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ChobizenesseDeux heures moins le quart avant Jésus-Christ

Saga Jean Yanne

Je te tiens, tu me tiens par la barbichette (1978)


JE TE TIENS, TU ME TIENS PAR LA BARBICHETTE

classe 4

Résumé :

Le commissaire Chodaque enquête au sein d'AF4, une chaîne de télévision dont l'animateur vedette Patrice Rengain vient d'être enlevé par un groupuscule révolutionnaire.

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Critique :

Jean Yanne revient à la recette magique de son premier film, une parodie grinçante du petit monde de l'audiovisuel. Il prouve qu'il est totalement dans son élément dans ce style car il va renouer avec les sommets atteints sur Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil.

Après la radio, c'est donc la télévision qui passe à la moulinette décapante de l'humoriste. Au travers de l'enquête sur l'enlèvement de l'animateur Patrice Rengain (Michel Duchaussoy), le film présente la vie agitée d'une chaîne de télévision commerciale. Les apparences d'AF4 sont trompeuses : derrière la façade luxuriante et sympathique, c'est l'hypocrisie et le cynisme absolus qui règnent à tous les étages.

Jean Yanne montre une télévision qui subit des pressions du pouvoir politique au plus haut niveau puisque le sieur Aurélien Brucheloir, distingué patron de la chaîne interprété par le sémillant Jacques François, a le souci permanent de ne pas déplaire au Président de la République.

Ceci correspond aux réalités de l'époque, qui ont pu s'estomper depuis la création des chaînes privées. Mais Yanne se montre également visionnaire puisque la télévision à paillettes qu'il décrit, avec ses émissions racoleuses et ses jeux débiles, ressemble plus à ce qu'elle deviendra à partir des années 80 qu'à ce qu'elle était dans les années 70, à l'époque du tournage.

Une nouvelle fois, Jean Yanne a anticipé les évolutions à partir de tendances, car dans les années soixante-dix, on comptait encore nombre de jeux éducatifs et populaires de qualité, à l'image de Réponse à Tout ou La Tête et les Jambes.

Les publicités sont omniprésentes, toutes plus désopilantes les unes que les autres, preuve que la leçon de l'échec de Chobizenesse a porté ses fruits : Yanne a compris qu'une dose importante de comédie souriante est nécessaire pour renforcer l'aspect satyrique, mais aussi pour faire contrepoids à la critique sociale.

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Le début du film présente un inspecteur Chodaque inflexible, qui n'hésite pas à arrêter et emprisonner la femme du directeur de la PJ ! On croit que le haut-fonctionnaire (Jean Desailly) va le réprimander, mais il se trouve qu'il a des comptes à régler avec son épouse. Du coup, il félicite Chodaque et le fait promouvoir au grade de commissaire.

Chargé de l'enquête sur la disparition de Patrice Rengain, le nouveau commissaire Chodaque se rend vite compte de la duplicité des dirigeants de la chaîne. Alors que le directeur venait de lui affirmer que Rengain n'avait que des amis au sein d'AF4, le producteur Larsen (Mort Shuman) surgit et s'amuse ouvertement de l'enlèvement de ce « fumier de Rengain », puis affirme que la majorité du personnel de la chaîne le haïssait à mort !

Jean-Claude Dreyfus, l'adjoint de Chodaque, compose une imitation parfaite de... Kojak, avec son chapeau et ses sucettes !

Sur suggestion du commissaire, une émission spéciale est organisée, destinée à recueillir auprès des téléspectateurs l'argent de la rançon exigée pour la libération de Rengain. C'est la longue partie consacrée à cette émission qui constitue le sommet du film. Jean-Pierre Cassel y fait un numéro extraordinaire dans le rôle de l'animateur Jean-Marcel Grumet. Il adopte à la perfection le phrasé et les attitudes d'un animateur vedette de télévision commerciale, et démontre une fois de plus l'étendue de ses qualités de très grand acteur.

Comme toujours avec Jean Yanne, la musique occupe une place importante, et elle est d'autant plus facile à placer que Patrice Rengain anime une émission de variétés consacrée au disco. En cette année 78, la vague disco envahit le monde entier, connaissant un succès fulgurant. La musique est composée par le bien connu Jack Morali, spécialiste du genre, compositeur pour le cabaret Crazy Horse et pour des vedettes du disco comme Patrick Juvet et les Village People.

Justement, les Village People font une sympathique apparition. On entend à plusieurs reprises leur tube Macho Man en version instrumentale, et ils interprètent Hot Cop dans l'émission présentée par Jean-Marcel Grumet.

Etienne Chicot incarne un chanteur pop qui interprète une chanson ridiculisant la police, ceci devant Chodaque et son auxiliaire infiltrée sur le plateau ! L'auxiliaire n'est autre que la nouvelle compagne de Jean Yanne dans la « vraie vie », la superbe Mimi Coutelier, et elle ne va pas tarder à démissionner pour devenir une vedette du disco.

Jean-Marcel Grumet anime également l'émission-jeu vedette d'AF4, qui a donné son nom au film, et dans laquelle Jean Le Poulain interprète le sieur Drouillard, un pisse-froid censeur dans un collège catholique, qui gagne de l'argent en triomphant de tous ses concurrents dans le jeu bien connu, titre de l'émission.

Il faut dire que lesdits concurrents ne sont guère dangereux, à commencer par la joyeuse Karine-Anastasia Pourmieux (!), qui rit avant même de commencer.

Malgré une légère perte d'intensité, la dernière partie du film se laisse regarder, grâce à la musique disco, à la beauté de Mimi Coutelier et à la réussite de Chodaque, alors démissionnaire de la police, au « Je te tiens par la barbichette ». Il arrive à vaincre sans coup férir le coriace Drouillard, qui du coup en prend une crise cardiaque !

Bien entendu, la direction de la chaîne a décidé de garder le milliard récolté auprès des téléspectateurs à son profit, dès lors qu'elle s'est rendue compte que Grumet ferait un successeur tout à fait valable de Patrice Rengain pour présenter l'émission phare de la chaîne Disco City.

Quant à Rengain, il n'en sera pas tué pour autant, et on apprendra également la vérité au sujet de son enlèvement...

Question interprétation, outre les excellents Jacques François et Jean-Pierre Cassel, on remarque la présence inattendue de Carlos et de Mort Shuman, Micheline Presle en directrice financière d'AF4, le fidèle Daniel Prévost en producteur coléreux et nombre d'autres fameux acteurs : Marco Perrin en pompier qui empêche tout le monde de fumer sur le plateau, Claude Brosset, Georges Beller, Laurence Badie, Pierre Frag...

Petite merveille d'humour et de dérision, Je te tiens, tu me tiens par la barbichette, même revu près de quarante ans après sa sortie, a conservé son aspect véridique, et demeure un spectacle toujours très agréable.

Anecdotes :

  • Le nom de la chaîne n'a pas été choisi par hasard. Il fait penser à TF1, chaîne qui déjà à l'époque semblait être la plus avancée vers le monde de la télévision commerciale, et le numéro a bien sûr été choisi parce qu'il n'y avait que trois chaînes à l'époque du tournage.

  • Le petit doigt coupé de Patrice Rengain est évidemment inspiré par l'enlèvement du baron Empain.

  • 1978 fut l'année du triomphe de la musique disco dans le monde entier. Le film est placé tout entier sous le signe de cette mode, il suffit de regarder les décors avec boules à facettes et les tenues excentriques pour en faire le constat. Il n'en a que plus de mérite à avoir conservé malgré cela un côté intemporel.

  • On pouvait penser à l'époque du tournage que Jean Yanne exagérait ou caricaturait, mais la réalité a dépassé la fiction puisque certaines chaînes contemporaines vont désormais beaucoup plus loin que ce qui est montré dans le film, qui n'avait pas prévu les émissions faussement présentées comme de la « télé-réalité ».

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