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Minuit dans le jardin du bien et du mal (1997)Space Cowboys

Saga Clint Eastwood

Jugé coupable (1999)


 JUGÉ COUPABLE
(TRUE CRIME)

classe 4

Résumé :

Un journaliste controversé a quelques heures pour prouver l’innocence d’un condamné à mort.

unechance 7

Critique :

True Crime ne fait pas partie des œuvres plébiscitées de l’acteur/réalisateur Eastwood. Et on peut même ajouter producteur, car c’était la quatorzième fois qu’il avait cette casquette. La triple fonction n’a pas empêché le film d’être un échec cuisant au box-office, le moins rentable de la décennie derrière Chasseur blanc, cœur noir, qui avait eu une sortie réduite en salle. Sanction injuste, il faut le reconnaître. Le long métrage est basé sur le roman éponyme d’Andrew Klavan publié quatre ans plus tôt. Cependant, Eastwood fit une modification de taille en adaptant l’histoire au cinéma, car le condamné blanc du roman devient noir pour que cela soit plus crédible ("make it more relevant"). Pourtant, le taux de condamnés à mort noirs aux USA ne représente que 42%, moins que les Blancs (46%), contrairement aux idées reçues. Clint changea également le lieu, préférant sa région d’origine, la Californie, plutôt que St Louis.

Le film est pratiquement scindé en deux parties distinctes : d’un côté, la dernière journée de Frank Beechum (Isaiah Washington), condamné à la peine de mort par injection suite au meurtre d’une caissière enceinte d’une épicerie ; de l’autre, Steve Everett, un journaliste expérimenté à la vie personnelle mouvementée, dont le catalyseur est les femmes et l'alcool, qui doit couvrir l'évènement dès le lendemain de l’accident mortel en voiture de sa jolie collègue Michelle Ziegler (Mary McCormack), qu’Everett a dragué au bar mais pas raccompagné ! Quelle erreur, Clint!... Rapidement, il va se rendre compte que la justice s'est trompée sur cette affaire. Eastwood endosse un rôle qui lui sied bien : un journaliste, qui se fie à son flair, dans une course contre la montre et ses propres démons. Deux parties bien opposées, car le condamné et le reporter ne se rencontrent qu’une seule fois lors d’une superbe séquence qui se situe en milieu de film : « Frankly, I don’t give a rat’s ass about Jesus Christ. I don’t care about justice in this world or the next. Did you kill that woman or not? ».

Steve Everett, journaliste à Oakland Tribune, sent son heure de gloire arriver lorsqu’il prend conscience que le reportage qu’il a à couvrir, l’exécution imminente de Frank Beechum, n’est pas aussi banal qu’il n’y parait. C’est au grand dam des responsables du journal qui pensaient s’en débarrasser en l’envoyant faire une anodine interview de condamné avant une exécution. Everett perçoit immédiatement des anomalies dans cette affaire et il devient persuadé que le condamné n’est pas l’assassin de la caissière pour une centaine de dollars de dette…Il a douze heures pour le sauver et il refait l’enquête en interrogeant les témoins du drame. La police n'a pas poussé les investigations assez loin parce que le coupable détenu est noir, ce qui lui suffisait. En même temps, le reporter subit les foudres de son éditeur en chef, Alan Mann, superbement interprété par James Woods, et de son collègue, Bob Findley (Denis Leary), cocu, car Everett, pourtant deux fois son âge, couche avec sa femme…alors que la propre relation du journaliste bat de l’aile. Au grand désespoir de Mann – excellent passage du ‘hunch’ en VO -, Everett reprend l’enquête et met sa place en péril ; il est particulièrement intéressé à la disposition du magasin et à un témoin jamais inquiété, qui est depuis décédé dans une rixe. 

ladoublure 3

Rien de franchement nouveau dans le thème, maintes fois exploité, de la peine capitale avec l'attente interminable dans les couloirs de la mort et les dérives de la justice américaine, mais il y a Clint, ce qui change tout. L’aspect dernières heures du condamné, avec famille et mesures adéquates, est assez bien traité, sans trop de mélo ; l’unité temps du long métrage est une journée, ce qui permet de suivre les préparatifs pointilleux de toute exécution, qui constituent la partie crédible, presque documentaire, du film.  Néanmoins, l’œuvre n’est pas une dénonciation de la peine de mort, comme j’ai pu lire ça et là, une critique de la justice sûrement, mais cela ne va pas plus loin.

Clint avait 68 ans au tournage, et c’est certain que de le voir en séducteur auprès de minettes prête un peu à sourire. Cependant, les critiques ne savent sûrement pas que Eastwood poursuivit en septembre 95 les tabloïds qui le décrivaient comme un coureur de jupons suite à sa demande en mariage à Dina Ruiz, de trente-cinq ans sa cadette. Je reste convaincu que le producteur/ réalisateur a volontairement forcé le trait de son personnage en réponse à ces critiques médiatiques. Dès le début du film, Everett tente sa chance avec la jeune et jolie Michelle (« Looking for love »), mais il passe la nuit avec Patricia, sa maitresse, la femme de son collègue, qui le traite de ‘bad man’ lorsque le journaliste, le torse nu décharné, lui raconte qu’il a été viré de New York car il a fricoté avec la fille du directeur qu’il pensait majeure…Et le queutard remet son alliance et se barre ! Everett jauge ensuite la ravissante blonde de l’épicerie et drague lourdement dans la dernière scène la vendeuse du magasin de jouets (Lucy Liu). Eastwood se caricature, ce que beaucoup n’ont pas compris…

Eastwood s’est souvent entouré de ses femmes du moment lors de ses films ; Sondra Locke n’a rien fait de transcendant avant et après ses six tournages avec l’acteur. Dans True Crime, c’est très spécial, il va falloir suivre….La petite fille qu’il emmène au zoo (« We go fast ») est vraiment sa fille, Francesca, qu’il eut en 1993 avec Frances Fisher (la prostituée Alice d’Impitoyable). Elle est mignonne comme tout et le tournage a dû être assez drôle. Fisher a un petit rôle dans ce film – la juge – alors qu’elle n’était plus en couple avec Eastwood depuis quatre ans! Cerise sur le gâteau, la femme actuelle (au moment du film) de l’acteur, Dina Eastwood, apparaît aussi brièvement dans le rôle d’une journaliste. Elle déclare avoir connu Clint en 1993, année de naissance de Francesca ! L’acteur eut une fille aussi en 2006 avec Dina…..Bref, tout ça pour écrire que ceux qui critiquent les frasques du journaliste Everett ne connaissent pas la vie d’Eastwood. Cette partie du scénario est un clin d’œil à sa vie privée, tout simplement, une autodérision jouissive et la réaction de Barbara Everett, très bien jouée par Diane Venora (Chan Parker dans Bird), sent le vécu comme on dit….

Ce film sera de toute façon apprécié par les fans d’Eastwood, ce monstre du cinéma ; c'est sa nonchalance légendaire et son interprétation impeccable qui finissent par forcer l'admiration et faire oublier les petits défauts. En effet, le scénario est ‘léger’ : après six années d'enquête condamnant un accusé, le journaliste trouve un médaillon quelques heures avant l'exécution ! Sans être particulièrement original, et malgré deux ou trois scènes absurdes, comme la course poursuite ridicule avec les voitures de police, Jugé Coupable n’en reste pas moins un film intéressant et divertissant. Néanmoins, personnellement, j’aurais préféré que le long métrage se termine lorsque la femme du condamné cogne sur la séparation. Cela aurait donné plus de force à l’œuvre car la sorte d’épilogue ne sert à rien.

J’ai hésité à attribuer deux ou trois au long métrage et, vu qu’il n’y a pas de demi-mesure, j’ai opté pour le cran supérieur. Malgré les légèretés du scénario et les quelques invraisemblances citées plus haut, True Crime demeure un film intéressant qui traite d’un thème controversé, la peine de mort. Eastwood se garde de donner son opinion et il se contente de dénoncer la justice (dans la seule scène avec son ex), dont les égarements peuvent conduire un innocent sur la chaise. C’est ce thème particulier qui est central, car envoyer un meurtrier ad patres n’a rien d’outrageant. Eastwood s’intéresse à un véritablement problème américain, où parmi les 8000 personnes condamnées à mort depuis les années 1970, plus de 200 seraient victimes d'erreurs judiciaires. Les dernières heures d’un condamné sont particulièrement bien rendues et constituent un des points positifs du film, tout comme l’interprétation jusqu’au plus petit rôle. J’attribue une mention spéciale à James Woods, dont les répliques cocasses à Eastwood dans les bureaux du journal valent un accessit à elles-seules : « Stop fucking Bob's wife. He doesn't like it.  I can't fart loud enough to express my opinion!». Un patron qui fait la morale à son journaliste, mais qui est envieux de ses prouesses (‘lucky bastard’)….

Jugé coupable n’est pas excellent, non, juste ce qu’il faut pour être un bon film. On peut même écrire que le long métrage est ‘politiquement correct’ avec un parallèle appuyé entre le Noir père de famille parfait et le Blanc buveur, coureur, à la morale douteuse et à la vie personnelle chaotique. C’est une œuvre de Clint Eastwood considérée comme mineure et qui n'est pas aussi marquante que ses dernières réalisations. C’est loin d'être un de ses meilleurs films mais ça reste un bon thriller, même si je préfère dans le registre Les pleins pouvoirs et Créance de sang tournés à cette époque. 

Anecdotes :

  • Le film est sorti le 19 mars 1999 aux Etats-Unis et, un mois plus tard, le 21 avril dans l’hexagone.

  • Le tournage eut lieu en Californie : Oakland, Cotati, Point Richmond.

  • En achetant les droits du livre, Warner Bros avait pensé à George Clooney pour interpréter le rôle principal. Des difficultés liées au script contrarièrent le projet.

  • La chanson Why Should I Care, coécrite par Eastwood, est interprétée par Diana Krall, pianiste et chanteuse de jazz canadienne.

  • En V.F., Clint est doublé pour la première fois par Hervé Jolly – un acteur sympathique que j’ai interviewé pour les 40 ans des Brigades du Tigre. Je le signale pour les francophones acharnés, car je considère que c’est un grave préjudice de se priver de la voix et des réparties eastwoodiennes, seulement appréciables en VO. Jolly remplaçait Jean-Claude Michel, décédé, et il me révéla qu’il fut choisi par Eastwood lui-même, qui désirait une voix plus jeune que lui !

  • Dans les bonus, Eastwood confesse qu’il est toujours difficile d’adapter un livre pour un film, que de nombreux aspects sont difficilement transposables comme les monologues. Il fut très satisfait du script et il parle de son personnage comme d’une personne qui s’autodétruit et qui n’a rien d’un héros.  

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