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Les Bidasses en folie (1971)Les Malheurs d'Alfred (1972)

Comédies françaises Années 70

Le Viager (1972) par Sébastien Raymond


LE VIAGER (1972)

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Résumé :

Le docteur Galipeau ausculte son patient Monsieur Martinet et, estimant qu’il n’a que peu de temps à vivre, conseille à son frère d’acquérir la maison de campagne de Martinet dans le sud de la France en viager. Mais, il semble que, curieusement, le sieur Martinet se porte de mieux en mieux...

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Critique :

Je dis tout le bien que je pensais de l'univers que René Goscinny et Pierre Tchernia ont su aménager pour mon plus grand bonheur sur Les Gaspards, film magnifique de poésie douce et heureuse, imprégnée de cette nostalgie hédoniste, conséquence d'un Paris modernisant et industrialisant son apparence jusqu'à transformer les rapports entre les individus, mais toujours avec cette adorable précaution de vouloir en rire. Ce viager ne se distingue pas véritablement dans le fond comme dans la forme de ces préoccupations créatrices.

Le couple Goscinny / Tchernia produit là un autre petit bijou de tendresse, instillant cependant un aspect noir qui se révèle plutôt savoureux. L'humour y est plus sombre car il nous fait côtoyer des personnages cyniques et tristes. Heureusement, le regard se veut également moqueur et la morale reste sauve : les mécréants, tels dix petits nègres christiens, s'en vont un à un pendant que l'immuable monsieur Martinet (Michel Serrault) continue de croquer la vie à pleine dent. Tout est dit : du Goscinny tout craché.

On retrouve Les Gaspards jouisseurs, cette fois sous le soleil de plomb de Provence. Le rire vient surtout de cette implacable mécanique que met en place le scénario, la façon où année après année la famille Galipeau voit ses efforts pour éliminer le gêneur réduit systématiquement à néant.

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Outre une image colorée et cependant très veloutée, dans une sorte de pastel comme les premières bandes dessinées colorisées, le charme de ce petit conte moral provient sans doute des comédiens au premier rang desquels je mettrais Michel Galabru qui trouve là un de ses plus grands rôles comiques, à mon humble avis. Il joue l'imbécile imbu de son savoir avec une délectation visible.

Dans un rôle de benêt que sa tête d'ahuri perpétuel lui permet d'arborer avec une belle efficacité, Jean-Pierre Darras est un de ces comédiens formidablement sympathiques qui n'ont pas eu une carrière aussi fournie qu'on aurait pu l'espérer. J'aime bien cet acteur et dans ce rôle particulièrement.

Il faut saluer celle qui l'accompagne à merveille, Rosy Varte, une comédienne qui restera, malheureusement je le crains, plus connue pour son rôle de Maguy à la télévision que pour ses seconds rôles au cinéma qu'elle a souvent tenus avec un certain brio. Je l'ai revue récemment dans Peur sur la ville où elle campe une des victimes d'un tueur en série avec une justesse toute simple, mais indéniablement convaincante. Dans ce viager, elle incarne une femme sceptique devant l'évidente médiocrité de jugement de son beau-frère (Michel Galabru) et la passivité lâche de son époux (Jean-Pierre Darras), mais dont la vénalité est tout aussi dévastatrice.

Dans les plus petits rôles, on observe rapidement la portion congrue dévolue à Noël Roquevert, immense gueule du cinéma français, ou les participations très rapides du jeune Gérard Depardieu, du vieux Jean Richard, de l'endormi Jean Carmet (toujours excellent) et enfin d'un Claude Brasseur en pleine forme, tout jeune et fringant voyou de pacotille cerné par la malédiction familiale.

Toute une galerie de personnages vient donc étoffer la distribution de manière plus ou moins importante. Tout comme pour Les Gaspards, Pierre Tchernia convoque beaucoup de comédiens et peuple son film d'une multitude à même de donner une teinte foisonnante, joyeuse, remplie de sourires et de gueules aimables.

Je finirai bien entendu par Michel Serrault. Pourtant, il s'agit là pour lui de tenir un rôle un peu en retrait, paradoxalement. Tout tourne autour de sa modeste personne, mais l'action se déroule dans son dos. De plus en plus grimé, son personnage vieillit, le comédien n'ayant aucune peine à donner de plus en plus de fantaisie à monsieur Martinet. Au-delà de cette gageure, j'insiste vraiment sur le fait que sa participation est finalement presque secondaire par rapport à l'omniprésente engeance de vautours qui lui tourne autour.

Le viager est un film d'été, allègrement posé parmi ceux qui ont bercé mon enfance et construit mon imaginaire cinéphile. Merci.

Anecdotes :

  • Pour s’oublier un peu plus et incarner parfaitement son personnage de Monsieur Martinet, Michel Serrault a tenu à s’imposer un faux nez.

  • René Goscinny et Pierre Tchernia ont pensé à tout, même à prendre des noms significatifs pour leurs personnages principaux. En effet, d’abord le nom de famille Galipeau fait référence à l’argot “galipot” qui veut dire “excrément” ou “semence humaine” (tout est dit!), ensuite le nom de Martinet étant bien entendu un rappel de l’objet de fustigation qui ici punit les mauvaises intentions de la famille Galipeau.

  • Premier film de Pierre Tchernia, en tant que réalisateur attitré (il aura effectivement oeuvré en tant que co-réalisateur sur La belle américaine et Allez France de Robert Dhéry), Le viager eut un beau succès, dépassant les 2.1 millions d’entrées.

  • Le viager est le dernier film de l’immense Noël Roquevert, mort en 1973.

  • Au tout début du film, dans la séquence dessinée qui explique le système du viager, il s’agit de l’oeuvre de Marcel Gotlib, complice de René Goscinny sur les Rubriques à Brac qui ont paru dans le journal Pilote. Cette séquence y sera d’ailleurs reprise dans l’album de bande dessinée.

Séquences cultes :

Faites-moi confiance 

En pédalo

Toute une famille m'a pris dans ses bras

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