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TéléfilmsSaison 1

Inspecteur Morse

Présentation 


L’inspecteur Morse est une série britannique adaptée des romans policiers de Colin Dexter (né en 1930). Elle prend pour cadre la ville d’Oxford à la fin des années 80 et mettent en scène les enquêtes de l’inspecteur principal Morse. Les romans, d’une extrême complexité, sont l’œuvre d’un ancien professeur d’Oxford qui s’est pris au jeu de l’écriture après avoir lu un très mauvais roman policier. Cruciverbiste émérite, fin, cultivé, Colin Dexter crée en 1975 avec Morse un nouveau genre de personnage de roman policier, un inspecteur curieux, singulier et anticonformiste. Le succès inattendu des premières enquêtes de Morse conduisit naturellement la télévision à s’intéresser à leur adaptation sur petit écran. 

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Créée par ITV, le pilote est tourné durant l’été ’86 puis fut diffusé en janvier ’87. Grosse réussite populaire, une première saison est produite, avec deux épisodes supplémentaires et confirme son succès. Après sept saisons, la série s’arrête en 1993, après avoir adapté tous les romans parus à ce jour et créé des scénarii originaux. Par la suite, ponctuellement, à l’occasion de la sortie d’un nouveau roman, ce dernier est adapté, toujours par la même équipe. Ces cinq derniers épisodes ont été regroupés en un coffret à part, concluant la série, jusqu’à la mort du personnage principal, suivi de près par celle de son interprète principal. 

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John Thaw (1942-2002) a pratiquement fait toute sa carrière à la télévision, prêtant son physique rugueux et sa voix chaude et rauque à nombre de policiers, comme l’inspecteur Reagan et surtout le grand avocat Kavanagh dans les séries homonymes. Il campe un Morse très proche des romans, inspecteur supérieurement intelligent, asocial, grand cruciverbiste et amateur de musique classique, c’est un très bon flic aux méthodes peu conventionnelles. Il passe davantage de temps dans les pubs à boire de la bière qu’à enquêter. Mais son esprit brillant, s’il s’égare fréquemment en des méandres sinueux, est capable de résoudre les énigmes les plus ardues, en se nourrissant d’histoire et de culture. Homme systématiquement malheureux en amour, ses déboires sentimentaux prennent une grande place dans ses enquêtes. Plus romantique que le libidineux inspecteur des livres, Morse promène une éternelle figure de chien battu face à ses conquêtes. Bougon, irascible, impatient, Morse est un enquêteur atypique au milieu de policiers traditionnels comme le sergent Lewis.

Kevin Wathely (né en 1951) campe ainsi le fidèle Sergent Robbie Lewis, adjoint attitré de Morse. Antithèse de son patron, Lewis est un policier bonhomme, compétent, mais manquant d’imagination. Marié, père de deux enfants, raffolant des bons petits plats que lui prépare sa discrète épouse, c’est lui qui souffle fréquemment à Morse « la » bonne idée, permettant à l’inspecteur chef de progresser dans son enquête. A cet égard, la série reproduit fidèlement le concept de Sherlock Holmes et du docteur Watson mais leur duo apporte bien plus d’humour. Lewis, fidèle jusqu’à la mort à Morse, sera présent dans tous les épisodes aux côtés de son chef. 

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Deux personnages récurrents apparaissent dans bon nombre d’épisodes des premières saisons. Tout d’abord Max, le médecin légiste attitré du poste de police. Personnage effacé dans les romans, il prend une véritable ampleur dans la série, grâce à la magnifique interprétation de Peter Woodthorpe (1931-2004), qui crée de toute pièce un médecin irascible, cynique et désagréable, se délectant fréquemment du malaise de force face aux cadavres. Le second est le surintendant Strange, joué par James Grout (1927-2012), le chef de Morse. Fin politicien, il s’inquiète souvent du mépris de Morse pour la procédure et de ses méthodes extravagantes d’investigation. Mais il a néanmoins une grande confiance en son inspecteur chef et lui accorde volontiers son soutien en cas de coup dur.

Dernier protagoniste de taille : la ville d’Oxford. La cité est explorée de fond en comble durant toute la série, de ses universités prestigieuses à ses bars miteux, en passant par ses faubourgs sordides, ses chambres d’étudiants exigües, ses banlieues pavillonnaires et ses châteaux alentours. Colin Dexter, au fil de ses livres, s’est amusé à dépeindre avec sarcasme le microcosme professoral de l’université et dernier est parfaitement retranscrit dans la série, avec ce qu’il comporte de grandeur et de décadence.

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Chaque saison est constituée d’histoires indépendantes, d’une durée de 90 ou  100 minutes et comporte entre trois et cinq épisodes. Les deux premières saisons sont directement adaptées des romans de Dexter, puis de plus en plus d’épisodes originaux sont produits. Ceux-ci offrent plus de légèreté et les scénarios sont moins complexes – mais tout aussi réjouissants – tandis que la réalisation gagne en profondeur et en moyens dans les années ’90. Elle remporte plusieurs récompenses  en 1992 et 1993. De nombreux acteurs invités prestigieux y défilent, de Sir John Gieguld à Sean Bean en passant par Christopher Eccleston ou Liz Hurley et marque les débuts de cinéastes célèbres comme, entre autres, Danny Boyle.

Série toujours extrêmement populaire, elle est encore régulièrement diffusée en Grande-Bretagne. Elle fut diffusée en France pour la première fois en 1988 sur Canal+, puis sur France 3 et enfin sur TMC. La série est intégralement disponible en DVD chez Granada International.

Quant aux romans, ils sont disponibles chez 10/18, dans la collection « Grands détectives ».

Séries dérivées :

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Lewis. En 2006, Kevin Wathely reprend son rôle de Robbie Lewis. Après la mort accidentelle de sa femme, Lewis s’est fait muter dans les îles. Après des années d’absence, il revient à Oxford comme inspecteur chef, avec un nouveau sergent : James Hattaway. La série s’est terminée en 2015 après neuf saisons.

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Les enquêtes de Morse (Endeavor, en V.O.). Créée en 2012, cette série narre les débuts de Morse à Oxford en 1964, alors qu’il n’est encore qu’un simple agent de police, avec Shaun Evans dans le rôle de Morse. La série est actuellement toujours en cours de production.

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PrésentationSaison 2

Inspecteur Morse

Saison 1


PRÉSENTATION SAISON 1

La première saison est constituée de trois épisodes, tous adaptés de romans de Colin Dexter. Sombre, dense et poignante, elle est typique des années ’80 dans ses costumes et coiffures, ses décors, ses ambiances, ses réalisations et sa musique. L’image est parfois vieillotte, un peu grise et terne et le rythme assez lent. Les scénarios sont complexes, au moins autant que les romans originels, mais brillamment adaptés. Elle démarre mollement par un premier épisode trop lent, mais ne fait que grimper en qualité pour se conclure avec brio.

Dès le pilote, l’interprétation est sans faille, John Thaw campant aussitôt le fort complexe inspecteur chef Morse, fidèlement assisté par le sémillant et sympathique sergent Lewis. Beaucoup d’acteurs invités dès cette première saison apportent leur talent indéniable à une très belle saison.

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1. MORT À JÉRICHO
(THE DEAD OF JERICHO)

Première diffusion : 6 janvier 1987 (GB) ; ? (FRA)

D’après le roman Mort à Jéricho (1981)

Scénario : Anthony Minghella

Réalisation : Alastair Red

Résumé : Oxford, 1987. L’inspecteur principal Morse fait la connaissance d’Ann Staveley en participant à une chorale. Séduit, il essaie de se rapprocher de cette femme vivant dans le quartier populaire de Jéricho. Ann s’avère secrète et le repousse. Peu après, elle est retrouvée pendue dans sa cuisine. Morse entreprend de mener une enquête officieuse à son sujet, étant suspecté par ses collègues policiers d’être pour quelque chose dans sa mort.

Critique :

Le pilote d’Inspecteur Morse présente d’emblée son personnage principal : au volant de sa fidèle Jaguar rouge, il met à mal un trafic de voitures volées baignant dans une musique des années 80 tandis que des plans de coupe nous présentent une chorale entonnant des chants religieux anciens dans une chapelle universitaire. Si voir Morse aux prises avec de simples voleurs relève de l’anachronisme pour qui connaît bien la série, ce choc entre modernité et la solennité oxfordienne est un excellent procédé d’exposition. Les enquêtes de Morse présenteront fréquemment cette dichotomie par la suite.

Très vite, l’inspecteur Morse se révèle fascinant par son attitude. Nous n’avons pas à faire à un policier ordinaire, comme aiment à lui marteler ses collègues. Durant les vingt premières minutes de l’épisode, c’est à sa vie privée que nous intéressons : son goût prononcé pour les femmes et pour la bière, sa nonchalance apparente et sa maladresse affective. Morse est un homme blessé, nostalgique du passé, qui refuse d’affronter le monde moderne frappant à sa porte. Il se réfugie dans la musique classique au sein de son foyer de vieux célibataire, passe la plupart de ses loisirs à lire et n’a que peu de distractions. Contrairement aux romans, il ne fume pas : volonté de son comédien. Il promène donc une carcasse triste de chien battu dans l’espoir de s’attirer les faveurs d’Ann Staveley et est beaucoup moins sexué que dans les livres. Il ressent rapidement le malaise de cette professeure de piano au passé trouble. Ces longues minutes d’exposition apparaissent de prime abord comme inutiles, pourtant elles sont au cœur de l’intrigue et recèlent nombre d’indications menant au dénouement. C’est la subtilité de l’épisode, construit avec lenteur, trop de lenteurs sans aucun doute, mais si caractéristique de la série. 

L’épisode, en effet, se découvre avec mollesse, faute à un rythme suffisamment soutenu et un montage extrêmement classique. La réalisation, académique, se met au service d’un scénario touffu et complexe, dont il est difficile, à la première vision, de saisir l’ensemble des tenants et aboutissants.  Comme l’énonce la victime elle-même, au fond, « c’est trop compliqué à expliquer ». Voilà qui est dit. C’est sans doute la principale faiblesse de ce pilote : avoir adapté trop scrupuleusement le roman, l’un des moins bons de Dexter. Enfermé dans un carcan inextricable de mensonges, de manipulations, d’usurpation d’identité et de faux semblant, le scénario peine à prendre de l’ampleur. Il faut plus d’une heure avant que Morse n’obtienne la charge officielle de l’enquête – laissant échapper par la même occasion toute chance de devenir surintendant – pour que l’intérêt renaisse. Mais trop de digressions, trop de fausses pistes se mettent en travers de sa route et le spectateur s’y perd. Le mobile du meurtre, en particulier, apparaît comme particulièrement flou, même après plusieurs visionnages. On comprend bien qu’il s’agit d’une histoire de sexe, mais celle-ci se perd au milieu d’une affaire de chantage et d’hypothèses oiseuses.

Il est cependant amusant de voir Morse échafauder les théories les plus rocambolesques – sa thèse «  c’est la faute à Sophocle », pour brillante qu’elle soit, s’écroule comme un château de cartes lorsque Lewis lui indique qu’il s’est lourdement fourvoyé. Ces erreurs rendent Morse très humain, très faillible et donc très attachant. Mais c’est au prix d’un ennui latent qui retarde le dénouement. Celui-ci, rare scène « d’action » de ce Morse offre la seule pointe d’humour d’un l’épisode très noir et désespéré. 

Par ailleurs, Mort à Jéricho, accuse nettement son âge. Typique des années 80, d’allure grise et sombre, le pilote d’Inspecteur Morse a considérablement vieilli. Le grain de l’image n’est pas net, en particulier lors des scènes nocturnes, l’objectif paraissant couvert de poussière par moment. . La lumière du film, pale en journée, est terriblement sombre la nuit. Cela renforce une atmosphère pesante et lugubre, mais également la sensation d’assister à un spectacle d’un autre âge, à la limite de l’engoncé et du pédant. La réalisation est tantôt intéressante, utilisant de longs mouvements circulaires de caméra et tantôt maladroite, en caméra-épaule tressautant La musique enfin : on alterne trois genres, le classique, le rock ’80 et une composition originale des plus inaudibles. Heureusement que le thème du générique est là pour apaiser nos oreilles : mélancolique à souhait, superbement triste, il signale toujours la fin de l’épisode de ses tonalités monocordes.

Mais il y a de bonnes choses dans cet épisode. D’emblée, John Thaw et Kevin Watheley sont dans leurs rôles et leur duo qui se forme durant l’épisode est déjà solide. La complicité des deux comédiens est palpable. Personnages que tout oppose, l’un est un célibataire endurci, érudit, cynique et désabusé ; l’autre est un bon père de famille, flic besogneux et compétent, ils se complètent pourtant à merveille. Leurs échanges sont réellement très bien écrits et c’est un régal que de les voir disserter aussi bien sur une affaire de meurtre que sur Sophocle.

Le reste de la distribution est hors pair, ce qu’offrait de mieux la télévision britannique à l’époque. Force de l’épisode, c’est également une marque de fabrique de la série : les plus grands comédiens ont défilé durant toute la production d’Inspecteur Morse et y ont laissé une empreinte durable. Il faut saluer donc  la difficile performance de Gemma Jones dans le rôle d’Ann Staveley. Elle n’a que vingt minutes de présence à l’écran, mais elle a défini jamais l’archétype  féminin de l’idéal morsien : la femme seule, d’environ 45 ans, au charme troublant, envoutante, blessée et meurtrie. Celle qui rend Morse fou d’amour et de chagrin à la fois. Notons également l’ultime apparition à l’écran de Patrick Troughton, génial comédien qui a laissé une empreinte indélébile dans le monde télévisuel britannique. Il fut tout d’abord le premier acteur à incarner Robin des Bois sur le petit écran mais surtout la seconde incarnation du Docteur, de 1966 à 1969, dans Doctor Who.

Un épisode moyen donc, vieilli, complexe et tortueux mais qui pose pourtant de solides bases pour la série. Le plan final est à l’image de l’épisode : un Morse triste, déçu et désabusé, s’éloigne à pas lents de la scène de crime, soupirant, la boule au ventre, les mains dans les poches. C’est un peu ce que l’on ressent : de la déception, ce sentiment de tenir quelque chose et d’être passé un peu à côté. 

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Anecdotes :

  • Première apparition de la voiture de Morse, une Jaguar Mark II. Il a également une R5 que l’on verra à l’occasion.

  • Première apparition du chef de Morse, le Surintendant Strange et de Max, le médecin légiste cynique.

  • Lewis fête son anniversaire dans cet épisode.

  • Morse n’a pas encore pris toutes ses habitudes : il arbore ici un costume noir et une cravate rouge des plus laides qu’il abandonnera par la suite. De même, il fréquente un bar particulièrement miteux et non les élégants pubs qu’on lui connaîtra après.

  • Dans les premiers romans, Morse est présenté comme étant plus jeune que son sergent. Convaincu par le choix de Thaw et de Wathely, Colin Dexter inversa la situation dans les livres ultérieurs.

  • Anthony Minghella (1954-2008) se rend célèbre en 1996 en réalisant le Patient anglais puis le Talentueux monsieur Ripley en 1999 et enfin Retour à Cold Mountain en 2003.

  • Alastair Reid (1939-2011) réalisa de nombreuses fresques pour la télévision, entre autres Les Chroniques de San Francisco et Nostromo d’après Joseph Conrad.

  • Richard Durden est une grande figure de la télévision britannique et un spécialiste des séries policières. On l’a vu dans Inspecteur Barnaby, Lewis, Hercule Poirot ou Miss Marple.

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2. LE MONDE SILENCIEUX DE NICHOLAS QUINN
(THE SILENT WORLD OF NICHOLAS QUINN)

Première diffusion : 13 janvier 1987 (GB) ; ? (FRA)

D’après le roman Les Silences du professeur (1977)

Scénario : Julian Mitchell

Réalisation : Brian Parker

Résumé : Lors d’une réception au centre des examens étrangers, Nicholas Quinn, examinateur sourd, surprend une conversation entre un représentant du Golfe Persique et un de ses collègues et comprend que, parmi ces derniers, certains vendent les réponses aux examens. Voulant dénoncer les coupables, il est assassiné peu après. Morse commence son enquête et découvre le monde peu reluisant des universitaires d’Oxford.

Critique :

Un épisode au moins aussi complexe qu’un mot croisé de Daedalus, voilà qui pourrait bien résumer le Monde silencieux de Nicholas Quinn, film intelligemment adapté d’un des romans les plus retors de la saga des Morse.

Colin Dexter s’inspire de sa propre histoire, de son passé de superviseur des centres d’examen. Professeur d’Oxford devenu sourd, il se met en scène comme victime expiatoire d’une sordide machination ourdie par les plus brillants cerveaux de la communauté professorale. La critique est incisive, mordante et l’épisode n’hésite pas une seule seconde à nous dépeindre les beaux bureaux universitaires comme lieux les plus propices au vice et à la dépravation. La série utilisera fréquemment le monde des facultés comme scènes de crime et doyens, recteurs et enseignants comme meurtriers implacables. Dans cet épisode, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils ne sont pas à la fête ! Tous suspects, tous coupables d’au moins un délit, à la recherche de fortune, de gloire, de statut social ou de stupre, ces êtres veules et faibles n’attirent guère la sympathie. Morse n’a d’ailleurs pas tellement d’égards envers ces êtres qui possèdent savoir et culture mais s’en servent pour commettre des meurtres, des vols ou des escroqueries.

Episode posé et calme mais au final tonitruant, le Monde silencieux de Nicholas Quinn dispose d’un scénario très complexe, labyrinthique, et il est aisé de se perdre devant la profusion des intrigues, des fausses pistes et des personnages aussi nombreux que douteux. Pourtant, tout est dit dès l’introduction, ou plutôt tout est chuchoté, murmuré. Pour le spectateur français, il n’est pas simple de saisir les nuances de cette scène à moins d’être parfaitement bilingue. La solution nous est réellement présentée dès le départ. Nous l’oublions, elle ressurgit tardivement, parfaitement logique une fois débarrassée de ses fioritures et scories. 

Le rythme prend le temps de présenter les protagonistes, lentement, ce qui offre une parfaite caractérisation de tous les suspects. Comme les ramifications de l’intrigue vont bien plus loin qu’une banale affaire de meurtre et s’étendent par delà la Grande-Bretagne, il était nécessaire de prendre ce temps afin de ne pas perdre le spectateur. Mais par la suite, l’énigme perd un peu de son intérêt, noyée dans trop de révélations, de faux semblants, de coups de théâtre et d’écrans de fumée. A nouveau, Morse fait étalage de son esprit supérieur. Ses déductions sont brillantes, enlevées et convaincantes. Jusqu’à un certain point… Il se persuade rapidement de tenir son meurtrier, une éminent cruciverbiste au pseudonyme de Daedalus, joué par le subtil Michael Gough, interprète fétiche de Tim Burton. Mais le meurtre de ce dernier ébranle les convictions de l’inspecteur qui se cherche un nouvel os à ronger et relance le scénario dans une nouvelle direction. Le final est plein de tension : Morse manque de mourir sous les coups forcenés du meurtrier. Mais Lewis, débonnaire, prend son temps pour intervenir et sauver son patron. Cette scène résume à elle seule l’humour bien particulier des Morse : à froid, détonnant et à rebours. Le gag final à propos du film pornographique auquel Morse traîne Lewis est hilarant.

En comparaison de l’épisode précédent, l’image est plus nette, plus lumineuse mais la photographie manque encore d’originalité et la réalisation d’initiative. Sage, impersonnelle, elle ne présente guère d’intérêt mais ne démérite pas non plus. Elle offre quelques belles scènes, comme lorsque Morse rend une visite à l’école pour sourds-muets ou celle de l’hôpital où l’inspecteur laisse entrevoir ses failles intimes. La musique est à nouveau assez quelconque quand elle n’est pas inaudible. Encore une fois, seule l’exploitation du thème est plaisante, mais trop discrète.

Le doublage français est, à nouveau, très inégal. C’est d’autant plus navrant que l’interprétation, elle, est hors pair. Comédiens rompus à l’exercice, tous les acteurs sont exceptionnels, Michael Gough à leur tête. Le cercle restreint du centre des examens étrangers qu’ils forment est parfaitement crédible. Du jeune loup aux dents longues, du doyen dépassé à l’administrateur conservateur à la femme volage : ces personnages crèvent l’écran.

La série monte en puissance au cours d’un épisode bien construit mais qui est loin d’être exempt de défauts.

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Anecdotes :

  • Le film phonographique initial du roman que presque tous les suspects ont été voir est ici remplacé par le Dernier tango à Paris.

  • Outre le fait de se mettre en scène dans le personnage de Nicholas Quinn, Colin Dexter s’est également inspiré de sa propre vie pour créer le personnage de Daedalus, lui aussi cruciverbiste éminent.

  • Morse a du sherry chez lui mais estime que sa consommation nuit à son esprit de déduction. Il préfère largement la bière.

  • Gag récurrent : Lewis se voit contraint de payer la tournée à Morse. Ce gimmick reviendra durant toute la série avec de nombreuses variations.

  • Michael Gough (1916-2011) fut une grande figure du cinéma anglo-saxon. Acteur fétiche de Tim Burton, il fut notamment Alfred de Batman à Batman & Robin.

  • Roger Lloyd Park (1944-2014) est un second rôle régulier du cinéma, ayant prêté sa silhouette si particulière à Entretiens avec un vampire, Harry Potter ou la Taupe.A la télévision, on le voit dans Doctor Who, Inspecteur Gently, Hercule Poirot et Sherlock Holmes.

  • Julian Mitchell est un des scénaristes les plus prolifiques de la série, ayant écrit pas moins de dix scénarios. On lui doit également le script d’Oscar Wilde, en 1997, avec Stephen Fry.

  • Colin Dexter apparaît très tôt cette fois, dès la deuxième minute, l’un des invités de la fête, en train de discuter dans un coin de la pièce avec un grand homme barbu, sous une fenêtre.

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3. AU SERVICE DE LA MORT
(SERVICE OF ALL DEAD)

Première diffusion : 20 janvier 1987 (GB) ; ? (FRA)

D’après le roman Service funèbre (1979)

Scénario : Julian Mitchell

Réalisation : Peter Hammond

Résumé : Harry Josephs, le bedeau de St-Oswald, est assassiné dans l’église durant un office restreint. Les rares témoins du crime affirment n’avoir rien vu, hormis un vagabond du nom de Swanpole qui rôdait dans les environs. Cependant que Morse débute son enquête, suspectant le prêtre Powlen, il commence à s’éprendre d’une des suspectes, Ruth, la femme de ménage de l’église. 

Critique :

A l’instar de Mort à Jericho, le roman Service funèbre reçut le Silver Dagger Award en 1979, prix littéraire britannique récompensant le meilleur roman policier de l’année. Cette distinction est on ne peut plus méritée pour le second et on s’étonne presque que son adaptation télévisuelle n’en ait pas reçu également une, tant cet épisode brille par sa réussite.

La série a débuté doucement mais roule sur des rails solides à présent. Pour conclure la première saison, le choix se porte donc sur un des grands romans de Dexter et c’est à nouveau Julian Mitchell qui se charge de le porter sur petit écran. Il en conserve toute l’intrigue, d’une complexité inouïe, et parvient à la rendre limpide dans sa conclusion ce qui était une sacrée gageure. De plus, il écrit des dialogues bien plus enlevés que dans l’épisode précédent. Il n’oublie surtout pas d’ajouter beaucoup d’humour qui vient contrebalancer une noirceur inhabituelle pour un Morse. Rien ne nous sera épargné dans cette histoire : meurtres en série (six tout de même, mieux qu’un Barnaby standard !), suspicion de pédophilie, assassinat d’enfant, suicide, usurpation d’identité, nous baignons dans une atmosphère sordide, à la limite du malsain.

Une fois de plus, la sagacité de Morse est mise à rude épreuve car il va de déconvenue en déconvenue. Sur sa route, se dresse machination infernale, jalousie haineuse, passion dévorante. Les cadavres s’accumulent sur la route de l’inspecteur tandis qu’il vit une histoire d’amour naissante avec l’une des suspectes. Mais le spectateur garde un temps d’avance sur lui en raison de scènes de coupe où la jeune femme côtoie un homme sans visage que nous supposons être le meurtrier. Le personnage, que l’on voit pourtant à peine, possède quelque chose de répugnant et de subtilement manipulateur. Cette connivence qui se crée entre nous et le scénariste n’amoindrit pourtant pas l’intrigue, car nous nous prenons à craindre pour la vie de Morse, à juste titre d’ailleurs. 

Tout ceci est magnifiquement réalisé par Peter Hammond, un vieux routier de la télévision, qui connaît parfaitement son affaire. Les plans sont léchés, étudiés, les cadrages audacieux et les effets de mise en scène au service de la dramaturgie, sans aucune gratuité. Hammond se régale de filmer des miroirs et de mélanger plusieurs plans en un seul et sublime ses comédiens. L’image est belle, la photographie somptueuse, la lumière se reflétant par des fenêtres ou des vitraux et nimbe les décors d’une atmosphère magique et presque irréelle. La descente dans la crypte est superbement filmée et les taches de couleur qui parsèment décors et personnages ajoutent une tension supplémentaire à une lente montée de l’angoisse. Idem durant toutes les scènes se déroulant dans l’église, en particulier celle où Morse Lewis l’explorent, seuls, cherchant des indices. Une musique tendue – réussie cette fois – ajoute encore au suspens avant que les deux hommes n’entreprennent la longue montée dans le clocher. Ici aussi, la lenteur sert la mise en scène, car la séquence trouvera son écho lors du final sur le toit et la présentation préalable qui nous en est faite accroit le dernier effet de surprise.

La distribution est impeccable, une fois encore. Michael Hordern nous régale de son jeu si flegmatique, Angela Morant incarne avec justesse une femme torturée par la faiblesse de la chair et le feu de la passion, quant à John Normington il insuffle toute la complexité nécessaire à ce prêtre ambiguë et Maurice O’Connell est un meurtrier plein de morgue et de folie.

Deux « petits » bémols : tout d’abord, le final est légèrement sur dramatisé. La séquence en elle-même débute fort bien mais elle se sert d’un excessif ralenti dans ses derniers plans, pas du meilleur effet. Ensuite, l’intrigue utilise encore le principe d’usurpation d’identité. C’est un procédé familier de l’univers de Dexter où rien ne doit être pris pour argent comptant. C’est un peu répétitif, mais c’est ici tellement bien écrit qu’on peut pardonner cette légère faiblesse.

La première saison de Morse, l’une des plus courtes, s’achève sur un des meilleurs épisodes, éblouissant, drôle et noir à la fois. Une grande réussite. 

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Anecdotes :

  • D’après Morse, sa famille a fait fortune dans l’automobile avant d’être rachetée par Rolls Royce.

  • Nous apprenons qu’en plus d’une aversion pour les cadavres, Morse souffre de vertige.

  • Morse fait une référence à Sherlock Holmes et au curieux incident du chien. Il s’agit d’une citation de la nouvelle d’Arthur Conan Doyle Flamme d’argent.

  • La conclusion de l’épisode est légèrement différente du livre. Dans ce dernier, il débute une relation romantique avec Ruth à sa sortie de prison alors que dans l’épisode cette conclusion demeure en suspens.

  • Peter Hammond (1923-2011) Vétéran de la télévision, il a réalisé huit épisodes de Sherlock Holmes avec Jeremy Brett (dont le Signe des Quatre, avec un certain… John Thaw), dix-neuf épisodes de Chapeau melon et bottes de cuir (de la saison 1 à la saison 3). La lumière et les cadrages audacieux sont caractéristiques de son œuvre.

  • Colin Dexter apparaît à la 33e minute. Alors que Morse et le vicaire traversent la cour, on l’aperçoit à l’arrière plan en train de discuter avec un cycliste.

  • « MORSE : Je vais arrêter la bière… Je me demande bien pourquoi d’ailleurs… »

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Saison 1Saison 3

Inspecteur Morse

Saison 2


PRÉSENTATION SAISON 2

La deuxième saison d’Inspecteur Morse démarre lentement, mollement même. Mais après deux épisodes en dents de scie, assez oubliables, deux petites perles s’offrent au regard du spectateur. Episodes charnières, le Soleil se lève top tôt et le Dernier autobus sont des épisodes marquants, très importants pour l’évolution de la série et du personnage de Morse. Celui-ci s’aventure en effet sur le chemin de la compassion et de la compréhension comme jamais il ne l’avait fait auparavant. 

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1. UNE LANGUE DE VIPÈRE
(THE WOLVERCOTE TONGUE)

Première diffusion : 25 décembre 1987 (GB)

D’après le roman Bijoux de famille (1991)

Scénario : Julian Mitchell, d’après un synopsis de Colin Dexter

Réalisation : Alastair Reid

Résumé : Un groupe de riches touristes américains vient visiter la ville d’Oxford et s’arrête à l’hôtel Randolph. Là, Laura Pointdexter succombe à une crise cardiaque en ayant, semble-t-il, surpris un voleur dans sa chambre, en train de lui dérober un précieux bijou. Celui-ci, l’ardillon de Wolvercote, devait être cédé par Laura Pointdexter à l’Ashmolean Museum. Bientôt, le mari de la victime disparaît... 

Critique :

Cet épisode, décevant pour l’ouverture de la deuxième saison, s’inspire d’un synopsis de Colin Dexter qui en rédigera finalement un roman en 1991, avec une conclusion différente, un autre coupable et un autre mobile. Et force est de constater que sa fin alternative est bien plus intéressante que le film dont il s’inspire. C’est peut-être en raison de la faiblesse de l’intrigue que Dexter a modifié sa fin.

En effet, le scénario ne brille pas par son originalité et la galerie de personnages qu’il transporte avec lui, ainsi que toutes les sous-intrigues allant avec, ne l’aident guère. Trois affaires s’entremêlent pour compliquer l’épisode, et aucune n’a de lien avec l’autre. Le vol, provocant une crise cardiaque entraîne une disparition (puis une réapparition) puis rebondit sur un meurtre, pour enchaîner sur un suicide hors-champ et se conclue sur un assassinat aussi grotesque qu’improbable. Trop de rebondissements, trop de digressions nuisent à un ensemble parfois à la limite de la compréhension. Le scénario s’enlise en conversations bavardes, spéculations oiseuses et supputations gratuites de la part de Morse. Celui-ci, plus que jamais ici, est totalement à côté de la plaque.

Le spectateur a fréquemment un coup d’avance sur lui, l’inspecteur enquêtant au feeling, au petit bonheur la chance. Morse fait fausse route pratiquement tout l’épisode, mettant plus d’une heure et quart de film à se mettre enfin sur la bonne piste, perturbé une fois de plus par une présence féminine en détresse. Et ce n’est que grâce à la sagacité du sergent Lewis que l’inspecteur commence à, enfin, entrevoir la lumière…

Pourtant, il y a de jolies choses dans ce film. Il présente une belle carte postale d’Oxford, magnifiant l’hôtel Randolph, filmé sous toutes les coutures, de même que l’Ashmolean Museum. La peinture peu flatteuse des touristes américains est à mettre sur le compte d’un chauvinisme tout britannique mais s’avère très drôle. L’humour sauve l’épisode à bien des égards, comme les scènes montrant un Lewis exténué refusant de rentrer chez lui pour cause de travaux à son domicile ou bien l’amusement de Morse à son égard lorsqu’il s’aperçoit que son adjoint est particulièrement mal à l’aise à l’idée d’évoquer les choses du sexe.

Comme toujours chez Morse, l’interprétation est de grande qualité. Si les figures féminines sont pratiquement toutes insupportables il faut reconnaître à leurs interprètes la justesse de leur jeu, en particulier de Roberta Taylor dans le rôle casse-gueule de l’alcoolique Sheila Williams envers qui Morse éprouve tant de compassion. Ses homologues masculins, tout de suffisance, de fatuité et de médiocrité ne sont pas en reste, du sublime Simon Callow à Kenneth Cranham, les rivaux terribles.

Côté technique, on note une certaine amélioration dans la façon de filmer d’Alastair Reid, le réalisateur du pilote de la série. S’il abuse encore trop du caméra-épaule, il déploie des trésors d’imagination pour rythmer une histoire assez lente. De l’utilisation des miroirs, aux cadrages au sol en passant par une image parfois en biais, il réalise de jolis jeux de caméra, rendant plaisante une image qui a été particulièrement bien nettoyée, sans grain. Saluons ses travellings léchés, et son utilisation des arrière-plans, très soignés.

Un épisode en-deçà, mais qui possède quelques très beaux moments et le rendent un minimum attachant. 

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Anecdotes :

  • Morse apprécie sa bière bien chambrée.

  • En matière de musique classique, Morse adore Berlioz mais n’aime ni Madame Butterfly, ni Haendel. Il réserve une place pour aller voir les Troyens, opéra de Berlioz.

  • Lewis a une tante habitant Wolvercote.

  • LEWIS : (à Morse) « Vous êtes obsédé par le sexe, monsieur ».

  • MAX : (à Lewis) « Lewis, veillez à ce que Morse ne boive pas autant, cela nuit à ses facultés mentales ».

  • Simon Callow (né en 1949) est un des plus célèbres comédiens britanniques, œuvrant sur les planches comme à la télévision. On l’a vu par exemple dans Doctor Who et il reviendra dans Inspecteur Lewis, dans un tout autre rôle.

  • Kenneth Cranham (né en 1944) est une figure régulière de la télévision et du cinéma. Jouant aussi bien dans des superproductions (Maléfique) que dans des films plus confidentiels (Layer Cake), il campe un superbe Pompée dans Rome.

  • John Bloomfield (né en 1942) a occasionnellement fait l’acteur, comme dans cet épisode, mais il est surtout l’un des costumier les plus célèbres d’Angleterre, ayant notamment créé de nombreux costumes pour Doctor Who, la Momie 1 et 2, Robin des bois, Waterworld, Conan le barbare, Open Range ou Solomon Kane.

  • Colin Dexter fait son caméo habituel à la 32e minute. Lewis et Morse sont au pub. Derrière eux, à l’arrière plan, Dexter discute à une table en compagnie de Julian Mitchell, le scénariste de l’épisode. 

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2. UNE VISION DIFFICILE
(LAST SEEN WEARING)

Première diffusion : 8 mars 1988 (GB) 

D’après le roman Portée disparue (1976)

Scénario : Thomas Ellice

Réalisation : Edward Bennett

Résumé : Morse se voit confier, malgré lui, une affaire de jeune fille disparue. Immédiatement persuadé qu’elle est morte, il s’obstine à vouloir chercher un cadavre malgré l’insistance du père de la victime, un industriel exécrable. Rapidement, l’enquête s’oriente vers le pensionnat où la jeune fille faisait ses études. 

Critique :

Une vision difficile est sans conteste un drôle de titre pour cet épisode. S’il se justifie vaguement dans sa conclusion, lorsque la vérité se fait enfin jour, on lui aurait préféré Portée disparue, nom du roman originel dont il est tiré. Adaptation assez fidèle, l’épisode construit son intrigue autour de la disparition d’une jeune fille et de son meurtre probable. Morse évolue au milieu des jolies camarades de la disparue et de son collège privé – où tout respire le suranné et les faux semblants – tout en étant harcelé par le père de la victime. Ce dernier, financier plein de suffisance exaspère l’inspecteur au plus haut point qui a grand peine à prendre sur lui.

Morse se montre d’ailleurs lui aussi particulièrement désagréable et semble obstiné à se fourvoyer. Si cela s’avère intéressant de prime abord pour le développement du personnage, cela finit surtout par être pénible et redondant, tant ce côté « tête de mule » est exaspérant et conduit de toute évidence dans une mauvaise direction. Heureusement que le brave Lewis est là pour apporter un peu de bon sens dans cette histoire, une fois encore !

La réalisation s’avère inégale, brillant aussi bien par des bonnes idées que par son manque total d’imagination. L’image est grise, terne et les éclairages sont sans relief. L’enquête est lente et presque laborieuse, peuplée des personnages féminins typiques de Morse, ces quarantenaires esseulées, à la blonde chevelure opulente, portées sur la bouteille, trompées et trompeuses, assommées par l’ennui et obsédées par des hommes qui ne les aiment plus. Le schéma « Morsien » le plus classique est mollement mis en scène, platement et sans grande saveur, en particulier dans sa dernière partie, plutôt ennuyeuse. Si les décors du pensionnat sont bien mis en valeur, ce sont bien les seuls, malheureusement. Quant à l’assassinat de Cheryl Baines, il tient du grotesque, particulièrement mal tourné, faute de moyen et sans doute de savoir-faire en la matière. La découverte du cadavre achève dans le ridicule une des scènes les plus stupides de la série toute entière. 

L’exploration de l’univers des pensionnats, de ses cours, de ses élèves et de leurs relations à leurs professeurs est cependant très intéressante. Morse y révèle certains penchants de sa psyché, comme son obsession sexuelle et c’est également l’occasion de quelques développements de sa relation avec Lewis mais surtout de celle qu’il entretient avec son patron, Strange. L’un des sommets de l’épisode se situe dans la scène où Morse se fait littéralement remonter les bretelles par un Strange furibond, mais clairvoyant. Il faut dire que son inspecteur est particulièrement « ailleurs » dans cet épisode, d’une façon assez inexplicable, comme c’était déjà le cas dans le roman.

L’épisode manque le naufrage total grâce à son interprétation hors pair, une fois encore. Le final en particulier aurait pu être une véritable catastrophe tant la mise en scène sur-dramatise la scène. Mais les interprètes sauvent les meubles en apportant finesse, subtilité et intelligence. 

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Anecdotes :

  • Morse tente de lire un recueil du poète Thomas Hardy lorsqu’il est interrompu par des travaux derrière chez lui.

  • Morse écoute le concerto pour violon numéro 1, de Mozart.

  • Une fois de plus, Lewis se montre très prude en matière de sexualité.

  • Loin de son cynisme habituel, Max apparaît plein de compassion et d’indulgence à l’égard de Morse.

  • « LEWIS : (acide) Vous l’avez eu votre cadavre, hein ?

  • MORSE : Quoi ?

  • LEWIS : Vous désiriez tant avoir un petit meurtre, vous devez jubiler ?

  • MORSE : (triste et amer) : Oui… »

  • Edward Bennett (1950) réalise ici son seul épisode de la série. Prolifique, il a longtemps œuvré sur les débuts d’Hercule Poirot et, plus récemment sur The Musketeers et Grantchester.

  • Peter McEnery (1940) joua le rôle de Jeff aux côtés de Bourvil, dans le dernier film de celui-ci, le Mur de l’Atlantique.

  • Suzanne Bertish (1951) est apparue dans nombre de séries (Rome, Hercule Poirot, Mercy Street) mais également au cinéma (les Prédateurs, le 13e guerrier).

  • Colin Dexter apparaît relativement tardivement, au bout d’une heure et neuf minutes. On le voit descendre les marches du bâtiment dans lequel Morse s’apprête à entrer. 

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3. LE SOLEIL SE COUCHE TROP TÔT
(THE SETTLING OF THE SUN)

Première diffusion : 15 mars 1988 (GB)

Scénario : Charles Wood, d’après un synopsis de Colin Dexter

Réalisation : Peter Hammond

Résumé : Des étudiants étrangers débarquent en masse à Oxford. Morse a été convié par son amie Jane Robson à participer à leur accueil pour leur concocter un petit concours de mots croisés. Mais en plein repas, un étudiant japonais est victime d’un malaise et se retire dans sa chambre. Peu après, il est découvert mort, poignardé et crucifié sur le sol en une étrange mise en scène. Selon toute vraisemblance, le crime a eu lieu alors que l’inspecteur se trouvait encore dans les murs…

Critique :

Nouvel épisode adapté d’un canevas de Colin Dexter, le Soleil se couche trop tôt est une histoire très sombre, tragique, cruelle et violente. De retour dans le monde universitaire, la critique oxfordienne y fait merveille, peuplée de personnages falots, insensibles ou monstrueux. C’est dans l’univers des « Collèges » que les épisodes de Morse excellent et celui-ci n’y fait pas exception.

Le scénario en lui-même est tout à fait « morsien », et aurait fait un excellent roman. On y retrouve tous les ingrédients qui font les grandes réussites de la série : meurtres multiples, importants mots croisés, usurpation d’identité, femme en détresse, humour acide. Le tout pourrait être indigeste tant leur concentration est forte mais il n’y a pas de fausse note. Si la mécanique meurtrière est difficile à appréhender dans un premier temps, nous nous y retrouvons rapidement. Traitant du meurtre, du sadisme, de la torture, des crimes de guerre et de la difficile notion de justice, le puzzle du crime est extrêmement complexe mais sa révélation se met en place d’une façon totalement limpide. L’intelligence de la réalisation, qui nous met sous le nez tous les indices, prouve la maturité qu’atteint cet épisode, dévoilant un coupable insoupçonnable et pourtant totalement crédible. Le mobile est effrayant mais on ne peut qu’y soustraire et compatir à la peine du meurtrier. Cette empathie est remarquable. L’explication est totalement surprenante et la fin inattendue.

La technique évoque les films d’horreur de la Hammer, dans des éclairages savamment étudiés et des mouvements de caméra emprunts au passé. Puisqu’il faut regarder en arrière dans cette histoire, cela se justifie parfaitement. Des jeux de miroirs complètent une réalisation au cordeau, jusque dans les rares scènes d’action de l’épisode. La musique se fait plus discrète, comme pour ne pas parasiter une histoire où les silences ont leur importance et donnent le rythme. C’est au gré de ces moments sans bruits que l’affaire progresse.

Pour une fois, si Morse se fourvoie, c’est parce qu’on l’a égaré avec soin. Et il sent bien que la femme dont il est – encore une fois – éperdument tombé amoureux est mêlée de près à cette histoire. Il déploie dès lors des trésors de patience et une psychologie, qu’on ne lui connaissait pas encore à cette époque, pour parvenir à lui faire avouer la vérité. Jane Robson est en effet une personnage très complexe, difficile à appréhender pour l’inspecteur comme pour le spectateur. Morse ne prend pas pour acquis ce qu’elle lui raconte et c’est tant mieux : il fait enfin preuve d’intelligence alors que certains épisodes précédents il paraissait avoir oublié son cerveau au vestiaire. Dans la fine découverte de l’envers du décor des universités, avec ses petites gens (gardiens, femmes de ménage, etc.),  il se montré posé, ne se lance pas dans des spéculations hasardeuses et trie rigoureusement le bon grain de l’ivraie, exhumant une sombre et dérangeante histoire de vengeance et de haine vieille de quarante ans.

Les deux dernières scènes du film, dans la chapelle avec la petite fille, annoncent un tournant dans la série : la compassion dont est capable l’inspecteur Morse lorsque justice ne rime pas avec ce qui est juste. La série s’apprête à évoluer et pour le meilleur.

Un grand, un très grand Morse, où John Thaw se montre impérial de justesse.

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Anecdotes :

  • Nous pouvons entendre du Elgar et du Beethoven pendant l’épisode.

  • Lewis confond Pucini et Madame Butterfly.

  • Erreur de continuité : dans l’avant-dernière scène, dans la chapelle, on voit clairement que le sac à main sur le sol est rouge. Lorsque Morse sort de la chapelle avec le sac dans la main, celui-ci est subitement devenu blanc.

  • « MORSE : (parlant de Lewis) « Les films d’horreur et les polars ont été les deux mamelles du flic de choc qu’il est devenu ».

  • Charle Wood (1932) a écrit avec succès durant vingt ans pour le théâtre. Ancien de l’armée, on lui doit nombre de téléfilms et de scripts de série. Il retrouvera John Thaw à plusieurs reprises, signant des scénarii pour Kavanagh et Monsignor Renard.

  • Anna Calder-Marshall (1947) est une actrice shakespearienne et une habituée du petit écran (les Souvenirs de Sherlock Holmes, Hercule Poirot, Inspecteur Barnaby)

  • Colin Dexter apparaît à la toute fin du film, dans la dernière scène à l’hôpital, sous les traits d’un médecin passant furtivement devant la caméra. 

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4. LE DERNIER AUTOBUS
(LAST BUS TO WOODSTOCK)

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Première diffusion : 22 mars 1988 (GB) 

D’après le roman  Le Dernier bus pour Woodstock (1975)

Scénario : Michael Wilcox

Réalisation : Peter Duffell

Résumé : Deux jeunes femmes attendent, par une nuit pluvieuse, le dernier autobus pour Woodstock. L’une d’elle est finalement prise en autostop par un mystérieux automobiliste. Pendant ce temps, le petit ami de cette jeune femme piétine d’impatience à l’attendre dans un pub. Sortant prendre l’air, il finit par la découvrir morte sur le parking du pub. 

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Critique :

La deuxième saison d’Inspecteur Morse s’achève sur l’adaptation du premier roman de Colin Dexter. Si cette histoire s’avérait quelque peu maladroite par moments, elle bénéficie ici de l’expérience acquise au cours des deux premières années de production de la série.

Le scénario est resserré et s’égare peu en conjectures oiseuses et autres digressions comme cela a pu être le cas par le passé. Sombre, à l’atmosphère grisâtre autant que poisseuse, il y est, une fois de plus, question d’identité. De nombreux indices nous sont fournis dès le commencement de l’enquête et le grand nombre de suspects n’empêche pas la clarté de l’intrigue et l’enquête se déroule calmement, en un rythme lent et posé mais plaisant. De nombreuses pistes s’offrent aux inspecteurs pour élucider cette mort étrange : l’argent tout d’abord, la vengeance ensuite et enfin, comme le dit Lewis : « le sexe ». Et c’est une fois de plus de ce côté qu’il faudra se tourner. Etonnamment, et plaisamment, Morse n’est pas impliqué personnellement dans l’histoire. Ici, s’il y a bien une femme en détresse, l’inspecteur n’est pas là pour la sauver, cela ne le concerne pas. Ce changement de ton est assez rafraichissant au milieu d’une affaire qui ne l’est guère. Et la présence de Max, proche d’un des suspects, amène une petite touche supplémentaire, d’autant plus qu’il s’agit de l’ultime apparition du personnage. 

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La réalisation est sobre, les jeux de caméras discrets, mais bien employés. On pourrait regretter une teinte un peu trop grisâtre, mais elle renforce un style visuel étouffant, où la pluie joue un grand rôle et où la nuit se révèle trompeuse. Peter Duffell met parfaitement en scène cette dissertation sur l’écrivain libertin Rochester qui sert de base au scénario.

Plusieurs très bonnes scènes sont à relever : l’interrogatoire « littéraire », très original, les nombreux échanges piquants entre Morse et Lewis qui enfin apprennent à se connaître et à s’apprécier, de même que les discussions avec la vieille madame Jarman, extrêmement drôles et savoureuses. De plus, son témoignage s’avère déterminant pour clore l’enquête.

Si l’ultime scène médicale est ridicule à souhait, la conclusion de l’affaire est néanmoins très convaincante. Le coupable est à nouveau des plus inattendus et son arrestation un exemple de la finesse de Morse, ici aussi très compatissant. Les flashbacks qui ponctuent l’explication finale sont bien montés, limpides, amenant à une compréhension confondante de limpidité et de simplicité de l’intrigue.

Une belle conclusion pour la deuxième saison de Morse.

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Anecdotes :

  • La complicité entre Morse et Lewis s’accentue durant cet épisode. John Thaw et Kevin Wathely s’accordent parfaitement.

  • On peut apercevoir une belle affiche pour Othello dans le bureau de Morse.

  • Très élégant, Morse se montre sous un jour plus plaisant que dans ses incarnations précédentes. Plus posé, plus réfléchi, bien moins désagréable et cassant, il écoute avec soin les suggestions de Lewis.

  • Un fait rare : Morse paie une pinte à Lewis et non l’inverse comme d’ordinaire.

  • Les universitaires ne semblent boire que du Gin-tonic dans cet épisode.

  • « MORSE : (citant Rochester) Ces longs moments d’extase et d’amour ne faut-il pas les payer un jour ? »

  • « LEWIS : Je crois que le moment est venu de vous payer une bière, monsieur.

  • MORSE : Que je mérite depuis longtemps, Lewis… »

  • Peter Duffell (1936) Réalisateur de télévision (le Club des Cinq), il a également œuvré au cinéma dans la Maison qui tue avec notamment John Pertwee, Denholm Elliott, Peter Cushing et Christopher Lee. Celui-ci voyait en Duffell l’un des réalisateurs les plus sous-estimés du cinéma britannique.

  • Colin Dexter apparaît à la 56e minute pendant la conférence sur Rochester, assis juste derrière Morse.  

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