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 saison 1 saison 3

Columbo 

Saison 3


1. ADORABLE MAIS DANGEREUSE
(LOVELY BUT LETHAL)



Critique : 

Vera Miles, Vincent Price, Martin Sheen, casting impressionnant en effet. Mais en fait d'impression, elle demeure mitigée.

Le meurtre est bien fichu, bon tempo, bien amené par un jeunot Martin Sheen au regard intense et au dire impeccable. Vincent Price cabotine à souhait. Vera Miles semble se contenter du service minimum.

Peut-être le scénario (cette fois mouillant dans la rade des cosmétiques) s'enlise-t-il un peu ? Le début attire l'attention, notamment par la manière dont Columbo se met à titiller son suspect. Ça part bien, pour s'embourber dans une enquête presque banale, sans trop de flamme, bien trop pépère. Peut-être que la résolution de l'enquête ne m'a pas particulièrement subjugué, d'où une légère déception ?

La mise en scène de Szwarc reste conventionnelle. L'usage de la grue donne de l'ampleur sur la présentation des extérieurs. J'ai bien aimé les poses, raclements de gorges de Columbo, singulières, insolites.

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2. QUAND LE VIN EST TIRÉ
(ANY OLD PORT IN A STORM)

Critique : 

Encore un épisode de Columbo que j'ai vu mille fois et dont les défauts deviennent de plus en plus apparents. J'aimais beaucoup cette plongée dans le monde viticole californien. En bon bordeluche, cet amour, cette dévotion au bon vin me parlent. Carsini (Donald Pleasence) devient criminel pour préserver l'excellence de son vignoble. Et je ne peux m'empêcher d'y déceler comme une circonstance atténuante.

Ma foi, j'ai même la nette impression que Columbo n'est pas non plus exempt d'une certaine indulgence à l'égard du meurtrier... Sans doute dans le cas du lieutenant s'agit-il plutôt d'une affinité culturelle, nationale. Ne dit-il pas à un moment qu'entre Italiens, il faut se serrer les coudes ? Toujours est-il que, rarement, on aura vu un Columbo aussi proche de son "criminel". Au duel habituellement acharné, plein d'hypocrisie et d'acrimonie, le scénario a privilégié une relation très rare, un rapport d'amitié, n'ayons pas peur des mots puisque le final le démontre sans ombre : Columbo et Carsini trinquent ensemble avant d'aller au poste. Durant l'enquête, Carsini voit en Columbo un amusant petit Italien, voulant renouer avec ses origines et parfaire une éducation latino-vinicole ratée.

Une sorte de rapport de maître à élève se forge progressivement. Columbo semble vraiment se passionner. Même s'il manipule comme toujours son suspect pour arriver à ses fins, il n'en demeure pas moins que son engouement paraît sincère. Si les deux personnages finissent l'épisode en de si bons termes, c'est aussi parce que l'arrestation de Carsini lui est d'un certain secours. Il échappe ainsi à un sort qui lui faisait bien plus peur que la prison. Très rare dans la série qu'un personnage soit aussi soulagé d'être appréhendé !

Il faut à ce stade de la chronique souligner l'énorme part prise par Pleasence dans cette étrange relation que nouent les deux personnages. Il donne à Carsini une dimension sensible extrêmement riche et profonde. Je suis convaincu qu'il offre là une des plus subtiles et brillantes performances d'acteur de toute la série. C'est sûrement d'ailleurs là que réside l'essentiel de l'épisode à mon sens. Donald Pleasence est un acteur au jeu très sûr et qui sait merveilleusement jouer de son physique peu commun. Un crâne d'œuf, un corps volontiers ramassé, et surtout deux petites billes de verre bleues qui peuvent à la fois bercer et lacérer. Pas étonnant qu'on le retrouve parmi les "Blofeld" les plus réussis contre James Bond (On ne vit que deux fois).

Ici il manie très bien son physique, avec un personnage à la fois italien par son père et anglais par sa mère, ce qui expliquerait son flegme difficilement maintenu, ses sautes d'humeur quand la passion prend le dessus sur les convenances, ses pouffements de rire qu'il laisse échapper devant la candeur de Columbo, ou bien encore quand le lieutenant le cueille par surprise et admiration. Entre rires et colères, Pleasence opère de finauds va-et-vient. Bravissimo !

Après un dithyrambe pareil, comment expliquer ma froideur ? Quel dommage que pareil personnage, à la si innovante relation avec Columbo, soit nanti d'une intrigue aussi faiblarde ! Elle commet beaucoup trop d'erreurs à mon goût. Le récit est émaillé de petits défauts qui, à la longue, finissent par être trop voyants. D'abord, le maquillage du crime en accident de plongée est trop long, alambiqué, en somme peu crédible. Ensuite, la résolution de l'enquête n'est pas géniale non plus, assez simpliste et, comme pour presque tout l'épisode, il est difficile d'y prendre totalement part, d'y croire vraiment. En effet, on ne peut imaginer qu'un collectionneur de vins si attentionné et passionné soit aussi tributaire d'une cave (peut-on lui donner ce nom ?) aussi peu sûre.

En dehors de ce personnage, celui de la secrétaire est convenablement joué par Julie Harris. Et pour les passionnés de série télé, on s'amusera à trouver ici quelques figures récurrentes de la télé américaine. Celle de Dana Elcar, que l'on connait mieux dans le rôle de Pete Thornton dans McGyver. Vito Scotti qui joue souvent les Français ou les Italiens garçons de resto ou cuistots et que l'on retrouve dans pas moins de cinq autres Columbo (Candidat au crime 3.03 – Le chant du cygne 3.07 – Réaction négative 4.02 – Jeu d'identité 5.03 – Portrait d'un assassin 9.01). J'ai beaucoup aimé la scène, très courte mais costaude, d'humour simple avec Robert Donner dans le bar. Une moustache célèbre, une tête très seventies qu'on a dû voir dans à peu près toutes les séries de l'époque, ne me dites pas que vous ne connaissez pas Robert Walden !

Et puis George Gaynes dont on ne peut que se rappeller, par exemple, le rôle dans Tootsie aux côtés de Dustin Hoffman, et qui ici s'essaie à un accent français à se décrocher la tour Eiffel. Notez la petite moustache. Remarquons la détestable prestation boursouflée de Joyce Jillson. Pour finir, une réalisation d'une banalité effrayante parfois (les flous calamiteux pour les plans enchaînés). Que miseria ! Heureusement que Donald et Peter sont là.

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3. CANDIDAT AU CRIME
(CANDIDATE FOR CRIME)

Critique : 

Je trouve cet épisode très bon, très bien écrit avec sa structure bipolaire (entre le meurtre proprement dit et la manipulation ourdie pour le cacher). En effet, dans un premier temps, le sénateur Hayward (Jackie Cooper) tue son aide de campagne électorale par amour, tout en faisant croire que l'on tente de l'assassiner et que le ou les meurtriers se sont mépris sur leur victime. Dans un second temps, il organise une spectaculaire fausse tentative d'assassinat sur sa personne. On retrouve un formidable acharnement, cette méticulosité de Columbo qui a reniflé l'entourloupe en vieil animal à qui on ne la fait pas. La façon dont il assaille les deux tourtereaux est assez stupéfiante de violence. On voit littéralement les coups qu'il assène à Jackie Cooper et à la petite Tisha Sterling dans leurs regards de plus en plus inquiets lors d'interrogatoires qui n'en ont pas l'air mais bien la chanson.

Ce qui est fabuleux dans les bons épisodes de Columbo, c'est cette capacité du lieutenant à attaquer ses suspects de manière si finaude qu'il leur est bien difficile de contre-attaquer sans se dévoiler dangereusement. Il faut pointer là encore l'imagination et l'ingéniosité d'écriture des équipes des scénaristes. Ici, il ne s'agit pas d'un combat d'egos mais bien d'intelligences, de convictions entre deux fins stratèges.

Malheureusement, en dépit d'une bouille sympathique, Jackie Cooper ne joue pas toujours très juste. Quelques regards et mimiques en disent beaucoup trop long sur la culpabilité de son personnage, de façon trop visible pour être en adéquation avec sa profession et la finesse avec laquelle il a conçu et perpétré son crime. Il manque parfois de sang-froid. Les autres comédiens sont suffisamment convaincants par contre.

Ai-je la berlue ? Mais j'ai l'impression que c'est la première fois (j'ai des doutes : je repense au pilote avec Gene Barry) que l'on voit un supérieur de Columbo. Ici, en tout cas, Regis Cordic est assez mis en valeur pour que je note sa présence. IMDB indique que c'est sa première apparition dans la série.

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4. SUBCONSCIENT
(DOUBLE EXPOSURE)

Critique : 

Un très bon Columbo, décidément cette saison 3 s'annonce prometteuse.

Cependant il faut pour cela admettre un postulat de départ qui persiste personnellement à agacer mon scepticisme récurrent : le subliminal. Des photos subliminales sont au cœur de cette affaire, dans le crime comme dans sa résolution.

Passé ce léger inconvénient, l'épisode est en tout point remarquable, bénéficiant du grand talent de Stephen J. Cannell qui fait ici ses gammes avant de devenir une figure phare de la série policière américaine des années 80 et 90 (L'agence tous risques, Les dessous de Palm Beach, Un flic dans la mafia, Le fugitif...). La prestation de Robert Culp est encore une fois de très haute volée. Son physique, ses prédispositions et caractéristiques naturelles, sont une nouvelle fois très bien mises en valeur. Il joue à merveille l'arrogance et la vanité de ces gens dont la culture et l'aisance logique portent à leur faire croire qu'ils sont extraordinairement intelligents. Sans aller jusqu'aux théories d'Howard Gardner sur les intelligences multiples, c'est sans doute un des bienfaits de cette série que de démontrer combien le concept d'intelligence est plus complexe que le "bon" sens commun ne nous le laisse à penser. La confrontation entre le docte professeur et l'humble lieutenant soulève une belle poussière d'hypocrisie qui embrume les desseins de l'un comme de l'autre... ou du moins s'y essaie.

Progressivement, comme de coutume, les réelles convictions du lieutenant se font jour alors que le criminel s'énerve de plus en plus d'être le jouet des feintes et tergiversations de Columbo. Dans ce petit jeu vient s'ajouter une deuxième victime dont la benoite naïveté ainsi que l'ambition sans scrupule d'entamer une carrière de maître-chanteur vont lui coûter très cher.

L'acteur, Chuck McCann, à la physionomie marquante tout autant que sympathique, est une de ces têtes qu'on a vues un peu partout à la télévision : dans Chips, Bonanza, Kojak... et plus récemment dans Mad about you.

Petit élément amusant : c'est la première fois à ma connaissance que Columbo fait ouvertement allusion à un épisode précédent (Candidat au crime 3.03) en parlant de l'affaire Hayward qu'il vient de clore, et en indiquant qu'il n'a pas eu le temps de manger.

Fait remarquable qui devrait attirer d'entrée l'attention du spectateur : on suit les manigances de Robert Culp sans comprendre goutte à ce qu'il est en train de faire. Ce n'est que progressivement que les morceaux de ce puzzle se mettent en place pour faire sens. Un début très astucieux qui met l'eau à la bouche et lance admirablement un épisode très bien écrit où le spectateur prend un plaisir quasi constant.

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5. ÉDITION TRAGIQUE
(PUBLISH OR PERISH)

Critique : 

Retour de Jack Cassidy depuis Le livre témoin de Spielberg, dans un rôle un peu plus convaincant à mon sens, avec une emphase plus maitrisée, moins d'effets de manche, et de risettes intempestives. Je l'ai trouvé propre, précis, en somme beaucoup plus naturel... peut-être aussi plus contrarié par Columbo, ce qui pour le spectateur confine au plaisir enfantin qu'on n'a pas intérêt à bouder.

Cet épisode n'est pas loin d'être excellent, n'était ce dénouement un brin complexe, manquant de clarté, d'évidence. Il rappelle d'ailleurs celui de Candidat au crime, c'est un peu le même schéma. Il semble que l'auteur ait apprécié la force massive de l'intervention de Columbo, mais ici la récidive semble par trop "capillotractée", moins percutante. Un goût d'inachevé qui ne doit pas cependant effacer le bon duel plein de fiel des protagonistes.

Il ne faut par ailleurs surtout pas oublier le rôle primordial du personnage secondaire joué par John Davis Chandler. Avec une tête parfaite de psychopathe, il incarne un illuminé, naïf ou crétin au choix, ardent défenseur de l'Amérique extrémiste et de l'auto-défense à coups d'explosifs. Il participe de cette atmosphère morbide de l'épisode.

La plupart du temps, les personnages de cette série appartiennent à un monde bourgeois, feutré, richissime, de notables en quelque sorte. Or, ici, ce personnage paraît jurer avec ce canevas social habituel. Comme si l'école naturaliste ou ultra-réaliste du cinéma hollywoodien des années 70 venait marquer de son empreinte, de sa présence la série. Même si ce que je vais écrire peut paraître aussi hatif qu'exagéré, j'ai l'impression que Travis Bickle (l'illuminé mythique de Taxi Driver) s'est invité à la fête. Je sais qu'il y a trois ans de différence entre les personnages, mais je cherche là moins une vérité chronologique ni même ontologique qu'une image ou un symbole propre à illustrer un sentiment diffus, celui d'une époque, les années 70, qui voit poindre de drôles de zèbres, des personnages nouveaux, mal rasés, limités intellectuellement, mais des êtres humains, avec des pulsions, et ce, au cinéma comme à la télévision.

Columbo n'échappe pas – et c'est heureux – à cette évolution artisitique. D'ailleurs les seventies sont de plus en plus distinguables sur le plan formel dans la série avec des tendances vestimentaires de plus en plus affirmées. Je note encore, comme dans l'épisode précédent Subconscient 3.04, qu'il est fait nommément allusion à l'épisode pénultième Candidat au crime 3.03. Je me demande bien quel est le sens de cette itération.

Un épisode par bien des aspects très plaisant, mais dont le dénouement alambiqué atténue quelque peu le souvenir du plaisir procuré tout le long de la lecture.

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6. AU-DELÀ DE LA FOLIE
(MIND OVER MAYHEM)

Critique : 

Un Columbo décevant à plus d'un titre avec un des dénouements les plus mauvais que j'ai eu à voir jusque-là dans la série. D'ailleurs s'agit-il vraiment d'un dénouement à proprement parler ? On est en droit de se poser la question.

En éludant la résolution de l'affaire par démonstration de preuve, le scénario ne dénoue rien. C'est par la pression affective que Columbo oblige le meurtrier à avouer son crime et non par l'irréfutable logique. À vouloir innover à tout prix, les auteurs parfois perdent le fil de l'enquête et du bon sens. Faute de preuve, Columbo se contente d'accuser le fils pour que le père avoue. C'est indigne bon sang ! De la basse manœuvre, en totale inadéquation avec la jugeotte et les performances columbiennes.

Quoiqu'il en soit, là où le fidèle spectateur attend le coup de massue du raisonnement advient une besogne infâme de pression psychologique primaire. Columbo aurait attaché son suspect et l'aurait tabassé à coups de bottin, c'eut été du pareil au même !

S'il n'y avait que cette fin d'épisode désastreuse... Malheureusement, il y a également José Ferrer dont les expressions restent terriblement limitées. Son jeu à l'économie frise... que dis-je, s'apparente en permanence à de la radinerie. À sa décharge, son personnage fait preuve d'un cynisme redoutable, mais on aurait pu voir dans son geste assassin une marque d'amour paternel que l'on ne retrouve pas exprimé par ailleurs. Bref, José Ferrer n'a pas l'air très concerné. L'affrontement avec Columbo n'a même pas lieu.

C'est ailleurs que l'on prend du plaisir. Malheureusement, loin de l'essentiel. Quelques clins d'œil amusants. Notamment le petit génie (Lee Montgomery) qui s'appelle Steve Spielberg et dont la bouille rappelle également vaguement celle du cinéaste.

Et, évidemment, l'utilisation de Robby le Robot de Forbidden planet (Planète interdite) de Wilcox est sans doute l'intérêt majeur pour le fanatique de ce grand film de science-fiction des années 50. Avec Leslie Nielsen (Attente 1.05 – Jeu d'identité 5.03), Anne Francis (Accident 1.06 – Le spécialiste 2.06), et maintenant avec Robby, les liens entre ce film et la série Columbo sont nombreux.

Au générique, le nom de Robert Walker m'a fait sourciller. Le grand comédien Robert Walker, époux malheureux de Jennifer Jones et personnage suprêmement inquiétant dans L'Inconnu du Nord-Express d'Hitchcock, dans ce fameux criss-cross du suspense, toujours vivant à l'époque ? Il me semblait qu'il était décédé dans les années 50. Et puis le nom Walker étant sans doute plutôt fréquent, j'ai pensé qu'il s'agissait d'un homonyme et, paf ! apparaît à l'écran un jeune type qui a tout de Robert Walker, sauf l'âge bien entendu. Son fils sans doute, ce qu'IMDB m'a confirmé plus tard. Portrait craché presque effrayant.

Dans cet épisode insipide – n'ayons pas peur des mots – quelques autres petits éléments sont à noter, comme par exemple la mise en avant des balbutiements de l'informatique, rigolos aujourd'hui par leur archaïsme. La petite scène d'introduction avec Columbo est assez marrante. Il vient chercher son chien dans une sorte d'école de dressage car son animal fait déprimer les autres chiens. Ce chien est un autre de ces éléments descriptifs qui, à l'instar de la Peugeot brinquebalante ou de l'imperméable rapiécé, symbolisent la nullité apparente de Columbo qui lui sert de cheval de Troie pour être sous-estimé par ses adversaires.

"Le chien" est tellement mou et inutile que Columbo ne parvient pas à lui trouver un nom ni une autre place que la banquette passager de sa voiture. Une sorte de miroir dans lequel Columbo aime à se regarder, flageollant et grotesque, pour mieux convaincre sa proie qu'elle n'a rien à craindre de lui. C'est un personnage important de la série qui prend progressivement une part de plus en plus imposante, surtout pour parer le personnage de Columbo d'un aspect comique renversant les valeurs, et qui a l'avantage de conforter les spectateurs dans leur position privilégiée, celle de ceux qui savent et à qui on ne la fait pas, au contraire des meurtriers.

Si quelqu'un peut m'expliquer ce qui est passé par la tête des traducteurs au moment de choisir ce titre français hors de propos...

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7. LE CHANT DU CYGNE
(SWAN SONG)

Critique : 

Voilà le genre d'épisode pour lequel je n'ai pas toutes les clefs faute d'une culture adéquate.

Pour bien en balayer les moindres recoins, il importe de connaître Johnny Cash par cœur. Ayant vu dernièrement Walk the line, biopic sur ce chanteur country, je comprends et apprécie d'autant mieux ce que signifie ce personnage de Tommy Brown, chanteur de country chrétienne. Les chansons, prières au Seigneur, viennent faire écho au début de la carrière de Johnny Cash qui avait tenté de faire son trou dans le gospel. Les rapports entre son personnage et sa femme jouée par une immense Ida Lupino (qui n'en est pas à sa première : elle joue dans Accident) sont en revanche assez éloignés de ceux qu'il avait vécus avec June Carter.

Quand je voyais cet épisode et que je ne connaissais pas encore Johnny Cash, je me demandais quelle était la part d'accointance entre le récit et la réalité. Des images de concert achevaient de m'en convaincre. Impression renforcée par l'intonation de Cash en version originale associée à sa gestuelle : il ne joue pas très bien, ce n'est pas son métier, c'est un chanteur-musicien avant tout. En version française, cela passe mieux. Et puis, pas besoin de se pointer le torse en disant I, me et myself à tout bout de champ, à la longue cela se voit, m'sieur Cash. Son rythme est très bon mais sa voix laisse percevoir qu'il tente de jouer.

Il y a quelques exagérations, quelques tons en trop parfois. C'est fort dommage parce que cet épisode est très bien bâti et surtout bien mis en scène. C'est peut-être sur ce point que j'ai été ravi. Le tempo de jeu des comédiens, les idées de mise en scène, et l'accompagnement musical sont sans doute les trois éléments majeurs pour expliquer mon grand plaisir à suivre cette enquête.

Plusieurs scènes sont formidables et agrémentent le récit, lui donnent un sel particulier avec pour conséquence de maintenir l'attention du spectateur. À titre d'exemple, je citerais les toutes premières investigations de Columbo sur le lieu du crime. Une discussion d'experts se développe entre Peter Falk et John Dehner, envoyé spécial d'une compagnie d'assurance. Le balancement du personnage entre une enquête rendue soudain fort intrigante par Columbo et l'équipe de journalistes venus l'interviewer est encore une judicieuse idée de mise en scène.

J'évoquerais volontiers le dialogue entre Columbo et Lucille Meredith (qu'on avait déjà vue dans Candidat au crime 3.03) dans l'atelier de confection : savoureux moment, ou bien encore l'exceptionnel numéro de charme auquel se livre Vito Scotti (six Columbo à lui tout seul : Quand le vin est tiré 3.02  Candidat au crime 3.03 – Le chant du cygne 3.07 – Réaction négative 4.02 – Jeu d'identité 5.03 – Portrait d'un assassin 9.01) dans son meilleur rôle sans doute : un croque-mort qui essaie de convaincre vainement Columbo de souscrire une convention obsèques.

Je ne sais si c'est la faiblesse de jeu de Cash qui a incité les scénaristes à incorporer au script des saynètes-parures assurées par des comédiens confirmés ? Possible. Quoiqu'il en soit, cela fonctionne merveilleusement ; pour ma part, je suis conquis. On a droit encore une fois à une séquence jouant sur les piètres aptitudes physiques du lieutenant Columbo à son retour d'un périple en avion. Il met un certain temps à s'en remettre pour notre plus grand et cruel bonheur.

L'épisode oblige également le spectateur à accepter un préalable a priori difficile à avaler : le crime perpétré par crash d'avion. Tommy Brown (Cash) tue sa femme (Lupino) en sautant en parachute et en laissant l'avion s'écraser. Malgré cela, le foisonnement d'idées décoratives ou structurelles au scénario rend la lecture très homogène et crédible. Du début à la fin, on est accroché. Les scènes finales de l'aéroport ménagent une sorte de suspense improbable : comment ? Columbo va-t-il laisser filer sa proie ? Est-ce possible ? Le dénouement, à cet égard, est bien fichu.

Un très bon épisode en dépit de caractéristiques qui auraient pu constituer de graves déséquilibres et qui est épicé de musique rock country au rythme qui se laisse diablement retenir, du moins à qui l'oreille et les goûts en donnent la permission. J'aime beaucoup cet épisode malgré le jeu de Cash, lequel ne manque pas de charme pourtant, une espèce de sympathie naturelle qui donne à sa relation à Columbo un attrait bien spécial. Columbo a rarement été aussi faux-derche, manipulateur, et néanmoins l'on sent qu'il apprécie son "assassin". On est très loin des batailles acharnées et féroces, mais c'est tout de même une rencontre charmante.

À noter la courte apparition de Sorrell Booke (le Boss Hogg de Shérif fais-moi peur) en manager de Tommy.

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8. EN TOUTE AMITIÉ
(A FRIEND IN DEED)

Critique : 

Pour mettre un terme à cette très belle saison 3, ces messieurs nous ont offert un superbe feu d'artifice. Cet épisode est excellent, en tous points.

Mais c'est le scénario qui constitue l'atout premier de cette enquête. D'abord, on découvre avec grand intérêt une nouvelle structure : un meurtre déjà commis, atrocement banal : un homme lors d'une dispute domestique tue sa femme. Il appelle Richard Kiley qui vient maquiller le meurtre en crime de cambrioleur. On se demande bien pourquoi il opère ainsi. Il a pourtant une belle tête de salaud. Avec sa barbichette shakespearienne, on aurait tôt fait de lui accoller le rôle de l'assassin, ce qu'il ne manque de faire au milieu de l'épisode en tuant son épouse. Il demande, en fourbe que son physique nous poussait à prévoir, à son "collègue" de lui rendre la pareille. Et vlan ! nous voilà avec le fameux et brillant criss cross de L'Inconnu du Nord-Express du grand Alfred. Sublime mise en scène. Et bien malin le Columbo qui démêlera les fils de cet embrouillamini gigantesque.

D'autant plus que Richard Kiley est parfait dans un rôle de notable californien, plein de morgue et de certitude que son statut social lui assure au sein même des autorités policières (il est une sorte de commissaire de police). Autant dire qu'il va être jubilatoire de suivre cette auguste personne marcher sur les plates-bandes de notre Columbo. En effet, il passe l'épisode à lui faire la leçon, à l'écraser, lui donner des ordres, quémandant un rapport d'enquête qui ne viendra jamais. Parmi les clés du succès de Columbo, il y a cette sorte de revanche puérile qui sommeille au fond de nous tous, celle de l'employé qui n'a pas les moyens de rabattre son caquet au supérieur. Columbo nous offre cette opportunité et c'est toujours un grand plaisir que de le voir feinter l'autorité, toréer la condescendance ou l'ire hiérarchiques.

Comme je l'ai déjà noté dans les épisodes précédents, la série continue de flâner dans de nouveaux environnements sociaux, les plus bas. Pendant longtemps, le lieutenant se voyait invariablement dirigé vers les hautes sphères de la société. Ici, le voilà contraint de cotoyer la plèbe en la personne de Val Avery qui a déjà joué dans Columbo deux autres fois (Poids mort 1.03 et Le grain de sable 2.03), et on le retrouvera dans un autre plus tard (Jeu d'identité 5.03).

Dans un décor très seventies, un bar où ne picolent que de vieux croutons largement imbibés et au délabrement déjà très avancé comme le démontrent leurs gueules et tarins patibulaires (mais presque...), Columbo pousse son enquête jusqu'au fond d'une salle de billard aux murs rouges qui rappelleront aux amoureux de De Palma la sublime scène orchestrée de Carlito's way. Columbo colle bien à son époque, j'applaudis.

Je continue de battre des mains en découvrant ces petites scènes qui sortent de l'ordinaire de l'enquête pour rentrer dans celui du quotidien. Là, c'est encore une de ces saynètes qui donnent à Columbo l'humanité et la simplicité qui habillent le personnage et le rendent, ô combien ! sympathique. Une banale panne de voiture le contraint à faire du stop en plein milieu du téléfilm. La cassure de rythme pourrait être dangereuse, elle se révèle salutaire, comme une petite bouffée d'oxygène. Jusque-là on avait été maintenu au cœur de l'intrigue. De temps en temps, une petite fenêtre comique ou incongrue aère un peu le récit.

Et pour finir, mes aïeux, quel final ! Le piège que tend Falk avec l'aide d'Avery est totalement inattendu et imparable : superbe échec et mat, un des tout meilleurs coups de théâtre de la série, assurément ! Je vous défie de le voir venir.

Un chef-d'œuvre. Beaucoup d'éléments qui font de cet épisode un de mes favoris. Un coup sûr.

À noter que, à la réalisation, Gazzara maîtrise son sujet et ses acteurs avec brio.

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Crédits photo : Universal Pictures.

Images capturées par Sébastien Raymond.