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PrésentationPrésentation

El Ministerio del Tiempo

Saison 1


1. EL TIEMPO ES EL QUE ES

Date de diffusion : 24 février 2015

Epoque visitée : 1808, El Empecinado et la Guerre d’Indépendance

Résumé :

A Madrid, Julián infirmier du SAMU, a perdu tout goût de vivre après la mort de sa compagne dans un accident de la route. Lors d’une intervention, il constate qu’une des victimes porte un uniforme napoléonien et aperçoit deux individus s’éloigner. Le signalement de l’incident le plonge dans l’univers étrange et fascinant du Ministère du Temps. Il va faire équipe avec deux autres récentes recrues, Alonso, officier des Tercios, en provenance de 1570, et Amelia, l’une des premières femmes universitaires d’Espagne, à la fin du XIXème siècle. En effet les deux agents napoléoniens ont pénétré notre époque afin de découvrir l’issue de la Guerre d’Indépendance. Dans une librairie, ils découvrent la défaite de l’Empereur, mais aussi le rôle crucial joué par El Empecinado. Avec ses amis, Julián va les poursuivre dans le passé, afin d’empêcher que l’Histoire ne soit modifiée. Mais il doit aussi faire à la tentation de sauver sa chère disparue.

Critique :

La série a recours au procédé bien connu, mais toujours efficace, e nous faire découvrir un univers étrange via les yeux d’un protagoniste nouvellement arrivé, jouant sur l’identification ressentie par le public. A ce titre, c’est l’incorporation de Julián qui se voit judicieusement privilégiée, même si celles de ses camarades sont brièvement dévoilées. Le récit a l’excellente idée de laisser de côté toute description du mécanisme de création et fonctionnement des Portes, dont le raffinement technique aurait certainement comblé une partie non négligeable du public Geek. Au total, on ignore même si le système relève de la science ou de l’ésotérisme, mais peu importe. A rebours, tout en comprenant l’essentiel des formidables potentialités offertes par le Ministère, on s’attarde bien davantage sur la personnalité de ses membres.

A-côté de quelques jolis gags soulignant la réjouissante fantaisie de l’ensemble, tel Velázquez recruté pour dresser les portraits robots des agents ennemis, nous découvrons ainsi les savoureux portraits des personnalités notables du lieu. Il en va ainsi du Sous-secrétaire Salvador, dirigeant le Ministère d’une main de fer dans un gant de fer, incarnantde la raison d’État et permettant à Jaime Blanch de briller dans l’un de ces rôles d’autorité où il excelle. Si Ernesto, chef des opérations, manifeste un intéressant profil de patrouilleur temporel vétéran, il se fait toutefois aisément voler la vedette par l’incandescente et ultra madrilène Irène, responsable de la logistique.

Portée par une énergie vitale irradiant littéralement à travers l’écran, un bagout d’enfer et la voix rauque si  sensuelle de Cayetana Guillén Cuervo, la spectaculaire Irène dévore chacune de ses scènes. L’intrigue a l’intelligence de laisser à chacun sa part de mystère, avec de prometteurs développements ultérieurs. A côté des cadres, le petit peuple des fonctionnaires du Ministère parle horaires et conditions de travail, primes diverses et variées, prennent le café... Une atmosphère de vie de bureau apportant un côté plaisamment décalé à l’univers de la série.

Mais l’attention se porte évidemment sur le trio vedette de la Patrouille du Temps nouvellement formée. On apprécie vivement que nos amis ne se résument pas à des caricatures de super agents secrets, mais se voient dotés d’une véritable personnalité finement ciselée, non exempte de défauts très humains. Rodolfo Sancho, Aura Garrido et Nacho Fresneda apportent chacun avec talent une précieuse crédibilité à leurs rôles, même si le métier plus important des deux garçons transparaît légèrement à l’écran. Notable originalité de l’équipe, l’origine historique très diverse de ses membres ne constitue pas un gadget. Bien à rebours, elle influe profondément sur leur perception du monde et leur relationnel, tout en suscitant de nombreux échanges anachroniques amusants.

De manière malicieuse, Olivares oppose la solidité des deux associés venus du passé - Alonso a foi en son honneur et dans un destin manifeste de l’Espagne catholique, Amelia dans le féminisme et les Lumières commençant à poindre à son époque, en un mot dans le Progrès – au contemporain  Julián, qui, au-delà de son drame personnel, se montre désabusé, n’espérant rien de l’avenir et d’une  navrante inculture historique. Et pourtant c’est bien sur lui que se centre judicieusement la série, comme cœur de l’équipe, à-côté de la force et du cerveau signifiés par ses compagnons. Cet acteur magnifique qu’est Rodolfo Sancho nous régale ainsi d’une bouleversante conclusion, quand Julián s’octroie une conversation téléphonique avec la défunte, exprimant que le don le plus précieux des Portes reste de pouvoir retrouver nos chers disparus, au-delà du pouvoir et de la fortune.

Classiquement, dans un pilote la mise en place des personnages et de l’univers empiète quelque peu sur l’aventure du jour, mais celle-ci demeure ici captivante. Choisir la Guerre d’Indépendance pour frapper d’entrée les esprits illustre à quel point Napoléon  reste un croquemitaine pour les Espagnols, avec tout un impact sur le relationnel avec la France, toujours particulièrement complexe. Au-delà d’un accent joyeusement caricatural façon Sixties et d’un méchant de haut vol, l’oficierfrançais exprime bien cette dimension culturelle par le froid mépris exprimé envers l’Espagne. A détour d’un dialogue, Olivares (qui n’épargne guère par ailleurs ses compatriotes contemporains) propose même un parallèle pas piqué des vers entre la domination impériale et la BCE.

Tout en instituant une intrigante adversaire récurrente, Lola, l’intrigue revêt la forme d’un amusant vaudeville riche en péripéties au sein d’une auberge castillane de 1808, avec une tranchante conclusion apportée par Alonso, un récit prenant jusqu’à son terme. Hormis quelques plans suggestifs du Ministère et de son dédale de Portes, la mise en scène refuse tout effet spécial, de manière particulièrement rafraîchissante. Photographie, perspectives, décors et costumes se voient par contre particulièrement soignés, concourant au succès de cette brillante entrée en matière.

Anecdotes :

  • Alonso est surnommé « Capitaine Alatriste » par ses collègues du Ministère. Il s’agit du héros d’une série de sept romans  historiques à succès, écrits par Arturo Pérez-Reverte durant les années 90 et 2000. Ils mettent en scène un héros effectivement semblable à Alonso, homme d’honneur et redoutable bretteur au service du Roi d’Espagne, durant le Siècle d’Or. Ses aventures ont été adaptées à la télévision, mais aussi au cinéma avec Viggo Mortensen dans le rôle (2006)

  • L'épisode est dédié à Pablo, frère du showrunner Javier Olivares. Tous deux ont décrit la série de concert mais Pablo, atteint d’une maladie dégénérative, est décédé lors du tournage du pilote.

  • Cette première saison n’expliquera jamais pourquoi personne n’arrive dans notre époque en provenance du Futur, ce que le système des Portes rend logiquement tout à fait possible.

  • Tout comme la BBC l’a pratiqué pour Doctor Who, la TVE accompagne la diffusion de chaque épisode d’un reportage illustrant les coulisses de son tournage et constituant Los Archivos del Ministerio.

  • El Ministerio del Tiempo est la toute première série espagnole à aborder le voyage dans le temps. Chaque titre d’épisode contient le mot « tiempo » (temps).

  • Le Ministère se situe au dessous du Palais de la Duchesse de Sueca, à Madrid. Ce bâtiment existe réellement et a servi pour les extérieurs de la série. Situé Plaza del Duque de Alba (près du Rastro) il fut édifié à la fin du XVIIème siècle  pour servir d’école aux enfants des employés de la Maison royale, puis devint la demeure de la Duchesse de Sueca,  María Teresa de Borbón, épouse de Manuel Godoy. Délaissé, le palais tomba progressivement en ruines. L’aspect sinistré du bâtiment n’a pas été accentué par la production, en 2013 il échappa d’ailleurs de peu à la démolition.

  • En provenance de 1570. Alonso est issu des Tercios. Ces fantassins d’élite formèrent des unités disciplinées et d’un haut moral, équipées du meilleur matériel. Elles formèrent la force de frappe de l’armée espagnole de 1534 à 1704. Directement issus des armées de la Reconquête, les « carrés espagnols » furent longtemps réputés comme étant les plus efficaces troupes à pied d’Europe.

  • La Guerre d’Indépendance espagnole opposa la France et l’Espagne de 1808 à 1813. Napoléon entendait placer son frère Joseph sur le trône, en remplacement de la dynastie déliquescente des Bourbons, en place depuis Louis XIV. Le but était d’intégrer la péninsule au système impérial mais aussi au blocus continental visant l’Angleterre. L’Empereur connut initialement de grand succès militaires et diplomatiques, mais plusieurs erreurs (dont l’assujettissement du Saint Siège et de l’Église) provoqua la rébellion et l’éveil du sentiment national du peuple espagnol. Malgré une répression féroce, dont les tableaux de Francisco de Goya se firent l’écho, une guérilla se développe jusqu’à miner les forces françaises. Napoléon doit se retirer après la Retraite de Russie, mais la Guerre d’Indépendance reste encore aujourd’hui enracinée dans la culture populaire espagnole.

  • Les agents impériaux visent El Empecinado ("le Têtu"). Il s’agit du surnom de Juan Martín Díez, l’un des plus grands héros espagnols de la Guerre d’Indépendance. Ce général participa à plusieurs retentissants faits d’armes contre les Français et fut le grand artisan du développement de la guérilla se substituant aux batailles traditionnelles. D’opinion libérale, il s’opposa au retour de l’absolutisme royal des Bourbons. Il fut pendu en 1825 par Ferdinand VII, dont il avait pourtant puissamment contribué à restaurer le trône. En 1809, Francisco de Goya fit de lui un portrait demeuré célèbre.

  • Alors que la deuxième saison est en tournage, la TVE a annoncé que les héros auront cette fois affaire à l’Empereur en personne.

  • Rodolfo Sancho (Julián) débute au cinéma mais se fait surtout connaître à la télévision, où il devient notamment un visage récurrent des grandes productions de TVE. Il incarne ainsi Ferdinand II d’Aragon, le Roi Catholique, dans la précédente série de Javier Olivares, Isabel. Il est issu d’une grande famille de comédiens et Adolfo Suárez (ancien Président du Gouvernement) fut le parrain de son fils.

  • Aura Garrido (Amelia) issue de la Real Escuela Superior de Arte Dramático, est une actrice en vue du cinéma et de la télévision espagnole depuis le début ds années 2010. Elle participe ainsi à plusieurs séries marquantes, comme Ángel o demonio (2011) ou Imperium (2012), production à grand budget sur Antena 3 relatant la période romaine de la péninsule.

  • Nacho Fresneda (Alonso) a beaucoup travaillé pour les programmes de TV3, la télévision catalane et devint très populaire en Espagne pour le rôle du Dr. Manuel Aimé dans Hospital Central, sur Telecinco (2000-2012, 300 épisodes). Il se fait également connaître à l’international pour sa participation à La Reina del Sur (2011), la plus onéreuse des Telenovelas produites par Telemundo, diffusée en langue espagnole aux États-Unis.

  • Cayetana Guillén Cuervo (Irene) issue d’une grande famille de comédiens, se fit connaître au théâtre puis au cinéma, où elle tourne avec les plus grands metteurs en scène espagnols (Todo sobre mi madre, 1999). Réputée pour la grande richesse de sa voix, elle anime également plusieurs programmes culturels de TVE dédiés au cinéma.

  • Natalia Millán (Lola) est une chanteuse et danseuse très populaire en Espagne, où ses spectacles entremêlant théâtre et danses connurent un grand succès. Elle s’oriente progressivement vers l’activité d’actrice, transposant ses créations à l’écran, notamment en collaboration avec Pilar Miró (Tu nombre envenena mis sueños, 1996). Elle est la compagne de Juan Gea, l’interprète d’Ernesto.

  • Jaime Blanch (Salvador) a beaucoup tourné pour le cinéma et la télévision depuis les années 50, mais il demeure avant tout l’une des principales figures du théâtre espagnol. Il est marié à Marta Puig, autre grande comédienne de théâtre, particulièrement dans le domaine de la comédie.

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2. TIEMPO DE GLORIA

Date de diffusion : 02 mars 2015

Epoque visitée : 1588, Lope de Vega et l’Invincible Armada

Résumé :

Un agent du Ministère, chargé de surveiller le règne de Philippe II, signale une nouvelle menace. Le futur grand écrivain Lope de Vega n’est pas sur le point d’embarquer à bord de l’une des rares nefs de l’Invincible Armada à ne pas avoir sombré, comme il est advenu historiquement. Au contraire, il s’apprête à monter à bord d’un navire sur lequel il périra à coup sûr, privant la littérature espagnole de nombre de ses écrits les plus glorieux. Déjà propulsé comme force de frappe du Ministère du Temps, notre trio se rend dans le Lisbonne de 1588, afin d’éviter que la catastrophe ne survienne. Julián va avoir fort à faire pour pallier à ses compagnons : la littéraire Amelia succombe au charme de Lope de Vega et Alonso, quasiment revenu à son époque, découvre qu’il a un fils.

Critique :

L’épisode élargit avec efficacité la description du Ministère entreprise lors du pilote. La distinction établie entre vigies  disséminées à travers le Temps et patrouilles d’intervention autorise le développement de scénarios efficaces, lorgnant sympathiquement vers l’espionite de naguère. Tous comme dans Stargate SG-1, un réseau informatique est connecté à celui des Portes, permettant une communication téléphonique entre le Trio et le Ministère, donc des échanges dynamisant et démultipliant les opportunités scénaristiques. Le contemporain Julián est judicieusement en charge de cet aspect.

On peut toutefois regretter qu’au sein d’un univers aussi original, les protagonistes progressent grâce à la Google Search providentielle, vraiment devenue le marronnier des scénaristes. On apprécie que l’image du Ministère du Temps évolue subtilement. Certes d’emblée présenté comme un conspirationnisme, mais essentiellement bienveillant, son action se voit ici déjà questionnée. On peut en effet s’interroger en quoi son talent donne à Lope davantage le droit de vivre que les autres Espagnols embarqués à bord du galion infortuné. La scène voyant un Alonso courroucé brandir le manifeste d’embarquement telle une liste mortuaire se montre terrible de ce point de vue.

Ce deuxième opus poursuit également le très riche portrait du trio protagoniste. Les laissés connectés à leur temps (ils continuent à y résider, ne se rendant au Ministère que pour l’exécution des missions) leur apporte un environnement plus riche qu’un simple déracinement et vivre à cheval sur deux  époques suscite des moments amusants ou touchants parfois vertigineux. Si l’histoire vécue par Alonso et le fils providentiellement trouvé et qu’il entend lui aussi sauver du désastre de l’Armada relève parfois du mélodrame, l’ensemble demeure émouvant grâce à l’étonnant talent de Nacho Fresneda. L’épisode sait varier ses effets, avec la divertissante et passionnée romance vécue entre Amelia et Lope de Vega. On s’amuse beaucoup de voir l’érudite Hermione Granger du Ministère tout laisser tomber pour s’adonner à la passion, elle ne lira plus Lope de la même manière.

Alors que ses compagnons vaquent à leurs préoccupations, il revient au seul Julián d’emporter l’affaire, ce qu’il se décide à accomplir avec un agacement assez irrésistible, mais aussi à la dernière minute. Olivares plaisante ainsi avec malice et tendresse à propos de ce penchant espagnol pour la procrastination, au pays du Mañana. Bien que nos héros n’aient que 24 heures pour changer le Destin, on se situe très loin du tempo d’enfer d’une série américaine comme Tru Calling, pour le moins. Comme toujours, Rodolfo Sancho apporte à son personnage une véracité et une humanité crevant l’écran. On apprécie de découvrir soudainement cette humanité également présente chez le Sous-secrétaire, acceptant tacitement que ses agents puissent s’accorder quelques à-côtés, pourvu que ceux-ci demeurent non crapuleux  ni n’interfèrent avec leurs missions.

Si l’idée d’une simple distorsion du Destin apporte un renouvellement bienvenu face aux complots habituels, l’importance accordée aux protagonistes fait que l’intrigue se résout bien facilement concernant l’affaire du jour. Celle-ci n’apparaît jamais réellement comme un enjeu. De plus, on considère ici le Siècle d’Or et son exceptionnel torrent de vitalité uniquement à travers le prisme d’une armée en attente d’embarquement, ce qui s’avère quelque peu frustrant, même si la reconstitution d’époque et la mise en scène demeurent irréprochables. Il est clair que la série aura à y revenir, un épisode consacré à Miguel de Cervantes est d’ailleurs annoncé pour la saison 2. Le portrait d’un juvénile Lope de Vega résulte par contre réussi, avec ce sympathique aventurier, passionnément amoureux des femmes et de la poésie. Par son allant, l’excellent Víctor Clavijo fait aisément oublier qu’il a 42 ans, soit  une quinzaine d’années de plus que son personnage !

Anecdotes :

  • L'époque d'origine d'Ernesto est décrite comme l'un des secrets les mieux gardés du Ministère. Il sera cependant levé dans l'épisode Una negociación a tiempo.

  • L’Invincible Armada fut assemblée par Philippe II en 1588, alors que l’Espagne Catholique, au sommet de sa puissance au XVIème siècle (le Siècle d’Or), guerroyait dans toute l’Europe contre les États protestants. L’objectif consistait à écraser l’Angleterre, soutien de la révolte des Provinces Unies, les Pays-Bas actuels, alors possession espagnole. Le Portugal ayant été annexé en 1580, le Roi réunit à Lisbonne un flotte et une armée immenses pour l’époque (130 navires, 30 000 hommes, dont 20 000 soldats des Tercios). L’Armada ne parviendra toutefois pas à s’assurer une base portuaire dans les Flandres et devra faire demi-tour, du fait de la météorologie hostile, du manque de connaissance des côtes et de l’action d’une marine anglaise restreinte, mais aussi davantage moderne et efficace, animée par le héros national Francis Drake. Les pertes espagnoles furent bien moindres que ce qui est souvent imaginé, mais cet échec marqua un point d’inflexion dans le Siècle d’Or.

  • Le roman Pavane (Keith Roberts, 1968), l’un des chefs d’œuvre de l’Uchronie, narre ce qu’il aurait pu advenir du Monde en cas de triomphe de l’Invincible Armada et de conquête de l’Angleterre par Philippe II et son Inquisition.

  • Lope de Vega (1562-1635) est l’un des écrivains dont l’œuvre, sublime et immense, exerça le plus d’influence sur la littérature et la langue castillanes, notamment dans les domaines de la dramaturgie et de la poésie. Très populaire de son vivant, y compris à la Cour, celui qui posa les bases du théâtre tragi-comique espagnol reçut des funérailles nationales. A l’instar d’autres grands auteurs du tumultueux Siècle d’Or, comme son rival Miguel de Cervantes (qui participa à la bataille navale de Lépante), Lope connut une jeunesse aventureuse et dissolue, riche en péripéties militaires, picaresques ou charnelles. En 1588, il provoque un scandale en enlevant et épousant une jeune femme noble et il doit prendre du champ en s’embarquant à bord de l’Invincible Armada, survivant à l’expédition par miracle.

  • Alonso croise un agent du Ministère grimé en homme des cavernes et irrité d’avoir été de nouveau affecté à Atapuerca. Découvert en 1976 et situé dans province de Burgos, dans le nord du pays, Atapuerca est l’un des principaux sites funéraires européens remontant au Paléolithique. Il comporte une multitude de fossiles humains et a permis de mieux discerner l’histoire de l’Homo Antecessor, premier habitant de l’Europe, ancêtre de l'Homme de Néandertal et de Homo Sapiens, entre 1,2 et 0,7 million d’années avant notre ère.

  • Le Sous-secrétaire est en réunion avec le Marquis de la Ensenada. Durant le XVIIème siècle, Zenón de Somodevilla (1702-1781) fut un conseiller et un important ministre de trois rois espagnols Philippe V, Ferdinand VI et Charles III, principalement de 1748 à 1754. En charge notamment des Finances, de la Marine et de l’Armée, il s’efforça de moderniser l’État et d’ouvrir le pays aux Lumières, au moment où l’Espagne s’installe à la traîne de la modernisation de l’Europe. Son action fut contrecarrée par l’Angleterre, inquiète de la montée en puissance de la marine espagnole (création des arsenaux de Ferrol et de Carthagène) et qui finit par obtenir sa chute suite à une cabale menée par sa clientèle.

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3. CÓMO SE REESCRIBE EL TIEMPO

Date de diffusion : 09 mars 2015

Epoque visitée : 1940, l’Entrevue d’Hendaye et l’Abbaye de Montserrat

Résumé :

En 1940, après la capture fortuite d’un allié de Lola, Himmler découvre l’existence d’une de ses Portes du Temps, située dans l’Abbaye de Montserrat. Désireux de s’emparer du Ministère afin de pouvoir réécrire l’Histoire à sa guise, il se rend alors sur place à la tête d’un commando, profitant de l’opportunité de l’Entrevue d’Hendaye entre Franco et Hitler. Il conseille également à Hitler de tout céder, afin de parvenir à un accord. Le Ministère envoie en urgence Amelia, Julián et Alonso à Monterrat pour détruire la Porte. Pendant ce temps Irène et Ernesto se rendent à Hendaye, pour veiller à ce que les négociations échouent et que l’Histoire voit bien l’Espagne demeurer neutre dans le conflit. Lola va s’avérer une alliée inattendue, tandis qu’Amelia découvre qu’elle doit mourir à 28 ans.

Critique :

L’épisode tranche avec l’atmosphère globalement décontractée des deux opus précédents. Quoique n’abordant jamais directement la thématique de la Guerre Civile, le récit ouvre une fenêtre sur l’Espagne en ruine d’après le conflit, avec son cortège de misère et de fêlures sociales. Comme toujours, la photographie raffinée de la série joue un grand rôle, tamisant l’ensemble d’une lumière grise créant une atmosphère crépusculaire que l’évocation des courageux maquis montagnards ne dissipe que temporairement. Le panorama du Barcelone de 1940 parle de lui-même, tout comme la détresse de ses habitants, en dehors de tout discours ronflant. Il reste à espérer que la saison 2 traite pleinement cette immense tragédie de l’histoire espagnole.

 Le risque de voir l’Espagne basculer dans un nouvel abîme aux côtés de l’Axe rajoute une solennité supplémentaire, relayée par l’atmosphère de crise instaurée au Ministère du Temps. L’action se voit ponctuée par les moments désespérés que constituent la tentative d’assassinat d’Hitler par Ernesto, ou le Ministère investi par le commando SS. La venue des Tercios de Spinola est filmée comme une implacable vague de mort emportant les Allemands, sans miséricorde aucune, un triomphe résultant comme le moment le plus glacial de la série, très évocateur de la puissance de cette armée. La macabre découverte de son destin par Amelia conclue idéalement  cet opus singulier et enténébré, où la distribution démontre qu’elle peut pareillement briller sur différents registres.  

Mais l’Aventure demeure toutefois au rendez-vous. Dynamique et ambitieux, le scénario développe l’action sur pas moins de trois fronts, de manière concomitante et efficace. L’Entrevue d’Hendaye permet à Ernesto et à la toujours irrésistible Irène de s’illustrer pour la première  fois en dehors des murs du Ministère. Alors que leur complicité et leur expérience laissent agréablement percevoir le duo qu’ils formèrent naguère, l’Entrevue se voit relatée avec précision. Si Hitler n’est finalement qu’entraperçu, Franco se voit croqué avec saveur en serpent froid et cupide, un régal. On espère que l’acteur reviendra en saison 2, son imitation du Caudillo est fabuleuse.

Par contre l’humour demeure présent au sein du petit monde du Ministère, notamment avec quelques délicieuses plaisanteries autour de Vélazquez. Reprise dans la pop culture, d’Indiana Jones à HYDRA, et ayant effectivement connu des développements en Espagne, l’obsession avérée d’Himmler et de sa clique pour l’ésotérisme permet à notre trio de connaître de vraies aventures d’agents secrets. Toute la séquence de Monferrat, particulièrement prenante, entre retournements de situation et valeureuses prouesses, s’impose avec naturel  comme le coure du récit, également portée par de pétillants dialogues. Lola s’impose comme une arbitre inattendue, et l’exposé de ses motivations devant Amelia (utiliser les Portes pour améliorer et non préserver l’Histoire, quitte à jouer avec le feu) continue de questionner agréablement le Ministère lui-même.

Anecdotes :

  • A l’évidence Franco ne connaît pas le Ministère du Temps, dont l’existence a du lui être cachée. On ignore ce qu’il en est du souverain espagnol alors en exil, Juan de Borbón, fils d’Alphonse XII.

  • L’Entrevue d’Hendaye se déroula entre Franco et Hitler le 23 octobre 1940, dans un train  en   gare non loin de la frontière entre l’Espagne et la France récemment vaincue. Hitler désirait que Franco se joigne à l’Axe alors triomphante, visant notamment Gibraltar et des bases navales en Méditerranée. Mais un accord ne fut pas trouvé et l’Espagne demeura neutre dans le conflit. Le Caudillo joua un double jeu entre Axe et Alliés, lui permettant  de rester au pouvoir la paix revenue, également au nom de la lutte contre le Communisme. Le détail des conversations entre lui et Hitler n’est pas connu et deux thèse s’affrontent, comme décrit dans l’épisode : Franco aurait refusé du fait de l’épuisement de l’Espagne suite à la Guerre Civile ou parce qu’il aurait exigé des conditions territoriales démesurées (ce qui pourrait aussi constitué un moyen diplomatique de refuser).

  • L’Abbaye bénédictine de Montserrat, située sur le massif catalan du même nom, fut fondée en 880, et reste un lieu important du culte marial. Epargnée durant la Guerre Civile, elle contient plusieurs superbes bâtiments et objets d’art dédiés à la Vierge, ainsi qu’un musée contenant des œuvres des plus grands peintres catalans.

  • Les maquis montagnards dans lesquels se sont infiltrés les agents du Ministère sont les ultimes foyers de résistance des forces républicaines au régime franquiste. Ils parvinrent à se maintenir durant les années 40, mais disparurent à l’orée des 50, du fait des coups portés par la Guardia Civil, mais aussi devant le constat d’un Franco ayant survécu à la chute de l’Axe.

  • Ambrogio Spinola et ses troupes franchissent les Portes pour venir à la rescousse du Ministère envahi par les SS. D’origine génoise, Spinola (1569-1630) fut un prestigieux général au service du roi d’Espagne, qui s’illustra dans les Flandres et dans le Palatinat, au cours de la Guerre de Quatre-vingts ans (la révolte des Provinces Unies, 1568-1648) et la Guerre de Trente ans (contre les Princes protestants, 1618–1648). Spinola dut souvent financer ses troupes sur ses propres deniers et mourut ruiné, même si élevé au rang de Grand d’Espagne et de Capitaine général des Tercios. L’un de ses hauts faits consiste en la reddition de la ville hollandaise de Breda (1625), immortalisée par l’un des plus célèbres tableaux de Velázquez, présenté en début d’épisode. 

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4. UNA NEGOCIACIÓN A TIEMPO

Date de diffusion : 16 mars 2015

Epoque visitée : 1491, Torquemada, l’Inquisition et Isabelle, fondatrice du Ministère

Résumé :

En 1491, le Rabin Abraham Levi écrivit le Livre des Portes, à l’origine du Ministère du temps, et en fit don à Isabelle la Catholique, en échange de sa protection contre l’Inquisition. Hélas, à l’insu de la Reine, il sera brûlé sur les bûchers du Grand Inquisiteur Torquemada. Or, à notre époque, ses héritiers découvrent ces événements et exigent une forte indemnisation du Ministère, menaçant de révéler l’histoire au public. Le trio de choc est alors envoyé sauver le Rabin, mais un défaut de la Porte conduisant en 1491 fait qu’ils n’ont que 24 heures pour y parvenir, car la journée se réinitialise ensuite. Après de multiples échecs, la Patrouille du Temps finit par s’apercevoir que la solution permettant de franchi cette journée sans fin réside dans l’identité de Torquemada et d’Ernesto.

Critique :

Olivares accomplit une jolie prouesse en parvenant à installer la figure bien connue du verrou temporel au sein du système pourtant relativement rigide des Portes, soit un passage obligé pour la majeure partie des séries Fantastiques ou de Science-fiction depuis le cultissime Un jour sans fin (1993). Un clin d’œil est d’ailleurs fait au film, ce qui renforce la tonalité amusante des dialogues de la série, souvent pimentés de références à la pop culture par Julián. Agrémenté par la couperet de seuls cinq jours disponibles avant la défaite, cet aspect insuffle du suspens au récit, tout en jouant des différents gags qu’autorise le procédé.

Mais l’intrigue ne se limite à cette dimension ludique. Un fort brillant crossover est orchestré avec la précédente série d’Olivares, Isabel, la sublime Michelle Jenner reprenant le rôle d’Isabelle la Catholique. Les amateurs de cette saga s’amuseront d’ailleurs de la rencontre avec Rodolfo Sancho, qui y interprétait Ferdinand d’Aragon (Julián a d’ailleurs l’impression d’avoir déjà vu la Reine !). Le thème musical d’Isabelle se joint à la bande son usuelle du Ministère du Temps, et la Reine prend place dans les même plateaux de la série lui étant consacrée, avec un résultat assez bluffant. Le récit aborde d’ailleurs l’aspect le plus sombre du règne d’Isabelle, avec la persécution des Juifs et les sinistres procès et autodafés de la Saint Inquisition, décrits sans concessions, de même que la figure de Torquemada. On regrettera toutefois le désir d’Olivares de minimiser le rôle de la Reine, ignorant le procès du Rabin et Torquemada passant outre ses ordres, alors que l’Inquisition fut aussi un instrument zélé du pouvoir royal.

Les standards de production demeurent élevés, avec une belle reconstitution médiévale, portée par de nombreux figurants, comme souvent dans cette série. La mise en scène et la photographie rendent particulièrement lugubres les scènes du procès et insoutenables celles du bûcher. Si Ernesto se voit ici mis en valeur, la dimension feuilletonnante du Ministère du Temps continue à s’organiser avec bonheur autour des trois protagonistes. Alonso, décidément un passionnant personnage, continue à dispenser sagesse et humour. Par ailleurs commence à se nouer une complicité particulière entre Julián et Amelia, autour des dîners divertissants se déroulant chez les parents très bourgeois de cette dernière, eux-aussi croqués avec verve.

Anecdotes :

  • Isabelle la Catholique (1451-1504) fut une souveraine clef de l’Histoire de l’Espagne. Reine de Castille, son mariage avec Ferdinand d’Aragon jeta les bases du pays actuel. Elle joua un rôle pivot dans l’achèvement de la Reconquête, avec la prise de Grenade, tout en ouvrant un autre grand chapitre en patronnant l’expédition de Colomb. Isabelle forgea l’identité du nouveau Royaume autour d’un Catholicisme militant et créa un Etat fort, dont elle développa les institutions et l’économie. Le sombre versant de cette politique fut la création de l’Inquisition et l’exécrable traitement réservé aux minorités religieuses, comme l’expulsion des Juifs en 1492.

  • Outre Torquemada, confesseur des Rois Catholiques et premier Grand Inquisiteur du Royaume (1483), nous croisons également le Cardinal Cisneros. Cet influent conseiller de la Reine, Archevêque de Tolède et donc Primat d’Espagne,  organisa les institutions religieuses du Royaume. Il entrouvrit également l’Espagne à la Renaissance, notamment par la création de l’Université d'Alcalá de Henares, encore de nos jours un grand foyer espagnol de culture. Nouveau Grand Inquisiteur, il s’efforça de modérer l’organisation mise en place par Torquemada.  

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5. CUALQUIER TIEMPO PASADO 

Date de diffusion : 23 mars 2015

Epoque visitée : 1981, la Movida et le retour du Guernica

Résumé :

En 1981, des négociations se déroulent devant permettre le retour en Espagne du Guernica, le célébrissime tableau de Picasso, comme reconnaissance internationale de l’instauration de la démocratie. Mais elles semblent très mal se passer, contrairement au déroulement de l’Histoire. Le Ministère du Temps estime que quelqu’un s’emploie en secret à les faire échouer. Amelia, Julián et Alonso se rendent en 1981 pour prévenir un humiliant désastre, mais la découverte de l’identité du comploteur révèle un nouveau péril pour le Ministère. Revenu dans les années 80, Julián découvre également le Madrid de son enfance, mais aussi une romance de son père. De son côté Irène s’immerge avec plaisir dans la rugissante Movida madrilène.

Critique :

L’épisode du jour se montre une nouvelle fois très riche, exploitant pleinement son long format en développant plus thèmes intéressants. Idéalement par la saisissante révélation du Guernica, jusque là au cœur des discussions mais jamais montré, il rend un superbe hommage au chef d’œuvre de Franco, tout en évoquant en arrière plan la tragédie le lui ayant inspiré. Le scénario tire ici le meilleur parti de Velázquez, dessinateur attitré du Ministère, souvent hilarant par son ego et son caractère soupe au lait.  Sans pédanterie, mais avec une émotion à fleur de peau, le peintre développe tout au long de l’épisode un savoureux commentaire opposant son style à celui de Picasso, qu’il admire, et l’élargissant à la controverse entre peintures réaliste et moderne. La rencontre entre les deux hommes, là aussi dialoguée bien davantage avec intelligence et sentiment qu’avec emphase, conclue idéalement cette séquence. Décidément cette série sait s’affranchir des oripeaux usuels de la Science-fiction et utiliser son concept afin d’embrasser avec entrain l’histoire et la culture espagnoles.

Cet aspect se retrouve dans le panorama donné de la Movida, où l’on sent parfaitement la nostalgie vécue par Olivares lui- même. A coté des cimes de la peinture, on trouve ici une expression vivante de culture populaire des petites gens de Madrid, donnant lieu à deux visions non pas antagonistes mais complémentaires. La lucarne magique est utilisée pour exposer à un Alonso d’abord circonspect puis enthousiaste de multiples chansons et émissions télé des années 80 madrilènes, un vrai récital. L’ensemble se voit dépeint avec un ton entremêlant affection et ironie, très espagnol lui aussi. A travers l’émoi d’un Julián découvrant une infidélité commise par son père et tentant de sauver sa famille, le récit continue parallèlement à narrer comment chaque agent du Ministère semble de plus en plus enclin à réécrire l’histoire, certes personnelle et avec les meilleures intentions, convergeant ainsi vers la position de Lola. L’arc de la fin de saison se met ainsi en place par touches successives, comme la révélation de la sinistre prison médiévale du Ministère (Huesca, 1053).

Pétillante d’humour, s’étendant à trois époques différentes, accumulant péripéties et retournements de situation au tour de la possession du titre de propriété du Guernica, l’aventure du jour se montre aussi prenante que divertissante. Elle rend un bel hommage à l’esprit érudit et aiguisé d’Amelia, c’est bien elle qui en définitive reporte la partie. L’irrésistible Cayetana Guillén Cuervo  nous régale avec une Irène en roue libre à travers l’ardente nuit madrilène. de La révélation d’une autre organisation maîtrisant le Voyage dans le Temps, américaine et dédiée au profit, enrichit encore l’univers du Ministère du Temps (à quand le jeu de rôles ?). Hasard ou pas, les amateurs de séries de Science-fiction s’amuseront à reconnaître le Chronogyre d’Au cœur du Temps dans la description donnée par Esnesto du dispositif rival (un long tunnel bardé de machines atomiques). Si les Anglais se lancent dans la course avec une boite bleue magique, notre ami le Sous-secrétaire va connaître des migraines, des nervous breakdowns, comme on dit de nos jours.

L’épisode présente toutefois quelques faiblesses. L’aventure se voit ainsi ponctuée de sous-titres, genre jeu vidéo, assez ludiques, mais également vains. C’est amusant les premières fois, après on n’y prête plus guère attention. De plus alors que les opus précédents mettaient en scène des figures et des évènements connus de tout spectateur s’intéressant un minimum à l’Histoire, ici les figures de la movida évoquées ne parleront sans doute qu’au seul public espagnol. Malgré leur talent, il n’est pas certain que Leño ou que Tino Casal soient identifiés de ce côté-ci des Pyrénées. Surtout, les différents aspects précédemment évoqués de l’épisode ne s’entremêlent pas de manière dynamique, mais se voient davantage traités en tranche napolitaine, chacun à son tour, ce qui rend la narration parfois plus appliquée qu’elle ne le devrait.

Anecdotes :

  • Le 26 avril 1937, la population du village basque de Guernica fut massacrée par un bombardement aérien perpétré par les forces allemandes et italiennes, alliées de Franco au cours de la Guerre civile. Peu de temps après, Pablo Picasso s’en inspira pour créer pour le gouvernement républicain ce qui demeure son tableau le plus fameux, une œuvre immédiatement célébrée internationalement pour sa terrible force d’évocation. D’abord révélé à Exposition Internationale de Paris de 1937, le Guernica fut conservé durant tout le règne du Caudillo au Museum d’Art Moderne de New York, à la demande de Picasso. Alors que le peintre est mort en 1975, la récente démocratie espagnole se voit confirmée par l’échec du coup d,’état de 1981. Une négociation permet alors le retour du Guernica en Espagne, comme symbole de reconnaissance internationale. Il est désormais conservé au Musée Reina Sofía, à Madrid.

  • Née à Madrid, la Movida fut un vaste mouvement socioculturel dynamisant l’ensemble de la jeunesse espagnole au début des années 80, après l’instauration de la Démocratie impulsée par le Gouvernement d’Adolfo Suárez et le Roi Juan Carlos. En réaction à une société totalement figée durant le Franquisme, la Movida se traduisit par une fulgurante créativité artistique, l’éclosion de nombreux talents (Pedro Almodóvar) et une frénétique libéralisation des mœurs. Cette rapide modernisation culturelle de l’Espagne allait grandement faciliter son intégration européenne. L’épisode s’attache particulièrement au versant musical de la Movida, avec ce Pop-rock madrilène devenu indissociable des années 80 espagnoles (Leño, Barón Rojo, Radio Futura, Mecano, Luz Casal, etc.).

  • Velázquez et Picasso se rencontrent au Els Quatre Gats (Les Quatre Chats). Ouvert en 1897, il s’agit de l’un des plus fameux cabarets de l’histoire de Barcelone, rendez-vous prisé des artistes, catalans ou autres, au début du XXème Siècle, jusqu’à sa fermeture en 1903. Le jeune  Pablo Picasso y réalisa ses premières expositions individuelles, en 1900. Il y devint la figure de proue de toute une mouvance de peintres et dessinateurs, dont il demeura proche toute sa vie.  

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6. TIEMPO DE PÍCAROS

Date de diffusion : 30 mars 2015

Epoque visitée : 1520, Lazarillo de Tormes

Résumé :

Des fouilles contemporaines se déroulant à Salamanque révèlent des objets datant de 1520, parmi lesquels se trouve un téléphone portable ! De plus, celui-ci appartient à un riche escroc ayant soudainement disparu. Il s’est en fait réfugié dans le passé grâce à Lola, afin d’échapper à la justice. La Patrouille du Temps est envoyée dans le Salamanque de 1520 afin de le retrouver, mais y rencontre un jeune homme affirmant se nommer Lazarillo de Tormes ! Effaré, le trio constate que celui-ci connaît exactement les mêmes aventures que le personnage littéraire. Dès lors il doit aussi éviter qu’il arrive malheur à Lazarillo, menacé de mort, afin qu’il puisse un jour inspirer le chef d’œuvre fondateur de la littérature picaresque espagnole. Irène se rend dans la geôle médiévale du Ministère afin d’y interroger l’agent américain, mais y retrouve Armando Leiva, son ancien mentor devenu un renégat emprisonné. Il s’avère que velui-ci exerce toujours une emprise sur elle.

Critique :

Évidemment les amateurs des Avengers s‘amuseront de découvrir une version cette fois littérale de l’escroquerie pseudo temporelle mise au point par l’inoubliable Waldo Thyssen d’Escape in Time. Si Lola, toujours agréablement ambivalente, participe à l’action en Diabolical Mastermind jonglant avec les Portes du Temps, l’action s’intéresse bien davantage à son peu fiable client. A la foi madré et impitoyable, le gaillard vaut aussi le détour, d’autant que le malicieux Olivares profite de son portrait pour fustiger avec ironie tous les affairistes indélicats ayant affligé la chronique espagnole ces dernières années. Si les péripéties menées par notre trio toujours dynamique paraissent toujours gouleyantes, le contenu de l’opus va au-delà. Ainsi la rencontre de Lazarillo retentit comme un remarquable twist, d’autant plus appréciable qu’Olivares, au lieu ne nous infliger un verbeux pensum autour nous livre, choisit idéalement de narrer l’aventure en imitant ce qui en constituerait un chapitre supplémentaire.

Le ton et les personnages picaresques s’avèrent ainsi irrésistibles, portés par une reconstitution d’époque une nouvelle fois irréprochable et de somptueux extérieurs. Les réactions des trois protagonistes vis à vis de Lazarillo jouent avec humour leurs personnalités respectives (et Amelia continue à chavirer les cœurs à chaque époque visitée !). Olivares en profite également pour décrire l’orée du règne de Charles Quint, qui initia l’absolutisme royal bien avant notre Louis XIX, à travers figure de ses puissants représentants, les Corrégidors. De fait les efforts de nos amis pour libérer l’infortuné Lazarillo condamné à mort par leur ennemi devenu le Corrégidor de Salamanque revêtent dès lors des allures de Zorro s’opposant au Commandant Monastorio, avec un effet très amusant. La révélation que les exploits de la Patrouille du Temps sont effectivement devenus un authentique chapitre supplémentaire du Lazarillo de Tormes, bien entendu censuré par le Ministère, apporte une brillantissime conclusion à cette aventure mouvementée, où la victoire revient au plus escroc des deux.

Toutefois l’épisode souffre d’un manque d’équilibre entre ses deux aspects. Aussi hautes en couleurs que soient les tribulations picaresques d’Amelia, Alonso et Julián, l’attention se centre sur l’avalanche d’événements survenant autour d’Irène, bouleversant l’univers de la série et propulsant l’arc final de la saison tout en questionnant la loyauté de la belle madrilène vis à vis du Ministère du Temps et de sa politique plus conspirationniste que jamais. Au-delà de la conclusion (temporaire) de l’affaire américaine et l’amusant prolongement de la référence au Chronogyre, la figure d’Armando Leiva projette une ombre aussi menaçante que captivante sur les deux épisodes à venir. De fait l’épopée de 1520 menace de devenir un aspect secondaire de l’opus, il aurait sans doute été davantage judicieux de séparer les deux récits en épisodes distincts avec une présence du Trio. Il reste frustrant voir la série entreprendre un virage majeur sans intervention aucune de ses protagonistes, même si l’on se doute bien que l’orage va très bientôt les rattraper.

Anecdotes :

  • La vie de Lazarillo de Tormes est un roman  publié en 1554, par un auteur demeuré inconnu. Sur un ton cynique et truculent, il narre comment le  madré et aventureux Lazarillo, originaire d’un famille très modeste de Salamanque fait son chemin dans le monde en exploitant la crédulité de ses contemporains et en faisant commerce de religion. Le livre montre la face sombre du Siècle d’or, avec la misère du peuple et une société très inégalitaire, parfois cruelle. bien que Partiellement censuré par l’Inquisition mais connaissant un succès immédiat, le Lazarillo est considéré comme une œuvre maîtresse de la littérature espagnole, créant la littérature dite picaresque.  

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7. TIEMPO DE VENGANZA

Date de diffusion : 06 avril 2015

Epoque visitée : 1843, Isabelle II

Résumé :

En 1843, la jeune reine Isabelle II, âgée de 14 ans, exige de tout connaître du Ministère du Temps et de visiter une institution qui fascine son imagination juvénile. Or Leiva, l’agent renégat s’est échappé de la prison médiévale du Ministère. Il va tenter d’assassiner la Reine dans les locaux du Ministère, afin d’obtenir la fermeture de celui-ci. Amelia, Julián et Alonso sont dépêchés afin de l’arrêter, tandis qu’Irène est suspectée de complicité, car ayant été recrutée par Leiva dans les années 1960. Julián a lui comme objectif de passer une journée avec sa bien-aimée !

Critique :

Cet épisode fait la part belle à l’aventure, n’hésitant pas à démultiplier les lieux et les époques où les adversaires s’entrecroisent à un rythme effréné, sans parler d’un Julián allant retrouver sa défunte bien aimée. La percussion entre deux Ministères d’époques différentes et les allées et venues entre les Portes réalisées par l’entreprenant Lerva entrainent d’ailleurs parfois un amusant fractionnement de l’image en split screen, afin de pouvoir suivre simultanément tous les prolongements de cette affaire, à la fois complexe temporellement et menée à un rythme d’enfer. Le recours à cette technique, jointe à la  narration  d’une faction terroriste s’emparant de la famille royale et tentant de détruire le Ministère suscite ainsi un joli clin d’œil à la série 24h Chrono, tout au long d’un pastiche très enlevé. A l’instar des aventures de Jack Bauer, il n’y a d’ailleurs pas ici de happy end, même victorieux nos amis se voient plus que jamais écartelés entre les époques et en butte aux impératifs immobiles du Ministère (particulièrement Irène et Julián), ce qui laisse entrevoir un final de saison lourd en tensions accumulées.

Si on peut regretter que la reine Isabelle II ne soit présentée qu’en devenir, elle dont le règne s’étendit sur tout une moitié troublée du XIXème siècle, le volet historique ne se voit pas sacrifié aux péripéties et affrontements (l’opus demeurant sans nul doute le plus violent de la saison). On apprécie en particulier l’évocation des guerres carlistes, ces absurdes bouffées de conflit médiéval surgissant au moment où les voisins de l’Espagne convergent vers l’industrialisation et l’ère moderne, symptômes d’un décrochage toujours plus marqué du pays et annonciatrices des drames du siècle suivant. Le propre passé du Ministère est également approfondi, avec une évocation de la rébellion passée de Leiva telle un passé maudit. L’homme conserve des traces de sa grandeur passée, mais la folie homicide qui l’habite désormais se montre réellement terrifiante. En opposition, l’épisode rend un bel hommage au Sous-secrétaire, en qui le devoir transparait comme un surmoi parfois rude, mais non dépourvu d’humanité, lui permettant de faire face au caractère vertigineux de sa mission.

Anecdotes :

  • Isabelle II (1830-1904) hérita du trône d’Espagne à peine âgée de trois ans. Pour cela son père, Ferdinand VII avait aboli la loi salique en vigueur dans la dynastie des Bourbons, réservant le pourvoir aux mâles. Cette décision fut contestée par son frère Charles, dont l’opposition à sa nièce allait donner lieu aux guerres dites carlistes, qui devaient périodiquement embraser le nord du pays durant tout le XIXème siècle. Ce conflit préfigura la Guerre civile, car les libéraux se rangèrent derrière Isabelle et les partisans de l’Espagne la plus traditionnelle derrière Charles (Carlos V), mais ceux-ci furent en définitive vaincus. Lassée par un règne obscurci par de nombreux troubles politiques et autres pronunciamientos, voyant de plus l’Espagne se placer dans l’orbite française, Isabelle, que la politique ne passionna jamais,  finit par abdiquer en faveur de son fils en 1870 et par se retirer à Paris. 

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8. LA LEYENDA DEL TIEMPO

Date de diffusion : 13 avril 2015

Epoque visitée : 1923, la Résidence des Etudiants, Lorca, Dalí et Buñuel

Résumé :

En 1926, des répétitions du Don Juan Tenorio se déroulent à la Résidence des Étudiants, auxquelles participent Dalí, Buñuel et Lorca. Or il s’avère que l’affiche du spectacle, peinte par Dalí, comporte le dessin d’une tablette tactile ! Envoyés sur place, Amelia, Alonso et Julián effectuent des découvertes et des rencontres exacerbant leurs frustrations accumulées quant à l’interdiction d’influer sur leurs tragédies personnelles. Tout se passe comme si la mission était un piège subtil destiné à les inciter à se rebeller contre le Ministère. Le trio parvient à arrêter Lola (qui achetait à bas prix les œuvres du jeune Dalí pour les revendre en 2015), mais il s’avère que l’instigatrice du complot était Irène, traumatisée par la mort de Leiva. Tandis que le Sous-secrétaire lui pardonne, chacun des trois protagonistes réagit de manière différente à la tentation.

Critique :

Dès une magnifique scène pré générique, chorale et bouleversante, le récit nous indique que ce final de saison va se centrer sur le parcours personnel dramatique des héros, au terme de premiers pas au sein du Ministère du Temps couronnés par ailleurs de succès. De fait l’affaire du jour, le trafic d’œuvres d’art développé par Lola, se voit rapidement expédiée. On note au passage qu’une intrigue similaire s’étant déroulée dans le City of Death de Doctor Who, Léonard de Vinci y préfigurant Dalí. Si cette brièveté prive la chute de Lola d’une partie de son écho, elle permet de porter à son plus haut point d’intérêt le profil psychologique toujours particulièrement attachant de nos héros. Chacune des portes de sortie qu’ils ont choisi, cette fois au figuré, débouche sur une scène brillant par son astuce comme par son humanité. Défier frontalement le Destin signifie une issue particulièrement cruelle pour Julián tandis qu'à l’exact opposé le déni d'Amelia et son fatalisme laissent tout un chapitre ouvert pour la période à venir. Touché par la grâce du théâtre, le rude Alonso nous émeut et l’inspiration qu'il y puise, lui permettant opérer le juste choix, nous offre l'une des scènes les plus fortes et originales de la saison.

Par ailleurs, l’épisode développe les points forts usuels de la série. La reconstitution d’époque s’impose une nouvelle fois comme remarquable, de même que les recréations des figures historiques rencontrées. Mis en valeurs par l’intrique Lorca et Dalí se voient magnifiquement interprétés et dotés de leurs accents respectifs. Le divertissant Dalí manifeste ainsi une légère intonation catalane, annonciatrice de la version caricaturale qui deviendra bien plus tard la sienne, quand il s’auto-parodiera en permanence. De son côté la douceur de l’accent andalou de Lorca apporte une précieuse véracité au personnage. Le grand poète apparaît lui- même idéalement choisi, tant les thématiques de la destinée et de la mort, si présentes à travers son œuvre et son parcours, trouvent un écho particulier dans le ressenti de Julián, avec lequel s’établit une connexion dramatiquement très forte. La hiérarchie du Ministère a également droit à plusieurs scènes intenses, parfois bouleversantes. On apprécie qu’un faux suspense ne soit pas tenté autour du sort d’Irène, dont on sait bien qu’elle reste absolument indispensable au programme. On la retrouvera elle aussi avec plaisir, lors d’une deuxième saison promettant déjà beaucoup.

Anecdotes :

  • Jordi Hurtado, qui joue ici son propre rôle, est un présentateur vedette de TVE. Il a notamment animé de très nombreux jeux télévisés depuis les années 80. Le caméo le montre être secrètement un agent du Ministère. Il a ainsi apporté à Cervantès le matériel d’écriture dont celui-ci avait besoin pour conclure Don Quichotte !

  • Les étudiants répètent la pièce Don Juan Tenorio (1844), de José Zorrilla, grand poète et dramaturge espagnol du XIXème siècle. C’est à travers cette pièce que l’on se représente le mythe de Don Juan en Espagne, à l’instar de Molière en France.

  • La Résidence des Etudiants (Residencia de Estudiantes) s’installa en 1915 à proximité du Musée des sciences naturelles de Madrid. Cette création gouvernementale, très novatrice pour l’Espagne d’alors, avait pour objectif de favoriser les échanges créatifs entre étudiants en diverses disciplines, à l’occasion de créations ou d’ouvrages communs, mais aussi de libres débats. De grands intellectuels étrangers y étaient régulièrement conviés, notamment français. Son existence est perçue comme un moment particulier de l’histoire artistique et intellectuelle espagnole (mais aussi scientifique), car elle permit la rencontre féconde d’artistes et d’écrivains appelés à devenir les plus marquants de cette génération de l’entre deux guerres connaissant un écho international. L’épisode nous fait ainsi rencontrer Federico García Lorca, Luis Buñuel et Salvador Dalí, mais aussi l’auteur Pepín Bello ou la grande actrice Rosita Díaz Gimeno. Franco fit fermer l’établissement dès 1939, elle sera réouverte lors du retour de la Démocratie.

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