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Saison 1Saison 3

El Ministerio del Tiempo

Saison 2



1. TIEMPO DE LEYENDA



Date de diffusion : 15 février 2016

Époque visitée : 1099, le Cid Campeador

Résumé :

Suite aux troubles récents, l’émissaire du Président du Gouvernement, l’ambitieuse Susana Torres,  conteste l’autorité du Sous-secrétaire. Afin de renforcer son équipe, ce dernier réintègre Irene. Il doit cependant faire face à la défection de Julián, qui, ébranlé, décide de prendre du champ en quittant le Ministère par l’une des Portes. Or, suite à la découverte d’une nouvelle tombe, il semble soudain que deux différents Cid aient inexplicablement existé. Escortée d’Alonso et de Spinola, Amelia est envoyée près de Valence en 1099, peu de temps avant la mort du héros, afin de résoudre cette énigme. Elle découvre que l’authentique Cid a péri en 1079, durant un combat, du fait de l’intervention malencontreuse de deux agents du Ministère des années 1960 venus filmer ses exploits. Avec la complicité de Jimena (Chimène), l’un d’entre eux se fait depuis secrètement passer pour lui, afin de sauvegarder au mieux la continuité historique. Hélas, il périt un mois trop tôt, mais Alonso le remplace à son tour lors d’une bataille décisive contre les Sarrazins, achevant de résoudre la crise.

Critique :

El Ministerio del Tiempo apparaît au meilleur de sa forme à l’occasion du lancement de sa deuxième saison. Olivares manifeste derechef la même étonnante habilité pour insérer les interventions, fortunées ou non, du Ministère au sein du déroulement historique. La mise en place de deux Cid distincts accompagne ainsi à merveille la dualité de la vie ardente de Rodrigo Díaz de Vivar, d’abord mercenaire impitoyable (allant jusqu’à parfois combattre les Chrétiens pour le compte des seigneurs musulmans), ensuite devenu l’âme de la résistance de la belle Valence face à l’envahisseur. L’intervention d’Alonso, revêtant à son tour l’identité du héros afin de galvaniser ses hommes face aux hordes ennemies, rejoint également le mythe selon lequel le cadavre du Cid fut porté à cheval avant le combat, faisant croire à sa survie. De manière toujours fluide, l’auteur enrichit le récit de multiples informations, composant un portrait très humain du Cid et de Chimène, en dialoguant avec subtilité sur la distinction entre Histoire et Légende.

L’épisode séduit également par son refus d’un manichéisme facile, L’imposteur ne compose en rien un profiteur opportuniste, c’est-à-dire l’adversaire habituel de ce type d’histoires. . Bien au contraire il abandonne sa vie et sa famille afin de remplir son devoir, un piège se refermant sur toute son existence. Il va de même pour Alonso, prêts à tous les sacrifices pour que survive la légende du Cid et que s’accomplisse son destin. L’écho rencontré par la figue du héros auprès des Espagnols de toutes les époques en constitue un vibrant hommage. Ce mélange de fatalisme et de résilience digne face au destin répond à un sentiment très espagnol (ou castillan, selon ce que l’on voudra). Il se retrouve lors de l’interpellation de Spinola par Amelia, autour des conséquences de ses choix. À côté de l’émouvante Chimène, elle aussi au rendez-vous du devoir, Amelia devient le témoin bouleversé des vies de ces hommes pour qui tout cède à l’honneur. Aura Garrido s’avère impériale dans cette version plus tragique et tourmentée qu’à l’ordinaire d’Amelia. Olivares parachève son travail en agrégeant à cette thématique les parcours du Sous-secrétaire et d’Irene, mais aussi d’un Julián débutant une requête de rédemptions. Un magistral exemple de rebond après le départ d’un comédien clef, Rodolfo Sancho se mettant en quasi congé du Ministère.

Cette ambition moraliste n’empêche par l’opus de demeurer vivant et spectaculaire, grâce à une reconstruction médiévale soignée et évocatrice, ainsi qu’à une mise en scène alerte, n’hésitant à dépeindre sans fards les combats de l’époque. On regrettera simplement un abus de palette graphique visant à rendre par trop spectaculaire l’armée ennemie approchant de la citadelle du Cid toutes proportions gardées, on se croirait face à la horde de Sauron convergeant vers Minas Tirith à travers les Champs du Pelennor. Élément indispensable de la série, l’humour perdure malgré la tonalité tragique des événements. Il en va ainsi des petits anachronismes coutumiers, de l’inépuisable Velázquez, de la complicité virile d’Alonso et Spinola (ce dernier apprenant à connaître les colères froides d’Amelia) et, surtout de cet antiaméricanisme gaillard, en rien atténué en deuxième saison. Le portrait de Charlton Heston, en interprète du Cid totalement inculte et si hollywoodien, se révèle hilarant.

Anecdotes :

  • Rodrigo Díaz de Vivar (1043-1099), dit le Cid Campeador (le seigneur guerrier), fut une grande figure de la Reconquête. D’abord chevalier bien en cour auprès du Roi de Castille, il tomba en disgrâce et devint un mercenaire successivement au service des multiples souverains chrétiens ou musulmans participant à ce conflit complexe et aux alliances perpétuellement changeantes. Ses victoires lui valant un grand renom, il se réconcilie avec son Roi, Alfonso VI, et s’empare de la prestigieuse cité de Valence, capitale du Levant, en 1088. Il y règne toutefois en prince quasi indépendant, jusqu’à provoquer une nouvelle brouille avec le souverain. Le Cid parvient à sauver Valence de l’invasion almoravide en provenance du Maroc et s’installe comme Roi de Valence, de 1094 à sa mort. Au-delà de son parcours triasique, la légende du Cid l’a propulsé comme héros national espagnol et comme une figure de la littérature européenne. En France, il est ainsi évoqué par la célèbre tragi-comédie Le Cid de Corneille (1636) ou encore par La Légende des Siècles de Victor Hugo (1859).

  • Le Ministère a identifié l’épée principale du Cid, la célèbre Tizona (la Braise), dans la tombe de son légitime propriétaire. La légende veut que le Cid l’ait prise au Roi Baucar du Maroc après une prouesse d’armes à Valence. Elle fut effectivement enterrée à ses côtés. Aujourd’hui plusieurs musées espagnols revendiquent sa possession, aucune de ces épées n’étant définitivement reconnue comme étant la légendaire Tizona.

  • L’imposteur reconstitue le parcours du Cid à partir de sa connaissance du Cantar de mio Cid. Cette chanson de geste, la plus ancienne connue en Espagne, se diffusa dès la mort du héros. Elle contribua puissamment à installer la figure mythique du Cid, dont elle donne une vision romancée de sa vie itinérante déjà haute en couleurs. Grâce à son érudition, Amelia sait distinguer ce qui relève de l’Histoire ou de la légende et perce à jour la supercherie.

  • L’agent soigné par Julián est pressé de revenir en moins 142, où il est chargé de veiller sur Viriate. Ce berger lusitanien mena une révolte armée contre Rome, qui s’étendit à la plus grande partie de la péninsule ibérique. Il accumula les succès militaires, mais périt en moins 139, assassiné par des traîtres. Par ailleurs libérée de la menace carthaginoise, Rome put dès lors facilement écraser la rébellion.

  • Désespéré d’avoir la vie de ses compagnons en danger par ses tentatives de rejoindre son épouse, et par l’impossibilité de désormais la rejoindre. Julián quitte le Ministère en franchissant l’une des Portes, afin de retrouver un sens à sa vie. Du fait d’autres engagements, l’acteur Rodolfo Sancho doit en effet alléger sa présence durant le tournage de la série, où il n’effectuera plus que des apparitions ponctuelles. Il est néanmoins prévu qu’il participe à un feuilleton audio diffusé sur Radio Nacional et narrant les aventures solos de Julián.

  • Mar Saura (Susana Torres), ancienne Miss Barcelone 1992, se fit connaître comme mannequin puis comme actrice et animatrice vedette de la télévision espagnole. Parmi les récentes séries espagnoles à succès, elle participe notamment à Ángel o demonio, Cuentame un cuento et à Los Misterios de Laura. Cette chroniqueuse de mode très influente est également l’épouse du président de la fédération équestre espagnole.

  • Ambrosio Spinola, grand général du Siècle d’or, est ici de retour après avoir participé à l’épisode Cómo se reescribe el Tiempo (1.03). Durant l’intersaison, la production fut à l’écoute des fans de la série, les très actifs Ministericos, qui firent savoir quels personnages historiques déjà croisés ils désiraient revoir. Lope de Vega sera également du nombre.

  • Le Ministère du Temps envoie initialement ses agents filmer le Cid afin de permettre à Charlton Heston de l’incarner, afin que soit tourné l’épique film italo-américain Le Cid (1961). Il narre le conflit entre Rodrigo Díaz de Vivar et les Almoravides pour le Royaume de Valence, avec Sophia Loren dans le rôle de Chimène. Le film, précieux pour l’économie et le prestige espagnols, fut largement tourné en Castille et autour de Peníscola, au nord du Levant, dont les fortifications figurèrent les murailles de Valence. La production bénéficia effectivement des conseils érudits de Ramón Menéndez Pidal (1869-1968), grand universitaire et médiéviste espagnol, ici présenté comme l’un des dirigeants du Ministère.

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2. EL TIEMPO EN SUS MANOS

Date de diffusion : 22 février 2016

Époque visitée : diverses, la rue Antonio Grilo

Résumé :

En 1981, à Madrid, le policier Jesús Méndez est surnommé "Pacino" par ses collègues, du fait de sa ressemblance avec l’acteur dans le film Serpico. Il traque un serial killer s’en prenant depuis des années à des mères célibataires résidant dans une même rue. Le père de Pacino enquêtait déjà là-dessus en 1946 et a été ébranlé jusqu’au suicide quand il a vu l’homme inexplicablement disparaitre dans une armoire. Poursuivant l’individu, Pacino pénètre dans l’armoire et parvient dans notre époque. Repéré, il parvient à convaincre le Sous-secrétaire de sa bonne foi et il fait dès lors équipe avec la Patrouille du Temps, afin de résoudre l’affaire. Mais le but de Pacino n’est pas seulement d’arrêter l’assassin, mais bien d’annuler ses crimes. En découle une enquête éclatée sur deux époques, 1946 et 1886, au terme de laquelle, malgré sa désobéissance, ses qualités lui valent d’être intégré à la Patrouille. Parallèlement, on apprend qu’Irène est l’informatrice de Susana Torres.

Critique :

L’épisode prend astucieusement le parti pris opposé de la britannique Life on Mars, à laquelle on songe beaucoup durant tout le récit : cette fois c’est un policier des années 70/80 qui s’en vient dans notre époque, suscitant un choc culturel souvent savoureux. Interprété avec toute une flamme intérieure par Hugo Silva, Pacino se révèle un homme entièrement dédié à son drame familial, mais à la personnalité suffisamment riche pour échapper aux clichés inhérents à la vengeance (Bonjour, je m'appelle Inigo Montoya, tu as tué mon père, prépare-toi a mourir). Il s’avère idéalement taillé pour remplacer Julián, élément également rebelle au sein de l’équipe, mais aussi suffisamment différent pour apporter un renouvellement (savoir-faire policier, aptitude aux coups tordus, alternance d’époque).

Même si cela induit un certain ralentissement de l’action en milieu de récit, Olivares n’hésite d’ailleurs pas à consacrer du temps à développer le relationnel entre le nouveau venu et les autres membres du Ministère, tout en dépeignant l’évolution de l’organisation, entre la quête de Julián et la nouvelle trahison avérée d’Irène. Le serial killer n’est en rien édulcoré, certaines scènes de meurtre s’avèrent montrées avec crudité et impact, tandis que l’amateur des X-Files s’amusera des convergences avec 4D, l’assassin ne se dissimulant pas ici en passant d’un univers miroir à l’autre, mais d’un temps à l’autre. Évidemment le spectateur pourrait se sentir frustré d’une approche somme toute rapide des années 80 madrilènes, mais le sujet a déjà été traité en première saison (Qualquier Tiempo pasado).

Plus gênant, la multiplicité d’époques abordées, brièvement et d’un point de vue uniquement fonctionnel au sein de l’intrigue, fait que l’on y pénètre de manière beaucoup moins immersive que lors des opus précédents. De même, l’absence de personnages ou évènements historiques marquants, en dehors d’un abominable fait divers, réduit le pouvoir évocateur du scénario, même si l’ensemble demeure habilement mené. On préfère l’option d’un compagnon d’aventures permanent, tissant un vrai relationnel, à l’option qu’aurait pu constituer des invités historiques éphémères, comme Spinola précédemment. Olivares ni ne maîtrise, ni ne se soucie, du jeu subtil des paradoxes temporels s’enchevêtrant, mais il a raison d’avancer que ce n’est pas le sujet de la série et d’accorder la primauté à l’aventure.

Anecdotes :

  • Quand le Sous-secrétaire décrit le Ministère à Pacino, celui-ci estime qu’il s’agit d’une histoire à la Mortadelo y Filemón. Il s’agit de deux héros d’une bande dessinée lancée en 1958 (184 albums à ce jour) et très populaire en Espagne. Pastichant le style des films et séries d’espionnage des années 60, elle décrit les aventures et mésaventures de deux agents secrets à qui il advient des catastrophes absurdes du fait de leur totale incompétence. On peut ici témoigner que lire Mortadelo y Filemón représente un excellent moyen d’apprendre la langue espagnole !

  • Depuis le XIXème siècle, le tueur en série a assassiné une vingtaine de femmes à différentes époques, mais toutes ses victimes résidaient dans la rue Antonio Grilo, à Madrid. L’épisode joue ainsi sur la noire légende de cette rue bien réelle. Pourtant relativement courte, celle-ci a effectivement accumulé au fil des siècles un nombre anormalement élevé de meurtres ou de morts violentes, sans qu’aucune corrélation ne puisse être découverte, et sans qu’une explication ne puisse être donnée à cette aberration statistique observée depuis 1776. Le phénomène est particulièrement marqué au numéro 3 de la rue, l’édifice ayant totalisé 8 meurtres abominables en à peu près 70 ans : homme saigné à mort, épouse et enfants tués à coups de marteau, fille mère étranglant son bébé... Un grand nombre de fœtus humains y a également été découvert, le bâtiment abritant apparemment des avortements durant les années 40 et 50.

  • Quand le serial killer tue la mère de famille après avoir assommé Pacino, le discours de démission du Président du Gouvernement Adolfo Suárez vient de débuter à la télévision. Cela situe le drame au 29 janvier 1981, à 19h40. Depuis juillet 1976, cet ancien dirigeant franquiste modéré, issu de l’opus Dei, dirigeait le gouvernement ayant mené à bien la Transition démocratique, sous l’égide de S. M. Don Juan Carlos. En 1977, Suárez remporta les premières élections générales libres de l’après Franquisme et mit en place un gouvernement centriste. Usé politiquement, épuisé par l’ampleur de la tâche et pessimiste quant à une prévisible prochaine réaction militaire (la tentative de coup d’État de Tejero surviendra le 23 février), il finit par démissionner. Le Roi l’anoblira en l’élevant au rang de Duc, en remerciement de ses services envers la Couronne et la démocratie.

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3. . TIEMPO DE HIDALGOS

Date de diffusion : 29 février 2016

Époque visitée : 1604, Miguel de Cervantes et L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche

Résumé :

Gil Pérez, l’agent supervisant le Siècle d’Or, avertit le Ministère que Cervantes n’a pas déposé le manuscrit de Don Quichotte à l’imprimerie. En fait l’écrivain a vendu le document aux agents américains de Darrow, pour une fortune. Cervantes crée ainsi sa propre compagnie théâtrale, domaine où il n’a jamais percé et sur lequel son rival Lope de Vega règne en maître. Alonso et Amelia s’infiltrent dans les répétitions et entreprennent de saboter la pièce, n’y parvenant que grâce à un coup de pouce du Destin. Gil et Pacino mènent l’enquête et découvrent que Darrow s’intéresse désormais à Lope de Vega. Ils tendent une souricière lors du rendez-vous mais Amelia refuse que l’on fasse courir des risques au plus grand dramaturge espagnol. Finalement, après avoir empêché son suicide, la Patrouille emmène Cervantes en 2016, lui faisant croire qu’un rêve lui révèle la gloire de son œuvre. Il décide alors de réécrire Don Quichotte. Pendant ce temps, Irène fait évader Lola, qui rejoint la conspiration de Susana Torres, celle-ci apparaissant liée à Darrow.

Critique :

Après que l’opus précédent eut installé le nouveau membre émérite de la Patrouille du Temps, Tiempo de hidalgos a le mérite de développer efficacement l’univers de la série. La toujours sublime et vénéneuse Susana continue de tisser sa toile, tandis que l’organisation Darrow effectue un retour réussi en concurrent récurrent du Ministère, toujours désireuse de piller les trésors culturels de l’Espagne, après l’affaire du Guernica. L’amateur des séries d’espionnage des Sixties appréciera le développement de ce style d’histoires opposant deux organisations antagonistes mais parfois si semblables, comme les deux faces d’une même pièce. Etabli dès la première saison, l’amusant parallèle avec Au-cœur du Temps se poursuit, les agents de Darrow se dématérialisant en passant d’une époque à l’autre, tout comme les aventureux voyageurs du Chronogyre.

La série continue par ailleurs à totalement assumer un anti-américanisme toujours aussi caustique. Olivares pratique également un judicieux rappel des personnages précédemment rencontrés, avec le toujours savoureux et passablement blasé Gil Pérez, mais aussi l’extraordinaire Lope de Vega. Cet auteur passionnément amoureux de l’amour (mais aussi infatué de lui-même), nous offre de merveilleuses retrouvailles avec Amelia, devisant au sein d’un jardin ensoleillé de Madrid, autour d’un verre de l’un des vins espagnols si capiteux, de cet enchantement puissant et mystérieux existant entre hommes et femmes. Lors de cette radieuse parenthèse, on remarque d’ailleurs que le charme féminin se montre irrésistible, Lope ne se formalisant pas outre mesure de découvrir Amelia telle que lors de leur rencontre si intime à l’ombre de l’Invincible Armada, près de vingt ans plus tôt.

Mais c’est bien autour de la figure de Cervantes que se focalise l’attention. Comme à son accoutumée, Olivares enrichit son récit, sans l’appesantir, de nombreuses informations sur la vie et l’œuvre du grand écrivain, tout en insistant avec humour sur la rivalité avec Lope de Vega. Comme avec ce dernier, le scénariste se montre par ailleurs toujours plaisamment irrévérencieux, ne décrivant pas Cervantes en majesté, mais bien vivant, avec les petits ridicules de tout un chacun, coexistant avec  la puissance de son verbe. Olivares sait aussi nous surprendre en ne dépeignant pas tant El Quijote que le théâtre du temps, à travers des répétions que les tentatives de sabotage menées par Alonso et Amelia rendent souvent hilarantes.

En définitive, l’épisode rend un bel hommage à cet art sublimantles ambitions de ses acteurs et que rien ne parvient à arrêter, hormis le Destin lui-même. La langue espagnole, le Castillan, s’invite elle-même à la fête, les dialogues finement ciselés rendant compte des richesses de ses différentes facettes, de l’argot madrilène de Pacino jusqu’à la poésie lyrique de Cervantes. A travers des péripéties astucieuses, un humour très présent et une jolie reconstitution d’époque, Olivares continue à développer le relationnel de ses personnages. Il oppose notamment la personnalité et les méthodes de l’érudite et non violente Amelia au rusé et plus enclin à l’action directe Pacino, un antagonisme accru par rapport à Julián, où la sagesse d’Alonso intervient parfois en arbitre.

Au total l’épisode constitue un parfait manifeste des atouts du Ministère du Temps, même si Olivares pourra par la suite difficilement continuer à relativiser l’influence de Doctor Who. Les répétions aux côtés de Cervantes et l’évocation de la magie du théâtre rappellent ainsi furieusement The Shakespeare Code (3.02), où Ten et Martha rendaient pareillement visite à Shakespeare au Globe. En outre la très belle séquence voyant l’auteur découvrir à notre époque l’écho rencontré par son œuvre rejoint Eleven et Amy procédant de la sorte avec Van Gogh, pareillement pour éviter un suicide, même si le Destin l’emporte toujours (Vincent and the Doctor, 5.10).

Anecdotes :

  • Afin de mener son enquête, Pacino se fait passer pour un membre de la Santa Hermandad. Il s’agit de l’ancêtre de la police actuelle, originellement des hommes armés et financés par les villes de l’Espagne médiévale afin de pourchasser les criminels. En 1476Isabelle la Catholique les unifia en une unique administration royale. La Santa Hermandad devint alors le premier véritable corps de police existant en Europe. En 1834, après l’épisode napoléonien, elle est dissoute au profit d’une administration modernisée, sur le modèle de la Sûreté parisienne.

  • Amelia est surnommée « Enciclopedia Espasa » par Pacino. Editée initialement entre 1908 et 1930 par la maison Espasa, régulièrement modernisée depuis, l’Enciclopedia universal ilustrada europeo-americana est devenue la plus grande encyclopédie de langue espagnole existant au XXème siècle et l’une des plus développées au monde. Elle comporte aujourd’hui 116 volumes, 175 000 pages, 200 millions de mots, 200 000 illustrations et 100 000 biographies.

  • Une partie de l’action se déroule à La Granjilla, parc créé de 1563 à 1566 par Philippe II non loin de l’Escorial, près de Madrid. Le site est aujourd’hui classé, ses jardins et bâtiments constituent l’un des plus beaux exemples du style architectural du Siècle d’Or. 

  • Tout comme son rival Lope de Vega, Miguel de Cervantes Saavedra connut une jeunesse aventureuse et itinérante, typique du Siècle d’Or espagnol. Il se rendit ainsi en Italie, puis perdit l’usage de sa main gauche à la bataille navale de Lépante (1571) et fut l’otage des Barbaresques, à Alger, de 1575 à 1580. Il s’inspira notamment de ses mésaventures pour publier en 1605 L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche. Cette irrésistible parodie des romans de chevalerie, et satire au vitriol de la société de son temps, apparaît comme un livre inépuisable, toujours considéré aujourd’hui comme le plus grand roman national. La langue espagnole est d’ailleurs communément désignée comme celle de Cervantes, à l’instar du français et de Molière. Même si redécouvertes postérieurement, ses pièces ne connurent par contre aucun succès au théâtre, à son grand désespoir, la scène madrilène était en effet alors dominée par les comédies de Lope. Il ne parvint jamais à monter Los Baños de Argel, la pièce ici en répétitions.

  • La chanson écoutée par le Sous-secrétaire est Vivo cantando, de Salomé, qui représenta l’Espagne lors de l’Eurovision 1969, à Madrid. La chanson, qu’il considère comme excellente, avait alors dû partager la première place du tournoi avec le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la France (représentée par Un jour, un enfant, de Frida Boccara). Le Sous-secrétaire étant furieux de qu’il désigne comme une mission ayant échoué, on peut supposer que, dans une première version de l’Histoire, l’Espagne avait triomphé seule ! Il s’agit de la seconde et dernière victoire à ce jour de l’Espagne à l’Eurovision, l’année précédente elle avait gagné avec La, la, la, de la chanteuse Massiel. Suite à un tirage au sort, la compétition 1970 se déroula aux Pays-Bas.

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4. EL MONASTERIO DEL TIEMPO

Date de diffusion : 7 mars 2016

Époque visitée : 1808, Napoléon à Tordesillas

Résumé :

A la veille du Noël 1808, Napoléon gracia trois prisonniers accusés d’espionnage, à la demande de la mère supérieure du couvent de Santa Clara, où il séjournait alors. Or celle-ci meurt subitement, avant d’avoir pu prononcer sa supplique. L’un des trois condamnés à mort étant l’un des ancêtres d’Adolfo Suárez, le Sous-secrétaire Salvador envoie la Patrouille du Temps régler la situation, flanquée de sa secrétaire Angustias, au parfait profil pour remplacer la mère supérieure. Après moult péripéties parfois surprenantes, la mission est un succès mais une mauvaise surprise attend les héros à leur retour : grâce à la complicité d’Irène et mettant à profit la fuite non résolue de Julián, Susana Torres a contraint Salvador à la démission. Elle le remplace désormais à son poste.

Critique :

Davantage qu’un épisode de Noël, comme il en donne initialement l’impression, El Monasterio del Tiempo revêt rapidement l’allure d’une comédie totalement débridée. Chaque situation se voit exclusivement traitée sous l’angle de l’humour, ce qui produit des effets certes le plus souvent hilarants au cas par cas. Il en va ainsi des angoisses et maladresses de la novice Angustias lors de sa première mission, des différentes erreurs tournant infailliblement à la catastrophe commise par une pour une fois peu inspirée Amelia ou du contraste entre la personnalité de Pacino et le rôle de prêtre qu’il a endossé (avec notamment une succession de confessions tout à fait surréalistes). La palme revient sans doute aux inquiétudes d’Alonso, homme du Siècle d’Or confronté aux mystères du XXIème siècle, dont l’insondable énigme du fonctionnement d’un frigidaire. Encore faut-il rajouter à cela les émois de deux fiancés chauds bouillants et des personnages français joyeusement caricaturaux, à l’image des séries des années 60 : accents outrés et perpétuels airs d’accordéon jaillis de nulle part.

 Ay que vodevil ! finit par s’exclamer Angustias devant le rythme d’enfer des péripéties humoristiques, mais l’on frôle malheureusement plutôt la farce, tant cette accumulation de gags finit par ôter tout enjeu et intensité dramatique à l’intrigue. C’est d’autant plus dommage que cela survient à l’occasion d’un rendez-vous particulièrement relevé en la personne de l’Empereur (mais peut-être est-ce un point de vue français). De plus certaines plaisanteries s’avèrent passablement lourdes, comme la supposée homosexualité d’un Maréchal Ney poursuivant sans cesse Pacino de ses assiduités. Amusant, l’épisode se regarde néanmoins sans réel déplaisir, d’autant que l’action s’insère au sein du magnifique décor d’un authentique couvent espagnol, ce qui apporte de l’authenticité à l’ensemble. Surtout, le scénario effectue un joli contrepied en peignant Napoléon, le grand envahisseur, sous des traits finalement humains et chaleureux, porté par un savoureux sabir franco-hispano-italien. L’interprétation de Fernando Cayo s’avère irrésistible, comme souvent dans cette série. Le triomphe de la toujours stylée et perfide Susana Torres dramatise également efficacement les enjeux du prochain épisode.

Anecdotes :

  • Après l’importante défaite de Bailén survenue en juillet 1808 et chassant l’armée française d’Andalousie, l’Empereur se rendit personnellement en Espagne en novembre. Son but de guerre était de rétablir la situation de son frère ainé Joseph, récemment chassé de Madrid par la rébellion. A la tête de 90 000 hommes, Napoléon va remporter toute une série de succès sur les Anglo-espagnols, lui ouvrant in fine la route de la capitale en décembre : l’une des rares victoires majeures de cette Guerre d’Espagne qui allait s’avérer un gouffre pour l’Empire. Une tempête de neige le força à passer la nuit de Noël au couvent de Santa Clara, près de Tordesillas, où survint effectivement l’anecdote servant de sujet à l’épisode. L’Empereur gracia trois prisonniers suspectés d’espionnage, sur l’intercession de la mère supérieure.

  • Quand le Sous-secrétaire évoque Tordesillas, Amelia demande si la mission va concerner Jeanne la Folle (1479-1555). Cette fille des Rois Catholiques Isabelle et Ferdinand, premier souveraine en titre de toute l’Espagne, sombra définitivement dans la folie, suite à la mort de son mari bien aimé, Philippe de Habsbourg, dit le Beau. Ferdinand la fit interner à Tordesillas et elle ne régna jamais effectivement, le pouvoir passant à son fils, le futur Charles Quint. Juana la Loca est devenue une figure tragique de l’histoire d’Espagne, inspirant de nombreux écrivains et cinéastes.

  • Outre Adolfo Suarez, le Ministère conserve des arbres généalogiques précis de tous les personnages notables de l’histoire d’Espagne, veillant à ce qu’ils demeurent inaltérés quelques soient les soubresauts du Temps. Suarez fut le Président du Gouvernement menant à bien la Transition démocratique de l’après Franco, il a été évoqué précédemment lors de l’épisode El Tiempo en sus manos.

  • Voyant Amelia déguisée en bonne sœur, Pacino la surnomme Sœur Citroën. Sor Citroën fut une comédie espagnole à succès de 1967, narrant les aventures d’une nonne impulsive et tonique, conduisant périlleusement une 2CV. Elle est en fait très proche de Sœur Clotilde, le personnage récurrent de la saga du  Gendarme de Saint-Tropez, interprétée par France Rumilly.

  • Julián apparaît très brièvement durant l’épisode. Les podcasts réalisés parallèlement à la série par Radio Nacional nous apprennent qu’il aide désormais de son savoir médical les soldats participant à la Guerre hispano-américaine de Cuba (1898). Le désastreux conflit débouche sur l’indépendance de l’île, devenue en fait un dominion américain, tout comme les dernières colonies espagnoles des Caraïbes et du Pacifique. 

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5. UN VIRUS DE OTRO TIEMPO

Date de diffusion : 14 mars 2016

Époque visitée : 1918, la Grippe espagnole

Résumé :

Irène se rend en 1918, afin d’aider à l’accouchement de Carmen Amaya, future gloire du Flamenco, elle y contracte le virus de la grippe espagnole. Contrairement au protocole et à l’avis du Dr. Vargas, Susana fait revenir Irène, secrètement son amante. Le virus s’échappe et se communique à tout le Ministère. Susana doit ordonner une quarantaine, coupant le bâtiment du reste du monde mais aussi des équipes en mission dans le passé, incapables de s’en retourner. Plusieurs morts sont à déplorer est des figures du Ministère sont contaminées, comme Alonso ou Velázquez, mais les traitements modernes viennent à bout de la maladie. Entretemps Pacino et Amelia découvrent que le Dr. Vargas s’appétait à vendre un échantillon du virus à un groupe pharmaceutique allemand.

Critique :

L’épisode permet de varier la routine des missions de la Patrouille du Temps à travers l’Histoire d’Espagne, tout comme certains épisodes de Stargate SG-1 s’insérait au sein du SGC. Olivares a la grande habilité de mener à bien ce renouvellement bienvenu sans que la spécificité historique de la série n’en soit altérée. Cette fois c’est l’évènement qui vient au-devant des héros, en l’occurrence l’un des pires cauchemars du siècle passé, dont l’horreur se voit éloquemment relatée au fil des évènements. Un regard cynique pourrait également évoquer un retour de boomerang, les Espagnols se voyant confrontés à une épidémie morelle, tout comme les Précolombiens de naguère. Le furent à leur contact. Cette dimension documentaire s’adjoint comme toujours efficacement à l’action principale, celle-ci revêtant la forme d’un récit de catastrophe médicale classique, mais éprouvé et solide. Le récit s’enrichit de prolongements propres au Ministère du Temps, comme les équipes en mission abandonnées à leur sort, ou la présence de personnalités du passé parmi les malades, menaçant la continuité historique d’un séisme majeur.

A cet égard, on apprécie particulièrement la présence de la sympathique et très nature María Pita, autorisant quelques amicales plaisanteries sur la Galice (accent, vocabulaire, passion culinaire de cette magnifique contrée pour le poulpe !). Dans cette série l’humour ne perd décidément jamais ses droits ! On apprécie qu’au-delà du suspense clinique, Olivares privilégie une nouvelle fois l’humain, se centrant sur l’étude de caractère de ses protagonistes soudainement confrontés à un mort probable. Il échappe au piège du mélodrame hospitalier en plomb, pour plutôt les dépeindre évoquant les grands moments de leur vie, autant de scènes souvent réellement émouvantes, et interprétées sans outrance. Tandis que Pacino et Amelia débutent une relation déjà contrariée, les antagonistes séduisent également par leur complexité dépourvue de tout manichéisme, que cela soit Vargas ou la propre Susana Torres, prête à prendre des risques insensés pour Irène. L’étoile de la nouvelle Sous-secrétaire commence déjà à pâlir, tandis que son prédécesseur attend benoitement son heure. Si quelqu'un t'a offensé, ne cherche pas à te venger. Assieds-toi au bord de la rivière et bientôt tu verras passer son cadavre.

Anecdotes :

  • De nombreux figurants participant à la scène voyant Susana réunir l’ensemble des fonctionnaires dans le patio du Ministère sont en fait des Ministericos. La production a ainsi permis à tout un groupe de ces fans de la série d’y figurer, après des échanges sur Internet.

  • Présentée ici comme l’une des agents du ministère, María Pita (1560-1643) est une héroïne galicienne similaire à Jeanne Hachette en France. En 1589, la flotte du redoutable corsaire anglais Francis Drake s’en vint donner l’assaut au grand port de La Corogne. Durant la bataille, elle se porta sur les remparts et abattit un porte-drapeau adverse d’un coup de pique, galvanisant ainsi l’énergie des défenseurs. L’Anglais fut définitivement repoussé et la ville sauvée. Outre l’histoire galicienne, María Pita est également devenue une figure de référence pour les mouvements féministes espagnols.

  • Grâce à Salvador, Amelia peut s’entretenir avec Gregorio Marañón (1887-1960), lui aussi présenté comme un Agent du Ministère. Ce grand humaniste et intellectuel, engagé politiquement comme républicain, fut une figure de proue de médecine espagnole de l’entre deux guerres, menant d’importantes recherches dans le domaine de l’endocrinologie. En 1918 il fut l’un des reposnables sanitaires luttant contre l’épidémie de la grande grippe et représenta l’Espagne au tire de la coopération internationale. .

  • Due à une souche H1N1 particulièrement virulente et propagé par les retours des soldats, la grande grippe de 1918-1919 occasionna un désastre mondial. Elle connut un nombre victimes oscillant entre 50 et 100 millions selon les études, davantage que le conflit s’achevant alors. Elle demeure aujourd’hui encore la pandémie la plus mortelle de l’histoire, dépassant la Peste noire de 1347-1352 et sa trentaine de millions de victime. Cette grippe reste désignée comme « espagnole », non pas parce qu’elle toucha particulièrement l’Espagne, mais parce qu’il s’agissait d’un des rares pays où elle fut évoquée publiquement. L’Espagne était en effet demeurée neutre durant la Grande Guerre, tandis que les journaux de tous les autres pays occidentaux étaient encore soumis à la censure militaire. Le sujet y fut dissimulé pour ne pas créer de panique et les journaux français en parlèrent comme d’une maladie strictement espagnole, s’arrêtant miraculeusement à la frontière des Pyrénées.

  • Irène veille à ce que l’accouchement difficile de Carmen Amaya se déroule bien. Carmen Amaya (1918-1963) fut un chanteuse et danseuse Flamenco connaissant une grande popularité, issue d’une famille gitane catalane très pauvre. Elle transposa avec succès cette danse dans le cinéma espagnol des années 30 (Maria de la O, 1936), avant de développer sa carrière en Amérique latine et aux USA durant la Guerre Civile. Décédée prématurément d’une maladie rénale, Carmen Amaya exerça une influence majeure sur le Flamenco, développant notamment avec élégance le mouvement des jambes, alors que les danseuses se préoccupaient jusque-là surtout des mouvements des bras. 

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6. TIEMPO DE MAGIA

Date de diffusion : 21 mars 2016

Époque visitée : 1924, Houdini et Argamasilla

Résumé :

En 1924, à Madrid, Joaquín María Argamasilla a réuni autour de lui un cercle d’intellectuels fascinés par sa faculté de voir à travers la matière solide, comme aux rayons X. Secrètement Agent du Ministère, il annonce se rendre aux USA pou se confronter à Houdini. La Patrouille du Temps se joint incognito au voyage, suspectant à juste tire qu’il va en fait révéler les secrets du Ministère à John Edgar Hoover. Mais Argamasilla agit par idéalisme démocratique et se laisse convaincre par la Patrouille, tandis qu’Harrow, refusant que l’état fédéral connaisse le voyage dans le temps, tente de l’assassiner. Les investigations de la Patrouille et d’Irène dévoilent la traitrise de Susana, dès lors remplacée par Salvador.

Critique :

Une nouvelle fois l’épisode du jour brille par la qualité de la reconstitution historique. C’est particulièrement vrai lors de la séquence madrilène, mais le regard porté sur l’Amérique de la Prohibition vaut également le coup d’œil Même si la contrainte budgétaire s’y fait davantage ressentir, faire voyager la Patrouille en dehors de l’Espagne permet de renouveler le décorum. On avouera également que les tenues et les chapeaux des années 1920 siéent particulièrement à la grande beauté d’Aura Garrido. On apprécie également certains retournements de situations savoureux et une rivalité toujours plus accrue et féroce entre le Ministère et Darrow, d’autant que la série connaît ici un pic dans son antiaméricanisme proverbial, mis elle n’épargne pas l’Espagne non plus, loin s’en faut.

Malheureusement ces points forts se voient largement minorés par de préjudiciables coups de canifs apportés à l’épatante formule de la série : des aventures historiques sans quasiment aucun aspect de Science-fiction, hormis les Portes elles-mêmes. Le scénario accorde une trop grande importance  aux pouvoirs présentés comme avérés d’Houdini (supposé capable de se déplacer dans le Temps !) ou d’Argamasilla, mais aussi aux imaginaires d’un Pacino et aux dons médiumniques soudainement découverts chez Amelia. Le récit se rapproche trop d’un récit fantastique, où l’Histoire intervient davantage comme simple décor que comme actrice à part entière de l’action.

Le Ministère du Temps perd en spécificité d’autant que ce type d’histoires est déjà narré par le Docteur contemporain, un horizon indépassable même en une période où le programme de la BBC n’est plus à son meilleur niveau. Le grand espace consacré à cet aspect réduit d’autant celui consacré à la chute de Susana, ridiculement accéléré alors qu’il agissait de l’aboutissement d’un important fil rouge de la première moitié de saison. Pour y parvenir l’intrigue rend soudainement la belle ténébreuse tout à fait crédule et inopérante. Ce n’est jamais bon signe quand un personnage change de personnalité ou de dimension pour se plier aux exigences scénaristiques.

Anecdotes :

  • Dans le cercle des admirateurs d’Argamasilla, on remarque la présence de Ramón María del Valle-Inclán (1866-1936), auteur galicien comptant parmi les écrivains espagnols les plus marquants du XXème siècle. Ce grand dramaturge et figure de proue de toute une génération d’écrivains à travers revues et romans fut également un observateur féroce de la cour d’Isabelle II et du déclin espagnol de son époque.

  • Authentique aristocrate, Joaquín María Argamasilla de la Cerda y Elio, Marquis de Santacara (1905-1985), fit sensation dans la haute société madrilène des années 1920, en affirmant disposer d’une vue supranormale, très similaire à celle qui caractérisera ultérieurement Superman, lui permettant notamment de voir à travers le métal. Le 6 mai 1924, par défi, il réalisa à New York une démonstration publique de ses pouvoirs devant le célèbre mage et contorsionniste Houdini. Celui-ci, sur le tard, s’était spécialisé dans la dénonciation des escrocs, à une époque de vogue de la voyance et du spiritisme. L’épisode évoque d’ailleurs comment cette profession de foi provoqua une rupture de l’amitié entre Houdini et Sir Arthur Conan-Doyle, crédule passionné du genre. La démonstration tourna à la déroute d’Armagasilla, Houdini découvrant les diverses supercheries utilisées. Cela mit un terme à la carrière surnaturelle du Marquis, qui consacra par la suite son imagination au cinéma et au théâtre. 

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7-8. TIEMPO DE VALIENTES

Date de diffusion : 28 mars et 04 avril 2016

Époque visitée : 1898, la Guerre hispano-américaine aux Philippines, les Derniers de Baler

Résumé :

Julián, qui avait quitté Cuba pour échapper à la vigilance de Susana Torres, exerce désormais comme dans le service médical de l’armée espagnole, également en confit avec les Etats-Unis aux Philippines. Salvador récupère la direction du Ministère, mais doit faire face à une inspection décrétée par le Gouvernement suite aux troubles précédents, l’occasion pour les protagonistes de se confronter à leur passé. Ayant par hasard repéré Julián, Salvador envoie Alonso le récupérer, une mission remplie malgré le piège du siège de Baler. La Patrouille du Temps se reconstitue, tandis que Pacino, comprenant les sentiments d’Amelia et devant s’occuper de sa famille, intègre le Ministère de 1981.

Critique :

Tiempo de valientes constitue le premier double épisode du Ministère du Temps, et force est de constater que la série, d’habitude si tonique et habile, ne gère qu’imparfaitement le franchissement de cap. La faute en revient majoritairement à la première partie, bien trop éclatée en divers récits à l’intérêt inégal. Au lieu de se développer à la Courteline, l’inspection du Ministère, pourtant un sujet en or, se voit uniquement utilisé afin de plonger les différents protagonistes dans des histoires passablement mélodramatiques et quelques révélations passablement gratuites (le sosie de l’épouse d’Alonso, Ernesto se découvrant un fils caché, Amelia pestant de devoir s’occuper de la paperasse et regrettant Julián, etc. Tout ceci s’étire sans intensité dramatique ni réelle dynamique.

Hormis le plaisir de retrouver Rodolfo Sancho, à la présence toujours étonnante, l’histoire principale de Julián se résume ici à une interminable mise en place, entre scènes hospitalières lacrymales et marche de Manille jusqu’à Baler accompagnée de dialogues assez fades et d’une mise peu imaginative. Le plus triste demeure sans doute que l’intégration fluide des données historiques au sein de l’action principale, d’ordinaire l’un des grands atouts du programme, résulte quasiment absente à l’issue de la première partie. Olivares n’a dès lors d’autre ressource que de recourir au procédé ultra banal du panneau explicatif, afin de présenter le siège de Baler. Découvrir l’auteur réduit à une telle extrémité alors même qu’il dispose ici de bien davantage qu’à l’ordinaire reste confondant ! Mais Olivares rebondit en proposant ensuite une seconde partie de récit ayant totalement gommé les défauts de la première.

Exit (purement et simplement) les diverses histoires issues de l’inspection et exit celle-aussi, dont on entend plus du tout parler. Une manœuvre vigoureuse mais nécessaire, permettant de centrer les débats autour du siège et du suspense psychologique qu’impulse son huis-clos, tout en installant une dénonciation convaincante des horreurs de la guerre. Les différents personnages rencontrés se montrent le plus souvent bouleversants et dénués de manichéisme, tandis que la réalisation récupère quelques couleurs. Le retour du fils prodigue au sein de son foyer apporte toute l’émotion que l’on pouvait en espérer, tandis que la série sait ménager une porte de sortie élégante et un bel hommage à Pacino. Tout comme le Jonas de Stargate SG-1, il aura su prendre une dimension bien supérieure à celle de simple remplaçant. Demeure malgré tout l’impression que tout ceci aurait pu être efficacement condensé en un épisode classique.

Anecdotes :

  • D’avril à août 1898 se déroula la Guerre hispano-américaine voyant les USA soutenir militairement les rebellions en cours dans les ultimes composantes de l’empire colonial espagnol, essentiellement Cuba, Guam, Porto Rico et les Philippes. Malgré le courage de la troupe, l’armée espagnole obsolète céda face à une puissance américaine en pleine affirmation après la parenthèse de la Guerre de Sécession et céda rapidement. Le conflit est d’ailleurs désigné en Espagne comme le « Désastre de 98 », au terme duquel ces différentes territoires passèrent dans la zone d’influence de Washington (traité de Paris, 10 décembre 1898).

  • L’épopée héroïque des Derniers de Baler (los Ultimos de Baler) a été célébrée en Espagne comme l’un des rares évènements sauvant l’honneur national au cours du Désastre de 98. Dans l’île de Luçon, un détachement isolé de l’armée espagnole soutint un siège de 337 jours (du 30 juin 1898 au 02 juin 1899), enfermé dans l’église du petit village isolé de Baler et cerné par les rebelles. Coupés du monde, les soldats prirent pour un piège l’annonce du Traité de Paris et continuèrent leur combat alors même que l’armée espagnole avait évacué l’archipel, d’où leur surnom de Derniers. La capitulation ne survient que quand ils crurent ce qu’affirmaient les journaux leur étant communiqués et ils furent autorisés à évacuer les lieux avec les honneurs de la guerre. Le siège fut narré dans un livre paru en 1904 (El sitio de Baler) et dans un film de 1945 (Los Ultimos de Filipinas), tous deux évoqués à la fin de l’épisode. Depuis 2003, le jour de l’amitié entre les Philippines et l’Espagne est célébré le 30 juin, en honneur des Derniers.

  • Après la diffusion de la seconde partie du double opus, TVE surprit les amateurs de la série en annonçant que la diffusion des cinq derniers épisodes de la saison était repoussée d’un nombre indéterminé de semaines, suite à des difficultés de production. 

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9. ÓLEO SOBRE TIEMPO

Date de diffusion : 25 avril 2016

Époque visitée : 1734, l’incendie de l’Alcázar de Madrid,

Résumé :

Le Ministère du Temps découvre qu’un tableau de Velázquez, détruit en 1734 lors de l’incendie de l’Alcázar Royal de Madrid, vient pourtant d’être vendu aux enchères. Irène et le propre Velázquez sont envoyés au palais, peu de temps avant la catastrophe. Ils découvrent qu’une équipe de Darrow, dirigée par Lola, a entrepris de remplacer toutes les peintures par des copies, afin de pouvoir revendre peu à peu les originaux. Les agents de Darrow sont vaincus grâce à la Patrouille du Temps venue à la rescousse et les tableaux disparus de l’Histoire embelliront désormais les corridors du Ministère. Lola découvre que le Tunnel du Temps de Darrow émet une radioactivité mortelle et qu’elle est contaminée. Elle s’allie avec le Sous-secrétaire, ce qui permet d’abattre l’organisation rivale.

Critique :

L’épisode brille de nombre des qualités inhérentes à la série. Il s’avère ainsi formellement magnifique, jusqu’à parfois devenir un pur régal pour le regard. Peintures (magnifiques gros plans), décors, costumes et jardins s’allient harmonieusement afin d’évoquer le raffinement et la douceur de vivre propres à la haute société du XVIIIème siècle. La sublime musique de chambre de l’époque accompagne idéalement l’ensemble, tandis que les images de synthèse reconstituent avec succès l’Alcázar Royal de Madrid. Olivares a effectivement eu raison d’accepter une pause pour soigner celles-ci.

Par ailleurs on suit toujours avec autant d’attachement le parcours des protagonistes, chacun s’acharnant trouver le bonheur au sein du grand tumulte remplissant désormais leurs vies passées à sauter d’époques en époques. La présence toujours plus menaçante de l’ancienne bonne d’Amelia promet beaucoup pour la suite par ailleurs, après les errements du double épisode, la série renoue pleinement avec sa captivante de l’Histoire, associant intégration fluide de renseignements et aventures rondement menées. On apprécie que le regard porté sur le règne de Philippe et Elizabeth se montre équilibré, de même que l’humanité du portrait de ce couple éminemment singulier.

L’intrigue du jour souffre néanmoins de quelques dommageables à peu près. L’opposition entre Darrow et le Ministère se voit ainsi conclue avec une vitesse excessive, d’autant que cette histoire de radioactivité soudainement sortie du chapeau ne convainc guère.  Si Darrow tentait de dissimuler la vérité, on n voit vraiment pas pourquoi Lola aurait aussi facilement accès au malade. La confrontation finale ne s’avère pas exempte d’un certain mélodrame.

On reste quelque peu catastrophé de découvrir Salvador près à brûler les tableaux sans trop d’états d’âme et que la solution provienne en définitive de Lola, le Sous-secrétaire nous avait habitué à davantage de brio. Le plus frustrant reste que l’occasion de mettre enfin en avant ne se traduise pas par un réel développement de ce formidable personnage, l’une des plus belles réussites de la série. Il se contente de ressasser son rôle alliant gags liés à son ego et sincère émotion devant le mystère de la peinture.

Anecdotes :

  • Le terme d’Alcázar désigne les imposants palais-forteresses construits en Espagne par les souverains arabes d’Al Andalus, avant la Reconquête. Ils alliaient de puissantes fortifications militaires à un grand raffinement des bâtiments intérieurs, celles-ci étant bien plus raffinées que leurs équivalents occidentaux du Moyen-âge. Les Alcázars se situaient au sein des cités d’importance (Séville, Tolède, Cordoue, Ségovie, Madrid…) et devinrent résidences royales après la Reconquête.

  • L’Alcázar Royal de Madrid devient la résidence principale des Rois Catholiques, quand Philippe II établit définitivement Madrid comme capitale du royaume, en remplacement de Tolède (1561). L’édifice, situé sur l’emplacement de l’actuel Palais Royal, fut considérablement embelli au fil des ans. En tant que peintre officiel de la famille royale, Diego Velázquez participa à la décoration des salons et réunit une somptueuse collection de tableaux venus de toute l’Europe. L’Alcázar Royal de Madrid devint ainsi l’affirmation de la puissance espagnole au sommet du Siècle d’Or. Mais le palais et ses merveilleuses collections d’œuvres d’art (dont plusieurs chefs d’œuvre de Velázquez) furent anéantis lors d’un terrible incendie survenu en 1734, sous Philippe V. L’actuel Palais Royal fut édifié en remplacement.

  • Philippe V connut le plus long règne de l’histoire d’Espagne, dépassant les 45 années (1700-1746). La montée sur le trône de ce petit-fils de Louis XIV suscita la Guerre de Succession d’Espagne (1701-1714), opposant le Roi Soleil à une Europe refusant que l’Espagne ne devienne un protectorat français. Une fois le confit surmonté, au prix d’importantes concessions territoriales, Philippe V mena une politique modernisatrice, centralisatrice et autoritaire, désireux de calquer l’Espagne sur le modèle de la monarchie absolue de Versailles. Ses crises profondes de dépression et de neurasthénie, toujours plus accentuées, firent que la réalité du pouvoir passa aux mains de son épouse, l’énergique et ambitieuse Elizabeth Farnèse, princesse de Parme.

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10. SEPARADAS POR EL TIEMPO

Date de diffusion : 11 avril 2016

Époque visitée : 1912, la Vampire du Raval et 1927, les Sinsombreros

Résumé :

Alors qu’elle visite une exposition dédiée aux Sinsombreros, féministes de l’entre-deux-guerres, Irène voit une femme s’évanouir, car venant de se reconnaître dans une photographie datant des années 20. Simultanément, la jeune Enriqueta suit Amélia et pénètre fortuitement dans le Ministère. Horrifiée, elle découvre qu’elle est appelée à devenir la Vampire de Raval, effroyable proxénète d’enfants et tueuse en série.  Du fait de son intervention, la criminelle parvient à s’enfuir par l’une des Portes du Temps. Irène tente de résoudre l’énigme de la photographie, tandis que la Patrouille se lance à la poursuite d’Enriqueta âgée. Ils vont découvrir que les deux affaires sont inextricablement liées, à travers les méandres du Temps.

Critique :

Idéalement introduit par l’une des séquences les plus intrigantes et inquiétantes de la série (qui ne sera pas sans évoquer Blink aux amateurs du Docteur), l’épisode se montre profondément singulier au sein de la série, tout en préservant les qualités de celle-ci. Au lieu d’une figure et d’une époque centrales comme à l’accoutumée, il multiplie les arrêts (années 10 et 20 mais aussi 80 et 2010, tout au long d’un captivante enquête où les jeux temporels jouent pour une fois un vrai rôle. L’ensemble fonctionne de manière convaincante, même s’il ne faut pas regarder de trop près les détails de la conclusion.

L’action se poursuit à un rythme suffisamment soutenu pour captiver le spectateur, d’autant qu’Enriqueta Martí se révèle une adversaire entreprenante et madrée, prête à tout pour parvenir à ses abominables fins. Les amateurs et férus d’Histoire pourront regretter que l’espace ici occupé par les péripéties et les effets de bascule limite fatalement cela consacré à l’insertion d’informations, mais cela vaut surtout pour les Sinsombreros, qui auraient sans doute mérité un épisode en propre. Enriqueta Martí se voit suffisamment décrite, sans nécessité d’aller plus loin dans l’horreur. La distribution se montre derechef enthousiasmante.

Comme à l’accoutumée, le programme sait admirablement entremêler action principale et trajectoires intimes de ses héros, Histoire et histoires intimes. Si l’on continue à demeurer peu convaincu par Ernesto et de son fils, thème demeurant heureusement très secondaire, le devenir d’Amelia, s’imposant progressivement comme sujet central, se montre toujours délicieusement intrigant. Irène se montre aussi piquante qu’elle sait l’être, tandis que le Sous-secrétaire Salvador nous séduit toujours par son association très sensible de réalise d’Etat et de profonde humanité.  On observera avec intérêt que cet épisode très féminin, tant par ses thèmes que par ses protagonistes, s’impose comme le plus sinistre et le plus cruel de la série jusqu’ici.

Anecdotes :

  • Les Sinsombreros (littéralement les Sans chapeaux) sont moins remémorées que leurs pendants masculins de la Gnération de 1927, car moins considérées et entendues par la société de leur temps. Mais elles rendirent pareillement compte des aspirations à la modernité d’une large faction des intellectuels de l’époque, mais autour de thématiques féminines, politiques et sociales. Comme d’autres, le groupe se dispersa lors de la Guerre Civile, aboutissement de l’opposition toujours plus exacerbée entre les deux Espagnes. Elles aimaient à se rendre sans chapeau à la Puerta del Sol (agora madrilène par excellence), en rupture avec les conventions très corsetées de leur époque.

  • Evoquée plus précisément que les autres membres du groupe, Clara Campoamor (1888-1972) fut l’une des rares Espagnoles à exercer une vraie influence politique durent l’entre-deux-guerres. Figure de proue du mouvement féministe, elle devint l’une des deux femmes à être élues à l’Assemblée constituante de 1931. Elle obtint l’inscription du droit de vote des femmes et le principe d’égalité entre les sexes dans la Constitution de la République alors rédigée. Elle dut s’exiler durant la Guerre civile et mourut en Suisse.

  • Enriqueta Martí (1868-1913) défraya la chronique barcelonaise lors de la découverte de ses sinistres activités : enlèvement, prostitution et meurtres d’enfants de familles misérables. Elle pratiquait également la sorcellerie, utilisant les restes de ses victimes pour préparer les concoctions qu’elle vendait jusque dans la haute société (notamment de prétendus remèdes contre la tuberculose, l’une des terreurs de l’époque). Le nombre de ses victimes demeure incertain, ses crimes s’étant étendu sur plus de 20 ans, mais elle reste considérée comme la tueuse en série la plus meurtrière de l’histoire espagnole. Arrêtée en 1912, elle meurt l’année suivante, possiblement lynchée par ses codétenues. La presse la surnomma la Vampire du Raval, du nom du quartier de Barcelone où se trouvait son sinistre atelier. 

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11. TIEMPO DE LO OCULTO

Date de diffusion : 9 mai 2016

Époque visitée : 1485, Christophe Colomb

Résumé :

Lombardi, ex présentateur d’une émission dédiée au surnaturel, découvre l’existence du Ministère du Temps, qu’il révèle sur Internet. Comme contre-mesure, le Sous-secrétaire l’invite à venir visiter le Ministère, qu’il a auparavant transformé en ce qu’il considère être une administration classique, dédiée aux ouvrages publics. Venu avec sa fille Sonia, chargée de filmer les lieux, Lombardi parvient néanmoins à découvrir le pot aux roses et à franchir l’une des Portes. Il parvient en 1485 et rencontre un Christophe Colomb en route pour la cour des Rois Catholiques. La Patrouille du Temps va devoir intervenir en urgence pour que la découverte des Amériques ne soit pas bouleversée.

Critique :

Traité d’un point de vue avant tout humoristique, l’épisode apporte une détente bienvenue après plusieurs récits très sombres (la guerre des Philippines, la chute de Darrow, la Vampire de Rabal). L’ensemble amuse beaucoup, notamment l’accumulation des clichés liés aux fonctionnaires, lors de la mascarade ourdie par le sous-secrétaire ; Le spectateur français se divertira en découvrant El Ministerio el Tiempo brusquement transformé en Caméra Café, tandis que l’ensemble s’avère tellement caricatural que l’on perçoit bien que le malicieux Olivares se moque avant tout de ces préventions (pauses syndicales, vêtements petits bras, démineur et dame de pique en boucle sur tous les ordinateurs…).

Tandis que le scénario a l’habileté de ne jamais le positionner en antagoniste, Le personnage de Lombardi s’avère lui aussi particulièrement réussi, entre émotion face à l’immensité de la révélation et fantaisie de ses nombreuses théories formant comme une édition espagnole du Lone Gunman (mention spéciale aux apparitions mariales au Santiago Bernabeu). D’ailleurs il s’avère très intéressant de découvrir comment un conspirationnisme positif comme l’est le Ministère régit face à la menace qu’il représenté.

Le Sous-secrétaire nie tout en bloc mais organise toute cette mascarade précisément pour ne pas avoir à recourir au moyen définitif cher à l’Homme à la Cigarette. Le vrai coup de cœur de l’épisode demeure toutefois sa fille Sonia, irrésistible par sa fraicheur, son parler madrilène si contemporain Mais aussi par son caractère bien trempé et son scepticisme bien trempé, elle instaure avec son père comme un l’écho de controverse entre Scully et Mulder. La jeune actrice Anna Castillo est formidable de naturel.

La contrepartie de toute la large part accordée à ces péripéties reste que celle accordée à l’Histoire apparaît cette fois réduite à la portion congrue. La rencontre avec Christophe Colomb n’intervient que tardivement, même si l’on apprécie que l’épisode nous fasse découvrir, sur un ton toujours aussi décapant, la partie la moins connue de son parcours, avant la rencontre avec Isabelle la Catholique. Le ton résolument léger réduit également l’intensité de certaines scènes, comme la confrontation entre Lombardi et Salvador, arme à la main. Le final opposant la Patrouille aux agents portugais chargés de tuer Colomb se montre électrique, avec la tonalité propre à la série, privilégiant l’astuce à la force brute.

Anecdotes :

  • Lombardi découvre la Porte conduisant au Ministère au Palais royal d’Olite, L’une des principales places fortes de la couronne de Navarre, cet immense château gothique fut édifié au XVème siècle et constitue un témoignage marquant de la transition des forteresses médiévales vers les résidences princières de la Renaissance. Considéré comme l’un des plus beaux palais d’Europe, il fut brûlé durant l’invasion napoléonienne, pour éviter qu’il ne tombe aux mains de l’ennemi. Il fait actuellement l’objet d’importantes restaurations et est devenu un Parador (édifice historique devenu hôtel de luxe).

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12. HASTA QUE EL TIEMPO NOS SEPARE

Date de diffusion : 16 mai 2016

Époque visitée : 1212, la bataille de las Navas de Tolosa

Résumé :

La Patrouille du Temps, Irène et le Sous-secrétaire assistent au mariage de deux agents du Ministère. La cérémonie se déroule dans un ancien château médiéval où, jadis, la jeune Constanza se serait jetée dans le vide pour échapper à des épousailles forcées avec Don Fadrique, seigneur du lieu et futur héros de la bataille de las Navas de Tolosa. Or l’édifice contient une Porte non répertoriée, que découvre Constanza tentant de s’enfuir. Elle parvient à notre époque, suivie de près par Fadrique et ses hommes. Ce dernier est repoussé grâce à l’astuce de Julián et à l’adresse au combat d’Alonso. Amelia révèle son secret à Julián, tandis qu’Alonso révèle sa double vie à Elena.

Critique :

L’épisode s’avère relativement mineur, d’autant qu’il prend à contrepied plusieurs éléments du succès de la série. Certes le relationnel entre les protagonistes, souvent captivant, drôle ou émouvant, se voit privilégié. Cette mise en avant s’effectue durant les diverses discussions émaillant la longue cérémonie du mariage, occupant à peu près les deux premiers tiers du récit. Malgré le talent des comédiens et une caméra s’efforçant de demeurer mobile autant que possible, le précédé s’avère terriblement statique et finit par s’éterniser. On apprécie le nouveau numéro de Velázquez s’imbibant consciencieusement au cours de la soirée, ou l’amusante drague menée avec succès par Irène (le Gaydar évoqué par Alice dans The L Word fonctionne visiblement aussi en Espagne), mais le reste manque d’un peu de saveur, notamment la rencontre très cliché entre Ernesto et son ex. Mais la conséquence la plus dramatique de cette hyperinflation demeure la part bien trop réduite impartie à l’Histoire.

Olivares, pressentant la difficulté, nous fait un clin d’œil en début d’épisode via un flashback pour nous assurer, que, oui, on va finir par y venir. Mais l’équilibre du scénario reste compromis, d’autant que le sujet du jour se centre sur une historiette imaginaire. La bataille cruciale de las Navas de Tolosa, qui aurait dû représenter le véritable sujet du jour, n’est que citée au détour d’une phrase pour justifier qu’Alonso épargne Fadrique, elle ne se voit jamais explicitée. Pour la première fois aucun membre de la Patrouille ne franchit la Porte afin de nous révéler le passé, ce sont uniquement les personnes de jadis qui s’en viennent dans notre époque. Dès lors on se retrouve avec une situation bien moins enrichissante et se développant presqu’uniquement via des gags anachroniques évoquant nos Visiteurs. Demeure une excellente interprétation, avec notamment un impressionnant Nancho Novo, impeccable en seigneur féodal.

Anecdotes :

  • La grande bataille de las Navas de Tolosa (16 juillet 2012) se déroula à proximité de Jaén. Elle opposa l’armée musulmane d’Al-Andalous, appuyée par des contingents venus de tout le Maghreb sous l’égide du Califat almohade, à la coalition des états chrétiens de la Péninsule (Castille, Aragon, Léon, Portugal, Navarre…), elle-même aidée par des croisés venus de toute l’Europe, appelés par le pape Innocent III. La victoire chrétienne marque un basculement définitif dans le déroulement de la Reconquête, qui va désormais s’accélérer, tandis que le Califat almohade se fragmente. Cordoue (capitale d’Al Andalous, la future Andalousie) tombe en 1236, Séville en 1248, Cadiz en 1261

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13. CAMBIO DE TIEMPO

Date de diffusion : 23 mai 2016

Époque visitée : 1588, Philippe II

Résumé :

1588 : ulcéré par l’annonce de la défaite de son Invincible Armada, Philippe II décide de violer l’interdit jadis décrété par Isabelle la Catholique, en utilisant les Portes du Temps afin d’inverser la situation. Enivré de puissance, il abat Salvador et utilise le Ministère pour transformer l’Histoire, faisant de l’Empire espagnol la première puissance mondiale, tandis que lui et l’Inquisition règnent éternellement sur le Temps. Protégée car alors en transition depuis une autre mission (sauver Agustín Argüelles de l’armée napoléonienne, en 1812), la Patrouille va devoir prendre des mesures désespérées afin de mettre fin à cette Uchronie cauchemardesque.

Critique :

Après avoir conclus les grandes lignes de ses intrigues, après le hiatus dû à des retards de production Olivares aura manifestement mis à profit les derniers épisodes de la saison afin d’éviter que sa série ne devienne un Formula Show. Il renouvelle ici de manière majeure son style de narration en ayant massivement recours à l’Uchronie, une figure de style quasi absente jusque-là au sein de ce programme destiné à nous faire revisiter l’Histoire avec entrain (hormis un très bref passage semi humoristique autour de Christophe Colomb). De fait l’épisode reste le premier à évoquer clairement Sliders, avec Un monde selon Philippe II. Ici le cauchemar d’une Espagne encore très médiévale et théocratique, élargissant les guerres du Siècle d’or et les valeurs morales de son temps à l’ensemble du monde contemporain, donne lieu à un fascinant panorama entre émissions télévisées en folie et conséquences dramatiques pour les personnages.

Une nouvelle fois c’est ici l’Histoire qui vient au rendez-vous des héros plutôt que l’inverse, mais, contrairement au manque de substance de l’opus précédent, cela permet au récit de se centrer sur la personne même de Philippe II, alors que le Siècle d’or a déjà été maintes fois visité par le Patrouille.  Si Olivares choisit clairement son camp, avec une claire condamnation des fondements idéologiques du régime, l’épisode devient l’occasion d‘un véritable procès du souverain, évoqquant le corset moral et religieux dans lequel il acheva de river l’Espagne.  Ainsi que sa passion pour la guerre, mais aussi ses succès et les élans de la jeunesse. Olivares, auteur d’un remarquable roman sur le Louis XIX espagnol (Felipe. Heredarás el Mundo), nous fait pleinement partager sa passion pour ce règne immense, épique et tumultueux comme nul autre, aidé par la composition hallucinante de vérité de Carlos Hipólito. Cette grande figure du théâtre espagnol n’hésite d’ailleurs pas à s’adresser directement au spectateur, à travers le Quatrième mur.

La présence en contrepoint d’Agustín Argüelles permet d’évoquer cette querelle des deux Espagne, qui va rendre tragiques le XIXème et le XXème siècles, avant que le récit ne s’achève par l’apaisement et la réconciliation, grâce à la formidable Amelia. C’est bien sur son chef d’œuvre que Le Ministère du Temps prend congé, alors que son renouvellement demeure incertain.

Anecdotes :

  • Philippe II (1527-1598), fils de Charles Quint, est généralement considéré comme le grand roi du Siècle d’Or et l’un des souverains les plus fameux de l’histoire du pays, son prestige n’étant sans doute égalé que par celui d’Isabelle la Catholique. Il hissa à son apogée la puissance militaire et diplomatique de l’Espagne, guerroyant en Europe entre les protestants et en Méditerranée contre les Musulmans, afin d’assurer la primauté du Catholicisme. Alternant triomphes (Lépante, annexion du Portugal construction d’El Escorial) et désastres (Invincible Armada, insurrection des Pays-Bas, banqueroutes), il consuma l’or venu de l’Empire.

  • Agustín Argüelles (1776-1844) fut un homme politique réputé pour son éloquence. Il joua un grand rôle dans la rédaction de la très libérale Constitution de 1812, écrite à Séville et destinée à servir de fondement à la période post invasion napoléonienne. Un temps condamné aux galères lors de la réaction autoritaire de Ferdinand VII, il devint un conseiller influent d’Isabelle II, œuvrant à la modernisation de l’Espagne et à son ouverture aux Lumières.

  • L’épisode contient un nouveau clin d’œil amical à Jordi Hurtado, populaire et inamovible animateur des jeux télévisés de TVE depuis 1985. Lors du final de la saison 1, on expliquait sa durée et son immuabilité à la télévision et son non vieillissement par le fait qu’il soit un agent du Ministère sautant d’époque en époque. Ici on le découvre présenter sa version locale de Questions pour un champion (Saber y ganar) sans pratiquement aucun changement et Julián s’exclame que certaines choses ne changeront jamais. 

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