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Saga Louis de Funès

1 -Une lente ascension (jusqu'en 1964) 2ème partie

1. Les veinards - 1963

2. Pouic-Pouic – 1963

3. Faites sauter la banque – 1964

4. Une souris chez les hommes [ou Un drôle de caïd] – 1964

 


1. LES VEINARDS

Antoine Beaurepaire, un Français moyen, est l'heureux gagnant du gros lot de la loterie nationale. Accompagné par sa femme et sa fille, il va chercher son argent, et on lui remet une valise contenant cent millions de francs. Et voilà le calvaire qui commence pour M. Beaurepaire, qui voit aussitôt dans tous les passants des voleurs désireux de lui arracher sa précieuse valise...

Les Veinards est un film à sketches sur le thème des chanceux, des heureux vainqueurs de lots divers, auxquels les gains ne vont pas forcément porter bonheur. Louis de Funès joue dans le sketch Le Gros Lot réalisé par Jack Pinoteau.

Le comique est basé sur la peur de Beaurepaire, hanté par les voleurs susceptibles de lui arracher sa précieuse valise ; ainsi, tout le monde devient suspect à ses yeux. Une bande de jeunes se transforme en « blousons noirs » bien qu'ils ne portent aucun blouson :

« C'est des blousons noirs ! Ils ont pas mis les blousons pour pas qu'on les reconnaisse, mais c'est des blousons noirs quand même ! »

Certes, la multiplication d'effets comiques de ce style aurait pu devenir vite lassante, mais le talent de Louis de Funès est là, et il ne s'agit que d'un sketch au sein d'un film qui en comporte trois, donc la durée est assez limitée.

Durée limitée mais néanmoins suffisante pour permettre à De Funès de développer un comique particulièrement efficace, alors que son personnage de nerveux autoritaire est tout à fait au point et qu'il s'apprête à obtenir la consécration qu'il mérite tant après des années de disette et de demi-succès.

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2. POUIC-POUIC

Production : ERDEY FILMS, COMACICO
Scénario : Jacques VILFRID, Jean GIRAULT, d'après leur pièce Sans Cérémonie
Adaptation : Jacques VILFRID, Jean GIRAULT
Dialogues : Jacques VILFRID
Réalisation : Jean GIRAULT
Musique : Jean-Michel DEFAYE 

Léonard Monestier, un homme d'affaires irascible, est marié avec Cynthia, une femme candide et excentrique qui lui offre la concession d'un terrain pétrolifère sud-américain en guise de cadeau d'anniversaire. Ébahi, il comprend que son épouse a été victime d'un escroc, mais le pire est qu'elle a vendu des actions dont le cours montait en flèche pour acheter cette concession sans valeur. Léonard décide de revendre ce cadeau encombrant à Antoine Brévin, un riche héritier particulièrement naïf. Il compte sur sa fille Patricia, dont Brévin est amoureux, pour l'aider à conclure l'affaire, mais Patricia fait croire à son père qu'elle vient de se marier afin d'être débarrassée d'Antoine...

GENÈSE :

En 1953, Louis de Funès avait tenu un rôle secondaire, celui du maître d'hôtel, dans Sans Cérémonie, une pièce de théâtre de Jacques Vilfrid et Jean Girault. Les acteurs principaux étaient Albert Préjean et... Claude Gensac, la future épouse de Fufu à l'écran.

Dix ans plus tard, Vilfrid et Girault proposent à Louis de jouer dans l'adaptation au cinéma, mais cette fois-ci dans le rôle principal. Il leur était devenu évident que le personnage de Léonard Monestier conviendrait parfaitement au jeu comique que développait De Funès.

On peut penser que Pouic-Pouic, ainsi que Faites sauter la banque tourné dans la foulée, ont été décisifs dans l'arrivée au sommet de Louis de Funès. Pour la première fois, il tenait le rôle principal dans des films d'un autre calibre que ceux de deuxième ou troisième zone auxquels il était habitué jusqu'alors quand il tenait le rôle principal. Dans les films de prestige auxquels il avait participé auparavant, il ne tenait que des rôles secondaires (voir La Traversée de Paris).

La réussite incontestable de ces deux films lui a sans doute donné accès au Corniaud, élément-clé de son succès populaire.

À noter que la pièce a été reprise en 2012 avec Valérie Mairesse et Lionnel Astier dans les rôles principaux.

RÉALISATEUR :

Jean Girault a débuté sa carrière de réalisateur en 1960. Après quelques comédies avec Francis Blanche et Darry Cowl, il enchaîne sur des films avec son ami Louis de Funès. Sa participation au film Les Veinards n'avait pas concerné le sketch Le Gros Lot dans lequel Louis tenait le rôle principal. Pouic-Pouic fut donc la première collaboration entre les deux hommes au cinéma.

DÉCORS :

Hormis le passage se déroulant dans un café près de la Bourse de Paris, tourné en extérieur, l'essentiel des prises de vues ont été filmées dans  les studios Franstudio de Saint-Maurice. Les décors sont de Sydney Bettex.

Le film existe en version noir-et-blanc d'origine, ainsi qu'en version colorisée.

GÉNÉRIQUE :

Le générique montre Patricia qui s'entraîne au tir, puis refuse tour à tour les cadeaux de plus en plus importants envoyés par Brévin. Les « Renvoyez ! » de Patricia rythment l'ensemble, avec la musique mise en sourdine à chaque fois que la jeune femme parle.

La musique de Jean-Michel Defaye n'est guère mémorable, avec une mélodie quelconque et des sonorités années 50 prononcées. Surtout, elle semble plus relever de l’univers du music-hall que de celui de la comédie, et donc peu adaptée au film. 

SCÉNARIO :

Dans le style théâtre de boulevard, le scénario ne laisse aucun répit au spectateur, caractéristique récurrente des adaptations (réussies) au cinéma de pièces de théâtre, et Louis de Funès participera à nombre d'entre elles pour le plus grand bonheur du public.

Léonard Monestier, un homme d'affaires nerveux et autoritaire, habite dans une splendide villa de la grande banlieue chic de Paris, mais se déplace souvent dans la capitale pour la conduite de ses affaires. Alors qu'il se trouve justement à la Bourse de Paris et que son épouse Cynthia l'a pour une fois accompagnée, sa fille Patricia reste seule avec le maître d'hôtel dans leur villa. Les Monestier ont également un fils, Paul, mais celui-ci est parti pour un long voyage en Amérique du Sud.

Patricia subit les assauts d'Antoine Brévin, un riche héritier assez niais, relation récente de ses parents. Follement épris, Antoine fait parvenir à sa bien-aimée des cadeaux de plus en plus importants qu'elle lui retourne systématiquement car ce vaniteux l'horripile. Exaspérée, la jeune femme demande conseil à l'essayeur du garage voisin qui vient de lui proposer une belle voiture rouge de la part d'Antoine. L'homme lui répond en plaisantant qu'elle devrait épouser quelqu'un d'autre.

Mademoiselle Monestier saute sur l'occasion : elle propose à Simon Guilbaud, l'essayeur, de lui payer dix fois son salaire pour faire croire à tout le monde, y compris à ses parents, que tous deux sont mariés. D'abord réticent, Simon, attiré par Patricia, finit par accepter.

Pendant ce temps, Léonard scrute les cours de la Bourse. De mauvaise humeur, il éconduit vertement Aldo Caselli, un escroc notoire qui cherche à lui vendre la concession d'un terrain situé en Amérique du Sud et dont le sous-sol regorgerait de pétrole.

Monestier retrouve le sourire lorsque le cours de ses actions se met à monter de manière spectaculaire. Quant à Caselli, déçu de ne pas trouver preneur, il quitte la Bourse et s'installe à la terrasse d'un café alentour. Justement, il se retrouve à côté de Cynthia Monestier, et flaire la belle aubaine...

De retour chez eux, les Monestier expriment des sentiments divers. Léonard peste contre son épouse qui, excédée par les fortes chaleurs, l'a conduit à rentrer plus tôt que prévu au détriment de ses affaires. Cynthia espère lui rendre sa bonne humeur en lui offrant son cadeau d'anniversaire.

En effet, Léonard est enchanté que sa moitié ait pensé à son anniversaire, mais l'embellie est de courte durée. Lorsqu'il découvre son cadeau, le malheureux n'en revient pas : il s'agit de la prétendue concession de Caselli ! Incrédule sur le fait que Cynthia ait pu payer l'escroc cash, elle lui apprend qu'elle s'est adressée à l'agent de change du couple et lui a ordonné de vendre quelques actions, justement celles qui étaient en train de grimper ; elle n'a pas hésité pour cela à imiter la signature de son mari !

Léonard connaît le caractère excentrique et naïf de son épouse, et se montre donc plus atterré que réellement surpris. Charles, le maître d'hôtel, lui signale qu'Antoine Brévin s'est manifesté à plusieurs reprises en son absence, d'où l'idée de Léonard : Brévin a hérité de millions de dollars, mais ne connaît rien aux affaires, il est candide, voire stupide ; voilà le pigeon idéal pour revendre la concession et récupérer de l'argent liquide !

Monestier compte sur Patricia pour faire du charme à Antoine, ce qui le mettra dans de bonnes dispositions pour acquérir la concession. Il téléphone aussitôt à ce « cher Antoine » et l'invite à passer le week-end chez lui.

Charles va faire passer la bonne humeur retrouvée d'Antoine en lui annonçant que sa fille Patricia vient de se marier à son insu. D'abord incrédule, il décide de mettre le « mari » à la porte illico presto. Guilbaud part pour chercher ses affaires, mais annonce à son hôte malgré lui qu'il va revenir : pas question pour lui de trahir la confiance de Patricia !

Léonard explique la situation à sa fille : pendant le week-end, elle devra rester pour Antoine une jeune fille et lui faire du charme afin de l'inciter à racheter cette maudite concession. Il tente aussi d'informer sa femme alors que celle-ci promène son poulet (!) nommé Pouic-Pouic, mais Cynthia a du mal à comprendre les subtilités sorties du cerveau de son époux.

Brévin s'est hâté pour arriver plus vite et se montre ravi de retrouver Patricia. Léonard ne tarde pas à lui faire sa proposition : Antoine a beau être bête, il se méfie quand même et hésite. Sachant que le fils de Monestier voyage actuellement en Amérique du Sud, il croît que c'est Léonard qui l'a envoyé là-bas pour acquérir cette concession. Monestier saute sur l'occasion, mais Brévin demande à parler au fils prodigue avant de se décider.

Léonard ne peut attendre le retour de Paul. Il regarde par la fenêtre et voit Simon revenir avec son baluchon sur le dos. Or, Brévin n'a jamais vu Paul : c'est décidé, Simon sera présenté à Antoine sous l'identité du fils Monestier ! Léo s'entretient avec lui : il lui présente ses excuses pour son accueil peu cordial et lui demande de jouer le jeu en échange d'une bonne rémunération. Fort heureusement, Guilbaud accepte, c'est un aventurier qui ne manque pas de bagout car il ne va pas être facile de jouer à la fois un mari pour les uns, un frère et un explorateur pour les autres...

Simon produit une excellente impression sur Antoine. Au moment où celui-ci s'apprête à signer, Paul, le vrai fils des Monestier, surgit, accompagné d'une charmante vénézuélienne ! Antoine se pose des questions car les Monestier ne lui avaient pas dit qu'ils avaient deux fils, et pour cause !

Léonard est pressé de conclure l'opération car Antoine a tenté de joindre son fondé de pouvoir par téléphone, et s'il réussit à lui parler, il saura à quoi s'en tenir au sujet du pétrole. Charles rassure son patron : la téléphoniste est son amie, et Antoine n'obtiendra jamais sa communication... En effet : alors que Blondeau, le fondé de pouvoir, se trouve en Corse, la standardiste s'ingénie à brancher le téléphone partout ailleurs jusqu'à Melbourne !

Les agissements de Charles sont les bienvenus, car malgré de savants préparatifs pour mettre Antoine dans des conditions idéales, un contretemps de dernière minute empêche toujours la signature au moment où Brévin a le carnet de chèques en mains : interventions intempestives de Cynthia et de la vénézuélienne, pluie de Champagne sur le malheureux Antoine...

Paul est déçu par la tournure que prennent les événements. En effet, son père lui fait jouer le rôle du fils inutile et paresseux pour mieux mettre en valeur Simon, le « chef né » au caractère décidé et entreprenant. Du coup, sa fiancée vénézuélienne Palma, une aventurière qui cherche à se caser avec un homme riche et puissant, le délaisse au profit de Simon, ceci au grand dam de Patricia tombée amoureuse de Simon.

Aux grands maux les grands remèdes : sur une idée de Charles, Paul décide d'utiliser une astuce pour inciter Antoine à signer. Palma a fini par comprendre que l'homme le plus riche, donc le plus intéressant, est Antoine Brévin, elle s'est donc jetée à son cou, et Antoine semble soudainement oublier son amour pour Patricia. Paul espère en fait récupérer Palma lorsque Brévin aura acquis la concession et sera reparti.

Le plan de Paul et Charles consiste à truquer un poste de radio : Charles installe un micro d'où il diffusera un faux bulletin d'informations annonçant qu'un fabuleux gisement de pétrole vient d'être découvert près des sources de l'Orénoque, c'est-à-dire à l'endroit même où se trouve la concession. Le problème, c'est que le plan réussit trop bien : Brévin affirme « n'avoir jamais douté » et veut sur le champ acquérir la concession, mais Léonard, non averti de la supercherie, tombe lui aussi dans le panneau et refuse l'offre de Brévin qu'il éconduit de manière particulièrement impolie ! Lorsqu'il découvre la vérité, il est trop tard pour récupérer Antoine, et Léonard s'en prend à Charles et à Paul, coupables de ne pas l'avoir prévenu de leur idée.

La situation va être débloquée par Simon. Il s'introduit dans la chambre de Palma et la démasque : elle est en réalité danseuse de cabaret et purement parisienne, et Paul l'a rencontrée à Montmartre. Il semble que Paul ait préféré dépenser l'argent des voyages pour faire la noce à Paris...

Simon propose à la fausse vénézuélienne de ne pas la dénoncer et de pouvoir partir avec Brévin, mais en échange elle devra persuader Antoine d'acquérir la concession. Chose faite le lendemain matin, puis elle quitte la maison avec son nouveau compagnon. Exit Antoine Brévin qui a tout de même emporté la concession !

Léonard se réveille de mauvaise humeur et explose lorsque sa radio diffuse à nouveau l'information selon laquelle un gisement de pétrole aurait été découvert sur le site de la concession. Il croît que Paul et Charles recommencent leur plaisanterie, mais découvre qu'il n'y a aucun trucage possible et exulte : le voilà riche à milliards ! Lorsqu'il apprend que la concession a été vendue à Brévin, il manque d'avoir une attaque.

Finalement, Léonard se remet très bien de sa déconvenue, et Simon peut épouser Patricia pour de bon. Cynthia annonce que, pour leur cadeau de mariage, elle a acheté quelque chose...

DISTRIBUTION :

Si par la suite De Funès sera souvent l'unique vedette de ses films, donc entouré d'acteurs de second plan, ici la distribution constitue un des points forts. Tous les comédiens apportent un plus dans la composition de leurs personnages respectifs.

C'est donc Louis de Funès qui reprend le rôle de Léonard Monestier, cet homme d'affaires nerveux et maussade, obsédé par les cours de la Bourse et par l'argent au point de fatiguer un cœur déjà fragile. Il est curieux de constater comme ce personnage paraît taillé sur mesure pour Louis alors qu'il a été créé au théâtre pour Albert Préjean. Mais sans doute le rôle a-t-il été adapté au jeu particulier de Fufu tout comme pour Oscar quelques années plus tard.

Jacqueline Maillan retrouve son ancien compagnon des Branquignols pour interpréter Cynthia, l'épouse de Léonard. Cynthia est naïve, tête en l'air, et pas très futée. Elle a pour animal familier un poulet appelé Pouic-Pouic, ce qui exaspère son mari. La façon de jouer de la Maillan est évidemment idéale pour ce genre de personnages.

Acteur de théâtre, de cinéma, et de télévision, mais aussi chanteur, Philippe Nicaud était spécialisé dans les rôles de jeune premier. Il est donc tout à fait naturel qu'on ait pensé à lui pour incarner Simon Guilbaud, cet aventurier séduisant qui a envie de se fixer. Très attiré par Patricia, il ne va pas tarder à la séduire non seulement par son physique avantageux, mais aussi par son attitude ironique et mordante. Nicaud est époustouflant et apporte beaucoup au film.

Après avoir débuté au cinéma en 1960, Mireille Darc obtient son premier rôle important sur Pouic-Pouic. Elle interprète Patricia, la fille des Monestier. Patricia déteste Antoine Brévin qui l'horripile, mais est très attirée par le séduisant Simon Guilbaud qu'elle a engagé afin de le faire passer pour son mari. Il est visible qu'elle souhaiterait voir la fiction devenir réalité ; par exemple, elle se montre très jalouse de Palma lorsque la prétendue vénézuélienne tente de séduire Simon. Comme il se doit, le film se terminera par le mariage de Simon avec Patricia...

Christian Marin, qui deviendra un familier de Louis de Funès, interprète Charles, le maître d'hôtel. Intelligent et débrouillard, Charles rend de grands services à Monestier, par exemple en lui suggérant le nom d'Antoine Brévin lorsqu'il cherche une « poire » susceptible de racheter la concession sans valeur, ou en empêchant le même Brévin d'obtenir la communication téléphonique avec son fondé de pouvoir. À chaque service rendu, Léonard lui annonce qu'il va doubler son salaire ! Mais en fin de film, il ne pardonnera pas à son domestique le coup du faux journal radiodiffusé. Charles est tellement déçu qu'il donne sa démission, d'ailleurs très provisoire car comme le lui fait remarquer Cynthia, la vie loin des Monestier lui paraîtrait bien fade. Saluons le jeu parfait de Christian Marin, comme à son habitude.

Le personnage stupide et falot d'Antoine Brévin est joué par l'excellent Guy Tréjean, que Louis retrouvera sur Jo, un autre film de Jean Girault. Antoine a hérité de millions de dollars légués par son oncle, mais est incapable de gérer sa fortune lui-même. Il ne pense qu'à la gent féminine, persuadé qu'aucune femme ne peut résister à son charme... et à son argent. Il a jeté son dévolu sur Patricia, mais changera vite d'avis lorsque Palma lui fera des avances très poussées.

Roi du second rôle au cinéma et à la télévision, également acteur de théâtre, Roger Dumas interprète Paul, le « vrai » fils des Monestier. Paul est déçu de se voir relégué au second plan du fait de la présence de Simon que Léonard a décidé de présenter à Brévin comme « son fils le plus entreprenant ». Sur le fond, le rôle de paresseux que lui octroie son père n'est pas si éloigné de la réalité : au lieu de visiter l'Amérique du Sud, Paul a préféré mener la belle vie à Montmartre...

Maria-Rosa Rodriguez, appelée dans ce film Yana Chouri, compose une prétendue vénézuélienne très au point. Palma Diamantino se nomme en réalité Régine Mercier et se transformait en Palma tous les soirs dans un cabaret de Montmartre avant de flairer la bonne affaire avec Paul. Son seul but est de séduire un homme riche afin de mener la grande vie.

Aldo Caselli, l'escroc de la Bourse, est interprété par le sémillant Daniel Ceccaldi dont le jeu empreint d'ironie canaille convient à merveille à ce personnage sans scrupules. Avec son beau chapeau blanc, il a fière allure... comme tous les escrocs, ainsi que le fait remarquer Morrison, un collègue boursicoteur de Monestier incarné par Philippe Dumat. Ancien de la troupe des Branquignols comme De Funès et Maillan, Philippe Dumat a beaucoup joué au théâtre et a tenu nombre de petits rôles au cinéma et à la télévision.

Yves Barsacq, qui deviendra un grand familier de Louis de Funès dans des tout petits rôles, interprète ici James, le chauffeur des Monestier, alors que Pierre Bouteiller est la voix de de la radio qui annonce la découverte (véritable) du gisement de pétrole en fin de film.

Hormis le chien Gold, un des cadeaux de Brévin pour Patricia, qu'Antoine assimile à un « fauve », on notera que Jean Girault a voulu jouer les Hitchcock en faisant une brève apparition dans son film : il est un des joueurs de la Bourse.

TEMPS FORTS :

Dans le plus pur style théâtre de boulevard, le scénario est mené à un train d'enfer. Les scènes comiques, toutes plus drôles les unes que les autres, s'enchaînent à un rythme frénétique si bien qu'il est difficile d'en ressortir certaines par rapport à d'autres.

C'est que les effets comiques sont procurés non seulement par Louis de Funès, mais par la plupart des autres acteurs, ce qui ne sera pas toujours le cas dans les films suivants de Fufu. Même Philippe Nicaud, a priori surtout présent pour jouer le séducteur, est souvent drôle en raison de son humour caustique, et ce tout en restant exceptionnel dans ses attributs de jeune premier, le personnage joué par Mireille Darc ne tardant guère à tomber entre ses filets. Simon Guilbaud a le sens de la répartie comme le montre le dialogue suivant dès sa première rencontre avec Léonard :

- Si vous ne partez pas immédiatement, je me charge de vous reconduire moi-même : championnat d'Ile-de-France de Judo, 1938, demi-finaliste !
- Championnat de France, 1954, finaliste !

 

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Et quelle imagination lorsqu'il doit se faire passer auprès d'Antoine pour un explorateur qui revient de la jungle amazonienne !

- Ah ! Monsieur Brévin ! Sans l'insistance de mon père, je signais avec Brookenmeyer...
- Alors, vous vous êtes aventuré tout seul dans cette jungle inhospitalière ?
- Au départ, j'avais un guide. Mais il est mort, bouffé par un boa !
- Le pauvre homme ! Quelle triste fin !... Mais comment ces indigènes vont-ils nous accueillir ?
- Prosternés, justement ! J'ai sauvé la vie de leur chef Mambo ! Un curieux personnage...
- Anthropophage ?
- Non, végétarien ! Sauf une jeune vierge de temps en temps, aux éclipses partielles du soleil, c'est très curieux, d'ailleurs... Voici la concession : qu'en pensez-vous ?
- J'avoue que je suis assez déconcerté : je m'attendais à un titre de propriété plus classique...
- Avec des signatures, des tampons et des timbres fiscaux ? Mais qu'est-ce que vous croyez ? Que j'ai trouvé du pétrole place de l'Opéra ? (Il fait mine de reprendre la concession) Bah ! Aucune importance ! Brookenmeyer sera moins regardant...

Guy Tréjean est tordant du début à la fin dans son rôle de riche héritier naïf et incompétent, mais aussi de lavette doublée d'un incorrigible coureur de jupons. Il faut le voir manquer de se « noyer » dans une rivière pourtant très peu profonde, ou geindre sous prétexte de quelques gouttes de champagne qui l'ont arrosé du fait de la maladresse de Léonard.

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La scène la plus drôle avec Tréjean est probablement celle où, Patricia lui ayant demandé de partir avec lui pour échapper à l'attraction de Guilbaud, elle décrit l'attitude virile du même Guilbaud, et « ce cher Antoine » croit qu'elle parle de lui :

- Il est ironique, crispant, me traite comme une petite fille, se conduit en terrain conquis. Mais pourquoi ces sales types sont-ils les seuls à être vraiment attirants ? Il faut que je réagisse !
- Mais vous n'êtes pas parvenu à le détester... Ainsi, c'est comme ça que vous me voyez : je suis un dur...

Du coup, Brévin se met à jouer les « durs » de pacotille, comme par hasard avec Paul, l'homme le plus faible de la maisonnée !

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Jacqueline Maillan, est-il besoin de le préciser, est hilarante en épouse écervelée. Sa naïveté ne l'empêche pas d'aider Léonard comme elle le peut : elle distrait Brévin en lui offrant des crêpes et en le faisant danser, et sait trouver une explication pour tout, même pour l'inexplicable. Dialogue entre Antoine et elle :

- Une chose m'étonne...
- Une seulement ? Vous êtes raisonnable...
- J'ignorais que vous aviez deux fils.
- Oui... mais vous savez, nous ne vous disons pas tout, Antoine !
- Ils ont fait le même voyage en Amérique du Sud, et cependant, vous parliez toujours d'un seul...
- Mais... mais nous les confondons dans la même affection... (!)

Le jeu de Christian Marin est également un régal. Il faut dire qu'il reprend le rôle de Fufu dans la pièce et s'en donne à cœur joie en maître d'hôtel rusé qui anticipe à merveille les besoins de son patron. Ceci ne l'empêche pas de se montrer en permanence ironique envers son maître. Voir par exemple la façon dont il lui annonce que sa fille est mariée :

- Charles, ne vous mariez jamais !
- Cela se fait pourtant, Monsieur, même dans les meilleures familles, et parfois avec une rapidité surprenante...
- Où est Mademoiselle Patricia ?
- Madame est dans le parc !
- Mais qu'est-ce qui vous prend d'appeler ma fille « Madame » ?
- C'est l'usage, Monsieur, lorsqu'une jeune fille prend un mari : on cesse de l'appeler « Mademoiselle » pour l'appeler « Madame »...
- Vous n'auriez pas besoin de vacances, vous ?
- Moins que Monsieur, si je peux me permettre...
- Ça suffit ! Je vous somme de vous expliquer !
- Mademoiselle Patricia est mariée, Monsieur !
- Écoutez, que ma femme achète une forêt vierge à mon insu, passe encore ! Mais que ma fille soit mariée sans que je sois au courant...

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L'entourage de Louis apporte donc beaucoup, et sans lui faire la moindre parcelle d'ombre puisqu'on retrouve un Fufu habituel, véritable tornade qui se déchaîne sans retenue. Obsédé par les cours de la Bourse, Léonard Monestier l'est au point de se méprendre sur les propos de son entourage. Dialogue entre sa femme et lui à leur retour de Paris :

- Écoutez, Léo, je ne peux supporter à la fois votre mauvaise humeur et la hausse du mercure !
- Le mercure monte ?
- C'est fou !
- Alors, c'est le moment d'acheter ! (Il se précipite sur le téléphone)
- Mais non ! Je parlais du mercure qui se trouve dans les thermomètres, et qui monte sous l'effet de la chaleur...

Toujours aussi hypocrite, Monestier flatte son hôte non sans exagération, attitude « funésienne » habituelle lorsqu'il s'agit soit de quelqu'un d'important, soit de quelqu'un dont il a besoin, cas rencontré ici. Il faut à tout prix refiler la concession à Brévin, aussi Léonard va donner du « Ce cher Antoine » avec des intonations de snob pendant tout le film... sauf lorsqu'il croira que le pétrole existe ; à ce moment-là, il va se venger des attentions prodiguées auparavant, et sans aucun ménagement :

- Mon cher Léonard, je n'ai jamais douté ! J'achète immédiatement !
- Vous ne croyez pas que je vais vous faire un cadeau pareil, à vous ? Et puis d'abord, ma fille, elle est mariée, Monsieur ! Ça fait assez longtemps que vous vous gobergez ici ! Il danse avec ma femme, il fait la cour à ma fille, il me ruine en téléphone !
- Votre conduite est inqualifiable ! Je préfère croire que vous n'êtes pas dans votre état normal. Nouveaux riches ! Pauvres gens !
- Ah ! Ah ! Nous sommes plus riches que lui !

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L'aspect théâtral est une constante dans le jeu de Louis de Funès. On le retrouve ici non seulement dans les « Ce cher Antoine » trop ostensibles, mais aussi lorsque Léonard apprend à son hôte que l'affaire proposée concerne du pétrole : il parle tout bas, comme si des inconnus introduits dans la maison pouvaient écouter, cachés dans quelque pièce voisine, les oreilles collées contre le mur :

- J'ai la concession exclusive d'un terrain situé en Amérique du Sud aux sources de l'Orénoque sur le territoire des Indiens Bosso-Tajos. Savez-vous ce que renferme le sous-sol ?
- De l'or ?
- Non.
- De l'uranium ?
- Non.
- Quoi donc, alors ?
- Du pétrole...
(inaudible)
- Comment ?
- Du pétrole...
(toujours aussi inaudible)
- Je n'ai pas compris...
(Il lui dit tout bas dans l'oreille)
- Ah ! Du pétrole !
(très fort)
- Chuuuuut ! Allons, voyons ! Une fuite et le marché s'effondre !
- Mais en quoi suis-je concerné ?
- Je vous cède l'affaire ! C'est un coup gigantesque, mais financièrement il faut un géant, un homme entreprenant, capable de prendre des décisions rapides ! Bref, un homme comme vous !
- Mais ce pétrole, il existe ?
- Ah ! Mais dites tout de suite que vous n'avez pas confiance en moi ! Léonard Monestier, le père de Patricia Monestier ?
- Si, mais je demande à voir !
- Dans ce cas, mon cher Antoine, n'en parlons plus ! N'en parlons plus !...
- Écoutez...
- Mais vous savez, vous avez de la chance que mes capitaux soient engagés ailleurs ! Au prix où je vous cède l'affaire, c'est un cadeau ! C'est un cadeau !

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POINTS FAIBLES :

La perfection n'existe pas, mais on n'en est pas loin dans ce film... seul le poulet Pouic-Pouic apparaît assez ridicule, non pas en tant que tel, mais faire de lui un animal familier... même de la part de Jacqueline Maillan, c'est un peu gonflé ! Néanmoins, cela a permis de donner au film un titre plus original que le banal Sans Cérémonie de la pièce de théâtre.

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ACCUEIL  :

Triomphe, pas forcément attendu, mais triomphe quand même puisque Pouic-Pouic franchit la barre des trois millions d'entrées. Cela paraît presque faible par rapport aux futurs scores de Louis de Funès, mais pour un film en noir-et-blanc, et alors même que Fufu n'est pas encore devenu la star numéro un, la performance est remarquable.

SYNTHÈSE  :

Un film très, très drôle, et indémodable. Le début de la légende De Funès.

LES SÉQUENCES CULTES :

Oh, elle y a pensé !

Le mercure monte ?

Tâchez de caser au mieux ce que je vais vous dire

En cas de pépin, l'oeil de biche !

Mais comment mon Pouic-Pouic peut-il être dans la radio ?

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3. FAITES SAUTER LA BANQUE ! 

Production : Raymond DANON
Scénario : Jacques VILFRID, Jean GIRAULT, d'après une idée de Louis SAPIN
Adaptation : Jacques VILFRID, Jean GIRAULT
Dialogues : Jacques VILFRID
Réalisation : Jean GIRAULT
Musique : Paul MAURIAT

Victor Garnier est artisan armurier à Paris. Marié et père de trois enfants, il a constitué une conséquente « réserve » d'économies sous forme de billets de banque. Sur les conseils du directeur de la banque qui fait face à son magasin, il investit la totalité de son argent dans des actions Tangana avec la promesse de « doubler son capital en moins de six mois ». En réalité, le financier est un escroc qui vole sa propre banque et ses clients afin d'entretenir une coûteuse maîtresse, et les Tangana perdent rapidement toute valeur suite à une nationalisation. Garnier décide de récupérer ses biens en cambriolant la banque, et se propose de creuser un tunnel depuis sa cave afin d'atteindre la salle des coffres. Le travail sera effectué en famille, mais ne va pas manquer d'apporter son lot de surprises...

GENÈSE :

Le succès de Pouic-Pouic conduit Jean Girault à proposer à Louis de Funès d'enchaîner sur une nouvelle comédie. Fufu accepte et on ne peut lui donner tort puisque Faites sauter la banque sera une nouvelle splendide réussite. Il est d'ailleurs permis de préférer ces premiers Girault-De Funès à la série des Gendarme qui a suivi...

RÉALISATEUR :

Jean Girault est donc aux commandes, et constitue son équipe habituelle avec Jacques Vilfrid comme coscénariste et coadaptateur.

Louis de Funès et lui se doutent-ils alors qu'une dizaine d'autres films à grand succès issus de leur collaboration succéderont à celui-ci lors des deux décennies suivantes ?

DÉCORS :

Les quelques extérieurs ont été tournés à Saint-Germain-en-Laye. La prétendue banque est un immeuble situé à l'angle de la rue des Coches et de la rue du Vieil abreuvoir.

Il ne s'agit pas d'une superproduction à la Oury ou dans le style des Gendarme qui suivront, mais d'un film à budget moyen, donc essentiellement tourné en studios, en l'espèce ceux de Boulogne.

Le film a été colorisé en 1993 : excellente idée car la couleur sied beaucoup plus à cette comédie que le noir-et-blanc.

GÉNÉRIQUE :

Pas de séquence pré-générique, donc le début est constitué du générique, et ce générique retient l'attention pour deux raisons.

En premier lieu, allant à rebours de la tendance de l'époque, il ne s'agit pas d'un simple déroulé de noms de producteurs, d'acteurs, et de techniciens, mais d'une présentation du contexte, avec des vues de la banque et du magasin de Garnier, et de la façon dont le commerçant gère sa boutique en famille.

En second lieu, la musique est excellente avec ses trilles de flûte et ses intonations jazzy, cette bonne surprise est signée Paul Mauriat. Orchestrateur de succès incontournables d'Aznavour (Trousse-Chemise, La Mamma...), Mauriat est le seul artiste français à avoir été numéro un des ventes aux États-Unis grâce à Love is blue, une reprise instrumentale d'une chanson présentée au concours Eurovision de la chanson et défendue pour le Luxembourg par la chanteuse grecque Vicky Leandros, avec une 4ème place à la clé.

Question musique, la fiancée du fils de Garnier et ses invités dansent le twist lors de la surprise-party ; logique : il s'agit de la danse à la mode du début des années soixante.

SCÉNARIO :

Assez bien ficelé, le scénario de Vilfrid et Girault est un bijou pour Louis de Funès, déjà vedette incontestable du film, et bien secondé par un Jean-Pierre Marielle égal à lui-même.

Victor Garnier tient une petite boutique d'armurerie, chasse et pêche dans Paris. Il est fier d'être un artisan et travaille en famille avec son épouse Éliane et ses trois enfants Isabelle, Gérard, et Corinne. En face de sa boutique se trouve la banque de crédit Durand-Mareuil, dont le directeur André-Hugues a sympathisé avec lui.

Victor décide de confier ses économies, une impressionnante réserve de billets de banque, à Durand-Mareuil afin de faire fructifier son capital. Le banquier lui propose d'investir dans l'achat d'actions Tangana dont le cours devrait, selon lui, doubler dans les six prochains mois. Garnier accepte, confiant dans les connaissances financières de son voisin.

La catastrophe ne tarde pas à se produire : les mines Tangana sont nationalisées et le cours de l'action tombe vite à zéro. Voilà la famille Garnier ruinée ! Pas dupe, Victor comprend que Durand-Mareuil savait que les Tangana allaient être nationalisées, et qu'il a tout bonnement gardé l'argent pour lui afin d'entretenir la belle jeune fille avec qui il s'affiche dans sa superbe voiture de sport rouge.

Après avoir ruminé pendant des jours, houspillant clients et famille, l'idée de prendre sa revanche survient... à la messe. Interprétant à sa façon le sermon du curé qui a recommandé de ne pas confondre la bonté et la faiblesse, et de tenter de récupérer sans esclandre les biens dérobés par toute personne mal intentionnée, Victor annonce à sa famille qu'il va cambrioler la banque d'en face. Éliane croit à une plaisanterie, mais son époux la détrompe et lui avoue la vérité au sujet du vol de leurs économies.

Révoltés par le comportement de Durand-Mareuil, Éliane et ses enfants sont désormais tous d'accord avec Victor pour se faire justice eux-mêmes. Ils passent en revue toutes les possibilités de cambriolage, et décident finalement de creuser un souterrain depuis leur cave afin d'atteindre la salle des coffres située juste en face. 

Prétextant des infiltrations qui se seraient produites dans les caves, Garnier part en repérage à la banque et obtient du directeur une visite des coffres, aidé par sa fille cadette Corinne. Pendant ce temps, son aînée Isabelle profite de l'attirance qu'elle exerce sur Philippe Brécy, un cadre stagiaire de la banque (attirance d'ailleurs très réciproque...) pour obtenir des renseignements sur le système d'alarme et les moyens de défense afin de s'assurer que « son argent soit en sûreté » dans le coffre qu'elle prétend vouloir louer.

Désormais bien renseigné et muni de tout l'équipement qu'il pense nécessaire, Garnier entreprend le creusement du tunnel, secondé par Gérard. Mais son idée d'étayer avec des lames de parquet s'avère désastreuse et le tunnel ne tarde pas à s'ébouler, manquant d'ensevelir père et fils. Garnier va prendre les conseils d'un spécialiste des travaux publics à qui il fait croire qu'il veut reconstituer la caverne d'Ali Baba pour l'offrir à sa femme comme cadeau d'anniversaire.

Le travail peut repartir sur des bases plus solides et avance à un rythme convenable malgré quelques contretemps comme le contournement d'une descente d'égout, la livraison dans la cave d'une réserve de charbon qui manque d'ensevelir Gérard, ou l'aboutissement par erreur dans un tunnel du métro.

Mais les retards vont s'accumuler, d'abord avec l'arrivée impromptue de cousins belges, dont Victor se débarrassera sans ménagement, ensuite avec le départ d'Éliane et des enfants, contraints d'aller en Bretagne assister aux obsèques d'une vieille tante oubliée.

L'absence d'Éliane et le comportement suspect de Victor alertent sa femme de ménage et ses voisins. L'environnement se monte vite la tête et Garnier se retrouve soupçonné d'avoir tué sa femme lors d'une crise de jalousie et de l'avoir enterrée dans sa cave afin de bénéficier d'une prime d'assurance-vie !

Un agent de police avec qui Garnier avait eu maille à partir (il avait projeté son vélo à terre afin de garer sa voiture...) décide d'intervenir et menace Victor de son arme afin qu'il lui montre soit sa femme, soit sa cave. La conviction du policier est renforcée par l'attitude de l'assassin présumé qui refuse de montrer sa cave afin que le tunnel ne soit pas découvert. Heureusement, Éliane et les enfants sont de retour avant que l'agent n'ait pu descendre dans la cave. Anéanti par sa bévue, le malheureux policier implore son pardon à Victor. Lorsque ce dernier apprend que l'agent « est en passe de devenir inspecteur », et « se charge de démontrer son innocence si désormais on l'accuse de quoi que ce soit », Garnier décide de profiter de l'aubaine et renonce à le dénoncer à ses supérieurs.

Après plusieurs jours de travail acharné, les efforts de la famille Garnier sont enfin récompensés : le tunnel semble avoir atteint son but. Mais à l'instant où Victor s'apprête à faire sauter la cloison de la banque, les Garnier sont surpris par Philippe, qui a suivi Isabelle à son insu à leur retour du cinéma. Intrigué, Philippe se demande à quoi sert le souterrain. Victor invente une histoire de galerie de tir pour les armes à feu et Philippe manifeste le désir d'aider les Garnier dans leur travail. Malgré le refus de ses hôtes, il démolit lui-même la cloison et découvre... la chambre forte de la banque !

Victor avait la salle des coffres pour objectif, mais se retrouve satisfait de son erreur car la chambre forte contient des lingots d'or. Joli butin en perspective pour récupérer l'argent volé par Durand-Mareuil ! Les Garnier s'emparent des lingots malgré les supplications du trop honnête (bien que très poli…) Philippe Brécy.

Hélas ! La joie est de courte durée car Garnier ne parvient pas à faire sauter le tunnel qui relie sa cave à la chambre forte. Nous arrivons au lendemain matin, la banque va ouvrir et tout va être découvert. Victor prépare sa valise pour aller en prison et recommande à sa femme de veiller sur le trésor. 

Mais Philippe, toujours épris d'Isabelle, va sauver la situation en allant à la banque boucher l'entrée du souterrain à l'aide de ciment. Enchanté en apprenant la nouvelle, Victor ordonne qu'on satisfasse au moindre désir de Brécy. Ce dernier demande les lingots pour les remettre dans le coffre, afin de « sauver les Garnier malgré eux » (!)

Garnier refuse de donner les lingots qui finissent par tomber de leur valise, convoitée tant par lui-même que par Philippe, et tout ce petit monde s'aperçoit alors que les lingots sont en fait en plomb recouvert de teinture jaune ! Il s'avère qu'André-Hugues Durand-Mareuil ne se contente pas de voler ses clients, mais aussi sa propre banque en jouant à l'alchimiste à l'envers puisqu'il remplace les lingots d'or par du plomb !

Justement, le banquier, intrigué par le manège de Brécy, l'a suivi jusque chez les Garnier et comprend très vite ce qui s'est passé. Constatant la découverte de son indélicatesse avec les lingots, il intervient et Victor exige des explications. Durand-Mareuil lui fait comprendre qu'ils ont tous deux des choses à se reprocher et n'auraient donc rien à gagner dans un affrontement. Il propose de nommer Philippe au poste de fondé de pouvoir, en charge notamment de la vérification des réserves et de l'octroi des prêts à long terme dont son « cher ami Garnier » pourra bénéficier (probablement sans rembourser les fonds...).

Bien décidé à profiter de la situation, Garnier exige que sa fille et Brécy fassent leur voyage de noces aux Baléares... aux frais de la banque, et tout finit pour le mieux dans le meilleur des mondes pour les Garnier comme pour Brécy et Durand-Mareuil.

DISTRIBUTION :

La famille Garnier est composée de Victor, le père, interprété de façon magistrale par un Louis de Funès déjà très au point. Victor Garnier se définit lui-même comme un « Français moyen », et les « Français moyens doivent se défendre eux-mêmes ou bien disparaître ». Et on peut compter sur la famille Garnier pour se faire justice face à la trahison de Durand-Mareuil...

Yvonne Clech endosse le rôle d'épouse de Fufu à l'écran. Éliane Garnier est dévouée à sa famille et toujours solidaire de son époux, auquel elle voue une fidélité exemplaire.

La fille aînée Isabelle est incarnée par Anne Doat. Fille d'un metteur en scène de théâtre et de cinéma, épouse du scénariste et réalisateur Jean Herman qui deviendra écrivain sous le pseudonyme de Jean Vautrin, Anne Doat a mené une petite carrière d'actrice avant d'arrêter en 1977 pour se consacrer entièrement à sa famille. Elle tient ici un rôle à deux facettes, romantique avec son amoureux Philippe Brécy, décidée, la tête sur les épaules, voire ironique, au sein de sa famille.

Michel Tureau, c'est Gérard, le seul fils de Garnier. Son père le traite parfois sans ménagement, mais l'adore comme on le constate dans la scène où le malheureux manque d'être enseveli par des boulets de charbon. Très drôle, Tureau est, avec Yvonne Clech, celui qui seconde le mieux Louis de Funès dans les rôles de membres de la famille Garnier.

La cadette se prénomme Corinne. Débrouillarde et dégourdie, Corinne est aussi très chipie comme le montre son attitude ironique face aux amourettes de son frère et surtout de sa sœur. Catherine Demongeot a été engagée pour tenir le rôle. Actrice-enfant révélée par Zazie dans le métro, elle préférera arrêter sa carrière pour suivre des études de sciences sociales jusqu'à l'agrégation, puis devenir enseignante.

Louis de Funès trouve un partenaire de choix en la personne de Jean-Pierre Marielle, excellent comme à son habitude, dans le rôle d'André-Hugues Durand-Mareuil, ce financier véreux qui vole ses clients et même sa banque afin de mener grand train avec les femmes. Affable en apparence avec Garnier, Durand-Mareuil ne perd pas une occasion de se montrer désagréable avec lui, lui faisant nettement sentir qu'il n'est qu'un petit commerçant alors que lui-même est un notable.

Philippe Brécy, le jeune stagiaire de la banque, est totalement inconscient de la nature crapuleuse de son patron, dont il constitue le double inversé. Scrupuleusement honnête jusqu'à la naïveté, il se montre également fleur bleue dans son amour pour Isabelle. L'interprète Jean Valmont confère au personnage un aspect « vieille France gaulliste traditionnelle d'avant 1968 » avec son air de gendre idéal bien habillé et bien coiffé. Il a aussi un côté « Tintin-boy scout » avéré qu'on peut trouver pesant.

Jean Lefebvre est parfait en spécialiste des travaux publics amateur de piquette, aux prises avec des ouvriers peu motivés, tout comme Georges Wilson en petit agent de police fier de son autorité et tout content d'avoir flairé ce qu'il croit être une occasion de promotion. Autre très bon petit rôle, celui de Claude Piéplu, très convaincant en curé dont le sermon va décider Garnier à commettre le hold-up.

Quelques familiers de Louis de Funès sont présents dans des rôles secondaires : Guy Grosso en client qui manque d'être trucidé involontairement par Garnier, Jean Droze en vendeur, les inséparables Henri Attal et Dominique Zardi en ouvriers sur le chantier. Nicole Vervil est la cliente à qui Victor conseille de cacher une Blue Bell Girl dans le lit de son mari en guise de surprise, et André Badin l'assureur.

N'oublions pas la délégation belge avec Michel Dancourt dans le rôle de Casimir et Alix Mahieu dans celui de son épouse Poupette. Georges Adet joue un employé de la banque, Florence Blot la femme de ménage des Garnier, Dominique Marcas une voisine, et Louis Viret un voisin.

Les banquiers étrangers sont interprétés par Robert Favart (l'Italien), Colin Drake (le Britannique), et Reinhard Kolldehoff (l'Allemand). En soufflant dans les appeaux de Garnier devant tout le monde, ils effraient un client venu déposer une valise de billets. L'homme, incarné par Max Desrau, préfère partir lorsqu'il apprend que ces espèces de fous sont les directeurs !

Myriam Michelson n'est autre que Mireille, la fiancée de Gérard vêtue d'une combinaison léopard, Yves Elliot le patron du café, et Philippe Dumat (la voix française de Satanas et Gargamel…) le commissaire peu intéressé par « l'affaire » proposée par l'agent de police.

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TEMPS FORTS :

Il ne s'agit pas d'un des films les plus connus de Louis de Funès, mais il gagne à être redécouvert avec son festival d'effets comiques irrésistibles. De plus, contrairement à nombre de films de Fufu, on ne constate aucune baisse de rythme dans le final qui maintient une qualité constante.

Le film démarre fort avec l'escroquerie de Durand-Mareuil :

- Vous avez bien fait de venir me trouver. L'argent ne doit pas rester improductif. Avec les Tangana, vous ne courez aucun risque : les progrès sont constants et deux nouveaux gisements viennent d'être découverts. Grâce à moi, vous achetez au plus bas, et dans six mois, je dis bien dans six mois, vous aurez doublé votre capital !
- Alors, M. Durand-Mareuil, inondez-moi de Tangana !

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Garnier ne manquera pas de faire allusion à ce fiasco lorsque le banquier viendra lui acheter une arme à feu destinée à Laura, sa maîtresse :

- Au fait, dimanche, je vais à la chasse au canard, et il faudra que vous me conseilliez pour quelques appeaux...
- Oh ! Vous savez, les conseils, il faut parfois s'en méfier...
- Oui. M. Garnier vient de connaître une petite mésaventure avec les Tangana...
- Une énorme mésaventure...
- Mais sérieusement, qui pouvait prévoir la nationalisation de ces mines ? »

Et Laura apporte sa contribution en répondant du tac au tac :

- Vous, peut-être...

Le couple enfonce le clou lors de l'achat de l'arme :

Durand-Mareuil : « Il est à vous, ma chère ! »
Laura : « N'est-ce pas un peu cher ? »
Garnier : « Oh ! Vous savez, l'argent, ça va, ça vient, il faut que ça circule ! Regardez, hier il était là-bas, aujourd'hui il est ici : c'est dans la nature des choses... »
Laura : « Ah ! Merci ! Vous me gâtez beaucoup trop, André-Hugues ! Mais, dites-moi, où trouvez-vous tout ce fric ? »

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La séquence du sermon est très réussie grâce à la qualité du jeu de Claude Piéplu et aux mimiques inimitables de Fufu réagissant aux propos du curé :

- C'est pourquoi mes frères, il importe de ne pas confondre la bonté et la faiblesse. Prenons un exemple : un homme vient chez vous, animé de mauvaises intentions, et, profitant de la confiance que vous avez abusivement placée en lui, vous vole. Certes, vous pourriez lui dire « Prends ce que tu veux car tu es mon frère et tout ce qui est à moi est à toi... »
- Tu parles...
- Mais si cet homme a le mal en lui, n'est-ce pas l'encourager à commettre d'autres forfaits de plus en plus graves, et ainsi à perdre son âme chaque jour un peu plus ?
(Garnier approuve) Or, n'est-ce pas son âme qu'il importe avant tout de sauver ?
- Oui, enfin ça...
- Alors, notre conduite nous apparaît clairement : tout d'abord, si cela nous est possible, récupérer notre bien discrètement, sans esclandre
(Garnier est visiblement ravi...), ensuite lui faire mesurer l'étendue de sa faute, enfin lui pardonner, afin qu’il n'oublie pas que bien mal acquis ne profite jamais. (Victor applaudit !)

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Autre bon moment avec le repérage à la banque. Durand-Mareuil est intrigué par le comportement de Gérard qui saute depuis la rue pour tenter de voir son père et lui donner un signal :

- N'est-ce pas votre fils ?
- Non... Ah ! Si !
- Et pourquoi il saute comme ça ?
- Je ne sais pas... Écoutez, ça vient de famille. Moi, à son âge, je sautais pour un rien : un seize en géométrie, et je sautais ! Un sirop de groseille, je sautais ! Un rendez-vous au printemps, je sautais ! Vous ne trouvez pas qu'on ne sait plus sauter comme avant ?

Le plan d'attaque arrêté, les Garnier font acheter le matériel nécessaire. Victor demande une « pince-évêque », confusion avec la pince-monseigneur !

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Suite à l'éboulement du souterrain, Garnier va consulter un spécialiste des travaux publics pour obtenir quelques conseils. Toute la scène est très drôle depuis l'entrée en matière où Victor prétexte le creusement de la caverne d'Ali Baba à titre de cadeau d'anniversaire destiné à sa femme pour justifier ses questions, jusqu'aux explications techniques prodiguées sans retenue par le contremaitre. Avant d'entamer son cours, le spécialiste, interprété par un très bon Jean Lefebvre, offre un verre de vin à Victor. Contraint d'accepter, il faut voir la tête que De Funès prend en buvant l'infecte bibine :

- C'est pas du Bercy, hein ! J'ai un cousin qui a des vignes.
- Ah ! Bon... Non, non, pas plus !
- Allez ! C'est qu'on n'en boit pas comme ça tous les jours !
- Ah ! Non, ça, on ne pourrait pas...

Viennent les conseils :

- Il vous faut des planches de 41. Il faudrait mettre des bois de mines et des sapines. Le mieux serait peut-être de mettre des vaux. Et si c'est humide, il ne faudra pas oublier les semelles.
- Oh ! Vous savez, on a des bottes...
- Non, les semelles...
- Je voudrais vous demander, les planches de 41, ça veut dire de l'année 1941 ?
- Mais non, c'est l'épaisseur...
- Et puis, j'ai cru vous entendre parler de veaux ?
- Oui.
- Des veaux dans un souterrain... Hi ! Hi ! Mais qu'est-ce qu'ils feraient ?
- Voilà autre chose... Bon ! Il va falloir que je vous explique tout... Allez, reprenez un verre... Si, si, allez-y !

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Brécy les appelle au secours de Gérard depuis la cave :

- Euh ! Il s'entraîne, il se fait la voix...
- Il voudrait devenir acteur.
- En ce moment, il répète un rôle pour la fête de la paroisse.
- Il répète dans la cave ?
- A cause du décor : il joue le comte de Monte-Cristo.
- Et papa l'abbé Faria !

Il ne s'agit pas des seules mésaventures vécues par le malheureux Gérard qui va également être enseveli sous un tas de charbon, puis perdre sa fiancée Mireille en raison de sa fatigue lors de la surprise-party ; évidemment, il est difficile de danser le twist lorsqu'on a passé la nuit à charrier des sacs de terre. Le problème, c'est que Mireille imagine autre chose... Malgré quelques accès de mauvaise humeur, Gérard continue à aider son père auquel il est très attaché.

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La venue de Philippe Brécy au moment où les Garnier pataugent dans la fuite d'eau permet des effets comiques basés sur les allusions de Victor et Éliane au sujet du cambriolage, prononcées devant Brécy dont ils n'ont même pas remarqué la présence. Isabelle est contrainte de leur faire remarquer :

- Monsieur travaille à la BANQUE d'en face !
- Hein ? Ah ! Oui, en effet... Je vous reconnais...

La visite des cousins de Liège est un des sommets du film. Le moins que l'on puisse dire est que les mangeurs de frites seront vite renvoyés chez eux... Forcément, ils dérangent les travaux de la famille Garnier sur le point d'aboutir. Dès l'arrivée, entre le cousin Casimir et Victor :

- On ne te dérange pas, au moins ?
- Mais pas du tout : vous êtes ici chez vous...

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Victor ne se détend que l'espace d'une seconde, lorsque Casimir raconte qu'on lui a volé son portefeuille dans la grotte de Lourdes, anecdote qui semble ravir son hôte. Mais très vite, la nervosité reprend le dessus lorsque les deux garnements des Belges découvrent le « tunnel » et relatent ce qu'ils ont vu à leur père. Garnier parvient à s'en sortir sans donner d'explications embarrassantes, mais décide de hâter le départ des importuns :

- Poupette veut repartir tout de suite, c'est de la folie...
- Bof ! Après tout, ils dormiront bien mieux dans leur lit... Et en plus, vous passez la douane en douce en pleine nuit, comme ça...
- Si on te dérange, Victor, il faut nous le dire, hein ?
- Voyons, Poupette ! Il faut bien que les petits se reposent...
- Casimir, tu te sens en état de reprendre la route ?
- Quoi ? Fatigué, Casimir ? Un gaillard pareil que j'ai vu danser la java jusqu'à des deux heures du matin ? Tu te souviens de Lulu la Blonde ? Mais où il m'a le plus étonné, c'est avec deux Allemandes, deux énormes Allemandes, avec des cheveux comme ça... Et après, vous savez ce qu'il a fait ?
- Non ! Ça suffit comme ça, on s'en va !
- C'est ça ! Plus vite on sera partis et plus vite tu pourras me parler de cette Lulu la Blonde !

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Le contretemps suivant arrive de Bretagne. La tante Marie qui avait 94 ans et que les Garnier ont vue trois fois dans leur vie est décédée. Victor se moque de ce que peuvent penser les gens de Loudéac qui passent rarement devant sa vitrine, mais Éliane décide néanmoins d'aller aux obsèques en compagnie des enfants. Resté seul, Garnier se débrouille comme il peut, il n'est pas doué pour la cuisine, et ses travaux sont interrompus par une série d'importuns dont Philippe Brécy qui avait pris rendez-vous avec Isabelle pour aller dîner au restaurant :

- Dites-moi : qu'est-ce que vous faites dans cette banque ?
- J'y ai de très sérieux espoirs. C'est un établissement solide et...
- Solide, si on veut... enfin, solide, oui !

Après avoir travaillé toute la nuit, Victor sort de la cave harassé. Lorsque sa femme de ménage arrive, il la reçoit avec son casque et ses vêtements de travail salis par son ouvrage et la renvoie chez elle, prétextant une fermeture du magasin pour cause d'inventaire.

C'est pendant cette journée de solitude que Victor sent la honte l'envahir face au portrait de son père, un magistrat qui lui donne l'impression de le regarder sévèrement, de juger et de condamner sans appel sa conduite délictueuse. Il finit par retourner le portrait contre le mur...

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L'attitude de Garnier finit par éveiller la curiosité, puis les soupçons du voisinage. Magasin fermé, explosions entendues dans la cave au cours de la nuit et que Victor a présentées maladroitement comme l'expérimentation d'un mélange de poudre pour les pétards à corbeaux (!), femme et enfants absents : il n'en faut pas plus pour que le malheureux Victor soit soupçonné d'avoir tué sa femme, par jalousie ou pour toucher une prime d'assurance-vie. Un agent de police avec qui il avait eu quelques problèmes entend parler de l'affaire et demande au commissaire l'autorisation d'enquêter. Non seulement il désire se venger de celui qui a projeté son vélo à terre sans ménagement afin de faire de la place pour garer sa voiture, mais il voit également l'occasion de devenir inspecteur à la faveur de l'arrestation d'un assassin mise à son crédit.

L'excellent Georges Wilson est un partenaire parfait pour Fufu au cours d'un affrontement d'anthologie :

- Votre femme va bien ?
- Très bien !
- Où est-elle ?
- À un enterrement.
- C'est loin, cet enterrement ?
- En Bretagne.
- J'aurais cru plus près... (saisissant une pioche couverte de terre) Vous jardinez ?
- Oui.
- Vous n'avez pas de jardin, donc pas de terre !
- Pas de terre ? Qu'est-ce qu'il vous faut ! Enfin, je veux dire...
- Et ça pousse ?
- J'attends la récolte.
- Avec un casque sur la tête, et dans cette tenue ? Vous me prenez pour qui ?
- Monsieur l'agent, je vais tout vous dire. Voilà, je cultive des champignons de Paris, sur alvéoles. C'est d'un rapport intéressant d'après ce que j'ai lu dans Le chasseur français…
- Montrez-moi votre cave ! Je veux voir ou votre cave ou votre femme. Si je ne peux pas voir l'une, je veux voir l'autre !

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Le retour d'Éliane et des enfants tombe à pic puisque l'agent était sur le point de descendre et de tout découvrir. Le malheureux policier n'en revient pas ; visiblement, il souhaiterait disparaître à dix lieues sous terre :

- Victor, qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce qu'il est venu faire ici ?
- Prendre de tes nouvelles...
- C’est bien gentil…
- Vous reconnaissez ma femme ?
- Oui.
- Elle est bien vivante ? Dis-lui que tu es vivante !
- Quelle question ! Évidemment que je suis vivante !
- C'est un malentendu... Les gens se sont montés la tête et...
- C'est un malentendu qui va vous coûter cher... Montrez-moi votre matricule, ça va barder !
- Soyez indulgent, Monsieur Barnier, j'ai trois enfants !
- Moi aussi, et une femme que j'adore ! Et vous m'avez accusé de l'avoir enterrée dans la cave !
- Laissez-moi une chance. Je paierai la contravention que je vous ai dressée !
- Et la tache faite à mon honneur ?
- Je vous réhabiliterai dans tout le quartier, et si désormais on vous accuse de quoi que ce soit, je me charge de démontrer votre innocence !
- Ah ?
- Je suis en passe de devenir inspecteur : laissez-moi ma chance !
- Bon ! Ça va pour cette fois, mais n'y revenez pas !... Inspecteur ? Ça peut toujours servir, ça...

Les Garnier arrivent enfin au bout de leurs peines. Il ne reste plus qu'à percer le mur de la banque, mais ils sont découverts par Brécy au cours d'une scène hilarante.

- Pardonnez-moi d'être indiscrets, mais... ce souterrain ?
- Une galerie de tir, pour essayer les armes à feu...
- Mais pourquoi tomber la cloison ?
- On relie les deux caves entre elles, à cause de la portée des canons...
- Vous vendez des canons ?
- Oui, des canons anti-grêle...
- Et vous faites ça tout seuls ?
- Nous sommes écrasés par les impôts ! Un entrepreneur, ce serait la ruine ! Nous devons penser à l'avenir de nos enfants ! (Éliane, grandiloquente)
- C'est admirable ! J'aimerais faire partie d'une famille pareille. Je vais vous aider !

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POINTS FAIBLES :

Aucun gag ne tombe à plat et le rythme du comique se maintient jusqu'à la fin. Une anomalie cependant : il est extrêmement douteux que le très propret Philippe Brécy, stagiaire aspirant à devenir cadre de banque, sache préparer du plâtre et puisse reboucher aussi vite le souterrain...

ACCUEIL :

On reste dans les eaux de Pouic-Pouic puisque le film frôle les trois millions d’entrées.

Avec deux films successifs aux alentours de trois millions de spectateurs, De Funès commence son irrésistible ascension juste avant l’explosion du troisième Jean Girault et du Corniaud.

SYNTHÈSE :

Un comique remarquablement efficace et la preuve que les meilleurs films de Fufu ne sont pas forcément les plus connus.

LES SÉQUENCES CULTES :

Je voudrais faire une surprise à mon mari.

Tu te souviens de Lulu la Blonde ?

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4. UNE SOURIS CHEZ LES HOMMES [OU UN DRÔLE DE CAÏD]

Deux petits cambrioleurs sont surpris en pleine action par une jeune fille espiègle qui menace de les dénoncer s'ils n'acceptent pas de collaborer avec elle. Contraints de s'exécuter, les deux associés sont entraînés par la demoiselle dans des affaires a priori séduisantes, mais qui se terminent toutes par des échecs cuisants.

Alors que Louis de Funès est en pleine ascension et que ses deux films précédents ont connu un succès amplement mérité, cette comédie sans intérêt parfois appelée Un Drôle de Caïd apparaît comme une intruse dans la filmographie du comédien.

Mais qu'est-ce que c'est que ce Louis de Funès à moustaches, cambrioleur de troisième zone, et qui compose un personnage à l'opposé de ses standards ? Certes De Funès a plus d'une fois regretté de ne pas avoir varié les personnages qu'il avait incarnés, mais pour l'amateur du comédien, cet écart peut le laisser perplexe. Le personnage type de Fufu, celui qui lui permet de développer un jeu comique efficace, c'est celui d'un dominant, d'un type agressif qui écrase les autres et surtout les petits. Ici, il n'est même pas le supérieur de son acolyte Maurice Biraud, il est carrément méconnaissable. Et ce ne sont pas ses « Je vais la buter ! » réitérés qui peuvent suffire à lui conférer son caractère autoritaire habituel.

Certes, Louis joue impeccablement le rôle qui lui est attribué, mais le problème est que ce rôle ne lui convient guère, et surtout que le film et son scénario sont véritablement affligeants. Pourtant, de bons comédiens sont à l'affiche : Dany Saval, convaincante en jeune fille délurée sans en avoir l'air, la ravissante Dany Carrel en épouse de Maurice Biraud, Biraud lui-même bien que je ne l'apprécie pas outre-mesure (en dehors du Cave se rebiffe, qui se souvient de ses autres films ?), Maria Pacôme en tante excentrique dans la pure lignée de son personnage traditionnel, mais aussi Jean Lefebvre, Claude Piéplu, et Jacques Legras dans des tout petits rôles.

Les dialogues de Michel Audiard sont évidemment appréciables, mais tout ceci n'empêche pas l'ensemble de devenir très vite ennuyeux et même franchement insupportable dans la partie finale. Un échec à oublier sans aucun regret, un avatar sans importance dans la carrière de Louis de Funès.

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Captures et séquences cultes réalisées par Steed3003