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 saison 1 saison 3

Maigret - Jean Richard (1967-1990)

3ème époque: 1980-1985

 


PRÉSENTATION DE LA 3e ÉPOQUE

Le début du déclin

Avec le début des années 80, la série va brusquement évoluer, et pas forcément de manière positive. Jacques Rémy et Claude Barma commencent à céder la place à d'autres adaptateurs, et les réalisateurs changent quasiment à chaque épisode, alors que la série avait l'habitude d'un petit groupe de metteurs en scène qui se relayaient, et connaissaient donc bien leur affaire. L'unité, qui n'avait jamais été le point fort de la série, s'en ressent : on peut découvrir un acteur qui joue un suspect dans un épisode se muer en ami du commissaire dans l'épisode suivant ! A partir de 1981, les metteurs en scène retenus sont souvent des proches du nouveau pouvoir, et ils impriment à la série une tournure plus moderne dont certains aspects innovants ne sont pas à rejeter, mais d'autres plus contestables ne cadrent guère avec l'univers traditionnaliste du commissaire.

Le plus déconcertant, ce sont les libertés prises avec les romans, lorsque des scénaristes pseudo-intellectuels pédants, au lieu de se mettre au service de l'œuvre de Simenon, l'utilisent au profit de leur vision du monde ou de ce qu'ils pensent être une adaptation réussie, c'est-à-dire peu conforme à l'original. Les acteurs récurrents des années 70, qui furent les meilleurs, quittent peu à peu la série, ce qui accentue l'impression d'anarchie, peu compatible avec une série comme celle-ci.

Le résultat est catastrophique lors des premiers épisodes, où on a du mal à reconnaître la série que l'on a connue. Le contraste est d'autant plus cruel que l'on restait sur la meilleure époque, et de loin, avec les épisodes des années 75-80.

Fort heureusement, la production va se rendre compte des faiblesses de ces Maigret « rénovés » et revenir à plus d'orthodoxie à partir des années 83 et 84. Seules les innovations heureuses seront conservées, tout en revenant à des scénarios et à des réalisations plus classiques. Evidemment, les acteurs qui ont quitté la série ne reviennent pas, mais on retrouve alors un niveau plus acceptable et même quelques épisodes excellents.

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1. L'AFFAIRE SAINT-FIACRE
(ADAPTATION DE: L'AFFAIRE SAINT-FIACRE**)



La comtesse de Saint-Fiacre, dont le père de Maigret fut le régisseur, s'effondre pendant la messe, victime d'une crise cardiaque causée par la lecture d'un faux article de journal annonçant la mort de son fils. Il semble certain que le carré de papier fatal a été inséré dans le missel de la comtesse à des fins criminelles par un proche qui connaissait ses problèmes cardiaques.

A partir d'une idée de base excellente, le roman avait été gâché par certaines maladresses. Le téléfilm, quant à lui, est un ratage complet. L'erreur majeure fut de laisser le fils de la comtesse organiser la réunion destinée à démasquer le coupable. Il eut été préférable de ne pas suivre le roman à la lettre et de faire exécuter par le commissaire l'opération devant amener l'assassin à se trahir, surtout que l'astuce de l'opération paraît sortie du cerveau de Maigret, beaucoup plus que du médiocre héritier des comtes de Saint-Fiacre.

A défaut, on assiste comme dans le roman à une succession de scènes de nostalgie languissantes, consécutives aux retrouvailles de Maigret avec les lieux de son enfance, mais aussi à un commissaire passif qui laisse le fils de la comtesse mener l'enquête à sa place.

Autre défaut majeur, la longueur exagérée de l'épisode, due à de multiples temps morts générant un ennui  indescriptible. Le summum du grotesque est atteint avec l'intermède illustré sur la comtesse devenue « protectrice des gens du voyage » ( !). Voilà qui n'est pas du tout dans l'esprit de Simenon, qui décrivait la comtesse comme une aristocrate peu soucieuse d'action sociale, mais avant tout préoccupée de satisfaire ses sens avec de jeunes amants. Ce passage ne semble motivé que par la volonté de paraître « politiquement correct », bien que le tournage date de l'année 80 et non de notre époque où ce genre de scènes est devenu monnaie courante.

Non seulement cette séquence est totalement en porte-à-faux avec le reste du récit, mais elle l'allonge et l'alourdit inutilement. Ce n'est ni plus ni moins qu'un temps mort supplémentaire, et il y en avait déjà bien assez. La conclusion est tout aussi décevante. On ne comprend pas pourquoi l'assassin ne peut être inquiété, ses intentions criminelles évidentes ayant été exécutées sans états d'âme. Les charges contre lui sont largement suffisantes pour le faire arrêter, alors pourquoi Maigret ne le fait-il pas ? Là encore, on aurait pardonné au scénariste la prise de liberté avec le roman, qui ne tenait pas debout.

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2. LE CHARRETIER DE LA PROVIDENCE
(ADAPTATION DE: LE CHARRETIER DE LA PROVIDENCE*)

Une femme a été retrouvée étranglée dans une grange, près d'une écluse. Maigret enquête à la fois dans le milieu des péniches et des éclusiers, où s'est produit le meurtre, et dans le monde des nantis au sein duquel évoluait la victime.

Le roman adapté, abusivement cité plus souvent qu'à son tour parmi les « meilleurs Maigret », était peu propice à générer un grand téléfilm. On retrouve à l'écran les mêmes tares qu'à l'écrit. L'histoire est sans intérêt et son dénouement est avant tout destiné à faire pleurer dans les chaumières, mais n'y parvient pas tellement l'ensemble sonne faux et donne dans un pathos exagéré.

Le choix de filmer des enquêtes contemporaines de l'époque du tournage pose problème pour celle-ci car en 1980 il ne devait plus rester beaucoup de péniches encore tirées par des chevaux. A l'époque de la télévision en couleurs et à la veille de la mise en service du TGV, assister au spectacle de cette péniche d'un autre âge paraissait déjà incongru, et bien entendu l'est plus encore de nos jours.

L'interprétation ne relève pas le niveau médiocre de l'épisode. On a connu Jean Richard meilleur et, malgré les efforts louables de Féodor Atkine et Pierre Frag, les principaux interprètes jouent sans grande conviction. Même les seconds rôles ne sont pas à la hauteur.

Quant à Charles Moulin, il a du mal à émouvoir en charretier marqué par le destin. Cet acteur, que j'avais vu interpréter le rôle de l'amant jeune et beau de Ginette Leclerc dans La femme du boulanger de Pagnol, et que j'ai évidemment retrouvé quelque peu changé, ne m'a pas plus convaincu ici que la majorité de ses congénères.

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3. MAIGRET ET L'AMBASSADEUR
(ADAPTATION DE: MAIGRET ET LES VIEILLARDS**)

Maigret enquête au sein de l'univers particulier de la noblesse. Un prince est décédé dans un étrange accident de cheval, et son rival le comte de Saint-Hilaire est retrouvé mort peu après, le corps criblé de balles de revolver.

Cet épisode illustre à merveille l'accusation habituellement formulée contre la série, à savoir de se dérouler sur un rythme trop lent, voire soporifique. Le manque d'action se fait cruellement sentir du début à la fin, au point d'empêcher d'apprécier les qualités réelles de l'histoire.

Le titre original, faute de goût de Simenon, a logiquement été modifié, au contraire du scénario, parfaitement fidèle au roman. Simenon, qui a longtemps évolué dans les milieux royalistes, a visiblement voulu décrire le déclin irréversible de la noblesse, son attachement à des traditions d'un autre âge et en fin de compte son inadaptation au monde moderne. A cet égard, le dénouement est révélateur de la prégnance d'un catholicisme de stricte obédience au sein de ces milieux traditionalistes.

Le jeu des acteurs est tout à fait satisfaisant, tant du côté des policiers avec un très bon Jean Richard, bien secondé par François Cadet dans le rôle de Lucas, que chez les comédiens incarnant les aristocrates, parmi lesquels on ressortira Annie Ducaux, excellente interprète de « Jacquette », Marie-Hélène Dasté qui a adopté de façon parfaite la diction distinguée des nobles, et le toujours apprécié André Falcon dans le rôle ambigu de Mazeron, le neveu lorgnant sans en avoir l'air sur l'héritage du comte de Saint-Hilaire.

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4. MAIGRET ET LE PENDU DE SAINT-PHOLIEN
(ADAPTATION DE: LE PENDU DE SAINT-PHOLIEN****)

Un homme étrange, alcoolique et maladif, s'est suicidé suite à la perte d'une valise ne contenant que de vieux vêtements fripés, dont une veste tachée de sang. Maigret remonte la piste jusqu'à un groupe de notables, anciens camarades d'études du suicidé, qui semblent avoir quelque chose à cacher.


Certes, adapter ce magnifique roman était une gageure car l'atmosphère étrange, qui constitue la qualité principale de l'histoire, était difficilement transposable à l'écran. Pourtant, on aurait pu faire mieux que ce téléfilm, qui accumule les maladresses. Yves Allégret n'est pas parvenu à trouver le ton juste. Il n'a visiblement pas compris l'âme du roman, avant tout une histoire lourde et grave se déroulant dans les brumes du Nord et de la Belgique. Son adaptation est trop légère et les acteurs ne semblent pas s'impliquer réellement, comme s'ils avaient du mal à y croire.

L'illustration évidente de l'erreur de jugement est la musique. A dominante d'harmonica, elle semble composée pour une aventure tragi-comique de loubards de banlieue telle qu'on en voyait dans la série Histoires de voyous, mais pas du tout pour un récit aussi trouble et envoûtant que ce qu'aurait dû être cet épisode. De plus, on assiste à une succession de modifications malvenues du scénario par rapport au roman, à commencer par les lieux: toute l'histoire se déroule en France alors qu'une partie du roman avait pour cadre la Belgique. Question budgétaire, sans doute...

Dès le début, l'ennui s'installe avec les recherches interminables de Jeunet pour trouver un hôtel. La scène où il tente de retrouver sa vraie valise à la consigne de la gare était inutile. Comme dans le roman, il aurait été préférable d'enchaîner directement sur le suicide. Vient ensuite une hérésie pour tout fan de Maigret qui se respecte en la personne d'un commissaire de police féminin! D'accord, l'histoire est adaptée à l'année 1980, mais quand même... L'univers de Maigret, résolument phallocrate, ne saurait s'accommoder de pareilles fantaisies.

Un des moments-clé du roman était la tentative de meurtre sur Maigret, au bord de la Marne par un soir pluvieux. Cette scène majeure, qui aurait pu se transformer à l'écran en moment très intense, a purement et simplement été éliminée par l'adaptation! Mais le pire est pour la fin: que vient faire cette histoire grotesque d'expédition punitive perpétrée par le groupe d'étudiants contre le local des partisans de « l'ordre moral », coupables d'avoir fait interdire leur revue? Et Willy Mortier qui aurait été assassiné parce qu'il s'apprêtait à les dénoncer! Invention pure et simple, le mobile avancé par Simenon tenait à la jalousie envers un camarade trop riche, un « fils à papa », qui plus est Juif, aspect bien entendu passé à la moulinette.

La distribution ne rattrape guère les maladresses et trahisons de l'adaptation. Les acteurs incarnant les suspects ont été mal choisis. En particulier, Xavier Gélin ne correspond pas du tout au Van Damme de Simenon. Son interprétation n'est pas en cause, mais son physique latin est totalement à l'opposé des types nordique ou flamand requis pour le personnage. Michel Blanc hérite avec Belloir d'un rôle moins taillé sur mesure que celui de « La Puce » dans Maigret et l'indicateur, mais s'en sort très bien grâce à ses extraordinaires qualités de comédien. Le bilan n'est donc pas fameux. Si cet épisode pourra plaire à un public ignorant du roman, ceux qui ont adoré l'excellent original ne pourront apprécier cette version ratée.

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5. MAIGRET EN ARIZONA
(ADAPTATION DE: MAIGRET CHEZ LE CORONER*)

Le plus célèbre commissaire français découvre les méthodes de la police américaine au travers d'une enquête sur la mort d'une jeune fille, découverte à moitié dénudée sur une voie ferrée déserte, en plein cœur de l'Arizona.

Le titre de l'épisode en révèle déjà l'incongruité: « Maigret en Arizona »... Et pourquoi pas « Columbo en Corée du Nord » ou « Sherlock Holmes sur la planète Mars »? Il est vrai que le roman ne faisait guère mieux avec « Maigret chez le coroner ». On peut supposer que le changement de titre est dû à la volonté de ne pas déconcerter le public des téléfilms avec Jean Richard, souvent composé de gens âgés peu familiarisés avec la langue yankee et qui ont toutes les chances d'ignorer ce qu'est un coroner.

Toujours est-il que la qualité du roman n'est pas meilleure que celle de son titre. Comment voulez-vous réussir un téléfilm convenable à partir d'un roman aussi raté? En dehors du fait que Maigret est un personnage typiquement français qui ne peut s'épanouir pleinement que dans un contexte purement franco-français, ou à la rigueur belge ou hollandais, l'histoire est indigeste. Il est impossible de croire une seule seconde à cette enquête plus que ridicule.

Non seulement Maigret à l'ombre des cactus, c'est incongru, mais les courageux qui réussiraient à tenir pendant 90 minutes assisteront surtout à un reportage touristique sur le mode de vie coloré des Américains du far-west, entrecoupé de quelques passages sur une vague enquête criminelle même pas digne d'un écrivaillon débutant.

Dans ce contexte pourri, même Jean Richard n'y croit pas. François Cadet, le fidèle Lucas (pensez donc, il suit son mentor jusqu'au cœur des « States »...), se demande ce qu'il fait là et Jess Hahn cabotine à tout va pour tenter de sortir le spectateur de sa léthargie, sans y parvenir malgré son talent indéniable. S'il n'y avait qu'un seul roman de Maigret à ne pas adapter, c'était bien celui-ci.

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6. UNE CONFIDENCE DE MAIGRET
(ADAPTATION DE: UNE CONFIDENCE DE MAIGRET*)

Comment l'arrestation d'un matelot à la suite d'une rixe fait rebondir une affaire classée, celle d'un industriel accusé de l'assassinat de sa femme, et qui avait trouvé la mort en tentant d'échapper à la police.

Agréable surprise que cet épisode. Je m'attendais à faire la même sieste que lors de la lecture du roman, mais l'adaptation réussie de Jacques Rémy et Claude Barma, combinée au savoir-faire du réalisateur Yves Allégret, a produit un épisode certes un peu lent à démarrer, mais finalement consistant.

Simenon a voulu aborder le thème de l'erreur judiciaire, sans grande réussite puisque son roman s'est révélé peu intéressant. En revanche, cette adaptation décortique fort bien les rouages de la Justice et sa façon de broyer un innocent de façon implacable.

Maladresse de l'accusé, pistes négligées lors de l'enquête, instruction à charge du fait de l'antipathie, antérieure à l'affaire, du juge envers le suspect, concours de circonstances, avocat de la défense sincère mais ne choisissant pas la bonne méthode, maîtresse homosexuelle qui ne s'intéressait qu'à son argent : le cumul de ces éléments a conduit à la catastrophe, la mort d'un innocent.

L'interprétation ne souffre d'aucun reproche et renforce la mise en scène parfaitement huilée d'Yves Allégret. Selon son habitude sur la série, le réalisateur travaille avec ses comédiens fétiches : Maxence Mailfort, un peu jeune pour le rôle du juge Coméliau, fait néanmoins bien ressortir l'aspect autoritaire et la suffisance du magistrat ; Jean-Claude Dauphin interprète l'inspecteur Lapointe, comme toujours avec Allégret ; Jean-Pierre Castaldi ne fait qu'une apparition, en inspecteur de police local.

Le reste de la distribution est dominé par un excellent Pierre Clémenti, qui compose un Joussel champion dans l'art de se défendre d'une manière déplorable. Son épouse Sophie est incarnée par Olga Georges-Picot, qui reprend son rôle traditionnel, à mi-chemin entre la garce et l'aventurière (voir notamment Adieu l'ami ou Commissaire Moulin). Enfin, Christophe Bourseiller interprète le sémillant comte de Grondeville, pastiche désopilant de Gonzague Saint-Bris, qui fête la sortie de son nouveau roman lors d'une soirée au musée Grévin !

Outre cette incursion originale et appréciée, qui nous permet entre autres de voir la statue de cire de François Mitterrand, un clin d'œil humoristique vient adoucir l'atmosphère noire de l'enquête : Maigret se rend à La Mer de Sable afin d'interroger un témoin, et se retrouve face au directeur. Donc, Jean Richard converse avec lui-même puisqu'on sait qu'il est le fondateur du fameux parc d'attractions d'Ermenonville.

Pour l'occasion, il livre une caricature hilarante du personnage de plouc ahuri roulant les « r » qu'il a longtemps interprété à des fins essentiellement mercantiles, notamment dans des films relevant du comique troupier. Il fallait bien financer son cirque, à l'époque où le cinéma et la télévision lui imposaient une si rude concurrence, et comme il le disait lui-même,  « Je nourris mes lions avec des navets ».

*La Mer de Sable, parc d'attractions fondé par Jean Richard et situé à Ermenonville dans le Val-d'Oise, bénéficie dans cet épisode d'une publicité à peine voilée. Le fait n'est pas nouveau puisque, quelques années auparavant, l'écrivain pour la jeunesse Georges Chaulet avait situé l'action de Fantômette à la Mer de Sable dans le parc de son ami Jean Richard. Le procédé, tout contestable qu'il soit, paraît bien anodin comparé aux pratiques d'aujourd'hui.

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7. LA DANSEUSE DU GAI-MOULIN
(ADAPTATION DE: LA DANSEUSE DU GAI-MOULIN****)

Escale en Belgique pour Maigret, où deux jeunes désœuvrés vont buter sur un cadavre en tentant de voler la caisse d'un cabaret. Terrorisés, ils craignent d'être accusés du meurtre par « l'Homme aux larges épaules » qui les a pris en filature. En fait, le commissaire était sur la piste de la victime, un aventurier grec qui va être retrouvé le lendemain matin en pleine rue, dissimulé dans une malle.

La grande chance de cet épisode est d'être adapté d'un roman qui avait tout pour donner un excellent scénario de téléfilm, et en effet la qualité de l'histoire de Simenon se retrouve à l'écran. Mais il s'agit d'un des rares points positifs de l'épisode, gâché par une réalisation menée sur un rythme ennuyeux et de mauvais choix de comédiens.

Danièle Croisy est une bonne actrice, elle l'a prouvé lors de ses passages précédents sur la série, mais elle ne correspond pas au personnage d'Adèle, la danseuse du Gai-Moulin, telle que décrite par Simenon. Le pire dans la distribution est le personnage du commissaire belge : on a rarement vu un aussi mauvais comédien que Gérard Darrieu, qui sur-joue en permanence. A chacune de ses nombreuses apparitions, on a pleinement conscience d'être dans un téléfilm et non dans la réalité tellement il joue mal, et cette sensation est évidemment très désagréable.

Hormis un Jean Richard malicieux, les seules vraies satisfactions au niveau des acteurs sont les deux jeunots, en particulier Eric Nohant dans le rôle de René Delfosse, dont il exprime parfaitement le côté fils à papa raté et arrogant.

Au final, ce sont les regrets qui dominent : comment un aussi bon roman a-t-il pu être massacré au point de susciter très vite l'envie que l'épisode se termine, alors qu'il ne dure qu'une heure et quinze minutes ?

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8. MAIGRET SE TROMPE
(ADAPTATION DE: MAIGRET SE TROMPE**)

Maigret mène l'enquête à Nancy, où une jeune femme sans histoires a été retrouvée dans son appartement avec une balle dans la tête. Le commissaire découvre que la victime était une ancienne prostituée...

Une enquête conventionnelle à l'extrême, où aucun élément constitutif d'un policier classique ne manque : victime tuée par balle ; femme de ménage truculente, ancienne prostituée et un rien voleuse ; jalousie, adultère ; fausse piste avec le musicien, coupable idéal désigné d'avance - mais Maigret ne sera pas dupe - ; grand bourgeois accro au sexe, véritable DSK provincial. Le dénouement sera en toute logique banal et révèlera que Maigret ne s'était au fond guère trompé...

Hormis les décors extérieurs de la ville de Nancy, avec sa place Stanislas montrée sans retenue, le principal intérêt de cette enquête réside dans de bonnes performances d'acteurs. Robert Lombard, vu plusieurs fois sur la série, interprète cette fois-ci un policier de province. Georges Marchal incarne le professeur Gouin, grand chirurgien blasé et victime de ses pulsions pour les femmes. Cet acteur renommé est une recrue de choix pour la série, plutôt coutumière des comédiens débutants ou de série B.

Justement, quelques actrices peu connues s'avèrent excellentes, à l'image d'Anne-Marie Mayfair et de Rachel Boulenger, qui confèrent à leurs personnages des regards qui en disent long. Autres belles compositions, celles de Ginette Garcin, qui apporte sa gouaille au personnage de Désirée Brault, et de Macha Méril, parfaite en infirmière énamourée de son patron. La pépite du jour prend la forme d'un jeune comédien débutant appelé... Patrick Bruel !

Qu'aura-t-il manqué à cet épisode pour accéder à la catégorie des meilleurs ? Sans doute une intrigue plus consistante accompagnée d'une mise en scène plus percutante.

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9. LE VOLEUR DE MAIGRET
(ADAPTATION DE: LE VOLEUR DE MAIGRET***)

Un homme vole le portefeuille de Maigret avant de le convier chez lui aux fins de lui faire constater le décès de sa compagne, victime d'un meurtre. Il affirme être innocent et ne rien comprendre à cette affaire.

Cette histoire prend le contrepied de ce que l'on rencontre habituellement dans les romans ou séries abordant un thème similaire. Soit on a affaire à un homme qui tue sa femme, jure n'avoir jamais mis les pieds sur les lieux du crime et se forge un alibi crédible, soit il s'agit d'un innocent qui trouve son épouse assassinée en rentrant chez lui, prend peur, nie sa présence sur place tout en laissant des traces évidentes de son passage et finit pas être pris pour le coupable, victime de ses mensonges.

Au contraire, l'antihéros du jour, après avoir trucidé sa compagne, va s'arranger pour contacter Maigret après l'avoir délesté de son portefeuille, lui présenter le cadavre et jurer n'être pour rien dans le meurtre. Le problème, c'est que l'homme du roman agit ainsi par pur cynisme. Limité et un peu « beauf », il cherche à manipuler le commissaire, dont il connaît la réputation de policier humain. Il essaie donc de se faire passer pour un malheureux innocent, un agneau qui vient de naître plongé dans un drame incompréhensible qui le dépasse.

L'adaptation est une trahison pure et simple. Le manipulateur est présenté comme un intellectuel qui lit Sartre et les Cahiers du cinéma, un artiste talentueux et incompris, un romantique révolté épris d'idéal, un personnage pompeux, qui plus est desservi par l'interprétation prétentieuse de Jean-Loup Wolff.

L'autre atout du roman est sa description fascinante, tout en nuances, des milieux du cinéma, qu'on ne retrouve pas dans le téléfilm. Le monde du septième art est dépeint de manière caricaturale dans des scènes interminables générant un ennui indescriptible, dans un style pseudo-intellectuel que l'on rencontre plus dans les films pédants de Sautet que dans les séries policières.

Illustration de cet échec, la mauvaise interprétation de Jean Deschamps dans le rôle de Carus, qui va de pair avec les performances décevantes des actrices incarnant les starlettes arrivistes et malsaines qui peuplent l'univers faisandé du médiocre Carus. Il n'y a donc rien à sauver dans cet épisode, concurrent sérieux du calamiteux Maigret en Arizona pour l'obtention du titre peu enviable de pire production de la série.

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10. MAIGRET ET L'HOMME TOUT SEUL
(ADAPTATION DE: MAIGRET ET L'HOMME TOUT SEUL**)

Maigret et ses hommes essaient de reconstituer le passé d'un clochard atypique, qui vient d'être découvert mort dans son abri avec six balles de revolver dans le corps.

Un Maigret très représentatif des derniers romans de Simenon, lorsque l'écrivain vieillissant privilégiait les aspects psychologiques au détriment des éléments policiers. Une adaptation fidèle comme celle-ci produit inévitablement un épisode empreint de lenteurs qui cassent complètement le rythme.

Le milieu des clochards est mal décrit et sonne faux, en raison d'acteurs dont on voit très bien qu'ils ne sont pas de véritables SDF. Les recherches sur le passé de René Vivien sont intéressantes, avant que la seconde partie, centrée sur Mahossier, s'avère décevante. Le violon d'Ivry Gitlis lors de la scène finale ratée du meurtre est absolument insupportable.

Reste le principal attrait de cet épisode, la composition touchante de la ravissante Fanny Cottençon, qui apporte de la fraîcheur à son personnage de jeune femme hantée par la volonté de découvrir la vérité sur le passé de son père. Mention aussi pour Sylvie Favre dans le rôle de la mère, et pour le truculent Philippe Castelli, interprète d'un barman à la mémoire courte.

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11. MAIGRET ET LES BRAVES GENS
(ADAPTATION DE: MAIGRET ET LES BRAVES GENS**)

Étrange enquête pour le commissaire, à la recherche de l'assassin d'un homme sans histoires, parfait Français moyen entouré de proches d'apparence tout aussi tranquille.

Les bouleversements politiques de l'année 1981 ont eu des incidences jusque dans les séries, comme le prouve cet épisode. L'heure du changement est venue pour Maigret, avec l'arrivée aux commandes de personnalités bien vues du nouveau pouvoir. Le résultat sera souvent très bon, mais ici il n'est pas à la hauteur.

Les dix premières minutes suffisent pour comprendre que l'adaptation et la mise en scène de Goron mari et femme sont catastrophiques, en raison de leur ignorance totale de l'univers et des habitudes du couple Maigret. Non seulement ils ont troqué la musique habituelle du générique pour une mélodie insipide, mais ils nous montrent un Maigret de retour de vacances et n'ayant pas envie de se remettre au travail ( !) Comment peuvent-ils ignorer que le commissaire, qui s'ennuie ferme pendant ses congés, a toujours hâte de reprendre le collier ?

Dans la même veine, l'attitude du commissaire avec la conductrice du taxi ne cadre pas avec le personnage, et certains propos de son épouse encore moins : « Tu n'es pas trop fatigué, mon chéri ? », demande-t-elle à son mari. Mon chéri ! Madame Maigret aurait dit « Maigret » ou « Jules », et non ce mielleux « Mon chéri ».

Ces maladresses dont d'autant plus malvenues que l'introspection dans la vie des Josselin est loin d'être dénuée d'intérêt, avec des acteurs qui jouent juste, y compris le couple Richard, attendrissant malgré les hérésies de l'adaptation. Simenon était spécialiste des personnages tortueux se dissimulant derrière une façade d'apparence tranquille. Ici, les braves gens s'avèrent l'être réellement, ce qui rend l'enquête longue et difficile.

La distribution réserve une surprise avec la participation de Jean-Marc Thibault. Son apparition en petit épicier barbu est tellement brève qu'il n'est même pas crédité au générique.

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12. MAIGRET ET LE CLOCHARD
(ADAPTATION DE: MAIGRET ET LE CLOCHARD***)

Un clochard a été repêché dans la Seine, gravement blessé à la suite d'une tentative de meurtre. Cet homme cultivé, ancien médecin, ne se montre guère coopératif avec la police, ce qui va compliquer la tâche de Maigret dans sa recherche de l'agresseur.

Un épisode passionnant de bout en bout, magnifiquement servi par un groupe de comédiens excellents. Le scénario décrit une enquête policière réaliste, menée comme il se doit sous la tutelle du juge d'instruction, dont la prééminence sur la police est mise en évidence. Cet aspect est trop souvent éludé dans la plupart des séries policières, on doit donc souligner la justesse de l'épisode.

L'immersion dans la vie iconoclaste de ce docteur Keller est menée avec tact et sensibilité par un commissaire Maigret auquel Jean Richard insuffle avec son immense talent l'habileté et la dose d'émotion nécessaires à l'exercice de son rôle de « raccommodeur de destinées ».

Le couple Maigret sonne très juste, grâce à la complicité évidente entre les époux Richard. Les inspecteurs qui entourent Maigret sont tout aussi véridiques. Même si on regrette le remplacement du vieux briscard Jean-François Devaux par Jean-Pierre Maurin dans le rôle de Janvier, l'équipe présentée reste à des années-lumière au-dessus des piteux policiers au service de Maigret-Crémer, aussi réalistes que les chimères d'un mégalomane.

Illustration de cette réussite, la fameuse scène d'interrogatoire de Van Houtte par Maigret, Castaing et Janvier, dans une ambiance pesante parfaitement filmée, l'absence de musique contribuant à accroître la lourdeur de l'atmosphère.

Soulignons la superbe composition de Johan Leysen dans le rôle difficile de Jeff Van Houtte, ce marinier retors et rusé qui arrive à tenir Maigret en échec. Les Keller sont eux aussi remarquablement interprétés par Daniel Gélin, la vedette invitée prestigieuse de cette enquête, et Catherine Sauvage.

Une nouvelle démonstration du caractère phallocrate du commissaire a lieu lorsqu'il pronostique le sexe du futur enfant de Janvier : « Pour se faire attendre aussi longtemps, ce ne peut être qu'une fille »...

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13. LA COLÈRE DE MAIGRET
(ADAPTATION DE: LA COLÈRE DE MAIGRET***)

Un truand spécialiste de l'extorsion de fonds est assassiné. Maigret soupçonne une de ses victimes, le propriétaire d'un cabaret, qui n'entendait pas céder au chantage. Mais ce dernier disparaît, puis est retrouvé mort quelques jours plus tard.

Fait inhabituel, Maigret n'apparaît qu'au bout de 18 minutes. Le début du téléfilm relate les problèmes des truands, une histoire banale sur le fond mais rendue intéressante par la qualité de l'interprétation. Jean Negroni est un acteur absolument parfait dans les rôles de caïds de la pègre, même à un échelon modeste comme dans cette histoire. Autre acteur remarquable, Michel Beaune confirme tout son talent dans le rôle de l'avocat véreux. Sans doute est-il passé à côté d'une grande carrière.

Le scénario accorde une certaine place à l'humour, grâce à la présence de l'intrépide inspecteur débutant Beaufils. Jeune coq sorti tout droit de l'école de la police, il ne se gêne pas pour rouler des mécaniques et échafauder des hypothèses farfelues, suscitant ainsi l'hilarité de ses collègues et même celle de Maigret. Marc Chapiteau est l'acteur adéquat pour ce rôle, avec son jeu empreint de décontraction et d'ironie mordante.

Les seconds rôles sont également très bons, en particulier le toujours apprécié Pierre Frag en chasseur et André Penvern, l'inspecteur Castaing. Voilà comment des personnages pittoresques et une interprétation sans faille produisent un épisode d'autant plus consistant que l'intrigue, partie pour être très conventionnelle, débouche sur un dénouement original.

*Jean Negroni est un habitué des films des années 70 et 80, où il était spécialisé dans l'interprétation de membres de la pègre. On a vu notamment dans L'alpagueur avec Jean-Paul Belmondo.

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14. MAIGRET S'AMUSE
(ADAPTATION DE: MAIGRET S'AMUSE**)

Resté à Paris pendant ses vacances au lieu d'aller comme prévu aux Sables d'Olonne, Maigret ne peut s'empêcher de mener une enquête parallèle au sujet du meurtre de la femme d'un célèbre médecin, retrouvée nue dans un placard.

Trop de ruptures de rythme dans cette enquête. Si les descriptions de la vie privée de Maigret et de son épouse se laissent suivre et nous offrent une bien agréable visite de la capitale en plein été (Notre-Dame, le Sacré-Cœur, les bateaux-mouches sont au programme...), plusieurs séquences apparaissent superflues, celle de Maigret en visite à l'auberge d'un de ses anciens adjoints n'étant pas la moindre. On se serait bien passé aussi des mésaventures sentimentales des voisins d'en-face...

Dommage car l'enquête est loin d'être inintéressante, mais elle aurait gagné à être traitée de façon plus conventionnelle. Pour une fois, on peut regretter que l'adaptation ait été trop fidèle. Sans doute aurait-il été préférable de s'orienter vers un schéma traditionnel, sans ces vacances et ces investigations en pointillé menées par des moyens détournés, qui rendent l'intrigue un peu artificielle.

Le commissaire essaie de vivre avec son temps puisqu'il utilise le magnétoscope offert par son équipe pour ses 25 ans de service. Autre signe de modernisation, on entend une partie du tube de Kool and the Gang Celebration, moins caractéristique de l'univers classique de Maigret que le spectacle d'opérette désuet qui nous est infligé.

Jean Richard et Annick Tanguy, excellents, étalent une nouvelle fois leur complicité mais sont mal entourés. Les seconds rôles ne jouent pas forcément juste, à l'image de Robert Rondo, pas du tout à l'aise dans le rôle du journaliste de télévision avide de sensationnel, ou de Martin Trévières, un docteur Pardon beaucoup moins convaincant que Marcel Cuvelier, le futur presque titulaire du rôle dans les épisodes à venir.

Maigret s'amuse, mais il n'est pas le seul, les téléspectateurs aussi en écoutant le commissaire énoncer une thèse empruntée au … lieutenant Columbo ! « Certains crimes crapuleux restent impunis, un crime d'intellectuel jamais. Ils veulent tout prévoir, mettre les moindres chances de leur côté, ils fignolent, et c'est ce fignolage, ce détail en trop qui va les faire prendre. »

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15. LA TÊTE D'UN HOMME (2ème version)
(ADAPTATION DE: LA TETE D'UN HOMME****)

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Avec l'accord réticent de la Chancellerie, Maigret organise l'évasion de Joseph Heurtin, un homme qu'il avait arrêté lui-même pour un double meurtre et qui avait été condamné en conséquence. Mais le commissaire n'est pas convaincu de sa culpabilité, et espère qu'une filature le mènera à ses complices ou au véritable assassin.

Cette seconde version, si elle n'atteint pas le niveau exceptionnel du roman, est toutefois plus réussie que la première, grâce à un judicieux choix de comédiens.

Radek première version n'avait pas donné satisfaction. Cette fois-ci, Gérard Desarthe réussit une composition remarquable, sa restitution des aspects ironiques et insolents de ce personnage hors du commun ne souffre d'aucun reproche.

Saluons aussi le choix de Denis Manuel pour le rôle du juge Coméliau. Les gestes impétueux et le ton cassant, que l'acteur a conservés malgré un vieillissement certain, correspondent parfaitement au personnage du juge, ennemi bien connu du commissaire. Et Mike Marshall est bien entendu l'acteur qu'il fallait pour incarner l'américain Crosby.

Question scénario, la qualité du roman garantissait celle de l'épisode, dès lors qu'on ne le trahissait pas, et l'adaptation s'avère fidèle. En particulier, Radek est logiquement présenté comme Tchèque, alors que la première version l'avait inexplicablement transformé en Français.

Restait le principal écueil : le tournage a eu lieu après l'abolition de la peine capitale, alors que le roman était justement centré sur le risque de décapitation d'un innocent. Le scénario a trouvé l'astuce adéquate : pendant la majeure partie de l'épisode, on n'évoque que « la peine maximale », et en conclusion, la version « telle qu'écrite par Simenon au début des années 30 » nous est montrée, ce qui permet de voir la scène poignante de l'exécution de Radek.

Jean Richard donne toujours sa pleine mesure. Il incarne à la perfection l'humanisme de Maigret, qui éprouve une sorte, non pas de sympathie, mais de fascination pour Radek, au point qu'il finit par comprendre les ressorts psychologiques du personnage : le Tchèque voulait se faire prendre, afin que sa machination géniale pour faire accuser Heurtin du double meurtre soit connue, et qu'ainsi il suscite de l'admiration !

*Cet épisode est inédit en DVD.

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16. UN NOËL DE MAIGRET
(ADAPTATION DE: UN NOËL DE MAIGRET***)

Un homme déguisé en père Noël s'est introduit dans la chambre d'une petite fille, voisine du couple Maigret, pour se livrer à une mystérieuse recherche. Le commissaire mène l'enquête depuis son domicile pendant toute la journée de Noël.

Madame Maigret, comme toujours impeccablement interprétée par Annick Tanguy, est omniprésente dans cet épisode centré sur la vie familiale du commissaire. Bien qu'à aucun moment le vide causé par l'absence d'enfant ne soit directement évoqué par le couple, cet élément sous-jacent apparaît en filigrane tout au long de l'épisode, au travers de la petite voisine. La conclusion est explicite avec une Madame Maigret désireuse de s'occuper de la petite fille dont la tante, qui en assurait la garde, vient d'être arrêtée.

Le principal intérêt de l'enquête réside dans la façon presque humoristique de jouer avec les nerfs de la malheureuse Madame Martin. Maigret prend un malin plaisir à envoyer un par un les témoins de ses agissements suspects sonner à sa porte...

L'interprétation est très satisfaisante, tant en ce qui concerne le couple Maigret que celle des vedettes invitées, de Rosy Varte, la voisine amoureuse du commissaire, à Françoise Dorner, la femme mesquine et cupide.

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17. L'AMI D'ENFANCE DE MAIGRET
(ADAPTATION DE : : L'AMI D'ENFANCE DE MAIGRET****)

Un ancien camarade de lycée vient trouver Maigret à la suite de l'assassinat de sa maîtresse. Les suspects ne manquent pas puisque la victime avait quatre autres amants, dont trois hommes mûrs qui ne se connaissaient pas entre eux et croyaient être les seuls à l'entretenir.

Cet épisode magnifique, un des meilleurs de la série, présente une enquête passionnante, développée selon les bonnes vieilles recettes du roman policier traditionnel : une femme assassinée, elle avait cinq amants qui sont autant de suspects. Lequel a tué ? Il ne s'agit pas seulement d'une simple enquête policière, mais aussi d'une étude de caractères dans le plus pur style « simenonien », peuplée de personnages pittoresques et attachants.

La justesse de l'interprétation permet de voir ces personnages tels que décrits par Simenon. Jean-Pierre Darras produit un numéro extraordinaire dans ce rôle d'escroc sur le retour vivant aux crochets d'une gentille courtisane. Il exprime à merveille l'aspect misérable, la lâcheté et la mauvaise foi presque sympathique de Florentin, tout en lui donnant un aspect truculent qui finit par agacer Maigret en même temps qu'il détend le spectateur. Vraiment une performance de tout premier choix.

Joséphine Papet, la victime, est incarnée par une excellente Rachel Boulenger. Cette actrice de talent apporte sa douceur à ce personnage attachant, présenté sous un jour aussi favorable que dans le roman. A noter que, malgré sa mort dès le début de l'histoire, son rôle est rendu non négligeable et même important par les multiples retours en arrière qui permettent de bien cerner son personnage.

La musique nostalgique diffusée lors des scènes de rencontres entre Josée et ses amants accentue la tendresse et l'émotion dégagées par cette jeune femme qui a su fort bien mener son affaire. On peut penser que, même si elle a berné les hommes qui l'entretenaient, elle n'était pas totalement cynique mais avait pour chacun d'eux une sorte de respect, et même d'affection.

Les amants, parlons en justement. Outre Florentin, ex-amant de cœur et seul informé de l'existence de ses concurrents, auprès de qui il se faisait passer pour le frère de Joséphine, le jeune rouquin qui s'apprêtait à le remplacer ne joue qu'un rôle mineur dans cette affaire. En revanche, les trois autres, qui finançaient la victime, sont des personnages intéressants, incarnés par de très bons acteurs.

Marcel Cuvelier et Henri Genès, dans des registres différents, interprètent des hommes naïfs sincèrement épris de Joséphine Papet et stupéfaits d'apprendre la vérité sur les agissements de leur protégée. Avec Jacques Dacquime, parfait comme à son habitude, on a affaire à un handicapé qui veut paraître cynique, mais se révèle au fond beaucoup plus fragile que les deux autres. A ne pas manquer la scène finale, lorsque Dacqmine montre qu'il peut se départir de ses traditionnels rôles de bourgeois ou d'aristocrates autoritaires pour jouer sur des registres plus sentimentaux.

Reste les policiers, dominés par un Jean Richard époustouflant, plus Maigret que jamais et sans doute que Maigret lui-même, et la concierge cupide qui fait chanter le meurtrier, criante de vérité sous les trais de Perette Souplex. Cette actrice a le physique de l'emploi, celui d'une femme du peuple sans un sou, aigrie et malsaine, qui refuse de dénoncer l'homme qui tué une femme qu'elle n'aimait pas, en échange d'une somme d'argent dérisoire.

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18. MAIGRET SE DÉFEND
(ADAPTATION DE : MAIGRET SE DEFEND***)

Pour avoir secouru en pleine nuit une jeune fille perdue dans Paris, Maigret se retrouve accusé de tentative de viol. Il soupçonne le chef présumé d'un gang de voleurs de bijoux d'avoir monté une machination afin de se débarrasser de ses encombrantes investigations.

L'entame particulièrement riche apporte un démenti éclatant à la réputation de lenteur, de manque de rythme accolée à la série. En l'espace des seules cinq premières minutes, on retrouve avec plaisir le docteur Pardon, ami de Maigret impeccablement interprété par l'excellent Marcel Cuvelier, et on fait la connaissance du sémillant préfet de police, tout ceci en alternance avec des plans de coupe sur les rues des quartiers populaires de Paris, au son d'une complainte de chanteur des rues bien adaptée à l'atmosphère de ces petites rues si sympathiques. Parti sur de très bonnes bases, on se retrouve dans des dispositions idéales pour apprécier pleinement un épisode qui s'annonce de grande qualité.

La suite confirme les premières impressions, avec la machination sordide qui se referme sur le commissaire. Bien sûr, Maigret apparaît terriblement naïf sur le coup, mais cela va permettre de développer une enquête passionnante. On ne tarde pas à retrouver le préfet, archétype du haut-fonctionnaire mis en place par la gauche après sa victoire de l'année 1981 : décontracté, jouant au tennis, beau parleur et porteur de projets grandiloquents, ce préfet du changement, surnommé « le préfet-balai », n'apprécie pas les méthodes trop traditionnelles du commissaire à la pipe, qu'il juge dépassées. Pensez donc, s'appuyer encore sur des indicateurs ! Il ne serait donc pas fâché de profiter de cette mésaventure pour se débarrasser de ce policier à l'ancienne hérité des pouvoirs précédents.

Jean Richard nous a habitués à des performances de haut vol, mais ici il est encore meilleur, si c'est possible, qu'à l'accoutumée, en commissaire soupçonné d'indélicatesse à trois ans de la retraite. Nostalgique, déçu de flairer le criminel du « mal pour le mal » évoqué en début d'épisode avec son ami Pardon, remarquablement instinctif et tenace dans son enquête, adoptant le ton juste avec Palmari, pour qui il a une sorte d'estime, ainsi qu'avec sa compagne, Maigret est magnifié par la composition époustouflante de vérité d'un Jean Richard exceptionnel.

La distribution est d'ailleurs une réussite complète. Jacques Rispal crée un inspecteur Barnacle convaincant. Il s'agit d'un personnage de policier à l'allure de Monsieur-tout-le-monde, bien utile pour prendre des photos en pleine rue tout en passant inaperçu. Mention aussi pour les autres acteurs interprétant les policiers, tous très bons.

Robert Manuel et Elisabeth Margoni, étonnants de naturel, forment un couple de gangsters sympathiques, un peu bougons devant les visites répétées de Maigret. Et Liliane Rovère : cette actrice vue notamment dans plusieurs films de Bertrand Blier, interprète l'assistante du docteur Mélan, et se montre parfaite en tous points dans ce rôle de femme d'apparence revêche dotée d'un cœur d'or.

Comme il se doit, Maigret finira par comprendre que Palmari n'est pour rien dans la machination, trop tortueuse pour son esprit direct, et que tout vient du docteur Mélan, le voisin d'en-face, criminel apeuré par la présence quotidienne de ce célèbre policier, trop hâtivement imputée à une surveillance sur sa personne alors que Maigret ne s'intéresse qu'à Palmari ! Il est cocasse que ce coup monté finisse par faire prendre son auteur, chirurgien-dentiste inconnu des services de police et qui, au départ, n'était évidemment soupçonné de rien.

En fin d'épisode, une fois l'affaire résolue, aucun préfet de police ne suggère plus à Maigret de prendre sa retraite anticipée. Au contraire, il se voit confier à nouveau l'enquête sur les vols de bijoux, qui se poursuivra dans le téléfilm suivant, bien entendu à regarder dans la foulée de celui-ci.

*Il est curieux de retrouver Marcel Cuvelier, qui interprétait dans l'épisode précédent un suspect, dans le rôle du docteur Pardon, médecin généraliste et vieil ami de Maigret. Il reviendra à plusieurs reprises sur la série pour incarner ce personnage de confident du commissaire.

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19. LA PATIENCE DE MAIGRET
(ADAPTATION DE : LA PATIENCE DE MAIGRET***)

L'ancien truand Manuel Palmari, que Maigret soupçonnait d'être l'organisateur des cambriolages récurrents de bijouteries parisiennes, est assassiné à son domicile de trois balles de revolver. Le commissaire mène l'enquête parmi les occupants de l'immeuble, d'où aucun visiteur n'est entré ni sorti pendant la matinée du crime.

Même si les deux enquêtes peuvent être vues séparément, il est préférable de visionner celle-ci tout de suite après la précédente, dont elle constitue la suite logique. Antenne 2 avait d'ailleurs diffusé les deux épisodes inédits à une semaine d'intervalle.

Dans Maigret se défend, le commissaire avait vu ses investigations chez Palmari interrompues par l'affaire du dentiste. Cette dernière résolue, la multiplication des cambriolages de bijouteries le conduit à reprendre son jeu du chat et de la souris avec Manuel Palmari, qu'il soupçonne depuis vingt ans de ne pas être aussi retiré des affaires qu'il veut bien le faire croire. Hélas ! Palmari est assassiné, et même sa compagne Aline Bauche, de trente ans sa cadette et ancienne prostituée notoire, ne peut être lavée de tout soupçon.

On peut regretter le changement de réalisateur pour cette suite car Alain Boudet n'a pas su donner le même rythme, le même allant que Georges Ferraro sur Maigret se défend. Néanmoins, cet épisode doté d'une enquête solide reste riche en bons moments, procurés notamment par l'interprétation convaincante de la séduisante Elizabeth Margoni et le jeu subtil de Jean-Pierre Kalfon, très à son affaire dans un rôle de crapule.

A noter l'analyse pertinente des méthodes de Maigret par le juge d'instruction. Pour lui, le commissaire fait preuve d'un « pragmatisme anarchique » : il laisse croire aux suspects qu'il en sait beaucoup plus que ce dont il dispose, afin de les inquiéter et de les pousser à la faute. Bien observé, Monsieur le Juge !

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20. MAIGRET À VICHY
(ADAPTATION DE : MAIGRET À VICHY***)

Le couple Maigret séjourne à Vichy pour une cure thermale lorsqu'une belle inconnue qu'il avait remarquée au cours des concerts du soir est assassinée à son domicile. Le commissaire va donner un coup de main à la police locale, dirigée par un de ses anciens inspecteurs.

Écrivons-le sans ambages, cet épisode est une splendide réussite, symbolique de tout ce qui a fait le succès de la série. Il ne peut y avoir de titre moins trompeur puisque l'action se déroule entièrement dans la célèbre station thermale de l'Allier. Les décors naturels de cette ville tranquille se marient particulièrement bien avec l'aspect débonnaire du couple vedette. Autant Maigret en Amérique, ou même dans le Sud de la France, paraissent incongrus, autant le commissaire et son épouse semblent nés pour aller en cure à Vichy, ville dont l'atmosphère rétro et paresseuse fait bon ménage avec la bonhommie du plus illustre policier de France.

Une ambiance réussie ne serait pas grand-chose sans une enquête passionnante, et l'on est gâtés aussi en ce domaine. Les investigations menées en vue de découvrir le secret de la fort étrange victime suscitent un intérêt certain, qui ne fait que croître au fur et à mesure que le mystère s'épaissit : comment une petite employée de bureau a-t-elle pu acquérir une telle fortune et s'arrêter de travailler tout en continuant à vivre de façon confortable ? D'où vient son argent ? Probablement d'un chantage, mais au sujet de quoi et surtout aux dépens de qui ?

La vérité éclatera au cours d'une scène finale pathétique et confirmera le pressentiment de Maigret, à savoir que la principale victime n'est autre que le meurtrier... Le fin mot de l'histoire apparaît même monstrueux, comme le souligne à plusieurs reprises Pélardeau, effondré de découvrir le machiavélisme de son ancienne maîtresse.

L'interprétation, qui ne comporte aucune fausse note, va sceller l'excellence de cette enquête. Elle est dominée par deux acteurs en particulier, eux-mêmes entourés d'une pléiade de bons comédiens. L'un d'eux est bien entendu un Jean Richard au sommet de son art, par sa façon d'exprimer à la perfection, et sans que cela provoque la moindre dissonance, tant le côté pépère de Maigret dans sa vie privée que sa pugnacité et sa finesse psychologique dans sa vie professionnelle, les meilleurs atouts qui soient pour trouver le chemin de la vérité.

L'autre est la sympathique Blanche Ravalec. J'avais gardé de cette actrice le souvenir d'un second rôle dans La carapate, film de Gérard Oury avec Pierre Richard, où elle interprétait une jeune paysane volage aux prises avec son mari jaloux, incarné par Claude Brosset, dans une scène au ton vaudevillesque affirmé. Quelques années plus tard, on la retrouve dans un rôle de coiffeuse, mais toujours aussi légère et court vêtue. Son physique avenant, mis en valeur par ses tenues n'ayant pas nécessité beaucoup de tissu, excite les inspecteurs chargés de l'enquête, qui se rincent l'œil sans vergogne au cours de la scène finale dans le casino.

La belle Blanche se montre absolument parfaite dans le rôle de Francine Lange, obstinée dans son refus de révéler le secret de sa grande sœur. Évidemment, il semble qu'elle ait profité elle aussi de l'argent amassé bien trop facilement par Hélène Lange...

Citer les autres satisfactions de la distribution s'apparente à une longue énumération. Annick Tanguy, dont le couple formé avec Jean Richard sonne toujours aussi juste. Didier Raymond dans le rôle du voisin cynique et ironique de la victime, accablé par ses dettes de jeu. Gisèle Grimm, avec son air mystérieux, semble sortir tout droit du roman de Simenon pour incarner l'énigmatique Hélène Lange. Les inspecteurs locaux apportent un dérivatif aux habituels Lucas, Janvier et Lapointe des enquêtes parisiennes. Ils bénéficient du jeu très au point de bons comédiens.

Et encore le meurtrier-victime, composé par un Jean Vigny particulièrement convaincant en asthmatique âgé, accablé par un drame qui le dépasse. Même les tout petits rôles apportent des touches sympathiques, à l'image de celui de la jeune et insouciante femme de ménage, tenu par Lorella Di Cicco.

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21. LA NUIT DU CARREFOUR (2ème version)
(ADAPTATION DE : LA NUIT DU CARREFOUR****)

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Un Danois et sa sœur ont tenté de s'enfuir après avoir découvert dans leur garage la voiture de leur voisin avec un cadavre dedans. Ils nient toute implication dans le meurtre, ce qui pousse Maigret à enquêter chez eux, près d'un étrange carrefour où il se passe de drôles de choses...

Cette seconde adaptation ne restitue toujours pas l'atmosphère particulière du roman, mais s'avère plus intéressante que la première. Malgré quelques retouches, le scénario est conforme au roman, et le choix des acteurs est judicieux.

Lisa Kreuzer, excellente, fait oublier la prestation en demi-teinte de l'actrice de la première version, et Rudiger Vogler compose un Carl Andersen inquiétant à souhait avec son œil de verre, un physique idéal pour passer pour un fou. On retrouve Denis Manuel pour interpréter le juge Coméliau.

Mais la réussite la plus éclatante de la distribution est Michel Galabru : quel autre que lui aurait pu mieux interpréter le geignard M. Michonnet ? Personne tant ce personnage semble avoir été écrit pour un acteur tel que lui.

On peut regretter que la musique particulièrement triste ne soit pas parfaitement adaptée à l'atmosphère originelle de l'histoire, qui est résolument policière et à suspense, mais cela ne gâche pas les qualités de cette adaptation. Certes, le roman est excellent, mais on a vu sur la série que cela ne suffisait pas toujours.

En somme, une adaptation sérieuse interprétée par de très bons comédiens. Que demander de plus ?

*Cet épisode est inédit en DVD.

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22. LE CLIENT DU SAMEDI
(ADAPTATION DE : LE CLIENT DU SAMEDI*)

Un homme alcoolique et dépressif prévient Maigret qu’il risque de tuer sa femme. Le commissaire croit le drame possible car le malheureux invoque de solides raisons : humilié par son épouse qui le trompe ouvertement avec son associé, et sous son propre toit où son rival l’a déjà remplacé, l’homme semble au bout du rouleau. Peu après, il disparaît…

Rien que du logique dans cet épisode sans intérêt : un roman raté donné rarement une adaptation réussie, bien que la série ait parfois démontré le contraire. Mais pas ici ! Et encore, il faut saluer les efforts de la production, qui a expurgé les aspects les plus sordides et les plus invraisemblables de l’œuvre originale (si on peut l’appeler ainsi…)

Il est visible que même les comédiens ont du mal à se motiver face à ce scénario indigent. Quand Simenon partait dans des sempiternelles histoires de demi-portions minables, d’hommes falots méprisés par tous et surtout par leur propre famille, il lui arrivait de devenir médiocre, voire très mauvais.

Dans ces conditions, si le jeu de Jacques Duby est louable dans le rôle du piteux Planchon, Martine Chevallier et Philippe Bouclet ont du mal à rendre crédibles les personnages de ses persécuteurs.

Les seules éclaircies à enregistrer sont pour le couple Maigret, toujours agréable à voir évoluer, et pour leur ami le docteur Pardon, que l’on a grand plaisir à retrouver sous les traits de Marcel Cuvelier. Ceci ne suffit pas à sauver un épisode aussitôt terminé, aussitôt oublié.

*Cet épisode est inédit en DVD.

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23. LE REVOLVER DE MAIGRET
(ADAPTATION DE : LE REVOLVER DE MAIGRET**)

Maigret apprend par son ami le docteur Pardon qu'un petit escroc vieillissant et dépressif souhaite le rencontrer. L'homme tient des propos incohérents au sujet de la disparition de son fils, mais cette affaire d'apparence insignifiante va prendre de l'ampleur avec la découverte du cadavre d'un parlementaire.

Une enquête longue à démarrer, on se demande pourquoi Maigret s'intéresse autant à ce pitoyable Lagrange. Tout s'emballe grâce à la concierge, fort heureuse de dénoncer les trafics de ce locataire forcément malhonnête puisqu' « il traîne en pyjama jusqu'à midi ». Les révélations de la pipelette permettent de découvrir la malle et le cadavre du député Delteil, mis en consigne à la gare du Nord par Lagrange. Ce détail a un goût de réchauffé : dans Un Noël de Maigret, une suspecte prenait un taxi pour déposer en consigne à la gare du Nord une valise encombrante...

Redite aussi, doublée de caricature de roman policier tout ce qu'il y a de plus classique, avec le fin mot de l'histoire. Le chantage, probablement plus présent dans les romans, films et séries que dans la vie réelle, nous est habituellement servi par les écrivains et scénaristes en petite forme ou en manque d'imagination.

Dans ces conditions, il était difficile de réaliser un téléfilm captivant. Les producteurs s'en sont sortis honorablement grâce à la partie centrale de l'histoire, agréable à suivre entre la découverte du cadavre et le départ pour Londres, ville où Maigret paraît aussi à l'aise qu'un cancre pendant un examen de géométrie.

Bons points aussi pour les bonnes compositions de Michel Robin en personnage louche, malade et paranoïaque, et de Marcel Cuvelier, le meilleur docteur Pardon vu sur la série. En revanche, la musique est épouvantable (rendez-nous le générique habituel !) et l'escapade à Londres n'apporte rien, bien que l'exaspération visible du commissaire face aux habitudes du monde anglo-saxon soit habilement transposée à l'écran.

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24. MAIGRET AU PICRATT'S
(ADAPTATION DE : MAIGRET AU PICRATT'S****)

Une stripteaseuse se rend au commissariat afin de dénoncer un projet de meurtre fomenté contre une comtesse, dont elle aurait entendu parler par deux clients du cabaret où elle se produit. Elle rentre chez elle après s'être rétractée, et est retrouvée assassinée quelques heures plus tard.

A l'image de Maigret et son mort, c'est une déception de ne pas retrouver dans l'adaptation ce qui avait fait la réussite du roman. Dès le début, la vision d'Arlette produit un choc. La jeune femme décrite par Simenon était une brune piquante dotée d'un charme particulier. Pascale Pellegrin est une actrice à l'opposé de ce physique, une blonde quelconque un peu mièvre, pas spécialement attirante et dotée d'une voix énervante. On ne pouvait pas faire un choix plus mauvais.

Autre erreur de distribution, Jacques Rispal dans le rôle de l'inspecteur Lognon. Ce très bon acteur n'a pas du tout l'allure du policier grognon sorti de l'imagination de Simenon, et encore moins l'attitude. Qu'est-ce que ce personnage graveleux, ironique, malsain et même vicieux, peut bien avoir en commun avec le « vrai » Malgracieux qui, comme son surnom l'indique, ne passe pas son temps à ricaner, ni à faire des allusions salaces ?

Autre singularité, cependant moins gênante, le fait de retrouver Jacques Dynam, qui fut entre autres l'inspecteur Bertrand, adjoint du commissaire Juve-De Funès dans la série des Fantômas, dans un rôle secondaire de flic de quartier.

Preuve qu'en ce milieu des années 80, les tenants de la police de la pensée avaient déjà entamé leur travail de sape, tous les aspects politiquement incorrects du roman ont été purement et simplement éliminés : le médecin louche n'est plus ni Juif, ni toxicomane, et les violentes diatribes homophobes des policiers à l'encontre du jeune protégé de la comtesse ont d'autant plus disparu que le nommé Philippe Mortemare n'est même plus homosexuel ! Evidemment, les côtés les plus extrêmes du roman ne pouvaient être adaptés tels quels, mais les effacer entièrement affadit le scénario.

Parmi cette succession d'erreurs et de trahisons se sont glissées quelques éclaircies, dont une amusante discussion entre Madame Maigret et son époux au sujet du commissaire Cabrol des Cinq dernières minutes, que son alter-ego fumeur de pipe ne semble guère apprécier. Et le scénario, basé sur un roman excellent, offre une enquête solide qui atténue un peu les faiblesses de l'adaptation.

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Crédits photo: lmlr.

Images capturées par Phil DLM.