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De l'or pour les bravesUn frisson dans la nuit

Saga Clint Eastwood

Les Proies (1971)


LES PROIES
(THE BEGUILED)

classe 4

Résumé :

Gravement blessé, un soldat nordiste est recueilli dans un pensionnat confédéré de jeunes filles. Il va en séduire plusieurs avant que les évènements ne prennent une tournure dramatique.

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Critique :

Pendant la guerre de Sécession, John McBurney, un soldat yankee, est grièvement blessé à une jambe. Mourant, il est secouru par Amy, une adolescente, qui réussit à le trainer jusqu’au pensionnat sudiste pour jeunes filles où elle réside. Effrayées à l’arrivée de McBurney, les adolescentes et les enseignantes tombent ensuite sous le charme dès que le soldat reprend des forces. Il devient alors l'objet du désir de la directrice, de son assistante et de nombreuses pensionnaires à la sexualité en berne. Rapidement, duperie et jalousie obscurcirent le climat de la résidence. Lorsque la directrice ne dénonce pas son prisonnier, un jeu malsain de séduction et de simulacre s'instaure entre les femmes esseulées et l’officier, qui multiplie les mensonges sans pressentir que ses ‘proies’, humiliées, pourraient bien se transformer en furies...

McBurney profite de la situation et échappe ainsi à l’arrestation tant redoutée. Il se change vite en homme objet, attisant la frustration et l’hystérie des pensionnaires. Edwina (Elizabeth Hartman), vierge sentimentale et naïve conquise, surprend le soldat au lit avec la délurée Carol (Jo Ann Harris) et le pousse dans l’escalier. Sous les directives de la directrice du pensionnat, la redoutable Miss Martha (Geraldine Page), McBurney est amputé de la jambe pour lui éviter la gangrène. Complètement dépendant, le yankee devient fou furieux avant de décider d’épouser Edwina, mais il est déjà trop tard car une terrible machination a fomenté dans l’esprit de la directrice…

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Ce film suscita la surprise et le rejet à sa sortie car, évidemment, aucune production avec Clint Eastwood n’avait jusqu’à alors cette physionomie, et surtout une telle fin à glacer le sang. A ce propos, l’acteur et le réalisateur Don Siegel ont dû batailler ferme avec les patrons d’Universal qui privilégiaient une ‘happy end’. Pour la première fois, Eastwood n’a pas un rôle de héros, mais plutôt celui d’un personnage antipathique et profiteur qui connaît une fin tragique. La dernière scène et l’affiche trompeuse représentant un homme armé - "One man...seven women...in a strange house!" -, qui faisait penser au spectateur qu’Eastwood était la star d’un nouveau western, ont contribué à l’échec commercial du film à sa sortie aux USA. Bon, là, il tire à vue sur tout ce qui bouge, façon de parler, car il n’a pas d’arme…La vengeance de la mère supérieure castratrice sera terrible avec une scène difficilement supportable. The Beguiled n’est pas un western, même si l’action se déroule vers la fin de la guerre de Sécession, mais un huis-clos psychologique et dramatique comportant certains facteurs osés comme les relations avec une mineure, l’inceste entre la directrice frustrée et son frère disparu et le rêve de l’orgie avec baiser lesbien, sans compter l’acte pédophile lorsque McB. embrasse la fillette sur la bouche.

Il s'agit de la troisième collaboration sur cinq de Siegel et Eastwood, et le réalisateur juge que ce film est son meilleur. Il stipule que l’histoire est axée sur trois thèmes (sexe, violence et vengeance) et la volonté des femmes de castrer les hommes ! En ce qui me concerne, c’est le moins réussi des cinq avec Clint Eastwood, bien que Les proies ne soit pas sans intérêt. En tout cas, ce film est atypique et on comprend la perplexité des fans de l’acteur, surtout à l’époque. En définitive, sept femmes, de tout âge, punissent un soldat de les avoir bafouées – je ne révèle pas toute la fin pour laisser un peu de suspense à ceux qui ne connaissent pas encore le film. 

Même si les demoiselles sont en manque de mâle, elles tombent trop facilement comme des mouches, gobant tous les mensonges du soldat. La crédibilité est un défaut du long-métrage au fur et à mesure qu’il progresse et la fin à la morale discutable fait penser à un épisode de la Quatrième dimension. Celui qu’on appelle McB. charme tour à tour les occupantes, de tout âge au demeurant. L’aventure aurait pu devenir une fleurette érotique gentillette mais quelques séquences – deux en particulier – s’apparentent plus à un film de la Hammer. L’amputation est bien filmée, c'est-à-dire difficilement supportable, et jamais on ne sait si elle est justifiée ou simplement un acte de vengeance de la directrice imbaisable et mal baisée qui s’extasie devant un tableau représentant un Christ nu descendu de la croix.  Le soldat donne l’impression de dominer la situation mais la femme est finalement cruellement souveraine. 

L’interprétation est solide et Géraldine Page est vraiment antipathique à souhait (Jeanne Moreau fut aussi pressentie pour le rôle) ; la directrice dirige ses oies blanches avec une main de fer et saura toutes les retourner et leur faire haïr le soldat qui leur a tourné la tête. Parmi ces ‘proies’, la jolie Jo Ann Harris est parfaite en petite perverse chaudasse rancunière mais Elizabeth Hartman est néanmoins le second rôle le plus en vue. On reconnaît enfin Darleen Carr qui interprètera quelques années plus tard la fille de Mike Stone/ Karl Malden dans une quinzaine d’épisodes des Rues de San Francisco.

Les proies est sûrement le seul film d’Eastwood qui reçut plus d’éloges en France que dans son pays d’origine. Le long-métrage dérangeant progresse dans une ambiance étrange, parfois morbide et crue. C’est particulier, mais pour un film mineur dans la carrière d’Eastwood question succès, ce n’est pas mal. Il fut en effet un gros flop aux Etats-Unis pour deux principales raisons : une publicité inadaptée et un rôle aux antipodes du registre d’alors de l’acteur. Bien que The Beguiled souffre à la rediffusion et qu’il ne figure pas dans mon top 15 eastwoodien, il est à découvrir et constitue une parenthèse incontournable, avant qu’Eastwood ne devienne réalisateur pour le tournage d’une production où la gent féminine jouera de nouveau un rôle primordial. 

Anecdotes :

  • Le film, tourné sur dix semaines à partir d’avril 70, sortit le 31 mars 1971 à New York et le 18 août de la même année en France. Il bénéficia d’une ressortie en France le 9 avril 2003. Un critique parisien a proposé d'organiser la première du film au Festival de Cannes 1971, mais Universal refusa cette offre.

  • Le film fut tourné à Baton Rouge et Geismer, Ashland- Belle Helene Plantation en Louisiane.

  • « Dove She is a Pretty Bird » est une chanson populaire américaine interprétée dans les génériques de début et de fin par Clint Eastwood.

  • Julian Blaustein, nommé producteur par les studios, critiqua Eastwood, trouvant que le rôle aurait dû être attribué à un homme plus jeune et d'apparence plus innocente. Il fut remplacé.  

  • Don Siegel parlait ainsi de son film :« Les femmes sont capables de tromperie, d’escroquerie, de meurtre, de tout. Derrière leur masque d’innocence se cache autant de scélératesse que vous pourriez en trouver chez un membre de la Mafia ».

  • Clint Eastwood et Jo Ann Harris ne se forcent pas trop dans la scène ‘hot’ car ils se rencontrèrent sur le tournage et leur relation dura quelques années. On a pu voir l’actrice dans la série Section contre-enquête (Most Wanted) avec Robert Stack et deux épisodes des Rues de San Francisco.

  • Les Proies est le premier des quatorze films de Bruce Surtees (1937-2012) en tant que directeur de la photographie dans la carrière d’Eastwood. Il fut surnommé ‘The Prince of Darkness’ pour le tournage à la bougie de certaines scènes de The Beguiled.  

  • Début 2016, Sofia Coppola a exprimé son intention de tourner un remake avec Nicole Kidman, Kirsten Dunst et Elle Fanning dans les rôles principaux. 

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