l’alter-ego campé par Morel est proche du vrai « personnage ». Il permet de questionner une personnalité par la fiction, ce qui est assez audacieux. Comme dans la réalité, au spectateur de trancher, mais on le voit bien ici comme un petit dictateur frustré auprès de ses « disciples », et la jeune Aurore en paye les frais. Alors qu’elle cherche le débat avec son nouveau chef, cet ex membre du PS découvre un visage monstrueux. Vidal déchire son discours, lui envoie les pires insultes au visage. La scène est juste, car Vidal parle toujours brillamment, il a toujours la bonne référence, les bons mots, pour assoir sa position. Il paraît presque impossible de le contredire, ce qui fait justement tout le problème du personnage. Amoureux de ses idées, porté par ses convictions, il s’aveugle sur son propre autoritarisme destructeur.

Très beau aussi comment Rickwaert paraît être alors le dernier rescapé de ceux qui croiraient à la gauche, en fin d’épisode. Désormais, tous ses proches sont partis vers le nouveau « centre » ou vers le mouvement « pour le peuple » de Vidal. Ce dernier tente de le capturer à son tour, mais pour Rickwaert, Vidal c’est Staline, le « nouveau Centre », c’est la droite. L’épisode se conclut sur une nouvelle promesse dramatique, amené par la fille de Rickwaert : se présenter aux présidentielles. Faire revivre la gauche traditionnelle et prendre sa revanche.

Ce twist fort est un peu diminué par quelques défauts. Les scénaristes ont trop facilement laissé de côté la condamnation de Rickwaert. Pour apprécier ces derniers moments de la saison, j’aurais aimé que Rickwaert soit rattrapé par l’enjeu judiciaire. De plus, ce dernier épisode ellipse plusieurs semaines, puisque nous assistons de manière très accélérée à un remaniement, menant à la trahison de Cyril envers Rickwaert pour rejoindre le nouveau centre d’Amélie, et celle de Véronique pour rejoindre Vidal. Forcément, dans ce laps de temps, l’affaire aurait dû ressurgir, on aurait aimé le voir y faire face. On peut comprendre, entre les lignes, que le personnage a fait appel et que l’emprisonnement est donc repoussé, mais c’est trop ellipsé pour que cela marche réellement.

L’épisode présente aussi quelques travers habituels, comme les effets sonores trop appuyés (battement de cœur d’Amélie…), ou la première scène de la sœur du terroriste un peu trop facile. Toutefois, si cette trame est amenée assez lourdement, elle permet de résoudre l’un des grands enjeux de la saison, le choix fait par Amélie d’exécuter trois terroristes. Cet acte a de subites conséquences par les révélations publiques de la sœur, puis des émeutes dans les banlieues. Comme toujours, le réel des citoyens est abstrait : ce ne sont que des images filmées au portable, passées aux JT. Bel effet de contraste entre ces images de révolte, et celles du palais de l’Elysée où nous retrouvons nos protagonistes en début d’épisode. La série assume qu’elle ne s’intéresse qu’à la sphère, la bulle, des politiciens. Mais par ce rappel du monde extérieur, elle montre combien le pouvoir coupe de la réalité. Même en se baladant dans la rue, même en ayant des racines populaires, même en restant connecté au monde actuel, dès lors qu’un homme ou une femme accède à la sphère politique, le réel devient un objet d’étude…

La résolution de cette piste narrative des terroristes recoupe celle d’un autre grand enjeu, la mort du PS. Face à cette menace contre la Présidente, chacun tente son coup de poker à nouveau. Thorigny dit qu’ils ne se parlent plus assez, qu’elle peut se tirer par le haut de cette situation en formant un nouveau mouvement politique tous les deux. Rickwaert tente de revenir à elle, en lui proposant un discours où elle assume avoir tué les terroristes, pour être une nouvelle Dame de Fer, qui dictera seule sa politique, qu’il espère de gauche, et incluant un dialogue avec son poulain Cyril autour de la mixité à l’école (la solution, selon lui, vis-à-vis de la radicalisation djihadiste). Ce dernier échange entre eux est par ailleurs le grand moment de l’épisode, admirablement filmé et joué. Un long dialogue réellement prenant, filmé comme un ballet.

Enfin, Vidal affirme être le représentant de la République et questionne la Présidente : si elle a fait exécuter les terroristes, elle doit le dire, elle ne peut laisser le pays dans le doute. Mais le dernier coup de poker est celui d’Amélie. C’est elle qui gagne, en prenant un peu des solutions de Thorigny, un peu de celles de Rickwaert : elle va créer un nouveau gouvernement sans étiquette politique, en volant Cyril à Rickwaert. Elle affirme qu’elle osera être une Dame de Fer s’il le faut, mais nie avoir fait exécuter les terroristes, rejetant Vidal comme un complotiste obscur. Ce dernier twist laisse au spectateur l’envie de voir Rickwaert prendre sa revanche, ou tout au moins essayer, dans la saison 3. Ce qui rend ce dernier épisode, sans être absolument parfait, très intéressant à suivre et assez palpitant – comme l’ensemble de la saison 2. Dans l’ensemble, on y sent une mise-en-scène plus équilibrée que dans la saison 1, avec un vrai goût pour les dialogues filmés comme des actions trépidantes, entre drame et divertissement pour mieux vulgariser les mécanismes du monde politique. 

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