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 saison 1 saison 3

Maigret - Jean Richard (1967-1990)

2ème époque: 1972-1979

 


PRÉSENTATION DE LA 2e ÉPOQUE

L'âge d'or

Avec l'arrivée de la couleur, les espoirs suscités par la fin de la première époque se concrétisent, c'est incontestablement la meilleure époque de la série qui arrive, au cœur de l'insouciance des années 70.

Les adaptations sont généralement réussies, elles arrivent même à améliorer certains romans avec des innovations judicieuses. C'est au cours de cette partie de la série que les réalisations sont les plus abouties, exit bien entendu les narrateurs intempestifs, mais bonjour les ambiances « simenoniennes » bien transposées et les scénarios les mieux alambiqués. N'oublions pas les comédiens les plus performants et les mieux choisis, ce qui n'était pas toujours le cas auparavant, et redeviendra problématique au cours des années 80, notamment pour l'inspecteur Lognon ou les adjoints de Maigret.

Jean Richard est désormais totalement entré dans le personnage de Maigret. Alors qu'il avait longtemps tâtonné à ses débuts, et que par la suite l'âge et la fatigue le rendront plus inégal, la plupart de ses prestations au cours de cette époque sont excellentes. Il incarne un Maigret au caractère étonnamment proche du héros de Simenon, à la fois bourru et maussade mais extrêmement humain et doté d'un sens psychologique exceptionnel. Ce caractère fidèlement joué fait oublier la différence physique entre Maigret, un colosse, et Jean Richard dont la stature se situe plus dans la normale.

C'est au cours de cette époque que la production, après quelques années passées sans participation de l'épouse du commissaire, va enfin doter l'homme à la pipe de l'actrice qui marquera tous les amateurs de la série dans le rôle de Madame Maigret. Annick Tanguy, épouse de Jean Richard à la ville, le devient aussi à l'écran pour le rester jusqu'à la fin de la série, pour notre plus grand bonheur tant elle incarne une épouse parfaitement fidèle à la description qu'en fait Simenon.

Cette série nous offre l'occasion de revoir des comédiens célèbres à l'aube de leur carrière. Ainsi on rencontre au gré des épisodes des acteurs comme Gérard Depardieu ou Michel Blanc. Des acteurs et actrices confirmés ont participé eux aussi en tant que vedettes invitées, telles Suzanne Flon ou Ginette Leclerc, auteurs de performances époustouflantes, ou encore Michel Robin, Jacques Castelot, Claude Brosset, Jacques Morel, Jean-Pierre Castaldi, Catherine Allégret, Maurice Barrier, Roland Giraud, Simone Valère. Revoir la série, c'est donc aussi revoir plusieurs générations de comédiens français, qui montrent de façon éclatante à quel point la France a longtemps été riche en la matière.

Ainsi, la qualité est soutenue au cours de cette période, et les multiples atouts mis en évidence ont même permis de produire de très grands épisodes. La plupart des classiques de la série sont issus de cette époque, même si on en trouvera encore quelques-uns par la suite.

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1. PIETR-LE-LETTON
(ADAPTATION DE : PIETR-LE-LETTON***)



Alerté par Interpol, Maigret surveille l'arrivée en gare du Nord de Pietr-le-Letton, un redoutable escroc international. Un sosie du Letton est découvert mort dans les toilettes du train.

Une enquête inégale avec ses moments d'action et de suspense, tels l'attentat sur Maigret et l'assassinat d'un de ses inspecteurs. L'ambiance glauque de l'environnement d'Anna Gorkine est correctement décrite, et la musique d'inspiration slave bien adaptée à l'atmosphère de l'épisode. La mise en scène de Jean-Louis Muller n'est pas dénuée d'originalité, comme en témoigne le générique, filmé depuis la cabine d'un conducteur de train sur fond de rapport d'Interpol tapé à la machine.

Mais ce premier épisode en couleurs n'arrive pas à être totalement satisfaisant. Le principal défaut est le fond de l'intrigue, trop facile à deviner dès lors qu'un des jumeaux est découvert mort. De trop nombreuses lenteurs gâchent le rythme et Maigret est mal secondé par des inspecteurs qui commettent bourde sur bourde.

Si le choix de débaptiser Torrence est compréhensible et était même souhaitable car on pouvait difficilement faire mourir un inspecteur que l'on retrouvera dans la plupart des épisodes suivants, on ne peut que regretter le choix du lieu de résidence de Madame Swann dans les environs de Chantilly.

Le roman situait l'endroit en Normandie, et d'ailleurs Madame Swann était décrite comme une Normande à cent pour cent. La scène de reddition, interminable, perd tout son charme avec ce tournage nocturne parmi les voies ferrées désertes de la gare de Chantilly. Le Sud de l'Oise n'a évidemment rien à voir avec Fécamp ou Étretat…

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2. MAIGRET EN MEUBLÉ
(ADAPTATION DE : MAIGRET EN MEUBLÉ***)

Alors qu'il surveillait le domicile d'un petit délinquant recherché pour vol à main armée, l'inspecteur Janvier s'écroule, victime d'une balle de revolver. Opéré en urgence, ses jours ne sont pas en danger. Maigret décide de s'installer à la pension meublée tenue par Mademoiselle Clément, où Paulus, le jeune voyou, était locataire, afin de dénicher le coupable.

Une enquête menée sans temps mort et qui montre du Simenon pur sucre grâce à une adaptation sobre et fidèle. Claude Boissol nous offre une succession de scènes réussies, tant au niveau du scénario que des prestations des comédiens.

Au sein de cette histoire sombre et pessimiste, la joyeuse Mademoiselle Clément détonne par son caractère enjoué. Mony Dalmès en fait un peu trop dans ce registre, mais demeure sympathique. La scène où elle est contrainte d'ingurgiter un énorme sandwich en pleine nuit pour ne pas trahir Paulus vaut le coup d'œil et va mettre Maigret sur le chemin de la vérité. Le commissaire, de prime abord agacé, finit par s'habituer au personnage et se montre bienveillant à son égard.

Jean Richard crée une nouvelle fois un Maigret tenace et authentique. Bourru, certes, parfois dur avec les suspects, mais toujours juste et humain comme le démontre son attitude avec Mademoiselle Clément et avec Paulus, ainsi que l'arrangement final. Paulus, justement, est interprété par un Gérard Berner plus inspiré que dans Cécile est morte, bien qu'il s'agisse encore d'un rôle de jeune couard et nerveux, plus victime de circonstances défavorables que vrai méchant.

Autre satisfaction, Barbara Laage sous les traits de Madame Désiré, cette femme infirme qui semble cacher un secret. Le personnage de Madame Désiré est doublement intéressant: d'abord, car c'est un élément clé de l'intrigue ; ensuite, parce son histoire est touchante sans exagération, c'est-à-dire que l'on ne tombe pas dans le mélodrame larmoyant de type roman pour adolescentes.

La galerie des seconds rôles est bien pourvue avec notamment Annick Alane, abonnée sur la série aux rôles de concierges qu'elle interprète avec un naturel bien dosé, femme du peuple mais jamais populacière. Belle surprise de retrouver la sympathique Évelyne Buyle, devenue de nos jours l'ex-épouse de Louis la Brocante, mais ici femme sexy et aguichante. Mais aussi Évelyne Dress, une autre pensionnaire de Mademoiselle Clément. Et Philippe Brigaud : son nom ne dit peut-être rien mais son visage est bien connu de tous tellement il a enchaîné tout au long de sa carrière un nombre impressionnant de rôles secondaires. Ici, il interprète un  charcutier.

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3. MON AMI MAIGRET
(ADAPTATION DE : MON AMI MAIGRET**)

Maigret est envoyé sur l'île de Porquerolles pour élucider l'assassinat d'un homme qui avait prétendu être son ami. Il est accompagné de l'inspecteur Pike de Scotland Yard, désireux de découvrir les méthodes de la police française.

Cet épisode peut être vu comme le symbole éclatant de la grande époque de la série, lorsque l'adaptation était capable de transformer un roman loin d'être exceptionnel en téléfilm génial. Quel plaisir de voir et de revoir cette enquête rondement menée, presque jubilatoire, tournée dans les magnifiques décors naturels d'une des plus belles îles de la Méditerranée française !

Les quelques modifications de scénario n'ont pas trahi l'œuvre originale, mais au contraire l'ont améliorée. Du coup, on ne s'ennuie pas une seconde. Non que le rythme soit particulièrement trépidant, mais les atouts principaux sont une enquête consistante et surtout un défilé d'acteurs tous au meilleur de leur forme. À commencer par Jean Richard, dont les mimiques désabusées montrent de façon explicite à quel point la présence de Pike l'irrite. Il est tout aussi remarquable dans sa façon d'exprimer tout son mépris envers Philippe, ce fils de bourgeois oisif et parasite typique de l'univers de Simenon.

On peut ressortir également Micheline Luccioni, parfaite dans le rôle d'une ancienne prostituée que Maigret avait aidée en l'envoyant en sanatorium, et qui craint d'avoir déçu le commissaire en restant par la suite dans le milieu en tant que sous-maîtresse d'une maison de passe niçoise. Et aussi Michel Jourdan dans le rôle de Charlot, un truand qui joue franc jeu.

Mais la sensation de l'épisode est bien entendu la présence de Gérard Depardieu dans un de ses premiers rôles. Son jeu exceptionnel en jeune peintre hollandais rebelle, ironique et sournois en fait le meilleur interprète possible pour De Greef et montrait dès cette époque tout le potentiel de l'acteur, qui n'allait pas tarder à exploser pour devenir la star que l'on connaît.

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4. MAIGRET ET L'HOMME DU BANC
(ADAPTATION DE : MAIGRET ET L'HOMME DU BANC****)

Un homme apparemment sans histoires a été mortellement poignardé en plein jour dans une rue de Paris. Maigret ne tarde pas à découvrir que la victime menait une double vie et avait d'importants revenus d'origine indéterminée.

Une enquête passionnante menée selon les méthodes traditionnelles de Maigret, interrogatoires des témoins par lui-même et immersion dans l'univers de la victime, pour se terminer par une histoire de gangsters certes conventionnelle mais offrant une conclusion de très bonne facture.

Simenon est coutumier de ces personnages à la fois simples et hors du commun, mais toujours attachants, à l'image de ce Louis Thourret, si brave et si sympathique, presque émouvant. L'originalité de cette enquête est que la description psychologique s'accompagne d'une histoire policière consistante.

Le choix de filmer toujours Thourret de dos peut être agaçant mais dénote d'une certaine originalité. Hormis cette fantaisie, la mise en scène est un modèle de sobriété, dans le bon sens du terme. On peut en dire autant du jeu de Jean Richard, d'une finesse exemplaire.

Tous les acteurs, principaux ou secondaires, sont excellents, de Monique Couturier, l'épouse désagréable, à Frédérique Ruchaud la maîtresse douce et compréhensive, en passant par Annick Fougery, habituée aux rôles de concierges sur la série, ou Antoinette Moya, la prostituée de service qui se méprend sur les intentions de Maigret lorsque le commissaire l'invite à monter dans sa chambre...

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5. MAIGRET ET LA JEUNE MORTE
(ADAPTATION DE : MAIGRET ET LA JEUNE MORTE****)

Maigret enquête sur la mort d'une jeune fille de vingt ans, timide et solitaire. Son corps a été retrouvé en pleine nuit dans un square du VIIIe arrondissement. Le commissaire fait équipe avec l'inspecteur Lognon, toujours aussi malgracieux.

Un épisode magnifique et poignant, peut-être le meilleur de la série. Simenon aimait raconter la vie des gens humbles et solitaires, inadaptés à la société qui les entoure. Au-delà de la vie difficile de la victime, il s'attaque avant tout à l'indifférence en décrivant la malheureuse Louise Laboine entourée de parents, d'amies et de relations tous plus mesquins les uns que les autres. Drapés dans leur fausse bonne conscience et leurs certitudes morales conventionnelles, eux-mêmes parfaitement adaptés à leur époque et leur milieu, ils sont incapables de comprendre les difficultés vécues par la jeune fille, lui attribuent tous les défauts de la terre alors qu'elle ne cherche qu'à vivre une vie normale, à rencontrer un peu de chaleur humaine et de compassion.

Une relation particulière se noue entre Louise et le commissaire, bien que ce dernier ne l'ait jamais rencontrée vivante. Au travers des différents témoignages et recoupements, il arrive à comprendre son caractère et la prend en affection. Ainsi, il reste fidèle à ses méthodes consistant à se glisser dans la peau tant des victimes que des assassins.

Jean Richard livre une de ses meilleures compositions, son jeu empreint de tact et de sensibilité fait à nouveau merveille. Dans le rôle de Louise Laboine, la trop méconnue Christine Laurent est étonnante de vérité. Tout comme Maigret, on est tout de suite séduit par sa grâce, sa beauté, ses superbes yeux bleus mélancoliques et surtout son regard, ce regard magnifique qui exprime une telle tristesse. Mais pourquoi cette sublime actrice, que l'on reverra avec plaisir dans la série, n'a-t-elle pas fait une plus brillante carrière ?

Le reste de la distribution est aussi très satisfaisant, Bernard Lajarrigue en tête. Voilà enfin le vrai Lognon de Simenon, paranoïaque à tel point qu'il en devient insupportable. On s'attend toujours à ce qu'il joue les Calimero et nous débite avec un ton consterné le traditionnel : « Ah ! C'est vraiment trop injuste ! »...

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6. MAIGRET ET LE CORPS SANS TÊTE
(ADAPTATION DE : MAIGRET ET LE CORPS SANS TÊTE***)

Un cadavre masculin sans tête est repêché dans le canal Saint-Martin. Maigret soupçonne l'épouse d'un patron de bar, une femme étrange qui ne semble guère s'inquiéter de la disparition de son mari.

Le duel feutré entre Maigret et Madame Calas donne toute sa force à cette enquête aux ressorts essentiellement psychologiques. Deux grands acteurs sont face-à-face : Jean Richard, plus Maigret que jamais, essaie de comprendre cette femme mystérieuse qui ne semble pas être à sa place en tenancière de bar.

Suzanne Flon compose une splendide Aline Calas, qu'on croirait sortie tout droit du roman de Simenon. Cette femme usée, résignée, alcoolique et collectionneuse d'amants non pas par plaisir ni par vice, mais pour s'avilir toujours plus dans la déchéance, la grande Suzanne Flon s'en est imprégnée. Son jeu restitue à la perfection l'aspect pathétique du personnage, que Maigret tout comme le spectateur sont plus enclins à plaindre qu'à blâmer.

Aline Calas est un des personnages les plus marquants de l'œuvre de Simenon, et on ne peut que féliciter les producteurs d'avoir choisi l'actrice adéquate pour lui donner vie. Autres satisfactions dans la distribution, Dominique Davray dans son rôle traditionnel de prostituée, cette fois-ci inquiète de la concurrence déloyale, car gratuite, d'Aline Calas. Mais aussi et surtout Gabriel Cattant, très juste en juge Coméliau impatient,  autoritaire, conformiste et impitoyable. Un anti-Maigret en quelque sorte, ce qui explique l'antipathie vivace que lui voue le commissaire.

Les seuls légers regrets ont trait à la présence de quelques lenteurs et à une scène de tribunal qui ne s'imposait pas et termine l'épisode en queue de poisson. Le commentaire en voix off sur l'attitude du juge Coméliau à propos du chat de Madame Calas, « De cela, Maigret devrait en vouloir au juge toute sa vie. », aurait été préférable, et même parfait, en guise de conclusion.

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7. MAIGRET ET LA GRANDE PERCHE
(ADAPTATION DE : MAIGRET ET LA GRANDE PERCHE***)

Un cambrioleur a aperçu un cadavre de femme dans une maison bourgeoise où il s'apprêtait à percer le coffre-fort. Pris de panique, il s'enfuit de Paris, ce qui décide son épouse à prévenir Maigret. Le commissaire mène l'enquête chez un chirurgien-dentiste de Neuilly, un solitaire qui semble vivre sous la coupe de sa vieille mère.

Encore une enquête relevant de l'étude de caractères, caractéristique de l'univers de Simenon. L'atmosphère du roman est bien transposée à l'écran, et cette histoire prouve s'il en était encore besoin que l'on peut créer un bon téléfilm policier sans coups de feu, poursuites en voitures ni flics roulant des mécaniques.

Le jeu des acteurs contribue beaucoup à la réussite de l'épisode. Jacques Morel incarne un docteur Serre taciturne et résigné et Madeleine Renaud lui donne parfaitement la réplique en vieille dame ingrate et manipulatrice. Joëlle Bernard apporte sa gouaille et sa truculence au personnage de la « Grande Perche » et Jenny Clève compose une femme de ménage aigrie et revancharde très réaliste.

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8. LA FOLLE DE MAIGRET
(ADAPTATION DE : LA FOLLE DE MAIGRET***)

Une vieille dame demande la protection de Maigret, persuadée qu'un inconnu fouille son appartement en son absence. Elle est assassinée avant que le commissaire, qui l'a prise pour une folle, ne se décide à lui rendre visite. Sa nièce, éprise d'un gigolo acoquiné avec le Milieu, est la première suspecte.

La sensibilité de Maigret est une nouvelle fois soumise à rude épreuve. Le commissaire se trouve aux prises avec le remord de n'avoir pas pris la vieille dame au sérieux et se considère comme responsable de sa mort. L'intrigue est fort bien menée, avec une plongée dans le monde de la pègre d'autant plus inattendue que l'on semblait parti pour un remake sans saveur de Cécile est morte, avec encore une victime non prise au sérieux par Maigret dans une affaire d'objets mystérieusement déplacés.

La distribution est remarquable. Dora Doll accomplit une belle performance dans le rôle de la nièce, se montrant bien plus avenante que le personnage du roman, une brune assez « hommasse ». Jean-Pierre Castaldi est parfait en gigolo et Jean-Claude Dauphin convaincant en jeune musicien sympa et décontracté. Dommage qu'on l'ait affublé d'un chapeau melon pas plus en accord avec ses cheveux longs et son personnage que ne le serait un blouson noir porté par un évêque...

Seule fausse note, l'acteur incarnant le marchand d'oiseaux joue horriblement mal, il est visible qu'il en fait trop. Au contraire, les autres petits rôles, tels ceux du commissaire Marella et du truand Giovanni, sont excellents.

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9. LA GUINGUETTE À DEUX SOUS
(ADAPTATION DE : LA GUINGUETTE À DEUX SOUS*)

Avant de mourir, un truand grièvement blessé à la suite d'un braquage révèle à Maigret avoir assisté à un assassinat quelques années auparavant. Le commissaire se rend dans une guinguette rétro qui serait fréquentée par l'assassin, et il assiste à la mort d'un homme, vraisemblablement victime d'un meurtre.

Le gros point noir de l'épisode est la première demi-heure constituée essentiellement d'interminables scènes de guinguette, ennuyeuses au possible, et responsables de la durée inhabituelle du téléfilm. Si l'on arrive à passer ce cap, aidé par la touche « avance rapide » de son lecteur de DVD, on peut trouver un certain intérêt à l'enquête, améliorée par le scénario et c'est heureux car le roman adapté est inintéressant.

La seule performance de Claude Brosset, admirable dans le rôle de Marcel Basso, vaut la peine de regarder l'épisode. Brosset est bien entouré par de très bons comédiens parmi lesquels on ressortira Philippe Mercier, parfait interprète de l'énigmatique James, et la troublante Valérie Bonnier qui compose une excellente Mado, cette femme volage dont les frasques sont mises à profit par son mari. Cet individu peu scrupuleux n'hésite pas à soutirer de l'argent aux amants de son épouse...

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10. MAIGRET HÉSITE
(ADAPTATION DE : MAIGRET HÉSITE***)

Une lettre anonyme prévient Maigret de l'imminence d'un meurtre familial sans préciser l'endroit où il devrait se produire. Le commissaire parvient à remonter jusqu'au domicile d'un avocat, Maître Parendon, dont un membre de l'entourage est vraisemblablement l'auteur de la lettre anonyme. Une ambiance tendue, mystérieuse, règne chez Parendon...

Aucun coup de revolver, pas de filatures, ni gangsters ni prostituées, il ne s'agit pas d'une enquête policière traditionnelle mais d'un authentique récit à la sauce Simenon, comme il aimait en produire. Maigret se meut au sein d'une atmosphère pesante, analyse le caractère des personnages, flaire, essaie de comprendre. Cette étude psychologique à l'état pur est passionnante de bout en bout. Seule la scène finale s'avère un rien décevante, mais dans ce type d'enquête il ne faut pas s'attendre à une conclusion haletante, à un déploiement de forces spectaculaire pour arrêter un assassin armé jusqu'aux dents.

Un tel épisode aurait pu devenir rapidement ennuyeux s'il n'avait bénéficié de performances d'acteurs convaincantes. Fort heureusement, une ribambelle de très bons comédiens nous offrent des prestations captivantes. Jean Richard incarne un Maigret concentré, intuitif, réfléchi, pleinement impliqué dans son enquête, on peut même dire immergé dans l'atmosphère étrange de la maison Parendon. C'est presque étonnant de voir à quel point il arrive à représenter aussi fidèlement le personnage de Simenon alors que son apparence physique en est plutôt éloignée.

Robert Lombard produit une performance de haute volée. Après avoir été sous-employé dans des rôles d'aubergistes ou d'hôteliers, il endosse enfin un rôle principal pour une superbe réussite. Pourtant, le rôle de Maître Parendon, ce magistrat timoré obnubilé par l'article 64 du Code pénal sur l'absence de responsabilité des déments, n'était pas des plus faciles. La composition de Monique Lejeune est tout aussi magnifique dans le rôle de Mademoiselle Vague. Cette actrice a un regard capable de communiquer tous les sentiments. Et quelle sensibilité !

N'oublions pas Françoise Christophe, parfaitement naturelle dans un rôle de demi-folle manipulatrice, ni André Falcon, doté pour une fois d'un rôle de médecin plus valorisant que les personnages de fonctionnaires obséquieux dans lesquels on l'a trop souvent confiné. Enfin, il est amusant de retrouver Catherine Laborde, une des présentatrices météo de TF1, sous les traits de la jeune Bambi.

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11. MAIGRET A PEUR
(ADAPTATION DE : MAIGRET A PEUR***)

Invité à Fontenay-le-Comte par son ami le juge Chabot, Maigret découvre une ville apeurée par une série de crimes sanglants qui pourraient être l'œuvre d'un fou.

L'atmosphère pesante d'une petite ville de province avec ses antagonismes de classes sociales est parfaitement décrite dans cet épisode passionnant. Qui plus est, l'histoire se déroule en Vendée, terrain privilégié de la noblesse pendant des siècles. Mais les temps ont changé, les nobles ont peu à peu été ruinés et contraints de s'allier avec la bourgeoisie ascendante, fait habilement exploité par le scénario au travers de l'histoire de la vieille famille noble De Courçon, réduite à sauver les meubles avec les roturiers Vernoux, issus de marchands de bestiaux.

L'antagonisme bourgeoisie-noblesse échappe totalement au petit peuple, qui met tout ce beau monde dans le même sac. L'instituteur Chalus, plusieurs fois arrêté dans des manifestations de gauche, illustre à merveille la haine suscitée par les riches au sein des classes populaires. Son interrogatoire serré est un des temps forts de l'épisode.

Autre moment-clé, la thèse intéressante du docteur Alain Vernoux, qui suggère qu'un fou n'agit pas sans logique, comme on est tenté de le croire, mais selon sa propre logique, une logique de fou incompréhensible par les gens normaux, mais que lui comprend et suit inexorablement. Citons aussi la scène de bridge chez les Vernoux, qui permet à Maigret d'étudier le caractère des principaux personnages, selon leur manière de jouer.

Jean Richard signe une de ses meilleures compositions, exemplaire par sa sobriété et son aptitude à comprendre les personnages. Ces qualités insufflées à Maigret lui permettent de découvrir la vérité là où ses collègues s'égarent. Par contraste, Jacques Castelot représente le petit juge provincial las et dépassé par les événements, écartelé entre sa sympathie naturelle pour les notables et la peur de déplaire au reste de la population en se montrant trop bienveillant à leur égard.

André Reybaz est très bon dans le rôle difficile du doucereux et pitoyable Hubert Vernoux de Courçon. Yves Peneau, vu dans plusieurs épisodes des Brigades du Tigre, est discret mais efficace dans un petit rôle de domestique.

o On retrouve le docteur Vernoux sous les traits de Roger Van Hool, qui n'est autre que l'acteur interprétant Oscar dans le film du même nom avec Louis de Funès !

o Michel Morano, qui incarne avec pugnacité l'instituteur révolté Chalus, est un habitué des petits rôles, le plus souvent dans des personnages ambigus ou douteux, en raison de son physique particulier. On l'a vu notamment interpréter « la Truite » dans  De la poudre et des balles, un épisode des Brigades du Tigre.

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12. UN CRIME EN HOLLANDE
(ADAPTATION DE : UN CRIME EN HOLLANDE***)

Un universitaire français séjournant en Hollande pour donner une conférence, et soupçonné du meurtre d'un collègue, demande l'aide de la police française. Maigret est envoyé sur place pour assister à l'enquête.

Une enquête intelligemment menée selon les méthodes habituelles de Maigret. Le commissaire commence par s'imprégner de l'atmosphère des lieux du crime, étudie le caractère des suspects, semble tourner en rond mais finit toujours par démêler les affaires les plus compliquées. Cet épisode un peu long montre Maigret dans un cadre inhabituel, mais la Hollande rurale dégage une ambiance où il va vite se sentir à l'aise tellement ce milieu se marie bien avec son personnage.

Si ce sont de traditionnelles investigations dans le caractère des personnages qui mènent sur le chemin de la vérité, la clé de l'énigme n'est révélée qu'à l'issue d'une méticuleuse reconstitution du crime, procédé toujours plus efficace à l'écran que dans la vie réelle. Au cours de cette ultime phase de classique facture policière, on a affaire à un Maigret digne de Columbo tellement il s'attarde sur le moindre détail matériel. Toute cette mise en scène ne sert qu'à démontrer clairement à tous, et notamment au policier local, les ressorts du crime et l'identité de son auteur, qu'il a bien sûr devinée auparavant.

Malgré quelques lenteurs, cet épisode se laisse donc voir sans ennui grâce à une bonne intrigue et à la qualité de l'interprétation. Tous les acteurs se révèlent excellents, Jean Richard en tête. Mention pour Marike Van De Pooll, qui compose une jeune paysanne à la fois naïve, délurée et étonnante de spontanéité.

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13. MAIGRET CHEZ LES FLAMANDS
(ADAPTATION DE : CHEZ LES FLAMANDS**)

À la demande d'un cousin de sa femme, Maigret se rend à titre officieux à Givet, où une famille de riches Flamands est accusée par l'opinion publique d'avoir assassiné une jeune femme pauvre, maîtresse du fils de la famille avec qui elle a eu un enfant.

Encore beaucoup d'affrontements sociaux dans cet épisode surfant sur les haines de classes. Les riches veulent rester entre eux, donc la petite Germaine Piedbœuf, fille de veilleur de nuit, dérange leurs projets. Les pauvres sont toujours prompts à penser que la police n'est là que pour protéger les bourgeois. On peut d'ailleurs penser que les pauvres n'ont pas tout à fait tort, comme le prouvera la fin de l'épisode, et malgré toutes les bonnes intentions du commissaire…

Une scène intense symbolise cet état d'esprit, lorsque Gérard Piedbœuf, le frère de la victime, agresse verbalement Maigret, « L'homme des Flamands ». Évidemment, le jeune homme est alors sous l'emprise de l'alcool, d'ailleurs la scène se déroule dans un bar. Néanmoins, l'affrontement vaut le coup d'œil, de par le regard impassible, mais inflexible, du commissaire. Ceci n'est pas le seul fait d'armes de Jean Richard, qui accomplit une performance de premier ordre, notamment face à Marjon Brandsma, interprète tout en nuances de l'énigmatique Anna Peters.

Malgré ces qualités indéniables, l'épisode ne suscite pas un très grand intérêt. La faute à trop de temps morts, en particulier lors de multiples et languissantes scènes de piano accompagnant des chants flamands : quel ennui mortel ! Et surtout, de gros regrets avec le dénouement, bien que prévisible puisque Maigret n'était pas en mission officielle. Il n'empêche que la déception est au rendez-vous. Si l'on compare avec l'épisode précédent Un crime en Hollande, au regard des mobiles et des caractères des différents personnages, on ne peut s'empêcher de penser que Maigret a été trop sévère, voire implacable, chez les Bataves et laxiste avec les Flamands, et qu'il eut été préférable que ses décisions finales fussent inversées…

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14. LES SCRUPULES DE MAIGRET
(ADAPTATION DE : LES SCRUPULES DE MAIGRET*)

Un homme vient trouver Maigret en prétendant que sa femme essaie de l'empoisonner. Le commissaire, qui a également reçu l'épouse de son visiteur, est partagé entre une certaine sympathie à son égard et le sentiment qu'il a peut-être affaire à un déséquilibré.

Un épisode mineur de par l'impuissance du scénariste et du réalisateur à améliorer le roman initial, assez faible. De bons comédiens, certes, en particulier Michel Robin, auteur d'un joli numéro, et Valérie Lagrange dans le rôle de l'énigmatique épouse, dont on ne sait si elle est victime des élucubrations d'un maniaque ou si elle a échafaudé quelque plan machiavélique pour se débarrasser de son mari. Mais aussi la présence inattendue de Nicole Garcia, particulièrement bien choisie pour interpréter une psychiatre hostile à la coopération avec la police. Avec ses grosses lunettes et son air ironique, elle fait vraiment très psychiatre...

Hélas ! De bons comédiens ne suffisent pas à assurer un bon téléfilm. Ce qui plombe totalement cet épisode, hormis l'intrigue sans saveur dont seul le dénouement est convenable, c'est une musique de piano ennuyeuse au possible. Non seulement elle a remplacé l'agréable musique habituelle du générique, mais il faut la subir à chaque temps mort, et comme il y en a beaucoup dans cette enquête sans rythme, le cumul temps morts et musique soporifique devient vite horripilant. Ne soyez pas comme Maigret, n'ayez pas de scrupules à sauter un épisode, et passez donc sans regret au suivant !

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15. MAIGRET, LOGNON ET LES GANGSTERS
(ADAPTATION DE : MAIGRET, LOGNON ET LES GANGSTERS****)

L'inspecteur Lognon a disparu au cours d'une enquête solitaire sur un homme blessé jeté dans la rue depuis une voiture mais dont le corps est introuvable. En suivant cette piste, Maigret se retrouve aux prises avec des gangsters américains opérant en France à l'insu des autorités locales.

Le principal reproche fait à la série est son manque de rythme, ses nombreux temps morts. S'il est un épisode où ce défaut est inexistant, c'est bien celui-ci. À partir d'un des romans les plus réussis, l'adaptation, très fidèle, conserve tout le piment de cette enquête, son ambiance très américaine au cœur même de Paris, inspirée à Simenon par son exil aux États-Unis, tout comme ses multiples rebondissements et scènes d'action.

C'est avec grande satisfaction que l'on constate, contrairement à ce qui s'était passé pour Maigret et son mort, roman jouant sur le même registre, le maintien par les producteurs non seulement des aspects policiers de l'enquête, mais aussi de l'esprit, de l'âme du roman.

Parmi une brochette de comédiens performants, on peut ressortir Bernard Lajarrigue, un inspecteur Lognon plus vrai que nature. Le physique de cet acteur de talent correspond au Malgracieux tel qu'on se l'imagine, et son jeu en restitue tout le côté geignard et désabusé, et même carrément pénible. Ceci est d'autant plus appréciable que les acteurs précédant et suivant Lajarrigue n'ont pas du tout convaincu dans ce rôle particulier du policier le plus grognon de la PJ parisienne.

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16. MAIGRET ET MONSIEUR CHARLES
(ADAPTATION DE : MAIGRET ET MONSIEUR CHARLES***)

L'épouse d'un notaire de Rouen fait appel à Maigret au sujet de la disparition de son mari, dont elle est sans nouvelles depuis son départ pour Paris trois semaines auparavant. Le commissaire découvre la vie d'un ménage désuni où le mari, bon vivant et volage, délaisse son épouse, dépressive et alcoolique.

Au crédit de cet épisode, une enquête consistante avec une immersion agréable dans le monde des boîtes de nuit parisiennes, qui inspire à Maigret une réflexion d'anthologie : « Tu vois, Lucas, dans ce milieu-là, y'a pas de milieu : ou on t'aime bien, ou on te flingue ! » Saluons aussi la troublante Macha Béranger dans le rôle de Juliette Beauchamps et la présence sympathique de Paulette Dubost en petite fleuriste ambulante.

On note cependant des lacunes importantes dans l'interprétation. Le rôle de Madame Sabin-Levesque était certes difficile à tenir. Betty Beckers ne s'y montre pas à son avantage, elle n'est pas du tout naturelle en femme alcoolique. Les petits rôles ne sont pas toujours très bons, à l'instar du couple d'aubergistes, joué par deux acteurs qui en font des tonnes.

Dommage que les producteurs cèdent aux clichés, par exemple en affublant Maigret et Janvier d'imperméables clairs pendant toute la durée de l'enquête. C'est bien connu, les flics sont toujours vêtus d'imperméables clairs... La scène de dispute entre Nathalie et son amant produit un final ahurissant, et même carrément raté, en raison d'une mise en scène prétentieuse.

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17. L'AMIE DE MADAME MAIGRET
(ADAPTATION DE : L'AMIE DE MADAME MAIGRET****)

Maigret a arrêté un graveur soupçonné de meurtre. Dénoncé par une lettre anonyme, il aurait fait disparaître un cadavre en le brûlant dans un calorifère. Pendant ce temps, Madame Maigret vit une aventure tragi-comique avec une jeune femme et un enfant rencontrés dans un square. Il ne semble pas y avoir de lien entre les deux affaires, mais sait-on jamais...

Une enquête passionnante menée tambours battants. Il est vrai que les scénaristes jouaient sur du velours car il s'agissait d'adapter un des meilleurs romans de Simenon. À la manière d'un puzzle, la trame de l'histoire se reconstitue peu à peu au gré de la découverte de nouveaux éléments, et les deux affaires qui paraissaient indépendantes ne tardent pas à n'en faire qu'une seule.

Jean Richard est une nouvelle fois remarquable, il incarne parfaitement le sens psychologique et la bienveillance du commissaire à la pipe. Le reste de la distribution est dominé par Erik Desmaretz, particulièrement en verve dans le rôle d'un jeune avocat arriviste sans scrupules. Belles performances également de Simone Rieutor et Yves Bureau, interprètes du couple Steuvels, ainsi que de Philippe Desbœuf, très bien choisi pour incarner le personnage douteux de l'ancien policier Alfonsi, et de Jacqueline Jefford en tenancière d'hôtel louche.

Du côté des acteurs débutants que l'on revoie avec amusement, Alain Doutey endosse le costume inattendu du naïf inspecteur novice Lapointe, et on retrouve dans un petit rôle Catherine Laborde, une des miss météo de TF1, déjà vue dans Maigret hésite.

Toutefois, la sensation de l'épisode est l'arrivée d'une nouvelle Madame Maigret. Après le décès de Micheline Francey, Dominique Blanchar n'avait pas été plus satisfaisante et du coup la production avait renoncé depuis plusieurs années à montrer l'épouse du commissaire. Pour pouvoir adapter cette histoire, il fallait bien évidemment trouver une actrice capable de reprendre le rôle, et ce n'est autre qu'Annick Tanguy, la véritable épouse de Jean Richard, qui fut retenue ! Choix judicieux tant la complicité naturelle entre les deux époux transparait à l'écran, et tant Annick Tanguy incarne à merveille la Madame Maigret douce, simple et modeste décrite par Simenon.

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18. AU RENDEZ-VOUS DES TERRE NEUVAS
(ADAPTATION DE : AU RENDEZ-VOUS DES TERRE NEUVAS***)

Maigret enquête dans le milieu des marins de Saint-Malo, où un capitaine a été assassiné. L'arrestation du radio, qui détestait la victime, ne convainc pas le commissaire, qui préfère se fier au vieil adage : « Cherchez la femme ! ».

Une immersion réussie dans l'univers de la marine, doublée d'une enquête intéressante au cours de laquelle Maigret fait une nouvelle fois étalage de son don développé pour l'étude de caractères. Le fidèle Lucas, qui l'a accompagné à Saint-Malo, joue un rôle non négligeable en l'orientant à plusieurs reprises sur la bonne voie.

Le monde des marins est très bien décrit, et on retrouve à l'écran l'atmosphère particulière du roman, ce qui produit un épisode satisfaisant, et même souvent passionnant. Le seul regret est relatif au final, où on comprend que l'assassin n'est pas arrêté, ce qu'on ne déplorera pas, mais qui ne fournit guère d'explications, notamment sur ce que vont devenir les principaux protagonistes.

Dans l'ensemble, l'interprétation est convaincante, à quelques exceptions près. Ainsi, Catherine Jarret est plutôt moyenne dans le rôle de Marie Léonnec, et Patrick Laval très médiocre dans celui de Gaston Buzier. En revanche, on retrouve un Pierre Frag qui se débrouille très bien en marin breton. J'étais sceptique sur l'attribution du rôle d'Adèle Noirhomme à Catherine Allégret, mais le résultat est excellent. La comédienne se montre digne héritière de sa mère Simone Signoret en composant une traînée plus vraie que nature, avec une touche d'humanité très sympathique.

Autre grande satisfaction, Maxence Mailfort campe un Pierre Leclinche bouleversant. Cet acteur est vraiment capable de tout jouer et le prouvera en revenant sur la série dans des rôles totalement différents. Enfin, pour le petit rôle de Madame Laberge, Jacqueline Johel est saisissante de naturel en femme jalouse. Son regard extraordinaire suffit à faire comprendre beaucoup de choses à Maigret, qui s'empresse de revenir pour l'interroger en l'absence de son mari.

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19. MAIGRET ET LE MARCHAND DE VIN
(ADAPTATION DE : MAIGRET ET LE MARCHAND DE VIN**)

Un important négociant en vins a été abattu par balles à la sortie d'une maison de rendez-vous. Les suspects ne manquent pas, en raison de la personnalité de la victime, autoritaire et méprisante.

Voici le parfait exemple d'une adaptation particulièrement réussie puisque, à partir d'un roman quelconque, a été produit un téléfilm de qualité. Au cours de cette enquête passionnante, Maigret se montre une nouvelle fois atypique pour un policier, sa compréhension pour l'assassin allant de pair avec son antipathie pour la victime.

Le point fort incontestable de l'épisode est la qualité de l'interprétation. Jean Richard, au meilleur de sa forme, incarne à la perfection le Maigret de Simenon, si humain sous des dehors un peu bougons. Il essaie de s'imprégner du mode de vie d'Oscar Chabut et de son entourage, mais aussi de se mettre à la place du meurtrier. Quel contraste avec le personnage vif et coléreux du début de la série !

Concernant la victime, on ne pouvait trouver mieux que Maurice Barrier pour se glisser dans le personnage odieux d'Oscar Chabut, tant ce très bon acteur se montre à son avantage dans les rôles de crapules arrogantes, auxquels il est habitué.

Mention aussi pour les actrices. Pascale Audret accomplit une performance digne des plus grandes. Son interprétation tout en nuances et en sensibilité de Madame Chabut est absolument sublime. Une des meilleures comédiennes vues sur la série. Danielle Croisy incarne Anne-Marie, la secrétaire et maîtresse de Chabut, de façon irréprochable. Elle aussi sait ajouter cette touche de sensibilité qui rend le personnage si authentique.

La plupart des rôles secondaires sont également très bons, avec parmi eux la sympathique Ginette Garcin, très à son affaire en tenancière de maison de rendez-vous. Seule la musique peut prêter à critique car guère en accord avec la gravité de l'enquête. Sa légèreté aurait été mieux adaptée à un film comique de série B avec Pierre Mondy et Jean Lefèvre, ou nanar du même genre.

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20. MAIGRET ET LES TÉMOINS RÉCALCITRANTS
(ADAPTATION DE : MAIGRET ET LES TÉMOINS RÉCALCITRANTS***)

Un chef d'entreprise a été assassiné. Maigret soupçonne une affaire de famille maladroitement maquillée en cambriolage ayant mal tourné, tellement les proches de la victime s'avèrent peu coopératifs.

Une adaptation réussie de l'univers « simenonien » avec cette description de l'atmosphère étouffante d'une famille bourgeoise, que n'aurait pas reniée Claude Chabrol. On touche ici à l'obsession anti-bourgeoise de Simenon, merveilleusement illustrée par ces phrases qu'il place dans la bouche du commissaire Maigret :

« Ces Lachaume sont ce que je déteste le plus au monde. Chacun d'eux est un criminel en puissance. Nos clients habituels ont des mobiles avoués, sains, je dirais presque honnêtes, tandis que ces bourgeois, c'est tortueux, c'est menteur, c'est intrigant, c'est perfide. »

Pour incarner ces bourgeois retors, les producteurs ont trouvé des acteurs idéaux : Jean Topart, un habitué des rôles antipathiques (il a le physique de l'emploi) et François Viaur, moins connu mais jouant sur le même registre. Autres visages familiers, ceux de Philippe Rouleau, interprète efficace de l'avocat des Lachaume, et de Jeannine Souchon, la domestique fidèle et peu amène avec les intrus. La série permet souvent de retrouver à leurs débuts des acteurs ayant depuis fait une belle carrière. Cette fois-ci, c'est le tour de Roland Giraud, dans la peau d'un publicitaire arriviste un rien gigolo.

Quelques traits d'humour se sont glissés dans la noirceur de l'intrigue, tels la publicité des biscuits Lachaume et sa ressemblance avec le générique « armures et boucliers » de la saison 6 des Avengers, mais aussi l'adresse où réside la sœur de la victime. Propriétaire d'une boîte de nuit pour homosexuelles, elle habite rue de l'Assomption au numéro 69...

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21. MAIGRET ET LE TUEUR
(ADAPTATION DE : MAIGRET ET LE TUEUR***)

Un jeune homme est abattu de plusieurs coups de couteau alors qu'il sortait d'un bistrot, un soir sous la pluie. L'enregistrement d'une conversation entre petits voyous, retrouvé sur son magnétophone, oriente la police sur une piste qui laisse Maigret sceptique.

On peut classer la plupart des enquêtes de Maigret en deux catégories : les histoires policières typiques avec truands, indicateurs, prostituées, règlements de comptes, et les récits au ton psychologique marqué. L'originalité de cette enquête est de relever des deux catégories à la fois, ou plutôt successivement. La première partie est caractéristique du policier traditionnel avec la recherche, puis la surveillance et l'arrestation des voleurs de tableaux. La seconde partie laisse la place à une très bonne immersion dans les ressorts de la pensée du suspect, coutumière des méthodes du commissaire.

Maigret n'a jamais vraiment cru à la culpabilité des petits voyous, qui auraient forcément fait disparaître l'enregistrement compromettant s'ils avaient été les auteurs du crime. Il justifie sa réputation de policier humain et compréhensif en s'abstenant de juger l'homme qui le contacte à plusieurs reprises et dont il sait d'instinct qu'il est le véritable coupable et qu'il finira par se rendre.

Jean Richard est une nouvelle fois magnifique de justesse et de sensibilité, insufflant à son personnage humanité et émotion pour en faire le vrai Maigret plus « simenonien » que jamais. La reddition de Harteau offre un final particulièrement réussi grâce à la réplique efficace fournie par Hughes Quester, époustouflant de vérité dans ce rôle difficile de tueur psychopathe, sur lequel Maigret porte un regard plus apitoyé qu'horrifié. Cette scène de haut niveau est à l'image de l'ensemble du téléfilm, sobre et juste, et servi par des comédiens qui en font ni trop, ni pas assez. Le chagrin tout en retenue des Batille en est l'illustration, avec un très bon Michel Heurtault dans le rôle du père.

Saluons aussi Michel Ruhl, qui compose un juge d'instruction tout en finesse parfaitement adapté à l'ambiance de l'épisode. Enfin, on sait que la série permet souvent de revoir les premiers pas d'acteurs devenus célèbres. C'est Jean-Pierre Bacri que l'on retrouve ici, dans le rôle du petit voyou Julien Mila.

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22. MAIGRET ET L'AFFAIRE NAHOUR
(ADAPTATION DE : MAIGRET ET L'AFFAIRE NAHOUR**)

Quand une belle inconnue se fait soigner en pleine nuit par le Docteur Pardon, ami de Maigret, pour une blessure par balle avant de s'enfuir en Hollande avec un homme, et que le lendemain un riche Libanais est retrouvé mort à son domicile, le commissaire a vite fait d'établir le lien entre les deux affaires.

Une enquête qui débute de façon originale puisque l'alerte est donnée à Maigret par son ami le Docteur Pardon. Il a donc fallu la coïncidence du choix de ce médecin par Madame Nahour pour permettre à la police de connaître des faits essentiels que l'épouse du Libanais comptait bien garder secrets.

Par la suite, l'enquête se déroule de manière très conventionnelle mais demeure intéressante et de qualité constante. Les bons moments ne manquent pas, telle la séquence presque comique de l'interrogatoire de la femme de chambre par un Santoni désireux de montrer ses connaissances de la langue de Shakespeare... qu'il parle avec un accent français épouvantable.

Entouré de comédiens qui jouent juste, Jean Richard domine la distribution par une nouvelle démonstration de son savoir-faire pour exprimer de façon parfaitement naturelle le tact et le don inné de « raccommodeur de destinées » du commissaire Maigret.

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23. LIBERTY BAR
(ADAPTATION DE : LIBERTY BAR***)

Un riche Australien est retrouvé mort et enterré dans le jardin de sa villa de la Côte d'Azur. Les deux femmes qui vivaient avec lui, sa maîtresse et la mère de cette dernière, sont rapidement mises hors de cause. Maigret tente de reconstituer les habitudes de la victime, et se retrouve dans un petit bar tenu par une femme sur le retour, dans une rue mal famée de Cannes.

La magnifique composition de Ginette Leclerc dans le rôle de Jaja constitue le principal attrait de cet épisode fidèlement adapté. Il faut un certain courage, et même une certaine classe lorsque l'on a été une spécialiste des rôles de jeunes garces sensuelles pour accepter d'interpréter une femme usée, laide et alcoolique comme Jaja. Voilà pourquoi la performance de Ginette Leclerc est d'autant plus appréciable.

L'avantage du téléfilm, c'est de nous épargner les tergiversations finales avec Jaja, les lamentations qui n'en finissent pas. L'adaptation a corrigé ces défauts, Ginette Leclerc en fait suffisamment, mais sans en rajouter. Autre point positif, l'atmosphère méridionale, atout principal du roman, est correctement transposée à l'écran grâce aux beaux décors naturels de la Côte d'Azur, qui rappellent la superbe réussite de Mon ami Maigret.

Pour autant, l'épisode est loin d'être parfait. Certains comédiens sont franchement mauvais. Ainsi, la mère Martini est incarnée par une actrice insupportable qui ne joue pas, mais récite. Le garagiste est aussi très médiocrement interprété. À propos des Martini, la production a commis une erreur grossière en les faisant parler en espagnol, alors qu'il est bien évident que, comme leur nom l'indique, Gina et sa mère sont typiquement italiennes. Enfin, le guitariste nordique ami de Jaja suscite un ennui indescriptible.

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24. MAIGRET ET LE FOU DE BERGERAC
(ADAPTATION DE : LE FOU DE BERGERAC***)

Alors qu'il se rendait à Bergerac par un train de nuit, Maigret est alerté par le comportement étrange de son voisin de couchette, qui saute du train en marche peu avant l'arrivée. Le commissaire le suit et l'inconnu le blesse d'un coup de revolver. Il s'agit vraisemblablement d'un maniaque ayant déjà fait plusieurs victimes dans les environs de Bergerac.

À la suite de sa blessure, Maigret mène l'enquête depuis le lit de sa chambre d'hôtel, pendant sa convalescence. Comment souvent, il ne s'arrête pas aux apparences et donne un bon coup de pied dans la fourmilière des notables, toujours prompts à arranger une bonne petite vérité qui ne dérangera personne et maintiendra en place l'ordre social. On peut tiquer sur le détail qui le met sur la bonne piste, le billet de chemin de fer du fou qui a miraculeusement abouti dans sa chambre. Mais l'enquête se laisse suivre, entre investigations pertinentes et même impertinentes, rebondissements de bon aloi et musique percutante.

Jean Richard insuffle à Maigret un allant certain. Malgré son immobilisation, le commissaire est presque facétieux tellement il goûte avec délice au plaisir de déranger le confort des gens trop bien installés, à l'instar de ce snob de procureur Duhourcaut, qui joue au grand bourgeois avec son domestique à gilet rayé. Ses cibles sont interprétées avec talent et conviction par Jacques Duby, Maxence Mailfort et un Jean-Pierre Castaldi que l'on ne s'attendait pas à retrouver en policier tellement on l'a vu jouer au voyou sur la série.

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25. MAIGRET ET L'INDICATEUR
(ADAPTATION DE : MAIGRET ET L'INDICATEUR**)

Maurice Marcia, un ancien truand devenu respectable patron de cabaret, est assassiné. Un indicateur anonyme met la police sur la piste des frères Bozzi, entrepreneurs de transports pour la façade, mais soupçonnés d'appartenir à la pègre. Le mouchard se retrouve rapidement inquiété par le Milieu...

Une histoire de facture traditionnelle avec les ingrédients habituels à toute bonne série policière : intérêts, jalousie, rivalités, meurtres, tueur à gage, prostituées et indicateurs. Le roman est respecté mais la réalisation l'a quelque peu américanisé, ce qui rend l'épisode plus nerveux. Cette méthode, souvent utilisée dans la série, est efficace, elle empêche le téléfilm de sombrer dans l'ennui. On a vu a contrario que son absence dans d'autres épisodes les a rendus soporifiques.

La distribution est de qualité supérieure, avec en premier lieu le choix de Michel Blanc pour interpréter Justin Crotton, dit « La Puce ». Qui mieux que lui aurait pu donner vie à ce sympathique demi-sel sautillant de 1 mètre 60 ? Autre brillante réussite, celle de Vania Vilers incarnant un inspecteur Louis plus vrai que nature. Ce policier veuf et solitaire, passionné par son métier et par le XVIIIe arrondissement où il est connu comme le loup blanc, rappelle le personnage solide comme un roc de Ferrot, interprété par Yves Montand dans Police Python 357, le film réalisé par Alain Corneau.

Maxence Mailfort est un impeccable Ribeira, ce tueur sadique et froid à la solde de Manuel Bozzi. L'aîné des deux frères, justement, se retrouve sous les traits de Jean-Pierre Castaldi, toujours à son avantage dans les rôles de truand. Quant à Jean-Claude Dauphin, déjà vu dans La folle de Maigret, il joue ici l'inspecteur Lapointe, le jeune adjoint de Maigret, et tiendra ce rôle dans une poignée d'épisodes réalisés par Yves Allégret, pour une interprétation sobre et soignée. Enfin, signalons le petit rôle tenu par Frank Villard, un visage bien connu des amateurs de films de gangsters des années 50 et 60, remarqué notamment dans Le Cave se rebiffe avec Jean Gabin et Maurice Biraud.

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26. MAIGRET ET LA DAME D'ÉTRETAT
(ADAPTATION DE : MAIGRET ET LA VIEILLE DAME***)

Maigret mène l'enquête à Étretat sur demande du député local, dont la belle-mère vient d'être confrontée à l'assassinat de sa bonne. La vieille dame affirme qu'elle était visée par l'attentat et que sa domestique a été tuée à sa place.

Une enquête dont les extérieurs sont tournés dans les magnifiques décors naturels d'Étretat et de sa falaise, ce qui ne manque pas de rappeler les aventures d'Arsène Lupin dans L'Aiguille creuse.

Longue à démarrer, l'intrigue se révèle captivante une fois lancée et bénéficie d'un final inattendu de très bonne qualité. L'opposition entre les Besson et les Trochu est une nouvelle version des antagonismes de classes traditionnellement dépeints par Simenon : bourgeois perfides, cupides, égoïstes et sans scrupules contre braves gens simples et honnêtes.

Un des temps forts de l'épisode montre la fille de Madame Besson, formidablement interprétée par Maryvonne Schiltz, faire une proposition sans équivoque à Maigret (!), un soir dans une voiture sous la pluie battante. Cette scène est doublement incongrue puisqu'on y voit le commissaire au volant de la voiture, à croire que les scénaristes ignorent qu'il n'a jamais su conduire.

Le final est certes intéressant par la surprise qu'il révèle quant à l'identité de l'assassin, mais un rien décevant par l'attitude trop coléreuse du commissaire, peu en accord avec le personnage. Il a bien entendu de bonnes raisons de s'énerver, mais de là à jeter violemment un verre par terre… Ce n'est plus le vrai Maigret, et l'on ne peut que regretter ce point du scénario, qui fait retourner Jean Richard à ses errements des débuts de la série, alors qu'il était devenu si juste depuis des années, y compris dans le reste de cet épisode.

Les amateurs non avertis du dénouement et souhaitant ménager le suspense sont priés de stopper ici leur lecture... En effet, je ne me vois pas conclure sans évoquer la vedette invitée principale, Simone Valère. Impeccable dans ce rôle de femme solitaire et égoïste, il faut souligner la curiosité qu'elle partage avec son mari Jean Desailly: tous deux ont joué sur la série un personnage assassinant pour se protéger deux membres d'une même famille, en l'occurrence le frère et la sœur.

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Crédits photo: lmlr.

Images capturées par Phil DLM.