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 saison 1 saison 3

Columbo

Saison 8


1. IL Y A TOUJOURS UN TRUC
(COLUMBO GOES TO THE GUILLOTINE)



Critique :

1978-1989 : 11 années séparent ce début de saison 8 du dernier épisode de la saison 7 ; autant dire que la série prend un coup de jeune. La mise en scène est différente, ce qui est d'autant plus étonnant que c'est Leo Penn qui est réalisateur sur ces deux épisodes. Il n'empêche, Penn affiche tout de suite un style très proche du film noir. L'apparition de Columbo par exemple, ou les extérieurs de nuit sont marqués par ce thème, avec un travail sur les ombres et lumières aussi efficace que les moyens techniques de la réalisation télévisée le permettaient à l'époque. Le résultat est intéressant mais n'éblouit pas outre mesure, la faute à une photographie plus constestable ou à la qualité du dvd ? Car les couleurs sont un peu criardes et les lumières bavent un peu. Pour le reste, on retrouve les éléments habituels de la série : un meurtrier arrogant, un crime intelligemment conçu, et un Columbo brillant à l'excès, au limite du surnaturel.

D'ailleurs, c'est dans ce domaine que le lieutenant nous invite à entrer. Personnellement, en tant que fervent auditeur de la démarche zététique, j'ai été ravi par cet épisode qui propose une illustration édifiante de cette méthode. La zététique investit le doute dans l'observation et l'expérience des divers phénomènes étranges. Comme le dit le jeune magicien : "la première règle à suivre pour débusquer un charlatan, c'est de se dire qu'il y a forcément un truc et de ne jamais l'oublier". Ce préalable permet au chercheur de lister toutes les autres possibilités rationnelles. En somme, l'épisode nous présente la méthode dont use Columbo depuis le début de la série en la confrontant au surnaturel en plus du traditionnel meurtre.

Le scénario de William Read Woodfield (photographe et magicien, mais bien plus connu pour les photos de nu qu'il a prises de Marilyn Monroe) prévoit donc deux énigmes tout comme dans le précédent épisode (The conspirators), voire trois avec un mystère de chambre close, un gimmick classique mais toujours aussi réjouissant dans le policier. Comment l'assassin maquille-t-il son acte criminel en suicide ? Et comment a-t-il procédé pour réussir son test de télépathie ? Cette double interrogation est donc construite sur un très bon scénario. Intelligent, le récit captive et rend l'enquête passionnante. Dommage qu'Anthony Andrews, le meurtrier, soit aussi fade ; la plupart du temps impassible, ses accès d'humeur ne sont pas très convaincants. Dans l'ensemble, les comédiens n'attirent guère favorablement l'attention.

Le fossé qui s'est creusé avec les années entre la 7e saison et cette 8e est assez profond, la césure est visuellement évidente : les costumes, les voitures, l'environnement général, les coupes de cheveux, tout a beaucoup changé ; et j'avoue que le bond en avant m'a un peu trop bousculé, je préfère tellement l'esthétique des années 60 et 70 des 7 premières saisons. Une rupture s'est faite, le plaisir de suivre Columbo n'est plus le même. Il est toujours là, mais différent, avec une intensité amoindrie.

Fort heureusement, la structure et les ingrédients de la recette Columbo ne changent pas : la confrontation de Columbo et son adversaire est toujours alléchante et le détective fait toujours autant preuve de ténacité comme de finesse d'analyse. En dépit de son âge, Peter Falk arbore fidèlement son costume élimé, ses chaussures au cuir usé, et conduit toujours sa Peugeot cabossée avec autant de subtilité et de peps qu'auparavant, comme si le temps n'avait pas de prise sur le roublard italo-américain.

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2. OMBRES ET LUMIÈRES
(MURDER, SMOKE AND SHADOWS)

Critique :

Revoilà James Frawley ! On ne change pas une équipe qui gagne ! Une nouvelle fois en effet sa réalisation ne manque pas de nerf en même temps que d'élégance. L'épisode tournant autour du cinéma, Frawley en profite pour donner une certaine ampleur avec de grands mouvements de caméra que lui procure la grue hollywoodienne, ainsi que la démonstration des pouvoirs visuels des jeux d'ombres et de lumières du titre.

En  outre, cette enquête rend un hommage appuyé à l'un de ses premiers réalisateurs devenu depuis un géant du cinéma mondial : Steven Spielberg. Le générique se déroule lors d'un voyage en train touristique dans le parc d'attractions d'un studio de cinéma, et le requin des Dents de la mer fait une courte apparition. Mais le plus net et évident reste le personnage joué par Fisher Stevens. Physiquement, ce jeune loup binoclard aussi à l'aise avec une caméra que dans ses "snickers" a tout du cinéaste producteur.

Bien entendu, Stevens (un acteur que l'on a vu dans mille séries de Friends à Lost) arrive facilement à rendre son personnage hautement antipathique. Il assure un de ces éléments essentiels de la série, la jouissance des spectateurs à voir le meurtrier arrêté. Effectivement, le personnage est un exécrable salopard de la plus belle eau ne reculant devant aucun crime pour fuir ses responsabilités, un habile (tout est relatif évidemment, surtout face à Columbo) manipulateur, un fieffé menteur qui n'a jamais une once de regret, ni de respect pour ceux qui l'entourent et qu'il trahit donc afin de servir son seul bénéfice. D'ailleurs, Columbo jubile d'aise dans la dernière confrontation à la toute fin de l'épisode quand il prend le manipulateur metteur en scène à son propre jeu ; c'est une des rares fois où le détective exprime aussi ouvertement le pied qu'il prend à se moquer ainsi de son adversaire.

Stevens n'est pas un très bon comédien ici : il en rajoute énormément. Son jeu excessif profite paradoxalement à ce duel et à l'intensité dramatique d'un épisode qui a du jus et beaucoup de viande autour de l'os. Le scénario est judicieusement construit. Des épisodes de la "seconde période" (après saison 7), si mes souvenirs sont bons, c'est l'un des plus marquants, des plus réussis. Encore une fois, l'acharnement de Columbo fait plaisir à voir malgré le jeu moyen des comédiens qui l'accompagnent. Je commence à peine mes revoyures de ces Columbo post-années 80 et j'ai le sentiment que la qualité de la distribution n'est pas à la hauteur des saisons précédentes. Mais peut-être suis-je trop aveuglé par les deux premiers opus de la saison 8 ?

Il n'empêche qu'en dépit de ces points d'anicroche, j'ai pris énormément de plaisir devant cet excellent épisode.

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3. FANTASMES
(SEX AND THE MARRIED DETECTIVE)

Critique :

Un sentiment mitigé m'anime à la fin de l'épisode. Je reste partagé entre une histoire bien échafaudée, à la solide charpente faite d'une histoire d'amour trompé avec un vertige de la double personnalité, et la peinture trop caricaturale du milieu de la sexothérapie (dans le genre, mieux vaut voir Masters of sex).

Commençons donc par le bon grain : une psychothérapeute spécialisée dans les problèmes amoureux et sexuels - sans doute inspirée par la vague de sexologues célèbres outre-atlantique qui ont émergé dans les années 80 telle la fameuse Dr Ruth (quoique Masters et Johnson avaient déjà secoué l'Amérique dès les années 60) - se voit trompée et humiliée par son copain. Elle le supprime grâce à un plan machiavélique dans lequel elle s'amuse à incarner une call-girl de luxe mystérieuse et sensuelle. Le personnage interprété par Lindsay Crouse que je ne connaissais pas est très intéressant, fouillé, complexe, et somme toute attachant.

D'ailleurs, Columbo lui-même avoue dans un élan compassionnel avoir compris son geste. La relation qu'il noue avec elle est une des plus délicates qui soient dans la série. Nous n'avons pas l'heur de véritablement le voir affronter un adversaire infect et arrogant comme souvent. Elle joue sa partition juste pour sauver sa peau et sans doute Columbo lui en sait gré quand il fait preuve de cette attention finale. La dernière scène est à ce propos assez émouvante : au coin du feu, cette femme demande, espère, de ne pas avoir déçu le lieutenant, et tendrement, il la réconforte.

Ce qu'elle craignait le plus et c'est sans doute ce qui est le plus troublant, c'est de perdre sa personnalité, de préférer être son double, celui qu'elle a endossé pour son meurtre puis pour proposer des fausses pistes à Columbo. La question de la perte d'identité dans le jeu, ici celui du fantasme, est intéressante, et l'épisode semble anticiper sur la double personnalité quasi schizophrénique de la série Journal intime d'une call-girl. Cette question manque toutefois un tout petit peu de contenance en partie parce que la comédienne ne réussit pas à transcender son rôle, un poil de personnalité ou de charme en plus et le tour eut été joué ; malgré tout, sa prestation est correcte, difficile à mener sans tanguer vers la vulgarité ou les clichés. D'autant plus que le domaine de la sexologie (ou sexothérapie) est prompt à susciter fantasmes, grivoiseries, ricanements, et autres comportements stéréotypés. Et d'ailleurs, le scénario ne nous épargne pas de tomber dans ces travers en dépeignant l'entourage, les collègues psy de Crouse, comme des types plus ou moins équilibrés, plutôt infantiles, incapables de gérer leurs affects et leurs désirs, quémandant à Columbo ses conseils avisés. Certes, l'effet comique dû à un renversement de valeurs est l'objectif principal, mais finalement cela apparait un peu grossier et simpliste, et encore très puritain. C'est dommage, mais n'empêche pas heureusement le spectateur de siroter un épisode de grande valeur, bien écrit et subtil.

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4. GRANDES MANOEUVRES ET PETITS SOLDATS
(GRAND DECEPTIONS)

Critique :

Un épisode pas loin d'être excellent. Et pourtant, encore une fois sur cette saison 8, je déplore l'absence de véritables stars, de comédiens d'envergure. Ici aussi, Robert Foxworth, comédien de seconde zone, n'offre pas une stature d'importance, bien qu'il joue à peu près bien.

En fin de compte, du point de vue du jeu, seul Stephen Elliott procure un réel plaisir au spectateur. Le rapport qui s'institue entre lui et Peter Falk compose quelque chose de drôle et touchant à la fois : une relation nouvelle dans la série car on n'a jamais vu Columbo exprimer autant d'admiration - non feinte je précise - pour un personnage. Sam Wanamaker arrive bien à profiter de cet acteur dans une scène en particulier, très émouvante, quand la femme de son personnage vient lui apprendre qu'elle le trompe. Dans une jolie pénombre, sous une verrière et avec une caméra fixe, en deux ou trois plans très attentifs aux petits gestes de tendresse, le réalisateur capte là un moment de grande délicatesse, assez rare dans la série.

Avec la façon dont Columbo démêle le vrai du faux, l'épisode prend encore plus de hauteur, altitude quelque peu altérée par le dénouement un brin tiré par les cheveux il est vrai ; j'ai vraiment adoré l'implacabilité de sa démonstration, cette lente et sûre évolution de son enquête. Pour la énième fois, il est facile d'être bluffé par son analyse et par conséquent par le travail d'écriture sur le scénario que l'on doit ici à Sy Salkowitz.

Même si la série retrouve un milieu (l'école militaire privée) déjà exploité sur Dawn early night (Entre le crépuscule et l'aube), ce Columbo achève la saison 8 sur une note élevée. En se retournant, je me rends compte que cette saison est de très haut niveau sur l'écriture, la finesse des scenarii, sans doute la plus soigneuse sur ce point. Aussi, la pauvreté de la distribution constitue-t-elle le bât qui blesse malheureusement. On imagine sans peine ce que ces épisodes auraient pu donner avec des Ray Milland, des Patrick McGoohan, et consorts...

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Crédits photo : Universal Pictures.

Images capturées par Sébastien Raymond.