Messagepar Shok Nar » mar. nov. 21, 2017 11:31 am
Maigret – Volume 6 – Episode 3 : Signé Picpus
Première diffusion : 30/06/2003
D’après Signé Picpus (1941) – Roman
Scénario et réalisation : Jacques Fansten
Interprétation : Martine Sarcey (Mme Lecloagen), Maurice Chevit (M. Lecloagen), Frédérique Bonnal (Mlle Roy), Olivier Pajot (M. Blaise), Florence Pelly (Berthe), Gérard Bôle du Chaumont (Mascouvin), Armelle Deutsch (Emma), Marc Dudicourt (M. Drouin), Matthias Van Khache (inspecteur Maury), Pierre Diot (inspecteur Christiani), Robert Plagnol (le juge), Philippe Meyer (directeur PJ), Dominique Marcas (Mme Biron), Ivan Avossa (Isidore), Luc Antoni (le garçon de café), Christophe Giordano (le policier bavard)
Résumé : Sur le buvard d’un café, un inquiétant message est découvert : « A 17 heures, je tuerai la voyante. Signé Picpus ». Le jeune inspecteur Maury, chargé de l’affaire, met sous surveillance les voyantes de Paris. Pourtant, l’inévitable se produit et une voyante est retrouvée assassinée chez elle. Dans sa cuisinefermée à clef, Maigret découvre un vieux bonhomme, hagard, un certain Lecloagen. Il prétend n’avoir rien vu, ni rien entendu…
Note : 5 sur 4
Critique :
Signé Picpus est un merveilleux épisode, véritable petit joyau, parfaitement ciselé, réglé comme un mécanisme d’horlogerie parfaitement huilé, peut-être le meilleur de toute la série.
Très justement récompensé du Grand Prix du télépolar de 2003, à l’instar de son ancêtre Maigret et le corps sans tête en 1992, ce film propose une véritable enquête policière, pleine de rebondissements, de fausses pistes, un peu éloignée du schéma habituel des Maigret où l’imposant commissaire se heurte d’ordinaire à une personnalité forte et suspecte. Ici, non : nous nageons en plein mystère et il faudra attendre les dernières minutes pour que soit finalement révélé le nom du véritable assassin. Avant cela, c’est à un véritable ballet, finement orchestré par Jacques Fansten, que nous assistons. Le réalisateur et scénariste de l’épisode fait merveille, menant parfaitement son scénario, tout en subtiles touches, aux dialogues étincelants, à la réalisation audacieuse et au montage efficace.
Maigret se promène ainsi en plusieurs immeubles parisiens, dans les nouveaux locaux de la PJ – tout en bois fraichement vernis – et déambule au bord de l’eau dans une ravissante auberge des bords de Seine. Ses rencontres pittoresques avec Mlle Roy ou M. Lecloagen sont autant de petits moments de bonheur, aux dialogues subtils et charmants, où un Maigret vif et à l’instinct aiguisé saisit au vol toutes sortes d’indices qui, mis bout à bout, assembleront un puzzle bien complexe de prime abord. Il est difficile de savoir où veut en venir le commissaire qui partage peu ses humeurs et impressions. Lorsque la vérité éclate enfin devant l’histoire du couple Lecloagen, on est soufflé par cette idée si simple mais si géniale en même temps et qui explique tout, ou presque. Il ne reste plus à Maigret qu’à en finir avec les véritables crapules de l’épisode, et l’affaire est emballé.
Ce qu’il y a de véritablement remarquable ici – et qui mérite bien cinq bottes sur quatre, pour marquer le coup – c’est que Signé Picpus – marque une apogée dans la série, véritable condensé de tout ce qui en a fait son succès et sa longévité. On y retrouve le Maigret fin limier, enquêteur hors pair qui fraie aussi bien parmi les crapules cachées sous le vernis de la réussite que chez les petites gens besogneuses. On y voit encore les petits mensonges qui se transforment en énormités, propres aux cachoteries de bourgeois. On se délecte du Maigret flânant près de la rivière, attablé dans une auberge, la pipe à la bouche. On y revoit également le Maigret « raccommodeur de destinée » dans sa gestion de l’affaire entre Mascouvin et sa demi-sœur, toute de délicatesse et de mesure. Sans oublier encore Maigret et ses rapports avec la justice : il y avait bien longtemps que l’on n’avait vu dans la série un juge d’instruction aussi obtus, aussi stupide et aussi lamentable, ils nous avaient presque manqué ! Et la liste pourrait être encore plus longue : le coup de fil à Madame Maigret, la compassion du commissaire pour Lecloagen, les manipulations pour obtenir des aveux, etc.
C’est également l’occasion d’appréhender pleinement le nouveau Maigret, avec ses nouveaux inspecteur, Christiani et Maury ; sa nouvelle dégaine, en blaser léger et chemise ouverte, ayant abandonné le pardessus et même le manteau en ces chaudes journées estivales. A cette occasion, nous lui découvrons également un nouveau directeur, assez humain et compréhensif, petit ajout à la série, le temps de deux épisodes.
Véritable chef d’œuvre, Signé Picpus démontre la capacité d’une série à se renouveler et à retrouver parfaitement son ton et son esprit d’autrefois, tout en sachant se moderniser et intégrer la notion du temps qui passe. En effet, Bruno Cremer vieillit et Maigret aussi. Une affiche nous informe que nous sommes en 1954, rare datation dans la série, une autre nous informe que les élections législatives approchent et le Tour de France où s’illustre Louison Bobet ancre le récit davantage dans le réel qu’à l’ordinaire.
Maigret à son tout meilleur niveau.
Distribution
Jacques Fansten : Né en 1946, ce réalisateur, scénariste et producteur français a écrit et réalisé six longs métrages, de 1970 à 1997 dont le plus célèbre reste sans doute la Fracture du myocarde en 1990, ainsi que plusieurs téléfilms. Ancien assistant de Chabrol, il était l’assistant de Jean-Pierre Decourt, en 1968, pour l’adaptation d’un certain… Signé Picpus, dans la première série des Maigret avec Jean Richard. Il réalise également l’épisode suivant avec Bruno Cremer, Un échec de Maigret.
Martine Sarcey : (1928-2010) Cette comédienne française, bien qu’ayant beaucoup joué au théâtre, est surtout célèbre pour ses rôles à la télévision. On se souvient d’elle dans de nombreux feuilletons et sagas de l’été, tels la Porteuse de pain, Dolmen ou Engrenages. Comédienne de doublage, elle était la voix régulière d’Audrey Hepburn et doublait Elizabeth Montgomery dans Ma sorcière bien-aimée. En 1988, elle jouait aux côtés de Jean Richard dans les Enquêtes du commissaire Maigret, dans l’épisode le Notaire de Châteauneuf.
Maurice Chevit : (1923-2012) fils d’une famille d’émigrés juifs polonais, il échappe à la Déportation en travaillant comme bucheron. Après plusieurs métiers manuels il débute au théâtre le lendemain de la guerre et fait sa première apparition au cinéma en 1946 sous la caméra de René Clément. Il écrit une pièce de théâtre en 1950 et tient de nombreux petits rôles jusque dans les années 60. Reconnu à plus de cinquante ans grâce au Coup de Sirroco et les Bronzés font du ski. Il est célébré par deux Molières et ne cesse de jouer jusqu’à ce que la maladie l’emporte.
Armelle Deutsch : Née en 1979, elle suit le Cours Florent à l’âge de 18 ans et est remarquée dans Le Placard de Francis Veber. Elle obtient son premier rôle important en 2004 dans Nos amis les flics et tient le rôle titre de la série Elodie Bradford.
Marc Dudicourt : Né en 1932, il est surtout connu pour son rôle dans les aventures de Vidocq en 1972 et pour avoir débuté et être resté près de 20 ans dans la troupe de Roger Planchon. Chanteur, c’est un ardent défenseur de la chanson et de la langue française.
Informations supplémentaires :
• Notons ici un nouveau bureau pour Maigret, temporaire, étroit, surchauffé et assez peu plaisant visuellement, mettant particulièrement mal à l’aise ses suspects.
"Just Stay Close"
ODO