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UN TRAÎTRE À ZEBRA

(TRAITOR IN ZEBRA)

Tournage : novembre 1962

Diffusion : ITV, 08 décembre 1962 – 13ème Rue, 12 février 1998

Scénario : John Gilbert

Réalisation : Richmond Harding John Sharp (Rankin), Richard Leech (Franks), Noel Coleman (Nash), Jack Stewart (Thorne), Ian Shand (Mellors), William Gaunt (Graham), June Murphy (Maggie), Katy Wild (Linda), Danvers Walker (Crane), Richard Pescud (Escorting Officer), Michael Browning (Wardroom Steward).

Résumé

Étant accusé de haute trahison, un sous-lieutenant est incarcéré à la base navale de Zebra. Steed et Cathy doivent mettre fin aux agissements d'un groupe visant la mise hors d’état de nuire de la base.


CRITIQUES


Estuaire44 7 octobre 2007

Un traître à Zébra apparaît comme un épisode à double détente, comportant des éléments très novateurs sous une apparence de récit d’espionnage tout à fait classique.

Cet aspect archi-rebattu de l’espionnite directement issue de la Guerre Froide des années cinquante s’impose au premier abord. En effet on y retrouve les ingrédients les plus éculés du genre : projet top secret, traître, agent de l’Est fourbe et cruel, personnage secondaire découvrant la vérité avant d’être abattu etc. Nonobstant son manque d’originalité, cette partie de l’intrigue se révèle rondement menée et efficace, même si le suspense s’évente rapidement.

Même si l'on connut Harding plus inspiré, sa mise en scène soutient efficacement le récit, grâce à une caméra agréablement mobile et à des angles de vue exposant au mieux l’action en cours. Le clou du spectacle demeure l’ébouriffante scène finale, où la toujours brillante musique de Dankworth, jointe à la dextérité du réalisateur et au jeu très expressif de Richard Leech, produit un suspense haletant, rarement atteint dans une saison 2 se caractérisant par des conclusions ponctuées de fusillades passablement ridicules. De plus, la mise en scène se voit agrémentée de scènes extérieures plus nombreuses et de meilleure qualité d’image que de coutume.

Les décors paraissent très réussis, même si le manque de moyens de cette époque ne permet de réellement développer que les principaux (salle de commande, pub ou billard). Le reste demeure plus schématique mais toujours évocateur. Outre son final hitchcockien, la musique recèle d’autres heureuses créations, comme la joyeuse mélodie accompagnant l’arrivée de Steed dans sa rutilante voiture.

La plupart des personnages secondaires s’insèrent à merveille dans les canons du récit d’espionnage traditionnel. Ainsi chaque standard du genre répond présent à l’appel, comme le traître de théâtre ou l’ennemi venu du froid, menaçant et machiavélique à souhait (époustouflant Leech). Dans le rôle trop balisé du bon camarade curieux promis au trépas, William Gaunt n’a guère l’occasion de mettre en valeur son talent, d’autant que le futur protagoniste des Champions semble encore peu assuré, apparaissant comme un acteur toujours en devenir. Le panorama se voit complété par un savant enthousiaste et un commandant pénétré de sa mission, d’ailleurs brillamment campés par leurs interprètes. Décidément rien ne manque au tableau, même les jeunes femmes, idéalistes ou vénales, manipulées par des hommes sans scrupules.

Or, un trublion surgit dans ce récit convenu, venant ponctuellement y apporter une tonalité beaucoup plus Avengers : le peintre Rankin. En effet, la technique farfelue qu’il utilise pour faire parvenir ses informations (à dos de petit chien) dénote une fantaisie beaucoup plus proche de la série telle que nous la connaîtrons ultérieurement. Le talentueux John Sharp, par son physique imposant et sa tenue vestimentaire détonnant dans ce milieu, renforce cette sensation d’un personnage à part, venant apporter un peu d'originalité à une histoire en ayant bien besoin.

Cette ouverture, encore timide, sur les périodes suivantes de la série, se voit encore davantage illustrée par les personnages principaux.

Steed apparaît ainsi singulièrement proche du personnage définitif. Nous le voyons d’ailleurs faire une première apparition très réjouissante au volant d’une vénérable voiture anglaise, préfigurant la légendaire Bentley, alors qu’il n’avait conduit jusqu’ici que des voitures modernes. Surtout, on apprécie vivement de le voir montrer pleinement son humour, son charme et sa vivacité. Steed s’amuse visiblement beaucoup en interprétant sa couverture, son enthousiasme étant superbement communiqué au spectateur par un brillant Macnee, lui-même très en verve face à ce personnage dont le début d’évolution lui convient à merveille. La personnalité spirituelle et dynamique de Steed crépite particulièrement en contraste avec le milieu militaire où celui-ci évolue, pour le plus grand plaisir du spectateur ! Son côté sombre est, lui, mis en valeur dans une tonalité très rude, plus en phase avec cette saison, dans une scène finale où il utilise des procédés que n’aurait pas reniés Jack Bauer quelques décennies plus tard !

Honor Blackman parvient également à affirmer son personnage dans la grisaille ambiante de la Base Zebra. Nous observons d’ailleurs Cathy Gale montrer des talents de chimiste de haut niveau, avec la plus parfaite aisance, ce qui achève de la faire basculer dans un absurde réjouissant, d’une façon rappelant irrésistiblement Emma Peel ! C’est avec conviction qu’elle campe également une forte femme, n’hésitant pas à répliquer à son partenaire quand celui-ci se hasarde à une plaisanterie machiste. Contrastant nettement avec les stéréotypes féminins des récits d’espionnage, beaucoup plus indépendante et affirmée que les demoiselles de l’épisode, elle contribue ainsi à illustrer une facette originale de cet épisode plus audacieux qu’il n’y parait.

Mais, au-delà de cette tonalité préfigurant le devenir de la série aux détours de quelques scènes, l’épisode acquiert toute sa dimension par la vue en coupe qu’il propose de la société provinciale britannique à l’orée des années 60. Nous découvrons de la sorte un quotidien morose, corseté dans un moralisme hypocrite et ancré dans une routine à la limite du sinistre. La jeunesse ne parvient à s’y rêver un avenir qu’à la lumière du lointain Swinging London où la révolution des Sixties a déjà débuté sans encore pénétrer la profondeur du pays. L’épisode fait bien ressentir comme ce monde crépusculaire touche à sa fin, tout comme la Guerre Froide ayant inspiré le récit s’apprête à s’effacer au profit de la Détente. Ce beau portrait, sans effet démonstratif et développé en touches bien senties, achève de conférer son réel intérêt à un épisode ne se limitant décidemment pas à son sujet originel.

EN BREF : À un récit d’espionnage classique mais efficace, vient s’agréger un stimulant début de tonalité "Avengers", agrémenté d’un regard sans concessions sur la Grande-Bretagne provinciale de ce temps.


VIDÉO


Une partie de billard avec un futur champion !


INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES


Tournage


Continuité

o Le mouvement de la caméra présente un léger à-coup (25’44’’).

o Un homme, ressemblant fort à Patrick Macnee, passe dans le décor (46’32’’) :

o Il est étonnant qu’un paramétrage aussi complexe puisse se traduire par quelques chiffres !

o Comment Franks peut-il parvenir aussi facilement à accéder à la salle de commandes quand il vient y installer la bombe ?

o Lors de la scène finale Steed prend de grands risques car, à cette distance, lui aussi aurait été soufflé par l’explosion !


Détails

o On peut voir que le blason de la base est effectivement un zèbre !

o La vénérable voiture conduite par Steed est une Laguna des années 30. Cette firme, fondée dès 1906, reste comme une pionnière de l’automobile anglaise. Elle connaît son apogée durant les Années Folles, des difficultés financières provoquant son rachat en 1935. Son designer devient alors W.O. Bentley, ce qui prouve que Steed a de la constance dans ses goûts ! En 1947 la marque fusionne avec Aston Martin, créant ainsi un lien supplémentaire entre le Monde des Avengers et celui de James Bond.

o Swansea n’est pas la petite ville sinistre montrée par l’épisode, mais la deuxième ville du Pays de Galles, derrière Cardiff. Ses nombreux attraits lui valent d’ailleurs une intense activité touristique !

o Un roman intitulé Ice Station Zebra, écrit en 1963 par Alistair MacLean, reprend un thème assez similaire à celui de l’épisode, mêlant satellites, repérages de missiles, base isolée, sabotage etc. Un film à succès en a été tiré en 1968 (Destination Zebra en français), l’agent anglais y résolvant l’affaire n’y est autre que Patrick McGoohan, dans un rôle très proche de John Drake.

o Laser : Le modèle théorique du Laser – pour simplifier : un faisceau de lumière concentrée – a été établi dès 1917 par Einstein, mais sa concrétisation a lieu en 1960. Selon la méthode exposée dans l’épisode, le physicien américain Théodore Maiman utilise un cristal de rubis pour obtenir le rayon, en y focalisant la lumière au moyen de miroirs réfléchissants. Les premières mesures de distance par Laser et ondes électromagnétiques (système LIDAR) précèdent de peu l’épisode, puisqu’elles se déroulent aux États-Unis en mai 1962, le satellite visé étant alors... la Lune ! La technique alors révolutionnaire du Laser fera une nouvelle apparition remarquée dans Goldfinger (1964) illustrant cette fois l’aspect tranchant de ce phénomène. Toutefois la généralisation industrielle et militaire du Laser devra attendre la fin des années 70.

Acteurs - Actrices

o John Sharp (1920-1992) a également participé aux épisodes Le village de la mort (saison 5) et Bizarre (saison 6). Il a été vu dans de nombreuses séries de l’époque, dont Le Prisonnier, Z Cars… Son rôle le plus populaire demeure celui d’Ezra Biggins dans la série All creatures, great and small (1978-1990). Au cinéma il a notamment joué dans Barry Lindon (1975) et Jabberwocky (1977).

o Richard Leech (1922-2004) a joué dans trois autres épisodes : Balles costumées (saison 3), Mission très improbable (saison 5) et Visages (Saison 7, TNA). Médecin et auteur régulier dans la revue internationale World Medecine avant de faire ses débuts de comédien, il se spécialisera dans les rôles de docteur ou de militaires durant une brillante carrière s’étendant sur un demi-siècle. Il a connu une véritable notoriété tant au cinéma (Young Winston, 1977 ; Gandhi, 1982) qu’à la télévision (Destination Danger, Le Saint, Dr Who…). Alec Guiness est le parrain de l’un de ses enfants.

o William Gaunt (1937) a participé à plusieurs séries anglaises des années 60 ( Z Cars, Sergent Cork, Edgar Wallace Mysteries…) mais reste bien entendu dans les mémoires pour son rôle de Richard Barett dans Les Champions (1968-1969). Par la suite il refit quelques apparitions dans d’autres séries (Dr Who), mais surtout dans des Soaps tels que No place like home (1983-1987) ou Next of Kin (1995-1996). Formé à la Royal Academy of Dramatic Arts, il mène parallèlement une brillante carrière au théâtre qui le conduira à intégrer la prestigieuse Royal Shakespeare Company en 2007, où il partage l’affiche du Roi Lear et de La Mouette avec Sir Ian Mc Kellen. Alors qu’il avait partagé les bancs de la Moravian School avec Diana Rigg, il retrouve celle-ci sur les planches, dans Humble Boy en 2001, au National Theatre.

À noter que…

o Après l’Irlande (Mort en vol) et avant l’Écosse (Le fantôme du château De’Ath, saison 4) voici le Pays de Galles : les Avengers auront parcouru toutes les contrées des Îles Britanniques !

o Steed rejouera les militaires dans les délirantes premières scène des Espions font le service (saison 4), à ce moment la fantaisie et l’humour étant devenus beaucoup plus présents dans la série.

o On découvre également une description de l’armée britannique nettement moins acerbe qu’elle ne le deviendra par la suite

o John Gilbert : L’écriture de l’épisode est le seul travail référencé de cet auteur ! S'agirait-il d'un pseudonyme ?

o Richmond Harding (1923) a réalisé en tout sept épisodes, exclusivement au cours cette saison 2. Mort en vol a du être son coup d’essai, car il de montrera souvent plus inspiré ! (Mr Nounours, Mauritius Penny, Un traître à Zebra, L’argile immortelle, La naine blanche et Six mains sur la table). Même si sa mise en scène restera toujours de facture classique, ces épisodes comptent souvent parmi les meilleurs de la saison !

Fiche de Un traitre à Zebra des sites étrangers :

En anglais

http://theavengers.tv/forever/gale1-11.htm
http://www.dissolute.com.au/avweb/season2/211.html
http://deadline.theavengers.tv/GaleS1-11-TraitorInZebra.htm

En flamand

http://home.scarlet.be/~pvandew1/avengers/gale12.htm