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L'Inspecteur ne renonce jamaisDoux dur et dingue

Saga Clint Eastwood

L'épreuve de force (1977)


L'ÉPREUVE DE FORCE
(THE GAUNTLET)

classe 4

Résumé :

Un flic cabochard et porté sur la bouteille est chargé d’escorter une prostituée de Las Vegas à Phoenix afin qu’elle témoigne dans un procès impliquant la pègre. La mafia et des policiers corrompus se dressent sur la route du duo pour l’éliminer.

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Critique :

Pour la seconde fois, Clint Eastwood fait tourner sa partenaire à la ville, Sondra Locke, ici dans le rôle d’une prostituée, Augustina Mally, au surnom masculin, Gus. Le personnage est singulier car il démontre une certaine intelligence, ce qui fait défaut à Ben Shockley, le policier de Phoenix interprété par Eastwood, imbibé d’alcool et à la crédulité surprenante. L’acteur campe un flic simple, sympa, naïf et honnête, qui doit convoyer un témoin capital à un tribunal. En bref, Shockley n’est pas Callahan, loin s’en faut. Pourtant, le nouveau commissaire Blakelock (William Prince) confie la mission au détective de ramener Gus Mally de Vegas à Phoenix. Prenez une carte et vous verrez que le chemin est assez long et propice aux péripéties….

Shockley est, en fait, un flic manipulé, tandis que Gus Mally est une pute instruite et maligne, qui a vite compris que ses chances de rester en vie pendant ce long périple, accompagnée d’une telle escorte, avoisinent le zéro. Avec la mafia à leurs trousses, le policier met du temps à comprendre qu’il ne doit compter que sur lui-même pour conclure sa mission, à l’exception de son pote Josephson (Pat Hingle), une vraie mère poule. Shockley ne peut pas avoir confiance en sa hiérarchie, dirigée par Blakelock, qui veut la destruction – le mot n’est pas excessif – de ce témoin gênant suite à une passe un peu hard. Tout ça pour ça…car l’exagération est un maitre-mot dans cette production au scénario troué comme un morceau de gruyère ! Les amateurs des Die Hard de Bruce Willis seront ravis, les autres prendront The Gauntlet pour un film d’action dans lequel le vacarme des fusillades met à rude contribution nos tympans à défaut d’activer les neurones. On saute d’une situation à une autre avec une surenchère d’explosifs et de pétarades.

Néanmoins, l’idée de départ est bonne, surtout qu’Eastwood a déjà joué un flic de l’Arizona chargé de ramener un témoin (Un shérif à New York) et il a également voyagé avec une prostituée aux réparties caustiques (Sierra Torride), mais L’épreuve de force n’accroche pas autant que ces deux films. La faute au scénario, et à une dernière demi-heure passable, mais aussi, sûrement, à l’interprétation. Sondra Locke n’est pas Shirley MacLaine, ni Ali MacGraw, la partenaire dans Guet-apens et compagne de Steve McQueen, qui avait été pressentie pour le rôle. Pourtant, les meilleures répliques lui ont été réservées et Eastwood/Shockley passe parfois pour un gros benêt à côté (avec son stupide : « Nag, nag, nag »). Il est vrai aussi que Sondra Locke n’était pas connue avant de s’emmouracher d’Eastwood et elle disparaitra dans les oubliettes après leur séparation. 

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Ne soyons pas trop dur cependant avec Miss Locke, qu’on reverra lors de quatre autres films de l’acteur (eh oui…) et sur les six, c’est dans le dernier – Sudden Impact – qu’elle est la meilleure. D’ailleurs, à ce sujet, l’habitude obsessionnelle d’Eastwood de filmer sa compagne sur le point d’être violée laisse dubitatif. Comme dans Josey Wales hors-la-loi, Sondra Locke dévoile une poitrine peu généreuse que seuls les deux ‘bikers’, retrouvés par hasard dans le train, trouvent appétissante. Ils sont pourtant accompagnés de Samantha Doane, la fausse nonne abattue dans l’église dans The Enforcer. Sans crever l’écran, Sondra Locke ne s’en sort finalement pas trop mal avec un vocabulaire fleuri et des situations avantageuses. C’est parfois son jeu qui relève le film. C’est dire. En effet, Eastwood joue l’antithèse de Callahan sans grande conviction. Shockley a été choisi car ses supérieurs sont persuadés qu’il échouera dans sa mission périlleuse et Eastwood joue l’idiot du village auquel Gus doit mettre les points sur les i comme pour le traquenard qui les attend (c’est le seul à n’avoir pas compris !).  Le problème est là : Eastwood en corniaud, ça ne le fait absolument pas. Shockley, détective raté qui passe ses soirées dans les bars, est une parodie de Callahan. Le flic et la pute doivent progressivement se faire confiance pour espérer en réchapper et ont recours à l’ingéniosité et tous les moyens de transport possible.

Parmi les points positifs, notons l’excellente musique jazzy de Jerry Fielding (à écouter aux génériques de début et de fin, car sinon ça pétarade trop pour en profiter), les somptueuses images de l’Arizona et des canyons, et quelques répliques et scènes qui surgissent de temps à autre durant les 105 minutes du film. La longue rencontre avec le policier (Bill McKinney), qui sert de chauffeur au couple, est bavarde mais elle comporte un des meilleurs gags du film, qui tend plus vers la comédie que le drame. Alors que Miss Mally subit les pics et blagues salaces du fonctionnaire, elle prend le dessus en comparant un flic avec une pute, puis en demandant au policier mis en appétit : « Does your wife know you masturbate? », ce qui le met en rage et manque de provoquer un accident. Au même niveau, Gus balance un coup de pied dans les valseuses de Shockley avec un incisif : « Sorry, just had to jog your thinking! » Le scénario est simpliste, une sorte de road-movie parsemé d'embûches, où l'on connaît tout de suite qui sont les gentils et les méchants. L’intérêt du film réside dans les scènes d'action, mais aussi dans des dialogues savoureux.

Eastwood a aussi quelques bonnes répliques, mais on a le sentiment dès le début qu’il cherche à s’effacer et laisser la place à Locke, qui ne comble pas souvent le vide proposé. On a néanmoins la tirade de Shockley à leur première rencontre (voir infos supplémentaires) et la note du policier à l’égard de la prisonnière ; il lui donne deux sur une échelle de dix, et c’est parce qu’il n’a jamais vu de un…savoureux lorsqu’on sait – sauf Maggie Eastwood a priori – que les deux acteurs formaient un couple depuis le tournage de Josey Wales. On a droit aussi lors du soupçon de romance ridicule dans le bus à un échange cocasse, lorsque Gus demande à Ben s’il veut des enfants…bizarre, quand on sait qu’Eastwood a demandé à deux reprises à Sondra Locke d’avorter ! 

Pour moi, la meilleure séquence n’est pas le final, comme beaucoup de critiques l’écrivent - le bus canardé, transformé en passoire -, car il est incohérent, bourré de pétarades inutiles avec un dénouement absurde. L'outrance et l'invraisemblance ont beau être revendiquées, cela frise le ridicule. Je préfère la rencontre de Shockley et de la bande de motards avec des répliques à la Callahan : « Now, the next turkey who tries that, I'm gonna shoot him, stuff him, and stick an apple in his ass. » ou « You with the fucking hair ». La poursuite de l’hélicoptère en chasse après la moto est également intéressante, contrairement à certaines scènes de fusillades et d’explosions qui atteignent une totale démesure, voulue par Eastwood lui-même.

Avec The Gauntlet, Clint Eastwood est réalisateur pour la sixième fois et ce film, renommé à cause du final au bus blindé, engendra un succès correct – dans le top 15 de l’année 1977 aux USA – mais beaucoup critiquèrent la violence, pourtant pas si tranchée, à une exception près. Plébiscité par de nombreux fans, L’épreuve de force n’est pas dans le top 20 de l’acteur en ce qui me concerne : Eastwood a fait et fera beaucoup mieux. Pour les inconditionnels du cinéma d’action qui ne sont pas très regardants sur la crédibilité. Reste qu'un film moyen de l’acteur réalisateur vaut toujours mieux que n'importe quel navet cinématographique. 

Anecdotes :

  • Le film est sorti aux Etats-Unis le 21 décembre 1977, quatre jours après le Japon, et le 5 avril 1978 en France. A noter que ce film a été interdit aux moins de 13 ans à sa sortie.

  • Le film fut tourné à Phoenix et dans l’état de l’Arizona, ainsi qu’à Las Vegas (Nevada). La grotte, dans laquelle Sondra Locke et Clint Eastwood passent la nuit, est un point de repère, qui fait partie d'un groupe de formations rocheuses pittoresques. Elle est connue comme le "Hole in the Rock" et elle est située en Arizona à Papago Park. Comme d’habitude, le tournage d’Eastwood s'effectua très rapidement.

  • Marlon Brando et Barbra Streisand furent les premiers acteurs pressentis pour les rôles principaux. Steve McQueen remplaça ensuite Brando, mais McQueen et Streisand ne s’entendaient pas. Après qu’ils se soient retirés, Eastwood et Locke ont repris le projet. Sam Peckinpah était également intéressé avec Kris Kristofferson et Ali MacGraw dans les rôles principaux. MacGraw était en effet excellente dans TheGetaway (1972). Peckinpah tourna finalement Le convoi avec ces deux acteurs.

  • La maison, qui sert de planque dans le désert, a nécessité une équipe de quinze hommes travaillant huit heures par jour pendant un mois pour la construire. Ils ont bourré le bâtiment de pétards, qui devaient provoquer la démolition et l’écroulement total de l’édifice. Une seule prise était possible. Eastwood ne voulait pas une explosion ordinaire: « I wanted the house to collapse to the ground as though it was being eaten away by a gigantic mass of termites. »[Je voulais que la maison s’effondre comme si elle était rongée par une masse gigantesque de termites]. Cela a coûté un quart de million de dollars. D’après l’expert en effets spéciaux, Chuck Gaspar, le film a innové en la matière pour l’époque. Ainsi, la scène où l’hélicoptère s’écrase dans une tour à haute tension a coûté la même somme.

  • De véritables figurants ont participé au film : de nombreux motards ne sont pas des acteurs mais des membres d’un club, The Noblemen, de Las Vegas et du sud du Nevada. Les policiers qui tirent sur le bus dans le centre de Phoenix étaient des membres des forces de l’ordre en activité ou de réserve.

  • Pat Hingle joue pour la seconde fois avec Eastwood. Dans Pendez-les haut et court, il est l’impitoyable juge Fenton. Il sera Jannings, un policier au lourd secret, dans Sudden Impact, le quatrième Harry, en 1983.

  • Clint Eastwood, Sondra Locke et Bill McKinney ont souvent tourné ensemble. Avant The Gauntlet, il y eut The Outlaw Josey Wales. Ensuite viendront Every Which Way But Loose (1978), Bronco Billy (1980) et Any Which Way You Can (1980).

  • Ben Shockley, lors de la première rencontre avec Gus Mally: “You see we've got a problem, you and me. We don't like each other much but we have to take a trip together. Now you can come along peacefully or you can be a pain in the ass. But I'm warning you: You mess around and I'll put the cuffs on you. You talk dirty - I gag you. You run - I'll shoot ya. My name is Shockley and we've got a plane to catch. Let's go. »

  • Sur cette featurette, produite sur le tournage de L’épreuve de force (absente de la version française), Clint Eastwood est très actif lors des prises de vues. A 4’00, juste après la fin de la prise, il saute de la moto pour sauver la caméra des flammes de l’hélicoptère.  

  • A la fin du tournage de L'épreuve de force, Sondra Locke déménage pour se rapprocher d'Eastwood. Ils font ensemble la couverture du magazine People et l’acteur surnomme sa partenaire « princesse ». C'est ainsi que Maggie Johnson, l'épouse d'Eastwood, apprend sa relation avec l'actrice. Elle appelle donc un avocat. La famille Eastwood effectue un dernier voyage à Hawaï, durant lequel Maggie Johnson espère sauver son couple. À son retour, l'acteur annonce à Locke que sa femme compte demander une séparation légale, et non un divorce. Cela faisait déjà une dizaine d'années que le couple allait mal, mais Maggie Johnson espérait se tromper quant à son mari (source : wikipedia). 

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