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Les rues de San Francisco (1972-1977)

Bonus: souvenirs de tournage et livres


1. KARL MALDEN

Le chapitre 12 de la biographie de Karl Malden, When do I start?, est dédié presque exclusivement à la série. Ce livre n'a jamais été traduit en français. Voici une retranscription des passages les plus intéressants.

Les Rues de San Francisco

Au début des années 60, Abe Lastfogel, directeur de William Morris Agency, proposa un rôle dans une série à Karl Malden mais celui-ci déclina l'offre ne se jugeant pas prêt. Il ne voulait pas, comme pour le théâtre et le cinéma, repartir de zéro et, par conséquent, il ne voulait pas de pilote, l'échantillon censé vendre la série. Par deux fois, le producteur Quinn Martin relança l'agent de Karl Malden. Après deux refus, il revint à la charge en disant: 'Don't say anything until I finish. Just listen.' Il s'agissait d'une série policière pour ABC, 26 épisodes et pas de pilote. Quinn demanda à l'acteur de lire le livre sur lequel devait s'appuyer la série. C'était une série type Quinn Martin: un meurtre dans les cinq premières minutes, une poursuite au milieu de la seconde demi-heure et l'enquête était résolue à la minute 57. Tout ce que Malden voulait éviter mais une année de boulot était tentant et il sentait que c'était le moment de faire le plongeon. Il pensait aussi que c'était pour une année et peu après, Quinn Martin le convia dans son bureau et le présenta à un jeune homme. Dès qu'il pénétra dans le bureau, Karl s'exclama: 'Good enough for me. You're a Douglas, aren't you?' Ils discutèrent et Karl dit à Michael Douglas de passer le bonjour à son père, Kirk.

Karl Malden revit Michael Douglas quelques jours avant le début du tournage et le jeune acteur lui confia que son père lui avait dit de l'écouter, qu'il pouvait tout lui enseigner. Ce fut l'un des plus grands compliments que Karl Malden reçut de sa vie. Karl Malden et Michael Douglas jouaient des flics, des coéquipiers qui devaient se faire confiance et sur le tournage, ce fut rapidement le cas également. Au début de la première saison, un réalisateur avait prévu une scène de conduite qui devait leur faire emprunter California Street, puis passer à gauche devant Fairmont Hotel et descendre une des fameuses collines de San Francisco. La série était une des premières à être tournée en extérieurs et Malden avait mentionné à Quinn Martin qu'ils devaient en tirer avantage et il y aurait ainsi trois vedettes dans la série: Michael Douglas, Karl Malden et la ville. Pour cette séquence, une caméra fut montée sur une immense grue pour prendre tout le panorama. Michael était derrière le volant; c'était un bon conducteur mais il n'était pas encore familier avec le terrain: 'On a fait ce virage à Fairmont à 90 et nous nous sommes retrouvés dans les airs. J'étais effaré et Michael ne souriait plus. Lorsque nous avons 'atterri', il manquait la moitié de l'arrière de la voiture.'

La première année de tournage fut assez rude. Quinn Martin s'était arrangé avec Warner pour que les studios Burbank servent de base à la série. Le plan était de toujours tourner deux épisodes en même temps. Ils tournaient les scènes d'intérieur du premier épisode dans les studios Warner (à Los Angeles) puis ils allaient à San Francisco tourner les extérieurs du premier et du second épisode. Ensuite, on revenait à LA pour tourner les scènes d'intérieur du second et du troisième épisode et ainsi de suite. Cela semblait cohérent mais ce fut une année épuisante pour toutes les personnes impliquées dans la série. Tout ce que Karl Malden se souvient de cette année était la course pour attraper les avions et la spirale de mettre un épisode en boite pour embrayer sur le suivant. Il n'avait plus de concentration et certains lui demandent s'il avait prévu le succès de Michael mais, en fait, il avait à peine le temps de l'observer. Les scripts arrivaient en retard, l'équipe de tournage était fatiguée et les acteurs empruntés. A la fin de la première année, Karl Malden ne voulait pas continuer car c'était devenu plus important de prendre son avion à l'heure que de tourner une scène correctement.

Karl demanda un rythme plus calme et Quinn Martin précisa que la ville serait toujours le lieu de tournage (ce qui voulait dire qu'il y aurait toujours six jours de tournage par semaine). L'essentiel pour l'équipe de la série était d'être basé sur un seul lieu. Il restait à résoudre le problème des scripts en retard. Karl voulait ses scripts au moins trois jours avant le début de tournage de l'épisode mais le déménagement sur un lieu, San Francisco, pouvait accroître le délai avec les scénaristes restés à LA. Malden demanda à Martin que les scénaristes commencent les histoires de la seconde saison pendant le 'hiatus'. L'acteur mit le marché en main et demanda d'habiter à San Francisco et d'avoir les scripts trois jours avant le tournage. Quinn Martin servit de médiateur avec Warner car cela coûtait trop cher de déménager tout le monde à Frisco (scénaristes compris). Finalement, Warner proposa de réduire la saison de 26 épisodes à 23. Karl accepta à condition que le 'network' prévienne deux semaines avant la fin de chaque saison si celle-ci était reconduite. Ce fut conclu et tout le monde plia bagage pour huit mois de l'année à San Francisco. Les ennuis n'étaient pas terminés car les pontes de William Morris voulurent renégocier le contrat de Karl Malden qui avait pourtant signé un contrat sur cinq années pour en faire un plus lucratif au détriment du studio mais Malden s'en tint à sa signature du contrat, plus important à ses yeux que plus d'argent. Il fut ainsi remercié par son producteur Quinn Martin pour son attitude peu commune.

A la fin de la seconde année de tournage, une certaine routine s'était installée. La vitesse de croisière était atteinte et Karl et Michael s'amusaient énormément. Le souhait de Karl Malden était de donner une version solide et distrayante d'un bon cop show à la papa mais il n'avait pas la prétention de faire de l'art. Il se souvient que Michael, comme beaucoup de jeunes acteurs, prenait beaucoup de temps à jouer et il l'a pris à part et lui a dit : 'Lorsqu'on fait de la merde, on le fait rapidement, pas la peine de prendre tout ce temps! Essayons de devancer l'audience!'. Il a compris rapidement et les deux acteurs ont développé une sorte d'énergie qui a permis d'impliquer le téléspectateur. 'Quand on devait aller à une porte, on y courait, ce genre de choses.' Mais les deux acteurs n'ont jamais couru avec leur arme à la main; en tout cas, pas Karl sauf si les conditions l'obligeaient et ce point de vue n'était pas partagé par Michael. Philosophiquement, Michael était aussi anti armes à feu mais il pensait qu'ils auraient l'air d'idiots s'ils couraient le revolver toujours dans l'étui. Karl avait décidé qu'il se saisirait de son arme à la dernière seconde quelle que soit la situation, peu importe si cela n'était pas toujours très réaliste. Dans de nombreuses scènes, Malden rendre dans le bureau, retire l'arme de son étui et le met dans un tiroir; il ne voulait pas que l'arme soit une extension du personnage comme dans de nombreux autres cop shows. Il n'a jamais plaisanté avec cela car il savait que c'était la condition pour que la série soit socialement reconnue.

La série a servi de tremplin à beaucoup d'acteurs. Le premier épisode a deux acteurs merveilleux, Edmond O'Brien et Eileen Heckart (ndlr, Trente ans de service). Vers la fin de la cinquième saison, un épisode met en scène un bodybuilder au tempérament incontrôlable. Le rôle est tenu par un inconnu nommé Arnold Schwarzenegger (ndlr: La randonnée dangereuse). Entre temps, la série a présenté des acteurs, pas très connus à l'époque, comme Peter Strauss, Joe Don Baker, Sam Elliot, Tom Selleck, Don Johnson et Nick Nolte. Mais les moments préférés de Karl Malden étaient lorsqu'il tournait avec des vieux copains comme Lew Ayres, Luther Adler (des débuts de Malden à New York) et son ami Sam Jaffe. Lorsque Luther est arrivé sur le plateau, il avait un sac en papier rempli de tomates bien rouges qu'il avait rapportées de sa ferme. Karl Malden n'était pas peu fier de tourner un épisode de la série avec Adler avec lequel Malden joua dans sa première pièce de théâtre. Malden avait l'impression que la boucle était bouclée surtout que Sam Jaffe jouait dans le même épisode (ndlr, Monsieur personne), un acteur qui avait tendu la main à Karl alors qu'il était au plus bas.

Karl Malden se demande si le jeune metteur en scène se souvient aussi bien que lui de la troisième journée de tournage (ndlr: Corey Allen (1934-2010). L'histoire tourne autour de deux vieux amis et d'un petit-fils qui a des ennuis. Pour l'aider, les amis doivent retrouver une boite à chaussures remplie d'argent cachée quelque part. Finalement, ils regardent dans une bouche d'égout. Sam et Luther devaient se mettre à genoux, pousser la plaque d'égout sur le côte et Sam devait descendre et remonter la boite. Cela n'a pas été rien. Ils avaient déjà répété une fois lorsque le jeune metteur en scène demanda à Sam de rester plus longtemps dans le trou avant de réapparaitre avec la boite. Pas au gout du réalisateur, il demanda à Sam Jaffe de compter jusqu'à huit mais encore une fois, cela n'allait pas. Jaffe montra au réalisateur de quelles façons il pouvait compter. Luther et Karl s'amusaient comme des petits fous, comme des garnements avec un professeur et se retenaient pour ne pas éclater de rire. Finalement, la scène se passa très bien et Sam Jaffe et Luther Adler n'eurent plus besoin de 'directives'. Karl Malden se dit désolé pour ce jeune metteur en scène qui voulait apprendre à Jaffe comment compter!

Alors que certains metteurs en scène, jeunes et moins jeunes, étaient seulement là pour faire la circulation, d'autres avaient un réel talent et apportaient un style particulier à leur épisode. Karl Malden se rappelle très bien de l'épisode dirigé par le jeune John Badham, qui anticipait sa carrière fructueuse (ndlr: La piste du serpent). Bien entendu, il se rappelle de lui en tant qu'acteur. Pour Malden, tourner dans une série consistait à trouver un petit challenge d'acteur pour chaque épisode, quelque chose de drôle pour empêcher la routine de s'installer. Une fois que Karl eut réalisé qu'il allait tourner plus de vingt épisodes par an pendant plus de cinq années, il savait qu'il allait devenir fou s'il ne trouvait pas quelque chose de stimulant. Tourner une série pouvait correspondre à faire la même chose chaque semaine ou, comme dans un laboratoire, tester différents aspects. Certaines choses que personne ne remarquerait mais qui permettraient de garder la motivation.

L'épisode de Badham avait pour thème un gang de Chinatown qui gardait prisonnier Mike Stone, blessé. Stone a passé tout l'épisode dans l'arrière salle d'un entrepôt. Karl Malden a particulièrement aimé le fait de montrer qu'il perdait de plus en plus de sang et qu'il devenait de plus en plus faible au fur et à mesure que l'épisode avançait sans pour cela montrer des taches rouges qui s'agrandissaient sur sa chemise! Il était d'abord assis sur une boite, très droit. A chaque fois qu'une scène l'impliquait, Malden était plus voûté jusqu'à ce qu'il soit par terre, avachi. Cette sorte de petit défi permettait d'avoir toujours du plaisir à tourner la série. Karl Malden se souvient aussi d'une autre scène de cet épisode. Lors d'une répétition, un jeune homme, un des gardes de l'entrepôt, brandissait son arme sous son nez, le touchant avec. On voit toujours ce genre de trucs à la télévision tout le temps mais ça dérangeait l'acteur. Il s'est rendu compte que le garde agissait de la sorte car il savait ce qui allait se passer. Il savait que Mike Stone n'allait pas se saisir de l'arme; le script ne le prévoyait pas. En fait, cela entrait en conflit avec le point de vue de Karl Malden sur les armes à feu dans les séries télévisées. Le jeune était si tranquille avec son arme que cela cessait d'être une arme mortelle. Soudainement, lors d'une répétition, Malden attrapa l'arme très proche de lui et la pointa sur le garde. Malden précisa que cela pouvait arriver qu'un policier, même blessé, saisisse sa chance de cette façon. Le jeune acteur joua ensuite la scène différemment.

Bien entendu, les téléspectateurs savaient que Mike Stone allait survivre à la fin de l'épisode mais Malden prenait son travail à cœur et jouait comme si Stone ne savait pas qu'il allait en réchapper. Le contraire aurait trahi le téléspectateur et le personnage. Et l'acteur savait que le succès hebdomadaire tenait car il n'y avait pas de 'triche' avec le public. A chaque fois que Mike était dans une situation comme celle-là, Karl Malden pensait: 'J'espère que ce taré ne va pas presser la détente' quelque soit le dialogue. Mike Stone n'était pas censé être un super héros, quelque chose qui n'intéressait pas du tout l'acteur.

La série a permis à Karl Malden de pouvoir jouer des rôles qu'il n'avait pas pu faire auparavant. Les scénaristes, John Wilder et Bill Yates, pouvaient envoyer Mike Stone en couverture et, par exemple, lorsque Karl Malden leur dit que cela serait amusant de jouer un clown, le meurtre du prochain épisode se déroulait dans un cirque (ndlr: Le clown de la mort). Mike Stone se maquillait (et Karl Malden de rajouter qu'il n'y avait pas besoin d'un nez en caoutchouc pour lui!). Ils ont tourné dans un véritable cirque et des clowns enseignèrent à Karl certains de leurs tours. Michael Strong, un des bons amis de Karl, joua le rôle d'un autre clown dans cet épisode qui fut excellent pour Karl Malden. L'avantage de tourner dans une série comme cela permettait à Karl Malden d'inviter ses amis pour être 'guest star' de la semaine quand il voulait.

Avant d'entrer dans les foyers des gens toutes les semaines, Malden n'imaginait pas l'impact que la télévision pouvait avoir. Très différent du théâtre et du cinéma. Soudainement, tout le monde non seulement reconnaissait l'acteur mais pensait le connaître! Un matin, Karl sortit de l'hôtel Huntington, son domicile à San Francisco, pour aller sur le plateau et un type se pointa lui criant: 'Il est parti par là!'. Karl Malden vit un jeune homme courir après avoir saisi le porte-monnaie d'une femme dans le tramway. L'homme en question s'attendait à ce que Karl Malden coure après le jeune voleur. Heureusement pour l'acteur, la voiture qu'il attendait arriva au même moment. Il répondit à l'homme éberlué: 'Je suis désolé, je vais être en retard au travail.' L'homme a dû se demander ce qui était arrivé au policier sur lequel il comptait!

C'est presque devenu un cliché pour les acteurs de parler d'arme à double tranchant lorsqu'on perd l'anonymat. Mais comme la plupart des clichés, c'est vrai. Durant les quatrième et cinquième années de tournage de la série, Karl Malden sentait qu'il perdait l'accès à un outil de travail de l'acteur: la faculté d'observer les gens eux-mêmes comme si vous étiez une mouche sur un mur. Les acteurs essaient d'engranger des données d'observation, une réserve de détails sur ce que font les gens ordinaires (traverser une rue, manger des spaghettis) afin de créer des personnages. Durant la dernière année des Rues de San Francisco, Malden ne pouvait plus faire ça. Honnêtement, la dernière année de tournage fut difficile pour Karl après le départ de Michael Douglas pour produire le film Vol au-dessus d'un nid de coucou. Karl comprit parfaitement la décision de Michael car il fallait respecter les ambitions de chacun. Il a eu le courage de provoquer quelque chose mais il manqua terriblement à Karl Malden. Les quatre années de tournage furent un plaisir total doublé d'un respect mutuel. Comme Karl avait débuté avec Kirk Douglas, Malden sentait comme une relation familiale avec Michael mais, à ce moment-là, il était assez motivé pour tout recommencer avec quelqu'un d'autre.

Karl Malden précise que le remplaçant, Richard Hatch, était charmant mais il ne l'a jamais vraiment vu à l'effort. Après quelques semaines, il lui fit remarquer qu'en travaillant, il pouvait devenir une star. Il répondit simplement: 'Je suis déjà une star'. Il expliqua à Karl Malden qu'il avait participé à des soap operas à New York pendant deux ans et qu'il était celui qui avait reçu le plus de courrier de satisfaction. Malden acquiesça et s'en alla. Dans son fort intérieur, il pressentait que c'était la fin de la série car même si c'était avant tout des histoires policières, les gens appréciaient la relation entre Michael Douglas et Karl Malden. Ils avaient eu de la chance, ca avait très bien fonctionné. Malden était persuadé que cela ne serait pas le cas avec Richard Hatch. Karl Malden ne pouvait pas réinventer son personnage pour qu'il colle mieux à celui de son nouveau partenaire. Il s'était investi dans ce rôle plus que dans tout autre. Lorsqu'on travaille sur une série hebdomadaire, on n'a pas le temps de se poser les questions qu'un acteur se pose pour un rôle au cinéma. Quand on travaille sur une série TV, on le fait tout simplement et c'est un peu la réalité de l'acteur qui transparait semaine après semaine.

Après la première année des Rues de San Francisco, l'acteur fut contacté pour faire la publicité pour American Express et leur Traveler's checks sous l'apparence de Mike Stone. D'abord réticent car il n'avait jamais fait ce genre de trucs, son agent lui précisa que Sir Laurence Olivier faisait la même chose pour Polaroïd. Il en acheta pour voir à quoi ils ressemblaient et il se rappela aussi que sa chambre d'hôtel à Londres avait été cambriolée quelques années plus tôt et seulement l'agent liquide avait été dérobé.… Il accepta mais seulement après la fin de la série et cela dura….21 ans ! D'ailleurs, il rencontrait souvent des gens qui lui disaient 'Did you leave home without them ?' (slogan de la pub) ou lorsqu'il voulait payer en carte au restaurant, le serveur lui disait :'That better be American Express !'.

En 1976, Karl Malden téléphona au producteur Quinn Martin pour lui signifier qu'il rentrait chez lui rendre visite à son père, mourant. Le producteur fit quelques difficultés (Malden n'avait jamais raté un jour de tournage) mais l'acteur négocia pour s'absenter le lundi. Son père mourut le lendemain de son arrivée et suivant la tradition, le corps devait rester en état pendant deux jours avant l'enterrement mais Karl Malden avait promis aux producteurs de la série d'être de retour au plus tard mardi après-midi. A posteriori, entre les traditions serbes et un épisode des Rues de San Francisco, le choix était vite fait mais à l'époque, par ces moments tourmentés et au vu de la promesse faite, le choix fut difficile. Il expliqua la situation au prêtre qui accepta, comme Quinn Martín, un arrangement. Le père de Karl resta finalement une journée au domicile familial avant l'enterrement.

La série s'arrêta en 1977 et Karl Malden avoue avoir joué ensuite dans des films catastrophiques…

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2. MICHAEL DOUGLAS

C'était le mentor de ma vie, professionnellement et personnellement. J'adorais cet homme. Il m'a pris sous son aile et m'a aidé à comprendre tout le procédé de la comédie d'une manière unique, il m'a appris jusqu'à l'importance de savoir écouter. On comprend pourquoi il a partagé l'affiche avec Marlon Brando pendant tant d'années, dans des films comme Sur les quais ou Un tramway nommé désir : il savait écouter. Il avait un professionnalisme remarquable. Les scénaristes des Rues nous détestaient car nous répétions tellement que nous accélérions le rythme de la narration. Par conséquent, les scripts devaient être allongés de six ou sept pages. Et il avait un grand sens de l'humour. Il adorait une blague graveleuse comme tout à chacun.

Entertainment Weekly, décembre 2009.

Avant cette série, j'étais un acteur effroyable. J'ai été pris un peu par chance, et sans doute aussi grâce à mon nom. J'y ai rencontré l'acteur Karl Malden, qui m'a tout appris. Il a été mon ami, mon mentor, mon conseiller. Quand j'ai voulu partir de la série pour produire Vol au-dessus d'un nid de coucou, il m'a soutenu, alors que nous étions en plein succès. C'était un homme d'exception. Encore maintenant, j'ai toujours beaucoup de mal à accepter sa disparition. (Karl Malden est décédé le 1er juillet 2009 à 97 ans)

Télé7jours, octobre 2010 pour la sortie de Wall Street 2.

Michael Douglas raconte le premier jour de tournage de la série (vidéo)

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3. RICHARD HATCH

Karl Malden était comme un grand-père, adorable mais néanmoins sévère, très exigeant et très professionnel. Il espérait le meilleur de tout le monde et il travaillait très dur. Il était toujours prêt et bien préparé. C'est lui qui donnait le ton et il n'était pas très conciliant. Le plus dur pour moi est qu'il avait travaillé sur Les Rues de San Francisco pendant quatre ou cinq ans avec Michael Douglas, devenu presque un membre de sa famille.

Michael Douglas m'invita à déjeuner lorsqu'on tourna l'épisode de deux heures (ntlr, Les assassins) qui fut mes débuts dans la série. C'est un type très charmant et sympathique. Il m'a vraiment aidé et je lui dois beaucoup dans le tournage de ce premier épisode. Je débutais pour la première fois dans une série 'prime-time' et j'étais un peu terrifié. Mais c'était une chance à saisir.

J'ai obtenu le rôle car j'avais été remarqué dans un épisode d'une autre série Quinn Martin, Cannon. J'allais refuser car je pensais que Michael et Karl étaient très biens et je ne savais pas comment j'aurais pu remplacer Michael. Je ne pensais pas non plus que c'était un rôle où je pourrais vraiment m'exprimer en tant qu'acteur. Quinn Martin et mon agent m'ont persuadé car cela me permettrait d'avoir ensuite les rôles que je voulais. Ils me dirent aussi que la série était répartie en trois: un tiers pour les invités, un tiers pour le rôle de Karl et un tiers serait des épisodes qui s'attarderaient sur mon personnage.

Les producteurs voulaient un personnage complètement opposé de celui de Michael Douglas. Ils utilisèrent un peu de ma vie privée, un type concerné par la diététique. Il buvait du jus de carottes au lieu du café et ce fut drôle de composer avec le personnage interprété par Karl Malden car au lieu d'aller chercher du café et un hot-dog, cela donnait:' oh, il y a un magasin diététique là-bas. Allons prendre un jus de carottes et un pain complet'. Mike Stone était sidéré par ce genre de situations. Les producteurs cherchaient à ajouter une touche d'humour et à tisser des relations entre les deux personnages.

Je me suis préparé au rôle d'un policer mais la plus grande leçon que j'ai retenue du tournage est lors d'une scène de l'arrestation d'un suspect. J'ai balancé le type par terre pour lui passer les menottes. Après trois prises, le metteur en scène est venu vers moi et m'a dit: 'Richard, j'ai deux mots à te dire'. Et j'ai répondu: 'Oui, Oui, Quel est le problème?' Il m'a répondu: 'Bah, tu sais, on sait déjà que tu es un flic…joue l'être humain'. Il voulait dire que j'avais vu tellement de séries policières, que j'avais inconsciemment enregistré des clichés sur le comportement des fonctionnaires de police. Il voulait que j'oublie tout ça et que je laisse l'être humain prendre le dessus.

Je suis arrivé sur la série à la cinquième saison et c'était vraiment difficile. Je remplaçais Michael Douglas et la série avait des problèmes à cause de la restriction de la violence à la télévision…La série était constamment déplacée sur plusieurs soirées à des plages tardives. Il y avait donc beaucoup de stress sur les plateaux à cause de tous ces changements. C'était une période difficile. J'essayais de faire de mon mieux, de surmonter ces difficultés même si j'étais terrifié à l'idée d'échouer car remplacer quelqu'un sur une série est bien plus difficile que de créer un nouveau personnage.

Karl Malden était un gentleman et un professionnel mais il n'était pas particulièrement chaleureux. Il ne m'a jamais donné des tuyaux pour le tournage car nous n'avons jamais eu l'occasion de nous connaître personnellement sur cette première année de tournage. Je le regrette mais le problème est qu'il avait des choses à faire et j'étais préoccupé par ma participation à ma première série connue. Je devais faire de nombreux voyages à Los Angeles, mon agent organisait toute sorte de réunions, d'interviews essayant de profiter de l'occasion. Pour être franc, je n'avais jamais fait ça auparavant. Je venais d'une petite hutte à Beverly Glenn sans argent ni meuble et avec des dettes…et en l'espace de cinq minutes, j'étais à San Francisco dans une demeure avec chauffeur et voiture; je participais à une grande série TV, j'avais toute cette attention de la presse et je dois dire que c'était incroyablement prenant.

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4. LIVRE: THE STREETS OF SAN FRANCISCO: A QUINN MARTIN TV SERIES  

THE STREETS OF SAN FRANCISCO: A QUINN MARTIN TV SERIES

Description du livre

Auteur: James Rosin.

Publié par The Autumn Road Company en septembre 2011.

Format 17 x 24,5 cm, 268 pages, dont 43 pages de photographies noir & blanc.  

Préface de John Wilder.

The Streets of San Francisco : A Quinn Martin TV Series est le huitième ouvrage écrit par James Rosin, scénariste et acteur (il joua dans Mannix, Cannon et Mike Hammer entre autres). Les éditions The Autumn Road Company se sont spécialisées dans des livres sur des séries cultes, produites de la fin des années 50 au milieu des années 70. Pour nous, Français, signalons la sortie en 2010 dans la même collection de The Invaders : A Quinn Martin TV Series consacré aux Envahisseurs. James Rosin a contacté pour chacun des ouvrages de nombreux acteurs, scénaristes, réalisateurs et producteurs des séries traitées. Les livres sont enrichis de photographies et d’un guide complet des épisodes, avec résumé et distribution.  

http://www.classictvseriesbooks.com/index.html

The Streets of San Francisco: A Quinn Martin TV Series est sorti le 15 septembre 2011. Il est préfacé par John Wilder, producteur de la série pour les deuxième et troisième saisons, et il est indispensable pour les fans des Rues de San Francisco car c’est le seul livre exclusivement sur la série. On trouve de nombreux témoignages intéressants dans la première partie du livre (60 pages, que je décortiquerai plus loin), tandis que la seconde est une sélection de photos, principalement des deux premières saisons, ce qui coïncide sûrement avec les sorties DVD à l’écriture de l’ouvrage. A noter deux photos de tournage de Rampage avec John Wilder (p 89), et une de Trail of Terror avec Michael Preece (p 96). Huit pages sont ensuite dédiées à la production complète d’un épisode, Rampage, tourné du 26 décembre 1973 au 3 janvier 1974, avec précisions de réalisation : numéros des scènes et leur durée, brève description, tournage diurne ou nuit, participants, figurants, véhicules, doublures, accessoires…

L’épisode très controversé de la troisième saison, Mask of Death, est ensuite mis à l’honneur. Il y a tout d’abord quatre pages qui décrivent l’évolution d’un script sur le premier acte de l’épisode, de l’ébauche à la version du scénario. Les quatre pages suivantes sont particulièrement intéressantes : Mask of Death est analysé par les critères de la chaine et une étude engagée par Quinn Martin. Chaque épisode avait ce traitement afin de prévenir tout recours en justice. On s’assurait que les noms utilisés n’étaient pas ceux de personnes ou d’entreprises à San Francisco et sa région, que les numéros de téléphone et les adresses étaient fictifs. De plus, on vérifiait si les procédures médicales et policières étaient correctes afin de coller à la réalité. Quelques exemples : ABC (la chaine) conseilla de laisser tomber une référence à un ‘Jewish couple’ et l’utilisation du mot ‘scum’ prononcé deux fois par le personnage principal à la fin d’une scène. De son coté, l’étude vérifia les noms et préconisa quelques modifications à faire : le lieutenant Foster devint sergent car il n’y a que dix lieutenants dans le bureau des inspecteurs, Peter Ganz devint Arthur Ganz car il y avait un homonyme musicien renommé d’origine suisse. Dans le script, le chauffeur porte des gants blancs alors qu’ils doivent être noirs. L’étude suggéra également de cacher toutes marques connues susceptibles d’être identifiées et de rester vague lorsqu’un directeur d’université est mentionné pour une période donnée car cela cible un individu ayant existé. De plus, l’utilisation d’un Oscar dans le décor est sujette à des règles strictes et une demande doit être faite auprès de l’Academy.

La partie suivante est beaucoup plus traditionnelle. On trouve brièvement les horaires des différentes saisons ; Act of Duty fut le premier épisode à changer de jour et d’horaire. Il passa le 18 janvier 1973, un jeudi à 22h. En fait, à part les trois premiers mois, de septembre 1972 à janvier 1973, où la série était diffusée le samedi,  SOSF ne quitta jamais le créneau du jeudi soir. Sur plus de cent pages, le pilote et les 119 épisodes de la série sont résumés avec distributions et fiches technique. Même si ces renseignements sont disponibles sur la toile, ce n’est pas inintéressant car c’est très bien fait et cela permet de se remémorer rapidement un épisode.

La fin du livre est consacrée à une liste, très subjective, des épisodes préférés de l’auteur et des fans, des ‘guest stars’ marquantes, du staff technique au grand complet, de quelques trivia et de biographies, qui bouchent douze pages et qui sont superflues.

Témoignages d’acteurs, producteurs, scénaristes, réalisateurs.

La première partie, une soixantaine de pages, est la plus intéressante et justifie, à elle seule, l’achat du livre. La série est basée sur Poor, Poor Ophelia de Carolyn Weston dont l’action se situe à Santa Monica. L’histoire est très proche mais elle fut déplacée à San Francisco et les noms des policiers furent changés. Ed Hume, le scénariste du pilote, avait développé la série Cannon, également produite par Quinn Martin. Cliff Gould fut producteur en 1972-73. Il avait travaillé sur Mannix, Sam Cade, puis John Wilder lui succéda de 1973 à 1975. Ils axaient leurs histoires sur la psychologie des personnages. Pour eux, les vilains, les victimes et les policiers étaient tous des êtres humains.

La ‘notion’ était primordiale dans l’élaboration d’un épisode. Elle se constituait d’une ou deux pages avec le début, le milieu et la fin de l’histoire. Quinn Martin l’approuvait et un scénariste était alors désigné pour la rédaction. Ce scénario était retravaillé avant le tournage pour être en accord avec les personnages de la série. Il y a des exemples de ‘notions’ dans le livre: The Hard Breed, Winterkill, Mask of Death, puis il y a ensuite le premier acte intégral de The House on Hyde Street (Aka; My brother’s Keeper). Après que le scénariste pour cet épisode ait abandonné, John Wilder s’y employa lui-même et fut nominé pour un Writer’s Guild of America Award. Pour l’épisode Mask of Death, après un essai, Dean Jones refusa le rôle particulier de Ken Scott. Il incomba à John Davidson et, à cause de sa voix aiguë pour la chanson My Heart Belongs to Daddy, l’enregistrement fut fait ligne par ligne.

Cliff Gould et John Wilder patrouillaient avec la police de San Francisco et s’imprégnaient de la ville. La police était satisfaite de l’image donnée et le recrutement fut même multiplié par cinq. Durant la première saison, les extérieurs étaient tournés à San Francisco et les intérieurs aux studios Burbank à Los Angeles. Il y eut des exceptions comme A Room With a View. L’appartement de l’institutrice ‘réquisitionné’ par le tueur en embuscade est un véritable intérieur dans San Francisco. Il fallait trouver le point de vue plongeant du tueur sur la planque de sa victime. L’appartement était parfait mais très petit, contrairement au studio, et le tournage dura longtemps à cause de l’exigüité des lieux. Walter Grauman, le réalisateur, raconte qu’il était habillé en noir avec un attaché-case et qu’il n’avait pas eu le temps de se changer pour aller au restaurant avec sa femme. On le prit pour un tueur venu exécuter un contrat !

Durant la première saison, cinq journées consécutives étaient tournées en studio, ce qui correspondait à la fin d’une histoire (deux jours) et le début d’une autre (trois jours). Le tournage était coûteux et cela était censé limiter les dépenses. Le rythme fut compliqué pour l’équipe et les acteurs (voir les mémoires de Karl Malden). John Wilder, producteur sur la seconde saison, insista pour tirer avantage de la ville. Chaque année, alors que les scripts étaient en préparation, il faisait un voyage à San Francisco et dressait une liste d’extérieurs qu’il souhaitait voir dans la série. Lors de la rédaction des histoires, il demandait aux scénaristes de privilégier les poursuites sur les toits. Dans Commitment, un tueur, interprété par le dur William Smith, venait de liquider un témoin sur les toits, mais l’acteur, sujet aux vertiges, ne put descendre l’escalier de secours, poursuivi par Michael Douglas, pour rejoindre la voiture où un complice était supposé l’attendre. Aucune doublure n’était prévue et Michael Preece (le script supervisor) dut enfiler les vêtements de Smith, beaucoup trop grands, pour tourner la scène en catastrophe. Une couturière plaça des épingles sur les manches pour les raccourcir car Preece devait pouvoir agripper la rampe dans sa course dans les escaliers. Richard Donner, le réalisateur, filma de loin et personne ne se rendit compte de rien. Les audiences de la série furent mitigées au début car les critiques soulignaient qu’elle ressemblait trop à d’autres.

Karl Malden pensait que l’heure était venue de tourner dans une série vu que le cinéma souriait surtout à la jeune génération. Pour la première fois de sa carrière, il jouait lui-même ; le détective Mike Stone est Karl Malden. Il était perfectionniste. Ainsi, lors d’une scène en studio dans le commissariat, il signala à David Whorf, metteur en scène assistant, la présence d’un acteur qui avait le rôle d’un méchant trois épisodes auparavant. Bien qu’il soit dans la troisième pièce (les bureaux avaient des séparations en verre), Malden avait reconnu le figurant. Il ne devait pas être là, personne ne l’avait remarqué mais il fut retiré du champ de la caméra. Walter Grauman se souvient du professionnalisme de Malden lors du tournage de The Bullet. L’acteur avait trouvé que les taches de sang d’un blessé, dans la séquence initiale, étaient trop apparentes et le réalisateur les modifia. En dehors du tournage, Karl Malden était comme Mike Stone également. Un soir, l’équipe attendait dans un bar en buvant un verre de vin la tombée de la nuit pour tourner une scène. Malden est passé, en chapeau et trench-coat, et il a regardé, sans rien dire, d’un air désapprobateur comme s’ils étaient en service et qu’ils transgressaient la loi… Il savait aussi manier l’autodérision. Un jour, alors que Preece et Malden attendaient pour tourner, une voiture s’arrêta et le conducteur, qui n’avait pas reconnu Karl Malden, demanda de quel tournage il s’agissait. Malden répondit que c’était une nouvelle série intitulée ‘Big Nose and Buddy Boy’ !

Michael Douglas eut une seule rencontre avec Quinn Martin et Karl Malden. Il était intimidé au début. Son père, Kirk Douglas, était un ami de Malden et, après la réunion, c’était parti pour 26 épisodes sur le rythme de sept jours par épisode, six jours par semaine pour une durée d’environ huit mois. Michael Douglas était un conducteur très doué et il fit presque toutes les séquences de conduite avec Karl Malden. Douglas avait des voitures sportives (ndlr : on le voit parfois conduire une Porsche off-duty dans la série) et il était en quelque sorte entrainé. Il y avait parfois trois caméras sur la Ford ; une sur le coté de Douglas, une autre sur le coté de Malden et une troisième sur le devant de la voiture avec un éclairage frontal. C’était difficile de voir la route car Michael Douglas devait conduire face à deux grosses lumières. Preece était sur la banquette arrière, donnait la réplique à Malden et Douglas, mettait en route le mixer de sons et c’était parti pour le tournage. Parfois, ils roulaient à 75 miles à l’heure et Douglas n’utilisait jamais de doublure. Il passait les virages, s’arrêtait au trottoir à quelques centimètres près. Mais l’acteur se souvient du tout premier jour de tournage, que raconte également Karl Malden dans ses mémoires. C’était en fin d’après-midi et l’équipe de tournage avait besoin d’une scène avant la tombée de la nuit. Douglas devait rouler sur Nob Hill et passer devant Fairmount Hotel, puis descendre la colline pendant que Karl Malden plaçait le gyrophare. Douglas se croyait bon conducteur mais il n’était pas préparé à ce qui l’attendait. Quand ‘action’ fut hurlé, il passa devant l’hôtel mais il allait trop vite, de sorte qu’ils se sont retrouvés dans les airs en descendant la colline. Douglas se souvient qu’il a eu le temps d’échanger un regard avec Malden, qui se demandait comment cela allait se terminer. Douglas avait gardé les roues droites et il a pu s’arrêter sans dommage. Malden explosa jugeant que c’était de la cascade et pas de la conduite. Michael Douglas pensait être viré sur le champ alors que cela fut le début d’une relation, la plus importante de la carrière de l’acteur. Walter Grauman, le réalisateur, était avec l’opérateur sur une grue pour filmer la scène. La voiture sortit du cadre et il entendit un grand bruit. Il eut peur que les acteurs se soient blessés mais il vit Malden, blanc comme un linge, remonter la colline et il lui demanda s’il y avait encore beaucoup de conduites de ce genre dans le script. Walter Grauman rassura l’acteur lui disant que la prise était superbe avec la voiture qui décolle et la ville en arrière-plan. Malden se calma et le tournage continua, mais le réalisateur n’eut pas le courage de dire aux acteurs qu’il s’était rendu compte lors du visionnage des rushs que la voiture avait atterri hors du champ de la caméra. Grauman prit une seconde équipe à l’endroit même de l’incident et plaça une caméra au pied de la colline et il filma un cascadeur au volant d’une voiture similaire qui s’éleva dans les airs pour retomber sur la route. La séquence fut finalement une réussite.

La série changea de créneau horaire vers le milieu de la première saison. Elle fut diffusée le jeudi, ce qui boosta les audiences. Pour Michael Douglas, la série dut son succès aux scénarios intéressants qui traitaient de problèmes quotidiens comme les armes à feu ou les groupes de vigilante. De plus, Karl et Michael avaient une entente extraordinaire. A cette époque, la co-star était toujours en retrait et la vedette n’autorisait pas le partage de l’affiche. Michael se souvient qu’il était effacé la première année et Karl Malden l’encourageait à venir à sa hauteur ; il le traitait en égal. Il donna une grande chance à Michael Douglas car il encourageait les producteurs à faire des épisodes qui mettaient en vedette Steve Keller, le personnage interprété par Douglas. Karl Malden fut son véritable mentor et il apprit beaucoup à ses cotés. Quant à Karl Malden, il fut conquis par Douglas qui lui permit de voir la vie différemment.

Cliff Gould déménagea en plein milieu de la première saison pour s’installer dans la région de San Diego et il devait faire un aller-retour en avion quotidiennement. A cela s’ajoutait un départ tardif pour la préparation de la saison et Wilder dut rendre visite à Gould pour écrire des épisodes le week-end. Ils avaient le même style et il arrivait que Gould écrive les deux premiers actes et Wilder les deux derniers ou vice versa. A la fin de la première saison, Gould, malade, fut hospitalisé et Wilder se retrouva sans histoire pour les quatre derniers épisodes de la saison, ce qui causa beaucoup de stress aux deux producteurs. Cliff Gould quitta la série, préférant se consacrer à des pilotes ou des téléfilms. Après réflexion, John Wilder devint producteur. Il retint la leçon de la première saison, où tout est comme aspiré dès que le tournage commence, et ne pas être dans les temps peut coûter des dizaines de milliers de dollars à la production. Ainsi, pour les saisons deux et trois, Wilder avait huit scripts terminés et approuvés deux semaines avant le début du tournage. Les quinze autres (ndlr : 8 et 15 donnent les 23 épisodes de la saison) étaient entre le stade de la première écriture et le développement de l’histoire. Cela prenait environ huit semaines pour développer une idée jusqu’au jet final, qui était tourné en sept jours. Cela faisait également partie de l’engagement de Wilder envers Malden, qui voulait les scripts au moins une semaine avant le tournage (ndlr : l’acteur l’évoque longuement dans ses mémoires). Lors des pauses, Malden et Douglas répétaient souvent des scènes de l’épisode suivant et cela permettait à Wilder d’avoir des scripts plus longs. Douglas précise que cela faisait le tour auprès des réalisateurs et acteurs qu’il fallait de l’énergie sur le tournage de SOSF. John Wilder développa une équipe de scénaristes sur laquelle il pouvait compter.

Quinn Martin voulait une femme pour développer l’histoire d’une officier de police, ce qui n’était pas courant à l’époque. Ainsi, D.C. Fontana écrivit Shield of Honor, dont Mariette Hartley sera l’interprète. Certains dialogues concernant Stone et Keller furent remaniés, ce qui se passe souvent avec les nouveaux scénaristes sur une série. La base était là et Fontana la développa en interviewant des femmes policières de Los Angeles. A l’époque, les femmes de la police n’étaient pas dans la rue ou dans une voiture de patrouille. Le scénario de Fontana fut accepté et transformé en script. Quinn Martin insista que le nom entier de D.C. Fontana (Dorothy C. Fontana) figure au générique afin de montrer que la production engageait des femmes. En effet, certains producteurs ne pouvaient concevoir qu’une femme puisse savoir écrire des histoires d’action et d’aventure, et pourtant, D.C. Fontana écrivit les scénarios de nombreuses séries western. L’épisode fut un succès et la scénariste fut demandée pour deux autres histoires de la troisième saison. Ten Dollar Murder présente aussi une solide officier de police, qui doit faire face au comportement criminel de son fils. L’inspecteur Irene Elliott fait équipe avec Stone. Peu de choses furent modifiées dans le script ; quelques lieux pour le tournage et des bribes de dialogue. L’autre histoire de cette saison est Solitaire, dans laquelle Steve Keller est blessé et fait place à un policier solitaire, qui est le partenaire de Stone pendant l’intérim. D.C. Fontana écrivit un quatrième, et dernier, scénario pour la quatrième saison : The Cat’s Paw. L’auteur avait prévu de faire revenir l’inspecteur Elliott, interprétée par Carol Rossen, car Fontana pensait que sa relation avec Stone pouvait être développée. Elle voulait en fait que les deux personnages soient sur le point de se marier. Malheureusement, l’actrice était indisponible pour ce tournage et Diane Baker joua le rôle de l’inspecteur Irene Martin dans cette histoire de cambriolages de riches demeures.

Le producteur John Wilder précise que certains de ses scénaristes ne se trouvaient pas à Los Angeles, et que les histoires arrivaient d’un peu partout. Quinn Martin lui faisait confiance. Ainsi, Wilder appréciait les scénarios d’Al Ruben et ce dernier voulut écrire une histoire de drogues avec des Noirs, ce que la série n’affectionnait pas car ce genre d’intrigues se ressemblait toutes. Lorsque Ruben est venu avec un article du New York Times sur des vigilantes qui faisaient le ménage dans leur communauté, Wilder détecta le potentiel pour une histoire si un vigilante noir pouvait avoir à peu près le même âge que Keller et avoir fréquenté la même école. C’est devenu l’épisode Rampage, mis en scène par Wilder lui-même, dans lequel Keller s’oppose à son ami d’enfance, qui ne croit plus en la justice de son pays.

Dès que l’histoire était approuvée, Wilder préparait les quatre actes avec le scénariste et Bill Yates (ndlr : producteur des saisons 4 et 5). Yates et le scénariste développaient l’histoire, tandis que Wilder s’occupait du casting et de la production. Ensuite, Wilder faisait quelques modifications et il envoyait l’ébauche à Quinn Martin. C’était le même procédé pour le script avec, en plus, le responsable des lieux de tournages. C’est à ce moment qu’une liste d’acteurs était dressée pour les différents personnages de l’épisode. Lorsque le script final du scénariste arrivait, Wilder le tapait à la machine en faisant les changements nécessaires, comme par exemple les conseils du studio, Broadcast Standards, et les dialogues, qui devaient coller aux voix de Stone et Keller qu’il connaissait parfaitement. Il ajoutait également un épilogue, comme celui de Rampage qui est retranscrit. Grâce au travail de Wilder, la série n’eut jamais de problème de réécriture pendant le tournage et les metteurs en scène savaient qu’ils pouvaient tourner à partir du document qu’ils avaient en leur possession.

Lorsque la série eut du succès, la parité entre les deux acteurs principaux eut de l’importance. Ainsi, Wilder relisait le script plusieurs fois pour s’assurer de cet équilibre. Les scénaristes se focalisaient sur le chef, Mike Stone, mais Wilder voulait que Keller soit plus qu’un assistant. Cela fut établi dès le second épisode, The First Day of Forever, où Keller chaperonne une prostituée menacée. Michael Douglas montre déjà l’étendue de son talent avec le changement d’attitude de Keller envers la jeune femme durant l’histoire. Celle-ci prouve également que les deux policiers sont des êtres humains avant d’être des flics.

Wilder savait qu’un bon acteur aime faire quelque chose dans une scène, même s’il ne participe pas au dialogue. Ainsi, lorsque Stone interrogeait un suspect, Keller fouillait les papiers ou retournait un document. Ensuite, quand les deux policiers se retrouvaient, Keller dévoilait un détail qu’il avait trouvé et qui pouvait être prépondérant dans le déroulement de l’enquête.

Lorsqu’une seconde saison fut programmée, il fut décidé que le tournage se ferait qu’en extérieurs. Wilder persuada Quinn Martin de dépenser quelques milliers de dollars supplémentaires pour tout filmer à San Francisco. Tout le monde était satisfait que l’entière production se fasse dans la ville et personne ne manqua un jour de tournage. Il n’y eut aucun problème, à part le jour où un tunnel bloqué retarda le maire ! A partir de la seconde saison, un entrepôt fut loué sous Telegraph Hill près de Bay Street, à une encablure de l’Embarcadero. L’endroit risquait d’être trop bruyant à cause des avions qui survolaient la région, mais un preneur de sons y passa une journée et les résultats furent concluants.  L’emplacement était assez vaste pour garer les camions derrière le bâtiment et y loger metteurs en scène, cameramen, maquilleurs.... A l’intérieur de l’entrepôt, les bureaux de police furent recréés, à l’identique de ceux des studios Warner de Los Angeles utilisés lors de la première saison. Il y avait également assez de place pour construire un décor pour un épisode spécifique. Cela dépendait des scripts, mais en moyenne il y avait cinq jours de tournage dans les rues et deux dans l’entrepôt. Les tournages de nuit se faisaient généralement le vendredi soir.

Michael Douglas souligne que les médias locaux ne voyaient pas d’un bon œil qu’une équipe de production d’Hollywood tourne une série dans leur belle ville. Dès que la série est passée à la télévision, les avis furent tout à fait différents. La série était bonne et, en plus, on ne pouvait pas rêver meilleure publicité pour la ville. Il fallait bien sûr compatir avec la susceptibilité des gens et le fait que des dizaines de places de parking étaient occupées par les équipes de tournage. Quinn Martin voulait que la série ait un aspect documentaire et Jacques Marquette, le caméraman, utilisa un matériel léger qui avait besoin de peu d’éclairage et rendait une image plus réelle, même dans des espaces clos (ascenseurs, salles de bain, voitures). Le planning du tournage était très serré et généralement, il y avait quatre sorties par jour pour une quarantaine de prises.

Le thème du générique de Pat Williams attirait l’attention. Le compositeur précise que la musique jazzy fut un grand succès car elle collait vraiment à la série. C’est urbain, plein d’énergie et sophistiqué. Le morceau est composé de trompettes, trombones avec un passage de saxophone. L’original fut enregistré avec un orchestre de 32 musiciens, dont des renommés en jazz. Plusieurs versions existent car la longueur du générique était variable suivant le nombre d’acteurs invités.

Vu que la série était tournée six jours par semaine en extérieurs, les monteurs n’avaient pas le matériel filmé chaque soir. Ainsi, les prises du jeudi, vendredi et samedi n’arrivaient que le lundi matin. Art Fellows supervisait tout le montage et n’acceptait pas l’intrusion d’un metteur en scène. Il fallait environ sept jours pour produire 50 minutes de film, et dès que Quinn Martin approuvait, le montage et l’ajout de la musique pouvaient commencer. Malden et Douglas étaient très bons et il y avait peu de choses à retoucher. Wilder se souvient néanmoins qu’il dut entrer en conflit avec l’intransigeant Fellows, car il désirait avoir son mot à dire dans le montage. Fellows ne voulait pas que son travail soit ralenti pour céder aux désirs d’un producteur mais, après une violente altercation, Wilder eut gain de cause.

Après deux saisons, Wilder quitta la série et fut remplacé par William Robert Yates pour les deux dernières saisons. Wilder ressentait une ambiance pesante car il s’identifiait beaucoup trop aux histoires. Quinn Martin lui fit remarquer que ce n’était que du ‘make-believe’, mais pour Wilder, les raisons de la réussite de la série résidaient dans le fait que ni lui, ni ses scénaristes ne prenaient les histoires traitées pour du cinéma ! Avec Wilder, SOSF se glissa à la 23ème place et reçut deux nominations consécutives aux Emmy dans la catégorie ‘Meilleure série dramatique’.

Michael Douglas s’occupait de son projet sur Vol au-dessus d‘un nid de coucou et le film sortit à l’automne 75 lorsque la série était dans sa quatrième saison. Il remporta un immense succès et Douglas décida de ne pas rempiler pour une cinquième saison. L’acteur témoigne que tout le monde pensait qu’il était fou car la série marchait très bien et il allait renégocier son contrat. Karl Malden l’encouragea dans cette voie et Quinn Martin le laissa partir. Michael Douglas accepta de revenir pour un épisode en deux parties qui allait lancer la cinquième saison et faire le relais entre lui et Richard Hatch, son successeur. SOSF reste pour Douglas une grande expérience, avec un mémorable tournage en extérieurs. Il se sentait véritablement partie prenante dans la série.

Quinn Martin choisit Richard Hatch pour interpréter l’inspecteur Dan Robbins, le nouveau partenaire de Mike Stone. Le personnage n’était pas le même que Keller ; un buvait du café, l’autre du jus de carotte, un roulait en voiture de sport, l’autre en camionnette. Hatch avait vu quelques fois la série et Martin le convainc en lui disant que seulement un tiers de l’épisode le mettrait en évidence ; Karl Malden et l’acteur invité compléteraient le temps de présence. Néanmoins, il n’était pas possible de remplacer Michael Douglas, avec lequel Malden avait une relation fusionnelle, comme un père avec son fils, que Malden n’avait jamais eu.

Richard Hatch explique que c’était difficile pour lui de venir dans une série qui marchait très bien et qu’il a essayé de faire de son mieux dans les premiers épisodes, puis vint le tournage de l’épisode de transition (ndlr : l’entame de la cinquième saison ne fut donc pas tournée en premier). Douglas l’a aidé pendant ce tournage, mais Hatch reconnaît que le courant ne passait pas aussi bien entre lui et Karl Malden. Il comptait sur la suite pour améliorer les choses mais il n’y a pas eu de sixième saison.  Le tournage de la série s’interrompit en juin 1977. Karl Malden revint l’espace d’un téléfilm, en capitaine de police, en 1992 dans Back to the Streets of San Francisco, sans Douglas ni Hatch, mais il y a un flashback avec Michael Douglas.

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5. JAMES ROSIN

James Rosin

James Rosin et Roy Thinnes (David Vincent dans ‘Les envahisseurs’).

James Rosin, né à Philadelphie en 1946, a commencé une carrière d’acteur en 1973 après des études en communications et des débuts au théâtre. Il obtint son premier rôle dans un épisode d’une série, inconnue chez nous, Love, American Style. Ses rôles suivants sont dans des séries bien plus renommées : Banacek, Mannix, dans deux épisodes (saisons 7 et 8), et Cannon. Des petits rôles, barman, interne d’hôpital, qui vont permettre à Rosin de connaître le milieu des séries. Il joue dans six épisodes de Quincy (avec Jack Klugman dans le rôle titre) et dans un téléfilm Mike Hammer (avec Stacy Keach). Son dernier rôle, jusqu’à ce jour, est dans le film Sleepers (1996) avec Robert de Niro, Brad Pitt et Dustin Hoffman. Parallèlement, James Rosin s’est lancé dans l’écriture –il a écrit trois histoires de Quincy – la musique et la réalisation de documentaires de sport sur le basket.  A partir de 2007, il écrit des livres sur les séries cultes américaines des années 50 à 70 pour les éditions Autumn Road Company.

En 2007, il écrivit sur Route 66, tourné entre 1960 et 1964, et diffusé en France sur Jimmy en 1996. C’est un road-movie de deux amis sur la célèbre route 66 entre Chicago et Los Angeles. Deux autres livres sur les séries sont parus en 2008 : Naked City (1958-1963) et La grande caravane (1957-1965), une série western diffusée sur la première chaine de l’ORTF en 1964. En 2009, deux autres livres sortirent. Le premier ouvrage sur Aventures dans les iles (1959-1962), une série d’aventures romanesques et policières dans les îles du Pacifique, qui fut souvent diffusée à la télévision française ; de 1961 à 1966 sur la première chaine de l’ORTF,  en 1985 sur TF1 et en 1991 sur M6. Le second ouvrage sur Quincy (1976-1983), série pour laquelle l’auteur joua et écrivit. Cette série est plus connue en France que les précédentes, car elle fut diffusée à partir de 1987 sur TF1.

En 2010, James Rosin s’attaqua aux Envahisseurs, une série culte en France, mais qui n’eut pas un grand succès aux USA à sa première apparition sur les écrans (1967-1968). Diffusée pour la première fois le 4 septembre 1969 sur la première chaine de l’ORTF, la série fut maintes fois proposée en France. Le second de livre de l’année est consacré à Peyton Place (1964-1969), un feuilleton de 514 épisodes, partiellement diffusé en France à partir de 1975 sur TF1 puis sur Antenne 2 en 1978 et 1985-1986. A part celui sur les Envahisseurs, les ouvrages de James Rosin n’avaient pas de quoi enthousiasmer des lecteurs français. En septembre 2011, la sortie de The Streets of San Francisco: A Quinn Martin TV Series, huitième et dernier ouvrage à ce jour de l’auteur, me permit de connaître James Rosin et de lui poser quelques questions sur cet excellent livre que tout fan des Rues de San Francisco doit posséder dans sa bibliothèque.

-  Pourquoi avez-vous décidé d’écrire des livres sur des séries cultes américaines et quels sont vos critères de choix ?

J’ai choisi d’écrire des livres sur des séries que je regardais et que j’aimais, mais également des séries qui, je pense, étaient uniques et appréciées par des millions de gens.

- Votre livre sur ‘Les rues de San Francisco’ représente une mine d’informations pour tous les fans de la série. Avez-vous eu des difficultés pour trouver des  témoignages de participants à la série ?

Non, ce ne fut pas difficile. J’ai travaillé pour les Productions Quinn Martin en tant qu’acteur. Donc, je connais beaucoup de personnes qui ont participé à la série.

- La première partie du livre, les soixante premières pages, est la plus intéressante. N’était-il pas possible de contacter d’autres acteurs renommés de la série comme Brenda Vaccaro, Stephanie Powers, Mariette Hartley, Paul Michael Glaser pour connaître leurs souvenirs de tournage ?

Ce n’est pas difficile de contacter les gens, mais je préfère toujours commencer avec les rôles importants et les producteurs de la série, ainsi que les réalisateurs et les scénaristes qui ont travaillé sur plusieurs épisodes. Il y a plus de chances qu’ils se souviennent de choses intéressantes car ils ont collaboré à la série sur une base durable. On a également l’historique de la série avec les personnes qui étaient présentes au début. Contacter les ‘guest-stars’ n’est pas toujours la meilleure chose à faire, parce qu’ils n’ont travaillé sur la série que sur une courte période et ils ne se souviennent pas de grand-chose 35 ou 40 ans plus tard.

- Avez-vous réussi à contacter toutes les personnes que vous vouliez ? Michael Douglas a-t-il été difficile à persuader?

J’aurais bien voulu interviewer Quinn Martin et Karl Malden et plusieurs autres mais, malheureusement, beaucoup de personnes qui ont participé à la série ne sont plus de ce monde. Heureusement, John Wilder, scénariste et producteur pendant trois saisons, a fourni beaucoup de renseignements. Tout comme Michael Douglas, qui fut très coopératif. Il pensait que le livre était une excellente idée dès le début.

- Est-ce que vous vendez beaucoup de livres hors les Etats-Unis ? Parmi les séries que vous avez traitées, seulement deux sont bien connues en France : ‘Les envahisseurs’ et ‘Les rues de San Francisco’. Y-a-t-il assez de gens intéressés par les vieilles séries ?

Il y a un socle de fans pour ces livres sur Amazon et d’autres sites de livres et d’émissions nostalgiques de télévision. Certains de ces livres ont une audience plus large que d’autres et ont plus de succès que d’autres. C’est assez surprenant mais nous avons des clients de pays comme l’Angleterre, l’Australie, et parfois l’Allemagne et l’Amérique du Sud, qui sont fans de ces séries.

- Quels sont les séries de vos prochains livres ? Allez-vous choisir des séries, auxquelles vous avez participées, comme ‘Mannix’, ou d’autres séries policières comme ‘Kojak’ ?

Je n’ai actuellement pas de projets de nouveaux livres de séries. J’en ai pour l’instant écrit huit et ils sont tous sur Amazon et mon site : classictvseriesbooks.com. Je recommande les éditions revues (tous les ouvrages ont eu une réédition sauf Quincy et Les rues de San Francisco).

- J’ai lu que vous dédicacez tous les livres que vous vendez. Est-ce vrai ?

Je dédicace en effet tous les livres vendus, qu’ils soient commandés sur Amazon ou classicTVseries.

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6. POOR POOR OPHELIA, LE ROMAN QUI SERVIT DE BASE À LA SÉRIE 

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Le roman qui servit de base pour Les rues de San Francisco (The basis for the hit TV series, The Streets of San Francisco)

Auteur : Carolyn Weston

203 pages. Publié en janvier 1972 (Random House), réédité en février 2015 (Brash Books). La version française, Pauvre, pauvre Ophélie…, est sortie dans la collection Série Noire chez Gallimard en janvier 73. Il n’y a pas eu de réédition, mais il est facile de la trouver sur le net à un prix dérisoire. 

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Couverture de 1972                   Edition française (1973)

Poor Poor Ophelia est le premier des trois romans qui mettent en scène le sergent Al Krug, flic acariâtre et expérimenté, et Casey Kellog, un jeune inspecteur fraichement sorti de l’école de police. L’action se situe à Santa Monica en Californie. Ce premier roman est le plus connu car il servit à l’écriture du pilote de la série The Streets of San Francisco. Le titre, Poor Poor Ophelia, fait référence au Hamlet de Shakespeare.

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Les deux autres romans des enquêtes de Krug et Kellog :
Susannah Screaming (1975) et Rouse the Demon (1976) furent également réédités en 2015. 

Plusieurs modifications scénaristiques apparaissent entre le roman et le téléfilm, et elles sont, pour la plupart, justifiées. La série ne se joue pas dans la brumeuse ville de Santa Monica, car les scénaristes ont préféré le soleil de San Francisco, mais également la simplification de juridiction, particulière dans les petites villes de Californie. En fait, le scénariste Edward Hume a écrit le pilote et développé la série basée sur les personnages du roman publié quelques mois auparavant. L’irascible et antipathique sergent Al Krug deviendra le posé et sympathique lieutenant Mike Stone, interprété par Karl Malden, et Casey Thornton Kellog sera Steve Keller, personnifié par Michael Douglas, dans le pilote et la série. Krug est marié et fume le cigare, tandis que Kellog préfère les cigarettes et vit toujours chez ses parents (la première scène de l’ouvrage se passe avec sa mère).

Toutes ces particularités seront gommées, avec justesse, dans la série. Mike Stone est veuf depuis deux ans et il a une fille qu’on aperçoit dans quelques épisodes (elle a mis un mot sur le frigidaire dans le pilote), tandis que Steve Keller collectionne les petites amies (ici, on l’entend mais on ne la voit pas). Par contre, Kellog et Keller aiment s’habiller tous deux à la dernière mode. A souligner aussi que les personnages inversent leurs origines : dans le roman, Krug n’est pas de Santa Monica, contrairement au ‘rookie’ Kellog; dans la série, Stone est originaire de Frisco mais pas Keller.    

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« Basé sur des personnages d’un roman de Carolyn Weston » apparaît au générique de chaque épisode. 

La trame de l’intrigue sera reprise pratiquement in-extenso dans le pilote à quelques détails près. Parmi les différences notables, le corps de la jeune femme, Holly Jean Berry, est déjà à la morgue à l’apparition de Krug dans le récit, alors que la première séquence du pilote est sa découverte par un joggeur puis l’arrivée de Stone et Keller sur la plage. L’enquête est perçue à travers les investigations de Kellog, nettement plus inspiré que Krug, tandis que les scénaristes ont préféré modifier la donne. Mike Stone maitrise son sujet et Steve Keller est plus novice et dépendant de son mentor que l’est Kellog dans le roman. Weston souligne bien la différence de traitement entre les deux policiers, car le sergent est souvent référencié par son patronyme, alors que son jeune subalterne est nommé par son prénom, Casey. Si l’enquête est surtout orchestrée par les initiatives de Kellog, le suspense du roman est entretenu par le personnage de David Farr, dont le comportement laisse planer la suspicion, mais le juriste décide finalement de mener sa propre enquête pour se disculper.

Farr, le playboy à la Jaguar jaune, et les policiers tentent de reconstituer les derniers jours de Holly Berry de différentes manières. Des bribes de dialogues sont reprises sans changement dans le film, mais la personnalité des personnages est modifiée mettant Mike Stone aux directives de l’enquête, alors que dans le roman, son jeune adjoint est la tête pensante. Kellog téléphone à Farr pour lui demander de venir identifier le corps (c’est Stone dans le film) et il se rend seul la première fois à la morgue où il fait référence au titre. C’est également Mike Stone qui fait le rapprochement entre le magazine télé et le nom du meurtrier contrairement au livre. Mais la plus grosse modification est le final que je ne dévoile pas au cas où vous voudriez lire le roman ou découvrir le pilote (uniquement en VOST sur le coffret DVD car jamais diffusé en France).

Holly fut découverte morte avec les coordonnées de l’avoué accrochées autour du cou. Farr a passé le week-end précédant son décès en sa compagnie, mais il est réticent à le concéder de peur de mettre sa carrière en péril, surtout lorsqu’il apprend que la jeune femme a été assassinée (par un expert en karaté comme le trahit la couverture de la première édition). Krug est persuadé que Farr est l’assassin, tandis que Kellog pense que l’affaire est plus compliquée qu’elle n’y parait et préfère approfondir l’enquête et retrouver le frère de la victime ainsi que le mystérieux oncle. Il est à noter qu’encore une fois, les rôles sont inversés dans le pilote. En effet, le lieutenant Stone donne au juriste le bénéfice du doute, tandis que Keller pense que Farr est coupable, ce qui est plus plausible vu l’inexpérience du jeune policier. 

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Keller et Stone découvrent le corps                                                  Holly (Kim Darby) et Farr (Robert Wagner) 

Les personnages sont bien dessinés et l’enquête est superbement menée car très progressive, constituée de nombreux flashbacks, qui sont, pour la plupart, respectés dans le film. Néanmoins, la lenteur des évènements, essentielle à la construction du puzzle, est parfois difficilement retranscrite dans le pilote. D’ailleurs, l’ordre de certaines scènes est inversé entre le roman et le film, comme celles de la visite de l’appartement de la victime par les policiers et la rencontre Farr/Holly à la soirée. Le fog, omniprésent dans le roman, est un aspect important de l’atmosphère angoissante, mais il est totalement absent de l’action se déroulant à San Francisco. Concernant la distribution, Kim Darby ne correspond pas au personnage décrit par Carolyn Weston. A aucun moment, elle ne peut être comparée à une éventuelle prostituée par des attitudes sexy ; bien au contraire, l’actrice est habillée dans une robe style grand-mère et n’a aucun charme (d’ailleurs, les passages ‘chauds’ du livre lors du week-end sont édulcorés dans le film).  Il est conseillé de lire le roman avant de voir le pilote de la série afin de mieux apprécier le travail de Walter Grauman, le réalisateur, et d’Edward Hume, le scénariste.  

Poor Poor Ophelia présente magistralement la Californie du début des années 70, avec une réelle topographie des lieux, soulignant les bons mais aussi les mauvais côtés de la culture de l’époque. La lecture de cet excellent roman noir, qui n’a pas vieilli, nous replonge dans cette fabuleuse décennie à travers une intrigue qui garde son suspense jusqu’au dénouement.

La réédition par Brash Books est une excellente initiative car le décès de Carolyn Weston en 2001 aurait pu faire passer définitivement à la trappe ces trois enquêtes. Elles sont toutes les trois rééditées en 2015 et Robin Burcell a décidé de faire revivre Krug et Kellog. Ancienne officier de police pendant trois décennies, spécialiste dans les négociations avec des preneurs d’otages, Robin Burcell est devenue auteur de romans policiers à succès et en novembre de la même année sortit The Last Good Place, un revival des enquêtes de Krug et Kellog, aux prises avec un étrangleur en série, cette fois à San Francisco. 

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Traductions par Denis Chauvet.

 

 

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THE STREETS OF SAN FRANCISCO: A QUINN MARTIN TV SERIES  

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