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Volume 8Volume 1

Maigret (Bruno Cremer)

Présentation 


NOUVEAU - Le volume 2 de la série Maigret avec Bruno Cremer par Shok Nar est en ligne sur Le Monde des Avengers : http://theavengers.fr/index.php/hors-serie/annees-1990/maigret-bruno-cremer-1991-2005/maigret-bruno-cremer-volume-2Rejoignez la discussion autour de Maigret sur notre forum: http://avengers.easyforumpro.com/t1180p60-serie-maigret-avec-bruno-cremer

Posted by Le Monde des Avengers on Monday, October 12, 2015

Lorsqu’en 1990, Jean Richard raccroche au râtelier la pipe du commissaire Maigret, il ne se doute pas une seconde qu’une nouvelle série narrant les aventures du plus célèbre commissaire de la PJ est déjà en préparation. Il apprendra d’ailleurs la nouvelle dans la presse et s’en vexera quelque peu. Mais il approuve le choix de Bruno Cremer dans ce rôle. Bruno Cremer a longuement tergiversé avant d’accepter, par peur de s’enfermer dans ce personnage et de subir le rythme de tournage effréné d’une série. Il avait même suggéré que l’on change de comédien à chaque épisode. Il a été « presque » écouté : les réalisateurs, scénaristes et comédiens seront régulièrement renouvelés. 

Antenne 2 cherche donc à l’époque à « relancer » la série en lui apportant une nouvelle touche : exit le principe des Jean Richard voulant placer les intrigues dans leur contexte de tournage. A la façon des Hercule Poirot britanniques, le choix est fait de situer l’ensemble des affaires du commissaire Maigret dans les années 1950, choix audacieux car coûtant fort cher mais qui participe grandement à la réussite de la série. Décors, costumes et accessoires sont donc sélectionnés avec soin pour recréer cette ambiance particulière et surannée, éclatante dès le premier épisode Maigret et les plaisirs de la nuit. 

Bruno Cremer signe pour une série de 12 téléfilms, bien décidés à s’arrêter ensuite. Il changera d’avis et jouera au total 54 fois le rôle du commissaire Maigret, de 1991 à 2005 où, malade, il sera contraint d’arrêter la série et sa carrière. Tout au long de cette cinquantaine de films, la série évoluera grandement. D’abord très sombre, lugubre même, à la fois dans son style et dans ses histoires, elle s’illuminera pour attirer davantage de public. Je regrette personnellement ce choix, qui détruira peu à peu l’essence de la série mais la qualité restera globalement au rendez-vous pendant les 14 années de production.

La production de la série, justement, est particulière. Coproduction européenne, la série est la fois française, belge, suisse et anglaise. Initialement financée par la 5 de Berlusconi, elle devra trouver de nouveaux fonds à l’étranger. C’est là que la série se délocalisera pour être tournée pratiquement exclusivement en République Tchèque, à Prague en particulier, ville offrant des avantages financiers certains en plus de décors naturels capables d’imiter aisément le vieux Paris ou les villes de province des années 50. La tonalité des épisodes s’en ressentira, leur qualité également. Peu à peu, l’adaptation des romans s’atténuera, la production préférant se baser sur des nouvelles (certaines ne faisant même pas partie du canon de Maigret !), permettant une plus grande liberté, ce qui ne sera généralement pas une bonne idée. 

Maigret est une série policière atypique, à l’image de son personnage, globalement fidèle à l’esprit des romans de Simenon, même dans ses adaptations les plus libres de la dernière période. Pas, ou peu d’action, un rythme lent et posé, des personnages hauts en couleur, une fine étude psychologique et des enquêtes sans aucun sensationnel, loin des séries policières habituelles. 

Nous ne pouvons pas parler de saisons au sens strict car elles n’existent pas. Le premier contrat de Cremer s’étalera ainsi sur 12 épisodes, de 1991 à 1994. Son second contrat (12 téléfilms toujours) se déroule de 1994 à 1996 et faillit s’arrêter là. La troisième période (6 téléfilms) s’échelonne de 1996 à 1999. La quatrième (12 téléfilms) de 2000 à 2003 et la cinquième et dernière (12 téléfilms) de 2003 à 2005.

L'ordre adopté dans ce guide des épisodes reprend celui proposé par l’éditeur des DVD - Koba Films. 

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Toucher le fond… (Broken - Part 1)

PrésentationVolume 2

Maigret (Bruno Cremer)

Volume 1 


PRÉSENTATION VOLUME 1

Le premier coffret est une merveille, huit magnifiques histoires, parfaitement mises en scène pour la majorité d’entre elle, dotées de très belles guest stars, la série débute très fort. Le pari de succéder à Jean Richard dans une adaptation plus fidèle à l’univers de Simenon est réussi. Pour de nombreux amateurs de la série, cette saison fait tout simplement partie des meilleures : sombre, mystérieuse, lugubre voire sordide, je l’avoue, elle fait partie de mes préférées. Certes, le grain de l’image a vieilli, les lumières ou la musique ne sont pas toujours extraordinaires, mais cette ambiance est unique. Bruno Cremer est déjà impérial dans le rôle et c’est un régal de bons épisodes. 

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1. MAIGRET ET LES PLAISIRS DE LA NUIT

Première diffusion : 7 Juin 1992 sur Antenne 2

Tournage : à partir du 28 Janvier 1991

D’après Maigret au Picrats (1950) - Roman

Scénario, adaptation et dialogues : Jacques Cortal, José Pinheiro

Réalisation : José Pinheiro

Interprétation : Jean-Louis Foulquier (Fred), Jacqueline Danno (Rose), Philippe Polet (Lapointe), Serge Beauvois (Torrence), Marina Golovine (Lili), Virginie Robert (Dolly), Valérie Vogt (Tania), Véronique Barrault (Betty), Eric Doye (Philippe)

Résumé : Lili, jeune stripteaseuse au cabaret Plaisir’s à Pigalle, vient faire une déclaration, ivre, à un commissariat de Pigalle. Elle a surpris une conversation entre deux hommes qui projette l’assassinat d’une comtesse. Déchirant finalement sa déclaration, elle est retrouvée assassinée, peu après. Maigret débute son enquête sur ce meurtre, accompagné de son jeune adjoint Lapointe, ancien soupirant. Quelques temps plus tard, une comtesse est retrouvée assassinée. 

Critique :

Premier épisode tourné mais quatrième à avoir été diffusé, ce premier Maigret pour Bruno Cremer est une belle réussite, un bon épisode classique, à même de poser la série. 

Dès le générique, nous sommes happés par la présence de Maigret, sans le voir. Cette introduction, qui ne variera jamais tout au long des quinze années de la série (hormis de mineures modifications dans les polices de caractères des titres), présente tous les éléments qui constituent Maigret : un homme corpulent en imper frôle un bureau ancien, s’y installe pour allumer une pipe rougeoyante, la jette dans un cendrier et s’installe confortablement dans son fauteuil, auréolé de fumée sur une musique envoûtante, intrigante, immédiatement identifiable et bougrement efficace. 

Voici Maigret, celui avec Bruno Cremer. 

L’épisode a clairement été conçu pour servir d’introduction. Le prologue, assez long, prend son temps pour créer l’ambiance.  Maigret ne nous est présenté qu’au bout de dix minutes, d’une façon un peu grandiloquente, masse émergeant d’une voiture entourée de passants. Dès la première seconde, Bruno Cremer EST Maigret. Pas de fausse note dans son jeu, il campe immédiatement le personnage, à sa façon, même s’il la fera par la suite évoluer. Le regard bleu et pénétrant, un corps qui se meut lentement, une pipe éternellement éteinte dans la première partie du film et pratiquement toujours allumée dans la seconde… Oui, il EST Maigret. Définitivement. Il parle peu, pose des questions brèves et directes, ne répond pas à celles des autres et surtout écoute. Il écoute ces suspects déballer leurs histoires, sans intervenir, absorbant l’atmosphère autour de lui. L’interprétation est déjà remarquable, toute en retenue. 

Le reste de la distribution est, dans l’ensemble, de bonne facture. Jean-Louis Foulquier en patron de boîte un peu trop attiré par les filles mais qui se veut ami-ami avec le commissaire, Jacqueline Danno en épouse résignée et entraîneuse, Alexis Nitzer dans son unique apparition de Loignon, Carlos Pavlidi dans le rôle de la Sauterelle, le portier nain du Plaisir’s auquel aucune femme ne résiste, ou Eric Doye en travesti apeuré. Le reste du casting est moins convaincant. Serge Beauvois, après deux apparitions en Torrence, sera remplacé, et c’est tant mieux. Philippe Polet, dans le rôle de Lapointe, ne reviendra que dans Le corps sans tête, où il se montrera un peu plus convaincant. 

L’épisode se laisse donc suivre, tranquillement, à un rythme assez lent, caractéristique de la série. Mais celle-ci se regarde moins pour son histoire que pour son atmosphère, ses personnages, ses tranches de vie, ces instantanés humains si chers à Simenon et remarquablement transposés dans cette série. Mais lenteur ne rime pas toujours avec ennui, ici, c’en est bien la preuve. Le film est ponctué de rencontres, d’interrogatoires et de dialogues savoureux, de face à face intenses, le tout ponctué par les longues marches réflectives d’un Maigret pensif et absorbé.  

Au rang des déceptions, par moment, les décors font un peu trop carton-pâte (la rue, le bureau de Maigret), mais rien de rédhibitoire non plus. L’image est souvent un peu trop sombre, même pour des scènes de nuit, et le jour c’est grisâtre. Cela renforce l’aspect sordide du film, mais ce n’est pas toujours bien éclairé. La caméra est parfois tremblotante, tressautant à l’occasion, et de longs mouvements inutiles de l’image nuisent parfois à une esthétique pas (encore) assez recherchée. Certains effets outrés (gros plans, zooms, recadrages trop rapides) choquent pour un amateur de la série. La musique si caractéristique de Laurent Petit-Gérard est un peu trop omniprésente et les quelques numéros déshabillés agrémentés de jazz ne sont guère enthousiasmants.

A propos de déshabillé, c’est sans aucun doute l’épisode le plus dénudé de toute la série. Le thème s’y prêtait, et les jolies filles s’effeuillent aisément dans une ambiance assez malsaine, dans ce cabaret miteux, poisseux.

L’enchainement final des événements est précipité, pas très bien monté ni joué, faisant dans la surenchère dramatique, l’abus de gros plan, malgré une atmosphère pesante, sous la pluie battante et un agréable suspens. Il manque également quelques éléments de stabilité future dans ce premier épisode, pas de Madame Maigret, pas de Boulevard Richard Lenoir, pas de petit bistrot avec un Maigret attablé salivant déjà sur une fricadelle, pas de collaborateur régulier.

Mais il y a tellement de bonnes choses ici : Maigret, son jeu avec ses inspecteurs déjà installé (à défaut des acteurs), les confrontations avec Philippe/Lola ou la cuisinière du château, le bureau, l’ambiance, jusqu’au jeu de Maigret avec une pelle à poussière jusqu’à la bouleversante révélation finale. 

Bonne adaptation, Maigret et les plaisirs de la nuit, aurait pu servir d’introduction à la série comme il avait été conçu. Peut-être lui a-t-on préféré un épisode moins risqué, relevant plus de l’enquête traditionnelle de Maigret, moins sordide, en la présence de Maigret et la grande perche, avec des acteurs plus connus également. Quelques défauts inhérents à la jeunesse de la série, débutant malgré tout très fort. 3 sur 4 donc, car pour un épisode (presque) pilote la qualité est remarquable.

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Distribution :

  • Bruno Cremer : (1929-2010) Comédien de théâtre, issu du Conservatoire supérieur d’arts dramatique (où il côtoie ses amis Jean-Paul Belmondo, Jean-Pierre Marielle, Jean Rochefort, Michel Bouquet, Annie Girardot ou Claude Rich), Cremer triomphe sur les planches sous la direction de Jean Vilar ou d’Anouilh dans les années 1950 avant que le cinéma ne l’absorbe pratiquement totalement. Epoustouflant dans la 317e section qui le fait connaître du grand public, avant de fréquemment tourner sous la direction d’auteurs engagés (Blier, Schoendorffer, Costa-Gavras, mais également Visconti, Chereau, Boisset, Lelouch, Sautet, il s’impose comme le chef de la Bande à Bonnot en 1969 aux côtés de Jacques Brel, en tueur psychopathe dans L’Alpagueur face à Jean-Paul Belmondo ou l’amant interdit de Vanessa Paradis dans Noce blanche. Bruno Cremer aura tout joué ou presque dans sa carrière, du légionnaire viril au meurtrier implacable, du flic pourri au prisonnier homosexuel d’un camp nazi, il tourne encore de beaux films vers la fin de sa vie pour Ozon (Sous le sable) ou Giovanni (Mon père, il m’a sauvé la vie). Interpréter Maigret est sans conteste le clou de sa carrière populaire, le rôle qui l’a fait reconnaître dans le monde entier, rôle qu’il a aimé, détesté, rejeté, reprit, rôle dont il ne pouvait se passer et qui était pourtant à mille lieues de lui. En 2005, atteint d’un grave cancer de la gorge, du à un excès de cigare, il ne peut assurer la postproduction de Maigret et l’étoile du nord et décide de mettre un terme à sa carrière. Il décède cinq ans plus tard. 

  • José Pihneiro : Réalisateur d’origine portugaise, il a réalisé quelques films dans les années 80 et se consacre principalement à la télévision (Navarro). Maigret et les plaisirs de la nuit est sa seule collaboration à la série. 

  • Jacques Cortal : Scénariste, il n’a écrit qu’un seul Maigret et à surtout œuvré sur Les Cordier.

  • Jean-Louis Foulquier : (1945-2010) Né et mort à La Rochelle, Foulquier débute dans les années 60 comme animateur radio pour France Inter, produisant plusieurs émissions jusqu’à son renvoi de la chaîne en 2008. Acteur occasionnel (on l’a vu au cinéma plusieurs fois sous la direction de Pinheiro, ou à la télévision dans Dolmen et Xanadu), il se passionnait surtout pour la musique et était découvreur de talent. Il fut l’ami et agent de Léo Ferré.

  • Jacqueline Danno : Actrice bretonne (elle y tient !), née en 1931 est une tragédienne et chanteuse. Principalement connue au théâtre, où elle brûle les planches dans de nombreux rôles forts (Les noces de sang, Lucrèce Borgia, Crime et châtiments, Ben Hur), elle est déjà apparue dans l’univers du célèbre Jean Richard, en 1985, dans Le revolver de Maigret.

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Anecdotes :

  • A la douzième minute, Maigret tient sa pipe dans la main gauche et interroge Rose. Celle-ci commence à parler et termine sa phrase dans le plan suivant, plan où la pipe est déjà dans la bouche de Maigret sans qu'aucun geste de sa part n'ait été esquissé.

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2. MAIGRET ET LA GRANDE PERCHE

Première diffusion : 1er Décembre 1991 sur Antenne 2

D’après Maigret et  la Grande Perche (1951) - Roman

Scénario et réalisation : Claude Goretta

Interprétation : Michael Lonsdale (Guillaume Serre), Renée Faure (Mme Serre), Elisabeth Macocco (Ernestine), Serge Beauvois (Torrence), Jean-Claude Frissung (Janvier), Philippe Fretun (Boissier), Pierre Baillot (Moers), Marie Collins (Eugénie), Anne Bellec (Mme Maigret)

Résumé : Dans son bureau, Maigret reçoit une ancienne prostituée, Ernestine, dite la Grande Perche, à laquelle il a eu affaire dix-sept ans auparavant. Elle vient demander l'aide du  commissaire: son mari, Alfred le Triste, cambrioleur malchanceux spécialisé dans les coffres-forts a disparu depuis deux jours après avoir pénétré dans une belle maison de Neuilly. Il prévient son épouse par téléphone qu’il vient de découvrir le corps ensanglanté d'une femme avant de s’enfuir. Maigret, intrigué, se rend à Neuilly jusqu’à la demeure du dentiste Guillaume Serre qui vit seul avec sa mère depuis que son épouse vient de quitter le domicile conjugal… Deux jours plus tôt. Commence alors un face à face tendu entre les deux hommes. 

Critique :

Second épisode tourné mais premier diffusé et servant de « pilote » à la série (oui, les guillemets sont importants, car il n’y a pas vraiment de pilote ni de saison ici), ce film est une vraie réussite, qui marche très fort pour ce début de série. 

Ici, point de scène d’action, pas de vraiment d’enquête, juste l’intuition du commissaire qui se meut peu à peu en certitude. Maigret répond à l’appel de détresse d’une ancienne prostituée, rangée des voitures, pour qui il a gardé une certaine tendresse et nostalgie et se lance à la recherche d’un introuvable cadavre. Dès sa première rencontre avec « Monsieur Serre » comme il ne cessera de l’appeler tout au long de l’épisode, Maigret est certain qu’il tient son homme. Persuadé que le dentiste a tué sa femme pour son argent et l’empêcher de partir, Maigret renifle, cherche mais ne trouve rien. Alors il s’acharne, il s’obstine, jusqu’à emmener son suspect dans son bureau et se livrer à l’un des meilleurs face à face de la série. Ah ! Ce plan sublime où Maigret, dans son bureau, cherche la pipe qu’il a envie de fumer, prend tout son temps, jusqu’à ce que la caméra se déplace pour nous montrer que Guillaume Serre est là, assis, face à lui, et attend.

Inébranlable, Serre, même fatigué, ne craquera pas, mettant les nerfs du commissaire à rude épreuve. Leurs dialogues sont savoureux, magnifiquement écrits et joués à la perfection. Se retournant alors sur sa mère, Maigret comprendra, à temps, la vérité, sale et triste, comme toujours chez Simenon.

Il faut ainsi saluer la performance des comédiens. Bruno Cremer est solide, stature imposante, voix chaude face à Michael Lonsdale, impérial, pas le moins du monde impressionné par le commissaire le plus célèbre de France. A croire qu’il n’a pas lu les livres et qu’il n’est pas au courant que Maigret fait parler tous ses suspects, ou presque ;-). Lonsdale, immense comédien à la voix douce et aux belles manières, se révèle être un adversaire de choix pour Maigret. Aux questions de celui-ci, il ne répond que par des phrases brèves, ne se livre pas, ne donne aucune information.

Lorsque le commissaire tente de le piéger et de l’entraîner dans des méandres soupçonneux, pour l’amener à parler, Serre «serre» les dents ou remet la conversation sur les rails, surpris que Maigret digresse. Ce jeu du chat et de la souris occupe la dernière partie du métrage et c’est la meilleure. De plus, Lonsdale bénéficie des effets d’une entrée retardée, puisque l’on nous présente d’abord la Grande Perche, gouailleuse, attachante et Madame Serre mère, délicieuse vieille dame, avare, mielleuse et hypocrite (magnifique Renée Faure). 

Les autres comédiens s’en tirent très bien (même s’il était temps que Serge Beauvois laisse sa place de Torrence, il joue encore plus mal que dans Les plaisirs de la nuit et sa coupe de cheveu n’arrange rien) et c’est un plaisir de découvrir l’inspecteur Janvier incarné par Jean-Claude Frissung, qui sera un collaborateur régulier et précieux de cette première période des enquêtes de Maigret. Pierre Baillot fait également sa première apparition (trop brève) en Moers tout comme Anne Bellec en Madame Maigret. Avec son jeu un peu à l’ancienne, cette comédienne discrète va néanmoins s’imposer comme LA madame Maigret de Bruno Cremer, même lorsqu’elle ne sera pas là. 

Le décor de la PJ a gagné en épaisseur, et sent beaucoup moins le carton pâte. La musique ponctue le film, avec finesse et discrétion, la lumière est cette fois-ci fort belle et Goretta filme très bien, efficacement, sans chichi ni gros effets. Il sert la sobriété de son propre scénario (très bien adapté du reste) et son efficacité fonctionne à lui seul, soutenu par ses comédiens irréprochables.

A noter également que Bruno Cremer gagne sa coupe de cheveu « fétiche » de la série. Il y aura encore bien quelques tâtonnements, mais c’est bien sa petite mèche ondulée qui apparait ici pour la première fois qui sera retenue pour la suite (même si, dans les dernières années de sa vie, elle sera plus banale). Curieux toutefois d’avoir choisi de l’affubler de lunettes (qui plus est : horribles !) lors des quelques scènes où il lit des documents (et parfois, d’ailleurs, il ne les a pas dans de telles circonstances).

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Distribution :

  • Michael Lonsdale : Né en 1931, Michael Lonsdale est un comédien Français, ayant des origines anglaises et irlandaises. Son père, anglais, est fait prisonnier par le gouvernement de Vichy au Maroc en 1939 où le jeune Michael découvre le cinéma à Casablanca. Il anime dès 1943 des émissions enfantines à la radio avant que la famille ne retourne en France où il commence à prendre des cours de théâtre. Il se fera connaître au cinéma grâce à Truffaut dans La mariée était en noir et Baisers volés. Dès lors sa carrière se fera internationale, à l’affiche de drame aussi bien que de comédies. Jouant aux côtés de Louis de Funès dans Hibernatus, il joue dans Le Procès d’Orson Wells, le méchant Hugo Drax dans James Bond : Moonraker, un inquiétant père abbé dans Le nom de la rose chez Annaud ou encore un parrain de la pègre dans Munich pour Spielberg. Acteur fétiche de Jean-Pierre Mocky, ce dernier lui a offert quelques uns de ses plus beaux rôles tout au long de leurs neuf collaborations. Catholique engagé, il a monté de nombreux spectacles religieux tout au long de sa longue carrière théâtrale. Il reviendra dans Maigret en 2001 dans Maigret et la croqueuse de diamants.

  • Renée Faure : (1918-2005) Grande comédienne de théâtre, sociétaire de la Comédie Française de 1942 à 1965, elle débute au cinéma dans L’assassinat du Père Noël, film réalisé par Christian Jacques, qu’elle épousera en 1947. Elle se consacre à parti des années 1960 au cinéma et à la télévision : LePrésident avec Gabin, Le juge et l’assassin avec Noiret et Galabru, La petite voleuse, avec Charlotte Gainsbourg, jusqu’à L’inconnu dans la maison avec Belmondo.

  • Claude Goretta : Né en Suisse en 1929, Goretta réalise, outre trois Maigret avec Cremer (Maigret et la grande perche, Les caves du Majestic et Maigret a peur), divers téléfilms et quelques films passés relativement inaperçus, principalement dans les années 70 et 80. Il participe à L’heure Simenon, série d’anthologie de treize épisodes tirés de l’œuvre de Simenon (1987-1988).

  • Anne Bellec : Actrice de télévision (vue récemment dans Joséphine, ange gardien), Anne Bellec est surtout connue pour son rôle de Madame Maigret dans la série. Elle paraît indissociable de la série, alors qu’elle n’y fait que sept apparitions au total, de Maigret à la Grande Perche (1991) à Maigret et l’affaire Saint-Fiacre (1995). Le personnage de Madame Maigret ne sera plus qu’évoqué par Maigret au téléphone lors des épisodes suivants. 

  • Jean-Claude Frissung : Il débute avec Victor Garcia en créant Le Cimetière des voitures de Fernando Arrabal puis travaille durant de nombreuses années au théâtre avec la plupart des centres dramatiques nationaux tout en poursuivant une carrière télévisuelle. Il a participé à huit Maigret, jusqu’à Maigret tend un piège, en 1996. 

  • Pierre Baillot : Acteur de second plan au cinéma comme à la télévision, il ne participe qu’à cinq enquêtes de Maigret dans le rôle de Moers, très épisodiquement, jusqu’à Maigret tend un piège en 1996. 

  • Philippe Fretun : Jouant le rôle de l’inspecteur Boissier (dommage qu’on ne l’ait pas revu par la suite), il était déjà apparu dans un Maigret, aux côtés de Jean Richard dans Maigret et le témoignage de l’enfant de chœur, en 1988, dans le rôle de l’inspecteur Vallin.

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3. MAIGRET CHEZ LES FLAMANDS

Première diffusion : 5 Janvier 1992

D’après Chez les Flamands (1932) - Roman

Scénario et réalisation : Serge Leroy

Interprétation : Alexandra Vandernoot (Anna Peeters), Sabrina Leurquin (Marguerite Van de Weert), Gérard Darier (Machère), Pierre Dherte (Joseph Peeters), Hilde Uitterlinden (Mme Peeters), Olivier Darimont (Gérard Piedboeuf), Gérald Marti (Père Piedboeuf), Raymond Avenière (Dr Van de Weert), Vincent Grass (marinier de l'Etoile-Polaire)

Résumé : Maigret vient en aide aux Peeters, des commerçants flamands fortunés, à Givet, près de la frontière belge. Le fils aîné, Joseph, est accusé du meurtre de Germaine Piedboeuf, une fille du coin à qui il a fait un enfant. Seul problème : il n’y a aucun cadavre et la vindicte populaire menace de s’abattre sur le jeune homme suite au seul témoignage d’un marinier douteux. Maigret tente de mener son enquête avec l’aide de l’inspecteur Machère, responsable de l’enquête.

Critique :

Adaptation un peu terne d’un assez bon roman des « débuts » de Maigret, Chez les Flamands ne convainc qu’à moitié, faute à une intrigue assez inconsistante et à une réalisation sans punch. Dès le début, on sent que l’on va passer un loooooooooong moment devant sa télévision, pour pas grand-chose. Maigret parle peu, comme à son habitude, et lorsqu’il le fait, il bougonne, râle ou est même franchement désagréable. Il ne sourit quasiment jamais et aucune once d’humour ne vient renforcer un propos déprimant. Non pas que cela soit un souci dans l’œuvre de Simenon : une atmosphère pesante, grise, malsaine ou sordide, typique de certains Maigret, ont fourni de très bons épisodes. Mais ici, la sauce ne prend pas. On s’étend trop longuement sur les promenades du commissaire le long du canal (qu’il est long ce canal), dans une lumière grise et peu flatteuse, où rien ne se passe. Les digressions apportées par le marinier rallongent inutilement des séquences déjà pénibles. L’enquête piétine et ne progressera qu’au petit bonheur la chance, au fil de rencontres hasardeuses et improbables.

Certes, les comédiens sont plutôt bons dans l’ensemble, mais leurs personnages ne sont pas forcément consistants, voire ne servent à rien. L’accusé par exemple, dont on se moque très vite du sort ; le frère de la victime, lâche et crétin ou la sœur invisible, qui s’est faite prisonnière d’un couvent toute seule et dont on ne comprend pour laquelle Maigret s'obstine à vouloir rencontrer. 

Autres détails agaçants : Maigret abandonne ici son pardessus et son chapeau, il a bien du mal à allumer sa pipe et maugrée (il ne paraît pas très doué à ce sujet), engueule un inspecteur de police sur lequel il n’a aucune autorité parce qu’il n’a pas d’allumettes (il est simplement odieux dans cette scène), et reste majoritairement désagréable envers tout le monde dans l’épisode, hormis pour Anna Peter. Cette femme le fascine, pour une raison inexplicable. Froide, implacable, on voit mal ce qui peut attirer le commissaire dans ce personnage glacial. Et pourtant, dès le départ, dès les premières scènes du film, à la gare, il fixe son attention sur elle et ne la quitte plus, revenant toujours vers elle. C’est aussi ce qui pêche dans cet épisode, cette certitude d’aller dans une direction toute tracée, bourrée de digression alors que l’évidence était pourtant flagrante. 

La fin de l’épisode est révélatrice à plus d’un titre : montée en dytiques avec la première scène, à la gare, la dernière séquence est un exemple parfait d’ambiguïté. Que devient le personnage d’Ana ? Elle ne prend pas le train avec Maigret pour aller vers Paris, mais paraît en attendre un pour la Belgique. Que devient-elle ? Se livre-t-elle ? Fuit-elle ? Alors que son destin est clairement établi dans le livre, ici, la fin est ouverte et le spectateur est amené à se faire sa propre idée sur elle, ce qui lui a été impossible tout le reste du film car le personnage ne se livre jamais. Même dans sa confession, provoquée pour on ne sait quelle raison (car elle a conservé son sang-froid auparavant), Ana ne se livre pas. Elle avoue un crime, dont on ne comprend guère la motivation (là encore, le roman est plus clair) et finalement, se retire… Ou pas.

Des points positifs cependant, qui justifient ce 2 sur 4 : la très belle séquence du bar où Maigret, menacé d’une arme fait face au frère de la victime et ponctue d’un magistral : « va te coucher ! », le coup de téléphone à Madame Maigret, plein de douceur dans cette histoire dure, l’attendrissement de Maigret devant le bébé de Germaine, sa pudeur et sa détermination face à la mère supérieure du couvent, quelques beaux dialogues et une belle photo pour les scènes d’intérieur, forts réussies. Notons également la musique de Laurent Petit-Gérard, plus fluide, plus mélodieuse que dans le premier épisode et plus discrète aussi. 

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Distribution :

  • Alexandra Vandernoot : née en 1963, Vandernoot est une actrice Belge, issue d’une longue lignée d’artistes. Issue du Conservatoire d’arts dramatiques de Bruxelles, elle est surtout connue pour son rôle dans la série Highlander, qui ne lui offrira pourtant pas de carrière internationale. Elle a surtout tournée pour la télévision (Camping Paradis), jouée au théâtre et au cinéma, s’est fait remarquée plusieurs fois sous la direction de Francis Veber. 

  • Gérard Darier : Auteur dramatique, comédien et metteur en scène, ce touche à tout s’est illustré dans de petits rôles au cinéma, écrit, monté et interprété des spectacles dans le cadre du Festival d’Avignon, s’est fait remarqué dans de nombreuses séries TV (jusqu’à Hero Corp) mais c’est surtout un comédien de doublage renommé (il est en autres la voix française de Paul Giamatti, Steve Buscemi et Stanley Tucci, entre autres).

  • Olivier Darimont : Il a très peu tourné. Il reviendra en 2004 dans Les scrupules de Maigret, du côté de la loi cette fois, dans le rôle de l’inspecteur Lambert. 

  • Vincent Grass : Acteur Belge, issu du Conservatoire, il a surtout œuvré, avec succès, sur les planches. Plus connu pour sa voix, il double par exemple Hugo Weaving dans la trilogie Matrix et il est également la voix off des publicités Meetic

  • Serge Leroy : (1937-1993) Réalisateur français ayant œuvré aussi bien à la télévision qu'au cinéma, on lui doit Attention les enfants regardent avec Delon, Le quatrième pouvoir avec Noiret ou Taxi de nuit avec un certain... Bruno Cremer... On le retrouve également, d'ici deux épisodes, à l'oeuvre sur le, magnifiquement réussi cette fois Maigret et le corps sans tête.

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Anecdotes :

  • Le film a été tourné à Bléharies (Belgique).

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4. MAIGRET ET LA MAISON DU JUGE

Première diffusion : 15 Mars 1992

D’après La maison du juge (1942) – Roman

Scénario : Santiago Amigorena

Réalisation : Bertrand Van Effenterre

Interprétation : Michel Bouquet (le juge Forlacroix), Bruno Wolkowitch (Albert Forlacroix), Karin Viard (Thérèse), Julien Maurel (Marcel Airaud), Eric Thomas (Méjat), Josiane Lévêque (Didine Hulot), Marcel Champel (Justin Hulot), Jean-Claude Bolle-Reddat (le maire), Sandrine Manciet (Lise), Jean-Marie Frin (le juge d'instruction), Fernand Gaillot (le procureur).

Résumé : Maigret, en disgrâce, est nommé commissaire à Luçon où il s’ennuie ferme et passe ses journées à jouer au billard. Une petite vieille, Didine, l’interpelle car son mari aurait vu un cadavre dans la maison du juge Forlacroix, au petit port de l’Aiguillon. Dubitatif, Maigret va tout de même retrouver le mari de Didine, toujours en observation. A la nuit tombée, le Juge Forlacroix traîne un cadavre dans un sac hors de son domicile et Maigret le surprend. Résigné et manifestement soulagé, Forlacroix invite Maigret chez lui pour s’expliquer. En effet, il prétend ne pas connaître l’identité du corps…

Critique :

Un bon cru que cet épisode vendéen (mais tourné en Charente-Maritime), qui profite de décors somptueux, d’une réalisation inspirée et surtout de la présence de Michel Bouquet, onctueux, retors et désarmant à la fois. 

L’épisode débute par un très beau plan, Maigret derrière une fenêtre couverte du ruissellement de la pluie, contemple son propre ennui, les yeux dans le vague, yeux qu’on croirait embués de larmes. Le commissaire est plus que jamais monolithique, inébranlable, impénétrable même, bien déterminé à découvrir la vérité et, dans un premier temps, à mettre en cause le juge que tout accable, en dépit d’une apparente sincérité. Leurs échanges, comme souvent dans le cas de confrontation entre deux personnages forts, sont savoureux et les dialogues un pur régal. C’est d’autant plus vrai lorsque ceux-ci sont servis par des comédiens de ce niveau, des amis de longue date, camarades de conservatoire, qui jouent réellement ensemble. Michel Bouquet, impérial, offre un numéro en retenu, et nous rend sympathique un personnage hautain et guindé qui n’a rien de bien reluisant plus on le découvre. 

Cependant, et c’est là que Simenon sait habilement nous induire en erreur, nous focalisons notre attention sur lui alors qu’il n’est pas le cœur du sujet. Tout est dans le titre : La maison du juge… Ainsi, vers la moitié du métrage, le juge Forlacroix est escamoté (je vous laisse en découvrir la raison, parfaitement écrite et mise en scène), Maigret comprend qu’il s’est trompé et est parti sur une fausse piste et l’enquête reprend, autour de cette maison, de ses occupants et de ses nombreux visiteurs nocturnes, la maison du crime, où tout s’est produit et nous nous dirigeons donc vers la seconde intrigue. 

Si ce basculement est ingénieux, habile, et fidèle au roman, il affaiblit cependant légèrement l’intrigue (là aussi, comme dans l’œuvre originale), car l’éclipse de Michel Bouquet rend le film beaucoup plus fade, tout comme l’absence du juge est préjudiciable au livre. Quel que soit leur talent, les autres comédiens (et leurs personnages) n’ont pas l’envergure d’un Michel Bouquet. Eric Thomas en inspecteur benêt de Maigret en fait trop, Bruno Wolkowitch ne joue pas juste, Daniel Girard n’est pas crédible en Mme Forlacroix et Julien Maurel en fugitif surjoue également. Seules Karin Viard transmet une belle émotion à une Thérèse tiraillée entre son amour pour un homme qui ne la mérite pas et son désir d’aider Maigret ainsi que Josiane Lévêque en petite commère sans qui l’enquête n’aurait eu ni début ni conclusion se détachent du lot. 

La dernière partie, extrêmement fidèle au livre (parfois au mot près), est trop longue, voyant un Maigret user de toutes les ficelles possibles pour faire craquer l’assassin. D’abord plaisant, sympathique, blagueur même, il se fait insidieux, malin, puis furibond, presque violent. Il s’emporte et tout cela ne donne guère de résultats. Ce ne sera qu’avec la confrontation de témoignages accablants et une ultime provocation qu’il parviendra à arrêter son meurtrier. Beau plan à ce moment : fou de rage, le meurtrier se jette sur Maigret qui, nullement impressionné, le rejette d’un gros « coup de patte » avant qu’il ne soit maîtrisé. Une très jolie séquence. 

Dans l’ensemble, l’épisode est donc réussi, certaines séquences sont parmi les plus belles tournées dans un Maigret : la confession de Forlacroix dans son château, parfaitement éclairé ; la confrontation finale ; la dégustation de la mouclade ; les petites touches de tendresse de Maigret vers Thérèse… Mais les quarante dernières minutes trainent un peu en longueur et, une fois de plus, les raisons ayant poussé le meurtrier à agir ne sont pas forcément des plus claires (au contraire du roman) et tout cela agace un peu.

Une parenthèse maritime pour Maigret donc, qui, comme le montre le plan final du film, soulagé, va pouvoir reprendre le chemin du 36 Quai des orfèvres pour un des tous meilleurs épisodes de la série Le corps sans tête.

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Distribution :

  • Michel Bouquet : Né en 1925 à Paris, il suit les cours de Maurice Escande avant d’intégrer le Conservatoire aux côtés de Gérard Philippe. Il débute chez Anouilh avec qui il collaborera de nombreuses années, ainsi qu’avec Jean Vilar puis, plus tard, Eugène Ionesco. Michel Bouquet a grandement marqué le théâtre français, en faisant connaître Pinter, Beckett ou Strindberg. Homme également de cinéma, où il magnifie les rôles de méchants et de salauds magnifiques, il marque dans Monsieur Vincent et dans le rôle de Javert dans Les misérables de Robert Hossein. Il travaille avec les plus grands cinéastes français, de Chabrol à Truffaut. Lauréat de deux Molière et de deux César du meilleur acteur, il a longuement travaillé pour la télévision, aussi bien dans des séries comme Maigret que dans des téléfilms et de nombreuses adaptations télévisuelles de pièces de théâtre. Professeur d’arts dramatiques dès 1977 au Conservatoire, il a marqué toute une génération de comédiens, par sa capacité d’improvisation et sa capacité d’adaptation à n’importe quel rôle, comme le prouvent ses cours enregistrés et sortis sur support CD en 2006. Il n’a, contrairement à une croyance populaire, aucun lien de parenté avec Carole Bouquet. 

  • Karine Viard : Née en 1966 à Rouen, elle fait ses premières armes au théâtre, au cinéma et à la télévision à la fin des années 80 et se fait remarquée dans Tatie Danielle, Délicatessen, la Haine, les Randonneurs ou France Boutique. Elle obtient le César de la meilleure actrice en 2000 pour son rôle dans Hauts les cœurs ! et celui du second rôle en 2003 dans Embrassez qui vous voudrez de Michel Blanc. En 2014, elle incarne une femme sourde dans La famille Bélier, qui rencontre un très grand succès public. 

  • Bruno Wolkowitch : Né en 1961 à Paris, il est principalement connu pour ses rôles réguliers à la télévision dans PJ, Les toqués ou Les hommes de l’ombre. Homme de théâtre également il joue et met en scène de nombreuses pièces, notamment pour Jean-Luc Lagarce. Notons qu’il a fait ses premières armes au cours du Conservatoire national des arts dramatiques de Paris dans la classe d’un certain… Michel Bouquet !

  • Josiane Lévêque : Née en 1943, elle actrice et auteur dramatique, et a travaillé aussi bien pour le cinéma, la télévision que le théâtre. Elle est surtout connue du grand public pour son rôle récurrent de professeur de mathématiques dans la série Madame le Proviseur (2000-2006). Elle est l’une des comédiennes fétiches du cinéaste Jean Marboeuf. 

  • Eric Thomas : Comédien et humoriste, né en 1957, il se fait connaître dans l’émission de FR3 La classe de Guy Lux, et par l’émission Belge Bon Week-end sur RTBF. Il est également auteur et metteur en scène de sketchs et de pièces de théâtre. 

  • Santiago Amigorena : Né en 1962 à Buenos-Aires, c’est un scénariste et réalisateur Argentin ayant surtout travaillé en France, principalement comme scénariste (pour Klapisch ou Loizillon). Il signe en 1993 un autre épisode de Maigret : Les caves du Majestic.

  • Bertrand Van Effenterre : Né en 1946, c’est un cinéaste ayant œuvré principalement à la télévision. En plus d’un autre Maigret : La nuit du carrefour, il a travaillé sur Les Cordier, Sauveur Giordano, Paris enquêtes criminelles et Sœur Thérèse.com

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Anecdotes : 

  • A 1 heure et 29 minutes, Maigret frappe un bureau et sa fameuse mèche de cheveu s’envole un peu, le décoiffant franchement. Au plan suivant, il a clairement été recoiffé. 

  • Ce n’est pas la première fois que Karine Viard et Bruno Wolkowitch se croisent dans l’univers de Maigret. Ils étaient déjà présents, ensemble, dans la série avec Jean Richard, dans L’auberge aux noyés, en 1989.

  • Lorsque le commissaire demande à Didine comment elle connaît son nom, elle lui répond que c’est son mari qui a connu le commissaire, à Concarneau. Référence faite, peut-on supposer, au Chien jaune, un des plus célèbres romans de Maigret se déroulant dans la ville bretonne, mais malheureusement jamais adaptée avec Cremer. Dans les années 2003-2004, le projet était manifestement à l’étude comme le révèle deux interviews révélatrices :

    • Quel est le Maigret que vous rêvez de faire?

    • Sans hésiter: Le chien jaune qui se passe à Concarneau mais cela demande des moyens importants. En France, c'est inimaginable parce que rhabiller un port façon années 50, c'est impayable. On pensait le faire à Cuba. On avait trouvé le port, les paquebots mais, même en hiver, il y fait trop beau. Donc, on cherche un pays froid. On y tournera avec nos acteurs comme si cela se passait en France." (interview d'Eve Vercel en février 2003)

    • "En septembre, je réaliserai aussi mon troisième Maigret Le Chien jaune". (interview de Charles Nemes en mars 2004).

  • Il est vraisemblable que la maladie de l’acteur ait empêché ce beau projet de voir le jour. 

  • Le film se déroule en Vendée mais a été tourné dans plusieurs communes de la Charente-Maritime (Chaillevette, L'Eguille-sur-Seudre, Montagne-sur-Gironde et Saujon).

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5. MAIGRET ET LE CORPS SANS TÊTE

Première diffusion : 11 Septembre 1992

D’après Maigret et le corps sans tête (1955) – Roman

Scénario et réalisation : Serge Leroy

Interprétation : Aurore Clément (Aline Calas), Patrick Floersheim (Dieudonné Pape), Philippe Polet (Lapointe), Gérard Darier (Machère), François-Régis Marchasson (juge Coméliau), Nicolas Tronc (Antoine), Pierre Octave Arrighi (Marboeuf), Pierre Baillot (Moers), Anna Gaylor (la mère d'Antoine), Pierre Maguelon (Bastien Petit Beurre), Eric Métayer (l'employé des chemins de fer), Michel Dussin (le docteur Paul).

Résumé : Canal Saint-Martin, Paris. Les restes dépecés d’un corps sont repêchés. Mais la tête et les mains manquent. Par hasard, Maigret se rend au café du coin pour téléphoner et fait la connaissance de Madame Callas, qui l’intrigue. Apprenant que son mari est absent depuis plusieurs jours pour ses affaires, Maigret, commence à suspecter que le « corps sans tête » comme l’appellent les journaux, ne soit celui de Callas…

Critique :

Attention : Chef d’œuvre !

Et pourtant… Pourtant, comme j’ai détesté cet épisode à ma première vision. J’étais jeune à l’époque, environ dix ans, et je ne connaissais que Sherlock Holmes (avec Jeremy Brett) et Hercule Poirot (avec David Suchet). Des séries à « énigme », et elles étaient ma seule référence. Tout le long du métrage, j’étais fasciné par ce Maigret qui plaisait tant à mon père et ma déception à l’énoncé de la solution (sans démonstration) fut telle devant sa banalité, que je rejetais en bloc cette série et retournais auprès des séries britanniques que je chérissais tant. Le temps passa, je vis d’autres Maigret, que j’appréciais, mais il me fallut de nombreuses années avant de me replonger dans ce mystère du « corps sans tête » et me trouvais très bête devant cette merveille et ne comprenais pas comment j’avais pu passer à côté. A présent, bien sûr, je le sais. Cet épisode reflète à merveille l’ambiance de la série : absence de sensationnel, rigueur psychologique au service d’une intrigue à l’arroche originale mais dont le déroulé n’a rien d’exceptionnel en soit, tellement révélatrice des faiblesses humaines que Simenon aimait explorer. Et à ma première vision, je ne n’étais tout simplement pas prêt. 

Ce film est donc la somptueuse adaptation d’un des tous meilleurs romans de la série des Maigret, sans aucun doute le meilleur épisode de la saison et probablement l’un des tous meilleurs de la série. Une perle, typique des débuts, qui obtenu en son temps un prix au Festival du film policier de Cognac, preuve, s’il en est, de sa réussite. 

Le scénario subit davantage de modifications que dans les épisodes précédents, mais ces changements servent parfaitement l’épisode. Dans le roman, Maigret raconte plusieurs passages qu’il a vécus, sans nous les montrer ou bien nous en offre de brefs compte rendus. Ce procédé, qui peut s’avérer payant en littérature quand il est écrit par un auteur de l’envergure de Simenon, peut en revanche s’avérer particulièrement fatal au cinéma ou à la télévision. Le «show, don’t tell» cher à Hitchcock a été parfaitement compris par Serge Leroy qui met donc en scène ces passages manquants du livre, ce qui agrandit l’intrigue, lui donne de l’ampleur, et met davantage Maigret dans la lumière.

Bruno Cremer justement, plus à l’aise que jamais avec le rôle, se révèle tout en belles nuances, subtil, déployant un jeu sans faille, avec des jeux de regards éloquents, des intonations de voix extraordinaires dans ses interrogatoires serrés, servis par des dialogues aux petits oignons. La réalisation efficace accompagne Maigret au fil de son enquête, plus rigoureuse que d’ordinaire, dans ce « presque » huis-clos où le nombre de suspects est plus que réduit. 

L’histoire pourrait tenir sur un timbre poste, mais le mystère s’épaissit au fur et à mesure que le film progresse. Maigret, tout en force tranquille, tente de comprendre comment un tel crime a pu se commettre, conduisant au dépeçage d’un corps. Peu à peu, le commissaire comprendra les motivations « particulières » derrière ce meurtre, en effeuillant, une à une, les personnalités fortes qui lui font face. D’abord Antoine, l’amant occasionnel, petit gars au fond sympathique, têtu comme une bourrique, décidé à faire face à Maigret, mais peureux et finalement pas bien malin. Dieudonné Pape ensuite, l’amant de cœur, nuancé, mélancolique, qui ne cesse d’intriguer le commissaire. Enfin, Aline Callas, la femme qui ne sourit jamais, aux gestes lents et posés, alcoolique mais qui joue de son vice contre Maigret, pour mieux tenter de le perdre. Dans une économie de mots, comme si parler allait la fatiguer, elle ne fléchit jamais, ne se confiant sur son passé qu’à la toute fin du film. 

Ce trio de personnages louches tourne autour d'un Maigret qui s’obstine à chercher une vérité qui semble toute trouvée aux yeux du juge Coméliau, faisant ici sa première (et unique) apparition. A son propos, j’étais persuadé de l’avoir revu de nombreuses fois dans la série (c’est le cas, mais dans un rôle différent), s’opposant systématiquement à Maigret, borné dans son rôle de « l’ennemi intime » du commissaire comme l’écrivait Simenon. Personnage important de son œuvre (avec ou sans Maigret, il lui est même antérieur en terme d’écriture), il ne reviendra donc pas dans la série mais son fantôme ne cessera de hanter le Parquet. En effet, tous les juges qui lui succéderont (à une seule exception, dans La patience de Maigret), seront fabriqués dans son moule. Coméliau est donc pour la série l’archétype du juge que sa haute fonction inspire, sans imagination, qui saute trop vite aux conclusions, a une certaine tendance à expédier les affaires et écoute Maigret d’une oreille distraite. Et encore, ici, nous pouvons qualifier leurs relations de cordiales ! Les comédiens qui succéderont à F.-R. Marchasson ne lui arriveront cependant jamais à la hauteur – peut-être est-ce d’ailleurs pour cela qu’ils auront des personnages avec des noms différents…

Citer les scènes réussies de cet épisode est une gageure, car aucune n’est ratée. Lumière, musique, réalisation, montage, interprétation : il n’y a rien à redire. Alors cherchons d’abord des séquences plus savoureuses que d’autres. L’échange entre Maigret et le scaphandrier, plein d’humour, alors que ce dernier vient de remonter un cadavre dépecé du canal est délicieux. Le jeu de Maigret avec le chat des Callas, s’il apparaît comme une digression, apporte une légèreté dans une histoire assez lourde. Le grand « Jules », discutant avec la petite Myriam, se révèle tendre et attachant ce qui l’humanise un peu plus. Ce ne sont là que des exemples de scènes apportant leur petit plus à une enquête rigoureuse, à l’histoire implacable et parfaitement huilée.

Que peut-on reprocher à cet épisode alors ? Éventuellement, l’incongruité de la présence de l’inspecteur Machère qui, dans un épisode précédent Maigret chez les Flamands était en poste à la frontière belge et se retrouve ici aux côtés de Maigret et de Lapointe, comme si de rien n’était. Certes, au moment de la diffusion de l'épisode, Maigret et les plaisirs de la nuit et La maison du juge s’étaient intercalés entre les deux, mais ce ne sont pas des raisons suffisantes. Attention, je ne reproche rien à son interprète, Gérard Darier, au contraire, il fait parti des collaborateurs sympathiques de Maigret. Mais qu’il travaille à ses côtés, ici, est parfaitement incohérent.

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Distribution :

  • Aurore Clément : Née en 1945, elle débute comme mannequin (refusant tout maquillage) en 1974, où elle fait la couverture de Elle, la faisant remarquer de Louis Malle qui la fait débuter dans Lacombe Lucien. Travaillant principalement pour le cinéma (où elle devient l’actrice fétiche de Chantal Akerman), elle apparaît aussi bien dans la version longue d’Apocalypse Now (Coppola), Paris, Texas (Wenders) que dans Jet Set. A la télévision, on la remarque dans Zodiaque  et sa suite avec Francis Huster, et monte parfois sur les planches (elle fut nommée aux Molières pour l’adaptation théâtrale de la Dame aux Camélias.

  • Patrick Floersheim : Né en 1944, a œuvré au cinéma, à la télévision et sur les planches, comme comédien et metteur en scène mais il est avant tout comédien de doublage, voix française régulière de Michael Douglas, Jeff Bridges, Ed Harris, Christopher Walken, Geoffrey Rush et Robin Williams (première période) ainsi que de nombreux autres. 

  • François-Régis Marchasson : Né en 1952, ce comédien n’a pratiquement joué qu’à la télévision, dans nombre de séries, policières ou, coïncidence amusante, dans le milieu judiciaire (Navarro, Tribunal, Cas de divorce, Commissaire Moulin, Julie Lescaut, Nestor Burma, etc.) Déjà familier de l’univers de Maigret, pour avoir croisé la route de Jean Richard dans Tempête sur la Manche, il reviendra dans le rôle d’Arnaud dans un autre épisode de la série : Un meurtre de première classe

  • Pierre Maguelon : (1933-2010) Figure fort connu du petit écran, célèbre pour son accent occitan délicieux, il débute en 1954 au cabaret comme auteur et interprète de contes comiques semi improvisés, en particulier au Cheval d’or. A cette occasion, il fait également la première partie de Georges Brassens et devient célèbre et populaire à la télévision dans les Brigades du tigre, dans le rôle de l’inspecteur Marcel Terrasson, rôle pour lequel le public lui gardera une sympathie toute particulière. Alternant les rôles au théâtre, au cinéma et à la télévision, il intervient dans des films aussi célèbres que le Président et le Tatoué (avec Gabin), les Assassins de l’ordre (avec Jacques Brel), Vincent, François, Paul et les autres (avec Montand), Cyrano de Bergerac (avec Depardieu) ou la Gloire de mon père et le Château de ma mère (avec Philippe Caubère).

  • Eric Métayer : Né en 1958, l’humoriste joue ici un petit rôle sympathique, l’employé des chemins de fer. Ancien du cours Florent, il triomphe à de nombreuses reprises sur les planches, dans des registres variés (comédie, policier, drames, etc.) et met en scène de nombreux spectacles. Il est connu pour ses grands talents d’improvisateur. 

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Anecdotes : 

  • Retour de Moers, Lapointe et Machère, mais aucune mention à Madame Maigret.

  • Maigret n’œuvre pas dans son bureau habituel, mais dans un qui semble prêté par le juge.

  • Michel Dussin, intérpétant le Docteur Paul (personnage récurrent des Maigret, mais qui ne reviendra plus dans la série), jouait le rôle de Robert Naud avec Jean Richard, en 1974 dans un certain… Maigret et le corps sans tête…

  • L’épisode a reçu la Mention spéciale du télépolar en 1992.

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6. MAIGRET ET LA NUIT DU CARREFOUR

Première diffusion : 22 Janvier 1993

D’après La nuit du carrefour (1931) – Roman

Scénario : Gildas Bourdet, Alain Tasma

Réalisation : Alain Tasma (et Bertrand Van Effentere)

Interprétation : Sunnyi Melles (Else), Roland Blanche (Victor Kowalski), Johan Leysen (Karl), Solen Jarniou (Gilberte Kowalski), Myriam Boyer (Elyane Michonnet), Henri Courseaux (Roger Michonnet), Philippe Dormoy (inspecteur Colin), Hubert Deschamps (Edmond Kowalski), Jacques Deglas (Mario), Bernard Lincot (inspecteur Dupré), Marc Olinger (le patron de l'auberge), Marie-Anne Lorge (la patronne de l'auberge), Franck Sasonoff (inspecteur Gaubert), Xavier Maly (le docteur), Philippe Noesen (le chirurgien).

Résumé : Maigret interroge sans relâche Karl Von Ritter, un Allemand artiste peintre. Celui-ci a découvert la voiture de son voisin Michonnet au lieu et place de sa propre automobile. En plus, sur la banquette arrière, se trouvait un cadavre, celui d’un certain Van Der Meulen, bijoutier. Au lieu de prévenir la police, il prend la fuite et est arrêté à Pairs. Pour tirer l’affaire au clair, le commissaire se rend sur les lieux de l’affaire : au milieu de nulle part se tient le Carrefour des Veuves, avec le garage et station service des Kowalski, en face de la maison des Michonnet. Cachée dans les bois, le château de Van Ritter où il vit en reclus avec sa sœur. Maigret s’installe dans un hôtel local pour résoudre l’enquête. 

Critique :

Encore un excellent épisode, parfaitement adapté, baignant dans une luminosité crépusculaire et inspirée. Maigret évolue ici au milieu d’une sombre histoire de crapules et de gangsters, où s’entrecroisent des personnages sordides dans un décor hallucinant et authentique. 

Déjà magnifiquement adapté par Jean Renoir en 1932 (un an peine après la sortie du livre !), cet excellent roman trouve une place de choix dans la première « saison » des Maigret de Bruno Cremer. Il s’agit sans aucun doute de l’épisode le plus « policier », avec de véritables scènes d’action pour l’occasion. Attention, cela dit : lorsque j’écris « scènes d’action », rappelons-nous que nous sommes dans un Maigret, pas dans Mission casse-cou ni dans un épisode des Avengers. Pas de cascades endiablées dans des combats au corps à corps. Pas de dérapages en voiture avec crissement de pneus. Non. Mais tout de même, dans une série policière qui est capable dans certains épisodes de pas même montrer une arme, nous assistons ici à de nombreux échanges de coups de feu, à plusieurs reprises dans l’épisode, à des course-poursuites, à des morts en direct et même, plaisir rare, Maigret/Cremer dégaine son arme (prouvant bien qu’il en porte une sur lui) et tire même à l’occasion. 

En effet, l’intrigue bénéficie de nombreux rebondissements, jusqu’à une scène finale haute en couleur, rare chez Maigret, où il réunie tous ses suspects pour l’ultime confrontation. Mais, plus que jamais, nous ne sommes pas dans Hercule Poirot. Il ne s’agit pas de reconstituer un crime ingénieux pour désigner le coupable le plus improbable, mais uniquement de recoller les faits ensemble autour de personnages qui sont tous coupables ! 

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La vérité, ce sombre trafic qui tourne mal, est donc parfaitement démêlée, tournant autour de ce carrefour, personnage à part entière du film, car plaque tournante de l’affaire. Maigret y déambule une carcasse inquiète, d’autant plus que les cadavres pleuvent autour de lui ! Il ne s’évade de ce lieu étrange que lorsqu’il se réfugie dans l’inquiétante demeure des Van Ritter. Savoir que l’endroit utilisé pour le tournage était autrefois une prison, conservant des squelettes d’anciens prisonniers, explique sans doute le sentiment d’oppression qu’il procure. Lugubre, délabrée, cette maison fait froid dans le dos. Pourtant, Maigret y paraît plus à son aise qu’au carrefour.

Est-ce du à la présence d’Else Van Ritter, qui ne le laisse clairement pas indifférent. Ce personnage, tantôt femme-enfant tantôt femme fatale, troublante, joue de ses charmes sans vergogne pour séduire le commissaire, se livrant avec lui à des jeux presque sensuels. Ah ! Cette scène où elle se change derrière un paravent demandant à Maigret de se retourner pour qu’il ne la regarde pas se déshabiller mais se débrouille pour que son reflet soit pile dans l’axe du commissaire… Oui, cette scène est magique. L’officier de police, tout stoïque qu’il est, se laisse aller à la contemplation d’un corps aguichant, de cette femme aux seins lourds, pour laquelle brille dans ses yeux une lueur presque de convoitise…

Quelques petites touches d’humour viennent ponctuer l’intrigue : Maigret et Colin face à un repas douteux au restaurant (le regard dubitatif de Cremer est impayable), la fausse crevaison de Maigret, bien amenée, ainsi que les passages très amusants où l’adjoint de Maigret le surprend en « flagrant délit » pratiquement dans les bras d’Else. 

Côté interprétation, ici encore, du lourd, de l’efficace, pour les rôles principaux. De Roland Blanche en garagiste collant, trop sympathique, ancien boxeur méprisant sa femme à Hubert Deschamps, toujours aussi génial, en passant par Henri Courseaux, parfait en mari lâche et veule, Johan Leysen inquiétant en peintre allemand vicieux et Sunnyi Melles, troublante femme fatale… Tout le monde joue juste, chacun est à la hauteur de son personnage et offre une composition impeccable. 

Côté manques, les faiblesses sont rares : on pourra noter le rôle pas forcément très inspiré de l’inspecteur Colin, celui du médecin appelé à la rescousse de Van Ritter, blessé, un peu en deçà (le rôle est surtout mal écrit), celui du gangster italien assez plat, mais ce ne sont que de petits détails assez mineurs. 

Pour résumer, un grand épisode, brillant quoi que nocturne, une belle réussite avant les décevantes Caves du Majestic

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Informations supplémentaires

  • Roland Blanche : (1943-1999) Spécialiste des rôles de Français moyens, lâches, méprisants, Roland Blanche marque de son jeu inimitable nombre de films, de pièces de théâtre et de téléfilms. Comédien fétiche de Jean-Michel Ribes, qui lui fait jouer ses propres œuvres, Shepard ou Pinter, il reçoit le Molière du meilleur comédien dans un second rôle pour la résistible ascension d’Arturo Ui de Brecht (mise en scène Savary). Bouleversant à la télévision dans Entre terre et mer, on le retrouve deux fois aux côtés de Depardieu et José Dayan dans Balzac et surtout dans le Comte de Monte Christo où il fait montre de tout son talent. Au cinéma, on l’a vu à plusieurs reprises chez Francis Veber, Claude Berri, Yves Boisset, Henri Verneuil ou Jean-Pierre Mocky (qui l’a fait tourner pas moins de sept fois). Comédien capable d’exprimer toutes les émotions, Blanche était capable de passer avec une facilité étonnante du registre comique au dramatique, de la tendresse à l’agressivité et fut l’un des meilleurs comédiens de sa génération, bien trop tôt emporté par une crise cardiaque à l’âge de 55 ans. 

  • Hubert Deschamps : (1923-1998) Acteur français, il débute aux Beaux-arts en 1943 avant de s’engager dans la 2e DB. Après guerre, il s’essaie au cabaret et joue de nombreuses fois sur les planches. Son premier rôle important lui est offert par Louis Malle dans Zazie dans le métro avant de connaître son unique premier rôle dans La gueule ouverte en 1973 (Pialat). Acteur de cinéma et de théâtre jusqu’à sa mort d’une crise cardiaque, il restera un éternel second rôle marquant, en policier professeur de Coluche dans InspecteurLabavure ou assassin torturé de Tendre Poulet.

  • Myriam Boyer : Née en 1948 à Lyon, cette comédienne devienne comédienne par « accident », en se rendant au théâtre suite à une convalescence. Elle débute sous la direction d’Agnès Varda et a joué depuis dans un grand nombre de pièces et de spectacles, alternant les créations tout comme les classiques et obtient par deux fois le Molière de la meilleure comédienne : en 1997 pour Qui a peur de Virginia Wolf (Albee) et en 2008 pour La vie devant soit (Gary). On la voit au cinéma chez Blier, Demy, Mocky, Corneau, Lelouch ou Berri. Elle est la mère de Clovis Cornillac et du metteur en scène Arny Berry.

  • Henri Courseaux : Acteur et chanteur, Henri Courseaux prête également sa voix à nombre de doublages (South Park, Hé Arnold, Bob l’éponge), il œuvre principalement sur les planches : il a fait les beaux jours d’Au théâtre ce soir dans les années 80, alterne les classiques (Shaw, Shakespeare, Feydeau, Labiche, Molière…) et les vaudevilles (il campe un personnage odieux mais savoureux dans Le diamant rose aux côtés de Jacques Balutin, mise en scène de Michel Roux) et apparaît occasionnellement au cinéma et à la télévision. Il crée, irrégulièrement, des shows musicaux et a sorti deux albums. 

  • Philippe Dormoy : Né en 1953, il débute au théâtre amateur avant de passer professionnel dans les années 70 et alterne depuis théâtre, cinéma et télévision (on l’a vu deux fois chez Patrice Leconte, dans Tandem et Monsieur Hire (d’après Simenon !), chez Yves Boisset dans Jean Moulin ou l’Affaire Dominici de Pierre Boutron). Il reviendra dans la série en 2002, plus gradé cette fois, dans le rôle du commissaire Leduc dans Maigret et le fou de Sainte Clotilde.

  • Sunnyi Melles : Actrice allemande née en 1958, on a pu la voir dans Derrick, Tattort et Rex chien flic ou dans le téléfilm Balzac avec Gérard Depardieu. 

  • Johan Leysen : Comédien allemand né en 1950, il tourne aussi bien dans son pays natal qu’en France, à la télévision et au cinéma. On l’a ainsi vu dans Le roi danse, le Pacte des loups, Tykho Moon aussi bien que dans Boulevard du palais, ou Engrenages

  • Gildas Bourdet : Né en 1947, Bourdet est à la fois scénariste, comédien, metteur en scène, dramaturge et directeur de théâtre. Il travaille d’abord dans le nord de la France, puis s’offre un climat plus clément à Marseille puis remonte sur Paris. Auteur d’une dizaine de pièce, il a mis en scène près d’une centaine de pièces et d’opéras. Il est également un artiste peintre. 

  • Alain Tasma : Il débute comme assistant réalisateur pour Truffaut, Godard, Schroeder et Arthur Penn. Il réalise son premier film en 1988 : Jour de vagues avec François Berléand mais ne tournera plus que pour la télévision par la suite (à l’exception d’Ultimatum), principalement sur des téléfilms. 

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Anecdotes : 

  • Maigret appelle pour lui signaler la perte d’un de ses mouchoirs, offert par sa mère, alors qu’il l'a confié à Else Van Ritter !

  • L’épisode fut tourné en mars 1992 au Grand-Duché du Luxembourg.

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7. MAIGRET ET LES CAVES DU MAJESTIC

Première diffusion : 22/01/1993

D’après Les caves du Majestic (1939) – Roman

Scénario : Santiago Amigorena, Claude Goretta

Réalisation : Claude Goretta

Interprétation : Jérôme Deschamps (Prosper Donge), Michel Caccia (Ramuel), Maryvonne Schiltz (Charlotte Donge), Marilù Marini (Gigi), Eric Desmarestz (juge Benneau), Jean-Pierre Gos (Lucas), Jean-Claude Frissung (Janvier), Veronike Ryke (Ellen Darroman), Terence Ford (Michael Clark), Charlotte Maury (Marie Deligeard), Jacques Ciron (directeur du Majestic), Pierre Julien (Monsieur Jean), Pablo Veron (Eusebio), Roger Burckhardt (Jolivet), Michel Cassagne (Gardel), Francis Coffinet (Désiré), Pierre Banderet (patron brasserie), Nicolas Bridel (médecin), Judith Burnett (Mlle Borms), Brian Richards (avocat), Nader Farman (M. Charles), Patten Nigel (interprète), Jean-Marie Daunas (patron du Pélican), Arthur Deschamps (le fils de Prosper)

Résumé : Dans les caves du palace parisien, le Majestic, le responsable de la cafèterie, Prosper Donge, découvre le cadavre d’une femme dans les vestiaires de l’hôtel. Epouse d’un industriel américain en vacances sur Paris, Maigret découvre rapidement que la défunte était Française et avait autrefois été l’amie de Prosper Donge…

Critique :

Une baisse de régime flagrante dans cet épisode, un peu différent des autres. Précisons d’avance, pour écarter toute ambigüité, qu’un Maigret « moyen » de la première période de la série est largement supérieur en qualité à un épisode « moyen » de la troisième et quatrième période (années 2000). Néanmoins, après des réussites comme Le corps sans tête et La nuit du carrefour, force est de constater à quel point l’épisode paraît assez fade en comparaison.

L’intrigue est honnête mais manque de piquant. Elle se déroule sans peine, avec un Maigret très tranquille, qui peine à démêler le vrai du faux et surtout, s’obstine à trouver le petit détail qui, il en est certain, lui manque. Rien ne pousse véritablement Maigret vers la vérité, hormis un certain sens de l’observation, un peu de déduction et beaucoup, beaucoup de chance. Son hypothèse se vérifiera bien, mais qu’elle semble hasardeuse et curieusement amenée. Un simple voyage à Aix-les-Bains et une après-midi passée dans la cuisine du Majestic lui suffisent pour trouver son coupable. Certes, il en parle tout le film, il l’évoque, il s’interroge à son sujet, comme on ressasse une idée, sans mettre le doigt sur ce qui nous gène. 

Et on dirait bien que ce qui gène Maigret, c’est le coupable lui-même. Il ne cessera d’y revenir par de toutes petites touches, sans l’apprécier, en s’en moquant presque, en opposition avec la personnalité de celui que tout accuse, Donge, que Maigret apprécie visiblement beaucoup, lui. C’est avec une opinion presque forgée dirait-on, un parti pris, que Maigret poursuit ses investigations, vers son coupable, jusqu’à l’humiliante confrontation au restaurant. Il piège son coupable, l’accuse, sans aucune preuve. L’homme se tait, baisse la tête, évite les regards : il est donc bien le meurtrier. Le personnage n’avouera d’ailleurs rien, il se contentera d’arborer un petit sourire suffisant, comme s’il savait que Maigret n’a rien contre lui.

Maigret le gifle, pour se soulager l’avoue-t-il lui-même, rare mouvement d’humeur de sa part, exaspéré par ce personnage pourtant insignifiant qu’on nous présente comme un petit génie. Et puis, Maigret, démonstratif, suffisant lui-même, devant l’assemblée de tous les protagonistes de l’affaire (on se demande bien pourquoi tout le monde est là, d’ailleurs), se lance dans une explication générale de toute l’histoire, certain de son fait, sans aucune preuve toujours (oui, j’insiste) et retrace, comme un magicien, l’intégralité du meurtre, de ses motivations à son déroulé et même, à ses ratés. Si une séquence similaire passe dans la Nuit du carrefour, c’est parce qu’il manque des éléments à Maigret, qui émet des hypothèses, pose des questions et se fait confirmer les réponses. Ici, rien de tel : c’est la grande démonstration, pleine d’éloquence mais qui sied fort mal à Maigret. Mais peu importe : il a raison, il arrête donc le coupable, congédie tout le monde et referma la porte de son bureau derrière lui. Fin. Vraiment curieux…

La réalisation, un peu paresseuse, n’aide pas à la manœuvre : trop lente, pas assez rythmée, digressive et au montage trop sage. On alterne de banals champs et contrechamps et ce ne sont pas les alléchants plans sur la cuisine du Majestic qui sauvent l’ensemble : ils ne servent pas à grand-chose, car on ne sent pas réellement Maigret s’imprégner des lieux, comme il le fait d’ordinaire. D’ailleurs, Maigret n’est pas comme d’habitude. Certes, il fait preuve d’une belle empathie pour le suspect et son entourage, mais dès le départ du film, on sent bien qu’il ne sera pas dans son assiette. Bousculé par un client trop pressé de l’hôtel, il laisse tomber sa pipe qui se brise au sol. Dès lors, il arbore un visage particulièrement fatigué, et se traîne dans les décors, sans chapeau ni manteau. Bien sûr, il fait beau, il n’en a donc pas besoin. Mais cette petite trahison au personnage qu’il construit depuis quelques épisodes n’en est pas moins gênante. 

Pourtant, tout n’est pas à jeter dans l’épisode, loin de là. La luminosité est très belle, des clairs obscurs embrumés du petit matin baignant dans un soleil doux à Paris ou dans le train pour Aix aux belles vues du Lac Léman faites de bleu et d’or. Les éclairages intérieurs, tamisés, mettent en valeur les personnages, faits de pleins et de creux, évoquant à l’occasion les tableaux classiques des maîtres flamands. Les scènes se déroulant dans le bureau du juge Benneau par exemples, sont magnifiques, de même que celles du cabaret (tiens, encore des stripteaseuses… Décidément…). 

Quelques séquences savoureuses, brèves, mais véritablement plaisantes : Maigret face à l’odieux responsable de la poste privée, Maigret dormant dans le train, contre une vitre les cheveux aux vents, Maigret forçant une femme à pénétrer dans son compartiment sous l’œil médusé des autres passagers…

La force de l’épisode réside dans son interprétation, comme toujours excellente à cette époque de la série, servie par de très bons dialogues. Jacques Ciron, incarnant le directeur de l’hôtel très embêté mais véritablement serviable, est délicieux. La confrontation entre Maigret/Cremer et Donge/Deschamp dégage une très belle émotion, faite de compréhension, de fraternité et d’amitié. Jérôme Deschamps, dans le drame, est remarquable. L’interrogatoire de Gigi, droguée, perdue, désespérée, où Maigret fait montre d’un véritable abus de faiblesse, est troublante et apporte une autre dimension au personnage, un peu désagréable mais c’est plutôt une bonne idée. La meilleure scène du film est probablement celle où l’Américain Clark, dans le bureau du juge, est furieux contre Maigret qui vient de l’arrêter. D’abord arrogant, pédant, son attitude change peu à peu, et sa physionomie est extraordinaire. Mis devant le fait accompli (sa femme l’a trompé, lui a menti), menottes aux poignets, il sort une cigarette qu’un Maigret, bonhomme, vient lui allumer. La scène, cocasse, offre une belle prestation de comédiens et humanise quelque peu ce personnage froid. La scène finale lui offre d’ailleurs une nouvelle occasion d’étoffer son personnage, belle surprise dans le film. 

Seul notre coupable manque d’envergure, mais ce n’est pas la faute de son interprète : si seulement on lui avait fourni des dialogues un peu consistants, voire des dialogues tout court ! 

Il fait plaisir de retrouver Janvier, mais on ne le voit pas assez, comme toujours. C’est également la première des deux apparitions de Jean-Pierre Gos dans le rôle de l’inspecteur Lucas. Il n’aura guère eu le temps de se distinguer, malheureusement. Ni bon, ni mauvais, il est là. Il ne le serait pas, ce serait un peu pareil.

Au total, il s’agit de l’épisode le plus faible du premier coffret des Maigret/Cremer. Cela dit, Les caves du Majestic n’est pas non plus désagréable à regarder, il procure un petit sentiment de mollesse et de facilité, mais par bien des aspects, il est dans la lignée de la « saison ». 

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Informations supplémentaires :

  • Jérôme Deschamps : Né en 1947, Dechamps est acteur, metteur en scène, auteur dramatique, réalisateur de directeur de théâtre. Neveu d’Hubert Dechamps (vu dans l’épisode précédent) et petit cousin de Jacques Tati (avec qui il collaborera). Avec sa compagne et partenaire Macha Makeieff, il crée en 1993 la compagnie des Deschiens, qui se rendra célèbre sur Canal +. Il interprète et met en scène de nombreuses pièces depuis les années 70, aussi bien des classiques que des créations. 

  • Jacques Ciron : Né en 1927, il devient une figure très populaire du théâtre de boulevard (L'amour foot) et comme second rôle au cinéma (Les Ripoux) grâce à sa voix et à son allure particulière. Grande figure du doublage, il prête sa voix à nombre de dessins animés et comédiens américains tout en continuant d’apparaître régulièrement au cinéma et sur les planches. 

  • Michel Caccia : Acteur français issu du conservatoire et de l’Ecole Robert Hossein de Reims, il joue les classiques au théâtre, des rôles secondaires au cinéma et multiplie les petites apparitions à la télévision. 

  • Marilù Marini : née en 1945, c’est une actrice argentine, ayant principalement travaillée en France. Alternant drame et franche comédie, elle joue principalement pour Alfredo Arias, dans des rôles particulièrement déjantés. Œuvrant quasiment exclusivement sur les planches, elle apparaît à l’occasion dans quelques films indépendants. 

  • Erick Desmarestz : Quelques films au profit de ce comédien prolifique et éclectique (La Zizanie, la Carapate, Rive droite, rive gauche, La 7e cible, Les choristes…) il fréquente deux fois l’univers de Maigret avec Jean Richard (L’amie de Madame Maigret en 1977 et L’affaire Saint Fiacre en 1980) et reviendra, toujours dans le rôle marquant du juge Benneau en 1996 pour Maigret et la tête d’un homme. Notons qu’un de ses tous premiers rôles à la télévision fut en Grande-Bretagne, en 1977, dans le rôle d’Ivan, dans Le Long sommeil : le réveil de l’ours, dans… la deuxième saison des New Avengers

  • Jean-Pierre Gos : Né en 1949 en Suisse, il débute comme dessinateur de presse, et se fait comédien en 1979. On l’a vu au cinéma chez Altman, Besson, Sfar ou Costa Gavras. Chanteur lyrique, il exerce également à l’opéra, dans des mises en scènes de Savary par exemple, et il a également écrit ou adapté plusieurs spectacles. 

  • Terence Ford : Né en 1945, petit frère d’un certain Harrison Ford, il n’a que peu joué la comédie, métier qu’il n’appréciait pas particulièrement et n’a jamais accédé à la même notoriété que son illustre aîné. Cet épisode est d’ailleurs l’un de ses derniers rôles : il s’est en effet retiré du métier en 1997 pour se consacrer avec succès à la photographie.

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Anecdotes : 

  • L’épisode fut tourné en partie à l'Institut Beau-Cèdre de Clarens ainsi qu'au Montreux-Palace, sur les bords du Lac Léman, en Suisse.

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8. MAIGRET SE DÉFEND

Première diffusion : 7 Mai 1993

D’après Maigret se défend (1964) – Roman

Scénario : Gildas Bourdet, Andrzej Kostenko

Réalisation : Andrzej Kostenko

Interprétation : Agnès Soral (Aline), Claude Faraldo (Palmari), Anne Bellec (Mme Maigret), Eric Prat (Torrence), Raoul Delfosse (le directeur de la PJ), Philippe Dujanerand (Dr Mélan), Vincent Martin (Lourtie), Jean-Paul Solal (le préfet de police), Sylvie Laguna (assistante dentiste), Antoine Marin (inspecteur Barnacle), Jean Saudray (le lad), Catherine Hosmalin (la prostituée), Raphaëline Goupillaud (la femme de ménage), Alain Sachs (le prêtre), Sylvie Herbert (la concierge)

Résumé : En pleine nuit, Maigret reçoit à son domicile le coup de téléphone affolée d’une jeune fille, Nicole Prieur. Il la rejoint dans un café où elle lui raconte qu’on a tenté d’abuser d’elle et qu’on lui a volé son sac. Paternaliste, Maigret l’amène dans un hôtel. Le lendemain, Maigret, qui enquête sur une affaire de vols de bijoux, est convoqué dans le bureau du Préfet de police. Nicole Prieur, fille d’un haut fonctionnaire de l’Etat, accuse en effet Maigret d’avoir tenté d’abuser d’elle. Maigret est persuadé que Palmari, l’homme qu’il soupçonne d’être à la tête des vols de bijoux, tente de le mettre en cause. Il poursuit son enquête sur Palmari, tout en essayant de démêler la vérité…

Cet épisode forme un diptyque, à mettre en lien avec La patience de Maigret (épisode 11), auquel il sert de prélude (et bénéficiant de la même équipe technique). Simenon les a écrit coup sur coup et ils forment une belle entité, qu’on aurait aimé voir retranscrite à l’écran telle quelle. Intercaler entre les deux films deux autres épisodes est une curieuse idée, qui n’apporte rien à l’histoire, et au contraire, brouille les pistes. 

Bénéficiant d’une intrigue originale et efficace, Maigret se défend voit un Maigret accusé, mis en cause par sa hiérarchie pour une sombre histoire de mœurs, histoire qui, on s’en doute, ne tient pas debout, mais se trouve bien amenée. En effet, gêné que le commissaire principal de la PJ soit mis en cause, le préfet ne peut suspendre Maigret (il ne dispose d’aucune preuve, ni même d’acte d’accusation) qui se trouve contraint malgré tout de poursuivre ses investigations, dans l’ombre, flanqué de son fidèle Torrence. Le soutien sans faille de Madame Maigret (quel plaisir de retrouver Anne Bellec !) ne sera pas de trop pour aider le commissaire à y voir clair et à ne pas lâcher prise. La scène de sa « mise au vert » est éloquente à bien des propos. 

L’épisode pourrait s’intituler Maigret se trompe s’il n’y en avait pas déjà un. En effet, rarement Maigret aura autant baigné dans l’erreur, comme il le reconnaît lui-même à la fin du film. Persuadé que Palmari, qu’il serre de très près, est derrière ce coup monté, il s’obstine longtemps à ne pas tenir compte des indices qui percent dans le brouillard, lui indiquant une autre direction. Pourtant, il remarque bien des détails curieux chez le dentiste Melland exerçant en face de chez Palmari. Mais comme un chien ne voulant pas lâcher son os, il refuse de voir la vérité jusqu’à ce qu’une opportune lettre anonyme le mette sur la voix. L’effet est un peu facile et on peut regretter ce rebondissement banal mais il fallait bien que Maigret progresse. Enfin intéressé par la personnalité peu banale du dentiste, il va pouvoir découvrir l’origine du coup monté, particulièrement bien troussé. 

Notons beaucoup d’humour dans cet épisode, bien plus que dans les précédents, dans les échanges savoureux entre Torrence (enfin incarné par le trop rare Eric Prat) et Maigret, lorsque Maigret « se heurte » avec un chauffeur mécontent (à noter le gamin qui en profite pour chiper des pommes à l’arrière plan avant de retourner voir ses parents !) ou lorsque ce dernier s’entretient avec le directeur de la PJ (premier de la série, il est magnifiquement interprété par Raoul Delfosse qui ne reviendra qu’une seule fois, dans La patience de Maigret, justement).

Alors, pourquoi refuser au film la note ultime ? Pourquoi l’adhésion n’est-elle pas totale ? La faute en revient à la délocalisation de la série. La 5 ayant fait faillite, Maigret cherche de nouveaux financements et souhaite baisser ses coûts de production. La solution viendra de Prague, en République Tchèque. La ville présente l’avantage de ressembler « à peu près » au Paris des années 50 et tourner en extérieur est beaucoup moins cher. Alors : va pour Prague, où seront par la suite, pratiquement tournés tous les Maigret, y compris les scènes en studio. S’en ressent un décor nouveau, auquel on a parfois du mal à s’habituer, la magnifique capitale tchèque n’étant tout de même pas Paris. Certes, la réalisation gomme les imperfections ; les accessoires, enseignes, plaques de rue évoquent les arrondissements parisiens ;  les très belles lumières embellissent l’image, mais il y a quelque chose de changé à l’écran et cela se voit.

Cela s’entend aussi. En effet, plusieurs comédiens pragois évoluent dans le métrage et ce n’est pas toujours heureux. Ils sont en effet post-synchronisés par des comédiens français et le décalage est flagrant. Ils doublent parfois même plusieurs personnages (à l’instar de Jean-Pierre Moulin, voix «régulière» d'Anthony Hopkins, qui double à la fois le docteur Pardon et un chauffeur de taxi !). Le doublage des acteurs pragois se fera un peu plus heureux par la suite (et encore, pas toujours…) mais ici, le résultat est assez catastrophique. La direction d’acteurs semble également approximative par moment les concernant. 

Si Maigret se défend conclut un peu abruptement ce premier coffret des Maigret, nous terminons par un épisode cependant très honnête, totalement centré sur Maigret, offrant à Bruno Cremer davantage de nuances, face au doute, face à l’incertitude. Un bon cru à voir, et à revoir avec plaisir. 

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Informations supplémentaires

  • Agnès Soral : Actrice franco-suisse, Agnès Soral est née en 1960. Elle débute en remplaçant au pied levé une comédienne dans Voyage avec la drogueet la mort au théâtre en 1976. Ses premiers pas au cinéma sont fort dénudés aux côtés de Jean-Pierre Marielle dans Un moment d’égarement de Claude Berri. Ce rôle d’adolescente topless séduisant le meilleur ami de son père marque le public. Elle retrouve Berri six ans plus tard aux côtés de Coluche dans Tchao Pantin. Elle œuvre ensuite chez Boisset, Poiré, Mocky ou Lelouch sans dédaigner la télévision et retourne à l’occasion sur les planches. Elle est la sœur cadette de l’écrivain polémique et controversé Alain Soral. On la retrouvera avec plaisir dans La patience de Maigret dans le deuxième coffret des Maigret

  • Claude Faraldo : (1936-2008) Acteur, scénariste et réalisateur français d’origine italienne, Faraldo suit le cours Simon avant de fonder la société ArtMédia. Autodidacte, contestataire, libertaire, il met en scène des films très personnels, anarchistes, révolutionnaires. Soutenu par Prévert, ami des acteurs du Café de la Gare, sa carrière aussi atypique que riche est à découvrir. L'histoire avec Palmari, et donc avec Faraldo, trouvera sa conclusion dans La patience de Maigret 

  • Eric Prat : Né en 1956 à Tokyo, Prat est surtout connu pour son rôle dans Maigret. Au cinéma, on l’a vu dans Tatie Danielle, Scout toujours, le Pacte des Loups et il est le savoureux patron de Dujardin dans OSS 117 : Le Caire, nid d’espions. Homme de théâtre, il est l’époux d’Arielle Boulin-Prat, la consultante Des chiffres et des lettres

  • Philippe du Janerand : Né en 1959, il est le fils du peinte Daniel du Jannerand. Outre le rôle du huileux dentiste de cet épisode, on l’a remarqué dans un grand nombre de seconds rôles au cinéma (le premier client, dans Taxi : c’est lui !) ainsi qu’à la télévision.

  • Raoul Delfosse : (1924-2009) Grand comédien de cinéma, il a travaillé pour les plus grands (Welles, Verneuil, Oury, Frankenheimer, Christian Jacques, Bunuel) et joué beaucoup de classiques au théâtre (Shakespeare, Vian, Musset, Shaw). 

  • Andrzej Kostenko : Né en 1936 à Lódz en Pologne, il débute comme directeur de la photographie, où il fait ses premières armes. Il sera tour à tour chef opérateur, scénariste, acteur et réalisateur. Outre un épisode de Novaceck, il a surtout tourné des épisodes de séries télévisées polonaises.  

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Anecdotes :

  • Après Maigret et la grande perche, nous retrouvons ici encore un dentiste en meurtrier. Simenon avait-il une « dent » contre cette branche du corps médical ?

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Volume 2Volume 4

Maigret (Bruno Cremer)

Volume 3


PRÉSENTATION VOLUME 3

Un troisième coffret rempli de grands épisodes, des classiques. S’il augure d’abord mal avec des épisodes très moyens, il conclue pourtant parfaitement le second contrat de Bruno Cremer. Fin de la première « grande époque » des Maigret, la série s’apprête à prendre ensuite une autre direction.

Pas mal d’exotisme ici, on voyage beaucoup dans ce coffret, en France (Bretagne, Normandie, Allier), à l’étranger (Belgique, Finlande) et seul un épisode se déroule à Paris. Ces voyages offrent des enquêtes un peu différentes des précédentes : plus légères, plus aériennes. Mais la conclusion nous ramène au roman « noir » le plus pur avec un des plus grands épisodes.

Une interprétation toujours aussi solide, une réalisation excellente, bref, du grand Maigret. 

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1. MAIGRET ET LA VIEILLE DAME

Première diffusion : 17 mars 1995

D’après Maigret et la vieille dame (1949) – Roman

Scénario : Catherine Ramberg, David Delrieux

Réalisation : David Delrieux

Interprétation : Odette Laure (Valentine), Béatrice Agenin (Arlette), Bernard Freyd (Charles), Olivier Cruveiller (Castaing), Philippe Morier-Genoud (Théo), André Chaumeau (Homère), Pierre Cassignard (Henri), Philippe Beglia (Charlie), Annie Jouzier (Mimi), Alain Rimoux (le directeur de la PJ)

Résumé : Valentine Besson vient trouver Maigret pour lui expliquer que sa bonne, Rose, est morte empoisonnée à sa place. Le député Charles Bessons, beau-fils de Valentine, se débrouille pour que Maigret soit chargé officiellement de l'enquête. Le commissaire s’insinue alors dans la vie de Valentine et fouille le passé de la famille Besson, de son entourage ainsi que celui de ses domestiques. Il découvre des personnages hétéroclites, détestant tous la vieille dame, de sa fille volage à son second beau-fils apprenti écrivain ou Homère, le taiseux jardinier de Valentine.

Critique :

C’est sur un épisode bien fade que s’ouvre le troisième coffret des Maigret, bien qu’en termes de production il se situât environ au milieu du contrat de Bruno Cremer. Faute à de nombreux défauts et maladresses, qui plombent allègrement le ton, le rythme et la saveur du métrage. 

Premier écueil : le scénario. Il est difficile de se passionner pour cette histoire de vieille dame que l’on a tenté d’assassiner. L’intrigue est bourrée de clichés : la vieille femme est insupportable, tout le monde la déteste, mais pourquoi, au fond la tuer ? Aucun mobile apparent, des circonvolutions scénaristiques pour nous faire croire à d’invraisemblables coïncidences : bref, rien qui ne retient l’attention. On ne se passionne guère pour cette enquête au fil de promenades interminables et de déjeuners savoureux. Maigret progresse avec une lenteur particulièrement exaspérante ici, faute à des dialogues percutants. Rarement ces échanges auront été aussi insipides et exaspérèrent longs. Il ne ressort rien de ces scènes, si ce n’est une impression d’ennui. Quant au final, rocambolesque, il survient comme un cheveu sur la soupe et c’est presqu’un coup de chance que Maigret soit là pour procéder aux arrestations.

Second problème : la réalisation. Aucun rythme, pas de composition, des mouvements de caméra inutiles, et un mauvais éclairage. Pour un épisode non-parisien, on aurait espéré une valorisation des décors, une exposition des lieux procurant une atmosphère à l’épisode. Les meilleurs Maigret magnifient leurs décors, que ce soit dans le flamboyant ou dans le sordide. Mais ici, pas moyen de ressentir quelque chose, aucune appropriation émotionnelle des lieux. Ceux-ci demeurent quelconques et donc sans intérêt. Et ce ne sont pas les quelques déambulations de Maigret dans les rues qui y changeront quelque chose. On se demande où est Etretat, si fortement retranscrit par Simenon dans le roman.

Troisième égarement de l’épisode, et non des moindres : la distribution. Nous ne le répéterons jamais assez, la force des Maigret réside en grande partie dans la confrontation du commissaire avec une figure d’envergure, la plupart du temps un brillant adversaire. Ce n’est pas le cas dans Maigret et la vieille dame. Cette dernière n’a rien d’exceptionnel. Odette Laure ne joue pas très bien, et son personnage est insupportable tout le film. Maniérée et dotée d’une voix haut perchée agaçante, elle ne suscite qu’irritation : difficile dans ces conditions de compatir à son malheur et de s’intéresser à l’enquête à son sujet.

Plus l’épisode avance, plus on en vient à détester ce personnage et ce n’est pas le final qui nous donnera tort. Le reste de la distribution n’est pas mieux loti. L’inspecteur Castaing n’a aucun charisme (Rendez nous Torrence ! Rendez nous Janvier !), Bernard Freyd sort un banal numéro d’homme politique soucieux d’éviter le scandale dans son interprétation de Charles Besson, et les autres personnages sonnent faux. Théo n’exprime rien que du vide, Homère est lui aussi pénible, et Pierre Cassignard, dans le rôle d’Henri, joue tout simplement mal. Seule Béatrice Agenin donne le ton juste en interprétant Arlette, une femme détestant sa mère, adorant son mari, mais ne pouvant s’empêcher de se jeter au cou de tous les hommes qu’elle croise pour donner un semblant de sens à son existence. Le personnage est très « simenonien », parfaitement interprété mais n’empêche pas l’épisode d’être raté.

Au total : Un épisode long et sans saveur, dont on comprend mal qu’il ait retenu l’intérêt des producteurs. Oubliable. 

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Distribution :

  • Odette Laure : (1917-2004) Comédienne française, elle a surtout joué au théâtre et à la télévision. On l’a vu à de nombreuses reprises dans Au théâtre ce soir, La brune que voilà, Le mari, la femme et la mort, Joyeuses Pâques et dans plusieurs séries comme Les dames de cœur, Julien Fontanes magistrat, Madame et ses flics et Entre terre et mer.

  • Béatrice Agenin : Née en 1950, cette comédienne intègre la Comédie Française en 1974 et la quitte en 1984. Partenaire de Jean-Paul Belmondo dans Cyrano de Bergerac, Kean et La dame de chez Maxims, elle joue également à la télévision (Une famille formidable) et est également comédienne de doublage (elle a ainsi prêtée sa voix à Sharon Stone, Rebecca de Mornay ou Melanie Griffith). Elle met également en scène des créations théâtrales.

  • Bernard Freyd : Né en 1939, ce touche à tout joue aussi bien pour le théâtre, la télévision que le cinéma. Sur les planches il interprète aussi bien Courteline, Beaumarchais, Marivaux, Ionesco, Labiche que Molière. Il joue au cinéma pour Berri, Verneuil, Lelouch, et dans de nombreux téléfilms. Il reviendra dans la série dans Maigret chez le ministre.

  • Philippe Morier-Genoud : Né en 1944, on a pu le voir dans Au revoir les enfants, Cyrano de Bergerac et plus récemment dans Kaamelott ; Il prête sa voix à César dans Astérix et le domaine des dieux d’Alexandre Astier.

  • André Chaumeau : (1924-2013) Comédien de cinéma et de télévision, il enchaînera pendant 50 ans des petits rôles sans jamais sortir de l’anonymat. Il a joué en 1980 aux côtés de Jean Richard dans Maigret et le charretier de la Providence.

  • Catherine Ramberg : Outre plusieurs épisodes de Maigret, elle écrit pour la télévision de nombreux téléfilms et a collaboré à l’écriture du film La source des femmes en 2011.

  • David Delrieux : Scénariste et réalisateur français, il tourne des téléfilms et des épisodes de série depuis les années 80. On lui doit notamment la saga de l’été La prophétie d’Avignon.

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2. MAIGRET ET LA VENTE A LA BOUGIE

Première diffusion : 16 juin 1995

D’après Vente à la bougie (1939) – Nouvelle

Scénario : Pierre Granier Deferre, Dominique Roulet

Réalisation : Pierre Granier Deferre

Interprétation : Etienne Chicot (Fred), Daniel Gélin (Nicolas), Michèle Moretti (Juliette), Pierre Forest (Groult), Frédéric Pierrot (Canut), Gilles Treton (Gentil), Margot Abascal (Thérèse), Lionel Astier (docteur Breton), Henri Lambert (Borchain), Stéphane Boucher (inspecteur Claudel)

Résumé : Terriblement grippé, Maigret est coincé dans une auberge de Vendée, une nuit pluvieuse. Venu issu pour faire parler un ancien criminel repenti afin qu’il dénonce ses anciens complices, le commissaire est pratiquement le témoin d’un meurtre crapuleux commis dans l’établissement. Maigret fait boucler l’auberge et, tantôt de son lit, tantôt d’un fauteuil de la salle commune, il commence à reconstituer la nuit du crime. Les clients de l’auberge étaient venus assister à une vente aux enchères, dite « vente à la bougie », afin d’acquérir une maison du village, où serait caché un trésor datant de la Seconde Guerre Mondiale…

Critique :

Premier épisode adapté d’une nouvelle et non d’un roman de Simenon et donc un gros changement dans la production. Dorénavant, les scénaristes prendront davantage de liberté avec les Maigret et pas toujours pour le meilleur, comme nous le constatons ici.

Faire d’une nouvelle un long métrage appelle à bon nombre de changements et de développements absents de l’histoire originelle. Celle-ci est ici largement développée par de longs dialogues et comporte deux intrigues. La première, celle de l’assassinat de Borchain, occupe la majeure partie du métrage, mais ne recèle guère de surprise ou d’objet d’attention. La seconde, assez brève et diluée dans la première, concerne l’extorsion d’informations que tente Maigret sur Fred, patron de l’auberge, ancien malfrat. Est-ce parce que la complicité entre les deux acteurs est visible qu’elle apparaît comme mieux réussie, en dépit de son caractère d’intrigue de second plan ?

Le film souffre d’un défaut qui aurait du faire sa force : le huis clos. L’histoire ne quitte jamais l’auberge, se déroule exclusivement en intérieur, sur une longue journée d’enquête. L’idée de boucler le commissaire et ses suspects en un lieu unique, sans échappatoire possible, était plutôt bonne. Mais l’exploitation qui en est faite est catastrophique : les personnages ne se livrent jamais, n’évoluent pas, l’affaire piétine en d’inutiles mouvements de caméras ne créant aucun rythme dans une affaire dont on se moque éperdument. Il nous semble assister à une interminable séance de théâtre filmé dans ce qu’il a de plus terne et de plus fade. La mise en scène, sans éclat, paresseuse, ne permet jamais d’accrocher le regard sur un élément original.

Maigret avance, bonhomme, au petit bonheur la chance, avec un cerveau d’abord embrumé de fièvre (justifiant sa lenteur à démêler le vrai du faux), puis avec son instinct coutumier, jusqu’à confondre les criminels avec une aisance de magicien. Aucune preuve à l’appui, juste un vague soupçon que le commissaire transforme en certitude et des suspects qui craquent, comme trop fréquemment dans les mauvaises histoires policières, juste parce que Maigret les regarde avec trop d’insistance.

L’un des éléments les plus dommageables de l’épisode est que nous ne retrouvons aucun élément familier de Maigret : malade, il range sa pipe. Il téléphone à Madame Maigret, mais on aurait préféré qu’elle soit à ses côtés. Les inspecteurs réguliers ne sont pas là, le Quai des Orfèvres nous manque, de même que l’odeur du bistrot et le fricandeau à l’oseille.

Les digressions concernant l’ensemble des personnages ne font que rallonger une sauce bien trop claire pour qu’elle puisse prendre. Rien n’aide à renforcer l’intérêt du spectateur. Entre le douanier timide persuadé que sa fiancée est une oie blanche, cette dernière qui fricote avec tout ce qui bouge, les joueurs de cartes mous, indolents et peu bavards, vraiment rien ne surnage dans ces sous-intrigues. Pas d’antagoniste d’envergure, pas d’adversaire à la mesure de Maigret. C’est le mort, finalement, qui semble le plus intéressant, dans les rares scènes intéressantes du film : les reconstitutions.

Le film souffre également d’une distribution largement en deçà des standards auxquels la série nous avait habitué jusque là. Daniel Gélin en est un parfait exemple : sous-employé dans un rôle uniquement comique, il disparaît très vite et nous laisse guère de souvenir. Il est dommage qu’un comédien de son acabit soit à ce point limité dans son jeu. On aurait apprécié que sa participation à la série soit digne de ceux qui l’ont précédé (Lonsdale, Yanne, Bouquet, etc.) et seuls Etienne Chicot, dans son numéro de repenti, tire son épingle du jeu à l’occasion ainsi que Lionel Astier lors de ses rares apparitions (amusant de déjà deviner Léodagan de Carmélide sous les traits du docteur Breton).

Cette vente à la bougie apparaît donc comme une curieuse parenthèse dans la série, un épisode un peu à part, hors du temps, et sans grand intérêt. 

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Distribution :

  • Etienne Chicot : Né en 1949, cet acteur, scénariste et compositeur suit le Cour Simon dans les années 70 avant de rejoindre le TNP en 1971. Au cinéma, il coécrit le scénario du Plein de super, dont il signe également la partition. Il participe à l’opéra rock Gomina de William Sheller, ce qui lui permet d’intégrer Starmania en 1979 où il interprète le milliardaire Zéro Janvier, qui le rend célèbre.  Au cinéma il brille dans Après la pluie, Hôtel des Amériques, Gomez & Tavarès ou Da Vinci Code. A la télévision, il apparaît aussi bien dans Commissaire Moulin, Navarro, Médecins de nuit ou Nicolas Le Floch.

  • Daniel Gélin : (1921-2002) C’est aux cours de Réné Simon, à Paris, que Daniel Gélin découvre sa vocation de comédien. Se tournant sur les conseils de son maître vers les rôles dramatiques, il entre au Conservatoire où il fait la connaissance de Louis Jouvet. Il côtoie Maria Casarès et Jacques Charron. Ami de Louis de Funès, il permet à ce dernier d’obtenir ses premiers succès au cinéma (La tentation de Barbizon, 1945) et de Funès lui en sera toujours reconnaissant (il appelait Daniel Gélin : « ma chance »).  Jeune premier ténébreux dans les années 50, il reste une des figures les plus attachantes du cinéma français tout au long de sa carrière, y compris vers la fin de sa vie dans des rôles de vieillards au grand cœur. Il joue au théâtre pendant cinq décennies (Molière, Cocteau, Sagan, Sartre, Anouilh, Brisville), et tourne pour les plus grands au cinéma (Guitry, Costa-Gavras, Delanoy, Gaspard-Hui, Chabrol, Duras, Oury, de Broca, Mocky). Il était apparu dans le rôle du clochard dans Maigret et le clochard avec Jean Richard en 1982 et dans un grand nombre de téléfilms et de séries télévisées.

  • Michèle Moretti : Née en 1940. La comédienne évolue aussi bien à la télévision (Merci les enfants vont bien, Navarro, l’Instit), au cinéma (Lelouch, Leroi, Téchiné, Bourdon, Jaoui) et occasionnellement au théâtre.

  • Lionel Astier : Né en 1953, ce comédien de théâtre, de télévision et de cinéma, est une figure régulière du petit écran depuis les années 70, où on le retrouve dans des rôles de méchants et de bourgeois. Il n’apparaît qu’occasionnellement au cinéma mais écrit, et en scène et interprète nombre de pièces de théâtre (Mort d’un critique, Vestido de luxe, Mayonesa, Le fou, la dame et les esprits). Il se rend célèbre et populaire pour le grand public dans son rôle de Léodagan de Carmélide dans la série Kaamelott en 2004, série créée, écrite, mise en scène et interprétée par son fils, Alexandre et à laquelle participe toute sa famille (ses femmes et ex-femmes, son second fils Simon, sa belle fille, ses petits-enfants, etc. ) Il triomphe dans son adaptation de Pouic-Pouic  pendant trois ans.

  • Pierre Granier Deferre : (1927-2007) Réalisateur de cinéma principalement, il fait partie de ceux qui s’opposent à la Nouvelle vague dans les années 60. Célèbre dans les années 70 pour ses films engagés (La Horse, le Chat, la Veuve Couderc, la Cage, Adieu poulet, le Toubib), ses films passent davantage inaperçus par la suite sans jamais cesser de tourner. Il se reconvertit à la télévision dans les années 90 (trois Maigret à son actif, l’enfant de chœur, la fenêtre ouverte) puis uniquement comme scénariste : il écrit en particulier dix épisodes de Maigret jusqu’à la fin de la série. Son fils, Denys Granier-Deferre participe également à la série (réalisant Maigret chez les riches)

  • Dominique Roulet : (1949-2009) Auteur de romans, il écrit pour le cinéma (Canicule, Poulet au vinaigre, Inspecteur Lavardin, Room service), et pour la télévision (en plus de huit Maigret, on lui doit des scénarios de Commissaire Moulin et sept épisodes des Cordiers, juge et flic).

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3. LES VACANCES DE MAIGRET

Première diffusion : 9 septembre 1995

D’après Les vacances de Maigret (1947) – Roman

Scénario : Pierre Joassin, Catherine Ramberg

Réalisation : Pierre Joassin

Interprétation : Alain Doutey (Dr Delaunay), Anne Bellec (Mme Maigret), Ronny Coutteure (commissaire Mansuy), Catherine Aymerie (Odette Delaunay), Christine Divito (Liliane Godreau), Vincent Grass (Francis), Yolande Moreau (Madame Popineau), Pierre Laroche (le juge de Folletier), Etienne Draber (M. Lourceau), Dominique Mac Avoy (Mme Lourceau), Jeanine Godinas (la mère supérieure), Yvette Merlin (Mademoiselle Rinquet), Valérie Coton (Soeur Marie des Anges), Mireille Bailly (Olga), Gil Lagay (Duffieux), André Simon (Pinchard), Alice de Visscher (Claudine)

Résumé : Le couple Maigret est en vacances en Belgique, chez les Lourceaux, la famille de Madame Maigret. Cette dernière est victime d’une grave crise d’appendicite et doit être opérée d’urgence. Dans sa chambre d’hôpital, une jeune femme dans un état grave ne cesse de gémir. Le soir, Maigret découvre dans la poche de sa veste un mot griffonné l’enjoignant de s’intéresser à la jeune fille. Celle-ci, belle-sœur du Docteur Delaunay, le praticien ayant opéré Madame Maigret, est tombée de la voiture du médecin alors qu’elle roulait. Maigret commence à s’intéresser de près au Docteur Delaunay que toute la ville désigne comme coupable.

Critique :

Le niveau remonte avec cet épisode de belle facture, tourné en Belgique (communes de Bouillon, Marche-en-Famenne et La Roche), doté d’une solide distribution et d’une histoire assez originale.

L’adaptation délocalise l’intrigue de la Vendée à la Belgique pour une coproduction avec la RTBF et c’est une excellente idée. Le pays est magnifiquement photographié, dans ce froid hivernal, entre ses brumes et ses forêts montagneuses. Outre un changement dans le nom d’un des protagonistes (Bellamy devient Delaunay), le scénario suit assez fidèlement le livre, un des meilleurs de son auteur et l’enquête officieuse de Maigret n’en a que plus de poids.

Suivant son instinct coutumier, le commissaire s’intéresse donc de près à la belle-sœur du Docteur Delaunay, à la fois pour tromper son ennui mais également par curiosité, sentant sans doute instinctivement que quelque chose ne va pas. Evidemment, son flair habituel ne le trompe pas et c’est avec délicatesse, en marchant sur des œufs, l’air de rien, qu’il va remonter le fil ténu de la vérité. Une vérité toute simple, comme il se doit dans un Maigret , mais particulièrement bien amenée, avec son lot de révélations, d’enquêtes, d’investigations, de surprises aussi et de retournements de situation. Hésitant tout d’abord à qualifier cette affaire « d’enquête pour tentative de meurtre », ne voulant pas voir en Delaunay un coupable de prime abord, c’est la personnalité du médecin qui, peu à peu, l’amène vers la solution.

La personnalité de Delaunay énerve sans aucun doute Maigret et lui met la puce à l’oreille. Notable local, ami des plus hauts fonctionnaires de l’Etat, l’homme prétend n’avoir rien à cacher, ouvrant sa demeure à un commissaire français, sans aucun mandat officiel. Cette attitude pousse d’instinct Maigret à le soupçonner. Lorsqu’une adolescente, que Maigret a vu s’enfuir de chez Delaunay, est retrouvée morte au bord d’un canal, ce soupçon se mue en certitude. Dès lors, il s’acharne, avec beaucoup de subtilité cependant, à coincer son coupable. Mais Delaunay, en dépit de l’évident talent de son interprète Alain Doutey, manque un peu d’envergure, de charisme et de panache. Faute à des dialogues sans doute trop sages entre lui et Maigret, une attitude amicale sans être mielleuse et leurs affrontements n’ont pas le punch suffisant pour marquer durablement l’attention.

Les relations entretenues par Maigret avec le commissaire Mansuy, impeccablement interprété par le regretté Rony Coutteure, sont en revanche des plus délectables. Le policier Belge est d’abord ravi de faire découvrir « sa » police à son homologue français. Puis, suite à la mort de l’adolescente, son attitude se mue en hostilité sourde à l’égard de Maigret et il en vient presque à supplier de partir de lui foutre la paix. Finalement, convaincu malgré lui de la culpabilité du médecin, il se range, à contrecœur, à l’avis de Maigret. L’homme, presqu’un notable lui-même, n’arrive pas à se résigner à « emmerder » ces personnes qu’il estime intouchables. Mais sa foi en la vérité le rachète totalement et l’on sent que Maigret éprouve une grande sympathie pour lui.

Madame Maigret est ici développée comme jamais dans la série, mais son éclipse finale est regrettable. Personnage extrêmement attachant et jouée avec une justesse rare par Anne Bellec, il est navrant que les scénaristes ne l’aient pas davantage exploité. Le reste de la distribution se révèle à la hauteur, solide, et bien dirigé.

La réalisation est de bonne facture, quoiqu’extrêmement classique. Les quelques scènes tournées en caméra épaule sont ratées, comme à leur habitude, ce style ne convenant absolument pas à la série, bien plus à l’aise dans les longs travellings sur rails ou les mouvements de grande ampleur filmés à l’aide d’une grue. Quelques longueurs ou allers et retours sont à regretter vers la fin du film et ralentissent un peu trop le rythme. Reste cependant une belle image, un peu grise, des décors magnifiques et une musique discrète, rehaussant simplement les scènes sans en faire trop. Quelques scènes très drôles sont à noter, en plus de celles de Ronny Coutteure, notamment celle où Maigret redonne son clairon au clochard en cellule et où il s’esclaffe au son de l’instrument.

Un beau Maigret, intelligent et fin.

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Distribution :

  • Alain Doutey : Né en 1944 à Paris, il suit les cours de Jean-Laurent Cochet et se consacre longuement au cinéma (chez Lamoureux, Oury, Korber, Tachella, Chabrol, Polanski, Lelouch, Baroux) mais surtout à la télévision, apparaissant dans nombre de séries et de feuilletons (le Vent des moissons, la Dame de Berlin, Orages d’été, les Grandes marées, les Yeux d’Hélène, Belle époque) et de téléfilms. Il était déjà apparu dans l’univers de Maigret aux côtés de Jean Richard, en 1984 dans la Nuit du carrefour)

  • Ronny Coutteure : (1951-2000) Comédien, réalisateur et metteur en scène Belge, il écrit et interprète de nombreux one-man show. C’est en France, principalement dans le Nord, qu’il travaille au théâtre. Comédien sympathique, chaleureux et populaire, il défend ardemment la culture et le patrimoine du Nord de la France. Il écrit une pièce, Arlequin au pays noir et met en scène Eden et London. Célèbre pour son rôle du serveur dans la série Palace qu’il avait créé dans Merci, Bernard. Il acquiert une renommée internationale en incarnant Rémy Beaudouin, le compagnon d’arme belge d’un certain Indiana Jones dans Les aventures du jeune Indiana Jones. Il crée au théâtre l’opéra les Contes d’un buveur de bière, et donnait des cours de « biérologie » dans estaminet-théâtre. Il se suicide par pendaison le 21 juin 2000, sans laisser d’explications derrière lui.

  • Vincent Grass : Déjà vu dans Maigret chez les Flamands, ce comédien Belge, né en 1949, doublera la voix de Bruno Cremer dans l’ultime épisode de la série, Maigret et l’étoile du Nord, Cremer, très malade, n’ayant pu lui-même postsynchroniser sa voix.

  • Yolande Moreau : Née en 1953 à Bruxelles, cette comédienne et réalisatrice Belge débute dans des spectacles pour enfants avant d’écrire un premier one-woman-show, Sale affaire : du sexe au crime, et débute au cinéma pour Agnès Varda. Rejoignant la troupe de Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff dont elle devient un des piliers, elle se fait connaître du grand public avec le spectacle des Deschiens. Elle réalise son premier film en 2004 : Quand la mer monte, pour lequel elle remporte le César du meilleur premier film et le César de la meilleure actrice. Elle en remporte un second en 2008 pour Séraphine.

  • Pierre Laroche : (1931-2014) Comédien, réalisateur et scénariste belge, il fut professeur au conservatoire de Bruxelles. Il reçoit un Eve du théâtre pour sa mise en scène de Timide au palais. En 2007, il participe au téléfilm L’affaire Sacha Guitry.

  • Etienne Draber : Acteur français, il est lauréat du Conservatoire et travaille notamment avec Jean-Louis Barrault. Abonné aux seconds rôles pour le cinéma, on le voit aussi bien chez Schulman, Zidi, Malle, Chabrol ou Leconte. Visage familier du public, il joue dans de nombreuses séries à succès (Le miel et les abeilles, Les Garçons de la Plage, La Crim’, Plus belle la vie) et de nombreuses pièces de théâtre (Anouilh, Molière, Lamoureux, Joffo, Goldoni).

  • Pierre Joassin : Réalisateur belge né en 1948 à Amay, il réalise son premier film en 1987, Gros cœurs, avec Bernard Le Coq, Fanny Cottençon et Rony Coutteure. Il œuvre surtout à la télévision (Les Cordiers, Sauveur Giordan) et est revenu à deux reprises dans la série pour Maigret et l’inspecteur Cadavre et Les scrupules de Maigret

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4. MAIGRET A PEUR

Première diffusion : 1er Novembre 1996

D’après Maigret a peur (1953) – Roman

Scénario et réalisation : Claude Goretta

Interprétation : Jean-Paul Roussillon (Julien Chabot), Didier Flamand (Alain Vernoux), Raymond Gérôme (Hubert Vernoux), Maurice Aufair (Féron), Jean-Michel Noirey (Chabiron), Gilles Gaston-Dreyfus (Chalus), Lara Guirao (Louise), Leyla Aubert (Lucile Vernoux), Pierre Ruegg (Arsène, le maître d'hôtel), Aladin Reibel (Lomel), Yvette Merlin (la mère de Chabot)

Résumé : Revenant d’un congrès de criminologie, Maigret rend visite à un vieil ami juge d’instruction, résidant à Fontenay-Le-Comte, une petite ville de province. Interpellé dans le train par un notable, Hubert Vernoux, celui-ci  le pense en visite pour l’affaire des crimes en série agitant Fontenay. A peine arrivé sur place, un troisième crime est commis. La population s’est déjà trouvé un coupable : les Vernoux. Embarrassé de gêner son ami le juge Chabot, Maigret prend peur que l’affaire ne dégénère…

Critique :

Voici un Maigret « noir », l’un des plus sombres de toute la série et sans aucun doute le meilleur du genre. Baignant dans une atmosphère aussi crépusculaire que poisseuse, une luminosité faite de grisaille, de pluie et d’éclairages nocturnes,  Maigret a peur est une merveille de mécanique policière, utilisant le thème bien connu du tueur en série, mais maniant ce dernier d’une main de maître, impeccablement écrit, tourné et interprété. Les coups de théâtre et retournements de situation sont particulièrement bien amenés, au fil d’un rythme plus soutenu qu’à l’ordinaire.

L’intrigue tourne exclusivement autour de passants, sauvagement agressés et tués, de nuit, dans cette ville de province inondée de pluie. L’opinion publique désigne un coupable : les Vernoux, notables désargentés et probablement dégénérés. Maigret s’intéresse à deux personnalités : le docteur Alain Vernoux et son père, croisé dans le train, le chef de famille Hubert Vernoux. Le premier, médecin qui n’exerce pas, s’intéresse à la psychiatrie. Etrange, bizarre, les yeux exorbités, son comportement étrange intrigue Maigret et l’inquiète. Le second, huileux, hautain, typique de la noblesse décadente, intéresse également Maigret, sans qu’il n’y voie matière à crime. Confronté aux crainte de son ami le juge Chabot, Maigret repense à cet étrange personnage, interprété d’une main de maître par Raymond Gérôme, et tente de s’en faire une opinion tandis qu’un nouveau crime est commis.

Dès lors, la personnalité des très curieux membres de cette famille ne va cesser de hanter le commissaire, qui prend peur, comme l’indique le titre de l’épisode, peur que quelque chose de vraiment grave et d’horrible ne survienne. Craintes justifiées, car les cadavres pleuvent sur Fontenay. Il faudra tout le flair de Maigret, toute sa patience, et surtout son humanité pour comprendre, sur le tard, ce qui s’est réellement passé. C’est sa compassion qui amène le commissaire sur le sinueux chemin de la vérité.

Pour mieux nous égarer, la mise en scène utilise nombre d’artifices ingénieux et rares dans la série. Ainsi, lorsque Maigret tente de visualiser dans le docteur Vernoux un coupable, celui-ci brandit devant lui un couteau, l’air dément, le regard halluciné, et la scène reprend son court. Ce bref instant nous fait pénétrer dans la psyché et l’imagination du commissaire. Si l’effet peut paraître grotesque de prime abord, il s’inscrit dans une démonstration de Grand-Guignol, qui imprègne l’épisode, le faisant suinter de sordide, sans tomber dans l’excès.

Le scénario nous présente un Maigret tout en nuances, en rondeur, mais également en porte à faux par rapport à son ami Chabot. Il ne veut pas de cette affaire, mais ne peut laisser son ancien camarade d’école seul face à une enquête aussi trouble. Il s’y plonge donc, malgré lui, ennuyé, inquiet, effrayé. Bruno Cremer nous transmet cette tension avec beaucoup de talent, plus en forme que jamais.

Le reste de la distribution est impeccable, une fois de plus. Raymond Gérôme, impérial, est aussi à l’aise dans les scènes le présentant comme un grand notable, que dans celles, encore plus belles, où tout son désespoir se fait jour. Jean-Paul Roussillon est délicieux, subtil, tout en nuances dans son rôle de juge d’instruction et ami de Maigret. Quant à Didier Flamand, il incarne avec brio le difficile rôle du docteur Vernoux, personnage à la psychologie complexe. Les seconds rôles ne sont pas en reste et évoluent dans les magnifiques décors de Seyssel, Belley et Saint-Rambert (Ain).

Le final, époustouflant, est l’un des tous meilleurs de la série. 

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Distribution :

  • Jean-Paul Roussillon : (1931-2009) Acteur et metteur en scène français, il obtient en 1951 un premier prix de comédie classique au conservatoire ce qui lui permet immédiatement d’intégrer la Comédie-Française où il incarnera 115 rôles et signera 31 mises en scène. Hors Comédie-Française, il joue Anouilh, Pinget, Duras, Achard et Tchekov à de très nombreuses reprises, jusqu’à sa mort. Il joue dans une centaine de films et de téléfilms, prêtant sa voix unique et son jeu tout en subtilités pour des séries (Novaceck) ou des films à succès (Week-end à Zuydcoote, Twist again à Moscou, La Fille de l’air, On connaît la chanson, Une hirondelle a fait le printemps). En 1987, aux côtés de Jean Richard, il apparaît dans Un échec de Maigret. Il était titulaire de trois Molières du comédien et d’un César du meilleur acteur dans un second rôle.

  • Didier Flamand : Né en 1947. Il écrit et réalise La Vis, film qui obtient le César du meilleur court métrage en 1993 et fut nommé aux Oscars en 1994. Comédien, auteur et metteur en scène, il écrit cinq spectacles et œuvre sur les planches mais surtout à la télévision et au cinéma. Eternel second rôle, il a travaillé pour Bunuel, Duras, Enrico, Cayatte, Wenders, Balasko, Timsit, Klapisch ou Bouchitey. A la télévision, on a pu l’apprécier dans Imogène, Alice Nevers, le juge est une femme, Julie Lescaut, Les belles-sœurs, une chance de trop, Stavisky l’escroc du siècle.

  • Raymond Gérôme : (1920-2002) Acteur belge, il débute au théâtre national de Bruxelles, dont il assurera la direction artistique jusqu’en 1952. En 1954, il s’installe à Paris et sa carrière prend un nouvel essor en côtoyant et en travaillant avec les plus grands noms du théâtre et du cinéma français. Grand metteur en scène, il travaille à la Comédie-Française, au Gymnase, à la Madeleine et au théâtre Montparnasse. Il travaille avec Danielle Darrieux, Pierre Brasseur, Paul Meurisse, Jean-Pierre Aumont pour le théâtre. Au cinéma, on le voit dans Le cerveau, La princesse de Clèves, l’Affaire des poisons et pour la télévision dans de nombreux téléfilms (Les cinq dernières minutes, Lagardère, l’Affaire Seznec). Il est Sherlock Holmes dans Le chien des Baskerville pour Au théâtre ce soir. Il participe à l’opéra de Salvador Dali Être Dieu et prête sa voix si caractéristique à de nombreux dessins animés : Pocahontas, Fievel au Far West, etc. Austère, distingué, flegmatique, il a marqué toute une génération de spectateurs et de comédiens.

  • Maurice Aufair : Né en 1932, ce comédien suisse étudie au Conservatoire de Genève. Il interprète de nombreux rôles pour théâtre radiophonique. Il a joué sous la direction de Jean Vilar, Jean-Paul Roussillon et a joué de nombreux rôles pour la télévision (Docteur Sylvestre, L’heure Simenon) et a prêté sa voix à l’ours Paddington. Il fut également professeur de diction à Genève.

  • Jean-Michel Noirey : Comédien français, il obtient le premier prix du Cours Simon et débute sa carrière dans les années 80 il est à la fois meneur de troupes pour l’Eden Théâtre, il écrit et met en scène des spectacles (La Saison des Blessures), travaille pour le cinéma (Pécas, Giovanni, Chabrol, Blier, Tavernier), la télévision (Boulevard du palais, Une femme d’honneur, Chez Maupassant, Nicolas Le Floch, Commissaire Magellan) et dans la musique en écrivant et interprétant de nombreux spectacles musicaux. Il a également sorti quatre albums. On a pu le voir à trois reprises dans les Maigret avec Jean Richard (Maigret se trompe, Maigret à Vichy, La caves du Majestic).

  • Gilles Gaston-Dreyfus : Comédien français, il se fait connaître aux côtés d’Edouard Baer sur Canal+ dans Centre de visionnage. Au cinéma, il tourne pour Boisset, Pinoteau, Tavernier, Dupontel ou Ridley Scott. A la télévision, on le voit dans Louis Page, Navarro, Central Nuit, Le juge est une femme ou Le retour d’Arsène Lupin mais aussi au théâtre. 

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5. MAIGRET ET L’AFFAIRE SAINT-FIACRE

Première diffusion : 26 octobre 1995

D’après L’affaire Saint-Fiacre (1932) – Roman

Scénario : Alexandre et Denys de la Patellière

Réalisation : Denys de la Patellière

Interprétation : Anne Bellec (Mme Maigret), Jacques Spiesser (le comte), Pierre Gerard (Jean Metayer), Jacques Giraud (le père Gauthier), Nicolas Moreau (Emile Gauthier), Claude Winter (la comtesse), Maria Verdi (Marie Tatin), Arno Chevrier (le prêtre), Jacques Sereys (le médecin)

Résumé : Maigret retourne à Saint-Fiacre, le village de son enfance, pour empêcher un possible meurtre. La Comtesse de Saint-Fiacre, que Maigret a bien connu enfant, meurt d’une crise cardiaque pendant l’office du dimanche, sous les yeux de Maigret, après avoir ouvert son missel de messe…

Critique :

Curieuse adaptation que cette Affaire Saint-Fiacre. De belles promesses, des possibilités, du potentiel, mais cela n’aboutit pas à grand-chose.

Ce roman célère de Simenon a tout pour plaire et il se lit plaisamment. Maigret revient sur les pas de son enfance, perturbé par une menace sourde qui pèse sur la famille de Saint-Fiacre. C’est pour ces comtes que le père du commissaire était régisseur et le petit Jules a donc vécu toute son enfance au château où il aurait du prendre ensuite la place de son père. Finalement entré dans la police, c’est avec des petits pas précieux et anxieux qu’il se rend sur les lieux d’un « possible » crime, qui finit par se produire, d’une façon inattendue et originale.

Il est agréable de voir Maigret prendre autant de précautions avec ces gens, lui qui n’a d’ordinaire que faire des notables. Mais ceux-ci représentent autre chose pour Maigret : seuls liens avec son passé, il conserve une grande déférence par rapport à ce monde qui le fascinait enfant et qu’il avait sans doute idéalisé. Ce cocon familial se fissure peu à peu, s’effrite et s’effondre par plaques. Les Saint-Fiacre restent pour lui les Saint-Fiacre. « Monsieur le Comte »… Il ne parvient pas à l’appeler autrement. C’est d’ailleurs ce que lui reproche son épouse : sa subjectivité à l’égard de ces gens qu’il ne peut voir en coupable, en particulier son suspect principal : le Comte, éternel enfant de cinq ans aux yeux du commissaire. Celui-ci se comporte étrangement, comme retombé en enfance et en admiration devant ce monde fascinant. L’intrigue est ici fidèlement restituée et se suit sans déplaisir particulier.

Mais c’est sans doute là que le bât blesse : on n’éprouve pas non plus vraiment de plaisir à regarder le film. Le scénario s’étire parfois en longueurs ou digressions curieuses. Pourquoi, par exemple, Maigret n’enquête-t-il pas plus avant sur le témoignage du petit garçon qui vient lui confesser savoir qui a volé le missel de la Comtesse ? Pourquoi Maigret, s’il est effectivement ému et troublé par son retour à Saint-Fiacre, s’obstine-t-il à ne pas agir en professionnel ? Il se charge lui-même d’une enquête qui, au fond, ne le concerne pas et n’a rien d’officiel. L’idée n’est guère originale et dure bien trop longtemps. 

Pas de rebondissement, pas de coup de théâtre, pas de coup d’éclat, hormis le final, très fidèle au roman. Trop peut-être, car cet aspect grandiloquent du livre n’est pas du meilleur effet et paraît quelque peu déplacé dans un métrage ne laissant guère de place à la fantaisie. On se croirait furieusement dans un Agatha Christie, ce qui ne fonctionne pas ici. De même, la musique, dramatique à souhait, est tout à coup bien trop présente en comparaison à son absence presque continue dans le reste du film.

Côté technique, l’image est passée, veillotte, comme sortie d’un film des années 70. La luminosité, très grise dans les extérieurs reflète bien l’atmosphère hivernale mais n’apporte pas de plus-value à la pellicule. Quant aux effets verts des scènes à la bougie, elle révèle un manque de compétence flagrant. Peu de relief, peu de jeux d’ombres, les décors se révèlent plats (en dépit de leur beauté intrinsèque) et les personnages ne sont pas mis en valeur. Une réalisation très plate, sage, molle même, ne porte aucun rythme et seul le talent indéniable des acteurs principaux nous empêche de sombrer dans l’ennui.

Notons donc les magnifiques performances des comédiens. Jacques Spiesser en tête, magnifique en Comte de Saint-Fiacre décadent, conscient de sa propre déchéance et incapable de l’inverser. Il lui reste cependant encore assez de lustre de la grandeur perdue des Saint-Fiacre pour avoir belle allure. Sa performance dans l’ultime confrontation finale est un régal pour les yeux et une véritable leçon de comédie. Jacques Sereys, trop peu présent, incarne un vieux médecin cynique, désabusé, mais toujours amoureux fou d’une morte. Son phrasé incisif siffle dans ses quelques dialogues avec le commissaire comme des claques.

Un épisode un peu trop lent, un peu trop passéiste. Mais sauvé par de bons comédiens et un scénario assez bien ficelé. 

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Distribution :

  • Jacques Spiesser : Né en 1947, ce comédien français suit des cours au conservatoire avant de débuter au cinéma en 1972. Il tourne pour les plus grands réalisateurs français (Resnais, Companez, Losey, Annaud, Costa-Gavras, Boisset), aussi bien dans des films grands publics que pour des films d’auteur. Il joue sur les planches les classiques, principalement dans des mise-en-scènes de Francis Huster. Il est reconnu pour son talent à la télévision dans les adaptations des romans de Fred Vargas les enquêtes du commissaire Adamsberg, dans le très savoureux rôle de l’adjoint du commissaire : érudit, raffiné, il prête sa bonhommie au rôle de Danglard. Plus récemment, il est l’interprète principal de sa propre série : Commissaire Magellan. Fin et subtil, capable d’exprimer beaucoup de fêlures et d’émotion à des personnages d’apparence lisse mais dissimulant bien plus de complexité.

  • Jacques Sereys : Né en 1928, Jacques Sereys débute dans la banque, à Marseille, où il fréquente les notables locaux où il s’attira la sympathie de tout le personnel, par son attitude très théâtrale en permanence et les tirades qu’il décline. Il monte finalement à Paris où il rencontre son épouse la comédienne Philippine Pascal et entre au conservatoire. En 1955, dès la fin de ses études, il intègre la Comédie-Française qu’il n’a plus quitté depuis (hormis une éclipse de 1965 à 1977). Il n’a pratiquement pas joué au cinéma. Mais, à la télévision, on a pu l’applaudir cependant dans  une dizaine de représentations d’Au théâtre ce soir. Il incarne pourtant l’un de ses premiers rôles principaux en 2015, dans le rôle de Louis XIV dans de docu-fiction Secrets d’histoire : Louis XIV, l’homme et le roi. C’est véritablement au théâtre que Sereys se rend célèbre, en interprétant les classiques (Molière, Montherlant, Corneille, Feydeau, Castelot, Guitry, Brecht, Shakespeare), sous la direction des plus grands metteur-en-scènes (Roussillon, Roux, Charon, Savary, Cochet, Dux, Manuel) et il s’est lui-même essayé plusieurs fois à l’exercice. Il est également l’auteur de plusieurs pièces de théâtre dans des adaptations d’œuvres de Proust, Daudet, Guitry et Cocteau.

  • Jacques Giraud : Acteur principalement de théâtre, Jacques Giraud était déjà apparu dans la série dans Maigret et la grande perche, dans le petit rôle d’un patron de café auvergnat et avec Jean Richard en 1972 dans Le port des brumes et Pietr-Le-Leton.

  • Claude Winter : (1931-2011) Comédienne française, née en Chine, membre de la Comédie-Française, elle en assure l’administration par intérim suite au décès soudain de Jean Le Poulain pendant deux mois et demi. Elle fut membre de la Comédie-Française de 1953 à sa mort où elle a joué Dostoïevski, Rostand, Renard, Tchekhov, Feydeau, Miller, Pinter. Elle prête sa voix au personnage de Lady dans le premier doublage de La belle et le clochard et doubla Elizabeth Taylor, ou Janet Leight dans les années 50 et 60.

  • Maria Verdi : Née en 1969 en Belgique, après un passage au Conservatoire, elle se rend populaire sur TF1 dans la saga de l’été 1995 Sandra : Princesse rebelle. On l’a surtout vu à la télévision : dans Le pantalon d’Yves Boisset, Les vacances de l’amour, Julie Lescaut, Commissaire Moulin et Un village français. Elle tient un rôle régulier depuis 2010 dans Nicolas Le Floch.

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Anecdotes :

  • Anne Bellec fait ici sa dernière apparition dans le rôle de Madame Maigret, que son époux appelle pour la seule et unique fois de la série par son prénom : Louise. Au total, elle est apparue sept fois dans la série. Elle ne sera plus que vaguement évoquée par la suite, Maigret lui passant un tendre coup de téléphone dans presque tous les épisodes.

  • Il s’agit de l’ultime réalisation de Denys de la Patellière qui a pris sa retraite à la suite de cet épisode.

  • L’affaire Saint-Fiacre avait fait l’objet d’une adaptation cinéma remarquée, en 1959, avec Jean Gabin et réalisée par Jean Delanoy. 

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6. MAIGRET ET LE PORT DES BRUMES

Première diffusion : 2 février 1996

D’après Le port des brumes (1932) – Roman

Scénario : Guy-Patrick Sainderichin

Réalisation : Charles Nemes

Interprétation : Jean-Claude Dauphin (Grandmaison), Jeanne Marine (Julie), Jean-Marie Cornille (Verduret), Luc Thullier (Grand Louis), Delphine Rich (Hélène Grandmaison), Frédéric Van Den Driessche (Martineau), Albert Delpy (le capitaine du port), Patrick Bordier (Lannec), Rod Goodall (Joris), Rémy Roubakha (l'éclusier), Charles Nemes (le médecin)

Résumé : Un amnésique est retrouvé, errant, dans les rues de Paris. Muet, il porte une perruque sur un crane lisse  où une blessure par balle a été parfaitement soignée. Maigret publie son portrait dans les journaux et sa bonne le reconnaît. Il s’agit d’Yves Jorris, capitaine de port, en Bretagne. L’homme avait disparu depuis cinq semaines. Maigret le ramène chez lui et cherche à en savoir plus sur lui mais l’homme meurt le lendemain, empoisonné à la strychnine. Maigret s’intéresse alors à l’étrange manège auquel semble se livrer un bateau de pêche où officie Grand Louis, le frère de la bonne…

Critique :

Blanc, gris et hanté de brume comme son nom l’indique, cet épisode, fort bien troussé, place Maigret au bord de la mer, comme Simenon aimait souvent à situer les enquêtes de son commissaire. Une évasion supplémentaire de Paris, un peu « d’exotisme » en quelque sorte, dans ce monde du silence. Un beau roman de Simenon, dense, typique de sa première période et de l’avant-guerre, son adaptation respecte à la fois l’œuvre originale et s’autorise quelques modifications.

Dans cette affaire, les témoins sont particulièrement récalcitrants et la vérité ne sera extirpée qu’au forceps. Simple, comme toujours, elle apparaît pourtant comme alambiquée et compliquée par des circonvolutions et digressions pas toujours très utiles. Multiplication des intrigues, surabondance de personnages, grand nombre de décors (belle exploitation de l’Irlande), on se perd parfois à suivre les déambulations de Maigret au milieu des nappes de brouillard dans lequel nous sommes maintenus. Le scénario nous égare sur une première affaire qui n’a finalement qu’un lointain lien avec ce qui se révélera comme la véritable enquête de Maigret, impliquant le plus grand notable de la ville.

A cet égard, Bruno Cremer joue curieusement dans ce film. La faute, a priori, à une direction d’acteur étrange, chargeant le commissaire d’une mission : être désagréable. Agaçant, colérique, il s’acharne ainsi sur son inspecteur, pour passer ses nerfs semble-t-il. Plus on lui résiste, plus il devient furibond. Si découvrir cette facette du personnage est intéressante, elle n’est pas forcément bien amenée, brutalement exposée et sans motif apparent. Mais cela nous offre quelques très belles scènes. Les confrontations avec son suspect Grand Louis, impeccablement interprété par Luc Thulier, sont fortes, intenses et pleines d’une violence latente et inhabituelle pour la série. D’autres séquences, très drôles cette fois-ci, entre Maigret et son inspecteur, sont un croustillant contrepoint à une atmosphère pesante et allègent le sujet. 

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Nous tentons de suivre les méandres sinueux de ce port des brumes, magnifiquement reconstitué et qui incarne à lui seul un personnage à part entière. Le décor est magnifique et superbement filmé. Maigret se confronte à ce port comme au maire de la ville et comme à Grand Louis. Cet ensemble de « personnages », taiseux, affronte un Maigret obstiné, patient et même malicieux. Cette affrontement ira jusqu’à offrir l’une des scènes les plus marquantes et les plus drôles de la série : Maigret attaqué et assommé se retrouve ligoté et bâillonné à une bite d’amarrage. Découvert au matin par un passant, ce dernier hésite avant de le libérer. Il faut voir Bruno Cremer éructer sur l’homme avant d’opter pour la gentillesse afin d’obtenir gain de cause.

La distribution est, dans l’ensemble, de belle qualité. Quelques figurants irlandais sont, comme d’ordinaire, mal doublés. Mais les deux rôles féminins s’opposent parfaitement, les marins du port sont parfaits dans leur vareuse et seul Jean-Claude Dauphin, dans le rôle du maire Grandmaison, est un peu en-deçà des autres acteurs. Monolithique, figé, il s’exprime d’une voix monocorde très lassante et ne retient finalement pas l’attention.

La réalisation est très belle et intéressante, proposant des séquences jusque là inédites dans un Maigret. La composition des plans est originale, les angles de vue choisis sont davantage étudiés et travaillés que d’ordinaire, les effets de lumière léchés et variés. La musique, discrète, ponctue principalement les scènes nocturnes comme dans la belle scène de planque dans le port.

En dépit de quelques défauts, l’épisode est globalement réussi : si l’intrigue est inutilement complexe, la mise en scène est accrocheuse et servie par de bons comédiens et fait passer un bon moment de télévision. 

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Distribution :

  • Jean-Claude Dauphin : Né en 1948, ce comédien de cinéma et de télévision se fait remarquer en 1968 dans Adolphe ou l’Age tendre et le rend célèbre.  Il joue plusieurs fois aux côtés de Claude Jade, Annie Girardot et Philippe Noiret. Voix off de nombreux documentaires français, on le voit surtout à l’heure actuelle dans des téléfilms. Il était déjà apparu dans l’univers de Maigret, en 1975, dans La folle de Maigret.

  • Luc Thullier : Né en 1964, il joue au cinéma des petits rôles depuis le milieu des années 80 et des personnages de plus grande envergure pour la télévision : Le juge est une femme, Les Cordier, Dolmen, Les Bleus. 

  • Delphine Rich : Née en 1961, cette comédienne est la fille de Claude et Catherine Rich. Elle débute au théâtre en 1972 et on la verra principalement à la télévision : Les Cinq dernières minutes, Les Cœurs brulés, Une femme d’honneur, Les Bœuf-carottes, Orages, Boulevard du Palais, Candice Renoir.

  • Frédéric Van Den Driessche : Né en 1956, cet acteur français est principalement connu pour son rôle récurrent de Louis Page, qui a fait les beaux jours de France 2 dans les années 2000. Comédien de doublage, il est la voix « officielle » de Liam Neeson, Javier Bardem et Vin Diesel.

  • Albert Delpy : Né en 1941 à Saïgon, il est le père de Julie Delpy et a notamment joué son père dans les deux films qu’elle a réalisé (Two Days in Paris et Two Days in New-York). Auparavant, il tourne pour les plus grands (Verneuil, Mocky, Polanski, Deray, Poiré, Leconte, Lelouch) et est apparu dans un très grand nombre de téléfilms et séries (Médecin de nuit, Julie Lescaut, Le Comte de Monte-Cristo).

  • Charles Nemes : Né en 1951, ce réalisateur français, proche de l’équipe du Splendid, écrit et réalise son premier film, Les héros n’ont pas froids aux oreilles en compagnie de Gérard Jugnot. Si le film est un succès, ses réalisations suivantes seront plus confidentielles. Après avoir dirigé Eric et Ramzy dans H durant quatre saisons, il renoue avec le succès en les dirigeants à nouveau dans La tour Montparnasse infernale. Il tourne le second volet cinématographique de Caméra Café en 2009. Il a également écrit quatre romans. Il ne reviendra que tardivement dans Maigret, en 2004 et 2005, pour L’Ombre chinoise, Les petits cochons sans queue et il réalisera l’ultime épisode de la série : Maigret et l’Etoile du nord.

  • Guy-Patrick Sainderichin : Né en 1950, ce scénariste français débute comme simple technicien de cinéma et de télévision en tant que caméraman. Journaliste et critique de théâtre et de télévision, il officie notamment pour Les cahiers du cinéma. Il écrit la première saison d’Engrenages et écrit plusieurs scénarios de série policière (outre Maigret, on lui doit des Navarro, Section de recherches, Le juge est une femme) et des téléfilms. Il apparaît au cinéma sous la direction d’Olivier Assayas.

Anecdotes :

  • Le réalisateur, Charles Nemes, fait une petite apparition dans le film dans le rôle cynique et désabusé d’un médecin.

  • L’épisode, tourné en Irlande, reconstitue à la perfection un port de pêche breton des années 50 en France. 

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7. MAIGRET EN FINLANDE

Première diffusion : 27 septembre 1996

D’après Un crime en Hollande (1931) – Roman

Scénario : Bernard Marié

Réalisation : Pekka Parikka

Interprétation : Robin Renucci (Jean Duclos), Timo Torikka (Ari), Sara Paavolainen (Elisa Porola), Jonna Järnefelt (Anita Kari), Irina Björklund (Leena Liikanen), Esko Nikkari (Liikanen), Jukka-Pekka Palo (Konrad Porola), Peter Franzen (Leo), Aarno Sulkanen (Norppa)

Résumé : Finlande. Le professeur Duclos, criminologue, est accusé d’avoir tué un homme. Il demande l’assistance de la police française et on lui envoie Maigret. Ce dernier collabore à nouveau, et avec plaisir, avec l’inspecteur Ari, officiellement chargé de l’enquête. Malgré l’attitude désagréable du suspect, le commissaire tente de faire la vérité sur cette affaire, bien plus complexe qu’il y paraît. S’y mêle argent, vengeance, femmes et manipulations.

Critique :

Retour en Finlande pour Maigret et quel plaisir ! Habillement transposée des Pays-Bas du roman à la Finlande coproductrice de la série, cet épisode est une belle réussite.

Profitant d’une intrigue plus complexe que d’ordinaire, c’est une véritable histoire policière qui nous est proposée. Une mécanique à la Agatha Christie se met en place dès l’introduction des personnages. Présentés un par un au cours d’une belle scène d’exposition, en caméra épaule réussie pour une fois, de multiples tensions apparaissent en quelques minutes. La mort d’un coureur de jupons avéré n’est pas une surprise mais voir un obscur criminologue accourir sur les lieux du crime, une arme à la main, renverse la vapeur. Pourquoi Diable aurait-il commis ce crime ? Ce ne sont pas les mobiles qui manquent… Sauf pour lui ! C’est là que toute la sagacité de Maigret, particulièrement bien secondé par le toujours agréable inspecteur Ari, sera mise à rude épreuve.

Le crime lui-même, ingénieusement conçu, implacable, est une belle trouvaille. On comprend mieux l’obstination de Maigret à se rendre dans cette salle de bains trois fois dans le film. Mais le mobile du meurtre, s’il apparaît évident à l’explication finale – quelle belle scène entre Maigret et Ari ! – n’est pourtant pas si évident au premier abord. Car entre les affaires d’argent, d’amour, de sexe, de contrebande, de jalousie et de haine, il n’est pas simple de se faire une opinion. Mais qu’importe, car le spectateur n’est jamais perdu malgré la multiplicité des personnages, grâce à des dialogues subtils, parfaitement écrits et mis en scène et grâce somme toute à la logique des événements mis bout à bout. La solution apparaît implacable, limpide et triste, comme souvent chez Maigret

On se régale à suivre le commissaire dans cette Finlande campagnarde. Les producteurs ont eu la bonne idée de ne pas réutiliser Helsinki déjà vu dans Maigret et le fantôme, mais plutôt la province. Les maisons de bois et de brique, les canaux, les bistros et le charmant petit hôtel du crime. Le réalisateur du cru, Pekka Parikka, sublime son pays et n’oublie pas son intrigue. Le film est tourné fréquemment en caméra-épaule sans que l’image ne tressaute, bien au contraire, profitant de beaux plan-séquences et de travellings léchés comme en produisait la série dans ses années de gloire. L’image est propre, bien nettoyée, lumineuse.

La composition des comédiens est exceptionnelle. Seul Français dans la distribution avec Maigret, Robin Renucci est magnifique en professeur suffisant, tout gonflé et bouffi d’orgueil. Accusé de meurtre, il conserve sa morgue tout du long du métrage et se révèle un personnage amusant, sans jamais tomber dans la caricature. Quant au casting finnois, aucune fausse note à déplorer. Timo Torrika est toujours aussi à l’aise comme faire-valoir de Maigret et son rôle est même gonflé pour l’occasion. Quant aux femmes qui gravitaient autour du défunt, elles jouent aussi bien sur la retenue, l’exubérance, le charme, la sensualité troublante, et fascinent toutes trois le commissaire. Celui-ci, plein de compréhension à leur égard, doit pourtant les malmener afin de faire progresser son enquête. Ces scènes, fines, délicates, sont de toute beauté.

Il est également plaisant de revoir Maigret s’attabler – avec plus ou moins de plaisir, il est vrai – devant un bon repas. La cuisine finnoise n’est pas tout à fait à son goût mais, heureusement pour lui, suffisamment de personnes sont capables de lui trouver quelque chose de mangeable. Le goût du commissaire pour la vodka est très modéré, mais devant l’absence de fine, de poire ou de cognac, il finira par se faire à cette boisson que l’on boit à toute heure. La bière coule à flot en Finlande et Maigret y fait honneur, vidant des chopes en une gorgée.

Si l’on cherche à être tatillon, s’il faut trouver un point négatif, signalons la musique de Laurent Petit-Gérard, très en-deçà de ses compositions habituelles, sans ses thèmes récurrents et peu inspirés.

Second et donc dernier épisode finnois, le meilleur des deux, Maigret en Finlande est une petite merveille. 

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Distribution :

  • Robin Renucci : Né en 1956, ce comédien et réalisateur français débute en 1981 après un passage au Conservatoire. On le remarque dans Invitation au voyage, Fort Sagane et surtout Masques de Chabrol avec Philippe Noiret, où il se révèle un séducteur troublant et mystérieux. Il participe aussi bien à des films populaires que d’auteurs (il s’est notamment intégré au Mocky Circus, revenu à plusieurs reprises sous la caméra de Jean-Paul Salomé) et passe également beaucoup de temps sur le petit écran dans des téléfilms et plusieurs séries (Les Cordiers, Hitchocok by Mocky) et réalise deux films. Passionné de théâtre, il joue Guitry, Shakespeare, Claudel, Tchekhov, Hugo, Molière ou Ionesco. Il a tenu, de 2009 à 2015, le rôle du maire et médecin Daniel Larcher dans Un village français.

  • Irina Björklund : Née en 1973 en Suède, cette actrice et chanteuse finlandaise, elle apparaît dans des séries à succès comme Embuscade ou le film Rukajärven tie qui lui fait connaître la renommée. Installée avec son mari acteur Peter Franzén depuis la fin des années 2000, elle se fait remarquer aux côtés de George Clooney dans The American. Elle a sortie deux albums, en français, en 201 et 2014.

  • Esko Nikkari : (1938-2006) Prolifique acteur finlandais, il est apparu dans plus de 70 films pour le cinéma et quelques rôles à la télévision. Il obtient le prix Jussi du meilleur second rôle en 1990 pour The Match Factory Girl.

  • Peter Franzen : Acteur finois né en 1971, il remporte son premier gros succès dans On the road to Emmaüs. Il participe à des productions allemandes, anglaises, américaines, suédoises, estoniennes et hongroises, langues qu’il maîtrise. On l’a vu dans CSI : Miami ou True Blood. Récemment, il rejoint le casting de la saison 4 de Vikings en interprétant le rôle du roi Harald. 

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8. MAIGRET TEND UN PIÈGE

Première diffusion : 10 octobre 1996

D’après Maigret tend un piège (1955) – Roman

Scénario : Bernard Marié

Réalisation : Juraj Herz

Interprétation : Bruno Todeschini (Moncin), Hélène Surgère (Mme Moncin, mère), Laurence Masliah (Mme Moncin), Pascale Vignal (Marthe), Elie Semoun (Rougin), Jean-Claude Frissung (Janvier), Hubert Saint-Macary (le juge Lambert), Gilles Detroit (Josselin), Jean-Noël Brouté (le jeune inspecteur), Victor Garrivier (Tissot), Pierre Baillot (Moers), Jean-Paul Muel (Baron), Hélène Scott (Odile), Jacques Lalande (le tailleur), Dimitri Rafalsky (le marchand de boutons)

Résumé : Cinq femmes ont été sauvagement assassinées, de nuit, dans les rues du XXe arrondissement. La presse est aux aguets, le public a peur et Maigret n’a pas de coupable. Pour arrêter le criminel, il décide, à sa propre initiative, de tendre un piège au criminel, en lui tendant des appâts, qu’il recrute parmi les auxiliaires féminines de la police. A cette fin, il manipule les journalistes pour pousser le coupable à commettre un nouveau crime. Crime qu’il espère bien empêcher…

Critique :

Le troisième coffret des Maigret se conclue sur une merveilleuse affaire, grande adaptation d’un grand roman.

Déjà porté à l’écran avec succès par Jean Delanoy avec Gabin en 1958, Maigret tend un piège soutient sans difficulté la comparaison avec son illustre aîné. Episode tendu, sans humour, particulièrement noir, Maigret traque à nouveau un tueur en série. Ce maniaque sexuel, bien qu’il ne viole pas ses victimes, est un personnage à part dans l’univers de Maigret. Si Simenon a écrit à plusieurs reprises sur le sujet, c’est une des rares fois qu’un personnage de ce genre occupe la place de choix dans la série ; la seule autre sera dans l’avant-dernier épisode, Maigret et les sept petites croix.

C’est dans une atmosphère tendue, sous une canicule écrasante qui frappe Paris, qu’un tueur s’en prend à des femmes dans les rues du XXe arrondissement, les poignardant dans le dos puis en lacérant leurs vêtements. Après cinq meurtres, Maigret espère coincer le meurtrier avant qu’il ne fasse une nouvelle victime. A cette fin, il met en place une mécanique implacable afin de le faire tomber dans un piège. Le scénario réduit ainsi l’affaire d’abord à cette traque, puis au suspect que Maigret parvient à arrêter. Ce minimalisme sied fort bien à l’épisode, écartant toute fioriture. Le ballet des journalistes, traquant à la PJ la moindre information que Maigret voudrait bien leur lâcher est ainsi parfaitement à sa place. La vision des « chiens » de journalistes tournant, virant, suant dans les couloirs de la PJ est une merveille de mise en scène. Maigret manipule la presse qui entend manipuler l’enquête et ils jouent ensemble au chat et à la souris. Les bureaux de la criminelle servent parfaitement leur va et vient. 

La traque présente également un beau suspens. Si la façon de filmer fait peur au premier abord, la caméra suggestive n’étant pas de bon augure dans Maigret, on est vite rassuré par la virtuosité de la réalisation pour instaurer la tension. Entre les « leurres » lâchés dans les rues, les policiers en planque et Maigret qui s’inquiète pour une petite stagiaire et protégée, le film nous nargue en offrant des fausses pistes jusqu’à l’agression ultime grâce à laquelle Maigret peut coincer son suspect. Une brève enquête le mène jusqu’à Moncin, un décorateur d’intérieur raté, superbement interprété par Bruno Todeschini.

Aussitôt, Maigret « sent » qu’il tient son coupable. Dès lors, la seconde partie du film se focalise sur la confrontation entre les deux hommes mais aussi avec les femmes qui occupent une part importante dans la vie de Moncin. Celui-ci nous rappelle le dentiste Serre de Maigret et la grande perche, coincé entre sa femme et sa mère. Comme lui, il ne parle pas, ne craque pas. La violence, l’humiliation, la tendresse, la compréhension : rien ne vient à bout de Moncin. Quand un nouveau crime est commis, Maigret comprend qu’une des femmes de Moncin a voulu le disculper. Mais laquelle ? La mère ou  l’épouse? 

L’ultime face à face est exceptionnel de tension et d’interprétation. Un Moncin usé, figé, muet comme une tombe, s’efface devant ses deux femmes, guerrières, qui l’étouffent de leur amour exacerbé et qu’il hait. Ce n’est qu’à force de psychologie et de manipulation que Maigret poussera la coupable à l’aveu.

Il y a trop de bonnes scènes pour toutes les citer : la confrontation de Moncin avec sa victime, la reconstitution du crime, les confrontations entre Maigret et le juge d’instruction, les longs travellings dans les locaux de la PJ…

Peu de décors illustrent à la perfection cet épisode : la PJ et ses couloirs interminables déjà cités, le bureau de Maigret plus sombre que jamais, l’appartement d’artiste de Moncin, l’appartement claustrophobe de Mme Moncin, le bistrot qui offre un peu de détente et, surtout, les rues de Paris. Enfin de Prague…

L’interprétation, comme toujours à cette époque de la série, est remarquable. Todeschini est un Moncin faible, lâche et terrifiant. Sa performance dans le rôle d’un maniaque sexuel, étouffé, qui restera à jamais le fils de boucher qui a voulu s’élever dans la société sans y être parvenu, est impressionnante. Hélène Surgère, la mère, et Laurence Masliah, l’épouse, créent un carcan inextricable autour de lui. Elie Semoun est impeccable dans un de ses premiers rôles dramatiques, petite fouine de journaliste un peu veule.

Maigret tend un piège offre une magnifique conclusion au troisième coffret des Maigret, un des sommets de la série. 

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Distribution :

  • Bruno Todeschini : Né en 1962, ce comédien franco-suisse s’illustre notamment sous la direction de Patrice Chéreau et d’André Téchiné dès la fin des années 80. Il tourne fréquemment pour la télévision (Julie Lescaut, Les semailles et les moissons, Le juge est une femme, Petits meurtres en famille, les Rois maudits, Nicolas Le Floch).

  • Hélène Surgère : (1928-2011) Comédienne principalement de théâtre, elle joue Tchekhov, Molière, Aymé, Sand et Molière. A 81 ans, elle devient sociétaire de la Comédie-Française. On l’a vu à quelques reprises à la télévision dans Série noire, Parfum de famille, Boulevard du Palais et Sœur Thérèse.com.

  • Laurence Masliah : Née en 1958, cette actrice française est l’élève de Michel Bouquet au Conservatoire et travaille notamment sur les planches dans les années 80. Au cinéma elle tourne pour Godard, Enrico, Girod ou Deville. A la télévision on la voit dans Adresse inconnue, Julie Lescaut, l’Instit, Louis la Brocante et tient un rôle régulier dans Profilages pendant trois saisons. On l’avait déjà vu dans  Maigret avec Jean Richard dans Maigret chez le ministre en 1984.

  • Elie Semoun : Humoriste et acteur français, Elie Semoun se fait connaître principalement pour son duo comique Elie et Dieudonné dans les années 90. Le duo se sépare en 1997 et le comédien œuvre seul sur les planches en one-man show, en duo avec Franck Dubosc pour Les petites annonces d’Elie, tout en poursuivant une carrière cinématographique de plus en plus prolifique, alternant les rôles franchement comiques de personnages énervés avec des personnages plus fins. Il incarne notamment le rôle quasi hystérique du Répurgateur dans Kaamelott, et tourne aussi bien pour Baffy, Bathélémy, Podalydès que Mocky.

  • Gilles Detroit : Acteur, c’est surtout un humoriste. Il tient depuis 2010 une chronique sur la radio francilienne France Bleue 107.1.

  • Victor Garrivier : (1931-2004) Acteur français, il est principalement célèbre pour son rôle régulier dans Avocats et associés où il interprétait le rôle d’Antoine Zelder de 1998 à 2004. Au cinéma, on l’a vu chez Tavernier, Chabrol, Robert, Planchon ou Aghion.

  • Jean-Paul Muel : Né en 1944, il intègre le Magic Circus de Jérôme Savary dans les années 70. Il crée de nombreux spectacles en solo par la suite, mis en scène par Ribes, BIsson ou Marcel. Acteur de seconds rôles, on le voit dans Le sucre, Papy fait de la résistance, les Visiteurs, la Môme. A partir des années 90, il retourne au théâtre travaillant avec Jacques Weber ou John Malkovich. A la télévision, il est apparu dans un grand nombre de séries (Navarro, Série noire, Nestor Burma, Higlander, Les Cordier, Louis Page, Fabien Cosma). Il reviendra en 2000 dans Maigret voit double

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Anecdotes :

  • Cet épisode marque la fin d’une époque à plusieurs égards. Le deuxième contrat de Bruno Cremer s’achevait et sa reprise du rôle demeurait incertaine. Il accepta néanmoins de poursuivre pour un troisième contrat de six épisodes.

  • C’est également la dernière apparition de Jean-Claude Frissung dans le rôle de Janvier et de Pierre Baillot dans le rôle de Moers. Avec son départ, c’est la fin des inspecteurs « historiques » de Maigret. Eric Prat avait déjà quitté la série depuis La tête d’un homme, diffusé tardivement. Madame Maigret ayant quitté la série avec L’affaire Saint-Fiacre, c’est une page qui se tourne pour la série qui prendra d’autres chemins, notamment, celui de l’adaptation de nouvelles davantage que de romans. 

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PrésentationVolume 3

Maigret (Bruno Cremer)

Volume 2


PRÉSENTATION VOLUME 2

Le deuxième coffret des enquêtes du commissaire Maigret offre parmi les meilleurs épisodes de la série (L’écluse n°1, Cécile est morte, Maigret et la tête d’un homme) et fait la transition entre le premier et le deuxième contrat de Bruno Cremer. Lui, qui avait proclamé haut et fort avant et durant le tournage de la première série de douze téléfilms qu’il ne réenfilerait plus l’imperméable du commissaire, reprend du service pour des adaptations majoritairement somptueuses.

Nous sommes dans la droite ligne du premier coffret : des intrigues solides, des réalisations efficaces, le tout baignant dans une délicieuse atmosphère de « roman noir ». Madame Maigret se fait très discrète, et Maigret est efficacement secondé par Janvier et Torrence.

Du Maigret classique, ce que la série offrait de meilleur. 

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1. LA PATIENCE DE MAIGRET

Première diffusion : 15 avril 1994

D’après La patience de Maigret (1965) – Roman

Scénario : Gildas Bourdet & Andrzej Kostenko     
Réalisation : Andrzej Kostenko

Interprétation : Agnès Soral (Aline), Anne Bellec (Mme Maigret), Claude Faraldo (Palmari), Eric Prat (Torrence), Raoul Delfosse (directeur de la PJ), Fernand Berset (le juge Ancelin), Eric Deshors (Barillard), Vincent Martin (Lourtie), Marie-Christine Rousseau (Mme Barillard), Sylvie Herbert (la concierge), Michel Cremades (le bijoutier), Jean-Pierre Bernard (Pernelle), Louis (Petr Jakl), Michel Raskine (Gérald), Huguette Faget (la mère de Gérald), Stanislas Hajek (Jacob Claes)

Résumé : Lors d’un casse de bijoux au carrefour d’Asnières, un agent de la circulation s’interpose et est froidement abattu d’une balle dans le dos par un faux aveugle. Toute la police est sur les dents. Maigret se soit sommé d’abandonner son enquête personnelle sur l’ancien gangster Palmari pour travailler avec le reste de la police sur l’affaire. Après une ultime visite chez Palmari, ce dernier est assassiné pendant la nuit de trois balles dans le torse. Le directeur de la PJ nomme Maigret en charge de l’enquête sur son meurtre…

Critique :

Avant toute chose, il faut souligner l’intelligence de l’éditeur des coffrets DVD de la série. Au lieu de suivre l’ordre de diffusion initial, la série nous est présentée par ordre de production. C’est ainsi que le premier épisode de ce deuxième coffret des Maigret débute par La patience de Maigret, suite de Maigret se défend, ce qui est bien plus logique. La même équipe est aux commandes, les mêmes comédiens et personnages sont présents, et nous sommes toujours à Prague pour le tournage. Mais il y a quelque chose de bien plus abouti dans ce téléfilm que dans le précédent.

L’image est exemplaire et nous baignons dans de troublants clairs-obscurs participant d’une atmosphère particulièrement étouffante. L’appartement de Palmari suinte le crime et le sexe, la perversion semble à tous les étages. Nous sommes happés dans une intrigue violente, un pur « roman noir » dès les premières images. Rarement on aura vu une mort tragique aussi bien filmée et montée. L’image se fige sur cet instant de mort terrible. La posture du policier abattu, crispée, brisée, et, à l’arrière-plan, le visage jouisseur de son meurtrier, rendent l’image effrayante, soutenue par une superbe musique, cordes stridentes appelées en renfort pour une mise à mort inutile.

Dès lors, tout commence. La mort d’un flic ébranle les services qui collaborent ensemble pour résoudre l’affaire. Le réalisateur, Kostenko, est encore plus inspiré que dans son épisode précédent. Il laisse libre court à son talent et multiplie les angles de caméra, les mouvements circulaires, les panoramiques, et les travellings. Ce ne sont pas des effets de style, ils créent le rythme. Les plans sont longs, il y a peu de coupures, et lorsqu’elles arrivent et que le montage s’enchaîne, parfois jusqu’à la frénésie, c’est pour une scène d’action, une traque, ou une mise à mort. 

La patience de Maigret découle une histoire de gangsters, de meurtre, de vols de bijoux, mais à mesure que le scénario progresse, bien d’autres choses nous sont dévoilées. La partie immergée de l’iceberg révèle bien des surprises à Maigret, des complots douteux et sordides, des personnages étranges (le curieux habitant de la chambre de bonne de l’immeuble de Palmari : Ah, ce personnage…). Aline, interprétée par Agnès Soral, est bouleversante. Passant du rire aux larmes, de l’arrogance à la détresse, de la haine à la tendresse, voici probablement l’un des personnages féminins de l’univers de Maigret les plus marquants. Les femmes chez Maigret sont toujours importantes. La caméra, ici, la choie, la sublime. Et nous nous régalons de ses jeux avec Maigret ou avec Torrence.

Prêtons également une grande attention au personnage du juge Ancelin. Atypique, cordial (le seul de toute la série !), il est très finement interprété par Fernand Berset. Ses relations avec Maigret ajoutent une plus-value inestimable au métrage. Plaisant, coopératif, il est ravi de travailler avec le commissaire, et Maigret le lui rend bien. Ce dernier se confie aisément à lui, permettant au spectateur de pénétrer un peu plus dans la logique du commissaire sans utiliser de voix off.

Que de scènes savoureuses : magnifiques dialogues avec le directeur de la PJ (dont un remarquablement filmé à reculons, caméra à l’épaule, dans le labyrinthe des locaux du Quai des orfèvres), humour constant dans une histoire qui ne s’y prête guère sur le papier (mais pari réussi, une fois de plus, marque de la série), le déjeuner entre le juge et le commissaire, les échanges amoureux entre Jules et Madame Maigret et tant d’autres, tant d’autres…

Seule la qualité du doublage des voix des acteurs tchèques est à nouveau approximative. Mais cela n’enlève vraiment pas grand-chose au film cette fois.

La solution de l’affaire, la vérité, comme souvent chez Maigret, tient à la fois de la banalité et du répugnant, parfaite conclusion d’une affaire où se mêlent meurtres, coucheries, grand banditisme, et amour filial.

Un très grand Maigret. 

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Distribution

  • Fernand Berset (1931-2011) : Écrivain suisse, auteur de romans policiers et d’espionnage, et de pièces radiophoniques, Fernand Bercet évolua également sur les planches, à la télévision et au cinéma. Artiste complet, on lui doit la pièce A tombeaux ouverts, trois-actes policier à l’humour noir percutant et une adaptation de L’île au trésor de Stevenson. Il triomphe comme comédien dans Deux Suisses au-dessus de tout soupçon qui connaît plus de mille représentations. Il écrit plusieurs romans policiers helvètes, joue aux côtés de Louis de Funès (Sur un arbre perché), Molinaro (Pour cent briques, t’as plus rien), ou à la télévision dans Ardéchois Cœur-Fidèle. On l’avait déjà vu dans l’univers de Maigret avec Jean Richard en 1984 et 1987 pour Maigret se défend (directeur de la PJ), et Maigret chez le Ministre (Eugène Benoit).

  • Michel Cremades : Né en 1955 en Algérie, il participe au Petit Théâtre de Bouvard en 1982 avant de se lancer dans une carrière cinématographique et théâtrale. On le remarque dans une flopée de seconds rôles : Les Ripoux, Les Visiteurs 2, Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre.

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2. MAIGRET ET L’HOMME DU BANC

Première diffusion : 17 décembre 1993

D’après Maigret et l’homme du banc (1952) – Roman

Scénario : Jean-Pierre Sinapi & Daniel Tonacchela
Réalisation : Etienne Périer

Interprétation : Marie Dubois (Mme Thouret), Andréa Ferréol (Mariette), Julie Jézéquel (Monique), Eric Prat (Torrence), Fred Personne (Saimbron), Anne Bellec (Mme Maigret), Samuel Lebihan (jeune inspecteur), Jean-Marie Juan (Santoni), Jean-Pierre Germain (Jorisse), Michel Berto (Jef Schrameck), Philippe Lejour (le juge Coméliau), Laurence Mercier (Léone), Marie Pillet (Mme Lachaise), Andrée Damant (la concierge), Etienne Périer (l'avocat)

Résumé : Louis Thouret est poignardé dans une ruelle. Lors de l’identification du corps de son mari, Mme Thouret découvre qu’il porte une cravate et une paire de souliers jaunes qu’elle ne lui connaît pas. En enquêtant, Maigret découvre rapidement que l’homme prétendait depuis plusieurs années travailler pour une société dont il avait été renvoyé, et avait fait faillite. Pourtant, il ramenait régulièrement sa paie à sa femme et partait chaque matin à son travail…

Critique :

Un sentiment de déception embaume cet épisode qui avait pourtant tous les atouts pour fonctionner. Le « pitch » du scénario est intrigant et est prétexte à nombre de rebondissements. Cette affaire, qui aurait pu s’intituler Maigret et l’homme aux souliers jaunes, parait bien mystérieuse au premier abord, mais tel l’effet d’un pétard mouillé, va retomber et faire un vieux pchitttttttttt. Les complications de l’enquête ne vont révéler au fond qu’une affaire banale, mais cette fois-ci extrêmement banale, sans véritablement nous extirper de notre ennui.

En effet, après quelques secondes originales, Emile Thouret est assassiné d’une façon absolument ridicule. Il n’y a rien de drôle à se faire poignarder, encore faut-il filmer cela correctement. On sent la faiblesse des réalisateurs français dès qu’il s’agit d’être réaliste et de sortir des séquences dialoguées. Thouret sourit, un insert montre un cran d’arrêt projeté en avant sans rien heurter, et le même plan remontre Thouret qui semble avoir mal sans assassin devant lui, trop éloigné de la caméra pour que cela soit crédible. Le comédien joue extrêmement mal cette scène et cela n’augure rien de bon pour la suite.

On passe outre cette séquence très rapidement pour se plonger avec Maigret au cœur de l’enquête. C’est l’occasion de découvrir deux nouveaux inspecteurs, le premier n’a même pas de nom (c’est vrai, pourquoi s’encombrer), et l’on s’amuse à reconnaître sous son imper un Samuel Le Bihan débutant. Le second, Santoni, est une espèce de brute sans cervelle issu des mœurs particulièrement agaçante. C’est d’ailleurs une constante de l’épisode : les personnages sont presque tous insupportables : Santoni donc, mais également Mme Thouret dragon mal aimable ; Monique, leur fille dont le masque tombe à mesure que l’épisode progresse ; la mère maquerelle et son gigolo de gangster (stupide en plus)... Il y en a pléthore des gens pénibles dans Maigret, mais une telle concentration rend le métrage fatigant à visionner. 

Le film passe à côté de sa déprimante thématique : on aimerait plaindre ce pauvre type, brave, gentil, mais entouré de vipères, de rapaces, et de faux amis. On apprécierait de compatir à son sort malheureux, mais sa personnalité falote et si peu évoquée ne nous permet pas de ressentir une véritable empathie à son égard. Maigret, peu convaincu semble-t-il, cherche à clore cette affaire et à arrêter les coupables rapidement. Il se fait sa conviction assez vite pour on ne sait trop quelle raison. Un canari l’aurait mis sur la voie.

Le rythme est très lent et ce n’est pas une réalisation poussive, bien trop classique, qui viendra nous réveiller, ni les éclats chanteurs des oiseaux de Saimbron. Heureusement que Maigret, lui, paraît s’amuser. On le voit facétieux à l’usine de farces et attrapes, chantonnant à la sortie du cinéma auprès de sa femme, heureux comme un gosse lorsque Madame Maigret toujours lui retrouve ses propres souliers jaunes, jamais portés.

Que sauver d’autre ? La qualité de l’interprétation, exemplaire comme toujours (s’ils jouent des « pénibles », ils les jouent bien, au moins), la neige (c’est rare dans Maigret et c’est plaisant), de belles vues de Prague (pardon, de « Paris ») et c’est à peu près tout.

Une faiblesse flagrante dans ce coffret et dans ce premier contrat de Bruno Cremer. 

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Distribution

  • Marie Dubois (1937-2014) : Actrice phare du cinéma jusque dans les années 1970, elle se fait plus rare sur l’écran suite à la maladie qui la frappe. Elle se fait remarquer dans Les cinq dernières minutes, puis dans Tirez sur le pianiste de Truffaut, et devient une grande égérie de la Nouvelle vague (Une femme est une femme, Jules et Jim, La Ronde...) aussi bien que dans des films populaires chez Verneuil, Lautner, et Molinaro. Parmi ses films notables, il faut citer L’Age ingrat, avec Gabin et Fernandel, Les grandes gueules avec Bourvil et Ventura, La grande vadrouille avec Bourvil et de Funès, Vincent, François, Paul et les autres de Sautet. Elle obtient le César de la meilleure actrice dans un second rôle pour La Menace, d’Alain Corneau.

  • Andréa Ferréol : Née en 1947, elle prend des cours auprès de Jean-Laurent Cochet, débute au théâtre avant d’être remarquée pour son rôle dans le film à scandale La grande bouffe de Marco Ferreri. Nommée deux fois aux Césars pour Les galettes de Pont-Aven et Le Dernier Métro, elle reçoit en 2001 le prix « Reconnaissance des cinéphiles » pour l’ensemble de sa carrière. Elle est l’arrière-arrière-petite-fille naturelle du poète et écrivain provençal Frédéric Mistral. Elle est apparue pour son premier rôle à l’écran en 1971 dans Maigret aux assises avec Jean Richard.

  • Julie Jézéquel : Née en 1969, on l’a vue dans Flic ou voyou, L’Etoile du nord (d’après Simenon), Tandem, Tumultes (avec Bruno Cremer), dans nombre de séries (où elle a également œuvré comme scénariste à succès). Elle publie un premier roman en 2009 : Retour à la ligne.

  • Fred Personne (1932-2014) : Comédien de cinéma (La bande à Bonnot avec Bruno Crémer, Monsieur Papa, l’Animal, Pile ou face, Bienvenue chez les Ch’tis), de télévision (Cécile est morte avec Jean Richard en 1967, Maigret aux assises en 1971, et Maigret et le fou de Bergerac en 1979, Les rois maudits, Mandrin, Jacquou le croquant, etc.) et de théâtre (L’Opéra de quat’sous, La Métamorphose, La Mégère apprivoisée, Gilles de Rais, etc.).

  • Samuel Le Bihan : Né en 1965, il commence par le Cours Florent avant de se produire dans le théâtre de rue. Il suit pendant un an les cours de l’Actor’s studio à New York avant de revenir en France. Il intègre pendant quatre ans la troupe de la Comédie-Française et y défend les textes de Hugo, Corneille, Racine, ou Feydeau. A cette époque, il débute au cinéma (Capitaine Conan, Vénus Beauté, Le pacte des loups) tout en continuant de se produire sur les planches. Il était déjà apparu dans l’univers de Maigret en 1989 dans Tempête sur la Manche avec Jean Richard.

  • Jean-Marie Juan : Espoir du judo puis du piano, il suit les cours du conservatoire de Marseille et débute dans Les précieuses ridicules. Il fait montre de son talent dans nombre de pièces classiques (Molière, Pagnol, Shakespeare, Anouilh) que de boulevard (Le don d’Adèle, Deux hommes dans une valise, Les dégourdis de la 11e, etc.)

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Anecdotes

  • Retour du juge Coméliau mais incarné ici par un autre acteur : Philippe Lejour.

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3. MAIGRET ET LES TÉMOINS RÉCALCITRANTS

Première diffusion : 5 novembre 1993

D’après Maigret et les témoins récalcitrants (1958) – Roman

Scénario : Christian Rullier & Michel Sibra
Réalisation : Michel Sibra

Interprétation : Denise Chalem (Solange), Christiane Cohendy (Véronique), Gisèle Casadesus (Catherine), Olivier Pajot (Armand), Jean-Claude Frissung (Janvier), Eric Prat (Torrence), Marc Duret (le juge Agnelot), Alain Fromager (Destour), Jean-Luc Buquet (Maître Radel), Pierre Baillot (Moers), Louison Roblin (la patronne du bistrot), Jean-François Vlerick (Sainval), Chantal Deruaz (la déléguée du personnel), Louis Navarre (le chanoine), Valérie Kaplanova (Mme Lachaume), Raoul Schranil (M. Lachaume), Philippe Lehembre (Barbarin), André Oumansky (Hirschfeld)

Résumé : Le corps de Léonard Lachaume, directeur d’une biscuiterie en fin de vie, est retrouvé assassiné sur son lit, tué d’une balle de revolver. La famille semble s’obstiner à croire qu’un cambrioleur est l’auteur du crime, mais Maigret n’y croit pas tant la machination est grossière. Tous les proches de Léonard se braquent, refusant de coopérer à une enquête qui devient extrêmement difficile. Le commissaire s’intéresse particulièrement à la personnalité de Solange Lachaume, belle-sœur du défunt...

Critique :

Un magnifique épisode, étouffant à souhait.

La plongée dans la psyché maladive de la bourgeoisie décadente passionnait Simenon, qui ne manquait pas une occasion de dresser de cette société des portraits au vitriol hauts en couleur. Force est de constater que l’adaptation, ici, ne faillit pas à la règle tant cette famille nous apparaît odieuse. Chaque Lachaume est un être lâche, veule, odieux, abject, à l’exception notable de l’enfant (que l’on ne verra donc jamais, astuce de la mise en scène) et de Solange Lachaume, « la pièce rapportée » comme on aime à le lui rappeler au sein de la maisonnée.

Le mystère qui entoure la mort de Léonard est intrigant, et comme Maigret nous ne croyons pas une seconde à cette histoire de cambrioleur que le nouveau juge d’instruction (jeune et débutant donc forcément incompétent dans la série) voudrait coffrer. Tout tourne autour de cette maison sinistre, à l’atmosphère des plus lourdes. La solution, terrifiante, est magistralement reconstituée par Maigret à la fin de l’épisode d’une façon un peu grandiloquente, mais qui marque les esprits dans son déroulement implacable.

Les détours que fait Maigret à son bureau ou dans une boite lesbienne n’aèrent en rien le film, et contribuent à l’inventaire des décrépitudes humaines. Si l’on devait résumer cet épisode, lui accorder une morale, ce serait bien que l’argent corrompt, la réussite pourrit.

Les Lachaume n’ont rien pour eux. Fainéants et clairement incapables de gérer une affaire, ils se sont arrangés pour que leur fils épouse la fille d’un riche tanneur afin de sauver leur entreprise de la ruine. Et toute la famille (jusqu’à la bonne !) ne lui a jamais pardonné cette mésalliance. Toute la haine et le mépris qu’ils portent à cette femme est palpable tout au long de l’épisode, et ne peut que tendre à rendre sympathique la pauvre Solange, de la même manière que Maigret semble vouloir la protéger. Il ne faut y voir aucune malignité de la part du commissaire, au contraire : c’est la certitude que cette femme n’est pas une coupable mais une victime qui pousse Maigret vers la vérité. 

A force de lire ces critiques vous croirez que je me répète, mais c’est pourtant vrai : encore une fois, l’interprétation est hors pair. C’est une des marques de fabrique de la série après tout : fournir toujours d’excellents opposants à Bruno Cremer qui, si bien entouré, laisse libre cours à son talent. Une photographie remarquable (le grain est très beau), pas de fioriture dans la réalisation mais une parfaite efficacité, et de très beaux éclairages (chose peu évidente vu les décors). Le doublage des comédiens tchèques est ici excellent (en même temps, il n’y en a pratiquement pas).

Pas de point faible, pas de temps mort, pas d’approximation. Si certains pourraient trouver agaçant le comportement de ces personnages, les approximations du juge d’instruction ou la pédanterie très mal placée de l’avocat des Lachaume, toutes ces petites particularités renforcent encore le « charme » de l’épisode. Oui, il faut, vous l’aurez compris, mettre des guillemets au mot « charme », car il s’agit véritablement d’un des épisodes les plus sombres de toute la série, particulièrement dur, terriblement noir, implacablement sordide. Pas d’images vulgaires ou racoleuses cette fois : juste une horrible aventure humaine avec tout ce qu’elle a d’abject.

La série des Maigret, peu à peu, mettra de côté cet aspect sombre de l’univers de Simenon pour élargir son public, ce qui la modifiera en profondeur. Pour l’heure, elle assume pleinement son héritage en proposant l’un des meilleurs épisodes de la série. 

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Distribution

  • Denise Chalem : Née en 1952, la comédienne passe les premières années de sa vie en Égypte avant de rentrer en France suite à l’affaire du Canal de Suez. Elle suit des études théâtrales, devenant à cette occasion l’élève de Robert Hossein. Actrice accomplie, elle joue aussi bien les classiques sous la direction de Garrant, Vincent, ou Murat, que des textes contemporains (Etienne), mais également ses propres œuvres. Elle a écrit de nombreuses pièces depuis 1980 (La nuit de cristal, Selon toute vraisemblance, le Temps arrêté). Sa pièce Dis à ma fille que je pars en voyage remporte deux Molières en 2005. Au cinéma, elle a tourné sous la direction de Robert Hossein, Bertrand Blier, Frédéric Schoendoerffer...

  • Christiane Cohendy : Principalement comédienne de théâtre, Christina Cohendy a joué et mis en scène un très grand nombre de pièces classiques (Molière, Sartre, Tchekhov, Wilde, Racine...) ou contemporain (Berkoff, Rault, Harwood...), et enseigne depuis 2006 au Conservatoire.

  • Gisèle Casadesus : Née en 1914, fille d'un célèbre chef d’orchestre et d’une non moins célèbre harpiste, elle baigne dès l’enfance dans un univers  artistique. Elle entre à la Comédie-Française en 1934. Elle a joué dans un très grand nombre de pièces et de films (Shakespeare, Duras, Anouilh, Molière, Corneille, Feydeau, Beaumarchais... sur les planches et chez Boyer, Vadim, Decoin, Lelouch, Becker, Lemercier... sur grand écran). A 101 ans, elle perd son mari de toujours, lui aussi comédien, Lucien Pascal (à plus de 100 ans !), et joue toujours au théâtre et au cinéma. Elle est actuellement sociétaire honoraire de la Comédie-Française et Grand Officier de la Légion d’honneur.

  • Olivier Pajot : Né à Paris, il alterne avec bonheur les rôles de gentils et ceux de pleutres, au théâtre (Joyeuses Pâques), à la télévision (Julie Lescaut) et au cinéma (Les grands ducs).

  • Marc Duret : Né en 1957, il enchaîne les petits rôles au cinéma dans des films populaires (Nikita, la Haine), mais joue surtout dans les séries (Les Cordier, Les Monos, Avocats et associés, Les Borgia) et plus occasionnellement au théâtre (Juste la fin du monde).       

  • Alain Fromager : Né en 1960, c’est un comédien et metteur en scène de théâtre principalement, classique ou moderne, tragique ou comique (Le Mystère de la chambre jauneLes Liaisons dangereusesOrnifleAndromaque, PlatonovLe Songe d’une nuit d’étéAntigone).

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4. MAIGRET ET LE FANTÔME

Première diffusion : 13 mai 1994

D’après Maigret et le fantôme (1963) – Roman

Scénario : Henri de Turenne & Akli Tadjer
Réalisation : Hannu Kahakorpi

Interprétation : Heinz Bennent (Junker), Elisabeth Bourgine (Mirella), Timo Torikka (Ari), Nadine Spinoza (Paulette), Annie Bertin (Mme Lognon), Paavo Pentikäinen (Bergen), Jonathan Hutchings (Stanley Hobson), Taneli Mäkelä (Carl), Sanna Saarijärvi (l'hôtesse de l'air), Milka Ahlroth (l'hôtesse de l'hôpital), Esko Pesonen (Lognon)

Résumé : L’inspecteur Lognon est abattu dans une rue d’Helsinki. Avant de sombrer dans l’inconscience, il a le temps de prononcer le mot : « fantôme ». Maigret part pour la Finlande afin d’enquêter sur la tentative de meurtre qui vient de frapper son inspecteur dont tout le monde ignorait la présence à l’étranger. Il vivait apparemment chez une call-girl et rêvait de « l’affaire de sa vie »… 

Critique :

Curieux choix que d’adapter ce Maigret tardif, pas des plus réussis de Simenon. Mais pourtant la sauce prend plutôt bien dans son ensemble.

Pour sa première délocalisation à l’étranger, la série frappe assez juste. Coproduction européenne oblige, les caméras de Maigret se posent à un vol d’avion de la magnifique Helsinki. L’intrigue originelle se déroule à Paris, mais qu’à cela ne tienne, un petit tour d’adaptation et cela passe tout seul ! On oublie assez vite les agissements de Maigret qui travaille à son habitude, en ne se préoccupant pas vraiment de la hiérarchie qui est au-dessus de lui, et encore moins celle-ci sur laquelle il n’a pourtant aucune autorité légale.

Mais l’intrigue est bien ficelée, la vérité sur ce fantôme nous en apprendra beaucoup sur le monde de l’art et ses méandres illégaux. C’est surtout l’occasion d’assister à un nouveau duo d’acteurs entre Maigret/Cremer et Junker/Bennent. Beaucoup de rondeurs, beaucoup de jeux de jambes entre eux avant une certaine cassure, une froideur travaillée, et une confrontation finale encore brillante. Faire de cet homme au statut social fort un être en réalité totalement faible et soumis à une femme qu’il aime mais qui, elle, le méprise, était une excellente idée.

Le scénario se suit donc, avec plaisir, au fil des rencontres entre Maigret et cette Finlande où il ne sent pas toujours à son aise. Un très bon gag justement : au restaurant, lorsque Maigret se fait traduire le menu par Ari. Sa moue à l’annonce du steak de renne est un régal, d’autant plus lorsqu’il décide de ne pas prendre de risquer et d’opter pour une valeur sûre : le hareng pommes à l’huile. C’est en effet une des caractéristiques de cet épisode. Après nous avoir offert l’étouffant Témoins récalcitrants, la série, pour (à l’époque) son dernier épisode, offrait une sortie à Maigret des plus légères, pleine d’humour, teintée des agréables paysages de la Finlande (le film est, à cet égard, une bande annonce publicitaire et touristique un peu trop appuyée par moments). Le jeune inspecteur Ari se révèle un précieux auxiliaire pour Maigret, qui ne démérite en rien de ses collaborateurs habituels. Il est même bien plus efficace qu’eux par moments. Son au revoir au commissaire à la fin du film, lorsqu’il lui demande s’il peut l’appeler « patron » est une belle marque de respect, et ajoute encore de l’émotion à une jolie scène. 

La réalisation parvient à conserver l’esprit de Simenon bien que tout y soit étranger. La présence de Bruno Cremer fait beaucoup pour cela car sa stature impose directement la patte de Maigret. Mais il faut réellement saluer le travail du metteur en scène qui s’en imprègne, s’en nourrit, et parvient à restituer l’univers de Maigret tout en gardant un pied en Finlande.

Les points faibles alors ? Un grain d’image assez laid, faute aux caméras finlandaises sur place qui n’étaient certainement pas de la même qualité que d’ordinaire. Il y a comme un écran de poussière permanent sur l’image qui est assez désagréable à regarder, surtout lorsque l’on voit la qualité globale du portage de la série en DVD.

L’interprétation ensuite, qui n’est pas forcément très heureuse. Elizabeth Bourgine joue faux et on ne croit ni à son numéro d’artiste peintre, ni à sa femme du monde, et même pas à l’ancienne demi-mondaine qu’elle était. Et surtout, problème impardonnable : Lognon ! Le personnage est tout de même à l’origine de l’histoire. Certes, on ne le voit pratiquement pas : il disparait au bout d’une minute de film. Mais pourquoi diable avoir choisi un comédien jouant aussi mal (il ne marche pas, il sautille !), et surtout, oui surtout, pourquoi ne pas avoir doublé sa voix en français au moment où il prononce le mot : « fantôme ». L’acteur dit le mot avec un accent finnois à couper au couteau (on croirait même qu’il ne sait pas ce qu’il dit) et cela ruine tout l’effet voulu à ce moment-là : l’empathie avec lui est balayée par un éclat de rire tonitruant de notre part. Alors que la série double (affreusement mal) ses comédiens tchèques, elle ne prend même pas une minute pour doubler ce personnage qui lance le film ? C’est une réelle faute de goût dans un film aux dialogues si réussis.

Toutes ces raisons empêchent Maigret et le fantôme d’obtenir ainsi la note maximale.

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Distribution

  • Heinz Bennent (1921-2011) : Comédien allemand de cinéma et de théâtre, ses rôles les plus marquants dans Le Dernier métro de François Truffaut, Espion lève-toi d’Yves Boisset, et dans Clair de femme de Costa-Gavras. On l’a vu également à plusieurs reprises dans Derrick.

  • Elisabeth Bourgine : Née en 1957, on l’a surtout vue à la télévision (Nestor Burma, Commissaire Moulin, Julie Lescaut), mais également chez Pinoteau (La septième cible). C’est une actrice récurrente de la série Meurtre au paradis depuis 2011.

  • Timo Torikka : Né en 1958 en Finlande, il est diplômé par le Conservatoire finlandais en 1982. L’un de ses rôles majeurs est dans le film Talvisota (1989) et dans Maigret (il reviendra dans Maigret en Finlande). Il a écrit et réalisé une adaptation très personnelle du Seigneur des anneaux pour la télévision intitulée Le Hobbit.

  • Henri de Turenne : Né en 1921, c’est un écrivain, journaliste, et scénariste spécialisé dans les feuilletons historiques pour la télévision française. Fils d’un as de la Première guerre mondiale, il a travaillé sur Fort Saganne et sur la série documentaire Apocalypse.

  • Akli Tadjer : Né en 1954, écrivain français d’origine marocaine, il naît à Paris où il grandit et devient journaliste. Un voyage en Algérie lui inspire plusieurs romans et il a écrit quelques téléfilms.

  • Hannu Kahakorpi : Né en 1946, c’est un réalisateur, acteur, et producteur finnois, il n’a pratiquement travaillé que pour la télévision, en créant notamment la série à succès Kotikatu

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Anecdotes :

  • Cet épisode faillit être le dernier pour Bruno Cremer. Celui-ci avait freiné des quatre fers avant de s’engager dans la série et signé un contrat qui couvrait exclusivement douze épisodes et pas un de plus. Il ne tenait pas à s’enfermer dans ce rôle. Ainsi, Maigret et le fantôme devait être l’ultime épisode avec Cremer. Et pourtant, il se laissa finalement convaincre de réenfiler l’imperméable du plus célèbre commissaire de France. A nouveau pour douze épisodes. En se promettant bien que cette fois, ce seraient les derniers !

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5. MAIGRET ET L’ÉCLUSE N° 1

Première diffusion : 21 octobre 1994

D’après L’écluse n° 1 (1933) – Roman

Scénario : Christian Rullier
Réalisation : Olivier Schatzky

Interprétation : Jean Yanne (Ducrau), Georges Staquet (Gassin), Jean-Claude Frissung (Janvier), Edwige Navarro (Aline), Eric Berger (Jean), Isabelle Pradau (Françoise), Céline Samie (Mathilde), Françoise Bertin (Catherine), Brigitte Defrance (la concierge), Talila (Rose), Catherine Oudin (Jeanne), Jean O'Cottrell (commissaire Collin), Rémy Darcy (le médecin)

Résumé : Emile Ducrau, riche industriel spécialisé dans les transports fluviaux, manque une nuit de se faire assassiner d’un coup de couteau. Jeté à l’eau, il survit à l’agression et exige de la police qu’elle retrouve son agresseur qu’il prétend ne pas avoir vu. Maigret a des doutes à ce sujet et découvre rapidement que tout le monde en veut à Ducrau : sa famille qu’il hait, ses collègues qu’il méprise, ses amis au nombre restreint…

Critique :

On poursuit avec une nouvelle perle : L’écluse n° 1, qui non content d’être un des meilleurs romans de la première période des Maigret, se targue également de connaître une adaptation brillante, somptueuse. Episode splendide, servi par une atmosphère crépusculaire et bercé d’une musique tendre, ce premier film de la deuxième série des Maigret/Cremer frappe très fort. Il s’agissait de montrer que rien n’avait changé et que le retour du commissaire s’annonçait sous le meilleur jour. Bruno Cremer paraît cependant un tout petit peu plus âgé dans ce film que dans le précédent. Cela peut paraître logique puisqu’il entame son deuxième contrat (et les tournages ont bien été un peu espacés), mais lors de la diffusion de L’Écluse n° 1, seulement six mois s’étaient écoulés. Mais peut-être n’est-ce que la coupe de cheveux de plus en plus grisonnante de Cremer qui accentue cette impression.

Maigret est face, une fois n’est pas coutume, à une tentative de meurtre et non un cadavre. Ce changement de perspective est original et permet de s’intéresser de près à la personnalité de la victime. Et cela nous offre d’observer un des plus magnifiques face-à-face de la série. Qui d’autre pouvait incarner Ducrau avec une telle force que Jean Yanne ? Avec son phrasé si caractéristique, son ton teinté de mépris à chaque parole, il crève littéralement l’écran, écrasant Maigret dans la première partie du film, puis, brisé, fatigué, éreinté dans la seconde. Le personnage est odieux, résolument infâme, et rien ne semble pouvoir le racheter. Jean Yanne a souvent joué ce genre de salauds détestables mais que l’on apprécie quand même. Il apporte ainsi au personnage de Ducrau des élans d’humanité au sein d’une noirceur absolue. L’évolution forcée qu’il subit à la mort de son fils nous révèle cette facette que le personnage (et l’acteur) tente de cacher à tout prix. Son expression lorsque le commissaire évoque la petite Aline ou celle face à l’annonce de la mort de Jean est extraordinaire. Brisé mais ne pouvant l’admettre devant quiconque hormis Maigret, incapable de prononcer l’éloge funèbre de son propre fils, Ducrau se retrouve perdu, sans repère. Lui, l’homme fort, implacable, dictateur à qui l’on doit obéissance, n’a pu empêcher le suicide de son enfant.

Maigret va donc dérouler son enquête autour de la personnalité écrasante de cet homme, Ducrau, archétype du « je me suis fait tout seul », tranquillement, mais avec une sorte d’amertume au cœur. Rarement on l’aura vu éprouver autant de sympathie pour les personnes qui entourent Ducrau. Il plaint sincèrement sa famille, en particulier le fils aîné, Jean, jeune homme partagé entre l’amour d’une femme et celui de son père, père qui l’étouffe, lui donne sans cesse des raisons de le haïr, semble lui-même le détester, mais qui finalement se révèle (trop tard) paternel. Cette belle empathie est très agréable à voir, car si Maigret a ses têtes dans la plupart des épisodes (il est souvent capable de gestes de tendresse), il ne franchit que rarement la frontière qui sépare le monde du Quai des orfèvres du monde « normal ». Ce changement d’attitude est plus que bienvenue, surtout dans une histoire aussi triste (mais je n’ai pas dit « noire », pour une fois). 

L’épisode dresse le portrait de personnages ambigus, brisés par la vie et le destin, et qui marchent vers une fin inéluctable. Le marinier ivrogne, Gassin, ne peut qu’arpenter les quais inexorablement, tout gorgé de colère envers son seul ami. Aline, fragile, un peu simple, est bloquée à jamais avec son bébé sur les bras. Madame Ducrau, soumise à un mari ignoble, est incapable d’exprimer un quelconque amour filial et n’avance que vers la mort et la solitude. Et tous les comédiens choisis pour incarner ces personnages sont remarquables : pas de fausse note, même dans les seconds rôles, chacun est parfaitement à sa place.

La réalisation, sobre, utilise des images grisâtres de jour sur les bords de la Seine. Le brouillard en profite pour s’installer, soulignant la froidure du tournage, manifestement pluvieux. La nuit, de très beaux bleus permettent aux personnages de se détacher, souvent avec une silhouette dorée en éclairage. Certains plans sont magnifiquement filmés et montés, en particulier l’interminable ascension de Ducrau et Maigret dans l’escalier de l’immeuble où habite Jean Ducrau. Cette scène parvient à montrer une simple progression d’étage, sans dialogue, dans un véritable escalier exigu, et ce sans que l’on s’ennuie. La symbolique d’une montée à l’échafaud est flagrante et rend la séquence pesante mais très belle. Le corps de Jean Ducrau, pendu et exhibé, renvoie ensuite au cadavre de Bébert, pendu de la même façon et lui aussi exhibé.

Le final, implacable, prend aux tripes. Pas de machination, pas de grande révélation, juste une terrifiante logique humaine qui pousse des êtres éperdus de chagrin à commettre l’irréparable. Une histoire entre un père et un fils incapables de se comprendre, une histoire de culpabilités, de trahison, de secrets, et de mensonges.

Un début en fanfare pour cette deuxième période, et un épisode pivot du deuxième coffret.

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Distribution

  • Jean Yanne (1933-2003) : Acteur, chanteur, humoriste, scénariste, et réalisateur français. Il commence un apprentissage d’ébénisterie rapidement abandonné, puis des études de journalisme et devient pigiste pour nombre de journaux. Il écrit ensuite des sketchs pour des cabarets où il démarre réellement une carrière d’artiste. Il poursuit ses participations à plusieurs journaux et radios, se lance dans la chanson comme compositeur et interprète, et dans des émissions humoristiques (avec Jacques Martin, Roger Pierre et Jean-Marc Thibault), et des parodies de chansons à la mode.  Révélé dans Week-end de Godard et surtout pour son rôle dans Que la Bête meure, il enchaîne avec Le boucher où il se révèle inquiétant, meurtrier, mais tendre également. Voulant changer de registre car on le cantonne à des rôles de personnages insensibles, il se lance dans la réalisation en 1972 avec Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil (où il fustige le monde de la radio), puis Moi y’en a vouloir des sous en 1973 (contre la politique cette fois), Les Chinois à Paris, Chobizenesse, Je te tiens, tu me tiens par la barbichette. Son plus gros succès public sera avec Deux heures moins le quart avant Jésus Christ avec Coluche et Serrault. Pilier des Grosses têtes jusqu’à sa mort, il participe activement à l’émission de Laurent Ruquier On va s’gêner en 2000. Il est également l’inventeur du slogan Il est interdit d’interdire.

  • Georges Staquet (1932-2011) : Après avoir goûté le monde des mines dans son Nord natal, il suit une troupe de théâtre jusqu’à Paris et devient chef de chauffe. Il ne débute réellement qu’à 30 ans sa carrière de chanteur et d’acteur (travaillant pour Planchon, Casadesus). On le voit longuement au cinéma (Week-end avec Jean Yanne justement, Le mur de l’Atlantique avec Bourvil, La Zizanie avec de Funès, Le maître d’école avec Coluche, La vie et rien d’autre avec Noiret, Germinal avec Depardieu), à la télévision (Les cinq dernières minutes, Les rois maudits), et au théâtre.

  • Eric Berger : Né en 1969, il suit le Cours Florent avant d’entrer au Conservatoire de Paris. Il joue au théâtre, à la télévision, et au cinéma dès les années 1990. Il se fait connaître du grand public grâce au rôle titre Tanguy en 2001. On l’a vu aux côtés de Lionnel Astier sur les planches en 2001 dans Pouic-Pouic, dans Le petit Nicolas et dans Profilage à la télévision.

  • Olivier Schatzky : Réalisateur et scénariste français né en 1949, on lui doit quelques épisodes de la série Chez Maupassant ainsi que l’écriture et la réalisation de la série Ceux de 14.

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Anecdotes :

Citations

  • Emile Ducrau : « Voici Berthe, ma fille : une intelligence née… mais qui ne s’est pas développée. »

  • Emile Ducrau : « Si je disais aux gens où j’ai vraiment passé la nuit, on me prendrait pour un monstre. Mais y’a que dans un bobinard que j’ai pu pleurer comme un veau avec des femelles qui me croyaient saouls et qui pataugeaient dans mon portefeuille. »

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6. CÉCILE EST MORTE

Première diffusion : 28 octobre 1994

D’après Cécile est morte (1940) – Roman

Scénario : Alexandre et Denys de la Patellière, & Christian Watton
Réalisation : Denys de la Patellière

Interprétation : Claude Piéplu (Dandurand), Sophie Caffarel (Cécile), Annick Alane (Louise), Jean-Claude Frissung (Janvier), Jean-Pierre Gos (Lucas), Anne Bellec (Mme Maigret), Arnaud Giovaninetti (Gérard), Vanessa Guedj (Nouchi), François Clavier (juge Mathieu), Eva Ionesco (Florence)

Résumé : Cécile veut parler au Commissaire Maigret : elle a d’importantes révélations à lui faire. Mais c’est toujours pareil Cécile, elle raconte beaucoup d’histoires, elle croit qu’un inconnu va et vient la nuit dans l’appartement où elle vit avec sa tante ; affabulations d’une jeune fille en mal de sensations. Et ce matin une fois de plus, Maigret fait patienter Cécile, il la verra plus tard. Un légionnaire a semble-t-il assassiné sa femme en profitant d’une permission ; il a autre chose à faire que d’écouter Cécile, c’est urgent, mais tant pis. Lorsque Maigret, enfin, s’intéresse à elle, il est trop tard… Cécile est morte. Étranglée dans les couloirs du Palais de Justice à quelques mètres à peine de son bureau. Peu après, Maigret découvre que sa tante a été assassinée. Le Commissaire porte rapidement son attention sur le voisin de Cécile, l’étrange Dandurand…

Critique :

Dans la série des odieux, je demande Claude Piéplu ! Après un Jean Yanne infâme, voici Claude Piéplu le détestable, l’ignoble, le vicieux. Cécile est morte est une fois de plus un duel de comédiens. On change de registre cependant, nous arpentons ici les huileux appartements bourgeois et Dandurand/Piéplu fraie dans les hautes sphères. Son personnage très haut en couleur est un avocat douteux, rayé du barreau, mais ayant conservé des relations avec tout le « milieu » parisien. Suave, charmeur, bien éduqué, cultivé, il est tout en verve et se croit en permanence en plaidoiries. Il fait partie des rares adversaires de Maigret lui ayant fait perdre son sang-froid.

Cécile est morte c’est avant tout cela, ce duel, mais pas seulement. C’est également un épisode extrêmement important pour saisir toute la personnalité de Maigret qui s’exprime en miroir inversé de celui de Dandurand. L’avocat « répugnant », comme le désigne le commissaire lui-même, n’a aucune conscience. C’est un être que l’égoïsme et la haine de ses semblables a façonné. Il est dans le mépris des petites classes, les « besogneux », les « inutiles ». Il extrapole quant à la sexualité même de Maigret, gonflé d’orgueil et de suffisance, lorsqu’il exprime pour lui tout le mépris du monde à l’idée que le commissaire n’ait jamais fait l’amour à une autre femme que la sienne : « c’est effrayant des gens comme ça ». Là où l’avocat voit une erreur de la nature, Maigret y voit une normalité, la fidélité à son épouse étant une force du personnage, force mise à mal par un homme qui le révulse. Les scènes de tendresse entre Jules et sa femme sont autant de témoignages de sa droiture personnelle. Et ce ne sont pas les fantastiques plaidoiries de l’ancien avocat dans le bureau du juge qui les mettront à mal, évidemment.

L’autre thème de l’épisode est la culpabilité. Celle du commissaire d’abord à l’égard de la défunte. Il s’en veut de ne pas avoir écouté Cécile, de ne pas avoir pris en compte ses suppliques et les avoir mises sur le compte de fadaises. Comme il l’explique au frère de Cécile : « Je l’aimais bien ta sœur. Je la trouvais si faible, si fragile… » Et son impuissance à n'avoir pu l’aider le mine. « Des fois, je ne comprends pas les choses assez vite », ajoute-t-il. Alors il s’acharne, non pas contre Dandurand comme le croit le Juge Mathieu, mais à découvrir qui a tué la petite Cécile. Pour que justice soit faite et que, sans doute, pour que le poids de sa conscience se fasse un peu moins lourd. Cela nous renvoie également à la culpabilité d’un légionnaire. Cette histoire secondaire, que l’on pourrait croire inutile dans le métrage, est au contraire d’une rare force. Maigret reçoit les aveux d’un camarade de légion de son suspect, qui confesse avoir tenté d’abuser de la femme de son ami et l’avoir tué sous le coup de la colère. L’homme, que son capitaine traite de salaud, se libère lui aussi de sa culpabilité, rongé par le remords. Maigret, à l’écoute de ces aveux, semble lui-même plus apaisé, comme si le fait que la vérité ait éclos sur cette autre affaire allait lui permettre d’avancer dans la sienne. Une scène brève, forte, intense, excellemment jouée et filmée. 

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L’enquête avance en effet tranquillement, au rythme tranquille habituel de la série. Un peu accaparé par la personnalité de Dandurand qu’il soupçonne très vite (et nous aussi), Il met bien un certain temps à démêler le vrai du faux dans cette histoire. Tout le monde lui ment. Du frère de la victime « maniaque de la persécution » comme il l’appelle, à Louise, l’amie de tante Juliette, qui entretenait avec Dandurand des relations troubles. C’est dans le passé qu’il faudra chercher la clef de l’énigme, dans un passé sordide, comme fréquemment dans les Maigret. Une fausse preuve en main (c’est assez rare pour le noter), il pourra enfin coincer Dendurand au cours d’une nouvelle scène mémorable entre les deux hommes (plus un juge), ultime confrontation haute en couleurs, offrant à l’occasion l’un des meilleurs dialogues de la série.

Pas de fausse note donc, l’image est très belle, parfaitement éclairée et filmée (très jolie reconstitution des événements du crime). La mise en scène ose les plans séquences, avec de lents mouvements de caméra et quelques perspectives intéressantes. La musique est assez discrète mais souligne habilement les scènes dramatiques sans en faire trop. La distribution est, une fois de plus, exemplaire. Notons la sympathie du juge Mathieu à l’égard du commissaire.

L’un des tous meilleurs épisodes, Cécile est morte trouve une place de choix au cœur de la meilleure période de la série. A voir et à revoir. 

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Distribution :

  • Claude Piéplu (1923-2006) : Acteur français ayant suivi les cours de Maurice Escande, il est engagé en 1944 au théâtre des Mathurins et joue aux côtés de Gérard Philipe et Maria Casarès. Il échoue deux fois au concours d’entrée du Conservatoire de Paris et entre alors dans la compagnie de Jacques Fabri (Les joyeuses commères de Windsor). Il jouera ensuite dans plus de 175 pièces de théâtre (Shakespeare, Ionesco, Musset, Obaldia, Molière...). Sa voix particulière l’amène également à doubler nombre de dessins animés (il fut LA voix des Shadoks). Il joue régulièrement au cinéma, en compagnie notamment de Louis de Funès qui faisait régulièrement appel à lui, et sous la direction des plus grands (Christian-Jaque, Becker, Dhéry, Duvivier, Mocky, Girault, Miller, Bunuel, Oury, Jugnot, etc.). Son dernier rôle au cinéma est celui de Panoramix dans le premier volet des aventures cinématographiques des aventures d’Astérix en 1999. Il participe à nombre de téléfilms et de séries (Palace) jusqu’en 1997, pour Entre terre et mer... Homme distingué, raffiné, collectionneur, militant du théâtre vivant, antinucléaire, il fut membre du comité de parrainage de la Coordination française pour la Décennie de la culture de paix et de non-violence, et également membre du Conseil mondial de la paix.

  • Sophie Caffarel : Elle n’a que très peu tourné au cours de sa brève carrière. Ses dernières apparitions furent dans trois épisodes de Plus belle la vie en 2004. Elle officie davantage sur les planches comme comédienne et metteur en scène (Hugo, Feydeau, Strindberg, Molière...). Sous le nom de Fanny Carel, elle publie deux romans A ma sœur du bout du monde et Le cœur ouvert, et trois pièces de théâtre pour la jeunesse : Inséparables !  Baignade dangereuse, et Fleur d’hiver en 2014. Dans la série Nuits blanches, France Inter a diffusé en 2008 une première fiction, Des vacances profitables ! et une seconde, en 2010, Toute une mère avec ses accessoires. 

  • Annick Alane : Née en 1925, cette actrice bretonne œuvre sur les planches depuis les années 50. En 1970, elle interprète le rôle titre des Joyeuses commères de Windsor sous la direction de Jacques Fabri aux côtés de Claude Piéplu et de son fils Bernard Alane (célèbre comédien de doublage). Elle alterne le répertoire classique (Shakespeare, Molière, Wilde, Williams, Guitry...) et le boulevard (Poiret, Ruquier, Clark...), et on la voit évoluer dans des petits rôles au cinéma dans nombre de films populaires (Hibernatus, Pour la peau d’un flic, Garçon !, Trois hommes et un couffin, La totale !, Germinal, le magasin des suicides) et à la télévision (Pause café, les cinq dernières minutes, le comte de Monte-Cristo, Louis la brocante, Joséphine ange gardien, etc.). Elle fut l’une des plus populaires comédiennes de l’émission Au théâtre ce soir des années 60 à 80. Elle obtient le Molière de la comédienne dans un second rôle pour Tailleur pour dames en 1994, et en 2001 pour La chatte sur un toit brûlant.

  • Arnaud Giovaninetti : Comédien issu du Conservatoire, il obtient le Prix Louis Jouvet en 1988 et débute au cinéma en 1990. On l’a vu à cette occasion dans L'Amant, Profil bas, et à la télévision (il incarne notamment Henri de Monfreid en 2006 dans Les Lettres de la Mer Rouge). Depuis 2008, il tient un rôle régulier dans Voici venir l’orage, série de Nina Companeez.

  • Eva Ionesco : Née en 1965, elle est la fille de la photographe controversée Irina Ionesco. Elle est principalement connue pour avoir, enfant, été poussée par sa mère - en particulier - à poser comme modèle pour des photos érotiques. Ces photos mettant en scène une très jeune enfant nue et érotisée provoquèrent de grandes controverses. À onze ans, elle pose nue en couverture du Spiegel. A la fin des années 1970, toujours mineure, elle joue dans des films érotiques depuis censurés car jugés pédopornographiques. Elle jouera ensuite beaucoup de seconds rôles au cinéma.

  • Denys de la Patellière (1921-2013) : Réalisateur et scénariste français, il s’engage durant la Seconde guerre mondiale dans l’Armée de la Libération. A la fin du conflit, il se lance dans le cinéma. Il commence comme ouvrier développeur de pellicule, puis comme monteur. Il sera assistant réalisateur de Maurice Labro, Georges Lacombe, et Georges Lampin. Il réalise son premier long métrage, Les Aristocrates, en 1955 avec Pierre Fresnay. On lui doit Le salaire du péché avec Danielle Darrieux (1955), Retour de Manivelle avec Michèle Morgan (1956), Les grandes familles avec Gabin (1958), Un taxi pour Tobrouk avec Ventura (1960), et enfin Prêtres interdits, son film testament, en 1973 avec Robert Hossein. Il poursuit sa carrière à la télévision. On lui doit aussi un Maigret avec Jean Richard en 1978 (Les témoins récalcitrants), et un autre avec Cremer : L’Affaire Saint-Fiacre.

  • Alexandre de la Patelllière : Né en 1971, fils de Denys de la Patellière, il collabore avec son père comme scénariste, comme assistant réalisateur, script doctor, puis directeur de production. Il écrit en 2010 la pièce de théâtre Le prénom qui est adapté au cinéma avec Patrick Bruel. 

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Anecdotes :

Citations

 

 

– Dandurand : Cécile vous estimait : je suppose que vous êtes estimable, elle se trompait rarement sur les gens. Elle, elle ne l’était pas. Envieuse, un peu lâche, pas désirable : elle n’avait rien pour elle, la pauvre fille ! Si, peut-être son amour pour son frère… A un moment, j’ai même pensé, qu’elle et lui…
– Juge Mathieu : Vous parlez d’une morte !
– Dendruand : Mais je sais, monsieur le juge, je sais, c’est moi qui l’ai tuée.

 

Maigret : « Non, monsieur le juge, je n’ai pas gagné. Et je ne vais pas passer une bonne nuit. Parce qu’avec mon fameux flair, comme vous dites, j’ai rien compris… et Cécile est morte ! »

 

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7. MAIGRET ET LA TÊTE D’UN HOMME

Première diffusion : 23 février 1996

D’après La tête d’un homme (1931) – Roman

Scénario : Christian Rullier
Réalisation : Juraj Herz

Interprétation : Emmanuel Salinger (Radek), Marisa Berenson (Mrs Crosby), Jay Benedict (Mr Crosby), Jean-Claude Frissung (Janvier), René Remblier (Dufour), Eric Prat (Torrence), Olivier Achard (Heurtin), Eric Desmarestz (juge Benneau), Zora Jandova (Edna), Pierre Baillot (Moers)

Résumé : Heurtin est condamné à mort pour un double meurtre. La veille de son exécution, il s’évade de prison. L’évasion est coordonnée par Maigret qui croit Heurtin innocent, et espère qu’il le conduira jusqu’au véritable coupable et le garde sous surveillance. Mais au petit matin, il perd sa trace. Une nouvelle piste le mène jusqu’au bar américain La coupole… 

Critique :

Encore un épisode remarquable, véritable œuvre d’art envoûtante à la trame parfaitement construite, à la mécanique huilée et implacable, une merveille de « roman noir ».

Maigret et la tête d’un homme pose la difficile question de l’erreur judiciaire et des moyens de s’en prémunir. Maigret a déroulé une enquête (aperçue en générique) qui l’a mené tout droit à un assassin preuves à l’appui, mais ne s’en contente pas. Tout désigne Heurtin, mais l’homme ne semble pas capable de commettre un double meurtre. Maigret met donc au point ce plan insensé dont le secret sera rapidement éventé, et fait évader son suspect malgré la défiance du juge Benneau pour ce plan. La chasse à l’homme s’engage. Bien que cela ne soit pas réellement le sujet de l’épisode, les scènes sont cependant intenses, dotées d’un très beau suspens et même d’humour. Voir Maigret en planque, faire évacuer une chambre d’hôtel borgne par ses occupants (de ceux qui louent les chambres à l’heure...) est très sympathique. Heurtin parvient à s’enfuir suite à un concours de circonstances bien trouvé (et permet une petite scène d’action fort plaisante dans une série si calme), et Maigret doit alors tout reprendre depuis le début.

Tandis que le commissaire délègue à ses inspecteurs la tâche ingrate de chercher son homme, il reprend les pièces matérielles du dossier et les examine avec soin. Plaisir rare : nous voyons le retour de Moers dans une très bonne scène de police scientifique autour d’une lettre anonyme dans une splendide lumière bleue. Cette piste l’amène à s’intéresser au bar de la Coupole, lieu hautement cosmopolite peuplé d’êtres futiles avec lesquels le commissaire n’a guère de sympathies. Ici, Maigret remarque d’étranges manèges entre un américain, Crosby (neveu d’une des deux victimes), Heurtin (qui tente en vain de rentrer à la Coupole), et surtout Radek, un ex-étudiant en médecine tchèque intelligent, supérieur, paranoïaque, qui intrigue énormément le commissaire.

Encore une fois comme dans tous les meilleurs épisodes de la série, c’est la confrontation entre Maigret et ce personnage qui apporte tout le sel à une intrigue (déjà fort bien écrite) et emporte le morceau. Radek fait partie des meilleurs adversaires de Maigret. Tout de suffisance, de morgue, et au bord de la folie. Son duel avec le commissaire reste dans les annales comme un des sommets de la série. Il brouille les pistes en jouant au chat et à la souris, certain de sa supériorité face à Maigret, et convaincu que la médiocrité et l’intelligence limitée de Heurtin ne pourront jamais l’atteindre. Esthète, « stratège » comme le définit Moërs, Radek n’abandonnera sa suffisance qu’à l’ultime épreuve pour lui : la confrontation, la dénonciation par Heurtin, et le piège tendu par Maigret pour l’attraper. Emmanuel Salinger joue à la perfection cet être diabolique, dérangé, mais génial. On peut cependant s’étonner qu’un rôle de tchèque ait été confié à un français quand des tchèques jouent des français dans le même épisode…

Le reste de la distribution est également à la hauteur, même si personnellement la composition de Marisa Berenson ne m’émeut pas, faute à une actrice assez glaciale et que je n’apprécie pas spécialement. Mais cela reste une affaire de goût car le personnage fonctionne. Jay Benedict me paraît beaucoup plus convaincant, évoluant du charmeur au traqué. Le retour d’Eric Desmarestz dans le rôle du toujours pénible juge Benneau est également une bonne surprise. Le voir s’attribuer le mérite de la réussite finale de l’affaire est savoureux. Ses affrontements avec Maigret sont particulièrement tendus, le juge réclamant presque la tête de Maigret à la place de celle d’Heurtin.

Autre particularité : la bande originale. La musique habituelle de la série est absente ici, ou à tout le moins réorchestrée d’une façon un peu grandiloquente, presque digne d’un film d’épouvante des années 50 comme en produisait la Hammer. Si sur le coup le fait peut paraître assez étrange, il met en réalité bien en valeur les images de Juraj Herz, tantôt chaudes lorsqu’il s’agit du bar (où là, la musique américaine est bien sûr omniprésente), et tantôt froides lorsque l’on se concentre sur Heurtin (prison, fuite, guillotine, etc.).

Maigret et la tête d’un homme constitue ainsi avec L’écluse n°1 et Cécile est morte une superbe trilogie d’épisodes avec des thèmes communs (folie, opposition, crime crapuleux). Il est dommage qu’à la diffusion originelle, cette belle unité ait été brisée en décalant la diffusion de cette affaire. Replacée dans son contexte de production, il est fort plaisant de les enchaîner et d’en apprécier similitudes et différences.

Un des meilleurs épisodes, tout simplement.

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Distribution :

  • Emmanuel Salinger : Né en 1964, il débute avec Arnaud Desplechin dans La Vie des morts puis pour La Sentinelle (pour lequel il obtient le Prix Michel Simon en 1992). Il tient un rôle régulier dans Deux flics sur les docks de 2011 à 2014.

  • Marisa Berenson : Née en 1947 à New York, belle-sœur d’Anthony Perkins, elle débute en 1964 comme mannequin, ce qui lui apporte une très grande renommée. Familière des boîtes à la mode, elle commence dans les années 70 une carrière au cinéma. Elle n’a que peu tourné, mais avec les plus grands réalisateurs (Visconti, Irving, Eastwood...), mais son film le plus célèbre est sans conteste Barry Lyndon de Stanley Kubrick.

  • Jay Benedict : Acteur américain né en 1951, il est principalement connu pour son rôle du Capitaine John Kieffer dans Foyle’s War, en Grande-Bretagne. Apparu dans Star Wars IV : Un nouvel espoir, la version longue d’Aliens... on l’a vu plus récemment dans The Dark Knight rises et Moonwalkers.

  • Juraj Herz : Né en 1934, ce réalisateur tchèque échappe de peu aux camps de la mort durant la seconde guerre mondiale, mais sa famille n’a pas cette chance. Adulte, il s’engage dans une carrière cinématographique comme assistant réalisateur (Le Miroir aux alouettes, 1963), mais également comme comédien et metteur en scène de théâtre. Il réalise en 1968 son premier film, L’incinérateur de cadavres qui sera censuré. Il a tout au long de sa carrière rencontré nombre de problèmes avec les censeurs officiels du parti communiste de Tchécoslovaquie. Il se tourne vers l’adaptation de contes en Allemagne dans les années 80. On le revoit en 1996 sur un autre grand Maigret : Maigret a peur

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Anecdotes : 

  • Quinzième épisode tourné, en 1994, il ne fut inexplicablement diffusé qu’en vingt-et-unième position en 1996.

  • Citations :

    — Juge Benneau : Vous voyez, monsieur le commissaire, notre expérience a été concluante. Nous ne pouvons qu’en être satisfaits. [Désignant sa voiture] Je vous raccompagne ?
    — Maigret : Non merci. Nous avons besoin de marcher. 

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8. MAIGRET SE TROMPE

Première diffusion : 4 novembre 1994

D’après Maigret se trompe (1953) – Roman

Scénario : Dominique Roulet
Réalisation : Joyce Buñuel

Interprétation : Bernadette Lafont (Mme Brault), Danielle Lebrun (Mme Gouin), Brigitte Catillon (Antoinette Ollivier), Anny Romand (Melle Decaux), François Perrot (Gouin), Isabelle Petit-Jacques (Mme Cornet), Jean-Claude Frissung (Janvier), Rebecca Potok (Alberte), Frédérique Lopez (Louise), Luc Lavandier (Pierrot), Annie Grégorio (la nourrice)

Résumé : Louise Fillon, prostituée de luxe, est abattue chez elle d’une balle de petit calibre. Enceinte, les soupçons de Maigret se portent rapidement vers l’un de ses riches amants, le professeur Gouin habitant dans le même immeuble. Le second petit ami de Louise, Pierrot, est en fuite, mais Maigret s’obstine à penser que tout mène au professeur Gouin dont l’entourage n’est fait que de femmes, de son épouse à son assistante en passant par sa belle-sœur. Étrangement, Maigret tarde à l’interroger…

Critique :

Il faut toujours une exception pour confirmer une règle. Celle qui veut que Maigret soit confronté à un personnage d’envergure est ici plus que valable dans son exception donc. Le mieux est l’ennemi du bien, et Maigret se trompe en est la parfaite illustration. Maigret doit faire face ici non pas à une forte personnalité mais à cinq ! Et c’est bien trop, comme nous allons le constater.

On se perd en effet dans les méandres d’une enquête peu palpitante et passablement confuse. Nous ne comprenons pas les agissements de Maigret qui se fourvoie donc dans une affaire des plus simples en apparence, mais qui prend des allures de roman de gare (pour finir dedans d’ailleurs), sans aucune logique apparente. Maigret se trompe ? C’est possible, mais nous n’en voyons pas la raison. Le commissaire, particulièrement avare de confidences dans cet épisode, ne nous livre rien de ses pensées. A son habitude, il n’échaffaude aucune hypothèse et nous en sommes réduits à des conjectures : tout accuse le professeur Gouin d’avoir assassiné sa maîtresse ; Maigret suit donc cette piste en alternant les interrogatoires de sa femme, de sa belle-sœur, et de son assistante, en s’offrant plusieurs détours chez la bonne de la victime. Il se désintéresse très vite de la piste du fiancé qui n’apporte strictement rien à l’intrigue si ce n’est davantage de digression.

Pourquoi donc Maigret patiente-t-il plus d’une heure de film (mais plusieurs jours d’investigation) avant d’aller questionner l’homme qui apparaît (faussement) comme le principal suspect ? Pourquoi cette attente ? Pour quel motif ne respecte-t-il aucune des procédures policières courantes ? Faut-il chercher la réponse dans la phrase de Mme Gouin ? « On ne dérange pas un homme comme le professeur Gouin ». Ce serait bien la première fois que nous verrions le commissaire s’embarrasser de ce genre de considérations, comme s’il devait ménager un grand praticien, lui qui ne se gêne pas avec les juges ou les ministres. 

Non, il faut plutôt y voir un simple bon sens : Maigret se perd à suspecter un homme que tout accuse. Mais s’il se donnait la peine de réellement l’interroger, il découvrirait l’être abject qu’il est, livré dans sa vérité odieuse certes, mais bien réelle : l’homme n’est coupable que d’être un affreux misogyne imbu de lui-même. Infidèle, oui : il le clame haut et fort. Mais menteur, pas du tout. Maigret, en le questionnant dès le départ, comprendrait aussitôt son erreur et porterait immédiatement son attention dans la bonne direction. Si tel était le cas, cette énigme serait au mieux bouclée en une demi-heure (en poussant bien), et il n’y aurait pas de film.

Alors on nous invente cette sorte d’attente, très longue, incompréhensible, qui nous amène enfin vers la confrontation avec le professeur Gouin. Et c’est là que le bât blesse une seconde fois. L’entretien qui aurait dû être le sommet du film en ressort consternant de platitude. Non pas à cause de la très bonne performance de François Perrot, mais parce que le personnage s’est trop fait désirer et que nous n’en avons à peu près plus rien à faire de lui, de sa femme, de sa maîtresse, ou de son poisson rouge. Nous avons déjà vu sa femme dont l’interrogatoire révèle une personnalité étrange allant comme un gant à Danièle Lebrun ; nous avons vu la belle-sœur bibliothécaire glaçon (une belle caricature pour le coup), nous avons vu également la bonne qui en sait trop et dont on tire les vers du nez (cocasse Bernadette Laffont), et nous avons également eu droit au numéro de l’assistante et maîtresse d’occasion dont on ne sait si elle tend vers la femme fatale, la femme libérée, ou la femme soumise (sans doute un peu des trois à la fois). Beaucoup trop de personnalités qui se débattent et surnagent comme elles le peuvent, chacune tirant un peu la couverture à elle, mais sans que personne ne vienne vraiment emporter le morceau.

La fin du film est ridicule : Maigret, en planque, ne bouge pas, se fait enfermer par le coupable dans une pièce, finit par sortir on ne sait comment, et se précipite stupidement à la poursuite du meurtrier. Pourquoi stupidement ? Parce qu’il sait où il se rend et qu’il lui serait aisé de l’arrêter à cet instant. Mais Maigret, le raccommodeur de destinées, ne permettrait donc pas l’ultime échappée, celle de Mme Gouin devenue complice, et qu’il protège dans un sursaut de bonté d’âme.

La seule véritable force de l’épisode réside dans son interprétation car les acteurs sont véritablement remarquables chacun dans leur style. La réalisation est honnête, les couleurs un peu plus vives qu’à l’ordinaire, ce qui n’est pas forcément désagréable et nous procure une fausse impression de légèreté. Le montage apparaît comme idiot comme nous l’avons vu précédemment, de part de cette insistance de Maigret à mal faire son travail, mais ce découpage est manifestement dû au scénario en lui-même, bancal et mal fichu.

Le coffret 2 s’achève donc sur une fausse note, un raté, nous laissant une impression peu agréable. 

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Distribution :

  • Bernadette Lafont (1938-2013) : Se destinant à la danse, elle suit des cours à l’Opéra de Nîmes. Bonne élève, elle décroche son baccalauréat à 16 ans. À Paris, elle rencontre François Truffaut et devient l’égérie de la Nouvelle Vague avec des films remarqués comme Les Mistons (1957), Le beau Serge, A double tour (1959), Compartiment tueurs (1965). Actrice également de films populaires, on la voit dans Les Bons vivants, Un idiot à Paris, La fiancée du pirate, La maman et la putain. Sa carrière connaît un creux mais on la revoit dans les années 80 dans de nombreux films de Jean-Pierre Mocky, ainsi que dans Inspecteur Lavardin, Masques et L’Effrontée qui lui vaut le César de la meilleure actrice dans un second rôle en 1985. Elle continue de tourner à la télévision (dans Scènes de ménages) jusqu’à sa mort en 2013. Elle était la mère de l’actrice Pauline Lafont, décédée accidentellement en 1988.

  • Danièle Lebrun : Née en 1937, elle obtient un premier prix au Conservatoire et passe deux ans à la Comédie-Française. Elle officie principalement sur les planches, alternant les registres tragiques, comiques, ou même franchement burlesques. Elle est surtout connue du grand public pour les adaptations télévisions de Marivaux et de de Musset, et ses nombreuses participations à Au théâtre ce soir. On la voit au cinéma dans Camille Claudel et Uranus, à la télévision aux côtés de Claude Brasseur pour Les Nouvelles aventures de Vidocq et dans le rôle d’Yvonne de Gaulle dans Le grand Charles aux côtés de Bernard Farcy. En 2011, 53 ans après son premier passage, elle est à nouveau engagée à la Comédie-Française. Elle était déjà apparue dans un Maigret avec Jean Richard en 1988 : Maigret et l’inspecteur Malgracieux.

  • Brigitte Catillon : Actrice et scénariste née en 1951, elle obtient plusieurs nominations aux Césars ainsi qu’aux Molières sans jamais décrocher la récompense. Elle alterne le théâtre (Kafka, Shakespeare, Racine, Marivaux, Bergman, Guitry, Bedos...) et le cinéma (Le quart d’heure américain, Louis, enfant roi, La parenthèse enchantée, le goût des autres, Ne le dis à personne, Amour et turbulences...). À la télévision, on l’a vue dans Alice Nevers, Jean Moulin, et Les petits meurtres d’Agatha Christie.

  • François Perrot : Né en 1954, il débute au théâtre dans la troupe de Louis Jouvet puis passe au TNP de Jean Vilar. Spécialiste des rôles de notables, on le verra dans Les liaisons dangereuses de Vadim en 1960, Les innocents aux mains sales de Chabrol, Le Corps de mon ennemi de Verneuil, ainsi que dans Coup de torchon et La vie et rien d’autre pour Tavernier, toujours dans des personnages élégants et bourgeois. On le voit dans de nombreuses séries télévisées prestigieuses (Châteauvallon, le Château des oliviers, La Prophétie d’Avignon, etc.). Au théâtre, il remporte un grand succès dans Les seins de Lola de Maria Pacôme.

  • Annie Grégorio : Née en 1957, elle se fait remarquer dès 1982 dans Le petit théâtre de Bouvard. Figure importante de la télévision (Tramontane, Merci les enfants vont bien, Marie Bernard l’empoisonneuse, la Prophétie d’Avignon aux côtés de François Perrot, Week-end chez les toqués, Crimes et botanique, Commissaire Laviolette...), elle officie sur les planches pour Bernard Murat (Guitry, Feydeau...) et Jean-Michel Ribes (Dubillard, Gourio...), et au cinéma (Désiré, Les Sœurs soleil, Au secours, j’ai 30 ans !, l’Antidote, Les Visiteurs 3...). On  retrouvera sa gouaille et son accent délicieux en 1996 dans Maigret en meublé. On l’avait vue aux côtés de Jean Richard dans la première série des Maigret en 1988 dans La morte qui assassina.

  • Dominique Roulet (1949-1999) : Écrivain, scénariste, et réalisateur, il a écrit une dizaine de romans dont Les dossiers de l’inspecteur Lavardin dont il signe l’adaptation télévisuelle et au cinéma pour Chabrol avec Jean Poiret (Poulet au vinaigre, Inspecteur Lavardin). Il a écrit ensuite surtout pour Les Cordier, juge et flic.

  • Joyce Sherman Buñuel : Née en 1941, Buñuel est une réalisatrice et scénariste française d'origine américaine. Elle fut mariée à Juan Luis Buñuel, fils du cinéaste Luis Buñuel. Elle réalise nombre d’épisodes de série pour la télévision française depuis 1979 (Julie Lescaut, Madame le consul, Commissaire Moulin, Sœur Thérèse.com, Le Juge est une femme... et surtout Clem).

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Volume 3Volume 5

Maigret (Bruno Cremer)

Volume 4


PRÉSENTATION VOLUME 4

Ce volume poursuit la lente transformation de la série. Originellement noire et poisseuse, très fidèle à l’esprit originel des romans de Simenon, peu à peu, le besoin de modernisation par la production se fait sentir. L’adaptation de nouvelles permet aux scénaristes de prendre de nombreuses libertés et de proposer un programme davantage grand public, moins sombre et plus chaleureux. Les épisodes se montrent sous un jour plus léger, humoristique, mais la série perd peu à peu de sa saveur. Le temps des grands épisodes est malheureusement passé.

S’il est encore possible de dénicher de véritables petites perles dans ce volume, l’ensemble s’est un peu affadi et manque de piquants. Moins de grands comédiens pour affronter un Bruno Cremer qui commence à s’affaiblir. La maladie le guette, il prend au poids au fil des épisodes et son jeu semble parfois plus relâché. 

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1. MAIGRET ET L’ENFANT DE CHŒUR

Première diffusion : 3 octobre 1997

D’après Le témoignage de l’enfant de chœur (1946) – Nouvelle

Scénario : Dominique Roulet et Pierre Granier-Deferre

Réalisation : Pierre Granier-Deferre

Interprétation : Stanislas Crevillen (Etienne), Anne Roussel (Hélène), Ginette Garcin (Denise), Jacqueline Jehanneuf (Marthe), Sylvie Granotier (Mme Dupin-Duclos), Roger Dumas (M. Dupin-Duclos), Jean Martin (le juge Mézières), Philippe Duclos (Thiberge), Steve Kalfa (Castagnet), André Penvern (Luchard), Jacques Goasguen (le curé)

Résumé : Dans une petite ville de l’Est de la France, le jeune Etienne, enfant de chœur sur le chemin de l’église, découvre un cadavre et de celui qu’il décrit au commissaire comme étant l’assassin, un homme aux yeux noirs. Malheureusement, depuis, aucune trace du corps. Maigret, sceptique, décide d’enquêter malgré tout sur la base de ce témoignage, sujet à caution.

Critique :

Episode sympathique que ce Maigre et l’enfant de chœur, qui se déroule au rythme tranquille d’une petite ville de province.

L’intrigue sert ici de prétexte à la description du microcosme d’une rue, arpentée en long et en large par un Maigret qui aimerait croire cet enfant mais que pratiquement tout le monde décrit comme un menteur. Le scénario évoque le roman Monsieur Galet décédé sans en avoir les malicieuses descriptions et adapte très librement une petite nouvelle fort simple. Il permet aux comédiens du jour de proposer une succession de duos, voire de duels, entre eux et Bruno Cremer. Dans une étude psychologique assez poussée, le film dresse le portrait des besogneux, des bourgeois, des riches et des « entre-deux ». Le commissaire tâche de ne pas prendre partie, au moins au début. Mais, peu à peu, des sympathies inattendues pointent pour certains de ces suspects, pleines de compréhension et de tendresse. 

Bruno Cremer excelle réellement dans le rôle et ne s’en est pas encore lassé comme ce sera par la suite. Il paraît prendre sous son aile le petit Stanislas Crevillen, le mettant en valeur avec sympathie et bonhommie. Celui-ci joue particulièrement bien, ce qui reste rare pour les enfants, très juste et fin. A nouveau, le reste de la distribution est impeccable, point fort de l’épisode. Les épisodes de Maigret mettant en scène des enfants sont généralement très réussis. Dans ce registre, il convient de signaler les futurs Maigret à l’école et Maigret (2002) et les sept petites croix (2005). Dans chacune de ces histoires, la relation qu’entretiennent le commissaire et le petit, est particulièrement tendre.

Il est cependant regrettable que la résolution de l’affaire soit pratiquement éventée dès les premières minutes de l’épisode, faute à un procédé de montage stupide consistant à montrer le regard de l’assassin. Au cinéma, à la télévision, au théâtre, il n’est rien de plus évocateur que les yeux d’un acteur, qui véhicule autant d’émotions qu’il le souhaite par un simple regard. Si l’image reste ici fugace, elle est suffisamment évocatrice pour nous permettre d’identifier le meurtrier à la première vision de celui-ci.

Si l’histoire se délaye un peu trop, faute à un format originel trop court, ce Témoignage de l’enfant de chœur demeure un épisode attachant, bien réalisé, tout en se limitant à un minimum de décor et de personnages. Economique, précis, l’épisode offre, de plus, une jolie évocation de l’enfance du commissaire, par petites touches plaisantes

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Distribution :

  • Stanislas Forlani Crevillen : Né en 1982, ce comédien spécialiste de doublage, débute très jeune sa carrière en 1991 avec Génial mes parents divorcent, en 1991, dans le rôle de Nestor. On le voit grandir à la télévision dans Julie Lescaut, les Cordier, l’Instit, Famille d’accueil, ou Joséphine Ange gardien. Au cinéma, il évolue chez Michel Blanc : Mauvaise passe, ou Francis Veber : le Placard. Il est la voix régulière de Darren Criss dans Glee.

  • Anne Roussel : Née en 1960, cette comédienne de théâtre et de cinéma est apparue dans les marmottes et les truffes. Elle joue au théâtre dans Shakespeare, Assous, ou Kafka. Elle campe le personnage régulier de Gabrielle Peyrac dans Equipe médicale d’urgence.

  • Ginette Garcin : (1928-2010) Elle débute sa carrière dans l’opérette Avec le soleil, en 1942. Première interprète de Bobby Lapointe et de Jean Yanne, elle débute au cinéma dans les années 70. Elle tourne pour Audiard, Lelouch, Yanne, Boisset et Tachella. Elle obtient un gros succès à la télévision dans Marc et Sophie. Auteur de la pièce le Clan des veuves¸ elle y obtient un énorme succès en compagnie de Jackie Sardou. De 2001 à sa mort en 2010, elle joue dans Famille d’accueil, et on la voit encore dans la Beuze ou les Dalton. Elle décède d’un cancer du colon, quelques jours après avoir terminé le tournage de son ultime épisode de Famille d’accueil.

  • Sylvie Granotier : Née en 1951 à Alger, cette comédienne joue depuis les années 80 au cinéma et à la télévision, chez Leconte, Corneau ou Jugnot. Elle joue depuis 2016 dans Baron noir. Elle est également un auteur reconnu de romans policiers (Mort sans lendemain, Dodo, Double je, la Rigole du diable) et une traductrice de romans de langue anglaise.

  • Roger Dumas : Né en 1932, il joue principalement au théâtre à ses débuts, chez Hossein et Michel de Ré. Mais on le voit également au cinéma dans un très grand nombre de seconds rôles prestigieux, aux côtés de Belmondo ou De Funès, dans l’homme de Rio et Pouic-Pouic. Il joue régulièrement pour Chabrol comme pour Assayas, Denys de la Patellière ou Claude Berri. Il joue aux côtés de Raymond Souplex dans les cinq dernières minutes en 1962, ou dans Navarro, Julie Lescaut. Auteur de chansons avec Jean-Jacques Debout, il est notamment l’auteur des paroles du générique de Capitaine Flam et a régulièrement composé pour Chantal Goya et Sylvie Vartan.

  • Jean Martin : (1922-2009) Il débute au théâtre dans des créations de Beckett, Adamov et Ionesco. Il crée le personnage de Lucky dans En attendant Godot en 1953. Il trouve son premier rôle au cinéma en 1942 dans l’adaptation du roman de Maigret Cécile est morte de Jean Delanoy, dans le petit rôle du garçon d’étage. Son rôle le plus important est dans la bataille d’Alger. Inquiétant grand maître dans le feuilleton fantastique les Compagnons de Baal en 1968, il participe à l’émission pour enfants Récré A2 dans les années 80. Il est la voix de l’Oiseau dans le roi et l’oiseau.

  • Philippe Duclos : Comédien français, il débute par le Cours Florent et travaille avec Daniel Mesguich. On le voit dans De gré ou de force, et dans le rôle récurrent du juge d’instruction de la série télévisée Engrenages depuis 2005. Il joue au théâtre chez Shakespeare, Bergman, Marivaux, Sartre ou Duras.

  • André Penvern : Né en 1947, il joue au cinéma pour les plus grands réalisateurs, Chabrol, Cayatte, Preminger, Oury, Frankesnheimer ou Polansky. Il interprète, de 1982 à 1989 le rôle de l’inspecteur Castaing dans les enquêtes du commissaire Maigret avec Jean Richard. 

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2. MAIGRET ET LE LIBERTY BAR

Première diffusion : 17 octobre 1997

D’après Liberty bar (1932) – Roman

Scénario : Bernard Marié

Réalisation : Michel Favart

Interprétation : Pascale Roberts (Mado), Marina Golovine (Sylvie), Françoise Christophe (Madame Martini), Jeanne Goupil (Gina Martini), Philippe Uchan (Boutigues), Eric Boucher (Joseph), Gavin Van Den Berg (Harry Brown), Graham Clarke (Yann), Pascal Leclair (un gardien de la paix), Nigel Kent (le chauffeur de taxi)

Résumé : Côte d’Azur. William Brown, riche Australien, est poignardé et revient mourir à sa villa. Les deux femmes avec qui il vit, tentent de s’enfuir mais leur voiture a un accident. Incarcérées, elles attendent la venue de Maigret, venu prêter main forte à l’inspecteur Boutigues, dépassé par la situation. 

Critique :

Les Maigret se suivent et ne se ressemblent pas. Voici une histoire de femmes, de jalousie, de vengeance, de sexe et de passion dévorante.

Maigret et le Liberty Bar est un des épisodes les plus sordides de la série, plein d’une noirceur savamment distillée au cœur de rencontres « simenonienne » et de personnages désespérés, accrochés au crépuscule de leur existence. La peinture sociale est au vitriol et nul ne sera épargné. Petites gens, fausses bourgeoises et réussite à l’américaine. L’argent détruit le cœur de l’homme, pourrit son âme et le pousse au vice : telle pourrait être la morale de cette histoire qui ne débute pas sous les meilleurs auspices. La scène d’introduction est étrange, on n’y comprend pas grand-chose. Est-ce le montage ou tout simplement la direction d’acteur qui pèche ? Deux femmes sont en fuite d’on ne sait quoi, frivoles d’apparence, fragiles psychologiquement comprend-on rapidement. Mais elles ne sont absolument pas crédibles dans leur rôle, surjouent abondamment et la scène de leur accident est risible.

Que vient donc faire Maigret dans cette affaire ? Débarquant d’un magnifique avion à hélice, on le découvre tout sourire sous le soleil des cigales. Il déchante bien vite en découvrant celui qui se révélera son nouvel assistant, du moins pour cette affaire : l’inspecteur Boutigues. Ridicule, idiot, heureusement qu’il aime la vie, cela procure au moins quelques bons moments en sa compagnie, notamment l’apéritif partagé avec le commissaire, d’autant plus que le personnage est bien interprété. 

Si les autres comédiens ne sont guère remarquables, Pascale Robert, en revanche, illumine l’épisode, par un jeu complexe, déclinaison subtile d’une femme épuisée, malade, au bout du rouleau, tentant malgré tout de faire bonne figure. L’attachement que Maigret éprouve à son égard est tellement bien écrit et joué que nous le partageons aussitôt. Tendre, pathétique, lâche, à la fois séduisante et repoussante, Mado est une figure typique des Maigret, de ces Madones brisées par la vie et par les hommes. Prisonnière de ses fantômes, elle se réfugie dans l’alcool car elle ne sait plus rien faire d’autre, ni penser, ni aimer, ni haïr. Profitons-en, nous n’en reverrons pas de sitôt.

Mais ce Liberty Bar n’est pourtant pas très palpitant. Ce lourd soleil amoindrit tous les effets de noirceurs amorcés dans l’introduction pour proposer une ballade dans le Sud de la France. Comment se passionner pour une victime dont on ne sait rien ? Rarement la personnification du mort aura été aussi pauvre et hormis le chassé croisé entre les quatre femmes « du mort » présente un peu de piquant. Le doublage des comédiens étrangers est, une fois encore, particulièrement raté.

La série amorce, lentement, son déclin, déclin dont elle se remettra, mais nous n’y sommes pas encore…

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Distribution :

  • Pascale Roberts : Née en 1933, elle joue aussi bien au théâtre, à la télévision ou au cinéma. On la voit devant la caméra de Christian-Jaque, Yves Allégret, Marc Berthomieu, Jean Giraut, Philippe de Broca, Jean-Loup Hubert, Jean-Pierre Mocky ou Max Pécas. Figure régulière du cinéma de Robert Guédiguian, elle trouve son rôle le plus célèbre en 1974 dans Dupont-Lajoie, d’Yves Boisset, aux côtés de Jean Carmet. Après une trentaine de téléfilms et apparitions dans des séries, elle joue, de 2008 à 2015, le rôle régulier de Wanda Legendre dans Plus belle la vie.

  • Marina Golovine : Née en 1976, cette comédienne est l’arrière-petite-fille de Michel Simon. Elle joue au cinéma chez Goretta ou Chéreau et à la télévision sous la direction de José Pinheiro.

  • Françoise Christophe : (1923-2012) Elle suit les cours de René Simon puis de Lucien Nat et entre en 1941 au Conservatoire où elle obtient un second prix de comédie. Elle joue chez Henri Decoin et dans Fantomas en 1946. Elle retrouve cet univers en 1967 dans Fantomas contre Scotland Yard avec Jean Marais et Louis de Funès. Pensionnaire de la Comédie Française, elle y joue Musset, Giraudoux, Molière et Rostand. Elle était déjà apparue dans l’univers de Maigret avec Un échec de Maigret, avec Jean Richard, en 1987.

  • Jeanne Goupil : Née en 1950, cette comédienne de télévision et de cinéma débute en 1970 dans Mais ne nous délivrez pas du mal, premier long métrage de Joël Séria dont elle partage la vie. Elle tourne encore pour lui les Galettes de Pont-Aven, avec Jean-Pierre Marielle et Claude Piéplu. Elle également artiste peintre sous le nom de Jeanne K. Lichtlé.

  • Philippe Uchan : Né en 1962, Uchan est un acteur, metteur en scène et chanteur français. Après un passage au Conservatoire de Toulouse, il monte à Paris pour suivre les cours du Cours Florent et entre au Conservatoire national d’art dramatique en 1985, en compagnie de Denys Podalydès. Au théâtre, il a joué Molière, Hugo, Giraudoux, Marivaux sous la direction de Jean-Luc Tardieu ou Pierre Mondy. Grâce à Yves Robert, il obtient le César du meilleur espoir masculin en 1990 pour le rôle de Bouzigue (sic !) dans le Château de ma mère. Depuis, il tourne régulièrement pour Albert Dupontel et Bruno Podalydès.

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Anecdotes :

  • L’épisode a été tourné en Afrique du Sud.

  • Bruno Cremer, sans doute malade pendant le tournage, apparaît parfois fatigué, bouffi et sa prise de poids est manifeste. 

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3. MAIGRET ET L’IMPROBABLE MONSIEUR OWEN

Première diffusion : 12 décembre 1997

D’après L’improbable monsieur Owen (1938) – Nouvelle

Scénario : Virginie Brac

Réalisation : Pierre Koralnik

Interprétation : Arielle Dombasle (Mylène Turner), Bernard Haller (Monsieur Louis), Camille Japy (Germaine), Michel Voïta (Schaft), Eric Petitjean (l'inspecteur Gimello), Joào Lagarto (Niklos), Bruno Slagmulder (Roger), François d'Artemare (Owen), Filipe Ferrer (l'antiquaire), Isabel Ruth (la femme de chambre), Luisa Barbosa (la vieille femme), Ricardo Carriço (le plagiste), Joao Bras (l'inspecteur adjoint), José Manuel Mendes (le commissaire-priseur), David Costa (le jeune chasseur)

Résumé : Maigret, en vacances sur la Côte d'Azur dans l'hôtel d'un ancien informateur est contraint d'enquêter sur le meurtre étrange d'un client de l'hôtel, l'étrange monsieur Owen. Près du corps, retrouvé dans sa baignoire, se trouve également le cadavre du chien d'une starlette, Mylène Turner, que tout semble accabler....

Critique :

Maigret chez Agatha Christie ou comment Maigret se prend pour Hercule Poirot !

L’adaptation d’une nouvelle prouve une nouvelle fois la faiblesse de ce genre de procédé. Rallonger une intrigue initialement conçue pour être brève par un conteur du talent de Simenon relève de la gageure et il faut être un sacré bon scénariste pour s’en sortir. Ici, Virginie Brac échoue totalement à l’exercice. Scénario inepte, interprétation insipide, clichés abondants, tout concourt à un ratage complet et à un naufrage inévitable.

Et pourtant… Et pourtant, il est difficile de détester d’emblée cet O.V.N.I. dans l’univers de Maigret, cet épisode si incongru, totalement hors continuité, où Maigret s’insinue dans un univers qui n’est pas le sien. Cette affaire porte toutes les marques d’un polar british classique, fait d’éclats, de strass et de paillette. Un hôtel bondé, une star finissante, des amants dans tous les sens, un trafic d’œuvres d’art, tout va y passer. Jusqu’à Maigret lui-même qui, à l’instar d’Hercule Poirot, séjourne en vacances dans cet hôtel – superbe incongruité quand on connaît le personnage – et, comme par hasard, un meurtre est commis. Ce n’est pas de chance, tout de même. Mais, en cela, l’épisode ne fait qu’adapter la nouvelle de Simenon qui s’était sans doute essayé à l’exercice de style. 

Cette étrangeté sied donc à un épisode à part, porté par de très amusantes séquences et de bons comédiens pour la plupart. Arielle Dombasle est aussi insupportable que son personnage mais Bernard Haller est particulièrement savoureux. Il est plaisant de voir un Maigret papillonner un peu partout comme un gamin avec son ami Louis, humer l’air comme un chien de chasse pour chercher des indices, se lier d’amitié avec un masseur aveugle – leurs scènes comptent parmi les meilleurs moments de toute la série – et il est certain que l’on passe de bons moments.

Mais il est difficile de s’affranchir une certaine impression de vide, que tout cela est un peu vain et ne mène nulle part. L’intrigue est tirée par les cheveux et ce personnage d’Owen extrêmement peu crédible. Les cadavres déguisés font rarement de bons cadavres. Les faux-semblants se multiplient, les révélations absurdes s’en suivent et la cohérence n’est que rarement au rendez-vous. Pas de surprise, pas de grandes révélations et une histoire qui se suit, simplement, au gré des promenades de Maigret au bord de l’eau.

S’il fait clairement partie des Maigret inférieurs, l’improbable monsieur Owen se regarde pourtant avec amusement et une certaine tendresse pour ce qui ressemble à une parenthèse – presque – enchantée pour notre commissaire préféré. 

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Distribution :

  • Arielle Dombasle : Actrice, chanteuse, scénariste et réalisatrice franco-américaine née en 1953 aux Etats-Unis. Elle se fait connaître auprès du public grâce aux films d’Eric Rohmer (Perceval le Gallois, Pauline à la plage) et pour nombre de réalisateurs prestigieux comme Polanski, Khan, Malkovitch, Houellebecq, Mocky ou Zidi. Elle réalise en 1982 un premier film Chassé croisé, puis les Pyramides bleues en 1988 et Opium en 2013. On la voit occasionnellement au théâtre depuis les années 80. Soin mari, Bernard-Henri Lévy la met en scène aux côtés d’Alain Delon en 1996 dans le jour et la nuit, film qui est un désastre critique, artistique et commercial. En 2013, elle enregistre un album avec le groupe Era.

  • Bernard Haller : (1933-2009) Humoriste et acteur Suisse, Bernard Haller débute en 1955 à Genève avant de monter à Paris. Il se spécialise dans le cabaret. Il participe à la première tournée de Sheila et se fait remarquer par Pierre Fresnay en 1971. Au théâtre il joue chez Savary et dans ses propres spectacles. Il apparaît occasionnellement au cinéma et dans quelques téléfilms.

  • Camille Japy : Actrice française née en 1968, elle joue les classiques au théâtre (Molière, Racine)  ou les modernes (Ibsen). On la voit à la télévision surtout à partir des années 2010 (Deux flics sur les docks, Mongeville) et tourne avec éclectisme pour le cinéma (Ozon, Klapishc, Schmitt, Schoendoerffer).

  • Michel Voïta : Comédien Suisse, né en 1957, il est principalement connu pour avoir joué un des rôles principaux de la série R.I.S. de 2011 à 2013, après être apparu à l’occasion d’un épisode des Cordier, Zodiaque, Julie Lescaut, Joséphine ange gardien, etc.

  • Joào Lagarto : Né en 1958, ce comédien portugais a joué dans un très grand nombre de télénovelas à succès portugaises (Polmicias, Terra Maë, Bastidores, Furia de Viver, Baia Das Mulheres, Lusitana Paixao, Santa Barbara). Figure régulière du petit écran portugais, on le voit également dans un épisode de Novaceck et quelques séries étrangères. Parfaitement bilingue, il joue à l’occasion en France comme le prouve encore récemment sa participation à Benoît Brisefer : les taxis rouges en 2014.

  • Bruno Slagmulder : Né en 1967, ce comédien français s’est surtout illustré à la télévision (Les Cordier, l’affaire Dominici, le juge est une femme, Joséphien ange gardien, les Petits meurtres d’Agatha Christie, Camping paradis). 

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Anecdotes :

  • L’épisode a été tourné au Portugal 

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4. MAIGRET ET L’INSPECTEUR CADAVRE

Première diffusion : 9 janvier 1998

D’après L’inspecteur Cadavre (1943) – Roman

Scénario : Catherine Ramberg, Pierre Joassin

Réalisation : Pierre Joassin

Interprétation : Jacques Boudet (Cavre), Nade Dieu (Geneviève Naud), Jean-Pierre Moulin (Etienne Naud), Philippe Bas (Louis), Renaud Verley (Alban Groult-Cotelle), Axelle Abbadie (Louise), Claire Wauthion (Mme Groult-Cotelle), Nadia Barentin (la postière Gilberte ), Gabriel Cattand (le chef de cabinet), Raymond Pradel (le chauffeur de taxi), Jo Rensonnet (Désiré), Gaëtan Wenders (Edouard Govaert), André Debaar (docteur Petit), Valérie Coton (la bonne), Christophe Sermet (Albert), Nicole Madinier (la mère de Louis), Marie-Rose Meysmans (Mme Retailleau), Christophe Sermet (Albert Retailleau)

Résumé :  Un haut fonctionnaire du Ministère de la Justice demande à Maigret de venir en aide à son beau-frère, Etienne Naud, résidant en Belgique. Celui-ci est accusé par la rumeur publique d’avoir assassiné un jeune homme de la région, Albert Retailleau. Dans le train qui l’emmène sur place, Maigret croise une vieille connaissance, autrefois inspecteur à Paris, un certain Cavre, qui l’évite comme la peste. Une fois arrivé, Maigret surprend d’étranges va-et-vient de la fille de Naud, la nuit venue et à chaque témoin qu’il interroge, il se heurte à une inexplicable réticence. « L’inspecteur Cadavre » est déjà passé avant lui…

Critique :

L’inspecteur Cadavre fait partie de ces épisodes délicieux, à « l’ancienne », digne de la première période de la série. Une affaire trouble, nébuleuse, campagnarde à souhait dans laquelle Maigret s’ébat a     vec légèreté. Plus que jamais fin limier, le commissaire se meut dans une foule de personnages étranges, tous suspects à ses yeux.

Tout le monde ment, tout le monde joue sur des faux semblants, qu’il s’agisse des notables exécrables ou des petites gens peu reluisantes. Toutes sont liées à cet « inspecteur Cadavre » que l’on voit au final assez peu dans le métrage. Mais chacune de ses apparitions, magnifiées par le remarquable Jacques Boudet, met irrésistiblement mal à l’aise. Répugnant, repoussant, rien en lui n’attire la sympathie. Et pourtant, lorsqu’il rend Maigret responsable de tous ces mots, le personnage apparaît presque touchant. La très belle scène d’affrontement entre les deux hommes dans la chambre d’hôtel est superbe à bien des égards. Cremer excelle dans l’art de la retenue, dans le personnage qui aimerait donner une correction à ce minable, et Boudet est exaspérant à souhait. 

Au milieu des magnifiques décors belges, l’intrigue prend place peu à peu, au gré de la nuit et de la brume, très bien utilisés pour renforcer l’atmosphère de mystère un rien malsaine qui se dégagent de certaines scènes. Les escapades nocturnes de la petite Geneviève intriguent, mettent mal à l’aise et il faudra toute la compréhension, le tact et la délicatesse de Maigret pour venir en aide à la petite, perdue, exploitée, aux mains d’un autre personnage au moins aussi répugnant que Cavre : Groult-Cotelle. Le mépris qu’éprouve Maigret à son égard est salutaire et on est heureux, à la fin de l’épisode, de le voir quitter cette maison poisseuse, étouffante, après avoir, une fois n’est pas coutume, épargné la prison au criminel.

Episode très plaisant, Maigret et l’inspecteur Cadavre est, une fois de plus, une belle réussite. 

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Distribution :

  • Jacques Boudet : Acteur français né à Paris en 1939, il œuvre principalement sur les planches (Pinget, Shakespeare, Brecht, Pagnol, Labiche, Pinter, etc.) et connaît un très grand succès dans les années 80 pour Raymond Queneau. S’il travaille pour des réalisateurs prestigieux (Besson, Tavernier, Blier…), il faut attendre Robert Guédiguian pour qu’il accède enfin à la notoriété, avec qui il tourne presqu’à chaque film. Il a joué un rôle récurrent dans Plus belle la vie de 2011 à 2012. Il revient en 2001 dans la série pour Maigret et la fenêtre ouverte.

  • Nade Dieu : Née en 1970, cette comédienne Belge tourne pour Godard Notre musique en 2004, Jacquoulot dans Barrages en 2005. De 2009 à 2014, elle tient le rôle récurrent de Marie Germain dans Un village français.

  • Jean-Pierre Moulin : Comédien français né en 1933 au Mans, il œuvre sur les planches et tient quelques petits rôles au cinéma. Mais il est surtout connu comme comédien de doublage. En plus de doubler nombre d’acteurs tchèques des Maigret, il est la voix régulière de Jack Nicholson et d’Anthony Hopkins.

  • Philippe Bas : Ancien du Cours Florent, ce touche à tout alterne télévision et cinéma avec élégance. On le voit dans Julie Lescaut, les Cordier, Boulevard du Palais et tient le rôle principal dans l’éphémère série Greco. On le voit au cinéma dans l’Empire des loups aux côtés de Jean Reno. Depuis 2012 incarne le rôle principal de la série Profilages.

  • Axelle Abbadie : Née à Alger en 1951, elle se distingue tout d’abord dans la danse classique de 1961 à 1967 où elle intègre l’opéra de Paris comme « sujette », avant d’opter pour une carrière dramatique. Elève de René Simon puis de Robert Manuel, elle joue au théâtre depuis les années 70, alternant boulevard et classique, dans des rôles de bourgeoises dures et intolérantes. Entre 2013 et 2014, on la voit à la télévision dans Famille d’accueil.

  • Nadia Barentin : (1936-2011) Au théâtre elle travaille pour de grands metteur-en-scènes, comme Raymond Rouleau et interprète les grands auteurs (Aymé, Brecht, Obaldia, Anouilh, Dubillard, Grumberg, etc.) et reçoit en 1979 le prix de la meilleure comédienne par le Syndicat de la critique dramatique pour son rôle dans la maison des cœurs brisés de Shaw. Au cinéma, elle retrouve régulièrement le Splendid et Victor Lanoux dans Louis la Brocante.

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Anecdotes :

  • Une note d’hôtel nous apprend que nous sommes en 1955.

  • L’épisode a été tourné en Belgique, dans les communes de Rebecq, Rixensart, La Hulpe et Viroinval en Belgique.

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5. MADAME QUATRE ET SES ENFANTS

Première diffusion : 16 janvier 1999

D’après Madame Quatre et ses enfants (1945) – Nouvelle

Scénario : Pierre Granier-Deferre et Dominique Roulet

Réalisation : Philippe Bérenger

Interprétation : Marianne Basler (Mme Quatre), Claude Duparfait (Lagarde), Sacha Briquet (le militaire retraité), Christian Morin (Vaimber), Delphine Zentout ( Mathilde), Hélène Babu (Janine), Kevin Goffette (Jean-Claude), Antoine Du Merle (Jean-Jacques), Tomas Hanak (Riom), Yvette Petit (Raymonde), Jacky Nercessian (Heurtebise), Georges Neri (l'homme provincial), Lucette Raillat (La femme de 65 ans), Jean Pommier (le docteur Bérenger), Nina Diviskova (la femme du militaire), Ewan Mc Laren (Berthier), Milan Gargula (Mariani)

Résumé : Une jeune femme se rend au bureau du commissaire Vaimber : elle a découvert chez elle, dans la serre, le cadavre d’une femme et elle accuse son mari d’être l’assassin. Le mari reste introuvable. Vaimber s’apprêtait à partir en vacances en compagnie de son épouse et de ses cousins : le couple Maigret. Maigret, peu emballé par ces vacances, lui propose d'enquêter discrètement, sous une fausse identité, dans la pension de famille qu'occupe cette femme, que tous les pensionnaires surnomment "Madame Quatre", car elle occupe la chambre numéro 4. Sur place, Maigret commence à se demander si la jeune femme ne serait pas mythomane...

Critique :

Cet épisode réussit là où bien d’autres épisodes, avant lui, se sont cassés les dents, à savoir l’exploitation d’un même lieu, pratiquement unique, pour nous plonger dans une passionnante intrigue policière. Et s’il réussit non seulement cela, il parvient qui plus est à faire mentir la mauvaise réputation qu’ont, à mes yeux, les adaptations de nouvelles dans Maigret. Il s’agit, loin sans faux, de la meilleure d’entre elle et se paie même la gageure de ne pas avoir le commissaire dans son texte originel.

Drôle d’idée vraiment que d’adapter une histoire de Simenon sans Maigret dedans ! Comme s’il n’y avait pas assez d’histoires intéressantes à mettre en scène. Et pourtant, vraiment, quel bel épisode. D’abord léger, souvent drôle, il se fait macabre puis tout à fait sordide dans sa dernière partie. Cette bascule vers le « noir » et l’horreur est remarquable, preuve d’un scénario habile, écrit de main de maître et servi par d’excellents dialogues. L’exploitation parfaite d’un décor purement idéal contribue largement à la réussite de l’épisode, servi par une interprétation au cordeau. Bruno Cremer paraît comme un poisson dans l’eau dans cette pension de famille où il tente de démêler le vrai du faux, par petites touches, en humant l’air comme à son habitude. 

On se prend à son jeu, savoir si Madame Quatre est une affabulatrice ou une femme réellement en danger. On se prend à détester ses petits monstres tout en leur trouvant un certain attachement. Les personnages sont écrits avec une grande finesse, leur caractérisation est puissante et tous sont parfaitement crédibles. Une belle diversité sociale se retrouve dans le film et Maigret laisse transparaître sa tendresse pour les bonnes de la pension, sans se douter tout à fait du rôle crucial que l’une d’elle sera appelée à jouer dans le final.

Par ailleurs, les quelques scènes montrant Maigret, aux côtés du subtil Christian Morin, fuyant les obligations familiales, font partie des plus savoureuses de toute la série.

Sans aucun doute le meilleur épisode de ce coffret, probablement le meilleur de cette fin des années 90.

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Distribution :

  • Claude Duparfait est un acteur français, issu du Théâtre national de Chaillot et formé au conservatoire. Il fait partie de la troupe permanente du Théâtre national de Strasbourg de 2001 à 2005. Professeur de comédie, metteur en scène, il ne joue pratiquement qu’au théâtre pour Ibsen, Tchekhov ou Shakespeare.

  • Sacha Briquet : (1930-2010) Grand ami de Marlène Dietrich, ce comédien est surtout connu pour son rôle de Monsieur Traveling dans l’île aux enfants. Il a joué de petits rôles dans près d’une centaine de films et téléfilms.

  • Christian Morin : Né en 1945, il débute comme graphiste et dessinateur de presse et débute sur Europe 1 comme animateur grâce à Pierre Delanoë. Il présente un grand nombre d’émissions de télévision jusqu’en 1994 où il disparaît pratiquement du petit écran. Clarinettiste confirmé, il enregistre plusieurs disques et élargit sa palette à la comédie à partir des années 90. Il joue les « guest » dans Maigret, Navarro, Femme de loi, Alice Nevers, et participe à 16 épisodes de Plus belle la vie. Il joue de nombreuses pièces en tournée et assure toujours une chronique sur Radio Classique. 

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Anecdotes :

  • Pierre Granier-Deferre et Dominique Roulet ici entament une collaboration artistique fructueuse qui les conduira à écrire cinq épisodes de Maigret d’affilée, pour le meilleur, Madame Quatre et ses enfants comme pour le pire Un meurtre de première classe

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6. MEURTRE DANS UN JARDIN POTAGER

Première diffusion : 5 février 1999

D’après Le deuil de Fonsine (1945) – Nouvelle

Scénario : Pierre Granier-Deferre et Dominique Roulet  

Réalisation : Edwin Baily

Interprétation : Geneviève Fontanel (Fonsine), Michèle Simonnet (Fernande), Rémy Kirch (Picard), Christophe Kourotchkine (Paturel), Renée Le Calm (Grand-mère Fouly), Martin Amic (Louis Fouly), Thierry Ragueneau (Bouvier), Maïté Nahyr (Janine Joubert), Jean-Claude Bolle-Reddat (Germain Fouly), Sylvie Herbert (Micheline Fouly), Blandine Lenoir (Hélène)

Résumé : Un clochard est retrouvé tué d’un coup de serpe dans la cabane d’un jardin potager à Saint-Mesmin. Sur lui, il portait un pistolet automatique. Ce dernier, envoyé à Paris, est identifié comme étant l’arme d’un autre crime, l’assassinat d’un autre clochard, tué sous le pont de l’Alma. Maigret débarque alors à Saint-Mesmin et découvre l’étrange jeu auquel se livrent les deux sœurs propriétaires du jardin potager. Elles ont coupé la maison en deux, élevés un mur entre elles et s’insultent à longueur de journée. Maigret s’interroge sur l’origine de cette haine et sur la présence de ce vagabond dans leur jardin.

Critique :

Pratiquement aussi bon que l’épisode précédent, Meurtre dans un jardin potager est lui aussi adapté d’une nouvelle de Simenon dans laquelle Maigret n’apparaît pas. Cela se sent un peu, et la présence du commissaire dans ce petit village pluvieux ne paraît guère justifiée. Néanmoins, la magie opère à nouveau, car il est fait grand plaisir de revoir Maigret à la campagne, avec ses bottes, à la pêche aux sensations.

Tout tourne autour de Fonsine et Fernande, les sœurs ennemies, impeccablement interprétées respectivement par Geneviève Fontanel et Michèle Simmonet, toutes deux emplies de hargne et de rancœur mais bercées encore de tendresse et d’amour l’une pour l’autre, sous des couches et des couches de colère. Jalousie, infortune, amours contrariées, nous sommes au cœur d’un drame social assez classique, où il faudra chercher dans un lointain passé la solution du crime et de toutes ces éclaboussures. 

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L’enquête digresse cependant vers une fausse piste trop longuement exploitée pour qu’elle soit intéressante. La nouvelle est trop brève pour fournir suffisamment de matière à un film d’une heure et demie. Les petits jeunes du village, voleurs, un peu veules, rallongent avec ennui une intrigue qui aurait gagné à être resserrée autour des deux sœurs. Certains des comédiens tchèques sont particulièrement mal dirigés qui plus est, et leur doublage est, une fois encore, catastrophique.

Mais ces quelques légers défauts n’entament que très peu notre plaisir de visionnage, bien au contraire. Les temps s’apprêtent, une fois encore, à changer pour Maigret…

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Distribution :

  • Geneviève Fontanel : Née en 1936, cette comédienne débute à 18 ans au conservatoire où elle remporte le premier prix de la Comédie Française et le premier prix de Comédie Moderne. Pensionnaire de la Comédie Française de 1958 à 1962, elle se rend célèbre dans l’adaptation brillante du Journal d’une femme de chambre d’Octave Mirbeau. Elle n’a jamais quitté le théâtre (Guitry, Balzac, Allen, Cocteau, Ensler, etc.) et elle apparaît dans un grand nombre de téléfilms et de séries. Elle apparaît dans l’univers de Maigret aux côtés de Jean Richard en 1989 dans Tempête sur la Manche. On la voit à douze reprises dans Au théâtre ce soir, de 1966 à 1982. Elle obtient le Molière de la comédienne dans un second rôle pour Délicate balance en 1999.

  • Michèle Simonnet : Cette comédienne française joue au théâtre depuis 1962 et a participé au TNP avec Georges Wilson et de nombreux festivals. Elle enregistre de nombreuses émissions dramatiques pour France Inter et assure la direction artistique de nombreux courts métrages entre 2003 et 2006. Auteur, adaptateur et metteur en scène d’un grand nombre de spectacles elle joue occasionnellement au cinéma et à la télévision et s’investit dans diverses commissions artistiques et dramatiques.

  • Rémy Kirch : Kirch fait ici sa seconde apparition dans Maigret, après Les plaisirs de la nuit, dans un rôle bien plus important cette fois. Comédien principalement de doublage, il est la voix d’Armin Shimerman dans Star Trek Deep Space Nine. Il décède en 2000 dans un accident de voiture, entraînant dans sa mort celle de son amie comédienne Pascale Audret, sœur cadette d’Hugues Aufray. On l’avait vue dans Julie Lescaut, la Petite voleuse, Ne réveillez pas un flic qui dort.

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Anecdotes : 

  • Bruno Cremer conclut ici son troisième contrat. Celui-ci a amorcé nombre de changements : tournages pragois, fin des inspecteurs récurrents, adaptation de plus en plus fréquente des nouvelles, adaptations de plus en plus libres… On est loin, à l’aube du 31e épisode de la série de Maigret et les plaisirs de la nuit et du charme noir et désuet défini par le « pilote » de la série. Dorénavant, les digressions seront plus fréquentes, l’humour plus présent, la légèreté renforcée. L’arrivée imminente d’Alexandre Brasseur dans le rôle du récurrent inspecteur Lachenal s’apprête à ouvrir une quatrième ère, singulièrement différente pour Maigret, dont la série va longuement porter certains stigmates désagréables. 

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7. UN MEURTRE DE PREMIÈRE CLASSE

Première diffusion : 26/11/1999

D’après Jeumont, 51 minutes d’arrêt ! (1936) – Nouvelle

Scénario : Pierre Granier-Deferre et Dominique Roulet

Réalisation : Christian de Chalonge

Interprétation : Alexandre Brasseur (Lachenal), Hélène de Saint-Père (Lena Leinbach), François-Régis Marchasson (Arnaud), François Caron (Albert Dutoit), Laurent Schilling (Eric Dorléac), Veronika Varga (Catherine Frankel), Philippe Lamendin (Guillaume Collet), Christian Pereira (René Bonvoisin), Fabien Béhar (inspecteur Luciani)

Résumé : A la frontière franco-belge, un train s’arrête dans la gare de Jeumont. Cependant, la découverte d’un cadavre à bord contient le jeune inspecteur Lachenal à retenir deux compartiments en gare au lieu des 51 minutes prévues. Rapidement dépassé par l’ampleurde l’affaire, l’inspecteur téléphone à Paris pour solliciter l’aide de son oncle… Jules Maigret !

Critique :

Un meurtre de première classe marque le début de l’ère « Lachenal ». Non pas que le personnage ou son interprète, Alexandre Brasseur, influe à ce point sur la série, mais sa présence coïncide avec un remaniement en profondeur du programme. Bruno Cremer se trouve relooké, cheveux courts coupés en brosse, et il arbore même, pour l’unique fois de la série, un complet veston beige crème particulièrement détonnant, mais qui lui va pourtant très bien. L’adaptation des nouvelles se poursuit, avec une inefficacité particulière dans cet épisode, paresseux au possible et ennuyeux comme jamais.

La série accueille donc pour la première fois l’inspecteur Lachenal. Si cela aurait pu être une simple incidence, comme sa présence dans la nouvelle originelle sous un autre nom, ce n’est en réalité que le premier des neuf épisodes dans lequel il prêtera sa silhouette en tant que partenaire attitré de Maigret. Sa participation, prétexte aux dialogues avec le commissaire, s’affinera au fil du temps mais, pour l’heure, il n’est qu’un faible faire-valoir, nécessaire pour amener Maigret à Jeumont. Celui-ci s’implique, sans trop y croire, dans cette histoire invraisemblable de meurtre, de vol, de faux et de mœurs. 

Rien ne tient dans cette histoire, l’interprétation est mauvaise et les digressions prennent le pas sur une enquête dont on n’a rien à faire. Les scènes d’amour entre les suspects se multiplient, agrémentées de discussions insipides sur le sens de la vie qui n’ont rien à faire dans cette histoire. Le décor, joli en soit, devient rapidement monotone et la réalisation n’a rien qui sorte de l’ordinaire. Les quelques bonnes scènes se déroulent entre Cremer, impérial Christian Pereira, génial en commissaire priseur cynique, et leurs dialogues sont les rares bien écrits de l’épisode.

Encore une nouvelle étirée, pour rien, sans saveur, où Bruno Cremer semble en vacances au soleil et ne donne clairement pas le meilleur de lui-même. Alexandre Brasseur est encore un peu hésitant, mais le personnage est sympathique. L’épisode augure mal cependant cette nouvelle ère. 

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Distribution :

  • Alexandre Brasseur : Né en 1971, il est l’héritier d’une dynastie de comédien. Fils de Claude Brasseur, petit-fils de Pierre Brasseur et d’Odette Joyeux, il suit les cours de l’école du cirque d’Annie Fratellini. Il se fait remarquer pour la première fois dans Maigret puis, de 2003 à 2006 dans Alice Nevers. Il apparaît occasionnellement dans d’autres séries et quelques rares filkms mais l’essentiel de sa carrière se poursuit brillament au théâtre : aux côtés de son père dans le triomphe de Mon père avait raison de Sacha Guitry, ou seul, dans Georges et Georges d’Eric-Emmanuel Schmitt, par exemple.

  • François-Régis Marchasson : Acteur français né en 1952, il multiplie les apparitions à la télévision (Commissaire Moulin, Nestor Burma, Julie Lescaut, Quai numéro Un, l’Instit, Joséphine, Sauveur Girdano) et plus rarement au cinéma. Il avait déjà joué dans un Maigret, avec Jean Richard, dans Tempête sur la Manche.

  • François Caron : Acteur français, il se fait remarquer dans des rôles récurrents à la télévision : Les enquêtes d’Eloïse Rome (2001-2005), Un flic (2006-2008) et joue actuellement le rôle récurrent du général de police Sartine dans les Enquêtes de Nicolas le Floch.

  • Christian Pereira : Comédien, scénariste et auteur dramaturge français, il multiplie les petits rôles au cinéma (Un long dimanche de fiançailles, les Visiteurs 2, Bienvenue chez les Rozes, le Dîner de cons), à la télévision (Commissaire Moulin, Julie Lescaut, Panique au Plazza, Sœur Thérèse.Com, Camping Paradis) et au théâtre (Trois partout, la Résistible ascension d’Arturo Ui, la Maison du lac, la Cage aux folles, Des cailloux plein les poches) et a écrit plus de quinze pièces de théâtre. Il reviendra dans la série avec Maigret chez le ministre dans le rôle du Directeur de la P.J. 

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8. MAIGRET VOIT DOUBLE

Première diffusion : 3 mars 2000

D’après On ne tue pas les pauvres types (1946) – Nouvelle

Scénario : Pierre Granier-Deferre et Dominique Roulet

Réalisation : François Luciani

Interprétation : Laure Duthilleul (Evelyne Tremblet), Alexandre Brasseur (Lachenal), Aladin Reibel (Magine), Julien Cafaro (inspecteur Olmetta), Consuelo de Haviland (Josette Keller), Eléonore Gosset (Francine Tremblet), Jean-Paul Muel (Mauvre), Jean-Pierre Becker (veilleur de nuit), Daniel Laloux (forain stand de tir), Sylvie Flepp (concierge)

Résumé : Un certain Tremblet, expert comptable, est retrouvé mort chez lui, tué par un fusil à plombs. Homme banal, père de trois enfants, il paraissait sans histoire, simplement amoureux de son canari. Maigret ne tarde pas à découvrir que l’homme prétendait aller à son travail tous les jours alors qu’il se rendait tous les jours dans un appartement similaire au sien, exact double, empli de canaris…

Critique :

L’épisode rappelle le médiocre L’homme du banc (Coffret 2) et est à peine meilleur que ce dernier. Long, peu palpitant dans sa première moitié, l’intrigue s’accélère quelque peu dans sa seconde, une fois découvert le secret de la victime. La très lente exposition est du, une fois encore, à une intrigue trop brève pour remplir un film d’une heure et demie et les scénaristes peinent à construire un fil conducteur intéressant.

On ne se passionne guère, en effet, pour l’histoire de ce pauvre type, qui vit sa vie en double par ennui, parce qu’il ne sait rien faire d’autre. Tout tourne autour de sa capacité à ramener une paie à sa femme chaque mois, alors qu’il ne vit plus, depuis quatre ans, que sa double vie, entouré des canaris que lui rapporte une pseudo-maîtresse. La fille de Tremblet semble cacher des secrets à Maigret. Celui-ci convoque alors, par une risible astuce scénaristique, son neveu Lachenal à venir le rejoindre pour suivre, protéger et même séduire la jeune fille. Cette sous-intrigue inepte n’est qu’un prétexte pour introduire, cette fois-ci, en bonne et due forme, Alexandre Brasseur comme nouvel inspecteur régulier de Maigret. Heureusement que le personnage est sympathique, car sa présence ici est simplement stupide. 

La solution s’avère, à nouveau, extrêmement simple, voire simpliste. On devine très rapidement les tenants et aboutissants du mystère entourant la victime et la surprise n’est guère au rendez-vous. La mise en scène multiplie les mouvements de caméra inutile, et se compromet même dans de pitoyables scènes de caméra-épaule, comme aux pires moments des débuts de la série. Le doublage des acteurs tchèques est, évidemment, complètement à côté de la plaque.

Fort heureusement, les comédiens sauvent l’ensemble d’un ratage total. La plupart sont peu connus, habitués aux seconds-rôles, mais ils jouent juste et transmettent, par moments, de belles émotions. Notons toutefois que le final de l’épisode offre une des arrestations les plus musclées de la série et l’une des plus réussies.

Si c’est l’ennui qui prédomine cet épisode, il recèle quelques moments agréables et se regarde, du coin de l’œil.

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Distribution :

  • Laure Duthilleul : Actrice française, elle tourne au cinéma pour Beinex, Serreau, Granier-Deferre, Métayer, Berri et occasionnellement à la télévision : les Steenfort, le Vent des moissons, Bouvard et Pécuchet, etc. Elle réalise un unique film en 2003, A ce soir, avec Sophie Marceau.

  • Julien Cafaro : Artiste de théâtre, spécialiste du boulevard (Drôle de couple, Knock, Croque monsieur, Ciel ma mère, la Femme du boulanger), il joue énormément à la télévision (Maguy, Marc et Sophie, Joséphine, Camping Paradis…).

  • Consuelo de Haviland : Née en 1955, cette danseuse, actrice et écrivain franco-américaine. Elle n’a que très peu jouée et représente les chemins de fer russes en France.

  • Jean-Paul Muel : Né en 1944, il commence dans la comptabilité mais abandonne pour comédie à l’âge de 24 ans. Après un passage au Cour Simon, il débute réellement dans les années 60 et intègre le Magic Circus de Savary. Il joue au théâtre chez Ribes ou Bisson. Au cinéma, on le voit dans le Sucre, Papy fait de la résistance, les Visiteurs, la Môme. Puis, dans les années 90, il ne joue plus pratiquement qu’au théâtre et à la télévision. On l’avait déjà vu dans Maigret tend un piège (Coffret 3).

  • Jean-Pierre Becker : Né en 1955, il a joué dans une cinquantaine de pièces (Shakespeare, Molière, Tchekhov, Goldoni, Koltes). Au cinéma, il fait partie des trognes régulières de Jean-Pierre Jeunet. En 1982, il apparaît dans l’émission pour enfants le Village dans les nuages.

  • Sylvie Flepp : Née en 1955, elle joue dans de nombreux téléfilms et tient le rôle récurrent de Mirta Torres dans Plus belle la vie depuis 2004. 

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Anecdotes :

  • La coupe de cheveux de Bruno Cremer varie selon les scènes : coupés courts en brosse ou bien en train de repousser. 

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